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Commission des affaires étrangères

Séance du 9 décembre 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Audition de Mme Fehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan

La séance est ouverte à neuf heures trente.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'auditionner ce matin Mme Fehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan, accompagnée d'une délégation parlementaire bipartisane.

Madame la présidente, je vous souhaite la bienvenue. Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de notre commission.

Si votre famille est impliquée depuis plusieurs générations dans la vie politique du Sindh, c'est à l'Assemblée nationale de l'État fédéral que vous êtes députée depuis 1997, en tant que membre du Parti du peuple pakistanais (PPP), le parti de Benazir Bhutto, dont vous étiez proche. Vous avez été élue présidente de l'Assemblée nationale le 19 mars 2008 ; le choix d'une femme constituait une première, non seulement dans votre pays mais dans l'ensemble du monde musulman.

Votre présence nous donne l'occasion de recueillir auprès de vous des nouvelles de votre pays, dont la situation, vue de Paris, paraît difficile et assez inquiétante. Le plus préoccupant est, cet automne, la multiplication des attentats dans les grandes villes, malgré les initiatives prises par l'armée depuis le début de l'année.

La situation économique est elle aussi assez grave, en dépit de l'aide du FMI et du soutien de la communauté internationale qui, en avril dernier, s'est engagée à verser à votre pays une assistance financière de près de 6 milliards de dollars.

Nous souhaiterions entendre votre analyse de la situation et savoir quelles sont, à vos yeux, les actions qu'il conviendrait de mener en priorité. Après vous avoir écoutée, nous vous poserons, si vous le voulez bien, quelques questions.

PermalienFehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan

Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je reconnais les visages de certains, venus au Pakistan et avec lesquels j'avais eu une rencontre fructueuse. Je remercie le président Bernard Accoyer de m'avoir invitée, accompagnée d'une délégation composée de membres de la majorité et de l'opposition. J'ai eu avec lui des contacts très positifs hier. Merci à vous tous de votre hospitalité.

C'est ma première visite officielle hors d'Asie. C'est dire l'importance que le Parlement pakistanais attache à l'Assemblée nationale française. Les relations entre la France et le Pakistan sont fondées sur le respect mutuel et la bonne volonté. La France a considérablement aidé mon pays sur le plan militaire ainsi que par le biais des « Amis du Pakistan démocratique ». Nous remercions également la France du grand soutien qu'elle nous apporte pour venir en aide aux personnes déplacées à l'intérieur du pays en raison de la guerre que nous menons contre le terrorisme. Le but de ma visite est de renforcer encore cette relation entre nos deux pays et de multiplier les contacts informels et individuels. Je pense en effet que les parlementaires, qui représentent la population, peuvent nouer des liens débouchant sur des possibilités multiples de coopération.

Le Pakistan a renoué avec la démocratie avec les élections de février 2008. Je suis reconnaissante à votre pays de l'aide qu'il nous a apportée dans ce processus, au cours duquel nous avons dû déplorer la perte de la grande Benazir Bhutto. Désormais, les principaux partis politiques du pays ont des représentants à l'Assemblée nationale. Nous avons un Parlement progressiste, et qui est l'institution souveraine et suprême du pays. Le Premier ministre a bénéficié d'un vote de confiance unanime. Pour ma part, j'ai été élue à une majorité des deux tiers. Jusqu'à présent, le Parlement a adopté vingt-trois résolutions, dont une, à l'unanimité, sur la guerre contre le terrorisme. Il était très important que ce texte fasse l'objet d'un consensus. Toutes les questions importantes sont discutées par le Parlement.

Le Gouvernement a hérité d'un grand nombre de problèmes à résoudre : non seulement le terrorisme, mais aussi la pauvreté, le chômage, le déficit énergétique… Pour prévenir le terrorisme, il faut agir dans le domaine social, en particulier en matière d'éducation et de santé. Pour cela, nous avons vraiment besoin de votre aide.

En tant que présidente de l'Assemblée nationale de mon pays, je dois avoir une position non partisane ; mais je suis venue vous dire que nous sommes déterminés à gagner le combat contre le terrorisme. Ce n'est pas seulement de nous qu'il s'agit : nous luttons pour la stabilité de la région et pour la paix dans le monde. En attendant la visite de M. Sarkozy l'an prochain au Pakistan, je vous demande votre soutien car nous devons impérativement associer nos forces pour relever ce défi.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Merci, madame la présidente. Avant d'inviter mes collègues à vous poser leurs questions, je vais moi-même en formuler une. Vous dites être venue chercher le soutien de la France, mais sous quelles formes attendez-vous ce soutien ?

