Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
La Commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a entendu M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'Outre-mer, puis elle a procédé à l'examen pour avis des crédits pour 2009 de la mission Outre-mer sur le rapport de M. Alfred Almont, rapporteur pour avis.
Je suis heureux de recevoir, pour la première fois, M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, et j'espère que notre commission aura l'occasion de l'entendre à nouveau car de nombreux sujets évoqués dans le cadre du Grenelle de l'environnement intéressent directement l'outre-mer.
Certes, les crédits de ce budget ne représentent qu'une faible part de l'effort public pour l'outre-mer, mais ses deux actions, relatives à l'emploi et aux conditions de vie, jouissent incontestablement d'une forte priorité. Dès le début de l'année prochaine, l'Assemblée examinera le PLODEOM, le projet de loi de développement économique de l'outre-mer, que nous souhaitons préparer en lien étroit avec vous ; pouvez-vous nous en préciser le calendrier ?
Je voudrais, pour ma part, évoquer trois sujets importants. Tout d'abord, n'est-il pas hâtif d'envisager le plafonnement des avantages liés à la défiscalisation sans avoir procédé auparavant à des études d'impact ? Je vous rappelle que c'est notre commission, il y a quelques années, qui avait préparé la « détunnellisation » dans les départements d'outre-mer. De même ne faudrait-il pas procéder à une simulation des effets de la réforme des exonérations de charges sociales ? Enfin, la retraite des fonctionnaires qui s'installent outre-mer bénéficie d'importantes bonifications, même s'ils n'y ont pas travaillé. Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale semble apporter quelques solutions sur ce point, n'oublions pas qu'outre-mer, tout nouveau dispositif financier a de lourdes conséquences économiques. Je rappelle que la « détunnellisation » est le fruit du travail d'une mission d'information sur le tourisme en outre-mer, que j'avais moi-même initiée et qui a permis de développer des projets destinés à revigorer l'économie ultramarine et à promouvoir le tourisme. Avant de prendre une mesure spécifique à l'outre-mer, nous devons donc faire preuve de la plus grande prudence.
Ces dernières années ont apporté un certain nombre de rapports, d'audits et d'évaluations. Il est temps de mettre en oeuvre des politiques publiques innovantes et d'adapter nos outils de gestion publique à un monde qui change. L'outre-mer change, lui aussi, et la crise financière nous rappelle à quel point ces changements peuvent être brutaux.
Le projet de budget pour 2009 est la traduction de ces politiques. La mission « Outre-mer » voit ses crédits augmenter, tout comme l'ensemble du budget transversal de l'outre-mer qui passe de 15 à 16,5 milliards d'euros. Cette augmentation, la plus forte depuis bien des années, traduit bien la volonté du Gouvernement d'appuyer sur de réels moyens budgétaires les évolutions politiques et législatives qu'il entend engager. Cette augmentation, accompagnée de la remise à plat de certains de nos outils, traduit notre volonté d'utiliser au mieux ces outils pour atteindre notre objectif : favoriser l'emploi et lutter contre le chômage.
Depuis plusieurs années, l'outre-mer voit son taux de chômage diminuer. Il est aujourd'hui de 20 %, ce qui est deux fois plus élevé qu'en métropole, mais je rappelle qu'il atteignait jusqu'à 35 % il y a quelques années !
Certains secteurs d'activités ont besoin d'être soutenus. C'est notamment le cas du bâtiment et des travaux publics, où les effets de la défiscalisation, après le boom du logement libre, s'épuisent, sans compter, sur certains territoires, l'achèvement des grands chantiers. C'est pourquoi nous vous proposons, dans ce projet de budget, de soutenir ce secteur.
Le projet de budget et le projet de loi de développement économique de l'outre-mer sont deux outils juridiques différents, mais ils relèvent de la même logique politique. La volonté du Gouvernement est d'appuyer le développement économique de l'outre-mer sur les secteurs porteurs, ce qui suppose de sortir d'une logique de saupoudrage pour concentrer les moyens sur les secteurs stratégiques. Pour élaborer le projet de loi de développement économique de l'outre-mer, nous avons interrogé les collectivités concernées, les secteurs prioritaires des Antilles n'étant pas nécessairement les mêmes que ceux de l'Océan Indien.
L'une des mesures essentielles de cette loi programme sera la création des zones franches globales d'activité, au sein desquelles les entreprises des secteurs prioritaires seront largement défiscalisées : la baisse de la taxe professionnelle, de la taxe sur le foncier bâti et de l'impôt sur les sociétés pourra atteindre 50, voire 80 % dans certains cas. Ces mesures permettront aux entreprises « locomotives » d'aller de l'avant, entraînant l'ensemble de l'économie. Il ne s'agit pas seulement de mesures fiscales : la semaine dernière, j'ai initié le premier plan d'aide à l'exportation pour les entreprises d'outre-mer, car nous devons aider nos entreprises à exporter, vers l'Europe mais également dans leur environnement régional. Souvent, il s'agit de marchés en forte croissance comme ceux d'Amérique du Sud et du Nord, ou de l'Océan Indien. C'est le 20 novembre prochain que je présenterai la stratégie complète de croissance pour l'outre-mer, qui comprend un ensemble de mesures porteuses pour l'emploi et l'économie.
Vous me demandez, monsieur le président, de vous informer du calendrier de la loi programme, mais le calendrier législatif évolue sans cesse au gré de la conjoncture, par exemple quand il a fallu procéder à la consolidation de nos systèmes financiers. Il semble que ce projet de loi soit l'un des trois textes prioritaires du début de l'année 2009 : j'espère que nous l'examinerons au mois de janvier, pour que les mesures du projet de loi de finances comme du PLODEOM soient opérationnelles à partir du 1er avril 2009.
La loi-programme, les zones franches globales d'activité, la baisse de la taxe professionnelle, des impôts fonciers et de l'impôt sur les sociétés s'accompagnent dans ce projet de budget d'une progression des dépenses d'exonérations de charges sociales, puisque l'essentiel du milliard d'euros destiné aux entreprises porte sur la compensation de ces baisses de charges. On m'interrogera sans doute sur la dette vis-à-vis de la sécurité sociale. Mais c'est une bonne nouvelle ! C'est le signe que les entreprises ont consommé beaucoup de baisses de charges, donc qu'elles ont beaucoup embauché ! Et si elles ont embauché plus que nous ne l'avions prévu dans le précédent budget, je m'en réjouis, car cette dette traduit la vitalité économique de l'outre-mer. Naturellement, l'État doit payer à la sécurité sociale ce qu'il lui doit dans le cadre de la compensation, mais nous ne pouvons que nous réjouir du grand nombre d'embauches que cette mesure a permis dans les territoires d'outre-mer.
