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Intervention de Yves Jégo

Réunion du 4 novembre 2008 à 17h00
Commission des affaires économiques

Yves Jégo, secrétaire d'état chargé de l'outre-mer :

Ces dernières années ont apporté un certain nombre de rapports, d'audits et d'évaluations. Il est temps de mettre en oeuvre des politiques publiques innovantes et d'adapter nos outils de gestion publique à un monde qui change. L'outre-mer change, lui aussi, et la crise financière nous rappelle à quel point ces changements peuvent être brutaux.

Le projet de budget pour 2009 est la traduction de ces politiques. La mission « Outre-mer » voit ses crédits augmenter, tout comme l'ensemble du budget transversal de l'outre-mer qui passe de 15 à 16,5 milliards d'euros. Cette augmentation, la plus forte depuis bien des années, traduit bien la volonté du Gouvernement d'appuyer sur de réels moyens budgétaires les évolutions politiques et législatives qu'il entend engager. Cette augmentation, accompagnée de la remise à plat de certains de nos outils, traduit notre volonté d'utiliser au mieux ces outils pour atteindre notre objectif : favoriser l'emploi et lutter contre le chômage.

Depuis plusieurs années, l'outre-mer voit son taux de chômage diminuer. Il est aujourd'hui de 20 %, ce qui est deux fois plus élevé qu'en métropole, mais je rappelle qu'il atteignait jusqu'à 35 % il y a quelques années !

Certains secteurs d'activités ont besoin d'être soutenus. C'est notamment le cas du bâtiment et des travaux publics, où les effets de la défiscalisation, après le boom du logement libre, s'épuisent, sans compter, sur certains territoires, l'achèvement des grands chantiers. C'est pourquoi nous vous proposons, dans ce projet de budget, de soutenir ce secteur.

Le projet de budget et le projet de loi de développement économique de l'outre-mer sont deux outils juridiques différents, mais ils relèvent de la même logique politique. La volonté du Gouvernement est d'appuyer le développement économique de l'outre-mer sur les secteurs porteurs, ce qui suppose de sortir d'une logique de saupoudrage pour concentrer les moyens sur les secteurs stratégiques. Pour élaborer le projet de loi de développement économique de l'outre-mer, nous avons interrogé les collectivités concernées, les secteurs prioritaires des Antilles n'étant pas nécessairement les mêmes que ceux de l'Océan Indien.

L'une des mesures essentielles de cette loi programme sera la création des zones franches globales d'activité, au sein desquelles les entreprises des secteurs prioritaires seront largement défiscalisées : la baisse de la taxe professionnelle, de la taxe sur le foncier bâti et de l'impôt sur les sociétés pourra atteindre 50, voire 80 % dans certains cas. Ces mesures permettront aux entreprises « locomotives » d'aller de l'avant, entraînant l'ensemble de l'économie. Il ne s'agit pas seulement de mesures fiscales : la semaine dernière, j'ai initié le premier plan d'aide à l'exportation pour les entreprises d'outre-mer, car nous devons aider nos entreprises à exporter, vers l'Europe mais également dans leur environnement régional. Souvent, il s'agit de marchés en forte croissance comme ceux d'Amérique du Sud et du Nord, ou de l'Océan Indien. C'est le 20 novembre prochain que je présenterai la stratégie complète de croissance pour l'outre-mer, qui comprend un ensemble de mesures porteuses pour l'emploi et l'économie.

Vous me demandez, monsieur le président, de vous informer du calendrier de la loi programme, mais le calendrier législatif évolue sans cesse au gré de la conjoncture, par exemple quand il a fallu procéder à la consolidation de nos systèmes financiers. Il semble que ce projet de loi soit l'un des trois textes prioritaires du début de l'année 2009 : j'espère que nous l'examinerons au mois de janvier, pour que les mesures du projet de loi de finances comme du PLODEOM soient opérationnelles à partir du 1er avril 2009.

La loi-programme, les zones franches globales d'activité, la baisse de la taxe professionnelle, des impôts fonciers et de l'impôt sur les sociétés s'accompagnent dans ce projet de budget d'une progression des dépenses d'exonérations de charges sociales, puisque l'essentiel du milliard d'euros destiné aux entreprises porte sur la compensation de ces baisses de charges. On m'interrogera sans doute sur la dette vis-à-vis de la sécurité sociale. Mais c'est une bonne nouvelle ! C'est le signe que les entreprises ont consommé beaucoup de baisses de charges, donc qu'elles ont beaucoup embauché ! Et si elles ont embauché plus que nous ne l'avions prévu dans le précédent budget, je m'en réjouis, car cette dette traduit la vitalité économique de l'outre-mer. Naturellement, l'État doit payer à la sécurité sociale ce qu'il lui doit dans le cadre de la compensation, mais nous ne pouvons que nous réjouir du grand nombre d'embauches que cette mesure a permis dans les territoires d'outre-mer.

