Le Président Didier Migaud : Mes chers collègues, la commission des Finances a souhaité auditionner plusieurs responsables de programmes dans le cadre du suivi de l'exécution du budget, en liaison avec la mission d'information sur la loi organique relative aux lois de finances. La MILOLF a repris ses travaux au tout début de l'année. Elle s'est déplacée dans plusieurs préfectures de région et a commencé à rencontrer des responsables de programme. D'ici à l'été, elle compte donner un « coup de projecteur » particulier sur la gestion des opérateurs de l'État. L'objet de ses investigations est de vérifier que la structure du budget et l'organisation des administrations sont bien conformes à l'intention du législateur organique de 2001. L'amélioration de la gestion publique est-elle bien en marche ? Les pesanteurs et les difficultés relevées dans les précédents rapports de la mission se sont-elles atténuées ?
Ces sujets sont suffisamment importants pour que certaines auditions soient réalisées dans le cadre des réunions ordinaires de la commission des finances. Ces réunions font du reste la transition avec celles auxquelles nous procéderons sur le projet de loi de règlement de 2007.
Tel est le cas de l'audition de M. Bernard Saint-Girons, directeur général de l'enseignement supérieur au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, que je remercie d'avoir répondu à l'invitation de la Commission. C'est en tant que directeur de deux programmes – Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante – que nous l'entendons aujourd'hui. Ces sujets intéressent aussi la mission d'évaluation et de contrôle qui, comme je l'ai annoncé hier, va se pencher sur l'allocation de moyens aux universités. Les rapporteurs, MM. Laurent Hénart et Alain Claeys, doivent commencer bientôt leurs travaux.
Aujourd'hui, les questions de la MILOLF et de la Commission porteront probablement sur des sujets de nature plus strictement budgétaire, notamment ceux de la soutenabilité de certains budgets opérationnels de programme – les BOP – ou des restes à payer, traditionnellement élevés pour ces programmes. Cette audition sera aussi l'occasion d'évoquer les relations du ministère avec ses opérateurs et les perspectives de la mission, – qui, je le rappelle, est interministérielle – dans le cadre du passage à la pluriannualité.
Après les déplacements que la MILOLF a déjà effectués dans plusieurs préfectures de région, la première interrogation porte sur l'état de la consommation des crédits et sur les engagements en matière de construction universitaire. Quels sont les décalages et comment sont-ils gérés ? Quelles dispositions l'État a-t-il prises pour être au rendez-vous dans les opérations faisant l'objet de financements croisés avec les collectivités territoriales ?
La mise en oeuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités – LRU – nous a fait entrer dans une période de mutation. Comment envisage-t-on d'articuler les mesures aujourd'hui engagées dans le cadre du programme de construction universitaire et le plan Campus qui a été annoncé ?
L'exercice budgétaire en cours se caractérise par un ensemble de réformes importantes. Les textes d'application de la loi LRU ont été publiés et les premières universités candidates accéderont aux compétences élargies le 1er janvier 2009, avec l'accompagnement qui convient. On assistera également à une montée en puissance de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur – AERES –. Celle-ci assure désormais l'ensemble de l'évaluation des universités – formation, recherche et gouvernance. Elle procède actuellement à l'évaluation des établissements de la vague C dont le renouvellement des contrats est en cours. Enfin, le ministère va travailler avec le Parlement pour formuler des propositions en matière d'allocation de moyens prenant en compte la performance et les activités de recherche et de formation assurées par les universités.
S'agissant plus précisément de la mise en oeuvre des contrats de projets État-région et la consommation des crédits dans ce domaine, des retards ont été pris. Grosso modo, c'est une année théorique qui a été réalisée en deux. Il en a résulté des problèmes matériels et techniques quant à la réalisation des projets, aggravés par une mauvaise couverture des autorisations d'engagement par les crédits de paiement. Le ministère est donc contraint de fournir un effort particulier tant pour combler les retards dans l'exécution des derniers contrats de plan État-région que pour enclencher les contrats de projets.