Après une centaine de réunions avec les organisations socioprofessionnelles, à Paris et dans les territoires, nous sommes parvenus, le 26 juin dernier, à un accord, signé par l'ensemble des organisations syndicales, les chambres de commerce et les chambres de métiers, aux termes duquel les baisses de charges seront désormais ciblées sur les bas salaires. C'est ce que nous vous proposons dans ce budget.
Dans les secteurs prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC – le salaire moyen outre-mer étant d'environ 1,4 SMIC ; au-delà, les charges sociales seront rétablies de façon progressive jusqu'à 4,5 SMIC. Certains voudraient que l'on exonère de charges sociales les salaires représentant cinq fois le SMIC, voire plus : ce n'est pas la politique du Gouvernement ! Nous pensons qu'il faut concentrer nos efforts sur les bas salaires, et c'est ce que prévoit l'accord.
Dans les secteurs non prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,4 SMIC ; les charges évolueront progressivement jusqu'à 3,8 SMIC. Au-delà de ce niveau, elles seront rétablies. Cet effort considérable représente 90 % des efforts entrepris dans la loi Girardin de 2003, qui fixait à 1,2 milliard d'euros par an les baisses de charges accordées aux entreprises. Je note que ceux parmi vous qui l'avaient combattue sont les mêmes qui la défendent aujourd'hui avec le plus d'acharnement. A l'époque, ils disaient que la loi précédente était meilleure. On invoque le même argument aujourd'hui, et je ne doute pas que dans quelques années la loi Jégo sera défendue de la même façon… En bref, nous consacrons près d'un milliard d'euros aux baisses de charges des entreprises et nous ciblons notre effort sur les bas salaires. C'est une mesure saine, qui devrait permettre à l'économie outre-mer de se développer. Je rappelle que ces baisses de charges ont fait l'objet de très longues discussions avec les socioprofessionnels et que la négociation a abouti, le 26 juin, à la signature conjointe de toutes les organisations professionnelles, dont la Fédération des entreprises des DOM, les chambres de commerce, la CGPME et le MEDEF. Je comprends que les entreprises souhaitent voir ces baisses de charges étendues aux gros salaires, mais nous ne sommes pas obligés de céder à tous les lobbies. Il me semble qu'il faut fixer une limite aux baisses de charges.
La loi-programme et le projet de budget reflètent un certain équilibre, fruit de longues discussions. Je souhaite qu'il soit maintenu et que les charges présentées dans ce projet de budget soient comprises au regard de la future loi programme, qui instaure notamment les zones franches globales d'activité, le tout formant une politique dynamique au service de l'économie locale.
J'en viens à la question des niches fiscales. On peut en effet se demander si leur plafonnement ne va pas mettre à mal la logique économique des zones franches globales d'activité. Comme vous le savez, outre-mer, les niches fiscales sur l'appareil productif servent à financer la création d'activités – usines ou hôtels – et sont un outil indispensable pour le développement économique. Je vous rappelle que 2 milliards d'investissements provenant des particuliers outre-mer représentent 780 millions de dépenses fiscales pour l'État. Si ce dispositif était amoindri, il faudrait trouver ailleurs les investissements perdus…
Vous souhaitez connaître l'impact du plafonnement des niches fiscales. Après un travail de plusieurs mois avec les services concernés, nous sommes en mesure de l'évaluer : nous devrions pouvoir maintenir le niveau d'investissement des particuliers sans mettre à mal le système, comme le souhaitent les socioprofessionnels. Aujourd'hui, grâce aux niches non plafonnées, une poignée de gros contribuables échappe totalement à l'impôt : le Gouvernement souhaite mettre fin à cette situation. D'ailleurs, c'est en vain que vous chercherez sur le marché des produits de défiscalisation d'outils de production : dès qu'une usine est sur le marché, un cabinet de défiscalisation s'en empare, au profit de quelques grosses fortunes. L'offre n'est donc pas diffusée par les banques et ne peut atteindre le grand public. En plafonnant le dispositif, nous éviterons ce phénomène, tout en conservant la masse des investisseurs nécessaires.
Preuve de cette volonté du Gouvernement, ce budget prévoit 800 millions de dépenses fiscales pour l'investissement productif, contre 500 millions d'euros dans le précédent ! C'est donc bien un dispositif auquel nous croyons et qui continuera à produire des effets, puisque nous budgétons plus de dépenses fiscales. Cette question a fait l'objet d'un long débat notamment en commission des finances. La solution que nous avons choisie permet de moraliser le dispositif tout en conservant son efficacité. Pour cela, nous avons mobilisé le réseau bancaire : il pourra désormais diffuser ces produits de défiscalisation, ce qui n'était pas le cas. Nous coopérons par ailleurs avec les services du ministère des finances pour faciliter les règles de l'appel public à l'épargne. En effet, du fait du plafonnement, il faudra plus souvent réunir plus de cent investisseurs. Or, dans ce cas, l'opération est soumise aux règles de l'appel public à l'épargne, qui sont complexes. Nous voulons qu'elles soient simplifiées, et que s'il faut 120 personnes pour financer une opération, elles puissent le faire dans les meilleures conditions. Nous vous proposerons prochainement des dispositions en ce sens.
