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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Séance du 17 juin 2008 à 12h15

Résumé de la séance

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  • RGPP

La séance

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Le Président Didier Migaud : Monsieur le ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, je vous souhaite la bienvenue pour une réunion de travail, dont nous étions convenus, sur la révision générale des politiques publiques – RGPP –, démarche lancée le 10 juillet 2007. Nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre dans le cadre d'une niche parlementaire du groupe de l'UMP, mais si l'évaluation des politiques publiques a pu être considérée par les parlementaires comme très intéressante, tous ont estimé que le Parlement devait y être davantage associé, et pas seulement par l'intermédiaire de ses deux rapporteurs généraux au sein du comité de suivi que vous animez.

Nous ferons en sorte que les vingt-six équipes d'auditeurs rencontrent nos rapporteurs spéciaux et nous essaierons pour notre part, avec Gilles Carrez, de cibler quelques grands sujets sur lesquels certaines de ces équipes pourraient être auditionnées par l'ensemble de la commission des Finances.

Nous souhaiterions aujourd'hui vous entendre sur l'état actuel des travaux, tant sur le plan quantitatif, c'est-à-dire les décisions prises ou encore à prendre ainsi que les économies attendues et leur calendrier, que sur le plan qualitatif, puisque la RGPP tend à une simplification, à une modernisation et à une meilleure gestion de l'État pour une plus grande efficacité des politiques publiques.

PermalienÉric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le troisième conseil de modernisation des politiques publiques – CMPP –, ou plutôt, mais cela revient un peu au même, le conseil des ministres du 11 juin dernier, a marqué la fin de la première étape de la révision générale des politiques publiques. Depuis un an, notamment en présence des rapporteurs généraux des deux assemblées, nous avons examiné chaque ministère et chacune des grandes politiques d'intervention.

J'avais fixé quatre objectifs majeurs à la RGPP – ses quatre points cardinaux – lors du débat dans votre hémicycle.

Première exigence : la crédibilité. À cet égard, les réformes ont été bien préparées et peuvent servir de fondement au budget – tel est d'ailleurs déjà le cas pour la préparation du projet de budget 2009. Certains sujets sont anciens, car tous bien entendu ne sont pas nés de la RGPP, mais ils n'avaient fait jusqu'à présent que l'objet de rapports, notamment de la MEC. Aujourd'hui, il est temps de passer de l'intention ou de l'imprécation à la décision.

La RGPP est une révision en profondeur de toute notre organisation administrative, et c'est pourquoi elle conduit à des réformes de toutes natures, et d'abord, des réformes des administrations centrales qui, jusqu'à aujourd'hui, échappaient étonnamment à toutes les réformes. En les laissant grossir, on les incitait à édicter des réglementations parfois inutiles, sources de complexité pour les usagers.

Certaines des réformes engagées sont spectaculaires, comme dans les ministères de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire - MEEDDAT – de la culture ou de la santé. Pour autant, elles ne doivent pas consister en un changement factice ou optique de l'organisation. C'est ainsi que je rejette systématiquement, car je dois donner mon accord aux réformes d'administration centrale, toutes celles qui ne respectent pas les objectifs de la RGPP, comme ce fut le cas dernièrement pour le ministère de l'Intérieur.

De même, ces réformes doivent permettre un véritable allégement. Lorsque j'ai organisé la fusion de la direction générale des impôts – DGI – et de la direction générale de la comptabilité publique – DGCP –, j'ai ainsi veillé à ce que 15 % des bureaux soient supprimés.

La RGPP permettra, si elle est « correctement » mise en oeuvre, de supprimer ou de fusionner près de cinquante directions ou structures équivalentes dans les administrations centrales, ce qui est considérable.

Au-delà des réformes de structure, des réformes des process sont également lancées. Par exemple, pourquoi conserver un double examen des conditions d'accès sur le territoire français des 150 000 migrants légaux en France chaque année, alors que le travail est fait dans les consulats et les préfectures ? En permettant au visa de long séjour de valoir permis de séjour pendant la première année, c'est toute une masse de travail inutile qui est supprimée d'un coup. C'est une vraie réforme d'organisation, qui montre que la réforme de «l'appareil productif » de l'État est possible et permet de procurer des économies.

Quant aux supports, sujet d'une autre réforme, ils étaient trop segmentés entre les ministères. C'est ainsi que 10 000 fonctionnaires sont payés à payer les autres, pour un service très peu réactif. Aussi un opérateur national de paye – ONP – est-il en cours de constitution.

Il en va de même de l'Agence des achats de l'État, dont la création a été entérinée hier par un comité interministériel. Les gains à escompter de la mutualisation des achats sont très importants, d'autant qu'à la différence du projet d'optimisation des achats de l'État - l'opération Opache – en matière de téléphonie mobile, l'agence ne travaillera pas sur la base du volontariat des ministères. C'est ainsi que le passage à des marchés mutualisés au sein du seul ministère du Budget a déjà permis, pour des marchés de services aux bâtiments, une baisse moyenne de 25 % des coûts, ceux-ci étant parfois jusqu'à quatre à cinq fois inférieurs au prix précédent pour un même local. Les textes constitutifs de l'Agence sont prêts et seront examinés par le comité technique paritaire la semaine prochaine. Elle sera opérationnelle à partir de septembre prochain.

Ces réformes des supports ne sont pas du tout anecdotiques puisque la seule réorganisation des soutiens à la défense permettra d'économiser près de 8 000 équivalents temps plein par an.

Le dernier type de réforme a trait à l'allocation des moyens. C'est ainsi que, dans l'Éducation nationale, on pourra regagner du potentiel enseignant, grâce à l'Agence nationale de remplacement, avec les 23 000 enseignants qui ne sont pas devant les élèves. Dans l'enseignement supérieur, les moyens seront distribués en fonction du potentiel de chaque équipe de recherche ou de chaque université, plutôt que selon les critères désuets du système actuel, afin de mieux coller aux réalités du terrain.

En matière d'investissement, une rationalisation est également possible. Il n'y a pas de raison que le coût de construction d'une place de prison varie, comme aujourd'hui, du simple au double, de 88 000 à 175 000 euros. Les coûts de construction des prisons seront rapprochés et abaissés par des économies d'échelle au niveau de la conception et par la standardisation des établissements.

Les réductions d'effectifs et de coûts de fonctionnement annoncés n'étaient donc pas un présupposé et ne constituaient pas un plan de rigueur : elles sont une conséquence des réorganisations possibles. Preuve en sera donnée dans le budget pluriannuel, en tenant le cap de l'engagement de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux grâce à l'analyse approfondie de la situation faite en amont, sans pour autant porter atteinte à la qualité du service public.

L'exigence de crédibilité et de réforme profonde a été pleinement respectée avec l'application d'une politique de restauration de l'efficacité de l'État et de maîtrise de ses coûts. On est loin d'un abandon de ses missions, comme certaines présentations caricaturales de la RGPP l'ont laissé entendre. La place du service public dans notre pays demeure. Il n'est procédé à aucune coupe claire dans les missions de l'État. Seule leur hiérarchisation et leur réorganisation étaient nécessaires, sans que pour autant on en transfère des pans entiers, comme au Canada vers les provinces.

Deuxième exigence fixée à la RGPP : la justice. À cet égard, toutes les structures doivent se réformer, sans exception, et les dispositifs d'aide doivent être mieux ciblés.

Tout d'abord, l'effort de rationalisation concerne tout le monde, les ministères comme les opérateurs. Ces derniers ne doivent pas être sanctuarisés, la commission des Finances s'en est préoccupée à juste titre. Ils doivent également se réformer et rendre des services au meilleur coût. Nous allons en supprimer ou fusionner dix-huit et les opérateurs seront pleinement associés, en particulier les établissements publics, à l'effort de transformation.

Alors que l'État se réforme et réduit ses effectifs, il n'y a aucune raison pour que les opérateurs, qui représentent 250 000 emplois, restent à l'écart de ce mouvement. La RGPP a acté, c'est essentiel, que la règle du « 1 sur 2 », c'est-à-dire le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, s'applique également à eux. De même, les réseaux consulaires devront se réorganiser ainsi, par exemple, que les offices agricoles.

Ensuite, les politiques d'intervention ont fait l'objet de décisions importantes. Il fallait mettre fin aux incohérences de politiques publiques qui n'atteignaient pas prioritairement le public visé, notamment, comme l'a souligné le Président de la République, dans le domaine du logement social.

Les réformes qui doivent s'appliquer aux dispositifs d'intervention sont d'autant plus nécessaires qu'elles permettront de dégager des marges de manoeuvre permettant de répondre aux nouveaux besoins des Français, comme la garde d'enfants ou la dépendance.

Troisième exigence : la concertation. Elle a été développée avec le Parlement, en dépit des difficultés inhérentes à la longueur du processus de révision. Les vingt-six équipes d'expertise ont presque toutes déjà été entendues par les rapporteurs spéciaux. Aujourd'hui, dans la phase de mise en oeuvre de la RGPP, il convient que nous veillions ensemble au bon avancement de l'application de ces décisions qui, si elles étaient dénaturées ou retardées, mettraient en danger le respect de notre trajectoire de finances publiques.

Le point de cette mise en oeuvre que je ferai chaque trimestre, dans chaque ministère, pourra être l'occasion d'examiner ensemble les « zones à risque ». Notre collaboration doit être régulière en ce domaine.

Dernière exigence : la responsabilité financière. Sans l'analyse de toutes nos organisations, nous n'aurions notamment pas su comment tenir l'engagement du « 1 sur 2 ». Ces réformes contribueront donc au retour à l'équilibre budgétaire.

Les économies décidées au cours des trois CMPP se détaillent ainsi :

– 3,5 milliards d'euros sur la masse salariale, soit 4,1 % des crédits 2008, à hauteur de 86 milliards d'euros, hors pensions – en brut, c'est-à-dire avant retour de 50 % des économies salariales aux fonctionnaires en poste ;

– 2 milliards d'euros sur les interventions et 1'investissement, soit 3,9 % des crédits 2008 des politiques d'intervention ayant fait l'objet de décisions, à hauteur de 52 milliards d'euros ;

– 2,2 milliards d'euros environ, sur le fonctionnement, y compris les opérateurs, soit 6,3 % des crédits 2008, à hauteur de 35 milliards d'euros.

Globalement, nous pouvons donc économiser 7,7 milliards d'euros sur l'ensemble de ces trois catégories de dépenses, ce qui représente 4,5 % de la base sur laquelle nous avons travaillé et pris des décisions à ce jour, soit 173 milliards d'euros en valeur de crédits 2008, c'est-à-dire les dépenses de l'État, hors pensions et hors intérêts de la dette et après avoir retiré les interventions pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

Pour aller au-delà de ces mesures, qui ne sont pas suffisantes pour rééquilibrer les finances de l'État, il faut tirer les conséquences de « l'analyse RGPP » dans tous les champs de la dépense publique. Le travail n'est donc pas achevé. D'autres décisions devront encore advenir, si l'on veut effectivement présenter, pour les trois prochaines années, un budget à zéro volume pour l'État et des finances publiques sur la voie de l'équilibre. Il en va ainsi de la sphère sociale, domaine qui ne concerne pas que l'organisation de l'État et qui implique, au-delà d'un groupe de travail et d'un CMPP, des discussions approfondies avec le Parlement et les partenaires sociaux pour crédibiliser et consolider les réformes.

D'ici au mois d'octobre, le conseil de modernisation fera un point sur les 356 mesures déjà prises ainsi que sur les propositions de la RGPP qui ne peuvent être décidées dans le simple cadre d'un CMPP. Sur les 265 mesures décidées avant le 11 juin, c'est-à-dire avant le dernier CMPP dont les mesures sont trop récentes pour pouvoir être jugées, seules 4 sont achevées et 72 réellement lancées. Les autres en sont encore à un stade préparatoire, y compris une trentaine parmi celles décidées voilà six mois. Il faut donc accélérer l'application des décisions qui, si elles peuvent faire consensus parmi les décideurs, peuvent ne pas emporter l'adhésion au sein des administrations elles-mêmes. Nous serons cependant intransigeants et nous communiquerons les résultats mesure par mesure.

Le Président Didier Migaud : En particulier en ce qui concerne les dépenses fiscales, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

PermalienPhoto de Gilles Carrez

Les analyses que conduisent, auprès des différents ministères, les équipes d'audit, composées de fonctionnaires issus de nos grands corps d'inspection et de consultants privés, sont très sérieuses et débouchent sur des propositions d'évolution de l'État qui étaient attendues depuis longtemps. C'est toute une réorganisation profonde qui est à l'oeuvre.

Jusqu'à présent, les décisions ont porté, pour l'essentiel, sur l'organisation de l'État, tandis que le champ social et, en fait, l'ensemble des interventions publiques n'ont fait l'objet que d'études. Or, autant la réflexion sur l'organisation de l'État peut être menée en interne, autant le champ des interventions publiques nécessite, en raison de son caractère éminemment politique, des concertations avec le Parlement et les partenaires sociaux. À cet égard, l'affaire de la carte de réduction famille nombreuse de la SNCF, compensée par l'État depuis 1921, est emblématique, car si la mesure est indispensable en termes de management public, c'est toute la politique familiale que l'on touche par son intermédiaire. Il faut donc, en de tels domaines, aller au-delà de l'architecture RGPP.

La démarche RGPP soulève par ailleurs le problème de son articulation avec la programmation de nos finances pour un retour à l'équilibre à l'horizon 2012.

La reconduction du budget à hauteur de l'inflation donne une marge manoeuvre de l'ordre de 6 milliards d'euros par an. Or ce montant est immédiatement consommé par les pensions, par la hausse des taux d'intérêt et par l'indexation des prélèvements sur recettes destinés à l'Union européenne et aux collectivités territoriales. Quant à la règle du « 1 sur 2 », elle n'a pour effet, compte tenu du retour aux fonctionnaires, que de stabiliser en euros courants la masse salariale.

Si l'on veut faire un effort, par exemple en faveur de l'enseignement supérieur, de la recherche ou du RSA, il faut donc trouver des économies ailleurs. Or celles-ci ne sont pas identifiées. Le Gouvernement devra, lors du prochain débat d'orientation budgétaire, présenter une programmation triennale des dépenses de l'État compatible avec les décisions RGPP et le pacte de stabilité.

L'enjeu, si l'on veut rééquilibrer nos comptes, c'est de faire en sorte que la masse de 1 000 milliards de dépenses publiques, qui s'est accrue ces dernières années de l'ordre de 40 milliards par an, non pas diminue, mais n'augmente plus que de 30 milliards. C'est là un effort de 10 milliards d'euros qu'il convient de répartir entre, d'une part, l'État et ses opérateurs, pour 2 à 3 milliards, d'autre part, les comptes sociaux, pour plus de 3 milliards, enfin, les collectivités territoriales pour 3 à 4 milliards.

Comment ces autres volets de la dépense publique que sont les comptes sociaux et les comptes des collectivités territoriales peuvent-ils être intégrés dans cette programmation consolidée que nous avons inscrite dans la réforme constitutionnelle, et qui permettrait de sécuriser le retour à l'équilibre en 2012 ?

Enfin, si le travail RGPP permet, pour la première fois, de bien documenter la règle du « 1 sur 2 », des problèmes se posent dans l'Éducation nationale avec les réformes qu'il faut mettre en oeuvre, notamment celles des lycées et des options. Ces réformes ont certes été examinées en RGPP, sur la base d'ailleurs des travaux tant du Parlement que de la Cour des comptes. Pour autant, elles n'ont pas fait l'objet de décisions explicites.

PermalienÉric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

L'articulation entre la RGPP et la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques est totale. Préserver la qualité du service public tout en calibrant les moyens qui lui sont affectés est en parfaite cohérence avec l'esprit de la LOLF. La RGPP est un outil de réorganisation de l'État, parmi d'autres, parce que, pour les politiques d'intervention, les décisions doivent être prises autrement. Au cours des quatorze réunions que j'ai tenues avec les autres ministres, la différence est apparue nettement : l'année dernière, il y avait encore des débats sur les économies qui étaient demandées ; cette année, nous nous sommes fondés sur la RGPP, à partir de tableaux très précis : les décisions prises par le CMPP ont été actées, et celles qui restaient en suspens ont été envisagées. La RGPP a donc permis une discussion riche et apaisée.

Cela étant, il est vrai que la RGPP ne concerne pas toutes les dépenses de l'État. La réorganisation des services est une partie du problème, mais une partie seulement. Il reste les politiques d'intervention. Le diagnostic a été établi, les scénarios sont élaborés ; on attend la décision. Toutefois, certaines politiques ont été traitées, en particulier le 1 % logement qui a fait l'objet d'une réforme importante. Mais, pour l'essentiel, ce type de dépense reste largement hors du champ du processus de décision du CMPP. La réorganisation de l'État dépend surtout du Gouvernement, mais les politiques d'intervention nécessitent une approche plus ouverte et qui s'étalera dans le temps.

S'agissant des comptes sociaux, il s'agit moins de faire des économies que de maîtriser l'évolution de la dépense. On sait bien que les dépenses d'assurance maladie vont augmenter – on ne peut le regretter – mais il faut ralentir leur rythme de progression. La sécurité sociale n'est pas entrée totalement dans le champ de la RGPP. La documentation se fera par ailleurs et le PLFSS pour 2009 comportera des mesures de ralentissement, à la fois conjoncturelles et structurelles, de sorte que l'ONDAM soit en diminution et qu'il soit respecté.

Les dépenses des collectivités territoriales doivent aussi ralentir. Alain Lambert, en charge du dossier, proposait de mieux sélectionner le champ des compétences mais il n'a pas réussi à obtenir un consensus des associations d'élus. Le CMPP n'a donc pas été saisi. Il est préférable d'éviter les polémiques sur les sujets qui touchent à l'organisation et non aux contenus des politiques. De toute façon, on y reviendra à l'Assemblée, où le débat sera sûrement vif. Et il promet d'être encore plus passionnant au Sénat.

Dans tous les domaines, le travail est important. Mais tout ne relève pas de la RGPP.

Le Président Didier Migaud : Deux missions d'information vont être mises en place : la première, de la commission des Finances, sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, animée par Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, réfléchira à la répartition des compétences, notamment à la fameuse clause de compétence générale ; la seconde, commune à la commission des Finances et la commission des Affaires sociales, s'occupera des relations entre l'État et la sécurité sociale.

PermalienÉric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Plusieurs décisions concernant l'Éducation nationale ont été actées lors du CMPP du 11 juin, en particulier la réforme du lycée général et technologique, qui commencera dès 2009 avec la classe de seconde, celle du bac professionnel, des IUFM et la création de l'Agence nationale de remplacement. Les établissements recevront en outre une plus grande marge d'autonomie.

PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Il faut crédibiliser l'idée de réforme, dites-vous. Vous citez, à l'appui de votre volonté, la récusation de la réforme proposée par le ministère de l'Intérieur. De quoi s'agissait-il et quels sont les critères qui vous ont amené à cette décision ?

Par ailleurs, les deux dernières administrations centrales du secrétariat d'État à l'outre-mer seraient vouées à disparaître pour être transformées en une délégation ministérielle. Le secrétariat d'État est-il condamné, ses fonctions politiques étant alors reprises par le ministère de l'Intérieur ?

Les collectivités territoriales ont été informées par les représentants de l'État dans les départements que certaines communes se verraient confier la confection des cartes nationales d'identité et des passeports, moyennant une somme de 3 000 euros par an. Sans doute cette somme sera-t-elle suffisante pour financer l'investissement nécessaire, mais pas pour couvrir les dépenses de fonctionnement. Ce n'est pas énorme, mais c'est une dépense de plus. S'agit-il ainsi de populariser la RGPP auprès des élus locaux ?..

Dans l'Éducation nationale, l'application de la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux devrait se traduire par une économie de 300 millions à 400 millions d'euros par an. Confirmez-vous ce chiffre, qui n'est pas suffisant au regard du déficit budgétaire ? Quand j'avais avancé le chiffre de 20 000 postes supprimés dans l'Éducation nationale, vous l'aviez récusé et répondu que le temps de le connaître n'était pas venu. Qu'en est-il aujourd'hui ?

La RGPP laisse en dehors du champ de la réforme les dépenses et niches fiscales, notamment la déduction pour l'emploi d'un salarié à domicile. Il y a des hésitations sur son plafonnement, mais il est actuellement le double de celui en vigueur entre 1997 et 2002. Est-il susceptible d'être révisé, chacun convenant que, au-delà de 6 000 ou 7 000 euros, le dispositif relève davantage d'un effet d'aubaine que du blanchiment du travail au noir ou de la création d'emplois de service ? Envisagez-vous de revenir sur cette dépense fiscale ?

La dette de la sécurité sociale s'apprêterait à être transférée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, par le biais non pas d'une augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, mais du transfert des ressources du Fonds de solidarité vieillesse, lequel est déficitaire et devait, en cas d'excédent, abonder le Fonds de réserve pour les retraites. Où en est-on du transfert de cette dette considérable qui pèse en trésorerie sur les différents organismes de sécurité sociale ?

J'ai cru comprendre que l'État, les collectivités territoriales et les organismes sociaux seraient traités de la même manière. Au regard du différentiel entre les investissements réalisés – l'État investit entre 14 et 15 milliards par an, là ou les collectivités locales en dépensent près de 70 –, estimez-vous qu'il est légitime de les traiter de la même manière ?

PermalienPhoto de Georges Tron

J'adhère à 100 % à la démarche de la RGPP mais on s'aperçoit que les marges dégagées par le principe du « 1 pour 2 » seront limitées. Sur les 4,5 milliards d'économies attendues au cours de la mandature, la moitié devrait être reversée aux fonctionnaires. Les chiffres fournis par Jérôme Cahuzac sont donc crédibles. Par ailleurs, certaines mesures, qui vont dans le bon sens, auront un impact financier, en particulier celles destinées à favoriser la mobilité, ou celles préconisées par le livre blanc, d'autant que l'harmonisation se fait toujours vers le haut. Il y a donc obligation, compte tenu de l'évolution de 2 à 3 milliards par an du poste des pensions, de prendre des mesures complémentaires.

Le Gouvernement est profondément engagé dans la démarche de la RGPP, mais la méthodologie suivie n'évite pas les réticences, en particulier au sein de la fonction immobilière qui représente près de 30 % du champ de la RGPP. Elles sont extrêmement fortes, et même choquantes dans certains ministères et chez certains opérateurs qui s'exonèrent des consignes données. S'agissant de la seule fonction immobilière, considérez-vous qu'il faille, ou non, aller plus loin ? Supprimer l'affectation, ce que nous approuvons tous, nécessite un décret qui, après deux ou trois ans, n'a toujours pas été pris. Le Conseil de l'immobilier de l'État commence à se lasser et à s'interroger sur la volonté réelle d'avancer, surtout que nous avons des exemples concrets de mesures allant à l'encontre de l'objectif affiché. Ensuite, ne faut-il pas aller plus loin que l'incantation et, après avoir dressé un bilan de la mise en application de la RGPP, en tirer les conséquences au moment du vote des crédits de chaque ministère ? Certains excès sont insupportables.

PermalienPhoto de Yves Censi

Donner un caractère permanent à la RGPP est un processus que j'encourage totalement. Il ne s'agit pas d'organiser le « grand soir », mais la fonction publique doit pouvoir s'adapter constamment. C'est la condition de l'innovation. Dans l'Éducation nationale, la culture introduite par la LOLF, qui consiste à mettre en regard les coûts et le résultat, n'est pas encore entrée dans les moeurs. La démarche consiste non seulement à réduire le prix de revient, mais aussi à investir pour atteindre l'objectif. Nous sommes tombés d'accord sur les programmes du ministère de l'Éducation nationale, mais tous ceux qui ne relèvent pas de la pédagogie doivent-ils forcément être réalisés par des fonctionnaires ? Il ne faut pas avoir peur de poser la question. Des contractualisations sont possibles, soit avec des personnes, soit avec des organismes. Je pense aux auxiliaires de vie scolaire. Y avez-vous songé concrètement ?

PermalienPhoto de Jean Launay

Quel lien établissez-vous entre la RGPP et la LOLF ? Quel est son impact sur les indicateurs de performance, dans leur nombre et leur périmètre, et sur les responsables de programme ? Je termine, dans le cadre de la MEC, un rapport sur la gestion des ressources humaines au ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire dont le nombre de directeurs va diminuer, ce qui renvoie à l'organisation générale de l'État. Les cabinets ministériels seront-ils concernés ?

PermalienÉric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Monsieur Cahuzac, nous ne sommes pas favorables au projet de réorganisation, en l'état, du ministère de l'Intérieur car il créerait des délégations supplémentaires. Par ailleurs, le décret prévisionnel de réorganisation ne tient pas compte de plusieurs des conséquences de la RGPP, notamment des gains sur les fonctions support de l'administration centrale, la place de la direction générale de la gendarmerie nationale, la réforme de la politique de formation en centrale pour la police et la gendarmerie. Beaucoup de sujets restent à traiter dans le cadre de discussions classiques, même si la réorganisation est en cours.

Il n'est pas mis fin au secrétariat d'État à l'outre-mer. Il s'agit seulement de mieux affecter les politiques sectorielles et d'améliorer la vision transversale.

S'agissant de la carte d'identité et du passeport, une expérimentation aura lieu dans certaines collectivités choisies par les préfets. On verra alors quel en sera le coût. Par principe, il vaudrait mieux procéder à une compensation. Les 3 000 euros couvriront surtout l'investissement. Il faudra en discuter.

L'application de la règle « 1 pour 2 » dégage 900 millions d'économies par an, pour un retour de 450 millions sur des crédits catégoriels, en essayant d'augmenter le traitement des fonctionnaires au fur et à mesure. Il est certain que la réforme se fait en général par le haut. Mais cela est plus ou moins aisé selon les ministères. Quand il s'agit de réformer la direction générale des impôts et celle de la comptabilité publique, les masses sont à peu près équivalentes. L'écart de quelques points peut être rattrapé en quelques années et, avec les gains de productivité, on en sort vraiment gagnant. Au ministère de l'Industrie, c'est plus difficile car 2 % des agents gagnent sensiblement plus que tous les autres. Une augmentation générale n'est pas possible et, là encore, il faut discuter pour savoir comment organiser la fusion, mais l'idée de base reste tout de même de récompenser au fil du temps les efforts par des augmentations. Pour cela, il faut disposer de marges de manoeuvre et être revenu à l'équilibre des finances publiques. On ne peut pas financer la politique salariale par des chèques tirés sur l'avenir.

Monsieur Cahuzac, ce n'est encore ni le lieu ni le moment pour connaître le nombre de postes qui seront supprimés dans l'Éducation nationale…

En ce qui concerne les emplois à domicile, je n'ai pas de position. Remettre en cause ce crédit d'impôt n'est pas dans l'air du temps, mais nous aurons l'occasion de revenir de façon approfondie sur la question des niches fiscales.

Les comptes sociaux échappent à la RGPP qui n'est ni l'alpha, ni l'oméga de la politique de l'État. Les dettes sociales ne sont pas dans le champ. J'ai écrit au Premier ministre, comme il me l'avait demandé officiellement au moment de la Conférence nationale des finances publiques, pour lui préciser les sujets en suspens : le Fonds de réserve pour les retraites, il a été décidé que l'on n'y toucherait pas mais vous pouvez y réfléchir sans tabou…

PermalienÉric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique

Le FRR conserve son financement actuel. Restent la contribution pour le remboursement de la dette sociale, qui ne sera pas augmentée et les organismes qui sont revenus à l'équilibre, voire qui sont en excédent. C'est le cas du Fonds de solidarité vieillesse. C'est une piste, parmi d'autres, mais elles ne sont plus très nombreuses. Il n'est toutefois pas question de mettre en difficulté le FSV. Les choses seront faites proprement.

Oui, les collectivités locales investissent beaucoup. En tant qu'élus locaux, nous le savons bien, et nous voulons tous faire mieux encore. Mais il faut comparer la nature des dépenses. Les infrastructures dépendent souvent des collectivités mais l'État finance aussi des dépenses d'avenir qui ne sont pas considérées comme des dépenses d'investissement, comme l'enseignement. Il faut aussi tenir compte des investissements de nature militaire.

Monsieur Georges Tron, vous avez raison, les réticences sont fortes, ce qui prouve que les mesures prises dans le cadre de la RGPP sont utiles. Mon objectif, c'est de lever ces réticences, quitte à marquer une pause avant de reprendre les CMPP à propos des réalisations de la RGPP. Il s'agit maintenant d'engranger les résultats.

Le Premier ministre va me charger de définir la politique immobilière de l'État après les conclusions de la RGPP qui vont dans le sens recommandé par Georges Tron. La lettre du chef du Gouvernement doit me parvenir dans les jours qui viennent et je ne tarderai pas à y répondre. Je devrai faire des propositions d'organisation très précises. Cela facilitera les arbitrages définitifs. Si certains ministères ne jouent pas le jeu d'une politique plus centralisée en matière d'affectation des biens immobiliers – mais ils seront consultés, qu'ils se rassurent – on avisera. Cela étant, on obtient tout de même quelques succès, même si je considère que les choses ne vont pas assez vite. J'ai attiré l'attention du Premier ministre sur ce point et il en tirera toutes les conséquences.

Dans l'Éducation nationale, les contractuels sont déjà nombreux. Il y a aussi le problème des AVS et de l'encadrement plus important pour accueillir les élèves handicapés. Ces points sont en discussion avec l'Éducation nationale et les autres ministères car elle n'est pas la seule concernée.

Quant au lien entre la RGPP et la LOLF, je pense que la première documente bien les rapports annuels de performances. Les indicateurs qu'ils retracent sont sans doute trop nombreux, mais il faut attendre deux à trois ans avant de faire la part entre ce qui est utile et ce qui ne l'est pas. Il faut pouvoir mesurer les résultats de la réforme grâce à des indicateurs de qualité du service public, de productivité et de coût. L'organisation des programmes sera aménagée, c'est normal, après quelque temps. Ceux qui ont travaillé à la LOLF ont vocation à nous aider à procéder aux ajustements qui seront nécessaires. En tout état de cause, la LOLF est un succès.

Le Président Didier Migaud : Monsieur le ministre, nous vous remercions.