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Commission d’enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en lybie et sur les récents accords franco-libyens

Séance du 22 janvier 2008 à 11h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Permalienprésident

Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour cette dernière réunion qui conclut les travaux de notre commission d'enquête. Cette séance est ouverte à la presse et sera consacrée à la présentation des conclusions du rapporteur, M. Axel Poniatowski. Chacun aura ensuite la possibilité d'intervenir pour exprimer son point de vue. Nous passerons ensuite au vote sur le rapport.

Je vous rappelle que les membres de la commission d'enquête et les groupes politiques ont jusqu'à demain, mercredi 23 janvier, pour déposer leurs contributions qui seront annexées au rapport.

Au terme de ses travaux, cette commission d'enquête sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares m'apparaît comme une première institutionnelle réussie. J'évoquerai rapidement le contexte de sa création : deux demandes de constitution d'une commission d'enquête sur ce sujet avaient été déposée par les groupes SRC et GDR tandis que la majorité était réticente avant d'accepter de voter cette constitution à l'unanimité en octobre dernier.

L'opportunité de cette commission d'enquête a été mise en doute, à ses débuts. Il est vrai que, traditionnellement, les affaires étrangères sont entourées dans notre système institutionnel d'un grand secret.

Rétrospectivement, il me semble que le contrôle parlementaire sort renforcé de nos travaux et que le Parlement s'affirme grâce à cette commission d'enquête comme un acteur essentiel de la politique étrangère de la France.

C'est pourquoi je tiens à féliciter les membres de la commission pour le sérieux de leur travail et notre rapporteur pour la qualité de son rapport. Je veux saluer aussi la transparence totale de nos auditions ouvertes à la presse, qui ont fait l'objet de retransmissions intégrales sur la chaîne de télévision LCP-AN et sur Internet.

La commission d'enquête a-t-elle rempli ses missions ? Pour une grande part, je crois que oui. Quelques limites ont néanmoins contribué à laisser dans l'ombre certains aspects de cette affaire.

Plusieurs personnalités étrangères ont décliné ou n'ont pas donné suite à l'invitation qui leur a été adressée de venir témoigner devant notre commission, soit faute d'une culture de l'évaluation par des Parlements nationaux – la commissaire européenne aux relations extérieures, Mme Benita Ferrero-Waldner, soucieuse de ne pas créer de précédent mais qui a accepté de s'entretenir en privé avec le rapporteur et moi-même à Bruxelles –, soit du fait d'une évidente mauvaise volonté. Ainsi, la commission n'a pas été en mesure d'entendre les représentants européens – MM. Tony Blair et Frank-Walter Steinmeier –, les responsables politiques bulgares, les représentants du Qatar ou des autorités libyennes.

Il y a eu des obstacles internes aussi : l'audition de Mme Cécilia Sarkozy a été écartée par un vote formel du groupe majoritaire. Pourtant, Mme Sarkozy était l'envoyée personnelle du Président de la République et, à plusieurs reprises, des témoins comme Claude Guéant ou Jean-David Levitte ont souligné son rôle décisif.

Je déplore donc ces limites et je forme un voeu : que les prochaines commissions d'enquête ne rencontrent pas ce genre d'obstacles.

PermalienPhoto de Axel Poniatowski

rapporteur. Monsieur le Président, mes chers collègues, je suis heureux de pouvoir présenter, ce matin, la version finale du rapport d'enquête concernant les conditions de la libération des infirmières et du médecin bulgares.

Je tiens à souligner ici l'objectivité que je me suis efforcé d'apporter à ce rapport et le sérieux qui ont animé nos réunions placées sous le signe de la plus grande transparence.

Je vous ai présenté, mes chers collègues, l'avant projet de rapport il y a quelques jours et vous avez eu la possibilité de consulter l'intégralité du document qui prend en considération certaines observations qui m'ont été faites.

Je rappelle que la commission a procédé à l'audition de vingt-cinq personnes, au total.

Elle a d'abord invité à venir s'exprimer les infirmières et le médecin : leur bouleversant témoignage a permis de mesurer l'immense souffrance qui fut la leur. Au nom des membres de la commission, je tiens à nouveau à leur exprimer toute notre gratitude d'avoir accepté de venir s'exprimer et aussi notre compassion pour ce qu'ils ont enduré.

La commission a entendu les responsables français – ministres et hauts fonctionnaires – qui ont contribué au dénouement de cette crise. A cet égard, je veux saluer le souci de transparence de la Présidence de la République puisque trois hauts responsables ont répondu favorablement aux convocations qui leur sont parvenues : le secrétaire général de l'Elysée, le conseiller diplomatique et le conseiller technique chargé de l'Afrique du Nord. Ce souci de transparence me semble suffisamment exemplaire pour être souligné.

La commission a également auditionné des industriels français du secteur de la défense et de l'énergie, ainsi que deux éminents professeurs de médecine spécialistes du sida.

Mme Benita Ferrero-Waldner a accepté de s'entretenir à Bruxelles avec votre président et votre rapporteur.

En revanche, la commission d'enquête regrette que les responsables politiques bulgares et libyens, le représentant du Qatar, ainsi que certaines personnalités – MM. Tony Blair et Frank-Walter Steinmeier – n'aient pas souhaité répondre aux invitations qui leur ont été adressées.

La Constitution ne permettant pas, en application du principe de la séparation des pouvoirs, de convoquer le Président de la République, la question s'est posée de savoir s'il fallait entendre Mme Cécilia Sarkozy – audition demandée par la minorité des commissaires, compte tenu du rôle joué par celle-ci.

Mme Sarkozy s'est entretenue à plusieurs reprises en tête à tête avec le colonel Kadhafi et, de l'avis des témoins les plus proches qui l'accompagnaient, son intervention a été tout à fait décisive pour obtenir du Guide libyen qu'il consente à cette libération.

Mme Sarkozy a rendu compte de ses discussions au secrétaire général de la présidence de la République, M. Claude Guéant, ainsi qu'au conseiller technique du Président de la République, spécialiste de la région, M. Boris Boillon, qui l'accompagnaient.

Bis repetita non placent. Fallait-il réentendre à nouveau ce qui avait déjà été dit, si ce n'est pour donner le sentiment de vouloir satisfaire une curiosité inassouvie, compte tenu de la médiatisation dont est l'objet Mme Cécilia Sarkozy ?

La majorité des commissaires n'a pas souhaité tomber dans le sensationnalisme, s'estimant amplement et correctement informée sur la phase finale du déroulement des dernières heures de négociations, par les nombreux témoignages déjà recueillis.

Pendant trois mois, la commission d'enquête s'est efforcée de cerner toutes les dimensions de cette affaire dont chacun a compris qu'elle ne se réduisait à sa seule facette humanitaire.

Je rappellerai d'abord les événements qui, de l'épidémie de sida aux procès, ont scellé le sort des six otages.

Au cours de l'année 1998 une épidémie de sida se déclare à l'hôpital pédiatrique El-Fateh de Benghazi, elle touchera 438 enfants et une vingtaine de mères. Parmi ces enfants, 56 perdront la vie.

Toutefois, la réponse des autorités libyennes ne sera pas d'ordre sanitaire mais financier. Dans cette région de la Cyrénaïque, politiquement opposée au régime, l'affaire fait en effet grand bruit. Il faut apaiser la colère des familles sans avoir à admettre les graves carences du système d'hygiène régnant à l'hôpital.