J'appelle votre attention sur l'aspect très sain de la défiscalisation non patrimoniale. En effet, celui qui investit dans ces produits retire naturellement un avantage fiscal de son investissement, mais il ne se constitue pas un patrimoine sur le dos du contribuable ! C'est très différent pour celui qui défiscalise son château au titre de la loi Malraux, car il en reste tout de même propriétaire. Ce que nous vous proposons, c'est qu'on puisse investir dans l'économie et dans l'emploi pour en retirer un avantage fiscal raisonnable. C'est un dispositif tout à fait sain. Je souhaite qu'il soit diffusé et je suis convaincu que nous augmenterons considérablement le nombre des personnes concernées. Aujourd'hui, la défiscalisation en outre-mer concerne 40 000 contribuables. Le plafonnement, tel que nous voulons le mettre en place – si les derniers arbitrages le permettent – affectera 1 800 d'entre eux, qui ne pourront plus dépenser autant qu'ils le faisaient jusqu'à présent. Il leur sera toujours possible d'investir, mais avec une limite. Vous le voyez, ce n'est pas l'horreur économique et la mise à mal du système que d'aucuns redoutent ! Si c'était le cas, nous n'aurions pas inscrit au budget 800 millions de dépenses fiscales au lieu de 500.
Il s'agit donc d'un dispositif de moralisation. A ceux qui reprochent au Gouvernement de faire des cadeaux aux riches, je signale que c'est exactement le contraire, et je les invite donc à soutenir une mesure qui restreint les « cadeaux » à ces 1 800 grosses fortunes qui profitaient, quelquefois abusivement, du dispositif.
Ce texte contient un certain nombre de mesures qui anticipent la loi programme : elles portent sur les crédits destinés à l'aide aux intrants et aux extrants, qui viendront compléter le mécanisme européen mis en place au profit des régions ultrapériphériques, et sur les crédits affectés au tourisme. Avec Hervé Novelli, nous tiendrons prochainement les premières assises du tourisme, car nous sommes convaincus que ce secteur très sinistré doit être un moteur de l'économie outre-mer, tout comme le secteur traditionnel de l'agriculture et de la pêche, qu'il convient d'aider, le secteur des nouvelles technologies et celui du développement durable, qui fera l'objet de nombreux investissements. Notre stratégie de croissance repose donc sur ces quatre piliers : faisons de ces secteurs les moteurs de l'activité, de la richesse et de l'emploi des territoires d'outre-mer.
Cette stratégie passe aussi par la rénovation de nos politiques de formation. Je vous proposerai avant la fin de cette année la réforme complète de l'Agence nationale chargée de la formation en mobilité. Cela pose la question de la continuité territoriale. Nous voulons remettre à plat l'utilisation de ses crédits, pour mener une politique dynamique qui soutienne la continuité territoriale en vue de permettre non seulement le lien entre les populations, mais la formation et la mobilité professionnelles, indispensables pour les étudiants ultramarins et les jeunes qui veulent se former. Nous allons ainsi faire passer le service militaire adapté, dès 2009, de 3 000 à 4 000 jeunes. L'effort de l'État doit porter sur les mesures destinées à la formation et au retour à l'emploi, à travers des actions ciblées. Nous préférons une logique de développement économique et d'investissement dans l'économie et l'emploi à une logique de transferts.
Je n'oublie pas le logement social. L'un des effets négatifs de la loi Girardin fut de mettre en panne la construction de logements sociaux dans certains territoires, au profit du logement libre, qui s'est trouvé dynamisé. Cela a certes permis aux entreprises du BTP de connaître un niveau de croissance satisfaisant. Mais celui-ci étant épuisé, nous vous proposons maintenant d'orienter la défiscalisation du logement libre, qui était au coeur de la loi de 2003, vers une défiscalisation du logement intermédiaire et du logement social. Il faut construire 50 000 logements sociaux outre-mer – c'est le nombre des dossiers en attente. Nous espérons pouvoir en construire 6 000 dès l'année prochaine. Dans ce but nous réviserons les paramètres de financement du logement social. J'attends le décret qui permettra de les augmenter de 30 %. Nous vous proposons une ligne budgétaire unique en augmentation sur les trois prochaines années, en accordant au financement du logement social non plus 190 millions d'euros, mais 250 millions d'euros, ce qui fera du logement social l'un des moteurs de l'activité économique.
Beaucoup d'entre vous sont maires : l'État va encourager les conventions d'action foncière avec les communes. Vous connaissez les difficultés qu'on a à mobiliser du foncier. Loger les plus démunis ne signifie pas construire du logement défiscalisé pour aider quelques patrimoines métropolitains, c'est aussi construire les logements attendus. Nous avons évoqué la question avec le député-maire de Fort-de-France : en Martinique, seulement 400 logements sociaux ont été construits l'année dernière. Pour remédier à cette carence, nous devons dynamiser le système.
Agir pour les logements sociaux implique aussi de réduire l'habitat insalubre, encore très présent dans les communes importantes. Nous souhaitons faire un effort en ce sens.
Tels sont les grands axes de ce projet de budget et de la future loi de développement économique de l'outre-mer. Cette nouvelle stratégie de croissance adoptée par le Gouvernement traduit la prise en considération d'une formidable opportunité : dans un monde qui change, les territoires d'outre-mer se trouvent au carrefour de toutes les croissances du monde. La chance de la France et de l'Europe, c'est de posséder des territoires qui sont des plateformes avancées de la mondialisation, aux portes des grands marchés, au carrefour du transport des marchandises. Je rappelle que 90 % des marchandises qui circulent sur la planète le font par la mer : les ports d'outre-mer peuvent devenir des lieux précieux de développement. Saisissons cette opportunité et faisons les réformes qui s'imposent !
Je ne terminerai pas mon propos sans évoquer l'indemnité temporaire de retraite. Ce dispositif, créé en 1952, existe dans l'Océan Indien et dans le Pacifique, mais curieusement, pas aux Antilles et en Guyane, pour des raisons que personne n'a jamais pu m'expliquer. Mis en place, à l'époque, pour compenser les effets de change, il est devenu une sorte de prime de vie chère. Il comportait plusieurs injustices : tout d'abord, il n'existait pas dans tous les territoires ; de plus, seuls les fonctionnaires de l'État en bénéficiaient, pas ceux de la fonction publique hospitalière et des collectivités locales ; enfin, il offrait une prime augmentant la retraite de 75 % dans les territoires du Pacifique, mais seulement de 35 % dans l'Océan Indien et 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur quoi reposent ces pourcentages, décidés il y a près de soixante ans ? Ce dispositif a fait l'objet d'une douzaine de rapports émanant de l'Assemblée nationale ou de la Cour des comptes, et d'autant de demandes de réformes. Nous proposons une réforme équilibrée : les retraités actuels maintiennent leurs avantages, avec un plafond qui ne touche que les hauts revenus ; dans les dix prochaines années, les retraités conserveront l'avantage, avec un plafond qui, s'il est un peu plus bas que celui en vigueur actuellement, reste un avantage considérable, notamment lorsqu'on le compare au sort des salariés du secteur privé dans les mêmes territoires. Nous avons travaillé à mettre en place un dispositif plus juste : il s'agit d'une retraite complémentaire pour tous les fonctionnaires de l'outre-mer – y compris des territoires des Antilles et de la Guyane – assise sur la réalité des rémunérations.