Le Président Didier Migaud : Pourriez-vous être plus précis ? Qu'en est-il du solde des contrats de plan État-région – CPER – ?
En d'autres termes, les CPER qui s'achevaient en 2006 sont-ils totalement soldés aujourd'hui ? Les opérations de report vers les contrats de projets lancés en 2007 sont-elles soldées ou sont-elles encore engagées ? Nous aimerions avoir une photographie de la situation.
Nous avons en effet procédé à la réinscription de certaines opérations. Pour autant, il faut aborder le taux de réalisation du CPER précédent avec une relative prudence : certains projets ont été abandonnés au profit de projets qui avait pris, localement, une autre dimension, notamment en matière de recherche.
Pour ce qui est des chiffres, nous avons prévu d'élaborer un document de récapitulation. M. Brice Lannaud, qui suit ces questions de près, peut vous fournir d'ores et déjà quelques données.
sous-directeur de la performance et des moyens au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur : Il reste environ 400 millions d'euros de crédits de paiement à ouvrir au titre des précédents CPER. Nous espérons que la couverture sera achevée d'ici à 2010.
Le Président Didier Migaud : Les opérations étaient censées s'achever en 2006… Vraiment, il serait souhaitable que vous nous fournissiez le tableau évoqué par M. Saint-Girons.
Le document est en cours de validation.
Pour nos esquisses budgétaires, nous travaillons sur l'hypothèse d'une année théorique pleine en 2009.
Après avoir réalisé l'équivalent d'une année en 2007 et 2008, on essaierait donc d'accomplir une année pleine en 2009 ?
Oui. Schématiquement, 2007 a correspondu à 40 % d'une année théorique ; ce sera 60 % pour 2008 et nous envisageons 100 % en 2009.
Dans les retards accumulés, quelle est la part imputable à une insuffisance des crédits inscrits en loi de finances initiale ou consécutifs à des régulations et quelle est la part des retards techniques ou des abandons de projets ?
Le Président Didier Migaud : Pour les contrats de plan 2001-2006, il manque déjà 400 millions. Cette somme correspond-elle à des opérations engagées et réalisées ? De plus, il semblerait que l'on n'ait fait qu'accentuer le retard en 2007 et 2008, puisque l'on n'a accompli qu'une seule année en deux.
L'année 2008 constitue une rupture puisque l'on a réaffirmé la priorité de la réalisation des CPER. Certes, il y a des retards, mais la mobilisation des crédits monte de nouveau en puissance. Cette tendance devrait se poursuivre en 2009, modulo ce qui pourrait résulter des régulations budgétaires.
Le Président Didier Migaud : Qu'en est-il de ce document « en cours de validation ».
Il nécessite une relecture précise…
Le Président Didier Migaud : Je le conçois, mais j'insiste pour qu'il nous soit transmis très rapidement après sa validation par le cabinet.
Il ne s'agit pas d'une validation par le cabinet, mais bien d'une relecture.
sous-directrice de l'égalité des chances et de l'emploi au ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur : Je puis vous donner d'ores et déjà quelques chiffres.
Pour le CPER 2000-2006, les engagements de l'État s'élèvent à 2,185 milliards d'euros. À la fin de 2007, les autorisations d'engagement étaient affectées à hauteur de 1,757 milliard d'euros ; 1,172 milliard de crédits de paiement était mandaté. Selon les prévisions d'exécution pour 2008, 176 millions d'euros d'AE seraient engagés et 265 millions d'euros de crédits de paiement seraient mandatés. Les ouvertures en crédits de paiement envisagées sont de 215 millions d'euros pour 2009 et de 104 millions d'euros pour 2010.