Selon M Marc Pierini, 50 à 60 millions de dollars auraient été dépensés pour ces familles qui ne demandaient qu'à se rendre à l'étranger pour y faire soigner leurs enfants. Cette attitude peu responsable du gouvernement libyen a eu des effets très négatifs sur la santé des enfants eux-mêmes si l'on en juge par les propos de M. Pierini : « Ce qui me tracassait… c'est que cette abondance d'argent… pouvait revêtir un aspect collatéral très dommageable, en ce sens qu'elle risquait de dispenser les familles de l'obligation de présenter les enfants à la consultation mensuelle. D'ailleurs, le taux de fréquentation est tombé à 20 ou 30 %, ce qui est un désastre… ».

En 1999, 248 enfants sont envoyés en Italie, en Suisse et en France notamment à l'hôpital Armand-Trousseau de Paris.

Mais il faut aussi, au pouvoir libyen, trouver des responsables à cette épidémie.

Le 29 janvier 1999, le docteur palestinien Ashraf Al Hajuj est arrêté. Le 9 février, un groupe de vingt-trois médecins et infirmières bulgares, travaillant dans différents hôpitaux ou dispensaires de la ville de Benghazi, est interpellé à son tour et placé en détention par la police libyenne. L'ambassade de Bulgarie à Tripoli n'est avertie de ces arrestations que le lendemain.

Le 7 mars, la plupart des ressortissants bulgares arrêtés sont remis en liberté, sauf six d'entre eux : les cinq infirmières et le mari médecin de l'une d'entre elles, qui sera relâché en 2004. Les autorités libyennes les accusent d'avoir sciemment provoqué l'épidémie de VIH à l'hôpital El-Fateh de Benghazi.

De reports de procès en procédures de recours, les soignants bulgares resteront prisonniers pendant plus de huit ans et seront condamnés à mort à trois reprises le 6 mai 2004,le 19 décembre 2006,le 11 juillet 2007.

Il est apparu clairement que pour des raisons politiques, les infirmières et le médecin n'ont pas eu droit à la justice la plus élémentaire et ont subi des violences et des tortures physiques, morales et mentales d'une grande cruauté. Le docteur Al Hajuj nous a déclaré : « Nous avons été les mauvaises personnes au mauvais endroit, au mauvais moment » ; quant à l'infirmière, Mme Nenova, elle témoignait : « le procès était, dès le début, un enjeu politique ».

Pour les infirmières et le médecin, l'Union européenne et la France ont bien tenu les rôles principaux dans leur libération le 24 juillet dernier. Le docteur Al Hajuj nous a précisé . « Sans le rôle joué par l'Union européenne, complété par celui du gouvernement français,je ne pense pas que nous nous trouverions ici aujourd'hui ».

Avant d'aborder les conditions de cette libération et les rôles respectifs de l'Union européenne, des Etats membres et de la France, j'évoquerai l'évolution de la Libye sur la scène internationale car le rappel de ce contexte est indispensable pour une bonne compréhension des événements.

La Libye, en 1999, à l'époque de l'arrestation des infirmières et du médecin, est un pays placé depuis plusieurs années sous les multiples embargos des Etats-Unis, des Nations Unies et de l'Union européenne. Ce pays est associé aux attentats terroristes : la discothèque de Berlin en 1986 ; l'attentat de Lockerbie en 1988 au cours duquel 270 personnes périssent dans l'explosion du Boeing de la Pan Am ; l'attentat contre le DC 10 d'UTA en 1989, qui fait 170 morts au-dessus du Ténéré.

L'embargo sur les biens d'équipements pétroliers touche durement le pays, dont la production de brut, à hauteur de 3 millions de barils par jour en 1970, tombe à 1,3 millions en 2003.

Le régime libyen s'est ainsi retrouvé face à une population dont le niveau de vie s'est effondré et il s'est heurté à de fortes contestations internes, notamment en Cyrénaïque (région de Benghazi) où il n'a pas hésité à utiliser la force pour réprimer certaines manifestations.

Dès lors,le changement de politique étrangère est apparu aux dirigeants libyens comme une condition de la survie de leur régime. La politique étrangère libyenne va sensiblement évoluer.

Le renoncement au terrorisme a été une politique de petits pas, qui a résulté des pressions que subissait la Libye. Le colonel Kadhafi a commencé par créer un fonds pour les familles des victimes de l'attentat de Lockerbie. Puis elle a remis à l'ONU deux suspects pour qu'ils soient jugés par une juridiction écossaise. L'indemnisation des familles des victimes est intervenue après l'accord du 15 août 2003 par lequel la Libye reconnaissait officiellement sa responsabilité dans l'attentat et acceptait de verser 10 millions de dollars par passager ayant péri.

Le règlement de l'affaire du DC 10 d'UTA a suivi un chemin similaire, même si la Libye n'était pas disposée au départ à indemniser les victimes françaises à la même hauteur que les victimes anglaises et américaines.

Le 12 septembre 2003, le Conseil de sécurité a voté la fin de l'embargo militaire et économique, par 13 voix pour et 2 abstentions, celles de la France et des Etats-Unis.

Le renoncement aux armes de destruction massive a constitué le second volet de la normalisation des relations de la Libye.

Le démantèlement de ses installations nucléaires a constitué le point de départ de la réinsertion de la Libye sur la scène internationale, avec la levée de l'embargo de l'Union européenne sur les ventes d'armes vers la Libye, le 11 octobre 2004. Les délégations ministérielles et commerciales se sont succédées à Tripoli à partir de la fin de l'année 2004.

Les années 2003 et surtout 2004 marquent ainsi un tournant dans les relations qu'entretient la Libye avec la communauté internationale.

J'évoquerai maintenant la mobilisation humanitaire de plusieurs États européens et de l'Union européenne, en plusieurs temps, à partir de 2004.

En recevant le président de la commission d'enquête et votre rapporteur, le 4 décembre 2007, à Bruxelles, Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne chargée des relations extérieures, dira : « Consciente de l'injustice que représentaient ces femmes et cet homme jetés en prison, j'ai fait en sorte que tout soit fait pour les libérer. A l'époque, il s'agissait pour moi d'un dossier humanitaire et je n'imaginais aucunement qu'il pourrait prendre une telle ampleur. Tout ce qui me motivait, c'était le côté personnel, humain de l'affaire ».

Pour la clarté du propos, j'évoquerai d'abord la position de la Bulgarie. Celle-ci s'est efforcée d'aboutir à la libération de ces ressortissantes, mais elle a rencontré de nombreuses difficultés.

La Bulgarie entretient des relations étroites avec la Libye qui remontent aux années soixante-dix à l'époque où du Pacte de Varsovie et du COMECON. La présence de travailleurs bulgares en Libye s'est maintenue après la chute du mur de Berlin, essentiellement pour des raisons économiques et financières.

De très nombreux travailleurs bulgares ont continué à y vivre et à y exercer leur métier pendant toute la phase de détention des infirmières et du médecin. Leur présence sur le sol libyen explique en partie la prudence des autorités de Sofia dans les jours, puis dans les mois qui ont suivi les arrestations.

Lors de leur audition, les infirmières et le médecin ont reproché aux autorités bulgares leur passivité. La première visite d'une autorité bulgare – le ministre des affaires étrangères de l'époque, M. Solomon Passy – a eu lieu en décembre 2001, soit 34 mois après les arrestations. A sa décharge, il faut garder à l'esprit que la Bulgarie souffrait en 1999 d'un certain isolement international, n'étant pas encore membre de l'Union européenne.