Voilà le sens de la réforme qui a fait l'objet d'un assez long débat à l'Assemblée dans la nuit de vendredi dernier. Elle s'inscrit dans une logique globale : la remise à plat d'un certain nombre de dispositifs, non pour retirer des avantages à l'outre-mer mais pour cibler les moyens que nous lui accordons – et qui sont en augmentation dans ce projet de budget – vers la production de richesse, l'emploi et la croissance, conformément aux souhaits du Président de la République. La valeur travail valant pour l'outre-mer comme pour la métropole, nous souhaitons que l'outre-mer se développe sur la base du travail de ses enfants, et pas seulement grâce à des transferts sociaux aléatoires.
C'est chaque année un honneur pour moi de participer à ce débat. Monsieur le secrétaire d'État, il est d'usage de se féliciter de l'augmentation d'un budget, quand bien même on milite dans le même temps pour la maîtrise des dépenses publiques… Cette apparente contradiction est toutefois acceptable quand il s'agit de l'outre-mer, dont le développement économique et social justifie pleinement l'effort de solidarité nationale à son endroit. C'est même l'honneur de la République de poursuivre à telle fin, contre vents et marées, le grand dessein de cohésion qui la caractérise
Le projet de budget pour l'outre-mer croît globalement de 12,8%. Certes, une partie de cette augmentation ne résulte que d'un effet de présentation ; je pense notamment au regroupement des crédits des différents ministères pour le financement des contrats de projets et de développement avec les collectivités locales. Reste que l'effort public en faveur de l'outre-mer est substantiel et rassurant. En hausse réelle de près de 10 %, il détiendrait la palme de la plus forte augmentation budgétaire pour 2009.
Dans une conjoncture difficile et hasardeuse, l'État entend donc ménager l'outre-mer ; souhaitons cependant que ce budget prometteur ne subira pas de coupes en cours d'année. Il y a des raisons de l'espérer, car nous débattrons bientôt du projet de loi de développement économique de l'outre-mer, sur plusieurs aspects duquel le présent projet de budget se propose d'anticiper ; saluons cette cohérence, mais veillons à ce qu'elle ne se délite pas au gré de contraintes financières ultérieures.
Les crédits de la mission, avec près de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins d'1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, représentent seulement 11,4 % de l'effort de la collectivité nationale, estimé à 16 milliards d'euros, dont 3,3 milliards d'euros au titre des dépenses fiscales, à quoi s'ajoutent les financements communautaires.
L'année dernière, notre commission a souhaité que la présentation du budget de l'outre-mer comporte deux documents synoptiques permettant de mesurer réellement cet effort, et d'en évaluer l'efficacité. Le premier retracerait les crédits affectés à l'outre-mer par chacun des autres ministères, ainsi que ceux des fonds d'intervention européens ; le second indiquerait la répartition des crédits budgétaires par collectivité destinataire, quel que soit son statut juridique. On nous répondit que nos demandes seraient satisfaites par le document de politique transversale. Mais nous ne l'avons toujours pas reçu à ce jour. Or, monsieur le secrétaire d'État, nous avons besoin, pour suivre et accompagner votre politique, de données synthétiques et claires.
Le budget outre-mer se répartit désormais entre les deux programmes « Emploi » et « Conditions de vie ». La délégation générale à l'outre-mer se substitue désormais aux deux anciennes directions dont l'articulation et, surtout, la répartition des compétences n'étaient pas optimales.
Le programme « emploi outre-mer » approche maintenant 1,2 milliard d'euros. Il est en hausse sensible de plus de 20 % et traduit déjà les orientations de la future loi de développement, notamment dans le domaine de l'insertion et de la formation professionnelles.
Le programme « conditions de vie » approche 800 millions d'euros, en hausse de 17,5%. Il traduit, pour la deuxième année consécutive, un effort sensible pour le logement. Cet effort restera soutenu dans le cadre désormais trisannuel du budget. Certes, les retards en ce domaine sont tels que les efforts semblent toujours insuffisants, mais la dimension du problème a été perçue et le Gouvernement fait preuve en la matière d'une continuité de l'action publique dont il faut se féliciter.
Restent quelques questions ; certaines sont vitales pour nos économies, d'autres sont plus techniques, mais non sans implications politiques, car elles conditionnent la réussite des deux programmes de la mission.
La question des « niches fiscales » a déjà causé bien des émois dans la mesure où les populations comme les entrepreneurs sont irrités de paraître dépendre d'un système inavouable, voire de combines. Vous le savez, les élus d'outre-mer se sont solidarisés sur cette importante question. Notre intergroupe en a saisi le Président de la République le 10 octobre dernier. Nous pouvons en effet admettre que les « niches fiscales » créées en France se sont accumulées au fil du temps sans vision d'ensemble, et qu'elles méritent une actualisation, voire une moralisation. Reste que la brutalité et la rapidité de la mesure proposée par l'article 43 du projet de loi de finances la rendent inacceptable en l'état pour l'outre-mer. La démarche risque d'affaiblir des dispositifs destinés à assurer des investissements productifs dans nos régions fragilisées par des handicaps structurels, dispositifs dont on ne peut nier les effets positifs.