PermalienPhoto de Martine Aurillac

Madame la présidente, nous avons été très heureux de vous écouter.

Nous savons que l'armée du Pakistan est bien formée, compétente, très nationaliste. Est-elle totalement loyale envers le président ?

PermalienPhoto de Jean-Christophe Cambadélis

Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est de l'offensive lancée au Waziristan et de la situation dans cette partie de votre pays ?

PermalienPhoto de François Rochebloine

Le Gouvernement pakistanais tente de faire vivre les valeurs à portée universelle que sont les droits de l'homme et les principes de la démocratie dans une société empreinte d'une riche culture nationale, dans laquelle la tradition religieuse musulmane occupe une place prépondérante. Comment cet effort va-t-il se poursuivre, au moment où dans plusieurs pays de la région, le prétexte religieux, qu'il faut distinguer de l'expression d'une foi éminemment respectable, sert des projets politiques contraires à ces valeurs et principes ? Quelles sont les mesures prises ou en voie de l'être pour défendre la liberté de conscience et de culte, menacée par certains groupes extrémistes ?

PermalienPhoto de Henri Plagnol

Il y a environ un an, à l'occasion d'une mission sur l'Afghanistan, M. Glavany et moi-même avions eu le privilège, madame la présidente, d'être reçus par vous. Nous avions pu mesurer à quel point vous étiez le symbole de la renaissance de la démocratie, et aussi le symbole de la lutte pour les droits des femmes.

Ma première question concerne la solidité de la démocratie au Pakistan. Vous avez évoqué le prix très lourd que paie votre pays dans la lutte contre le terrorisme. Nous savons les tensions qui existent entre la Cour suprême et le président Zardari. Pensez-vous qu'aujourd'hui, l'opinion publique pakistanaise continue de soutenir la primauté du pouvoir civil que vous incarnez à la tête de l'Assemblée nationale ? Sentez-vous une tentation de rejet de ce qui est vécu comme l'importation d'un modèle occidental, et un risque de retour des militaires au pouvoir ? Pour enraciner la démocratie, que peut-on faire pour promouvoir l'instruction des filles ?

Je souhaiterais par ailleurs vous interroger sur l'Afghanistan, après la réélection du président Karzaï dans des conditions contestées. M. Glavany et moi-même avions suggéré dans notre rapport l'organisation d'une conférence internationale, parrainée par les membres permanents du Conseil de sécurité, avec toutes les puissances régionales au premier rang desquelles le Pakistan, afin de garantir la neutralité, l'indépendance et la stabilité de l'Afghanistan. Pensez-vous qu'il soit aujourd'hui possible d'avancer dans cette direction – ce qui passerait par un apaisement des relations entre votre pays et l'Inde ?

PermalienPhoto de Jean Glavany

Madame la présidente, le combat que vous menez contre le terrorisme nous conduit nécessairement à évoquer l'Afghanistan. La fameuse « profondeur stratégique » défendue par l'armée pakistanaise, qui refuse d'être prise en étau entre, à l'Est, l'Inde, son adversaire historique, et à l'Ouest l'Afghanistan, continue-t-elle à être la conception dominante chez les militaires ?

On entend beaucoup à Kaboul, notamment à propos de l'action de vos services secrets, que l'on combat surtout les talibans pakistanais, les talibans afghans bénéficiant de plus d'indulgence. Qu'en pensez-vous ?

PermalienFehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan

Le soutien que j'attends du Parlement français est un soutien à notre démocratie, à notre Parlement. Sans la confiance et l'appui de la population pakistanaise, nous ne pourrons pas remporter le combat contre le terrorisme. Nous voulons également utiliser la voie de la diplomatie parlementaire car les parlementaires représentent les peuples.