Au fil des ans, les Bulgares ressentaient une certaine lassitude et nourrissaient un sentiment d'impuissance sur ce dossier. M. Etienne de Poncins, ambassadeur de France à Sofia, nous déclarait lors de son audition : « Jusqu'au dernier moment... les Bulgares n'ont pas cru à une issue favorable. Cette libération est largement due à la solidarité européenne ; seule la Bulgarie n'aurait pas pu s'en sortir ».

C'est la stratégie développée par l'Union européenne qui a permis de débloquer, petit à petit, la situation.

Cette stratégie reposait d'abord sur la mise en place du plan d'action pour Benghazi (BAP), conçu avant la nomination de Mme Ferrero-Waldner mais qui n'avait pas reçu d'application jusque-là.

A son initiative, s'est tenue à Bruxelles une première réunion technique entre la Commission européenne et la Fondation Kadhafi, qui a débouché sur un accord de coopération. Le premier souci de Mme Ferrero-Waldner a été de réunir 1 million d'euros pour le démarrage de la mise en oeuvre de cet accord, qui visait à former les personnels de l'hôpital de Benghazi et à le remettre aux normes. Il fallait également s'occuper en urgence des enfants.

La Commission européenne ne disposait pas au départ des ressources financières pour réaliser son plan d'action puisque la Libye, pays riche, n'était pas éligible à la politique de coopération européenne. A la fin de 2004 et pendant la plus grande part de l'année 2005, le plan a été exécuté sur la base de contributions disparates d'origines britannique, italienne, espagnole, belge et néerlandaise, avant que la Commission puisse intervenir sur ses ressources propres, à partir de septembre 2005.

Ce plan d'action pour Benghazi (BAP) consistait à rétablir des règles de fonctionnement strictes à l'hôpital de Benghazi. Le BAP s'est décliné en quatre phases, et a donné lieu à plusieurs dizaines de missions, en général de courte durée (2 à 3 jours), visant à former les personnels médicaux, leur enseigner à prendre en charge des patients atteints du sida, leur expliquer les modes de transmission de cette maladie…

L'action de l'Union européenne a également concerné l'indemnisation des familles au travers de la création du Fonds international de Benghazi.

Le Fonds international de Benghazi (FIB) a été officiellement créé le 19 janvier 2006, à Tripoli, grâce à l'initiative de la présidence britannique. Le FIB est un livre de comptes, qui n'a ni siège, ni équipe permanente. Il s'agit juridiquement d'une ONG de droit libyen. Ce fonds a un double objectif : assurer un soutien médical aux victimes et indemniser les familles. Son conseil d'administration comprend 5 membres : le croissant rouge libyen, une ONG bulgare, le centre de Benghazi pour les maladies infectieuses, le collège médical Baylor de Houston spécialisé dans la coopération internationale en matière de sida et le Plan d'action de l'Union européenne pour Benghazi.

S'agissant du volet consacré au soutien médical aux victimes, détaillé dans le rapport, je me bornerai ici à indiquer que 13 millions d'euros y sont consacrés ce qui représente sept années de soins. Les contributions destinées à ce volet médical sont versées sur un compte de la Croix rouge à Bruxelles.

Je me consacrerai plus longuement à l'aspect plus délicat de l'indemnisation des familles des victimes. Cette indemnisation constituait la voie d'accès au pardon des familles indispensable pour commuer la peine de mort. Mme Benita Ferrero-Waldner nous déclarait à ce sujet : « ce qui m'a mise sur la voie d'une solution au problème que posaient d'un côté les enfants et de l'autre les infirmières, c'est lorsque l'on m'a parlé de la « Diyya », c'est-à-dire du prix du sang : selon la loi islamique, quelqu'un qui a connu un malheur peut accorder sa grâce en échange d'argent ».

Mais comment procéder à cette indemnisation sans d'une part faire contribuer l'Union européenne ce qui eût valu reconnaissance de la culpabilité de l'équipe soignante, et sans d'autre part contraindre l'Etat libyen à indemniser lui-même les familles, ce qui eût valu reconnaissance de sa faute en matière sanitaire ?

L'Union européenne est parvenue à ce résultat en sauvant les apparences grâce à un mécanisme sur lequel je suis en mesure de vous apporter les précisions suivantes.

La solution qui a été trouvée en juin-juillet 2007 a été celle d'un emprunt dont les remboursements s'effectueraient librement.

Le 12 juillet, les représentants des familles indiquent qu'ils ne se satisferont pas de simples promesses de dons et qu'ils n'accorderont leur pardon qu'après avoir reçu leur paiement, en argent liquide ou en chèque.

Le 15 juillet, alors que les familles ont accepté un montant d'indemnisation de 1 million de dollars par enfant contre dix millions initialement réclamés, le Fonds international de Benghazi, qui ne dispose pas de cet argent, emprunte 460 millions de dollars au Fonds libyen de développement économique et social qui en obtiendra le remboursement au fur et à mesure des contributions reçues par le Fonds international de Benghazi, sans limitation de temps.

Cette somme, en provenance de la Banque centrale de Libye, a été versée sur le compte du Fonds international de Benghazi, ouvert à la Libyan Arab Foreign Bank.

Les 15 et 16 juillet, M. Marc Pierini a établi les chèques aux familles des victimes et recueilli leurs lettres de pardon. Le 17 juillet, le Haut conseil libyen de la justice a commué la peine de mort – confirmée pour la troisième fois, le 11 juillet – en réclusion à perpétuité. Cette décision ouvrait la voie à la possibilité d'extrader les infirmières et le médecin, la Bulgarie et la Libye étant liées par un accord judiciaire datant de 1984. Les ambassadeurs de Bulgarie et de Grande-Bretagne, ainsi que M. Marc Pierini, ont rédigé et transmis la demande d'extradition aux autorités libyennes entre le 17 et le 19 juillet.

A la date du 17 décembre 2007, le Fonds international de Benghazi n'avait effectué aucun remboursement au Fonds libyen de développement économique et social. Il devrait toutefois recevoir prochainement un versement représentant le montant de l'annulation de la dette de la Libye envers la Bulgarie (56 millions de dollars).

En résumé, ce mécanisme d'indemnisation des familles a permis de sauver les apparences et d'ouvrir la voie à la libération des infirmières et du médecin otages.

J'en arrive maintenant au rôle directement joué par la France dans les derniers jours précédant la libération des infirmières et du médecin.

La décision de libération était difficile à prendre pour le Guide libyen qui n'avait cessé d'entretenir la thèse, toujours en cours d'ailleurs, de la culpabilité des détenus. C'est l'ambassadeur de France à Tripoli, M. Jean-Luc Sibiude, qui déclarait au cours de son audition : « Le fait que certaines infirmières pouvaient être coupables était… un sentiment très répandu, ce qui compliquait... la sortie de crise du côté libyen ».

Il est indéniable que le Président de la République a, par son engagement personnel, débloqué le dossier. Pendant toute la campagne électorale et le soir même de son élection, M. Nicolas Sarkozy avait répété que l'un de ses objectifs serait d'obtenir la libération des infirmières et du médecin.

Le secrétaire général de la Présidence de la République, M. Claude Guéant, a indiqué à la commission d'enquête lors de son audition : « Le 10 mai 2007 [quatre jours après l'élection de Nicolas Sarkozy], sur la suggestion du directeur de la DST, j'ai reçu M. Moussa Koussa, chef des services de renseignements libyens. M. Moussa Koussa m'a alors indiqué que le colonel Kadhafi souhaitait ouvrir des relations nouvelles avec le Président Sarkozy, mais aussi qu'il faudrait bien un jour libérer les infirmières et le médecin, et que la France pourrait jouer un rôle particulier à cet égard».

