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Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 4 novembre 2008 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau :

Nous ne pouvons que nous féliciter de voir le budget de la mission outre-mer augmenter d'environ 9 %. L'ennui, c'est qu'il ne nous permet pas de mesurer l'action de l'État en direction de l'outre-mer, dont il ne représente que 11 % des interventions. L'an dernier, à l'occasion de l'examen de ces crédits, le secrétaire d'État mettait en avant une augmentation, alors que certains élus, s'appuyant sur le document de politique transversale, faisaient état d'une diminution. À la suite de cette petite polémique, l'engagement avait été pris de mettre au point un document récapitulatif permettant aux élus de l'outre-mer d'avoir une vision plus large, et plus réelle, de l'intervention de l'État.

On peut en effet s'interroger sur certains points. Ainsi 9 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont affectés au logement dans ce budget. Mais les impayés sont estimés à 17 millions d'euros au moins. Est-ce à dire que cette augmentation servira à éponger les arriérés et ne permettra pas d'engager de nouvelles actions en faveur du logement ? J'attends vos explications sur ce point, monsieur le secrétaire d'État.

Toujours sur le logement, je m'étonne qu'on retombe dans des errements pourtant stigmatisés précédemment : je pense à la polémique sur le stock de la dette, dénoncé dans de nombreux rapports, dont celui du sénateur Henri Torre. Ce dernier – qui n'est pas socialiste – évaluait cette dette à quelques centaines de millions d'euros. On avait alors souligné la trop grande différence entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Or cette différence était déjà, pour 2008 et 2009, de 85 millions d'euros, et pour 2007, 2008 et 2009, de 120 millions d'euros. Je suppose, monsieur le secrétaire d'État, que vous me donnerez des explications, car cela a suscité une certaine émotion.

J'aimerais vous interroger sur l'allocation logement. Je n'ai pas retrouvé dans les crédits du logement l'augmentation dont vous avez parlé par ailleurs. Qu'en est-il exactement ?

Le fonds exceptionnel d'investissement est présenté comme une mesure phare de la future loi de développement pour l'outre-mer. Il est doté de 40 millions en autorisations d'engagement et de 16 millions en crédits de paiement – soit 40 % des AE. Or 16 millions d'euros pour le financement d'équipements structurants, c'est vraiment très peu – à peu près le coût d'une station d'épuration dans une seule commune ! Ces sommes ne sont pas à la hauteur des besoins. Je souhaiterais connaître vos intentions quant à l'évolution de ces crédits dans les années futures.

J'ai noté avec satisfaction que vous alliez revoir les paramètres du logement social. Nombre d'opérateurs le demandaient depuis plusieurs années parce qu'ils n'arrivaient plus, avec de tels paramètres, à construire de logements sociaux.

Vous avez dit que vous étiez en discussion pour modifier les règles d'appel public à l'épargne. Je vous souhaite de réussir, d'autant que ce ne sera pas facile. Là encore, j'attends avec intérêt vos précisions.

Mais voyons les choses plus globalement. J'ai lu, sous la plume de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, ce qui suit : « A partir de 2009, le contenu de la mission outre-mer traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale en faveur de l'outre-mer. Au système reposant uniquement ou principalement sur la demande, est substituée une logique de développement endogène… » C'est un choix que l'on peut respecter. Mais cette logique de l'endogénéité me semble remettre largement en question le principe même de la solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins. On leur demande en somme ce qu'on ne demande pas aux territoires hexagonaux. Pourquoi faudrait-il que la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la Polynésie aient un développement uniquement endogène et que la solidarité nationale ne s'exerce qu'à l'égard des autres départements ?

Je considère qu'une logique du développement ne doit pas se substituer à une logique de la solidarité : les deux doivent rester complémentaires. C'est d'ailleurs ce qui avait inspiré dès 1986 la mise en place de deux dispositifs qui ont fait leurs preuves et survécu au moins à cinq changements de gouvernement : la défiscalisation et l'exonération de charges sociales. Je voudrais y insister.

Je suis de ceux qui déplorent que l'article 65 du PLF anticipe la réforme qui devait normalement figurer dans le projet de loi PLODEOM. La concertation avec les élus n'a pas été suffisante et la réforme est noyée dans le flot des débats du PLF. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous prêt à satisfaire à la demande d'un certain nombre de parlementaires et de socioprofessionnels en reportant la discussion de cette réforme dans son cadre naturel qui est celle du PLODEOM ?

Des questions de fond se posent. Par exemple, la dégressivité n'est-elle pas catastrophique pour la sauvegarde de l'emploi ? Selon la commission des finances, cette mesure permettrait une économie de 138 millions d'euros pour l'État en année pleine. Si c'est le cas, où seront affectées ces économies ?

La défiscalisation outre-mer n'est pas une « niche ». Il ne faudrait pas continuer à stigmatiser comme on le fait les entrepreneurs, les socioprofessionnels de l'outre-mer, ou même les particuliers qui investissent dans le logement. Cette défiscalisation coûte à l'État 780 millions d'euros alors que le montant des « niches fiscales » est estimé à 73 milliards d'euros ! Pourquoi s'attaquer à ce dispositif particulier ? Et pourquoi maintenant ? Commençons par évaluer précisément l'impact que peut avoir la défiscalisation sur les économies d'outre-mer et sur l'emploi.

Je ne défends pas le système de la défiscalisation. Ce que je défends, c'est la ressource qu'elle procure aujourd'hui, car nous n'avons rien d'autre pour la remplacer. Montrez-moi des dépenses budgétaires nouvelles à la hauteur de cette ressource : alors, tant pis pour la défiscalisation, et pour les exonérations ! Mais avant de la supprimer, assurez-vous du remplacement de la seule ressource contribuant au développement de l'outre-mer.

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