En d'autres termes, une partie des opérations du CPER qui s'est achevé le 31 décembre 2006 continue à vivre et fait l'objet de crédits. D'autres opérations ont été abandonnées, soit définitivement, soit parce qu'elles ont été réinscrites dans le contrat de projets 2007-2013 qu'elles ont, en quelque sorte, préempté. Dans le CPER actuel, quelles sont les opérations nouvelles ? Ne sommes-nous pas en train de solder purement et simplement des reports du CPER 2000-2006 ou de réinscrire des opérations non démarrées à l'époque ?
Le Président Didier Migaud : Dans le prolongement de ces questions, quand retrouverons-nous le niveau d'engagement de l'État en 2000, qui était en effet de l'ordre de 2,185 milliards ? Manifestement, nous n'y sommes pas encore en 2008.
Les opérations réinscrites ne le sont pas forcément en l'état : elles ont été repensées en tenant compte des nouvelles relations établies avec les universités ou des priorités définies en matière de recherche.
Il faut aussi distinguer, dans l'exécution des contrats, ce qui relève de la construction universitaire et du logement étudiant. Les taux de réalisation sont plus satisfaisants dans le premier cas que dans le second, où le retard accumulé a conduit, à la suite du plan Anciaux, à faire basculer du programme 150 vers le programme 231 les constructions de logement universitaire.
Dans un contrat de plan comme dans un contrat de projets, il existe des opérations faisant l'objet de financements croisés et dont la maîtrise d'ouvrage revient aux collectivités territoriales. Nous souhaitons vérifier si l'État a bien rempli ses engagements et à quel rythme, mais nous voulons aussi savoir si les autres partenaires des CPER ont rempli les leurs. Un tableau d'ensemble sur cette question serait bienvenu.
De plus, comment les contrats de projets s'articuleront-ils avec les contrats de plan et, désormais, avec le plan Campus ? Mme Pécresse a affirmé hier que les opérations urgentes non comprises dans le plan Campus pourraient faire l'objet d'inscription sur crédits budgétaires.
Tout d'abord, la mobilisation des crédits issus de la vente d'actions d'EDF ne se traduira en aucun cas par un jeu de bonneteau…
Le bonneteau ayant été largement pratiqué par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, vous comprendrez que nous restions attentifs…
Je n'en doute pas. Les crédits que j'ai mentionnés – 3,5 milliards d'euros – correspondent bien à un engagement de l'État qui vient s'ajouter aux engagements passés dans le cadre des contrats de projets.
Le Président Didier Migaud : Qu'en est-il du montant des engagements pour les CPER 2007-2012 ?
Ils s'élèvent à 2,123 milliards.
Le Président Didier Migaud : Soit légèrement moins que l'engagement de 2000.
Non. Lors de la préparation des nouveaux CPER, il avait été clairement signifié aux ministères qu'il était hors de question de reporter des opérations non réalisées. Après sept années d'exécution,…
…elles tombaient, mais pouvaient être réinscrites si elles apparaissaient toujours utiles…
…à condition qu'elles comportent des modifications. Les nouveaux CPER n'étaient pas censés reprendre des opérations abandonnées. Le taux d'engagement était très important pour l'enseignement supérieur. Les problèmes se sont posés plutôt pour les crédits de paiement.
Les autorisations d'engagement pour les CPER représentent donc 2,123 milliards d'euros, à côté desquels il faut compter le financement spécifique au titre des réalisations d'EDF.
Le Président Didier Migaud : N'a-t-on pas prévu, au départ, 5 milliards d'euros ?
Pour l'instant, les ventes d'actions d'EDF représentent 3,5 milliards.
Par ailleurs, le plan Campus ne concernera que dix sites retenus à l'issue d'une expertise…
Dix.
Le Président Didier Migaud : Les chiffres que l'on entend varient en effet…
La ministre est très attentive à ce que le plan Campus ne subisse pas les dérives qui ont conduit à la multiplication par trois du nombre des pôles de compétitivité. Reste que le chiffre sera évidemment différent selon que l'on dénombre les sites ou les universités. Le site de Montpellier réunit trois universités, mais il s'agit d'une seule opération dans le cadre du plan Campus.