Quelques jours plus tard, le 28 mai, le Président de la République s'entretient par téléphone avec le colonel Kadhafi. Des sujets d'intérêt commun comme le Darfour ou les perspectives d'Union méditerranéenne, sont abordés mais aussi le sort des soignants étrangers détenus en Libye.

Le 29 juin, au cours d'un nouvel entretien téléphonique, le Président aborde de nouveau la question de la détention des infirmières et du médecin mais sans que le colonel Kadhafi ne s'engage à quoi que ce soit.

Le 10 juillet, M. Guéant reçoit un appel de Libye l'invitant à se rendre à Tripoli pour rencontrer le colonel Kadhafi. Le déplacement est fixé au 12 juillet. M. Guéant a précisé au cours de son audition : « Le Président de la République m'a donné son accord, ajoutant quelques instants plus tard : « ce serait une bonne idée que Cécilia vous accompagne ».

A ce premier voyage les représentants de l'Union européenne n'ont pas été associés car, selon M. Guéant : « nous avons eu le sentiment que nos interlocuteurs souhaitaient nouer avec nous une relation bilatérale et qu'une délégation trop nombreuse, en rendant confuse notre démarche, diminuerait les chances de succès ».

L'entretien avec le colonel Kadhafi se révèle peu encourageant : ce dernier insiste sur la sensibilité du sujet pour l'opinion publique libyenne. La délégation française rend visite aux infirmières à la prison de Tripoli puis va à Benghazi pour y rencontrer les enfants malades et leurs familles. De retour à Tripoli, Mme Cécilia Sarkozy rencontre en tête-à-tête le colonel Kadhafi, puis la fille de ce dernier, Aïcha.

Le lendemain 13 juillet, Mme Cécilia Sarkozy informe par téléphone Mme Benita Ferrero-Waldner des démarches accomplies la veille.

Le 19 juillet, Mme Benita Ferrero-Waldner rencontre le Président de la République à l'Elysée. Il est question entre autres de la libération des otages et de la signature d'un mémorandum entre l'Union européenne et la Libye dont les négociations avaient débuté quelques semaines plus tôt sous présidence allemande de l'Union, et auquel tenait beaucoup la Libye.

Le 21 juillet, le Président de la République décide d'un deuxième déplacement de MM. Claude Guéant et Boris Boillon à Tripoli, accompagnés par Mme Cécilia Sarkozy et invite Mme Ferrero-Waldner à se joindre avec ses collaborateurs à la délégation française. Ils s'y rendent le 22 juillet.

Les Libyens abordent d'entrée la question du mémorandum entre la Libye et l'Union européenne. Dans la journée du 23 juillet, le Président Sarkozy appelle le colonel Kadhafi pour le convaincre d'aboutir et il contacte parallèlement le Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, pour que celui-ci autorise Mme Benita Ferrero-Waldner à s'engager au nom de la Commission. Selon M. Guéant, le Président de la République a également pris l'attache du Premier ministre du Qatar après que le colonel Kadhafi a fait allusion aux liens qu'il souhaitait conserver avec les pays arabes.

Au cours d'un nouvel entretien en tête-à-tête avec le colonel Kadhafi, Mme Cécilia Sarkozy obtient un accord de principe pour la libération des infirmières et du médecin.

Pendant ce temps, comme l'a indiqué Mme Benita Ferrero-Waldner, le ministre des affaires étrangères libyen, M. Chalgham, et elle-même finalisent les termes de l'accord entre l'Union européenne et la Libye.

Dans la soirée du 23 juillet, le Premier ministre libyen, M. Baghdadi Ali Al-Mahmoudi rejoint la délégation franco-européenne pour discuter des modalités de la libération. Comme l'a rapporté M. Claude Guéant, les Libyens à ce moment précis souhaiteraient procéder à une libération conditionnée à une visite de M. Nicolas Sarkozy. Devant le refus de la partie française, qui réaffirme que la libération des infirmières reste la condition préalable à toute visite, une partie de bras de fer s'engage que le rapport décrit précisément. La libération sera incertaine jusqu'à la dernière minute.

Les infirmières et le médecin arrivent finalement à l'aéroport à six heures du matin, dans une ambiance très tendue selon les témoignages concordants de Mme Ferrero-Waldner, M. Claude Guéant et M. Boris Boillon. L'avion présidentiel français décolle immédiatement, en direction de Sofia où il arrive le 24 juillet en début de matinée.

J'en viens maintenant aux raisons politiques qui, selon moi, ont permis la libération à ce moment-là.

Cette libération des infirmières et du médecin est liée, me semble-t-il, aux trois éléments suivants :

– La solution trouvée pour indemniser les familles, via le Fonds international de Benghazi.

– La promesse d'un accord futur entre l'Union européenne et la Libye, qui s'inscrit dans le cadre de la volonté de la Libye de réintégrer la communauté internationale.

– La volonté libyenne de reprendre des relations bilatérales étroites avec la France.

Je ne reviens pas sur l'indemnisation des familles, dont on a vu que c'était une condition nécessaire mais non suffisante. Concernant le mémorandum, le 23 juillet, Mme Benita Ferrero-Waldner et M. Abdelati El-Obeidi, secrétaire aux affaires européennes, signent ce mémorandum sur les relations entre la Libye et l'Union européenne dont le texte est en annexe du rapport.

Le contenu du mémorandum montre que l'Union européenne n'a fait aucune concession majeure. Les articles 1 à 4 traitent du Fonds international de Benghazi et de la coopération médicale avec la Libye. Quant aux dispositions de l'article 5, elles ne constituent qu'une base pour la signature d'un accord futur et elles satisfont autant les intérêts européens (pêche, immigration clandestine) que les intérêts libyens (visas Schengen).

S'agissant du renforcement des liens franco-libyens, au lendemain de la libération des infirmières, le 25 juillet, le Président de la République se rend à Tripoli pour rencontrer le colonel Kadhafi, dans le cadre de sa tournée africaine, puisque la condition sine qua non à cette visite, à savoir la libération des infirmières et du médecin, était satisfaite.

Pour la France, il fallait poursuivre les efforts, commencés en 2004, en vue de réinsérer la Libye dans la communauté internationale. Voire même d'aider à sa rédemption selon l'expression utilisée par M. Jean-David Levitte lors de son audition.

La diplomatie française a compris qu'elle pouvait tirer profit de plusieurs éléments, qui, en se combinant, permettaient de convaincre les dirigeants libyens de l'intérêt politique que présentait la libération des prisonniers.

– D'une part, l'approfondissement des relations entre la France et la Libye ne pouvait être poursuivi qu'après la libération des infirmières et du médecin. La France a posé cette libération comme un principe préalable à toute coopération bilatérale.

– D'autre part, la récente élection du Président de la République en faisait, pour les Libyens, un partenaire de long terme tandis que d'autres dirigeants européens, comme Tony Blair qui s'était rendu à Tripoli en mai 2007, étaient en fin de mandat.

Des critiques se sont presque immédiatement élevées à l'encontre de la France et du Président de la République, qui aurait cédé à diverses exigences libyennes. Il convient donc de revenir sur la série des sept accords bilatéraux signés le 25 juillet et de l'annonce de contrats portant sur des matériels de défense qui ont suivi cette libération.

Je les rappelle brièvement :

- accord-cadre de partenariat global ;

- accord de coopération en matière de défense et d'industrie de défense ;

- mémorandum d'entente sur l'usage pacifique de l'énergie nucléaire ;

- convention de coopération de recherche scientifique ;

- programme de mise en oeuvre d'une coopération culturelle, scientifique et technique ;

- programme de mise en oeuvre d'une coopération dans le domaine de l'enseignement supérieur ;

- mémorandum d'entente dans le domaine de la santé.

