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Séance en hémicycle du 18 novembre 2008 à 9h30

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur le « paquet énergie-climat » et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Madame la présidente, mesdames, messieurs, permettez-moi d'abord, au nom de Jean-Pierre Jouyet et de moi-même, de remercier le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, et le président de la commission des affaires européennes, Pierre Lequiller, ainsi que les membres de ces deux commissions d'avoir voulu ce débat à quelques semaines de négociations capitales pour l'avenir de l'Europe et, probablement, du reste du monde.

Je voudrais associer à ces remerciements Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert, rapporteurs au nom de la commission des affaires européennes de la mission « Énergie-climat », pour leur travail très approfondi – comprenant plusieurs voyages assez passionnants, destinés notamment à anticiper le comportement de la future administration américaine –, leur engagement et leur soutien.

Nous entrons dans la dernière ligne droite, avant les rendez-vous de Poznan en décembre 2008 et de Copenhague en décembre 2009, à un moment où le monde hésite encore entre l'aurore et le crépuscule, où de nombreux États se disent prêts à s'engager mais pas tout seuls, à accélérer la mutation mais à condition qu'on les accompagne, à revoir leurs modes de production et de consommation mais à condition de ne pas risquer de perdre de la compétitivité.

Oui, le monde a les yeux rivés sur l'Europe en fin de présidence française de l'Union européenne, car ce qui va se passer dans les semaines qui viennent en Europe sera au fond une sorte de répétition, une anticipation de ce qui se passera dans la grande négociation mondiale.

Le « paquet énergie-climat », c'est le paquet du « comment faire », le paquet d'une transition énergétique, économique et technologique à la fois massive et maîtrisée, avec un mode opératoire, des mécanismes de solidarité et une méthode partagée.

Pour la première fois de l'histoire moderne, des économies différentes tentent de changer leurs paradigmes. Jamais un développement économique n'aura été aussi lié à ses conditions énergétiques.

Le « paquet énergie-climat », c'est la première économie du monde – 450 millions de consommateurs, 15 % des émissions de gaz à effet de serre – qui tente de démontrer que le développement durable est possible à l'échelle de vingt-sept États, et ce en dépit d'histoires industrielles, climatiques, géographiques, économiques très différentes. C'est, pour les autres continents, la démonstration qu'un de leurs principaux partenaires est d'ores et déjà engagé, la prueve que c'est possible.

Les trois objectifs, vous les connaissez, ce sont les fameux « trois fois vingt » : 20 % de réduction des émissions par rapport à 1990, 20 % d'énergies renouvelables et 20 % de l'amélioration de l'efficacité énergétique en 2020.

La Commission européenne a traduit ces objectifs en cinq grands projets de réglementation : la directive ETS, ou système d'échange de quotas de CO2 pour l'industrie et les fournisseurs d'énergie, qui vise à réduire de 21 % d'ici à 2020 les émissions des industries ; la directive dite du partage de l'effort, dont l'objectif est de réduire de 10 % d'ici à 2020 les émissions de gaz à effet de serre des secteurs non soumis au système ETS tels que le bâtiment, les transports ou l'agriculture ; la directive sur les énergies renouvelables, dont le but est de porter la part de ces énergies d'un peu plus de 8 % en 2006 à 20 % – 10 % dans les transports – d'ici à 2020 ; la directive sur le captage et le stockage du carbone, qui vise à encadrer les conditions de stockage du carbone ; enfin, la réglementation des émissions de CO2 des véhicules automobiles, dont l'objectif est de ramener de 160 à 120 grammes entre 2006 et 2012 les émissions de CO2.

Avant d'entrer dans le détail de négociations qui, par nature, sont mouvantes, on peut faire quatre séries de remarques d'ordre général.

Tout d'abord, ce paquet, qui est complexe, forme un tout cohérent, indépendant et équitable, où chacun doit pouvoir trouver sa place et apporter sa contribution en fonction de ses caractéristiques industrielles, énergétiques ou géographiques.

L'objectif de la présidence française est clair. Un paquet de cette importance aurait normalement nécessité plusieurs années. En raison du calendrier mondial – les échéances démocratiques au Parlement européen et, surtout, les rendez-vous de Poznan et de Copenhague –, tous les acteurs souhaitent essayer d'obtenir un accord d'ici au 11 ou au 12 décembre. C'est une tâche évidemment très difficile, mais nous n'avons pas d'échappatoire.

Cet objectif, qui avait été fixé lors du Conseil européen sous présidence allemande, a été réitéré en octobre sous la présidence de Nicolas Sarkozy, alors même que certains États, devant la crise, manifestaient leur inquiétude et souhaitaient différer toute décision. Il y avait indiscutablement des tensions, et il a fallu un engagement très fort du président français pour que nous continuions à avancer dans ce domaine. L'accord d'octobre a donc été la confirmation de celui qui avait été obtenu sous présidence allemande.

Le Parlement européen, quant à lui, a souhaité avancer son vote en plénière, après l'adoption d'un certain nombre de rapports. Il a tendance, parce qu'il entre lui-même dans une phase particulière de son calendrier, à adresser des signaux aux différents gouvernements. Il y a donc un risque, du fait de l'existence, d'un côté, d'un Parlement très engagé et, de l'autre, de gouvernements inquiets sur les conséquences à court terme d'une telle transition, même si personne ne conteste que celle-ci soit absolument nécessaire et qu'elle permette sans doute, à terme, d'améliorer la compétitivité de l'industrie européenne.

Nous sommes entrés dans une phase cruciale de cette discussion. Je vais rencontrer cet après-midi les différents rapporteurs, en compagnie de Jean-Pierre Jouyet, sous l'autorité de qui la présidence française, je le souligne, a fait un travail essentiel, à la fois technique et politique dans toute la noblesse du terme.

Il n'y a pas, dans cette affaire, de posture politique ou politicienne des États membres. Nous ne sommes pas dans une négociation comme celles portant, par exemple, sur les fonds structurels, où chacun prend des positions susceptibles de lui permettre d'obtenir davantage d'argent. Nous sommes dans une sorte de paradoxe positif : nous sommes conscients de devoir agir parce que l'enjeu est vital, mais de devoir le faire dans des conditions telles que le résultat de chaque directive soit socialement acceptable et positif.

Nous voyons bien qu'il faut trouver, dans le cadre de la directive ETS, des systèmes de progressivité et de solidarité financière permettant d'assurer la transition énergétique des pays aux économies les plus « carbonées ». Les performances énergétiques de l'industrie vont, en Europe, du simple au triple selon les pays, les émissions de carbone du simple au quadruple, voire au quintuple dans certains secteurs. Cela donne une idée de la difficulté à laquelle nous sommes confrontés.