Après une centaine de réunions avec les organisations socioprofessionnelles, à Paris et dans les territoires, nous sommes parvenus, le 26 juin dernier, à un accord, signé par l'ensemble des organisations syndicales, les chambres de commerce et les chambres de métiers, aux termes duquel les baisses de charges seront désormais ciblées sur les bas salaires. C'est ce que nous vous proposons dans ce budget.

Dans les secteurs prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC – le salaire moyen outre-mer étant d'environ 1,4 SMIC ; au-delà, les charges sociales seront rétablies de façon progressive jusqu'à 4,5 SMIC. Certains voudraient que l'on exonère de charges sociales les salaires représentant cinq fois le SMIC, voire plus : ce n'est pas la politique du Gouvernement ! Nous pensons qu'il faut concentrer nos efforts sur les bas salaires, et c'est ce que prévoit l'accord.

Dans les secteurs non prioritaires, les entreprises ne paieront pas de charges sociales sur les salaires inférieurs à 1,4 SMIC ; les charges évolueront progressivement jusqu'à 3,8 SMIC. Au-delà de ce niveau, elles seront rétablies. Cet effort considérable représente 90 % des efforts entrepris dans la loi Girardin de 2003, qui fixait à 1,2 milliard d'euros par an les baisses de charges accordées aux entreprises. Je note que ceux parmi vous qui l'avaient combattue sont les mêmes qui la défendent aujourd'hui avec le plus d'acharnement. A l'époque, ils disaient que la loi précédente était meilleure. On invoque le même argument aujourd'hui, et je ne doute pas que dans quelques années la loi Jégo sera défendue de la même façon… En bref, nous consacrons près d'un milliard d'euros aux baisses de charges des entreprises et nous ciblons notre effort sur les bas salaires. C'est une mesure saine, qui devrait permettre à l'économie outre-mer de se développer. Je rappelle que ces baisses de charges ont fait l'objet de très longues discussions avec les socioprofessionnels et que la négociation a abouti, le 26 juin, à la signature conjointe de toutes les organisations professionnelles, dont la Fédération des entreprises des DOM, les chambres de commerce, la CGPME et le MEDEF. Je comprends que les entreprises souhaitent voir ces baisses de charges étendues aux gros salaires, mais nous ne sommes pas obligés de céder à tous les lobbies. Il me semble qu'il faut fixer une limite aux baisses de charges.

La loi-programme et le projet de budget reflètent un certain équilibre, fruit de longues discussions. Je souhaite qu'il soit maintenu et que les charges présentées dans ce projet de budget soient comprises au regard de la future loi programme, qui instaure notamment les zones franches globales d'activité, le tout formant une politique dynamique au service de l'économie locale.

J'en viens à la question des niches fiscales. On peut en effet se demander si leur plafonnement ne va pas mettre à mal la logique économique des zones franches globales d'activité. Comme vous le savez, outre-mer, les niches fiscales sur l'appareil productif servent à financer la création d'activités – usines ou hôtels – et sont un outil indispensable pour le développement économique. Je vous rappelle que 2 milliards d'investissements provenant des particuliers outre-mer représentent 780 millions de dépenses fiscales pour l'État. Si ce dispositif était amoindri, il faudrait trouver ailleurs les investissements perdus…

Vous souhaitez connaître l'impact du plafonnement des niches fiscales. Après un travail de plusieurs mois avec les services concernés, nous sommes en mesure de l'évaluer : nous devrions pouvoir maintenir le niveau d'investissement des particuliers sans mettre à mal le système, comme le souhaitent les socioprofessionnels. Aujourd'hui, grâce aux niches non plafonnées, une poignée de gros contribuables échappe totalement à l'impôt : le Gouvernement souhaite mettre fin à cette situation. D'ailleurs, c'est en vain que vous chercherez sur le marché des produits de défiscalisation d'outils de production : dès qu'une usine est sur le marché, un cabinet de défiscalisation s'en empare, au profit de quelques grosses fortunes. L'offre n'est donc pas diffusée par les banques et ne peut atteindre le grand public. En plafonnant le dispositif, nous éviterons ce phénomène, tout en conservant la masse des investisseurs nécessaires.