L'accord-cadre de partenariat global vise à définir les principaux axes de renforcement des relations entre la France et la Libye, abordant des problématiques économiques, environnementales, migratoires ou sécuritaires.

L'accord portant sur la coopération dans le domaine de la défense et du partenariat industriel de défense est, lui aussi, très large. Comme l'a expliqué le ministre de la défense, M. Hervé Morin, il s'agit d'échanges de vue et d'informations, de visites réciproques d'experts, de formation des personnels libyens et d'offrir un cadre de coopération aux institutions et aux entreprises des deux pays afin de compléter les capacités de défense libyennes et de moderniser ses matériels de défense. A propos de cet accord, qui a été source de malentendus, le ministre des affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, a tenu à préciser à la commission d'enquête qu'il n'existait pas de clause de solidarité en cas d'agression. De ce point de vue, l'accord de défense conclu avec la Libye se distingue très nettement des accords de défense signés avec plusieurs pays africains qui prévoient l'intervention de la France pour assurer leur défense extérieure, voire même en cas de menace intérieure.

Ces accords sont la suite logique de la relance des relations entre la France et la Libye depuis la levée de l'embargo sur les ventes d'armes, le 11 octobre 2004.

A compter de cette date et tout au long des années la France va intensifier ses relations avec la Libye. M. Michel Barnier, alors ministre des affaires étrangères, s'est rendu à Tripoli dès le mois d'octobre 2004. En novembre, le ministre libyen des finances s'est rendu à Paris pour solder les dettes de la Libye à l'égard de la Coface. L'année 2004, s'est achevée par la visite du Président Jacques Chirac, les 24 et 25 novembre. C'était la première visite officielle d'un Président de la République française dans ce pays. De nombreuses visites ministérielles ont suivi, de 2005 à 2007 : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. François Loos, ministre du commerce extérieur ; M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur ; M. Brice Hortefeux, secrétaire d'État aux collectivités territoriales ; M. Léon Bertand, ministre du tourisme.

La politique de rapprochement des pays européens avec la Libye était par ailleurs engagée et la France ne pouvait pas se laisser marginaliser. En effet, s'étaient déjà rendus à Tripoli le chef du Gouvernement espagnol José Maria Aznar en septembre 2003, le Président du Conseil italien Silvio Berlusconi en février 2004, le Premier ministre britannique Tony Blair en mars ou le Chancelier allemand Gerhard Schröder en octobre 2004.

S'agissant maintenant des contrats de défense, à l'été 2007, je rappellerai tout d'abord le contexte de très vive concurrence internationale dans lequel ils s'inscrivent, comme l'a souligné le ministre de la défense, M. Hervé Morin, au cours de son audition : « J'ai demandé à mes services de me fournir l'état de la concurrence étrangère en Libye. Cela permet de constater à quel point la vertu est partagée. Ainsi l'Allemagne a signé un contrat pour un matériel, qui semble avoir été livré, et elle est en discussion sur toute une série de matériels de guerre, dont je vous donnerai la liste. L'Australie a déposé une offre pour des bateaux. L'Autriche a signé pour des armements. La Chine négocie pour la fourniture d'avions. L'Italie a signé, au début de 2006, bien avant la France, pour des hélicoptères, et au début de 2005 pour des vedettes côtières. La Pologne a signé pour des hélicoptères. Le Royaume-Uni a déposé des offres pour toute une série de matériels.

Je n'évoque pas la Russie qui, elle, s'y est mise depuis longtemps. Honnêtement, nous avons pris davantage de précautions que les autres avant d'accepter la passation de contrats avec les autorités libyennes. »

Les contrats de défense, signés quelques jours après la libération, ont été conclus à la demande de la Libye et ont été instruits dans le strict respect des procédures françaises d'exportations d'armement.

Le premier contrat, qui concerne le système Tetra de communication radio sécurisée ne constituait pas un contrat d'armement à proprement parler puisqu'il portait sur un matériel dit mixte, c'est-à-dire à un double usage à la fois civil et militaire, non soumis à la procédure d'agrément devant la CIEEMG.

Quant au contrat pour la vente de missiles MILAN, la société MBDA, filiale d'EADS a obtenu de la CIEEMG son agrément préalable de négociation en juillet 2006.

Les négociations qui ont suivi de décembre 2006 à juin 2007, puis de juin 2007 à la mi-août pour la phase de finalisation se sont déroulées parallèlement au dénouement de l'affaire des infirmières et du médecin, mais n'ont pas interféré dans un processus qui était de nature politique. Le contrat aurait probablement été conclu, même sans la libération des infirmières et du médecin, comme l'ont précisé devant notre commission MM. Marwan Lahoud et Antoine Bouvier.

Les dirigeants de MBDA ne disposaient pas d'information particulière sur la visite du Président de la République à Tripoli et si l'on se réfère à l'audition de M. Antoine Bouvier, PDG de MBDA, devant la commission d'enquête, l'Elysée n'a demandé à la société aucun élément d'information en vue de préparer le voyage officiel du Président.

On relèvera en outre que ce sont les autorités libyennes qui ont annoncé le 2 août la signature du contrat avec MBDA, et non l'entreprise ou les autorités françaises, comme si la Libye avait besoin de donner une dimension politique à un contrat d'armement d'un montant somme toute modeste de 168 millions d'euros.

Si, comme on vient de le voir, ces contrats étaient sur le point d'aboutir, votre rapporteur considère que la visite présidentielle en a, néanmoins, probablement accéléré la conclusion.

Il me paraît enfin important de faire un bref retour sur le mémorandum sur l'énergie nucléaire civile, qui fait partie de la série des sept accords, puisque ce volet a fait l'objet de critiques et d'inquiétudes lorsque sa signature a été annoncée le 25 juillet.

La commission a consacré deux auditions approfondies sur cette question, celle de Mme Anne Lauvergeon, présidente d'Areva, et celle de M. Alain Bugat, administrateur du Commissariat à l'énergie atomique.

Ce mémorandum d'entente sur la coopération dans le domaine des applications pacifiques de l'énergie nucléaire ne constitue pas un accord commercial. Mme Lauvergeon a déclaré lors de son audition : « il ouvre une porte... mais on ne sait pas ce qu'il y a derrière, parce qu'il n'y a pas d'accord permettant de déboucher sur quelque chose de concret pour nous…. nous sommes dans le vestibule ».

Ce cadre juridique qui permettra d'éventuels accords commerciaux pour implanter des installations nucléaires civiles en Libye a été le fruit d'une longue préparation par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui a assisté le Quai d'Orsay dans sa rédaction. Il n'est que le point de départ d'un long processus, habituel pour toute vente à un pays souhaitant accéder à l'énergie nucléaire civile. En résumé, construire une centrale nucléaire en Libye est un objectif de long terme.

Une dernière question reste à aborder, mes chers collègues : quel fut le rôle du Qatar ?

La commission d'enquête n'a pu faire la lumière sur le rôle précis du Qatar, mais il est indéniable que cet Etat, allié traditionnel de la France dans le Golfe Persique et qui entretient de bonnes relations avec la Libye, a contribué à la libération des infirmières et du médecin.