Oui, des enchères de l'électricité doivent être organisées, mais il faut trouver un mode de régulation qui n'entraîne pas une augmentation massive des tarifs pour le consommateur final, qu'il s'agisse des ménages ou de l'industrie. Nous sommes en train de tracer des voies de passage qui assurent cette transition sans créer un risque de concurrence déloyale sur le marché intérieur.

En ce qui concerne les risques de « fuite de carbone », nous travaillons sur deux hypothèses, non exclusives l'une de l'autre : celle d'une progressivité des enchères et celle d'un mécanisme d'inclusion carbone tel que l'envisagent les États-Unis dans le cadre de leur propre paquet – M. Deflesselles l'évoquait avec moi l'autre jour, lorsque nous nous sommes rencontrés. L'argument selon lequel cela poserait un problème de liberté commerciale ne nous paraît pas pertinent ; le choix des mécanismes devra simplement être arrêté ultérieurement.

Pour le moment, il s'agit essentiellement de déterminer ce qui est souhaitable pour des secteurs particulièrement vulnérables car exposés à des surcoûts potentiellement très élevés en termes de compétitivité ainsi qu'à des risques de délocalisation. Certains, comme nos amis allemands, souhaiteraient que ne soit retenu qu'un seul critère, et que nous renoncions à la progressivité ; il convient de trouver une solution acceptable par tous.

En sommes, nous nous trouvons, en l'état actuel de la négociation, en présence de trois grands blocs. Le premier est notamment constitué des pays Baltes, qui se sont engagés, aux termes du traité, à démanteler leurs centrales nucléaires et constituent, en raison de leur situation géographique particulière, une véritable île énergétique. Ces pays posent un certain nombre de problèmes techniques, matériels et financiers spécifiques.

Le deuxième bloc englobe des pays dont l'industrie est sensiblement moins performante au plan énergétique, car très « carbonée ». L'exemple le plus criant est la Pologne. Il nous incombe de trouver pour ces pays des systèmes de progressivité qui ne modifient en aucun cas les objectifs globaux ni le calendrier final, c'est-à-dire l'échéance de 2020, mais qui restent acceptables par les autres pays.

Enfin, les pays du troisième bloc, s'ils n'ont pas de soucis majeurs dans le cadre de ce processus, sont très attentifs au coût de la solidarité et à l'utilisation des deniers issus des différentes mises aux enchères, et en particulier au choix, ou non, de la pré-affectation.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour notre présent échange. Le Gouvernement sera très attentif à votre regard, à vos avis et à vos conseils, après toutes les auditions que vous avez pu conduire, y compris au niveau international. Nous débattrons cet après-midi du calendrier avec les rapporteurs et les présidents des groupes politiques. Est-il nécessaire que le Parlement européen se prononce d'abord en « mini-plénière », au risque de mettre à jour des divergences d'appréciation importantes avec un certain nombre de pays, voire de fournir des prétextes à ceux qui ne souhaitent pas que le « paquet énergie-climat » soit adopté ? Nous en parlerons très librement. Je sais que les parlementaires sont très attachés à ce paquet, et je suis donc sûr que nos conversations, cet après-midi, seront très utiles.

La suite du processus sera marquée par une réunion avec les nouveaux États membres le 6 décembre, à Poznan, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, après que se seront tenus, les jours précédents, les conseils des ministres de l'énergie et de l'environnement. La réunion des chefs d'État et de gouvernement aura lieu, quant à elle, peu avant la fin de la conférence de Poznan.

Les « trilogues » entre la Commission, le Parlement et le conseil se passent formidablement bien sur le plan technique. Il y a quelques mois, le dossier paraissait techniquement insurmontable, et je dois dire que notre représentation permanente est vraiment à la hauteur des enjeux et a accompli un travail éblouissant.

En fin de processus, il y aura forcément un engagement fort des chefs d'État et de gouvernement. Ce paquet ne peut en effet fonctionner sans l'engagement unanime des États ; nous ne pouvons proposer une telle modification du fondement économique et social de la vie de 450 000 citoyens européens sans un processus politiquement engagé.

La tentation est forcément grande, dans tous les parlements nationaux, voire au Parlement européen, de refuser l'obstacle, de se dire : « à quoi bon ? », « attendons Copenhague », « attendons la formation de la nouvelle administration américaine », ou encore : « étant donné la crise financière, industrielle et sociale, ce n'est pas le moment »... C'est ne pas comprendre que ce qui ne sera pas fait aujourd'hui coûtera beaucoup plus cher demain en termes de productivité et de compétitivité. Si nous n'agissons pas aujourd'hui, dans des conditions qui restent parfaitement supportables par nos économies et nos démocraties, nous entrerons dans l'irréversible et toute évolution deviendra impossible.

En tout état de cause, comment pourrions-nous rencontrer à Alger, jeudi, nos homologues africains – dont nous espérons qu'ils parviendront à des positions communes à Poznan, puis à Copenhague – et leur parler de changement de paradigme au niveau mondial si l'Europe, qui est en cette affaire, qu'on le veuille ou non – nous l'avons vu à Bali –, le chevalier blanc, n'adopte pas ce paquet ? Je ne vois pas comment un accord serait possible à Copenhague sans ce préalable.

En revanche, si nos vingt-sept pays, qui présentent des écarts de richesse de un à dix et des histoires industrielles et énergétiques mais aussi des climats très différents, parviennent à se mettre d'accord sur un processus public évaluable, contrôlable et financé, enclenchant ainsi un changement de tendance historique, je crois que ce serait un grand espoir pour Copenhague. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, nous évoquons aujourd'hui une des grandes priorités collectives, la plus difficile sans doute, de notre présidence de l'Union européenne.

Le paquet « énergie-climat » est, comme, plus généralement, la lutte contre le changement climatique, un dossier complexe, qui a nécessité un investissement exceptionnel de la part de la présidence mais aussi de votre assemblée et de vos commissions. Je remercie chaleureusement la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques, ainsi que leurs présidents, M. Pierre Lequiller et M. Patrick Ollier, pour avoir demandé à ce que débat ait lieu aujourd'hui, ainsi que M. Bernard Deflesselles et M. Jérôme Lambert pour leur contribution à ces travaux.

La présidence française a engagé les travaux sur les quatre propositions du « paquet énergie-climat » dès la réunion informelle des ministres de l'environnement et de l'énergie en juillet dernier, à Saint-Cloud, à l'initiative de Jean-Louis Borloo. Un important travail technique a été mené depuis, dans les groupes du Conseil comme au COREPER ; ces travaux ont d'ores et déjà permis d'obtenir des avancées significatives et de réduire les écarts en dépit des logiques différentes qui prévalaient au départ. Je n'y reviendrai pas : Jean-Louis Borloo s'est largement exprimé sur tout cela. Lui-même et ses équipes ont accompli un travail exemplaire ; pour avoir suivi plusieurs négociations délicates sur la scène européenne, je peux témoigner qu'ils ont été pleinement mobilisés sur le dossier, avec le soutien sans faille de notre représentation permanente à Bruxelles.