Preuve de cette volonté du Gouvernement, ce budget prévoit 800 millions de dépenses fiscales pour l'investissement productif, contre 500 millions d'euros dans le précédent ! C'est donc bien un dispositif auquel nous croyons et qui continuera à produire des effets, puisque nous budgétons plus de dépenses fiscales. Cette question a fait l'objet d'un long débat notamment en commission des finances. La solution que nous avons choisie permet de moraliser le dispositif tout en conservant son efficacité. Pour cela, nous avons mobilisé le réseau bancaire : il pourra désormais diffuser ces produits de défiscalisation, ce qui n'était pas le cas. Nous coopérons par ailleurs avec les services du ministère des finances pour faciliter les règles de l'appel public à l'épargne. En effet, du fait du plafonnement, il faudra plus souvent réunir plus de cent investisseurs. Or, dans ce cas, l'opération est soumise aux règles de l'appel public à l'épargne, qui sont complexes. Nous voulons qu'elles soient simplifiées, et que s'il faut 120 personnes pour financer une opération, elles puissent le faire dans les meilleures conditions. Nous vous proposerons prochainement des dispositions en ce sens.

J'appelle votre attention sur l'aspect très sain de la défiscalisation non patrimoniale. En effet, celui qui investit dans ces produits retire naturellement un avantage fiscal de son investissement, mais il ne se constitue pas un patrimoine sur le dos du contribuable ! C'est très différent pour celui qui défiscalise son château au titre de la loi Malraux, car il en reste tout de même propriétaire. Ce que nous vous proposons, c'est qu'on puisse investir dans l'économie et dans l'emploi pour en retirer un avantage fiscal raisonnable. C'est un dispositif tout à fait sain. Je souhaite qu'il soit diffusé et je suis convaincu que nous augmenterons considérablement le nombre des personnes concernées. Aujourd'hui, la défiscalisation en outre-mer concerne 40 000 contribuables. Le plafonnement, tel que nous voulons le mettre en place – si les derniers arbitrages le permettent – affectera 1 800 d'entre eux, qui ne pourront plus dépenser autant qu'ils le faisaient jusqu'à présent. Il leur sera toujours possible d'investir, mais avec une limite. Vous le voyez, ce n'est pas l'horreur économique et la mise à mal du système que d'aucuns redoutent ! Si c'était le cas, nous n'aurions pas inscrit au budget 800 millions de dépenses fiscales au lieu de 500.

Il s'agit donc d'un dispositif de moralisation. A ceux qui reprochent au Gouvernement de faire des cadeaux aux riches, je signale que c'est exactement le contraire, et je les invite donc à soutenir une mesure qui restreint les « cadeaux » à ces 1 800 grosses fortunes qui profitaient, quelquefois abusivement, du dispositif.

Ce texte contient un certain nombre de mesures qui anticipent la loi programme : elles portent sur les crédits destinés à l'aide aux intrants et aux extrants, qui viendront compléter le mécanisme européen mis en place au profit des régions ultrapériphériques, et sur les crédits affectés au tourisme. Avec Hervé Novelli, nous tiendrons prochainement les premières assises du tourisme, car nous sommes convaincus que ce secteur très sinistré doit être un moteur de l'économie outre-mer, tout comme le secteur traditionnel de l'agriculture et de la pêche, qu'il convient d'aider, le secteur des nouvelles technologies et celui du développement durable, qui fera l'objet de nombreux investissements. Notre stratégie de croissance repose donc sur ces quatre piliers : faisons de ces secteurs les moteurs de l'activité, de la richesse et de l'emploi des territoires d'outre-mer.

Cette stratégie passe aussi par la rénovation de nos politiques de formation. Je vous proposerai avant la fin de cette année la réforme complète de l'Agence nationale chargée de la formation en mobilité. Cela pose la question de la continuité territoriale. Nous voulons remettre à plat l'utilisation de ses crédits, pour mener une politique dynamique qui soutienne la continuité territoriale en vue de permettre non seulement le lien entre les populations, mais la formation et la mobilité professionnelles, indispensables pour les étudiants ultramarins et les jeunes qui veulent se former. Nous allons ainsi faire passer le service militaire adapté, dès 2009, de 3 000 à 4 000 jeunes. L'effort de l'État doit porter sur les mesures destinées à la formation et au retour à l'emploi, à travers des actions ciblées. Nous préférons une logique de développement économique et d'investissement dans l'économie et l'emploi à une logique de transferts.