Le Président Didier Migaud : Quoi qu'il en soit, les dix sites n'épuisent pas les 3,5 milliards d'euros….
Normalement, non.
Le Président Didier Migaud : Il faut en effet prévoir la deuxième « salve ».
D'ici à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, un premier ensemble de six projets sera retenu. Quatre autres le seront un mois plus tard. À l'évidence, ces opérations ne couvrent pas l'ensemble du spectre des contrats de projets. De surcroît, seul un certain nombre de sites concernés par ces contrats fera l'objet d'un abondement dans le cadre du plan Campus. Il faudra veiller attentivement à la complémentarité des différentes opérations. Il serait par exemple absurde de lancer une opération Campus autour d'un pôle thématique et de continuer parallèlement des constructions qui ne s'intégrerait pas clairement dans le processus. De ce point de vue, le plan Campus jouera un rôle structurant dans la valorisation des engagements des collectivités territoriales et de l'État. Du reste, les quarante-sept dossiers déposés font presque systématiquement apparaître l'articulation entre les projets inscrits dans les contrats et les apports possibles du plan Campus.
Pour ce qui est des sites non retenus, nous devons éviter de créer des « déçus du plan Campus », en veillant notamment à identifier les problèmes immobiliers majeurs – vétusté, défaut de sécurité – sur lesquels l'État devra se mobiliser prioritairement.
Comment articulera-t-on la mise en oeuvre du plan Campus avec celle des CPER, qui implique traditionnellement les préfets de région et les recteurs chanceliers des universités – dont je m'étais demandé avec Alain Claeys s'ils s'intéressaient vraiment aux universités ?
En tant qu'ancien recteur, je me sens interpellé par cette question !
Certains préfets se sont investis très fortement dans l'élaboration des projets du plan Campus. Tous les recteurs y ont été également associés, certains jouant même un rôle moteur dans l'organisation des relations entre des universités qui pouvaient éprouver des difficultés à dialoguer entre elles. De plus, ce sont les recteurs qui nous ont fait remonter l'ensemble des dossiers.
Comme l'a indiqué la ministre, c'est un comité indépendant qui instruira les projets. Une fois le choix arrêté, nous travaillerons avec les recteurs et les présidents d'université pour passer de la lettre d'intention – les dossiers transmis ne comptent que dix à vingt pages, avec des annexes plus ou moins nourries – à la finalisation du projet d'ici à la fin de l'année civile.
Le décret financier qui sera pris en application de la loi LRU prévoit en outre un renforcement du rôle des recteurs, qui seront responsables de la bonne exécution des budgets.
Pour en revenir aux contrats de projets, vous avez indiqué que 2009 devait constituer une année budgétaire complète. En quoi la pluriannualité peut-elle faciliter le pilotage des programmes dont vous avez la charge et l'exécution des opérations en cours ?
Le Président Didier Migaud : Sachant que la pluriannualité existe déjà dans les contrats de plan et de projets…
Nous attendons de la pluriannualité – c'est une banalité que de le dire – un renforcement de la visibilité de notre action, de nos objectifs et des niveaux intermédiaires de réalisation. Il s'agit d'un outil de projection et de suivi indissociable de la LOLF, dans la mesure où il permet d'identifier les étapes qui restent à accomplir pour boucler un dossier.
Les contrats de plan étaient aussi pluriannuels, certes. Cependant, de mesure budgétaire ponctuelle en mesure budgétaire ponctuelle, on a réduit la capacité à déterminer ce qui restait à accomplir.
La pluriannualité permettra également de mieux mesurer l'efficacité des dispositions prises. Cela sera d'autant plus important que la direction générale de l'enseignement supérieur est confrontée à des opérateurs multiples.