Je souhaiterais, en ce qui me concerne, approfondir la question des discussions en cours sur le « paquet énergie-climat », en liaison avec les négociations internationales à venir sur le climat.

Au-delà des négociations sur les efforts à accomplir pour réduire les émissions de l'Union européenne de 20 % par rapport à 1990, notre objectif ultime est d'obtenir un accord international satisfaisant. Dans ce cadre, l'Union a indiqué qu'elle pouvait réduire ses émissions, non pas de 20 % seulement, mais de 30 %, ce qui est particulièrement ambitieux.

Le conseil des ministres de l'environnement, sous la présidence de Jean-Louis Borloo, a adopté en octobre des conclusions qui présentent l'ambition de l'Europe pour la conférence de Poznan, le 6 décembre, et au-delà. Nous réaffirmons notre volonté de réduire nos émissions de 20 % d'ici à 2020 et d'aller même jusqu'à 30 % si un accord international était conclu, au prix d'un effort comparable et quantifié des autres pays développés – notamment des États-Unis – et d'actions adéquates de la part des pays émergents. Après d'âpres négociations, la position du conseil a été que ce passage d'un objectif de 20 % à 30 % devra être adopté selon la procédure de codécision avec le Parlement européen.

Au niveau international, je me félicite des messages très clairs adressés les 13 et 14 octobre dernier à Varsovie par le Conseil européen et par les ministres d'une trentaine de pays, réunis pour préparer la conférence de Poznan. Comme le Président de la République l'a affirmé lors du dernier conseil, la crise financière ne justifie pas de ralentir ou de retarder la lutte contre le changement climatique.

Au contraire, cette crise révèle l'épuisement du modèle de croissance actuel, fondé sur l'endettement et la recherche d'une rentabilité excessive. C'est pourquoi il nous faut adopter un mode de développement plus durable, plus économe en énergies fossiles et en ressources naturelles, pour tirer la croissance de demain et favoriser le développement de nouvelles activités basées sur des produits technologiques à faible intensité carbonique. C'est une chance pour l'emploi, l'innovation et la recherche.

Comme vous le savez, l'accord obtenu à la conférence des Nations unies sur le changement climatique est la pierre angulaire des étapes suivantes. À Bali, la communauté internationale a pris la mesure de cette menace grave et immédiate en fixant une feuille de route pour la négociation d'un accord complet et global de lutte contre le changement climatique d'ici à la conférence de Copenhague en décembre 2009.

Aujourd'hui, nous sommes à mi-parcours des négociations lancées à Bali. La conférence de Poznan, dans quelques semaines, jouera un rôle très important : elle doit cristalliser les grandes orientations de l'accord post-Kyoto en 2012, et le point sera fait sur les avancées obtenues depuis Bali. Il s'agit de passer d'une phase de réflexion et d'échange à une phase de négociation intense qui se poursuivra tout au long de l'année 2009.

À Poznan, nous devrons surtout débattre de la vision partagée de la communauté internationale sur les objectifs chiffrés de réduction des émissions à long terme et à moyen terme. Comme l'a rappelé Jean-Louis Borloo, il est important que l'Union européenne, qui a toujours eu un rôle exemplaire dans ce cadre, maintienne sa dynamique, ses objectifs chiffrés et la cohérence du « paquet énergie-climat ». Pour avoir participé à un certain nombre de réunions avec les pays émergents et les pays en développement, je puis vous assurer que, si l'Europe n'a pas d'objectifs ambitieux et quantifiés répondant aux trois priorités soulignées par le ministre d'État, ce n'est pas la peine qu'elle se rende à ce type de conférence : elle y serait mise en difficulté…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…car les autres pays considèrent que c'est à elle, compte tenu de son histoire industrielle, de son mode de développement et de son importance dans les échanges économiques internationaux, de faire l'essentiel de l'effort. Nous ne pouvons pas nous affranchir de cette obligation.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

S'il nous faut suivre une telle politique, ce n'est pas pour le plaisir, ni même par souci d'exemplarité, mais par réalisme : il s'agit de réussir dans les meilleures conditions ces négociations internationales. Si nous n'adoptons pas une telle position, il y aura échec. Il faut que nos partenaires en soient conscients. En outre, nous pourrons peser davantage sur les négociations si nous adoptons le paquet tel qu'il est, et dans les délais voulus.

L'Europe assume depuis longtemps le leadership de la lutte contre le changement climatique. En 2001, nous avons décidé de poursuivre la mise en oeuvre du protocole de Kyoto malgré la défection des États-Unis, et nous avons élaboré un programme politique extrêmement ambitieux pour parvenir à nos objectifs : il s'agit notamment du système européen d'échange de quotas, qui constitue désormais l'ébauche du marché mondial du carbone actuellement en discussion. Toutes ces dernières années, nous avons oeuvré pour lancer des négociations sur le régime post-Kyoto, après 2012. Nous avons réussi à faire avancer le sujet, à Montréal en 2005, puis à Bali l'an dernier, malgré l'opposition des États-Unis, la réticence des pays en développement – qu'a rappelée Jean-Louis Borloo –, mais aussi celle des grands pays émergents qui, en ce domaine, font preuve d'un réalisme sans concession. Nous accueillons donc très positivement et avec de fortes attentes la fenêtre d'opportunité qui devrait s'ouvrir suite aux élections américaines. À cet égard, le ministre d'État a évoqué le plan en cours d'élaboration.

Sans l'Europe, il est fort probable que la communauté internationale n'aurait pas écouté le message d'alerte lancé par le groupe d'experts intergouvememental sur l'évolution du climat – le GIEC. Désormais, le débat sur le « paquet énergie-climat » marque notre volonté de poursuivre l'action entreprise et de jeter les bases du régime post-2012. Réussir les négociations communautaires est, dès lors, absolument essentiel.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La nouvelle donne américaine est extrêmement importante : nous devons saisir cette occasion et amener les Américains sur notre propre terrain. Je note que des sensibilités allant dans ce sens se sont exprimées durant la dernière campagne présidentielle aux États-unis.

Au niveau européen, comme l'a indiqué Jean-Louis Borloo, nous sommes dans une phase cruciale de négociation, avec la série des « trilogues » Parlement-Commission-Présidence en vue des conseils Environnement et Énergie, puis du Conseil européen des 11 et 12 décembre.