Déjà la seule annonce du plafonnement des droits à la défiscalisation outre-mer a provoqué localement un attentisme des investisseurs, qui s'ajoute à l'attentisme général imputable à la crise financière. On voit les premiers signes d'un ralentissement général de l'activité et d'une remontée du chômage que la loi de programme de 2003 avait entrepris d'endiguer. Ne nous y trompons pas : la défiscalisation outre-mer n'est pas un ensemble hétéroclite de « niches fiscales », mais un outil indispensable au développement de territoires structurellement sous-capitalisés. Je sais bien, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne pourrez nous apporter dans l'immédiat les assurances dont nous avons besoin, mais j'en appelle à votre sagesse et à votre bon sens : aidez-nous à faire que le Gouvernement renonce à une mesure néfaste aux deux programmes de la mission, parce qu'inadaptée, voire dangereuse. Vous avez d'ailleurs rappelé le taux de chômage des régions d'outre-mer qui, sans conteste, sort de l'ordinaire.
En revanche, nous sommes prêts à examiner sereinement tout qui peut rendre la défiscalisation plus efficace et plus conforme à ses objectifs de soutien au développement, conformément d'ailleurs à la loi de 2003 qui prévoyait une procédure d'évaluation tous les trois ans. Des gisements de productivité existent assurément. Le grand débat du Grenelle de l'environnement vient d'en faire la démonstration. Explorons-les dans le cadre de l'examen du projet de loi de développement de l'outre-mer.
Quant à la réforme projetée du système d'exonération des charges patronales, elle est de nature à inquiéter, en dépit de la concertation préalable que vous avez conduite. Notre commission des finances avait examiné une proposition de suppression de l'article correspondant, l'article 65 de la loi de finances, fondée sur le fait qu'il n'avait pas sa place dans ce texte et qu'il vaudrait mieux le réserver à l'examen du PLODEOM. À cette analyse s'ajoutent quelques griefs sur le fond. On peut craindre, notamment, que la réforme n'accroisse le poids global des charges sociales pour nos entreprises déjà confrontées, depuis le 1er janvier 2008, à l'exclusion des cotisations d'accident du travail de l'assiette des exonérations.
Le système d'exonération de charges a en grande partie atteint son but d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines. Comme pour la défiscalisation, je suis favorable à sa réforme, mais en veillant à ce qu'elle n'aille pas à l'encontre des raisons d'être du système, lequel, faut-il le rappeler, entend promouvoir l'emploi. Et de cela, nous n'avons guère l'assurance.
Certes, Monsieur le secrétaire d'État, vous avez témoigné sur ce sujet de votre volonté de concertation. Mais ne serait-il pas opportun de faire préalablement quelques simulations des incidences de cette réforme sur l'évolution du coût du travail salarié dans les entreprises d'outre-mer, et de vérifier notamment qu'elle ne constituera pas un obstacle à l'emploi qualifié ?
Je conclus sur les problèmes endémiques de résorption de l'habitat insalubre et de l'insuffisance de logements sociaux outre-mer. Le projet de budget pour 2009 traduit un véritable effort en faveur du logement locatif, hélas en contrepartie d'objectifs revus à la baisse en matière d'accession à la propriété. L'insuffisante maîtrise du foncier et la pénurie de terrains constructibles avaient entraîné la création, à partir de 1994, des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, ou FRAFU, dont l'organisation et le fonctionnement sont en cours de réforme. Pouvez-vous nous indiquer où nous en sommes et quelles sont les perspectives ?
Le projet de budget pour 2009 fait apparaître un nouveau fonds, le fonds exceptionnel d'investissement, ou FEI, doté de 40 millions d'euros en autorisation d'engagement et de seulement 16 millions en crédits de paiement –peut-être parce qu'il s'agit de son premier exercice. C'est une initiative heureuse qui devrait contribuer à résorber les manques de nos régions en grands équipements. Ses ambitions sont vastes, mais il est à craindre que son montant ne soit rapidement débordé par les besoins. Ne conviendrait-il pas d'envisager, à moyen terme, une remise à plat de tous les mécanismes d'aide à l'investissement public outre-mer afin de mieux en cerner les priorités, d'en garantir le financement continu et de réaliser peut-être, par quelques simplifications, des économies de fonctionnement ? Nous aimerions déjà savoir quel sera le cheminement d'un projet d'équipement en quête de financement.
Voilà donc les questions, parmi bien d'autres possibles, que suscite l'examen de ce budget. Il comporte bien des éléments encourageants, mais aussi quelques sources d'inquiétude, dont deux vraiment substantielles : la défiscalisation et les exonérations de charges sociales. Je ne doute pas que vous aurez à coeur, monsieur le secrétaire d'État, de les dissiper au plus vite. Sous le bénéfice de ces observations, je proposerai à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2009.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir le budget de la mission outre-mer augmenter d'environ 9 %. L'ennui, c'est qu'il ne nous permet pas de mesurer l'action de l'État en direction de l'outre-mer, dont il ne représente que 11 % des interventions. L'an dernier, à l'occasion de l'examen de ces crédits, le secrétaire d'État mettait en avant une augmentation, alors que certains élus, s'appuyant sur le document de politique transversale, faisaient état d'une diminution. À la suite de cette petite polémique, l'engagement avait été pris de mettre au point un document récapitulatif permettant aux élus de l'outre-mer d'avoir une vision plus large, et plus réelle, de l'intervention de l'État.
On peut en effet s'interroger sur certains points. Ainsi 9 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont affectés au logement dans ce budget. Mais les impayés sont estimés à 17 millions d'euros au moins. Est-ce à dire que cette augmentation servira à éponger les arriérés et ne permettra pas d'engager de nouvelles actions en faveur du logement ? J'attends vos explications sur ce point, monsieur le secrétaire d'État.
Toujours sur le logement, je m'étonne qu'on retombe dans des errements pourtant stigmatisés précédemment : je pense à la polémique sur le stock de la dette, dénoncé dans de nombreux rapports, dont celui du sénateur Henri Torre. Ce dernier – qui n'est pas socialiste – évaluait cette dette à quelques centaines de millions d'euros. On avait alors souligné la trop grande différence entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Or cette différence était déjà, pour 2008 et 2009, de 85 millions d'euros, et pour 2007, 2008 et 2009, de 120 millions d'euros. Je suppose, monsieur le secrétaire d'État, que vous me donnerez des explications, car cela a suscité une certaine émotion.
J'aimerais vous interroger sur l'allocation logement. Je n'ai pas retrouvé dans les crédits du logement l'augmentation dont vous avez parlé par ailleurs. Qu'en est-il exactement ?