Alors que l'on passe à la pluriannualité au niveau de l'État, les opérateurs – en particulier les universités – ont toujours beaucoup de peine à disposer d'une vision complète sur une année budgétaire. Les accompagnerez-vous pour qu'ils s'inscrivent dans une démarche de pluriannualité ? Comment articuler votre budget pluriannuel avec le leur ? On sait qu'ils ont déjà un retard important à combler pour établir des comptabilités analytiques et des budgets consolidés.
Le lien naturel est le contrat quadriennal existant, qui permet de définir les objectifs et d'en décliner annuellement l'exécution par les opérateurs.
Il n'en reste pas moins qu'aucune université ne présente actuellement de budget pluriannuel. Or, dans les deux programmes dont vous avez la responsabilité, l'essentiel de la masse des crédits passe par les opérateurs. Pour les universités, le contrat quadriennal n'a pas provoqué le réflexe de la pluriannualité.
La raison en est simple : le contrat quadriennal découpait en quatre la période d'exercice, si bien que l'on obtenait des tranches annuelles égales. Aujourd'hui, la perspective est tout autre. Les enjeux du contrat ne seront plus les mêmes dès lors que les universités seront passées aux compétences élargies et auront vu leur budget multiplié par 3 ou 3,5 du fait du transfert mécanique de la masse salariale. Le contrat s'inscrira dans une perspective de dialogue de gestion portant sur les priorités et sur l'agenda – qu'il s'étale sur deux ans, par exemple, ou sur une durée plus longue – selon lequel elles seront réalisées. Les universités pourront utiliser davantage de leviers.
En outre, les indicateurs joueront un rôle plus important dans les contrats : du niveau de réalisation des opérations déterminé à partir des indicateurs partagés dépendra l'allocation des moyens pour la période ultérieure. Nous nous emploierons à décliner ces indicateurs de performance pour vérifier annuellement l'évolution de la situation de l'université. Il ne s'agit pas seulement d'apprécier la beauté du geste, mais d'en tirer les conséquences : la dotation à la performance devrait passer de 3 % à 8 ou 10 %, comme c'est le cas à l'étranger.
Qu'en est-il, dans cette évolution, de la pluralité des intervenants au sein de l'université ? Les grands opérateurs de recherche sont actuellement associés aux universités dans les structures mixtes de recherche. Quelle articulation envisager pour que la démarche budgétaire soit plus globale et plus lisible ? Dès l'origine, il y a là une source de confusion : on ne peut savoir ce qu'est le budget de l'université et quelles sont ses capacités d'agir.
Les universités éprouvent des difficultés à assumer la gestion financière qui leur incombe. Pour y remédier, nous avons entamé un important travail de formation auprès de l'ensemble des équipes présidentielles et d'encadrement. Les compétences doivent être à la hauteur des enjeux.
Par ailleurs, nous avons engagé la globalisation des dotations aux universités au titre de la recherche pour la vague contractuelle A et nous l'avons poursuivie avec la vague B. Il est apparu nécessaire d'introduire des éléments de clarification entre ce qui relève de l'engagement de l'État et de l'engagement des organismes de recherche. Se pose notamment un problème de traçabilité auquel le rapport d'Aubert, remis à la ministre il y a deux semaines, propose de remédier par le biais d'une convention cadre définissant, pour la durée du contrat quadriennal, ce que sera l'apport de l'organisme de recherche dans l'action des équipes mixtes. D'un côté, le contrat quadriennal structure la politique de recherche et de formation de l'université et détermine le soutien que l'État lui apporte ; de l'autre, une convention cadre fixe pour la même durée l'engagement financier du ou des organismes de recherche.
Faut-il comprendre que le contrat quadriennal, qui constitue le vrai rendez-vous pour les universités, s'applique aussi aux autres opérateurs qui leur sont associés, notamment dans les unités mixtes ? La convention que vous évoquez peut-elle prévoir un mandat de gestion des crédits de l'opérateur associé par l'opérateur principal, à savoir l'université ?