J'insiste sur l'importance du rôle joué par le Parlement européen. Cet après-midi, à Strasbourg, Jean-Louis Borloo et moi rencontrerons les présidents des groupes, les rapporteurs et plusieurs parlementaires des commissions compétentes pour faire le point sur les deux éléments suivants : tout d'abord, le calendrier du vote du Parlement européen, dont Jean-Louis Borloo a souligné l'importance en raison du risque de divergence avec le Conseil européen ; et puis nous devons profiter du rôle offensif joué par le Parlement pour trouver, grâce à lui, le compromis le plus ambitieux possible. Le calendrier actuel pourrait imposer des contraintes très fortes dont il faut avoir conscience. Toutes les éventualités sont aujourd'hui ouvertes : une confirmation de la date du vote le 3 décembre comme un report à la session plénière, qui aura lieu après le Conseil européen du mois prochain. Vous pouvez être certains que nous explorerons toutes les pistes, Jean-Louis Borloo et moi, pour parvenir cet après-midi à un accord sur ces questions.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, les défis sont multiples et complexes, mais nous ne pouvons pas échouer. Nous sommes engagés dans des négociations qui constituent la première étape d'un accord mondial crucial pour l'avenir de la planète. Nous vivons là un moment historique pour l'Union européenne car le « paquet énergie-climat » est l'une des ambitions les plus fortes de l'Union et l'un des dispositifs les plus importants portés par les différentes institutions européennes. Nous vivons aussi un moment crucial pour l'influence de l'Union européenne dans un ordre mondial qui, comme vous le savez, est à reconstruire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour trente minutes. (Mouvements divers.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Mes chers collègues, je vais tout de suite vous mettre à l'aise : je ne compte pas utiliser entièrement mon temps de parole, ce qui vous fera gagner du temps. (Sourires.) En effet, nous, centristes, nous n'avons pas l'habitude de disposer de trente minutes : nous sommes généralement moins bien lotis... (Sourires.)

Je tiens tout d'abord à saluer Jean-Louis Borloo, bien sûr, mais aussi Jean-Pierre Jouyet, à un moment où, si j'en crois la presse, il n'est pas exclu qu'il s'apprête à voguer vers d'autres cieux, pour lui dire que nous avons été très sensibles à son professionnalisme et à la courtoisie dont il a toujours fait preuve avec les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Madame la présidente, mes chers collègues, je vais vous faire gagner du temps, disais-je, parce qu'il est compliqué de digérer les quatre propositions du paquet « énergie » en même temps que le budget,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…le projet de loi sur l'audiovisuel, le projet de loi relatif à la protection de la création sur Internet, le Grenelle 2, etc. C'est pourquoi, si le travail en commission s'est avéré de qualité, il a été, reconnaissons-le, réduit au minimum. Quant à nos interlocuteurs socio-professionnels, nous ne les avons même pas vus !

Que dire, donc, de ce paquet appelé à devenir une nouvelle directive ?

Tout d'abord, la cohérence est profonde entre le travail mené au sein du Grenelle de l'environnement et le troisième paquet européen. Certains diront que c'était bien le moins, mais il me fallait tout de même le souligner, notamment pour tous ceux qui pensent que la France, avec le Grenelle, a fait un effort exagéré au niveau environnemental. Non, nous n'avons pas accompli un effort exagéré : nous sommes simplement de bons élèves, situés dans le milieu du classement européen – sous réserve, bien sûr, que nous atteignions nos objectifs. Un seul exemple : la France s'est donné pour objectif d'atteindre 23 % d'énergies renouvelables en 2020, alors que la quatrième proposition du paquet, celle qui module le taux selon les États membres, nous fixe l'objectif de 25 %. Le Nouveau Centre a approuvé « avec enthousiasme », selon mes propres termes de l'époque, le Grenelle de l'environnement, et nous soutenons donc globalement la démarche suivie dans le troisième paquet « énergie ».

Cela dit, le militant de la construction européenne que je suis remarque avec un certain plaisir que l'Europe nous donne quelques leçons fondamentales.

La première de ces leçons, c'est qu'il n'est pas interdit de mettre de l'ordre dans nos priorités environnementales. Au sommet de ces priorités, il faut clairement placer la réduction des gaz à effet de serre et la prise en compte du changement climatique. Il n'y a pas de place pour les intégrismes qui bloqueraient la mise en oeuvre de cette priorité du fait de leurs exigences exorbitantes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Mon cher collègue, je ne vise personne… Il m'a néanmoins semblé que le débat sur les éoliennes s'était quelque peu emballé ces jours-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

J'ai apprécié que le ministre d'État, tout en évoquant le développement anarchique des éoliennes, ait maintenu l'objectif de 8 000 éoliennes en France. Il faut en effet savoir ce que l'on veut : atteindre l'objectif des 25 %, ou seulement adopter une posture ? Cela vaut aussi pour l'énergie hydraulique : nous avons la chance d'avoir un pays doté d'un grand potentiel en ce domaine, mais voulons-nous favoriser le renouvellement des titres d'exploitation et les conditions d'achat de cette source d'énergie, notamment en ce qui concerne la micro-hydraulique, ou dissuader, au contraire, ceux qui voudraient y investir ? En ce domaine aussi, une hiérarchisation des priorités environnementales s'impose. Tous les textes de l'Union européenne affirment qu'au sommet de la hiérarchie doit figurer la réduction des gaz à effet de serre. Bien entendu, une approche globale est souhaitable : si nous pouvons tout faire, faisons-le, mais gardons-nous, je le répète, des intégrismes.

Deuxième leçon que nous donne l'Europe : nous devons, pour nous donner une chance d'aboutir à nos objectifs, intégrer dans notre approche la notion de subsidiarité. Tous les textes du paquet « énergie » prévoient que les manières d'atteindre le taux fixé sont laissées à la discrétion des États membres : à eux de gérer leur effort secteur par secteur. Certains états choisiront d'agir sur les transports, d'autres sur le chauffage, d'autres encore sur l'industrie. La subsidiarité est une bonne approche, mais pourquoi ne pas l'adopter aussi au niveau régional, voire départemental ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le potentiel éolien, solaire ou hydraulique varie énormément d'une région à l'autre. Nous aurions donc intérêt à aller jusqu'au bout de la logique de subsidiarité.

Troisième leçon : il faut garder un cap à long terme et savoir résister aux modes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est exactement ce que fait l'Europe, qui sait ajuster en permanence ses objectifs : en 2003, une directive avait décidé que le taux d'incorporation de biocarburants devait atteindre 5,75 % d'ici 2010 ; constatant que l'objectif était hors d'atteinte, l'Europe a procédé à un réajustement et fixé un taux de 10 % pour 2020. Monsieur le ministre d'État, c'est justement ce travail de gouvernance à long terme et de mise à jour permanente des objectifs que nous avons souhaité injecter dans votre Grenelle de l'environnement.

