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Intervention de Alfred Almont

Réunion du 4 novembre 2008 à 17h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Almont, rapporteur pour avis :

C'est chaque année un honneur pour moi de participer à ce débat. Monsieur le secrétaire d'État, il est d'usage de se féliciter de l'augmentation d'un budget, quand bien même on milite dans le même temps pour la maîtrise des dépenses publiques… Cette apparente contradiction est toutefois acceptable quand il s'agit de l'outre-mer, dont le développement économique et social justifie pleinement l'effort de solidarité nationale à son endroit. C'est même l'honneur de la République de poursuivre à telle fin, contre vents et marées, le grand dessein de cohésion qui la caractérise

Le projet de budget pour l'outre-mer croît globalement de 12,8%. Certes, une partie de cette augmentation ne résulte que d'un effet de présentation ; je pense notamment au regroupement des crédits des différents ministères pour le financement des contrats de projets et de développement avec les collectivités locales. Reste que l'effort public en faveur de l'outre-mer est substantiel et rassurant. En hausse réelle de près de 10 %, il détiendrait la palme de la plus forte augmentation budgétaire pour 2009.

Dans une conjoncture difficile et hasardeuse, l'État entend donc ménager l'outre-mer ; souhaitons cependant que ce budget prometteur ne subira pas de coupes en cours d'année. Il y a des raisons de l'espérer, car nous débattrons bientôt du projet de loi de développement économique de l'outre-mer, sur plusieurs aspects duquel le présent projet de budget se propose d'anticiper ; saluons cette cohérence, mais veillons à ce qu'elle ne se délite pas au gré de contraintes financières ultérieures.

Les crédits de la mission, avec près de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et un peu moins d'1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, représentent seulement 11,4 % de l'effort de la collectivité nationale, estimé à 16 milliards d'euros, dont 3,3 milliards d'euros au titre des dépenses fiscales, à quoi s'ajoutent les financements communautaires.

L'année dernière, notre commission a souhaité que la présentation du budget de l'outre-mer comporte deux documents synoptiques permettant de mesurer réellement cet effort, et d'en évaluer l'efficacité. Le premier retracerait les crédits affectés à l'outre-mer par chacun des autres ministères, ainsi que ceux des fonds d'intervention européens ; le second indiquerait la répartition des crédits budgétaires par collectivité destinataire, quel que soit son statut juridique. On nous répondit que nos demandes seraient satisfaites par le document de politique transversale. Mais nous ne l'avons toujours pas reçu à ce jour. Or, monsieur le secrétaire d'État, nous avons besoin, pour suivre et accompagner votre politique, de données synthétiques et claires.

Le budget outre-mer se répartit désormais entre les deux programmes « Emploi » et « Conditions de vie ». La délégation générale à l'outre-mer se substitue désormais aux deux anciennes directions dont l'articulation et, surtout, la répartition des compétences n'étaient pas optimales.

Le programme « emploi outre-mer » approche maintenant 1,2 milliard d'euros. Il est en hausse sensible de plus de 20 % et traduit déjà les orientations de la future loi de développement, notamment dans le domaine de l'insertion et de la formation professionnelles.

Le programme « conditions de vie » approche 800 millions d'euros, en hausse de 17,5%. Il traduit, pour la deuxième année consécutive, un effort sensible pour le logement. Cet effort restera soutenu dans le cadre désormais trisannuel du budget. Certes, les retards en ce domaine sont tels que les efforts semblent toujours insuffisants, mais la dimension du problème a été perçue et le Gouvernement fait preuve en la matière d'une continuité de l'action publique dont il faut se féliciter.

Restent quelques questions ; certaines sont vitales pour nos économies, d'autres sont plus techniques, mais non sans implications politiques, car elles conditionnent la réussite des deux programmes de la mission.

La question des « niches fiscales » a déjà causé bien des émois dans la mesure où les populations comme les entrepreneurs sont irrités de paraître dépendre d'un système inavouable, voire de combines. Vous le savez, les élus d'outre-mer se sont solidarisés sur cette importante question. Notre intergroupe en a saisi le Président de la République le 10 octobre dernier. Nous pouvons en effet admettre que les « niches fiscales » créées en France se sont accumulées au fil du temps sans vision d'ensemble, et qu'elles méritent une actualisation, voire une moralisation. Reste que la brutalité et la rapidité de la mesure proposée par l'article 43 du projet de loi de finances la rendent inacceptable en l'état pour l'outre-mer. La démarche risque d'affaiblir des dispositifs destinés à assurer des investissements productifs dans nos régions fragilisées par des handicaps structurels, dispositifs dont on ne peut nier les effets positifs.