Les déclarations de nombreuses personnalités corroborent cette hypothèse, avec au premier chef celle du Président de la République, lors de sa conférence de presse du 25 juillet 2007, saluant « le geste humanitaire du Qatar ». M. Gueorgui Parvanov, Président de la Bulgarie, a pour sa part effectué une visite officielle dans l'Emirat les 7 et 8 novembre derniers, au cours de laquelle il a décoré le Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani de l'Ordre Stara-Planina, la plus haute distinction bulgare. M. Seif El-Islam Kadhafi a évoqué, de son côté, à plusieurs reprises devant des journalistes l'intervention du Qatar.

Le Qatar a dans le monde arabe une influence qui va largement au-delà de sa démographie et de ses capacités de production gazière et pétrolière. Il ambitionne d'être une place financière rivalisant avec Dubaï et surtout, il abrite les locaux d'Al Jazira, chaîne de télévision devenue le média de référence au Moyen-Orient. La Libye ne pouvait sans doute pas être insensible à l'intervention d'un Etat disposant de relais médiatiques considérables dans le monde arabe et lui permettant de façonner une image voire une opinion publique.

Il est certain que le Qatar n'a pas versé, même secrètement, une quelconque somme à l'Union européenne pour l'aider à dénouer la situation. La structure du budget communautaire, sous contrôle du Parlement européen et géré conjointement par les 27 Etats membres, ne se prête pas à ce genre d'opération.

L'hypothèse d'un versement du Qatar au Fonds libyen de développement économique et social ne peut bien sûr être complètement écartée même si elle apparaît peu vraisemblable. Mais ce n'est là qu'affaire de conviction personnelle et j'admets que d'autres puissent avoir une autre opinion.

Et ce n'est pas la création, depuis juin 2007, de trois grands fonds d'investissement qataro-libyens qui permet d'accréditer davantage l'idée d'une médiation financière du Qatar dans cette affaire.

L'étendue de l'intervention du Qatar est pour l'heure inconnue. Mais cette intervention est très probablement d'ordre politique : celle d'un médiateur du monde arabe capable de rassurer le colonel Kadhafi quant au fait que la libération des soignants étrangers constituait la meilleure solution. Celle aussi d'un pouvoir contrôlant le média le plus influent du monde arabe.

Mes chers collègues, au terme de ses travaux, notre commission d'enquête est, je crois, parvenu à montrer comment l'Union européenne et la France étaient restées fermes sur leurs principes, ne cédant rien sur l'essentiel.

– Ni l'Union européenne ni la France n'ont payé de rançon.

– Elles n'ont pas, non plus, négocié la libération des prisonniers contre des avantages politiques et commerciaux.

La France et l'Union européenne ont conduit une coopération exemplaire. Il convient également de ne pas oublier le rôle crucial joué notamment par la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Allemagne. La France a su trouver les arguments politiques qui ont convaincu la Libye qu'il était de son intérêt de libérer les infirmières et le médecin. L'Union européenne, avec le mécanisme du Fonds international de Benghazi, a permis à la Libye de sauver la face sans pour autant être contrainte d'indemniser les familles car cela aurait valu reconnaissance de la culpabilité des infirmières. Je le répète, ni l'Union européenne, ni la France n'ont versé un sou pour indemniser les familles. L'analyse des mouvements financiers sur le Fonds international de Benghazi ne laisse d'ailleurs place à aucune interrogation sur l'idée de marchandage ou de rançon parfois évoquée dans les jours qui ont suivi la libération des infirmières.

C'est la Libye qui, à ce jour, a versé la somme afférente à cette indemnisation. Une telle somme ne représente pas pour la Libye un sacrifice financier insurmontable.

L'indemnisation était nécessaire mais elle n'était pas suffisante car cette libération n'était bien évidemment pas une question d'argent mais une question politique. La Libye attendait essentiellement la relance de ses relations avec l'Union européenne et la France. A cet égard, le règlement de l'affaire des infirmières et du médecin a permis la visite du Président de la République à Tripoli, et a également accéléré la conclusion des contrats d'armements. C'est à cette occasion que s'est conclu le principe de la visite officielle du colonel Kadhafi à Paris, afin de confirmer la relance des relations franco-libyennes.

Mes chers Collègues, pour conclure je souhaite avancer une série de propositions :

– Les pays de l'Union européenne devraient réfléchir à un mécanisme d'alerte et d'assistance chaque fois que leurs ressortissants sont pris en otages pour qu'une affaire similaire ne se reproduise pas. La situation des infirmières et du médecin n'a en effet été prise en compte que vers 2004, soit cinq années après leur arrestation.

– Le souhait que la libération des infirmières et du médecin ne soit pas l'épilogue de cette affaire, mais constitue le point de départ de leur réhabilitation. Graciés par le Président de la Bulgarie, mais ils demeurent coupables aux yeux de la loi libyenne. Il conviendrait que l'Union européenne et la France parviennent désormais à convaincre la Libye qu'il est de son honneur, comme de son intérêt, de montrer par de nouveaux gestes qu'elle est disposée à reconnaître ses erreurs.

– Le souhait que les soignants bulgares puissent également bénéficier d'un mécanisme d'indemnisation et que l'ingéniosité mise au service des familles et des victimes puisse trouver à s'employer aussi efficacement en leur faveur sans attendre de faire dépendre ce processus d'aide financière à la reconnaissance juridique de leur innocence par l'Etat libyen.

– Le souhait que les enfants contaminés par le sida ne soient pas oubliés. Il est heureux que la Commission européenne poursuive à l'avenir la coopération avec l'hôpital de Benghazi. A ce titre, toute autre contribution financière, en provenance de donateurs publics ou privés, ne peut qu'être perçue avec reconnaissance par les autorités et la population libyennes.

– Le souhait que puisse reprendre avec la Libye une coopération scientifique de haut niveau, notamment dans le domaine médical.

Telles sont les propositions que je soumets à votre appréciation.

Permalienprésident

Merci monsieur le rapporteur pour cet exposé très détaillé. Je vais maintenant ouvrir le débat. La parole est à Mme Elisabeth Guigou.

PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Cette commission d'enquête, la première dans le domaine de la politique étrangère, est une réussite. J'adresse mes remerciements au rapporteur, pour le travail de grande qualité qu'il a accompli. Ceci dit, je regrette que nous n'ayons pas entendu Mme Cécilia Sarkozy. Cette absence marquera nos travaux.

J'émettrai également quelques remarques. En premier lieu, je ne suis pas satisfaite de certains éclairages donnés par le rapport. Celui-ci aurait pu souligner davantage combien il était regrettable que Mme Benita Ferrero-Waldner et M. Manuel Barroso n'aient pas accompagné le premier voyage effectué à Tripoli par Mme Cécilia Sarkozy et M. Claude Guéant, le 12 juillet 2007. Il aurait également été plus convenable d'associer l'Allemagne, qui venait d'assurer la présidence de l'Union européenne, à ce voyage. Ce n'était pas seulement une question de courtoisie. La France risque d'en payer ultérieurement le coût diplomatique.

Ma seconde remarque concerne le rôle exact du Qatar. Comme le relève notre rapporteur, des zones d'ombre subsistent sur cet aspect de la libération des infirmières et du médecin. Le rapporteur vient de nous livrer son opinion sur ce sujet. J'aurais néanmoins apprécié que le rapport soit plus neutre, plus circonspect, sur le rôle joué par le Qatar.

Il y a les parts d'ombre… Il y a aussi la lumière, une lumière que l'on peut qualifier d'éclatante, avec la visite du colonel Kadhafi à Paris, en décembre 2007. A-t-elle été le prix à payer ? Si tel n'est pas le cas, pourquoi avoir entouré cette visite d'autant de décorum ? Si, au contraire, il s'agissait bien de la contrepartie à la libération des prisonniers, le prix n'était-il pas exorbitant ? Pourquoi, en ce cas, n'avoir pas formulé pendant cette visite, les trois exigences suivantes : la réhabilitation des infirmières et du médecin, le respect des droits de l'Homme en Libye, et le respect par la Libye des décisions de la justice française, qui a condamné par contumace six ressortissants libyens à la réclusion à perpétuité.