Les biocarburants ont suscité de vifs débats parmi nous, mais il est heureux que le Gouvernement soit revenu sur son intention première de supprimer son soutien à cette filière. Ceux qui s'y sont engagés très fortement sont désormais confortés par l'approche raisonnable de l'Union européenne, dont nous ne pouvons que saluer le travail.

Le ciel européen serait-il donc entièrement bleu ? Pas tout à fait. D'abord, parce que nous atteignons les limites du système de quotas prévu pour le contrôle du CO2, qui est en passe de devenir, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots, une usine à gaz… (Sourires) D'un côté, on peut dire que c'est un succès puisque les émissions ont baissé de 6,5 % dans l'Union européenne entre 2005 et 2008, mais de l'autre, la lecture de la première proposition de nouvelle directive donne le vertige tant le système se complexifie.

En second lieu, monsieur le ministre d'État, les négociations ne seront pas simples et je vous souhaite bon courage ! Dans le contexte de crise économique actuel, certains points de résistance vont se manifester : de même que les Allemands, les Français ont une industrie automobile ; je ne suis pas sûr qu'il sera simple de fixer des quotas moins élevés dans ce domaine. Je vous renouvelle donc tous nos encouragements pour cette négociation qui s'annonce difficile.

De plus, la France a raison d'affirmer que le système européen comporte une grande faiblesse puisqu'il n'intègre pas les importations dans les quotas de gaz à effet de serre. Enfin, je voudrais signaler qu'il traite durement les nouveaux entrants. En résumé, les centristes n'ont rien contre le fait de garder ce système qui nous a fait faire des progrès et qui fonctionne, mais ils estiment qu'il faut conserver le cap de l'installation d'une taxe carbone, un modèle plus moderne et applicable à l'ensemble de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Non, plus globalement – mais le sujet mériterait de plus longs développements, qui ne sont pas dans mon propos.

Enfin, nous regrettons qu'il manque à ce « paquet énergie-climat » une dimension forte : l'adaptation au changements climatiques. Qu'on le veuille ou non, notre climat change, et j'en veux pour preuve le cas de ma région, l'Aquitaine, où l'évolution de la température a été la plus forte entre 1945 à 2005 : deux degrés en moyenne, contre 0,9 degré dans l'ensemble du pays. Tous les climatologues le constatent : la région est en train de se « méditerraniser », qu'il s'agisse de la température, de la végétation ou de l'hydrologie.

Je veux donc délivrer ce message fort à la tribune de l'Assemblée : oui, nous devons investir dans la maîtrise de l'émission des gaz à effet de serre, mais il est aussi important, pour l'économie et la vie quotidienne des gens, que nous nous adaptions au changement climatique. Je souhaite que les parlementaires, en particulier ceux qui sont actifs sur ces sujets – je me tourne vers Pierre Lequiller, président de la commission chargée des affaires européennes, et vers Bernard Deflesselles –, s'emparent de ce dossier, qui inclut notamment notre politique de l'eau.

Un tel volet aurait mérité de figurer dans le « paquet énergie-climat », et il aurait fallu le relier à une nouvelle politique de l'eau comportant deux axes stratégiques : économiser l'eau ; autoriser franchement la création de nouvelles ressources en eau. J'invite ceux qui ne sont pas convaincus à venir voir le cours de la Garonne, qui fut l'un de nos quatre grands fleuves et qui devient un oued en été. Ils constateront de visu le besoin de créer de nouvelles ressources en eau, ce qu'empêche notre législation, qui fait largement obstacle à la constitution de réserves. Le couplage entre maîtrise et adaptation – notamment par une politique de l'eau – est fondamental pour tout le sud de l'Europe.

Reste à aborder, monsieur le ministre d'État, le problème du financement. Si j'ai bien compris, le commissaire européen à l'environnement a estimé le coût du « paquet énergie-climat » à 60 et à 70 milliards d'euros par an. Comme l'a souligné M. Barroso, le président de la Commission, cela ne représente que 0,5 % du PIB de l'Union européenne d'ici à 2020. Reste néanmoins posée –y compris pour les fervents européens que sont les centristes – la question du financement européen de ces mesures. Les États membres sont en effet priés de se débrouiller pour trouver l'argent, mais il faudrait que l'Union fasse émerger de son propre budget, lors des arbitrages qu'elle a à effectuer, une partie des ressources. Je vous exhorte, monsieur le ministre d'État, à faire vôtre cette revendication.

Je vous fais observer en conclusion, madame la présidente, que je n'ai utilisé que la moitié du temps qui m'était alloué, ce qui ne m'était encore jamais arrivé ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous engage à persévérer dans cette voie quel que soit le temps qui vous sera imparti à l'avenir… (Rires.)

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Messieurs les ministres, je ne saurais me montrer moins laudateur que notre ami Jean Dionis du Séjour qui a salué, à juste titre, l'action du Gouvernement et la vôtre en particulier. Merci, donc, de votre implication aux niveaux national, européen et international. La négociation de l'après-Kyoto ne sera pas – si vous me permettez l'expression – une partie de plaisir, alors que l'enjeu est essentiel pour notre environnement et notre planète.

Chers collègues, le « paquet énergie-climat » est d'abord la déclinaison et la mise en oeuvre de la règle des « trois fois vingt », arrêtée par les chefs d'État et de gouvernement en 2007 : faire baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie, porter à 20 % la part des énergies renouvelables, le tout d'ici à 2020.

Avant que la guerre en Géorgie et la crise financière ne s'imposent au premier plan de l'actualité, le « paquet énergie-climat » était la première priorité de la présidence française de l'Union européenne. Mais il est surtout un instrument dotant l'Europe d'objectifs ambitieux pour lutter contre le réchauffement climatique, la confortant ainsi dans son rôle de leader lors des négociations internationales en cours sur la définition d'un régime post-Kyoto à partir de 2013.

Depuis le printemps dernier, Jérôme Lambert et moi-même travaillons sur ce dossier en tant que rapporteurs de la commission chargée des affaires européennes. Plusieurs dizaines d'auditions nous ont permis d'écouter les acteurs économiques, les scientifiques, les institutionnels, les associations environnementales – et vous-même, monsieur le ministre d'État. Nous avons aussi effectué des missions aux États-Unis et au Japon afin d'évaluer la perception de la politique climatique européenne par nos partenaires et apprécier les chances d'aboutir à un accord lors de la conférence de Copenhague, en décembre 2009.

Devant vous ce matin, je souhaiterais développer ce volet externe du « paquet énergie-climat ». Au préalable, je formulerai deux observations rapides sur l'avancement des négociations communautaires, mais j'aurai l'occasion d'y revenir cet après-midi même avec Jérôme Lambert lors de la présentation de notre rapport et de notre proposition de résolution devant la commission chargée des affaires européennes.