Le fonds exceptionnel d'investissement est présenté comme une mesure phare de la future loi de développement pour l'outre-mer. Il est doté de 40 millions en autorisations d'engagement et de 16 millions en crédits de paiement – soit 40 % des AE. Or 16 millions d'euros pour le financement d'équipements structurants, c'est vraiment très peu – à peu près le coût d'une station d'épuration dans une seule commune ! Ces sommes ne sont pas à la hauteur des besoins. Je souhaiterais connaître vos intentions quant à l'évolution de ces crédits dans les années futures.
J'ai noté avec satisfaction que vous alliez revoir les paramètres du logement social. Nombre d'opérateurs le demandaient depuis plusieurs années parce qu'ils n'arrivaient plus, avec de tels paramètres, à construire de logements sociaux.
Vous avez dit que vous étiez en discussion pour modifier les règles d'appel public à l'épargne. Je vous souhaite de réussir, d'autant que ce ne sera pas facile. Là encore, j'attends avec intérêt vos précisions.
Mais voyons les choses plus globalement. J'ai lu, sous la plume de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, ce qui suit : « A partir de 2009, le contenu de la mission outre-mer traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale en faveur de l'outre-mer. Au système reposant uniquement ou principalement sur la demande, est substituée une logique de développement endogène… » C'est un choix que l'on peut respecter. Mais cette logique de l'endogénéité me semble remettre largement en question le principe même de la solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins. On leur demande en somme ce qu'on ne demande pas aux territoires hexagonaux. Pourquoi faudrait-il que la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Polynésie aient un développement uniquement endogène et que la solidarité nationale ne s'exerce qu'à l'égard des autres départements ?
Je considère qu'une logique du développement ne doit pas se substituer à une logique de la solidarité : les deux doivent rester complémentaires. C'est d'ailleurs ce qui avait inspiré dès 1986 la mise en place de deux dispositifs qui ont fait leurs preuves et survécu au moins à cinq changements de gouvernement : la défiscalisation et l'exonération de charges sociales. Je voudrais y insister.
Je suis de ceux qui déplorent que l'article 65 du PLF anticipe la réforme qui devait normalement figurer dans le projet de loi PLODEOM. La concertation avec les élus n'a pas été suffisante et la réforme est noyée dans le flot des débats du PLF. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous prêt à satisfaire à la demande d'un certain nombre de parlementaires et de socioprofessionnels en reportant la discussion de cette réforme dans son cadre naturel qui est celle du PLODEOM ?
Des questions de fond se posent. Par exemple, la dégressivité n'est-elle pas catastrophique pour la sauvegarde de l'emploi ? Selon la commission des finances, cette mesure permettrait une économie de 138 millions d'euros pour l'État en année pleine. Si c'est le cas, où seront affectées ces économies ?
La défiscalisation outre-mer n'est pas une « niche ». Il ne faudrait pas continuer à stigmatiser comme on le fait les entrepreneurs, les socioprofessionnels de l'outre-mer, ou même les particuliers qui investissent dans le logement. Cette défiscalisation coûte à l'État 780 millions d'euros alors que le montant des « niches fiscales » est estimé à 73 milliards d'euros ! Pourquoi s'attaquer à ce dispositif particulier ? Et pourquoi maintenant ? Commençons par évaluer précisément l'impact que peut avoir la défiscalisation sur les économies d'outre-mer et sur l'emploi.
Je ne défends pas le système de la défiscalisation. Ce que je défends, c'est la ressource qu'elle procure aujourd'hui, car nous n'avons rien d'autre pour la remplacer. Montrez-moi des dépenses budgétaires nouvelles à la hauteur de cette ressource : alors, tant pis pour la défiscalisation, et pour les exonérations ! Mais avant de la supprimer, assurez-vous du remplacement de la seule ressource contribuant au développement de l'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP ne peut que se féliciter de l'augmentation de 13 % de vos crédits. De tous les budgets, c'est celui qui augmente le plus, malgré la crise financière. C'est un budget sain, qui souligne la forte volonté du Gouvernement d'investir massivement vers l'outre-mer, tout en remettant à plat certains outils comme l'emploi, l'insertion et la formation professionnelle, la baisse des charges sociales et patronales étant concentrée sur les bas salaires. Ces outils sont là pour conforter et dynamiser l'économie locale sur les secteurs porteurs de l'économie. La création de zones franches d'activité défiscalisée permettra aux acteurs locaux d'aller de l'avant et de jouer un rôle de locomotives, signes de la vitalité économique de l'outre-mer. Le groupe UMP ne peut donc qu'être favorable à ce projet de budget.
Je tiens à souligner l'intérêt du service militaire adapté, le SMA, sur lequel j'ai fait un rapport en 2005. Je me réjouis que les investissements destinés à ce service volontaire, qui a résisté outre-mer à la fin de la conscription, soient confortés car c'est un excellent outil d'insertion professionnelle pour les jeunes en difficulté : 3 000 personnes en sortent chaque année. Mon seul regret est qu'il ne soit pas transposé en métropole. Mme Alliot-Marie a tenté de l'introduire avec le dispositif « Défense, deuxième chance » mais cette ambition semble malheureusement aujourd'hui s'essouffler. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous soyez un ambassadeur de ce dispositif formidable qui fonctionne depuis quarante-cinq ans.
Je rappellerai, tout d'abord, quelques principes. Premièrement, nous ne sommes pas, dans l'outremer, des défenseurs des niches fiscales. Deuxièmement, nous sommes pour l'équité sociale, y compris par la fiscalité. Troisièmement, parfaitement cohérents avec nous-mêmes, nous sommes très favorables à un développement local permettant d'obtenir un maximum d'autonomie, de créer un maximum d'emplois sur place et de résister autant que faire se peut à la mondialisation. Bref, nous sommes dans une logique qui me semble cohérente et propice à la modernisation.
J'estime cependant que nous aurions dû, monsieur le secrétaire d'État, suivre deux axes, préconisés par M. Carrez dans son rapport général : d'une part, procéder à des évaluations afin d'orienter les politiques publiques, d'autre part, définir la notion de niches fiscales. Celles dont on parle ici sont en fait des investissements, des moyens financiers privés destinés à accompagner le financement des politiques publiques.