PermalienPhoto de Michel Sordi

Je remercie notre rapporteur pour la qualité de ses travaux. Je retrouve dans son rapport l'esprit qui a animé nos auditions. Pour le reste, je pense qu'il faut revenir à l'essentiel : le rapport met clairement en lumière que les infirmières et le médecin n'ont pas servi de monnaie d'échange, qu'il n'y a pas eu le moindre troc… L'action de la France s'est exercée dans un cadre diplomatique marqué par la reprise des relations avec la Libye. S'agissant de Mme Cécilia Sarkozy, je rappelle qu'elle ne remplissait pas de fonction officielle lorsqu'elle s'est rendue auprès du colonel Kadhafi. Mme Elisabeth Guigou a qualifié d'exorbitant le prix politique de la visite du colonel Kadhafi à Paris. Pour ma part, dans l'hypothèse où cette visite constitue un prix politique, je ne crois pas qu'il soit très élevé. Sa visite en France était simplement une étape dans sa tournée européenne.

La France a pris une excellente initiative en aidant sur cette affaire l'Union européenne. Le rôle de l'Union européenne a été certes important, mais c'est bien notre pays qui a permis d'arriver au dénouement que nous connaissons. Les Français peuvent en être fiers. Il convient désormais de poursuivre la politique humanitaire auprès des enfants libyens et contribuer à la réhabilitation des infirmières et du médecin.

PermalienPhoto de François Rochebloine

Je salue à mon tour l'esprit dans lequel notre commission d'enquête a travaillé. Elle a rempli ses objectifs, qui étaient de faire la lumière sur les conditions de libération des infirmières et du médecin. Je regrette en revanche que des représentants libyens et qatariens ne soient pas venus devant nous. La Libye s'est privée d'une tribune qui lui aurait permis d'expliquer son attitude.

Nous avons, au terme de nos travaux, la certitude qu'il n'y a pas eu de contrepartie financière à la libération des infirmières et du médecin. Il est également certain que la visite en France du colonel Kadhafi s'est effectuée à sa demande, et n'a pas non plus constitué une contrepartie politique. Il reste la question de la réhabilitation des infirmières et du médecin, qui demeure en suspens. La France et l'Union européenne doivent agir en ce sens. En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera en faveur du rapport tel que proposé par notre rapporteur.

PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je tiens essentiellement à rappeler l'objet de notre commission d'enquête : elle ne portait pas sur la vertu des relations franco-libyennes. Personnellement, je n'ai aucune sympathie pour le régime actuel de Tripoli. La question qui nous était posée était de savoir si la France avait offert des contreparties à la libération des infirmières et du médecin, notamment dans le secteur de l'armement. La réponse est claire et montre qu'il n'y a pas de lien entre leur libération et les contrats d'armement. Il subsiste quelques zones d'ombre à l'issue de nos travaux, mais le Qatar ne nous pose pas le même problème moral que la Libye. Je voterai sans ambiguïté en faveur du rapport.

PermalienPhoto de Jean-Jacques Guillet

C'est effectivement une grande première que cette commission d'enquête dans un domaine relevant de la politique étrangère. Au moment de sa création, j'admets que j'avais une réserve sur l'existence même de cette commission d'enquête, aujourd'hui elle est complètement levée.

C'est un rapport exemplaire aussi parce qu'il démontre parfaitement que l'action diplomatique française a été transparente.

Je crois que ce rapport permet de lever doutes et d'éviter les fausses rumeurs qui s'étaient multipliées sur ce dossier. Il fallait aller vite, cela a été fait. Je m'en félicite.

Permalienprésident

Je crois pouvoir ajouter que le Parlement joue son rôle. On ne perd jamais à jouer la transparence. C'est un acquis pour l'avenir que l'on peut constater collectivement.

PermalienPhoto de Alain Bocquet

J'appartiens à ceux qui ont demandé cette commission d'enquête. Je me félicite bien entendu de la libération des infirmières et du médecin mais je regrette qu'ils n'aient pas encore été innocentés.

Au terme de nos travaux, je constate que des questions de fond demeurent sans réponse. Je n'imagine pas que toute la clarté soit faite sur cette affaire mais je suis convaincu que la vérité finira par poindre.

Je regrette aussi de n'avoir pu auditionner Mme Cécilia Sarkozy, d'autant que l'on peut craindre la publication très prochainement d'ouvrages ou d'entretiens sur ces événements. Les membres de cette commission auraient alors bonne mine !

Faut-il croire, enfin, à la réinsertion libyenne, à cette rédemption dont nous a parlé M. Jean-David Levitte ? J'en doute et je rappellerai que les infirmières et le médecin ont eux-mêmes souligné la persistance des tortures. Dans ces conditions, la visite du colonel Kadhafi à Paris n'est que de la business-diplomatie et elle donne l'impression regrettable d'un quitus donné à la dictature libyenne.

Pour toutes ces raisons, je m'abstiendrai sur le vote. Le tome I du rapport vient d'être écrit par monsieur le rapporteur, j'attends le tome II.

PermalienPhoto de François Lamy

Je me félicite moi aussi de la qualité de nos travaux. J'avais déjà participé à l'exercice délicat du contrôle parlementaire dans le domaine des affaires étrangères, mais je crois que l'on a franchi avec cette commission d'enquête une étape supplémentaire Je souligne, enfin, une conséquence heureuse avec la publication de l'accord de défense entre la France et la Libye…

PermalienPhoto de François Lamy

Et tous ces accords mériteraient d'être portés à la connaissance de la représentation nationale.

Mais on reste quelque peu sur sa faim. Vous affirmez, dans le rapport, que les accords auraient été signés de toutes les manières. Vous estimez que la visite à Paris du colonel Kadhafi a été négociée après la libération des infirmières et non avant. Vous n'avez pas non plus pu faire la lumière sur le rôle du Qatar. On en sait également très peu sur ce que M. Claude Guéant a fait à Tripoli et sur l'identité de ses contacts là-bas.

Finalement, qu'est-ce qui a été déterminant pour la libération des infirmières ? Deux éléments apparemment : la force des engagements du candidat Sarkozy et les arguments trouvés par Mme Cécilia Sarkozy, mais sur ce dernier point nous n'avons pas pu obtenir de précision.

En résumé, c'est mignon ; c'est un peu « la politique étrangère expliquée aux enfants ».

PermalienPhoto de François Loncle

Je partage l'appréciation positive du Président sur le rapport et le travail de la commission d'enquête. Je rappellerai tout de même que l'on ne partait pas de rien en matière de contrôle parlementaire des affaires étrangères avec les missions d'information sur Srebrenica et sur le Rwanda. Mais il y a des différences entre une mission d'information et une commission d'enquête, en particulier la prestation de serment et l'obligation de déférer aux convocations d'une commission d'enquête sous peine de poursuites.

Je ne reviendrai pas sur les lacunes, déjà soulignés par mes collègues, concernant l'audition de Mme Sarkozy, celles des autorités libyennes ou qatariennes, ou celles de certains européens. A ce sujet, j'ai été particulièrement heurté par l'attitude de l'ambassadeur de France à Tripoli qui, à mon avis, n'a pas suffisamment relayé les demandes répétées d'audition auprès des autorités libyennes et – j'en suis convaincu – les a dissuadés d'y répondre.