Premièrement, ces négociations ont progressé, et l'on peut raisonnablement espérer un compromis sur trois au moins des quatre propositions de directives. Deuxièmement, la seule question qui reste vraiment conflictuelle est la réforme du marché des quotas d'émission. Ce marché, qui a suscité un grand scepticisme à ses débuts en 2005, constitue aujourd'hui une grande réussite européenne : il existe désormais un marché européen unique du carbone, ce qui est loin d'être le cas dans le domaine de l'énergie.

La réforme de l'ETS achoppe sur les conséquences supposées de la mise aux enchères de l'intégralité des quotas. La Pologne redoute une forte hausse des prix de l'électricité. L'Allemagne et l'Italie craignent pour la compétitivité de leurs industries énergétivores. Quant à nous – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État –, nous pensons que les États membres sauront trouver les flexibilités nécessaires pour atténuer les inquiétudes et donner aux opérateurs économiques la prévisibilité dont ils ont besoin.

Toutefois, ces discussions européennes ne doivent pas conduire à franchir les deux « lignes rouges » : les objectifs poursuivis – la règle des « trois fois vingt » – et le calendrier – l'échéance 2020. Le « paquet énergie-climat », priorité de la présidence française, doit être celle de l'Union européenne toute entière. L'annonce d'un accord politique au Conseil européen – qui se tiendra pendant la conférence de Poznan destinée à faire progresser la négociation internationale – conforterait le rôle pionnier de l'Europe, reconnu par tous nos partenaires et indispensable si nous voulons obtenir de ces derniers des engagements significatifs sur le régime post-Kyoto.

À ce jour, il reste un an pour aboutir à un accord international, et les rencontres que nous avons faites aux États-Unis et au Japon nous incitent à penser que le résultat n'est pas acquis d'avance. Aux États-Unis – premier émetteur mondial de CO2 durant des décennies avant d'être dépassé par la Chine en 2007, et seul pays industrialisé à n'avoir pas ratifié le protocole de Kyoto –, nos entretiens avec les compagnies pétrolières à Houston et avec l'administration fédérale à Washington ont été éclairants.

Tous nous interlocuteurs nous ont expliqué que leur pays demeurerait durablement une économie « carbonée », compte tenu des réserves de charbon – estimées à quelque trois siècles de consommation ce combustible qui représente 50 % de la production d'électricité – et d'hydrocarbures, considérées comme essentielles pour la sécurité énergétique, voire la sécurité tout court, des États-Unis. Comme l'affirme le Conseil national du pétrole, il s'agit d'une « dure réalité ».

Cette contrainte structurelle, qui explique les réticences américaines devant tout engagement à l'échéance 2020-2025, est aggravée par un facteur conjoncturel. Les conseillers « climat » de celui qui n'était alors que le candidat Barack Obama nous ont expliqué que la nouvelle administration ne serait pas en place avant le printemps 2009, ce qui lui laissera peu de temps pour s'impliquer dans les négociations climatiques internationales. Encore faudra-t-il que ce sujet figure parmi les priorités du nouveau président, dont l'attention sera également requise par d'autres problèmes.

En tout état de cause, le président Obama ne sera pas le seul acteur sur lequel reposera l'éventuelle réintégration des États-Unis dans les négociations : les accords internationaux ont souvent du mal à franchir l'étape de la ratification par le Sénat. Or, nous avons pu constater que tous les parlementaires américains ne perçoivent pas clairement la gravité de la question climatique. Un représentant du Texas nous a ainsi affirmé que le CO2 n'expliquait en rien la hausse de la température moyenne du globe, et nous a invités, non sans humour, à nous réfugier dans son ranch au cas où Paris viendrait à être noyée sous les eaux… Ces déclarations ne traduisent certainement pas la position majoritaire des élus au Congrès, globalement d'accord pour admettre que les émissions de gaz à effet de serre devront être diminuées, mais…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

…les modalités, les objectifs et le calendrier des efforts à entreprendre sont encore loin de faire consensus. Ces divergences ne coïncident d'ailleurs pas obligatoirement avec les appartenances partisanes, comme l'a prouvé l'échec, au printemps dernier, de la proposition de loi visant à créer un marché des permis d'émission.

Il est donc peu probable que les États-Unis acceptent un accord international contraignant dans un proche avenir. En revanche, ils donneront la priorité à l'adoption d'une loi fédérale, qu'ils s'efforceront ensuite de présenter comme un modèle à suivre par le reste du monde. Cette approche nationale s'appuie en outre sur un gros effort de recherche. Alors que l'Allemagne ou le Japon tentent de développer des stratégies de niches, les universitaires et les responsables du Département d'État nous ont clairement rappelé leur volonté de préserver une présence dans toutes les technologies. Un certain scepticisme est donc de mise quant à la possibilité de voir les États-Unis s'engager rapidement dans un accord mondial contraignant.

La modération perçue chez la plupart de nos interlocuteurs japonais n'est pas plus rassurante. Freiné par un secteur industriel ayant le sentiment d'avoir déjà accompli de gros efforts pour réduire son intensité énergétique, le Japon ne parvient pas à remplir les engagements pris à Kyoto. Il développe des recherches très pointues dans le domaine du photovoltaïque et des transports propres : les véhicules hybrides japonais sont connus de tous, mais nous avons aussi pu mesurer, dans le centre de recherche rassemblant tous les constructeurs, la qualité de l'expertise dans le domaine de la pile à combustible. Pourtant, les objectifs du Japon en matière d'énergies renouvelables sont somme toute assez faibles – 3 % du mix énergétique d'ici à 2010.

La modération de ce pays s'exprime aussi au niveau international. Le conseiller « climat » du Premier ministre japonais a plaidé devant nous pour des débats moins idéologiques, qui ne se situent plus, selon son expression, à un niveau « cosmique ». Cette démarche pragmatique, qui se traduit par ailleurs par la promotion d'approches sectorielles alternatives à l'approche globale du protocole de Kyoto, vise à rendre possible l'intégration des États-Unis dans un accord international. Elle impliquerait surtout une inflexion de la position européenne, qui devrait se montrer moins ambitieuse. Nous ne pensons pas que cela constitue la voie à suivre, car elle n'est pas à la mesure des difficultés climatiques annoncées par les scientifiques du GIEC pour les décennies à venir.