Je n'oublie pas le logement social. L'un des effets négatifs de la loi Girardin fut de mettre en panne la construction de logements sociaux dans certains territoires, au profit du logement libre, qui s'est trouvé dynamisé. Cela a certes permis aux entreprises du BTP de connaître un niveau de croissance satisfaisant. Mais celui-ci étant épuisé, nous vous proposons maintenant d'orienter la défiscalisation du logement libre, qui était au coeur de la loi de 2003, vers une défiscalisation du logement intermédiaire et du logement social. Il faut construire 50 000 logements sociaux outre-mer – c'est le nombre des dossiers en attente. Nous espérons pouvoir en construire 6 000 dès l'année prochaine. Dans ce but nous réviserons les paramètres de financement du logement social. J'attends le décret qui permettra de les augmenter de 30 %. Nous vous proposons une ligne budgétaire unique en augmentation sur les trois prochaines années, en accordant au financement du logement social non plus 190 millions d'euros, mais 250 millions d'euros, ce qui fera du logement social l'un des moteurs de l'activité économique.

Beaucoup d'entre vous sont maires : l'État va encourager les conventions d'action foncière avec les communes. Vous connaissez les difficultés qu'on a à mobiliser du foncier. Loger les plus démunis ne signifie pas construire du logement défiscalisé pour aider quelques patrimoines métropolitains, c'est aussi construire les logements attendus. Nous avons évoqué la question avec le député-maire de Fort-de-France : en Martinique, seulement 400 logements sociaux ont été construits l'année dernière. Pour remédier à cette carence, nous devons dynamiser le système.

Agir pour les logements sociaux implique aussi de réduire l'habitat insalubre, encore très présent dans les communes importantes. Nous souhaitons faire un effort en ce sens.

Tels sont les grands axes de ce projet de budget et de la future loi de développement économique de l'outre-mer. Cette nouvelle stratégie de croissance adoptée par le Gouvernement traduit la prise en considération d'une formidable opportunité : dans un monde qui change, les territoires d'outre-mer se trouvent au carrefour de toutes les croissances du monde. La chance de la France et de l'Europe, c'est de posséder des territoires qui sont des plateformes avancées de la mondialisation, aux portes des grands marchés, au carrefour du transport des marchandises. Je rappelle que 90 % des marchandises qui circulent sur la planète le font par la mer : les ports d'outre-mer peuvent devenir des lieux précieux de développement. Saisissons cette opportunité et faisons les réformes qui s'imposent !

Je ne terminerai pas mon propos sans évoquer l'indemnité temporaire de retraite. Ce dispositif, créé en 1952, existe dans l'Océan Indien et dans le Pacifique, mais curieusement, pas aux Antilles et en Guyane, pour des raisons que personne n'a jamais pu m'expliquer. Mis en place, à l'époque, pour compenser les effets de change, il est devenu une sorte de prime de vie chère. Il comportait plusieurs injustices : tout d'abord, il n'existait pas dans tous les territoires ; de plus, seuls les fonctionnaires de l'État en bénéficiaient, pas ceux de la fonction publique hospitalière et des collectivités locales ; enfin, il offrait une prime augmentant la retraite de 75 % dans les territoires du Pacifique, mais seulement de 35 % dans l'Océan Indien et 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon. Sur quoi reposent ces pourcentages, décidés il y a près de soixante ans ? Ce dispositif a fait l'objet d'une douzaine de rapports émanant de l'Assemblée nationale ou de la Cour des comptes, et d'autant de demandes de réformes. Nous proposons une réforme équilibrée : les retraités actuels maintiennent leurs avantages, avec un plafond qui ne touche que les hauts revenus ; dans les dix prochaines années, les retraités conserveront l'avantage, avec un plafond qui, s'il est un peu plus bas que celui en vigueur actuellement, reste un avantage considérable, notamment lorsqu'on le compare au sort des salariés du secteur privé dans les mêmes territoires. Nous avons travaillé à mettre en place un dispositif plus juste : il s'agit d'une retraite complémentaire pour tous les fonctionnaires de l'outre-mer – y compris des territoires des Antilles et de la Guyane – assise sur la réalité des rémunérations.

Voilà le sens de la réforme qui a fait l'objet d'un assez long débat à l'Assemblée dans la nuit de vendredi dernier. Elle s'inscrit dans une logique globale : la remise à plat d'un certain nombre de dispositifs, non pour retirer des avantages à l'outre-mer mais pour cibler les moyens que nous lui accordons – et qui sont en augmentation dans ce projet de budget – vers la production de richesse, l'emploi et la croissance, conformément aux souhaits du Président de la République. La valeur travail valant pour l'outre-mer comme pour la métropole, nous souhaitons que l'outre-mer se développe sur la base du travail de ses enfants, et pas seulement grâce à des transferts sociaux aléatoires.

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