L'élaboration du contrat quadriennal est un rendez-vous essentiel pour les universités et pour les organismes de recherche. Il n'y a pas deux politiques scientifiques mais une seule, que l'État accompagne et que les organismes soutiennent. L'université autonome pourra négocier en pleine responsabilité avec les organismes de recherche car elle sera sur le même plan qu'eux, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. L'organisme de recherche n'est plus l'instance qui évalue ou qui labellise : il devient partenaire.
Le rapport d'Aubert propose également que l'on puisse confier un mandat de gestion à l'hébergeur. S'il peut apparaître plus opportun de confier, dans certaines circonstances, la gestion de telle ou telle unité au CNRS, ce sera à l'université et au CNRS d'en décider d'un commun accord. La formule du mandat de gestion à l'hébergeur n'en devrait pas moins constituer le droit commun.
Les universités vont s'approprier leur budget. Elles devront répondre aux défis de la globalisation budgétaire et de l'élargissement de l'enveloppe. Quelles dispositions l'État entend-il prendre en matière de ressources humaines ? Les universités disposent actuellement d'agents comptables – qui dénoncent leur isolement – et de secrétaires généraux issus pour la plupart de l'administration scolaire. Envisage-t-on de diversifier le recrutement des cadres, en incitant par exemple les administrateurs civils à se porter candidats aux fonctions de secrétaire général dans les futures grandes universités regroupées ?
On peut en effet nourrir des inquiétudes sur l'administration. De plus, les indicateurs de performance ne risquent-ils pas de mettre en difficulté les « petites » universités, comme celle de Limoges ?
La qualité des activités d'une université n'est pas directement corrélée à sa taille. L'université d'Avignon compte environ 10 000 étudiants mais est un pôle d'excellence en recherche agronomique. D'une manière générale, les universités qui ont choisi de mettre en valeur des atouts réels en s'appuyant sur un environnement favorable connaissent à la fois la réussite et la reconnaissance. L'université de Limoges compte parmi celles qui sont susceptibles de passer à l'autonomie dès le 1er janvier 2009. La qualité de la gestion du président Jacques Fontanille est reconnue – mais peut-être est-ce un signe de fragilité que de dépendre aussi fortement de la qualité des personnes…
Comme la ministre l'a indiqué, l'État n'encouragera pas de nouveaux essaimages. En revanche, il s'emploiera à consolider l'existant et à aider la mise en réseau des universités. Dans certains domaines de recherche, Limoges se rapproche de La Rochelle et de Poitiers.
Pour ce qui est de l'encadrement, la langue de bois n'est pas de mise : nos universités sont sous-encadrées. C'est pourquoi nous avons entamé un travail important de repyramidage, qui sera poursuivi en 2009 si la loi de finances le permet, afin de transformer et de requalifier certains emplois. Des personnels de catégorie A viennent d'ores et déjà renforcer le dispositif d'encadrement. Cela dit, le vivier de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur est certainement insuffisant pour répondre à la demande. Nous devons disposer d'autres personnels, notamment issus des collectivités territoriales – directeurs généraux des services, directeurs de service –, pour conduire le changement. Certaines universités ont déjà approché des personnels appartenant à d'autres administrations.
Quels ont été les obstacles rencontrés ? La gestion des ressources humaines pose un vrai problème pour le fonctionnement de l'État et des opérateurs. Une des conditions de la réussite de la LOLF est d'obtenir une plus grande souplesse en la matière.
L'obstacle principal réside dans l'écart entre les pratiques salariales dans l'enseignement supérieur et la recherche et celles d'autres ministères ou des collectivités, notamment en matière de primes.
Le Parlement a sa part dans la réflexion. La variation des primes d'un ministère à l'autre constitue un vrai sujet. Cela étant, les universités seront responsables de la gestion de leur masse salariale et il appartiendra aux présidents d'utiliser cette nouvelle marge de manoeuvre pour faire les choix pertinents. La loi LRU prévoit qu'ils définissent la politique de primes au sein de leur établissement. Si un président considère qu'il existe des fonctions stratégiques requérant une expertise renforcée – et le recrutement, par exemple, d'un administrateur civil –, il doit pratiquer une gestion dynamique de la masse salariale et ne pas pourvoir, le cas échéant, certains postes vacants pour privilégier tel ou tel emploi.