Quelle pourrait donc être la stratégie de l'Europe ? Dans la négociation internationale, on peut schématiquement identifier trois catégories de pays : les pays industrialisés ayant ratifié le protocole de Kyoto, catégorie où l'Europe s'illustre par son volontarisme tandis que le Japon demeure sur la défensive et que la Russie, comme bien d'autres, ne semble pas avoir arrêté de stratégie ; les pays en développement, qui font tous valoir le principe de responsabilités communes mais différenciées, mais constituent aussi une catégorie hétérogène mêlant les États les plus pauvres et des pays émergents qui se doivent d'assumer leurs nouvelles responsabilités sur le plan mondial ; les seuls États-Unis enfin, qui, bien qu'ayant bénéficié de la révolution industrielle, ont refusé de signer le protocole de Kyoto.

Dans ce jeu à trois bandes, les Européens ont choisi d'aller de l'avant, car ils ont pleinement conscience de l'urgence des actions d'atténuation et d'adaptation à entreprendre et du coût considérable de l'inaction : je veux parler, bien entendu, des conclusions du rapport Stern. Mais l'Union européenne, qui ne représente que 15 % des émissions mondiales de C02, ne peut résoudre seule le problème du changement climatique. Il lui faut donc nouer des alliances.

À ce stade, deux options stratégiques se présentent. La première, soutenue par le Japon, consisterait à donner la priorité au retour des États-Unis dans le jeu de la négociation. Cette solution nous a été préconisée par les conseillers « climat » de Barack Obama, lesquels nous ont affirmé que c'est en obtenant des engagements plus nets des pays émergents que la nouvelle administration américaine parviendrait à faire accepter au Congrès une contrainte internationale. Selon eux, il serait nécessaire d'identifier au préalable les convergences possibles avec l'Europe. Toutefois, compte tenu des contraintes structurelles et conjoncturelles encadrant l'action des États-Unis, un tel choix équivaudrait pour l'Europe à rabaisser fortement ses ambitions, sans avoir pour autant l'assurance que le Congrès ratifiera un accord international. En outre, il pourrait conduire les pays émergents à dénoncer des objectifs qui ne sont pas en rapport avec les responsabilités historiques des pays industrialisés.

La seconde option me paraît plus opératoire. Elle consiste à privilégier un accord avec la majorité des États parties à la négociation, à savoir les pays d'Afrique et les petits États insulaires du Pacifique Sud. On peut espérer que cela inciterait les pays émergents à s'aligner sur les pays en développement et à souscrire à des objectifs de réduction de leurs émissions d'ici à 2020. Je ne crois pas cet espoir chimérique. Nous avons observé qu'en novembre 2007 la Chine avait accepté pour la première fois de signer une déclaration commune avec la France pour renforcer sa coopération avec elle dans le domaine de l'environnement et du changement climatique. Nous avons surtout noté que, lors de son audition, le responsable de l'ambassade de Chine a déclaré que son pays serait solidaire des pays en développement. La Chine ne semble donc plus conditionner son engagement à celui des États-Unis. Cette stratégie d'alliance avec les pays en développement nécessiterait que l'Europe accepte de renforcer la dimension externe du « paquet énergie-climat ». Cette main tendue pourrait se traduire, par exemple, par l'affectation d'une partie du produit des enchères ou par un assouplissement des règles de plafonnement des mécanismes dits de flexibilité – les MDP, les mécanismes pour un développement propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Dans tous les cas de figure, il ne sera pas facile de conclure un accord à Copenhague l'an prochain. La négociation devra même probablement être prolongée de quelques mois. Cependant, lorsque nous avons évoqué ces difficultés avec les conseillers de M. Obama, ils ont immédiatement fait le parallèle entre la situation actuelle et le programme Apollo des années soixante, rappelant ce que le président Kennedy répondait à ceux qui lui déconseillaient une telle aventure : « Vous devez le faire non parce que c'est facile, mais parce que c'est compliqué. » Aujourd'hui, c'est peut-être à l'Europe qu'il revient d'encourager la poursuite vers une « nouvelle frontière », dont nous savons qu'elle pourrait se révéler, à terme, un puissant moteur de croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, monsieur le secrétaire d'État, le changement climatique, qui est l'enjeu de notre débat, n'est plus une hypothèse mais, comme l'ont démontré les travaux du GIEC, une certitude.

Au regard des ères géologiques, il s'agit d'un événement rapide, n'en déplaise à certains scientifiques qui ont parfois été ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Mais ils pourraient bien l'être dans d'autres ! (Sourires.)

La terre n'a jamais connu dans son histoire d'évolution climatique aussi rapide, et l'inertie thermique des océans rendra ce réchauffement durable. Même si Jean Dionis du Séjour nous a donné des chiffres pour l'Aquitaine, il est difficile d'en pronostiquer l'évolution – sans doute de 1,5 à 6,5 degrés d'ici à la fin du siècle. L'objectif est de rester sous les 2 degrés : au-delà, les risques pour notre planète seront sans doute majeurs.

Le Gouvernement a donc négocié avec nos partenaires européens une politique énergétique visant à limiter le réchauffement : tel est l'objet du « paquet énergie-climat ». Je rappelle brièvement le principe du « trois fois vingt » : 20 % d'énergies renouvelables supplémentaires ; 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la période 1990-2020 ; 20 % d'efficacité énergétique supplémentaire.

Le paquet comprend également une proposition relative au système d'échange de quotas d'émission, sujet épineux dont nous avons encore peu parlé ce matin : vous souhaitez, monsieur le ministre d'État, que la part des quotas payés par les industries les plus polluantes de l'Union passe de 20 % en 2013 à 100 % en 2020. Même si certains de nos partenaires s'y opposent – la Pologne et l'Italie, entre autres –, cette question doit être réglée car, selon les derniers chiffres, les émissions des quarante pays les plus industrialisés ont augmenté de 4,6 % entre 2000 et 2006, alors qu'elles avaient diminué entre 1990 et 2000, notamment en raison de l'effondrement économique de certains pays de l'Est. Bref, il est vraiment urgent d'agir, sans oublier le problème du stockage géologique du dioxyde de carbone.

Le Conseil européen des 15 et 16 octobre a confirmé l'objectif du « trois fois vingt ». La présidence française veut en effet envoyer un signal fort, lequel n'a de sens qu'assorti d'une date butoir, en l'occurrence le 31 décembre 2008. Toutefois, la volonté d'obtenir un accord ne doit pas nous faire accepter des concessions qui n'iraient pas dans le sens du Grenelle, voté à la quasi-unanimité de notre assemblée : gardons-nous, en somme, de dénaturer le « paquet énergie-climat », car cela ruinerait la crédibilité européenne avant la conférence des Nations unies à Poznan, début décembre, et celle de Copenhague en 2009.