Vous avez insisté, monsieur le secrétaire d'État, sur le côté sain de la défiscalisation non patrimoniale. Si le dispositif est sain, pourquoi le remettre en cause ? Les chiffres que vous-même avez donnés montrent que très peu de personnes ont bénéficié de tolérances ou de situations exceptionnelles.
On peut comprendre que vous vous attaquiez à ceux qui profitent de ces défiscalisations pour ne pas payer l'impôt mais pourquoi voulez-vous supprimer, au II de l'article 43 du projet de loi de finances pour 2009, des dispositions concernant la défiscalisation, non pas des investisseurs extérieurs, mais des petits entrepreneurs à qui le fait de bénéficier de 50 % de déductions permet de négocier avec leur banque ? C'est un dévoiement de la notion de niche fiscale et une mesure incompréhensible.
Par ailleurs, la bonification pour services civils effectués hors d'Europe sera-t-elle remise en cause ? Les collectivités qui font des plans de départ à la retraite ont besoin de la quotité de quarante et un ans et de la bonification correspondant au tiers de la durée des services effectués à l'extérieur de l'Europe pour « dégraisser » un peu leurs effectifs.
Enfin, les dispositions de l'article 65 ne répondent pas seulement aux demandes des organisations socioprofessionnelles. L'enjeu est surtout de faciliter le recrutement de cadres. Peut-être faudra-t-il déposer un amendement afin de proroger le bénéfice de ce dispositif pour l'encadrement des petites entreprises.
Je suis parfois un peu mal à l'aise parce que j'ai l'impression que nous quémandons. M. le président a fait remarquer que, comme il s'agissait de l'outre-mer, on pouvait accorder un temps de parole un peu plus long aux orateurs.
J'ai fait cette remarque parce que vous n'avez pas souvent l'occasion de parler. On n'examine le budget de l'outre-mer qu'une fois dans l'année !
Reste que c'est une remarque que nous entendons souvent. Mais nous ne demandons que notre dû. Nous ne voulons pas de traitement de faveur.
Je souscris tout à fait aux propos tenus par les collègues qui m'ont précédé.
La Martinique compte 400 000 habitants pour 1 000 kilomètres carrés, soit une densité de population de 400 habitants au kilomètre carré, l'une des plus fortes du globe. En dépit de ses difficultés, la Martinique – tout comme la Guadeloupe – crée en moyenne plus d'emplois que la métropole, et cela grâce à un certain nombre de dispositifs. Or vos mesures, monsieur le secrétaire d'État, viennent aujourd'hui affaiblir ces dispositifs mis en place, de manière consensuelle, par tous les gouvernements, de droite ou de gauche, pour accompagner le développement des départements et territoires d'outre-mer compte tenu de leurs spécificités, et risquent d'entraîner une régression totale de ces derniers.
Quant à la loi Girardin, je l'ai personnellement votée – contre l'avis de certains de mes amis – parce que je considérais que c'était un plus par rapport à la LOOM – loi d'orientation pour l'outre-mer.
Je précise que je suis favorable à un développement endogène, sous notre responsabilité. Nous avons cependant besoin d'aides et, si vous revenez sur les mesures de défiscalisation, cela nous créera des problèmes.
Ce n'est pas parce que les socioprofessionnels veulent défendre des avantages ou que les grosses fortunes qui se défiscalisent font du lobbying que nous devons céder à leurs arguments. J'insiste beaucoup pour que nous nous fassions notre propre opinion. Le lobby de l'argent ne doit pas guider l'action publique. Il faut savoir trier le vrai du faux.
Aux mots près, j'entends aujourd'hui les mêmes discours qu'en 2003. Les détracteurs de la loi Girardin disaient qu'elle allait faire s'effondrer l'outre-mer et que la remise en cause de la LOOM ferait exploser les dispositifs existants. Cela doit tenir à une crainte naturelle du changement et à l'angoisse suscitée par les dispositifs nouveaux.
Le Gouvernement ne fait les choses ni au hasard ni sans en évaluer les conséquences. Les rapports d'évaluation existent. Celui de Mme Christine Lagarde sur les niches fiscales est paru au mois d'avril. Reportez-vous également à tous les documents que nous avons publiés. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et procédé aux évaluations requises. C'est le premier élément que je veux vous donner pour vous rassurer sur la bonne volonté du Gouvernement.
Je répondrai sur les niches fiscales en posant deux questions.
Le Gouvernement veut-il que le système de défiscalisation d'outre-mer perdure ? La réponse est oui. Sinon, il aurait le courage de le dire et en assumerait les conséquences.
Le plafonnement prévu par le Gouvernement pour moraliser ce système va-t-il le mettre en difficulté ? La réponse est non. Quelle preuve puis-je donner de ce que j'avance – puisque les études qui ont été réalisées ne semblent pas vous convaincre ? Elle est dans le fait que le Gouvernement inscrit dans le budget 800 millions d'euros de défiscalisation, au lieu de 500 millions l'année dernière. C'est bien la preuve que nous savons que ce dispositif va rester puissant et continuer à produire ses effets.
Il est exact que, sur 40 000 contribuables qui en bénéficient, 1 800 parmi les plus gros vont voir leurs avantages plafonnés et que les cabinets de défiscalisation qui vivaient grassement en prélevant 7 ou 8 % de 2 ou 3 millions d'euros à chacun de leurs quatre ou cinq clients vont être obligés d'en trouver plus. Ce sont d'ailleurs eux qui crient le plus fort car ils ont souvent investi les organisations socioprofessionnelles. Mais on ne va pas pour cela céder sur l'intérêt public.
Je comprends parfaitement que l'on s'interroge, parce que la défiscalisation est un outil utile et puissant. Cela étant, tout dans le budget pour 2009 démontre qu'elle le restera. Vous verrez, quand on fera le bilan du dispositif dans un an, qu'il n'y aura pas eu de panne en ce domaine.
D'autre prôner le développement économique endogène des départements et territoires d'outre-mer ne signifie pas leur supprimer tout apport de ressources. Nous maintenons une politique de transferts. Je suis désolé que le document transversal ait été diffusé tardivement, au point que j'ai dû le faire photocopier dans mes services parce que ceux du ministère des finances ne le distribuaient pas. Dans ce document, vous verrez que le budget total pour l'outre-mer passe de 15 milliards à 16,5 milliards. Quoique ciblés différemment, les moyens de l'État au profit de l'outre-mer sont en augmentation.