L'Assemblée nationale pakistanaise compte 22,7 % de femmes. J'ai constitué pour elles une tribune informelle, un « caucus » parlementaire des femmes, quelle que soit leur appartenance politique. C'est un groupe très actif, qui a pu parvenir à un consensus sur un certain nombre de sujets. Fin octobre, nous avions prévu d'associer à nos travaux des députées d'Afghanistan, d'Inde, du Bangladesh, mais en raison de la nouvelle vague d'attaques terroristes, nous avons dû reporter cet événement. Des députées afghanes sont néanmoins venues au Pakistan et m'ont dit être très favorables à cette idée d'action au niveau régional.

S'agissant des actions à mener, il serait important, au-delà de la sphère militaire, de développer la formation des forces de l'ordre, premières concernées par la violence qui s'exerce dans les villes. Il faut aussi informer et sensibiliser, encore et toujours.

Nous avons besoin de votre aide pour lutter contre le terrorisme, mais aussi pour mettre au jour ses causes profondes et y apporter des solutions. Un régime de dictature encourage souvent le développement de l'extrémisme religieux. L'éducation et la santé doivent redevenir nos priorités, ainsi que la lutte contre la pauvreté et le chômage. L'égalité hommes-femmes et l'éducation des filles sont également des sujets très importants. Pour tout cela, nous avons besoin de votre soutien.

Vous avez parlé de la loyauté de l'armée. La population pakistanaise connaît le problème. Le président, élu démocratiquement, conformément à la Constitution, a le soutien des députés et de la population. Certains articles publiés ici dans la presse ont suscité un grand étonnement. Tout cela n'est pas bon pour la démocratie au Pakistan. Concernant la Cour suprême, je ne peux pas faire de commentaire, mais la Constitution accorde une immunité au président. Une loi sur la réconciliation nationale a été adoptée par le Parlement – dont la souveraineté et la suprématie sont établies. Aujourd'hui le Parlement est très fort, il comporte une opposition très active. Dans le cadre de la politique de réconciliation, tous les grands partis politiques sont représentés au gouvernement fédéral et dans ceux des provinces. Il y a par exemple un gouvernement de coalition au Baloutchistan.

Le peuple pakistanais place beaucoup d'espoir dans ce Parlement. Étant la première femme à présider un Parlement dans le monde musulman, j'ai le sentiment d'être le visage de l'Islam et d'avoir une lourde responsabilité à porter. Je crois pouvoir jouer un rôle important tant au niveau régional que dans l'ensemble du monde musulman.

Une conférence internationale est une excellente idée. Si le Parlement du Pakistan peut jouer un rôle dans son organisation, j'en serai très heureuse. L'idéal serait qu'elle ait lieu au Pakistan.

J'invite les représentants de vos commissions permanentes à venir plus souvent au Pakistan et je souhaite que nos parlementaires vous rendent également visite régulièrement. J'aspire profondément au développement des relations entre les députés de nos deux pays.

PermalienAkhunzada Chitan, déput

Bonjour et merci pour votre accueil. Membre du PPP depuis 1979, j'appartiens à un mouvement de pensée progressiste. Je viens de la région de Bajaur du FATA (Régions tribales fédéralement administrées). Certains membres de ma famille très proche ont été touchés directement par les attaques terroristes. J'ai été moi-même trois fois victime d'attentats, auxquels j'ai heureusement survécu. Le contexte actuel nous oblige à des précautions de sécurité maximales dans tous nos déplacements.

A une époque, les bailleurs de fonds investissaient dans l'éducation et la santé. Puis certains d'entre eux ont pensé qu'il valait mieux financer des mouvements politiques, auxquels nous devons faire face aujourd'hui.

Nous sommes évidemment tout à fait prêts à établir des relations pacifiques avec nos voisins, en particulier avec l'Inde. Malheureusement, actuellement l'Inde se refuse à négocier sur les dossiers qui nous opposent.

Dans notre guerre contre un terrorisme qui ignore les frontières, nous avons vu l'implication de ressortissants tchétchènes ou de personnes venant du Royaume-Uni. Ils n'ont jamais été tenus pour responsables de leurs actes et pourtant, ils sont coupables comme d'autres.

Nous avons des différends de longue date avec certains de nos voisins. Nous aimerions surmonter ces difficultés mais elles existent. L'un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés est celui des ressources hydriques. À maintes reprises, nous avons essayé d'ouvrir des négociations avec l'Inde sur cette question, sur laquelle nous aimerions que les pays amis nous viennent en aide.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Merci pour ces précisions. Nous abordons une deuxième série de questions.

PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, le terreau propice au développement du terrorisme est souvent la misère. Or de même que dans nos pays occidentaux l'investissement en matière de santé va davantage aux soins qu'à la prévention, on a tendance à combattre le terrorisme par des moyens militaires plutôt que de s'attaquer à ses causes afin de l'empêcher de prospérer. Vous avez évoqué vos attentes en la matière, mais pourriez-vous préciser ce que nous pourrions vous apporter ?

Par ailleurs, quel est votre regard sur le sommet de Copenhague ?

Enfin, comment voyez-vous les prochaines discussions aux Nations unies sur le réexamen du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) ?

PermalienPhoto de Michel Terrot

Merci, madame la présidente, pour la clarté de votre exposé et la franchise de vos réponses. Je voudrais prolonger la question de M. Rochebloine sur la liberté de conscience.

J'ai lu dans les dépêches que le président du Congrès chrétien du Pakistan (CCP), le docteur Nazir Bhatti, avait exprimé sa surprise après la déclaration des représentants pakistanais au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Ces derniers se sont dits préoccupés par le vote suisse interdisant la construction de minarets sur les mosquées, alors qu'au Pakistan, des directives gouvernementales strictes interdisent la construction de nouvelles églises dans un rayon de 200 mètres d'une mosquée existante et l'utilisation de haut-parleurs, et par ailleurs les processions du Christ Roi et d'autres rituels extérieurs sont interdits dans les lieux publics. Une réflexion a-t-elle été engagée, notamment au sein de l'Assemblée nationale du Pakistan, sur l'éventuelle levée de ces restrictions ?

PermalienPhoto de Lionnel Luca

Je veux moi aussi saluer votre courage, vous tous qui êtes confrontés au terrorisme international et qui vous comportez en héros de la démocratie et de la lutte contre le fanatisme. C'est un grand honneur pour nous de vous accueillir.

De plus en plus, votre grand pays va jouer un rôle décisif au coeur de l'Asie. Vous avez deux grands voisins, la Chine et l'Inde. Pouvez-vous nous éclairer sur vos rapports actuels avec l'un et avec l'autre ?

PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Madame la présidente, votre pays est à l'épicentre du terrorisme. Indépendamment du terreau qui en permet le développement, quels sont à votre avis ses sources et ses soutiens les plus évidents ?

Dans la lutte contre le terrorisme, quels sont les meilleurs alliés du Pakistan ?

Nous sommes très heureux d'accueillir la première femme présidente d'une assemblée parlementaire de pays musulman. En quoi pensez-vous que ce statut puisse vous aider à faire évoluer la politique dans le monde musulman ?

PermalienPhoto de François Asensi

Pourriez-vous nous dire quelle est votre position de principe sur le Cachemire, ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas ? Quel est l'état de vos relations avec l'Inde sur ce thème ?

PermalienPhoto de Dino Cinieri

Alors que les combats font rage dans le Sud de l'Afghanistan, craignez-vous un repli des forces talibanes à l'intérieur de vos frontières ? Comment jugez-vous l'effet de contagion dans votre pays, constaté notamment dans le Sud-Waziristan et, il y a quelques jours, avec l'attentat perpétré à Rawalpindi, proche de la capitale ?

PermalienPhoto de Jacques Myard

Il y a douze millions de Pachtounes en Afghanistan et, selon les estimations, trente au Pakistan. Si les combats s'intensifient en Afghanistan, le risque de prolifération militaire au Pakistan est évident. Y a-t-il selon vous une solution militaire à la situation en Afghanistan ?

Votre pays, ainsi que l'Inde, Israël, la Corée du Nord, auxquels s'ajoutera peut-être bientôt l'Iran, sont en marge du Traité de non-prolifération – qui va être rénové en 2010. Dans une étude sur les armes de destruction massive, M. Jean-Michel Boucheron et moi-même avons émis l'idée que la rénovation du TNP comprenne la reconnaissance que ces pays sont des puissances nucléaires. Votre pays envisagerait-il, s'il est effectivement reconnu comme puissance nucléaire à part entière, avec les obligations y afférentes, d'être partie au TNP ?