Déjà la seule annonce du plafonnement des droits à la défiscalisation outre-mer a provoqué localement un attentisme des investisseurs, qui s'ajoute à l'attentisme général imputable à la crise financière. On voit les premiers signes d'un ralentissement général de l'activité et d'une remontée du chômage que la loi de programme de 2003 avait entrepris d'endiguer. Ne nous y trompons pas : la défiscalisation outre-mer n'est pas un ensemble hétéroclite de « niches fiscales », mais un outil indispensable au développement de territoires structurellement sous-capitalisés. Je sais bien, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne pourrez nous apporter dans l'immédiat les assurances dont nous avons besoin, mais j'en appelle à votre sagesse et à votre bon sens : aidez-nous à faire que le Gouvernement renonce à une mesure néfaste aux deux programmes de la mission, parce qu'inadaptée, voire dangereuse. Vous avez d'ailleurs rappelé le taux de chômage des régions d'outre-mer qui, sans conteste, sort de l'ordinaire.

En revanche, nous sommes prêts à examiner sereinement tout qui peut rendre la défiscalisation plus efficace et plus conforme à ses objectifs de soutien au développement, conformément d'ailleurs à la loi de 2003 qui prévoyait une procédure d'évaluation tous les trois ans. Des gisements de productivité existent assurément. Le grand débat du Grenelle de l'environnement vient d'en faire la démonstration. Explorons-les dans le cadre de l'examen du projet de loi de développement de l'outre-mer.

Quant à la réforme projetée du système d'exonération des charges patronales, elle est de nature à inquiéter, en dépit de la concertation préalable que vous avez conduite. Notre commission des finances avait examiné une proposition de suppression de l'article correspondant, l'article 65 de la loi de finances, fondée sur le fait qu'il n'avait pas sa place dans ce texte et qu'il vaudrait mieux le réserver à l'examen du PLODEOM. À cette analyse s'ajoutent quelques griefs sur le fond. On peut craindre, notamment, que la réforme n'accroisse le poids global des charges sociales pour nos entreprises déjà confrontées, depuis le 1er janvier 2008, à l'exclusion des cotisations d'accident du travail de l'assiette des exonérations.

Le système d'exonération de charges a en grande partie atteint son but d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines. Comme pour la défiscalisation, je suis favorable à sa réforme, mais en veillant à ce qu'elle n'aille pas à l'encontre des raisons d'être du système, lequel, faut-il le rappeler, entend promouvoir l'emploi. Et de cela, nous n'avons guère l'assurance.

Certes, Monsieur le secrétaire d'État, vous avez témoigné sur ce sujet de votre volonté de concertation. Mais ne serait-il pas opportun de faire préalablement quelques simulations des incidences de cette réforme sur l'évolution du coût du travail salarié dans les entreprises d'outre-mer, et de vérifier notamment qu'elle ne constituera pas un obstacle à l'emploi qualifié ?

Je conclus sur les problèmes endémiques de résorption de l'habitat insalubre et de l'insuffisance de logements sociaux outre-mer. Le projet de budget pour 2009 traduit un véritable effort en faveur du logement locatif, hélas en contrepartie d'objectifs revus à la baisse en matière d'accession à la propriété. L'insuffisante maîtrise du foncier et la pénurie de terrains constructibles avaient entraîné la création, à partir de 1994, des fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, ou FRAFU, dont l'organisation et le fonctionnement sont en cours de réforme. Pouvez-vous nous indiquer où nous en sommes et quelles sont les perspectives ?

Le projet de budget pour 2009 fait apparaître un nouveau fonds, le fonds exceptionnel d'investissement, ou FEI, doté de 40 millions d'euros en autorisation d'engagement et de seulement 16 millions en crédits de paiement –peut-être parce qu'il s'agit de son premier exercice. C'est une initiative heureuse qui devrait contribuer à résorber les manques de nos régions en grands équipements. Ses ambitions sont vastes, mais il est à craindre que son montant ne soit rapidement débordé par les besoins. Ne conviendrait-il pas d'envisager, à moyen terme, une remise à plat de tous les mécanismes d'aide à l'investissement public outre-mer afin de mieux en cerner les priorités, d'en garantir le financement continu et de réaliser peut-être, par quelques simplifications, des économies de fonctionnement ? Nous aimerions déjà savoir quel sera le cheminement d'un projet d'équipement en quête de financement.

Voilà donc les questions, parmi bien d'autres possibles, que suscite l'examen de ce budget. Il comporte bien des éléments encourageants, mais aussi quelques sources d'inquiétude, dont deux vraiment substantielles : la défiscalisation et les exonérations de charges sociales. Je ne doute pas que vous aurez à coeur, monsieur le secrétaire d'État, de les dissiper au plus vite. Sous le bénéfice de ces observations, je proposerai à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission outre-mer pour 2009.

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