Quant aux charges sociales, je ne referai pas mes démonstrations de tout à l'heure. Il me suffira de vous montrer un tableau comparant les charges des entreprises de métropole – payées « plein pot » à partir d'1,6 SMIC – et celles des entreprises d'outre-mer, qui bénéficient d'une défiscalisation dégressive jusqu'à 3,8 SMIC ou 4,6 SMIC. Qui peut sincèrement soutenir que quelqu'un qui gagne 5 SMIC doit bénéficier de mesures de l'État et que c'est un cadre d'une PME ? Ce n'est pas le cas, même en outre-mer.
Après de longues négociations, nous avons fini par convaincre les socioprofessionnels. Nous ne reviendrons pas sur cette mesure.
Pourquoi la présenter dans le budget ? Pour assurer la clarté et la lisibilité de celui-ci auprès des entreprises. Adoptée dans le budget de fin d'année, elle sera appliquée à partir du 1eravril de l'année prochaine. On ne piège personne. On n'est pas brutal. On est dans une logique qui permet d'avancer.
M. Fruteau a relevé judicieusement une économie de 138 millions d'euros pour l'État sur les charges fiscales : sur le 1,138 milliard d'euros de baisses de charges fiscales de la loi Girardin, nous en gardons un milliard. Où Se retrouvent les 138 millions d'euros libérés ? Dans le milliard et demi de dépenses supplémentaires en faveur de l'outre-mer puisque, en échange de ces 138 millions, 217 millions – figurant dans ce budget – sont affectés aux zones franches globales d'activité créées dans la loi-programme. En quelque sorte, on écrête de 138 millions quelque 1,2 milliard et on rajoute 217 millions pour les zones franches globales d'activité.
C'est une stratégie économique qui s'appuie sur les secteurs clés de l'économie, ce qui ne revient pas à demander à l'outre-mer de tout produire tout seul.
Le Gouvernement augmente les crédits du logement. Lorsque je suis arrivé au secrétariat d'État, les chiffres qu'on m'a indiqués concernant la dette du logement m'ont fait frémir : 100 millions, voire 200 millions d'euros. J'ai demandé que la situation soit examinée avec précision et je puis vous annoncer – une claire distinction étant faite entre les dettes d'une part, c'est-à-dire les opérations démarrées pour lesquelles des factures sont présentées à l'État, et les projets d'autre part, c'est-à-dire les opérations putatives ayant fait l'objet d'autorisation mais n'ayant pas, pour diverses raisons, commencé – qu'à la fin de cette année, il y aura zéro euro de dette et que nous aurons payé la totalité des factures qui nous ont été présentées.
De nouvelles factures arriveront sans doute en début d'année prochaine, créant un déficit de quelque cinq, six, voire dix millions d'euros, que nous lisserons dans le courant de l'année. C'est le volant naturel de la réalisation des opérations.
Je souhaiterais sincèrement, pour ma part, que la dette soit plus importante : cela voudrait dire qu'un plus grand nombre d'opérations seraient sorties de terre ! Si je me suis battu pour la réévaluation des crédits du logement social – et avant la fin de cette année nous augmenterons de 30 % ses paramètres de construction – c'est bien pour voir se multiplier les chantiers et pour que les crédits de paiement soient à la hauteur des autorisations de programme. Si, par extraordinaire, tous les projets de tout l'outre-mer se réalisaient en trois mois et sortaient de terre comme par magie et que toutes les factures soient certifiées et affectées aux préfets, nous serions obligés de revenir devant vous car les crédits de paiement seraient insuffisants. Mais nous savons tous que le rythme de réalisation des opérations n'est pas aussi rapide.
Quant à l'allocation logement, elle augmente bien de 14 millions, monsieur Fruteau, dans le cadre de l'effort que nous faisons en faveur du logement. Vous trouverez ces crédits dans la mission logement du budget présenté par Mme Boutin.
Je suis comme vous, madame Branget, un grand partisan du SMA. Reconnu par tous comme un outil extrêmement efficace, il s'adresse à des jeunes qui n'ont plus de formation. Nous allons porter ses capacités d'accueil à 4 000 dès l'année prochaine et j'aimerais aller jusqu'à 5 000 pour en faire un vrai outil de formation. J'espère que les bonnes relations que nous entretenons avec le ministère de la défense et la reconversion des forces armées nous fourniront les moyens d'encadrement nécessaires.
Concernant l'article 43, monsieur Letchimy, vous m'avez convaincu. J'espère que le Sénat corrigera cet article car vous avez effectivement raison.
Je l'accueillerai avec bienveillance car je pense qu'il y a eu erreur.
Aucune réforme n'est en cours sur la bonification des retraites. Soyez assuré que tout projet de réforme sur cette question serait précédé par une négociation avec les organisations syndicales.
Y compris les syndicats locaux. Cela nous renvoie donc au-delà de 2009.
Sur l'ITR, j'ai rencontré les syndicats nationaux et les syndicats locaux. Une négociation a eu lieu sur ce sujet.
En conclusion, le Gouvernement assume, vis-à-vis de l'outre-mer, une politique dynamique qui, compte tenu des changements de la donne économique, introduit une nouvelle approche. Les crédits sont en augmentation. Quand j'ai pris mes responsabilités en mars, je ne pensais pas pouvoir vous présenter, en fin d'année, un budget en augmentation de 1,5 milliard. Si cela a été possible, c'est à la fois parce que l'outre-mer a bien voulu s'engager dans les réformes demandées par le Président de la République et parce que nous sommes, nous-mêmes, conscients que la spécificité de l'outre-mer nécessite des moyens particuliers. Nous les lui procurons dans un objectif de croissance, d'activité économique et d'emploi, trois maîtres mots de la politique gouvernementale, et qui guident la réorientation de nos politiques. J'espère que nous pourrons la conduire dans un climat aussi fort et aussi partenarial que ce soir devant votre commission, Monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État. Le débat a été constructif et précis.
Suivant l'avis favorable de son rapporteur, M. Alfred Almont, la Commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Outre-mer pour 2009.
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Information relative à la Commission