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Madame la présidente, nous sommes heureux qu'un pays comme le vôtre ait choisi une femme pour présider son Assemblée nationale. Pour mener les affaires d'un pays ou celles du monde, les hommes et les femmes sont complémentaires – comme dans la vie privée. J'observe d'ailleurs que votre assemblée compte 22 % de femmes, alors que la nôtre n'en compte que 18 %.

Puisque vous avez parlé de diplomatie parlementaire, je voudrais évoquer le problème très important, que j'ai eu l'occasion d'aborder avec des parlementaires femmes arabes en Jordanie, de la condition des femmes – notamment en Afghanistan. Des rencontres de femmes parlementaires du monde entier permettraient sans doute de faire progresser l'éducation des filles et la lutte contre l'asservissement de la femme.

Quelle réaction le positionnement du président Obama sur l'Afghanistan vous inspire-t-il ?

PermalienPhoto de Jean-Paul Dupré

Quel est le rôle joué par les autres pays de la zone – Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan ?

PermalienFehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour vos encouragements.

Je répondrai d'abord sur la liberté religieuse. Cette liberté est totale. Elle est inscrite dans notre Constitution. Aujourd'hui, douze membres des minorités siègent au Parlement. Un ministre chrétien s'occupe de ces questions et joue un rôle très actif. Contrairement à ce que l'un d'entre vous a dit, il n'y a aucune interdiction visant la construction d'églises. En ce qui concerne l'utilisation de haut-parleurs, il existe un encadrement par la loi, visant surtout les appels à la prière du vendredi lancés par les mosquées. La décision de la Cour suprême annoncée récemment a créé un peu de confusion dans le monde arabe et dans les médias, mais soyez bien convaincus que la liberté religieuse est totale et respectée.

J'en viens aux causes profondes du terrorisme. L'intervention de l'Union soviétique en Afghanistan a eu pour conséquence l'arrivée de trois millions de réfugiés afghans dans notre pays, et cela sans que la communauté internationale n'apporte aucun soutien ; la secrétaire d'État américaine, Mme Hillary Clinton, a reconnu que cela avait été une erreur. Par ailleurs, le processus démocratique a déraillé à certaines époques, et l'établissement de dictatures, qui ont reçu le plein appui de la communauté internationale, a conduit au choix de priorités politiques qui n'étaient plus l'éducation et les besoins sociaux. Enfin, il faut citer les conflits régionaux qui ne sont pas réglés, par exemple la question du Cachemire, qu'il va falloir résoudre.

En Afghanistan, nous devons avoir pour objectif la restauration de l'ordre et de la paix. Il faut davantage de partage de renseignements, de coopération militaire.

Pour la première fois, notre nation dans son ensemble est impliquée dans cette lutte contre le terrorisme. Mais je le répète, il va falloir s'attaquer aux causes du terrorisme, la pauvreté, le chômage, la situation des femmes. Nous avons également besoin d'une coopération beaucoup plus forte dans le domaine économique, dans celui de l'énergie. Nos organisations commerciales doivent nouer des liens beaucoup plus étroits. Vous avez également un rôle très important à jouer au niveau de l'Union européenne. Vous pourriez en particulier nous aider à obtenir un statut préférentiel pour nos exportations. Nous avons également besoin de plus d'investissements étrangers.

En ce qui concerne la conférence de Copenhague, le Pakistan ne se considère pas comme l'un des pays responsables du changement climatique mais nous souhaitons soutenir les efforts internationaux en ce domaine. Nous avons créé une commission permanente sur l'environnement qui se penche sur ces questions. Notre Premier ministre va se rendre à Copenhague pour participer à la conférence.

Nous aimerions avoir des relations de bon voisinage avec l'Inde, la Chine, l'Afghanistan. Nous ne pouvons pas nous permettre d'ouvrir d'autres fronts que celui de la lutte contre le terrorisme, dont nous sommes les principales victimes ; nous souhaitons que tous nos voisins s'impliquent dans cette lutte et pour la paix en Afghanistan.

Quels sont nos meilleurs alliés ? Ce sont ceux qui soutiennent le processus démocratique. La France a joué un rôle très important au niveau de l'Union européenne pour soutenir le retour de la démocratie. Nous pensons que l'Union européenne continuera à être à nos côtés. Le Président Obama et Mme Hillary Clinton ont également pris des engagements. Nous travaillerons à lever les réserves qui peuvent subsister.