MM. Levitte et Guéant nous ont soutenu qu'il n'y avait eu ni contrepartie, ni condition à la libération des infirmières. Sur le Qatar, ils nous ont menti par omission et nous n'en avons appris davantage qu'avec M. Boillon.

Le rapport s'interroge sur les raisons pour lesquelles c'est la France, et non l'Allemagne, l'Italie ou le Royaume-uni, avec laquelle la Libye a négocié cette sortie de crise. Je crois que le colonel Kadhafi s'est servi de la France pour mettre en scène son retour sur la scène internationale. Je ferai remarquer que Jacques Chirac, lui, n'avait pas accepté de l'accueillir à Paris. C'était tout à son honneur.

C'est pourquoi le groupe socialiste, radical et citoyen s'abstiendra.

PermalienPhoto de Jean-François Lamour

Notre commission d'enquête a le mérite d'avoir levé le voile sur la manière dont a été résolue la question de la libération des infirmières et du médecin bulgares. Au mois de mai dernier, le dossier était bloqué, sans doute parce que l'Union européenne, avec ses changements périodiques de présidence, n'avait pas de réel visage pour les Libyens. L'idée force du Président de la République a été de changer le rythme des négociations, d'aller plus vite. Cette tactique a été couronnée de succès. Il subsiste évidemment des zones d'ombre, comme le rôle du Qatar, dont on connaît la tradition de médiateur au Moyen-Orient. Je m'associe également à mes collègues qui ont exprimé le voeu que les infirmières et le médecin soient réhabilités.

PermalienPhoto de Lionnel Luca

La majorité a accepté le principe de cette commission d'enquête, demandée par l'opposition. Cette initiative a été cause de nouvelles souffrances pour les infirmières et le médecin et a inutilement froissé la Bulgarie. Nos travaux ont mis en lumière les patientes négociations de l'Union européenne, les strictes procédures françaises de contrôle des exportations d'armement, l'élan donné par le Président de la République à la diplomatie française, qui a appuyé une action européenne remarquable, mais qui s'essoufflait. Mme Cécilia Sarkozy a apporté une touche psychologique à l'ensemble de la médiation française. Au final, il s'agit d'un succès de notre diplomatie, dont les Français peuvent être fiers.

PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Je salue l'excellent travail de notre rapporteur. Lors de la première audition, j'avais présenté mes excuses aux infirmières et au médecin, pour les souffrances que nous leur infligions en les interrogeant sur les tortures qu'ils ont subies. Je réitère mes excuses. Je remercie les personnalités françaises – ministres, fonctionnaires, scientifiques – qui sont venues devant notre commission d'enquête et regrette en revanche que les personnalités étrangères que nous souhaitions entendre ne se soient pas déplacées. Je souhaite enfin que la fin de nos travaux ne soit pas marquée par un embrouillamini politique. Plusieurs pays, comme l'Italie, l'Espagne, la Pologne ou la Russie ont repris des relations avec la Libye. Pour ma part, je n'oublie pas que ce pays reste une dictature, mais derrière cette dictature se trouve un peuple. Il faut espérer que la Libye, qui assure actuellement la présidence du conseil de sécurité de l'ONU, poursuivra sa réinsertion dans le concert des nations. La France est le pays des droits de l'Homme. Elle ne doit pas le clamer à tort et à travers, mais elle doit agir en conséquence. Ainsi en est-il de la réhabilitation des infirmières et du médecin, à laquelle notre pays doit travailler.

PermalienPhoto de Frédérique Massat

Pour ne pas inutilement allonger notre débat, je présenterai quatre observations :

Je ne peux me satisfaire de la rédaction du rapport, s'agissant de Mme Cécilia Sarkozy. Toutes les personnes auditionnées ont fait part de leurs impressions sur cette affaire. Nous souhaitions recueillir auprès de Mme Cécilia Sarkozy des éléments d'information et non verser dans une quelconque exploitation médiatique.

Le rapport est solidement documenté et rappelle utilement l'évolution de la Libye sur la scène internationale. Je regrette qu'il n'insiste pas plus sur le fait que la Libye demeure une dictature.

Je regrette également que le rapport banalise trop la portée des accords franco-libyens, comme si la Libye constituait pour nous un partenaire habituel.

Enfin, je m'associe aux propos de plusieurs de mes collègues sur la zone d'ombre concernant le rôle du Qatar.

Permalienprésident

J'interviendrai maintenant en mon nom personnel, et au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Comme mes collègues, je dois souligner les limites de ce rapport.

Nous avons d'abord eu les plus grandes difficultés à faire témoigner des personnalités étrangères, à l'exception de Mme Benita Ferrero-Waldner et de M. Marc Pierini. Toutes les diligences n'ont pas, non plus, été accomplies pour transmettre la demande de la commission d'enquête aux autorités libyennes et l'ambassadeur du Qatar en résidence à Paris n'a, pour sa part, aucune excuse.

S'agissant de Mme Cécilia Sarkozy, j'ai relevé que MM. Levitte, Guéant et Boillon ont tous souligné son rôle déterminant. Tous nous ont assuré qu'ils connaissaient les détails des entretiens de Mme Sarkozy en tête à tête avec le colonel Kadhafi. La commission aurait souhaité les entendre de Mme Sarkozy elle-même. Cela restera comme une petite tache sur les travaux de la commission.

Ce rapport est donc de grande qualité, il est précis et complet mais notre lecture des faits qui y sont décrits n'est pas tout à fait la vôtre. J'estime ainsi que le fait d'avoir écarté Mme Benita Ferrero-Waldner de la première visite de la délégation française à Tripoli est un manquement grave. Sur le rôle du Qatar, je note qu'il est exact qu'aucun élément n'accrédite l'idée du versement d'une rançon mais il y a peut-être eu des tractations entre la Qatar et la Libye dont la France aurait été le témoin.

Le rapport laisse aussi entendre que c'est la France que la Libye avait choisie pour dénouer cette affaire. Que souhaitait donc Kadhafi ? Ma conviction est qu'il voulait une nouvelle respectabilité, être l'hôte de la France et être accueilli par l'Union européenne. Je constate aussi les conditions déplorables dans lesquelles s'est déroulée la visite officielle du colonel Kadhafi à Paris.

Enfin, j'approuve entièrement l'une des propositions du rapport qui concerne la réhabilitation des infirmières et du médecin condamnés en Libye. Ce point aurait pu et aurait dû être évoqué lors de la visite officielle à Paris. Pourtant, M. Claude Guéant nous a dit qu'il ne l'avait pas été et qu'il serait examiné plus tard. Je crois que l'on ne peut pas remettre cette question sans arrêt.

Dans ces conditions, la position du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche sur le vote est la suivante. Voter ce rapport n'était pas possible car cela aurait signifier donner quitus. Le rejeter serait revenu à dénoncer un rapport qui est, je l'ai souligné, de qualité. Notre groupe s'abstiendra donc afin de marquer son accord avec de nombreux points du rapport mais aussi de souligner son désaccord quant au refus d'auditionner Mme Sarkozy et ses divergences d'appréciation sur certains points du rapport.

J'espère que cette position de notre groupe sera un élément encourageant pour la création de futures commissions d'enquête sur la politique étrangère.

Permalienprésident

Si personne ne demande la parole, je vais mettre aux voix le rapport.

La commission d'enquête a adopté le rapport présenté par M. Axel Poniatowski, rapporteur. Le groupe SRC et M. Alain Bocquet se sont abstenus.