Nous apporterons des aides pour que les universités qui passent aux nouvelles compétences disposent des marges de manoeuvre nécessaires : ainsi 250 000 euros seront versés à celles qui passeront à l'autonomie le 1er janvier.
La logique de la loi organique est de fixer un plafond de dépenses d'emplois et un plafond d'emplois. Cela suppose que l'on ait une connaissance correcte du nombre d'emplois actuellement rémunérés dans chaque université. Considérez-vous que c'est le cas aujourd'hui pour les programmes dont vous avez la charge ?
Pour ce qui est des emplois, je ne puis faire état d'une connaissance ferme et définitive. Nous ne sommes pas dépourvus d'outils, mais il nous faut démarrer avec les universités nouvellement autonomes sur des bases clairement partagées. Dès que la liste de ces établissements sera connue, nous engagerons une discussion pour nous entendre sur les emplois – fonctionnaires ou contractuels – effectivement financés par l'État. Ce sera l'occasion de travailler sur les emplois rémunérés sur ressources propres afin que nous ayons, à l'instant t, une connaissance exhaustive de la situation.
Dans cette période transitoire, nous avons décidé de recourir à la paye à façon, assurée par les trésoriers payeurs généraux. Nous pourrons ainsi suivre la consommation des crédits et nous assurer que nous respectons le plafond d'emplois. Cela peut sembler bien coercitif dans un processus d'accession à l'autonomie mais, après avoir discuté de la méthode avec le bureau de la conférence des présidents d'université, nous considérons que l'enjeu est d'abord d'assurer la paye d'octobre ou novembre 2009. Le dispositif fait l'objet d'une élaboration concertée avec Bercy, moyennant quelques ajustements suggérés par les présidents.
Nous espérons que la méthode retenue permettra d'améliorer rapidement les informations fournies par le « jaune opérateurs », notamment sur les effectifs. Si le Parlement doit évaluer à l'avenir des politiques à coût complet, il est nécessaire de porter à sa connaissance cette donnée essentielle.
Nous sommes en discussion avec le Gouvernement sur la maquette budgétaire, notamment celle des missions interministérielles. Quels sont, pour vous, les avantages et les inconvénients de la MIRES – Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur – ?
L'avantage, c'est que la MIRES permet une vision complète des institutions qui interviennent dans le champ de l'enseignement supérieur et de la recherche et donne une unité à la politique menée, par-delà les tutelles et les découpages administratifs hérités de l'histoire. La constitution des pôles recherche et enseignement supérieur se satisfait mal des découpages ministériels. La recherche agricole ou industrielle, par exemple, ne pourrait se passer d'une politique de sites fédérant l'ensemble du potentiel.
Peut-on aller plus loin dans cette démarche ? La capacité à travailler ensemble n'est plus à prouver. Si des modifications de périmètre devaient intervenir, la question de l'évolution des tutelles se trouverait posée.
Existe-t-il des échanges institutionnalisés entre responsables des différents programmes de la MIRES ?
Les contacts avec la direction générale de la recherche et de l'innovation sont systématiques. Nous rencontrons les représentants des autres ministères à l'occasion des discussions contractuelles, notamment dans le cadre de la politique de sites. Par exemple, la reconfiguration des écoles d'ingénieurs sur le site de Bordeaux implique notre ministère, mais aussi d'autres tutelles avec lesquelles nous avons l'obligation de travailler.
Monsieur le directeur général, je vous remercie. Il est donc convenu que vous nous transmettrez très rapidement des documents précis et chiffrés sur les contrats de plan 2000-2006 et sur les contrats de projets 2007-2013.