La solution militaire ne peut évidemment suffire. Il va falloir agir concrètement sur le terrain, notamment dans la région de Peshawar et dans la vallée de Swat. Il faut ouvrir des écoles, investir dans la santé, créer des emplois pour la population locale car la situation actuelle, qui crée de la frustration, est un terreau fertile pour l'intolérance et le terrorisme.

Nous sommes tout à fait en accord avec le Traité sur la non-prolifération. Nous souhaitons être reconnus comme une puissance nucléaire. En ce qui concerne la signature de ce traité, en tant que présidente de l'Assemblée nationale je ne peux pas prendre position. Une résolution des Nations Unies a déjà été votée. J'imagine qu'au sein de mon pays il existe un consensus contre la prolifération nucléaire.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Nous prenons acte que vous ne pouvez pas nous en dire plus sur ce sujet. En revanche, pourriez-vous être un peu plus précise à propos de l'état des relations entre le Pakistan et l'Inde ?

PermalienFehmida Mirza, présidente de l'Assemblée nationale de la République islamique du Pakistan

Comme je vous le disais, nous souhaitons établir de bonnes relations avec nos voisins, et en particulier avec l'Inde. Elle a été victime de l'attentat terroriste de Bombay, mais nous-mêmes sommes victimes du terrorisme tous les jours. Notre population souffre, les attentats font chez nous des dizaines et des dizaines de morts. Nous souhaitons partager le plus possible de renseignements avec l'Inde et nous sollicitons son aide dans cette guerre contre le terrorisme. Au lieu de se jeter la pierre, il faut se mettre à la table des négociations et ouvrir le dialogue. C'est également ce que nous devons faire pour résoudre le problème du Cachemire.

PermalienBushra Gohar, députée

Bonjour à tous. Je voudrais remercier la France pour son soutien indéfectible au processus démocratique. Nous aimerions que d'autres pays occidentaux suivent la même voie et retirent leur soutien aux forces non démocratiques. Nous sommes passés de la dictature à une démocratie qui est encore dans la phase de transition. Sur le sujet de la « profondeur stratégique » comme sur le Cachemire, les forces démocratiques veulent prendre une nouvelle orientation ; mais pour cela, nous avons besoin de soutiens. Je représente la population pachtoune du Pakistan, qui a été prise en otage par les forces terroristes ; les Pachtounes ne sont pas des terroristes, en dépit de ce que l'on entend à travers le monde : nous sommes les otages du terrorisme et des politiques erronées qui ont été menées par le passé et qu'il faut changer. Des luttes de pouvoir ont toujours lieu actuellement au Pakistan, et nous essayons de faire en sorte que le Parlement joue tout son rôle. Nous allons tenter d'amender notre Constitution pour établir une division très claire des pouvoirs pour donner plus d'autonomie à nos régions. Dans la mienne, des parlementaires régionaux ont perdu la vie dans cette lutte contre le terrorisme.

La question du Cachemire doit être résolue de façon pacifique. Elle est très souvent utilisée comme prétexte par les groupes terroristes pour obtenir le soutien des populations.

Notre pays doit passer de la dictature à un État-providence assurant la paix et la sécurité de ses ressortissants. Mon parti est le seul aujourd'hui à parler de laïcité, que nous voulons construire sur le modèle français. Nous prônons la liberté religieuse et la séparation entre l'État et la religion.

Comme vous le voyez, la situation est difficile, les défis sont nombreux et notre démocratie naissante a besoin de tout votre soutien. Les élections générales que nous avions réussi à organiser le 18 février 2008 s'étaient relativement bien passées ; les choses avancent donc, y compris sur les droits des femmes, mais le chemin est semé d'embûches. Il est nécessaire de revoir notre Constitution et de nous débarrasser de l'héritage des dictatures passées. Encore une fois, nous avons besoin du soutien de la communauté internationale, qui doit se détourner des forces dictatoriales.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Madame la présidente, madame et messieurs les députés, merci pour cet échange particulièrement intéressant. Nous avons bien entendu votre demande de soutien dans différents domaines. Soyez certains que nous suivons de très près l'évolution de la situation dans votre pays.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq.