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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 17 juin 2008 à 12h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Le troisième conseil de modernisation des politiques publiques – CMPP –, ou plutôt, mais cela revient un peu au même, le conseil des ministres du 11 juin dernier, a marqué la fin de la première étape de la révision générale des politiques publiques. Depuis un an, notamment en présence des rapporteurs généraux des deux assemblées, nous avons examiné chaque ministère et chacune des grandes politiques d'intervention.

J'avais fixé quatre objectifs majeurs à la RGPP – ses quatre points cardinaux – lors du débat dans votre hémicycle.

Première exigence : la crédibilité. À cet égard, les réformes ont été bien préparées et peuvent servir de fondement au budget – tel est d'ailleurs déjà le cas pour la préparation du projet de budget 2009. Certains sujets sont anciens, car tous bien entendu ne sont pas nés de la RGPP, mais ils n'avaient fait jusqu'à présent que l'objet de rapports, notamment de la MEC. Aujourd'hui, il est temps de passer de l'intention ou de l'imprécation à la décision.

La RGPP est une révision en profondeur de toute notre organisation administrative, et c'est pourquoi elle conduit à des réformes de toutes natures, et d'abord, des réformes des administrations centrales qui, jusqu'à aujourd'hui, échappaient étonnamment à toutes les réformes. En les laissant grossir, on les incitait à édicter des réglementations parfois inutiles, sources de complexité pour les usagers.

Certaines des réformes engagées sont spectaculaires, comme dans les ministères de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire - MEEDDAT – de la culture ou de la santé. Pour autant, elles ne doivent pas consister en un changement factice ou optique de l'organisation. C'est ainsi que je rejette systématiquement, car je dois donner mon accord aux réformes d'administration centrale, toutes celles qui ne respectent pas les objectifs de la RGPP, comme ce fut le cas dernièrement pour le ministère de l'Intérieur.

De même, ces réformes doivent permettre un véritable allégement. Lorsque j'ai organisé la fusion de la direction générale des impôts – DGI – et de la direction générale de la comptabilité publique – DGCP –, j'ai ainsi veillé à ce que 15 % des bureaux soient supprimés.

La RGPP permettra, si elle est « correctement » mise en oeuvre, de supprimer ou de fusionner près de cinquante directions ou structures équivalentes dans les administrations centrales, ce qui est considérable.

Au-delà des réformes de structure, des réformes des process sont également lancées. Par exemple, pourquoi conserver un double examen des conditions d'accès sur le territoire français des 150 000 migrants légaux en France chaque année, alors que le travail est fait dans les consulats et les préfectures ? En permettant au visa de long séjour de valoir permis de séjour pendant la première année, c'est toute une masse de travail inutile qui est supprimée d'un coup. C'est une vraie réforme d'organisation, qui montre que la réforme de «l'appareil productif » de l'État est possible et permet de procurer des économies.

Quant aux supports, sujet d'une autre réforme, ils étaient trop segmentés entre les ministères. C'est ainsi que 10 000 fonctionnaires sont payés à payer les autres, pour un service très peu réactif. Aussi un opérateur national de paye – ONP – est-il en cours de constitution.

Il en va de même de l'Agence des achats de l'État, dont la création a été entérinée hier par un comité interministériel. Les gains à escompter de la mutualisation des achats sont très importants, d'autant qu'à la différence du projet d'optimisation des achats de l'État - l'opération Opache – en matière de téléphonie mobile, l'agence ne travaillera pas sur la base du volontariat des ministères. C'est ainsi que le passage à des marchés mutualisés au sein du seul ministère du Budget a déjà permis, pour des marchés de services aux bâtiments, une baisse moyenne de 25 % des coûts, ceux-ci étant parfois jusqu'à quatre à cinq fois inférieurs au prix précédent pour un même local. Les textes constitutifs de l'Agence sont prêts et seront examinés par le comité technique paritaire la semaine prochaine. Elle sera opérationnelle à partir de septembre prochain.

Ces réformes des supports ne sont pas du tout anecdotiques puisque la seule réorganisation des soutiens à la défense permettra d'économiser près de 8 000 équivalents temps plein par an.

Le dernier type de réforme a trait à l'allocation des moyens. C'est ainsi que, dans l'Éducation nationale, on pourra regagner du potentiel enseignant, grâce à l'Agence nationale de remplacement, avec les 23 000 enseignants qui ne sont pas devant les élèves. Dans l'enseignement supérieur, les moyens seront distribués en fonction du potentiel de chaque équipe de recherche ou de chaque université, plutôt que selon les critères désuets du système actuel, afin de mieux coller aux réalités du terrain.

En matière d'investissement, une rationalisation est également possible. Il n'y a pas de raison que le coût de construction d'une place de prison varie, comme aujourd'hui, du simple au double, de 88 000 à 175 000 euros. Les coûts de construction des prisons seront rapprochés et abaissés par des économies d'échelle au niveau de la conception et par la standardisation des établissements.

Les réductions d'effectifs et de coûts de fonctionnement annoncés n'étaient donc pas un présupposé et ne constituaient pas un plan de rigueur : elles sont une conséquence des réorganisations possibles. Preuve en sera donnée dans le budget pluriannuel, en tenant le cap de l'engagement de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux grâce à l'analyse approfondie de la situation faite en amont, sans pour autant porter atteinte à la qualité du service public.

L'exigence de crédibilité et de réforme profonde a été pleinement respectée avec l'application d'une politique de restauration de l'efficacité de l'État et de maîtrise de ses coûts. On est loin d'un abandon de ses missions, comme certaines présentations caricaturales de la RGPP l'ont laissé entendre. La place du service public dans notre pays demeure. Il n'est procédé à aucune coupe claire dans les missions de l'État. Seule leur hiérarchisation et leur réorganisation étaient nécessaires, sans que pour autant on en transfère des pans entiers, comme au Canada vers les provinces.

Deuxième exigence fixée à la RGPP : la justice. À cet égard, toutes les structures doivent se réformer, sans exception, et les dispositifs d'aide doivent être mieux ciblés.

Tout d'abord, l'effort de rationalisation concerne tout le monde, les ministères comme les opérateurs. Ces derniers ne doivent pas être sanctuarisés, la commission des Finances s'en est préoccupée à juste titre. Ils doivent également se réformer et rendre des services au meilleur coût. Nous allons en supprimer ou fusionner dix-huit et les opérateurs seront pleinement associés, en particulier les établissements publics, à l'effort de transformation.

Alors que l'État se réforme et réduit ses effectifs, il n'y a aucune raison pour que les opérateurs, qui représentent 250 000 emplois, restent à l'écart de ce mouvement. La RGPP a acté, c'est essentiel, que la règle du « 1 sur 2 », c'est-à-dire le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, s'applique également à eux. De même, les réseaux consulaires devront se réorganiser ainsi, par exemple, que les offices agricoles.

Ensuite, les politiques d'intervention ont fait l'objet de décisions importantes. Il fallait mettre fin aux incohérences de politiques publiques qui n'atteignaient pas prioritairement le public visé, notamment, comme l'a souligné le Président de la République, dans le domaine du logement social.

Les réformes qui doivent s'appliquer aux dispositifs d'intervention sont d'autant plus nécessaires qu'elles permettront de dégager des marges de manoeuvre permettant de répondre aux nouveaux besoins des Français, comme la garde d'enfants ou la dépendance.

Troisième exigence : la concertation. Elle a été développée avec le Parlement, en dépit des difficultés inhérentes à la longueur du processus de révision. Les vingt-six équipes d'expertise ont presque toutes déjà été entendues par les rapporteurs spéciaux. Aujourd'hui, dans la phase de mise en oeuvre de la RGPP, il convient que nous veillions ensemble au bon avancement de l'application de ces décisions qui, si elles étaient dénaturées ou retardées, mettraient en danger le respect de notre trajectoire de finances publiques.

Le point de cette mise en oeuvre que je ferai chaque trimestre, dans chaque ministère, pourra être l'occasion d'examiner ensemble les « zones à risque ». Notre collaboration doit être régulière en ce domaine.

Dernière exigence : la responsabilité financière. Sans l'analyse de toutes nos organisations, nous n'aurions notamment pas su comment tenir l'engagement du « 1 sur 2 ». Ces réformes contribueront donc au retour à l'équilibre budgétaire.

Les économies décidées au cours des trois CMPP se détaillent ainsi :

– 3,5 milliards d'euros sur la masse salariale, soit 4,1 % des crédits 2008, à hauteur de 86 milliards d'euros, hors pensions – en brut, c'est-à-dire avant retour de 50 % des économies salariales aux fonctionnaires en poste ;

– 2 milliards d'euros sur les interventions et 1'investissement, soit 3,9 % des crédits 2008 des politiques d'intervention ayant fait l'objet de décisions, à hauteur de 52 milliards d'euros ;

– 2,2 milliards d'euros environ, sur le fonctionnement, y compris les opérateurs, soit 6,3 % des crédits 2008, à hauteur de 35 milliards d'euros.

Globalement, nous pouvons donc économiser 7,7 milliards d'euros sur l'ensemble de ces trois catégories de dépenses, ce qui représente 4,5 % de la base sur laquelle nous avons travaillé et pris des décisions à ce jour, soit 173 milliards d'euros en valeur de crédits 2008, c'est-à-dire les dépenses de l'État, hors pensions et hors intérêts de la dette et après avoir retiré les interventions pour lesquelles aucune décision n'a été prise.

Pour aller au-delà de ces mesures, qui ne sont pas suffisantes pour rééquilibrer les finances de l'État, il faut tirer les conséquences de « l'analyse RGPP » dans tous les champs de la dépense publique. Le travail n'est donc pas achevé. D'autres décisions devront encore advenir, si l'on veut effectivement présenter, pour les trois prochaines années, un budget à zéro volume pour l'État et des finances publiques sur la voie de l'équilibre. Il en va ainsi de la sphère sociale, domaine qui ne concerne pas que l'organisation de l'État et qui implique, au-delà d'un groupe de travail et d'un CMPP, des discussions approfondies avec le Parlement et les partenaires sociaux pour crédibiliser et consolider les réformes.

D'ici au mois d'octobre, le conseil de modernisation fera un point sur les 356 mesures déjà prises ainsi que sur les propositions de la RGPP qui ne peuvent être décidées dans le simple cadre d'un CMPP. Sur les 265 mesures décidées avant le 11 juin, c'est-à-dire avant le dernier CMPP dont les mesures sont trop récentes pour pouvoir être jugées, seules 4 sont achevées et 72 réellement lancées. Les autres en sont encore à un stade préparatoire, y compris une trentaine parmi celles décidées voilà six mois. Il faut donc accélérer l'application des décisions qui, si elles peuvent faire consensus parmi les décideurs, peuvent ne pas emporter l'adhésion au sein des administrations elles-mêmes. Nous serons cependant intransigeants et nous communiquerons les résultats mesure par mesure.

Le Président Didier Migaud : En particulier en ce qui concerne les dépenses fiscales, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.

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