Le risque de blocage n'est pas négligeable : conjuguer réduction d'émission de gaz à effet de serre et maintien de l'activité industrielle est en effet une vraie difficulté. Habitant une région industrielle, la Lorraine, je constate que les quotas accordés à ArcelorMittal ne sont pas les mêmes dans les usines françaises et allemandes. Il existe donc une distorsion de concurrence entre différentes régions européennes, distorsion qui met en jeu le maintien même de l'activité économique. Dans ces conditions, il ne faudrait pas que le système des quotas conduise des industries à se délocaliser dans des pays où elles pourraient continuer à polluer autant qu'avant.

Il est par ailleurs évident qu'une véritable politique en la matière ne saurait se limiter aux quotas d'émission dans l'industrie. Lors de l'examen du texte relatif au Grenelle, je vous avais fait part de mes regrets sur le fait que le bâtiment ou l'agriculture, par exemple, ne soient pas davantage impliqués. Tant que ce ne sera pas le cas, on n'atteindra pas les objectifs fixés : c'est au fond ce que montre l'augmentation de la consommation énergétique entre 2000 et 2006.

Par ailleurs, le produit des enchères ne doit pas être injecté dans un budget global mais servir à la réduction des émission de gaz à effet de serre et au développement des énergies renouvelables – le taux d'affectation de 20 % est à ce titre insuffisant – ; il doit servir aux pays en voie de développement et à la mise en place du captage et du stockage de CO2. Les parlementaires britanniques qui demandent que 500 millions d'euros y soient affectés ont raison. Je soutiens personnellement la position française sur le projet ULCOS. Le captage et le stockage du CO2 nécessitent, dans notre pays, un investissement de 80 millions d'euros. Sans financement européen, nous n'y parviendrons jamais.

Enfin, la crise financière ne doit pas remettre en cause le « paquet énergie-climat ». La mise en oeuvre en sera certes difficile, et il nous faut inventer des mécanismes pour l'assurer, mais comme l'expliquait Nicholas Stern, le pire – et le plus coûteux – serait de ne rien faire. Préparons nos économies en ce sens. Jean Launay évoquera tout à l'heure la contribution climat-énergie, qui reste en filigrane et que l'on aurait dû, à mon sens, intégrer dans la discussion européenne.

Nous sommes d'accord, monsieur le ministre d'État, avec la mise en place d'un système d'enchères CO2 à 100 % en 2013, mais élargi, et surtout avec l'engagement de l'Union européenne de porter ses efforts de réduction de CO2de 20 % à 30 % d'ici à 2020, pour peu que d'autres pays suivent la même voie.

Vous avez exposé, monsieur le ministre d'État, la politique française pour atteindre ces objectifs. Nous sommes d'accord pour dire qu'il ne faut pas tout miser sur l'éolien, même s'il est nécessaire. Je regrette par exemple qu'en Aquitaine, région très ventée, les capacités de production plafonnent à 40 mégawatts, alors qu'elles atteignent 365 mégawatts en Lorraine, où il y a peu de vent. L'absence d'un véritable plan de développement de l'éolien est donc regrettable.

Vous avez raison : il faut également développer l'énergie solaire. Cependant, l'idée d'installer une centrale photovoltaïque dans chaque région restera un gadget s'il n'y a pas, au préalable, de fortes incitations à développer le solaire thermique. À l'occasion de la loi sur l'énergie, j'avais présenté avec Claude Birraux le plan « Face Sud » ; je doute que toutes les conditions soient aujourd'hui réunies pour le mettre en oeuvre.

Oui, nous devons développer la géothermie. Hélas, les crédits consacrés à la recherche en ce domaine – de l'ordre de 500 millions d'euros par an – sont dérisoires au regard des objectifs européens. C'est un milliard qu'il faudrait pour installer les démonstrateurs et mener une véritable politique de l'environnement. Or, nulle trace de ce milliard dans le budget pour 2009, et encore ne suffirait-il pas à mettre en place les démonstrateurs nécessaires de deuxième et troisième génération. Je rappelle en effet que la biomasse, n'en déplaise à certains collègues, peut largement contribuer au développement des énergies renouvelables, à condition toutefois qu'elle n'entre pas en compétition avec les industries agro-alimentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

Le danger qui menace notre environnement est le défi principal du XXIe siècle. La mobilisation doit être immédiate, notamment par le biais du fonds social du « paquet énergie-climat », qui devrait contribuer à convertir de nombreux emplois vers les écotechnologies. Nous devons aider davantage les pays émergents à acquérir ces nouvelles technologies, étoffer le chapitre relatif à l'adaptation et, enfin, soutenir les paquets « climat » territoriaux, car l'Europe ne sera exemplaire que par le biais de ses régions, grâce auxquelles se bâtira sa réussite lors des prochaines échéances de Poznan et de Copenhague. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Cessons de pratiquer une politique de l'autruche qui n'a que trop duré, et regardons la crise en face – que dis-je, la catastrophe, car à galvauder le mot « crise », on en atténue la portée. La crise que nous traversons est une crise globale, une crise anthropologique, qui se décline dans tous les domaines de la vie, au premier rang desquels le climat et l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Le « paquet énergie-climat » élaboré par la Commission européenne tient en un objectif essentiel : celui des « trois fois vingt » – c'est-à-dire 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % d'énergies renouvelables et 20 % d'augmentation de l'efficacité énergétique d'ici 2020.

Il va de soi que ce dernier objectif est louable. Cela étant, il souffre de deux défauts souvent oubliés. D'une part, la notion d'efficacité énergétique doit être élargie à l'ensemble des économies d'énergie, y compris à la réduction de la demande. Elle a en effet une connotation technologique certes légitime – il va de soi qu'il est préférable d'acquérir un réfrigérateur de classe A++ que de classe F ou G –, mais trop restreinte. Nos concitoyens doivent comprendre que les économies d'énergie sont autant d'économies d'argent – c'est du « gagnant-gagnant », selon l'expression qu'emploie parfois Mme Aubry. Ne croyez pas, bien entendu, que par cette allusion je prenne position… (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

D'ailleurs, si j'étais membre du parti socialiste, je serais plutôt – mais là n'est pas la question – « ségoléniste »...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Mme Royal a été ministre de l'environnement…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

À l'évidence, non, comme le montre ce qui se passe depuis 2002... (Exclamations et rires sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

J'ai été interrompu par M. Ollier, madame la présidente. J'espère que mon temps de parole sera augmenté en conséquence…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

En outre, la notion d'efficacité énergétique des produits est trop souvent confondue avec celle de sobriété des comportements humains. Ce sont pourtant deux notions bien différentes. La première porte sur la consommation énergétique des produits. Ainsi, les constructeurs automobiles disposent déjà des technologies nécessaires pour élaborer des véhicules qui consommeraient deux fois moins que les voitures actuelles, mais ils ne le font pas, invoquant le prétexte, ridicule, des « préférences des consommateurs ».

Et quand bien même ils le feraient, cela serait susceptible d'entraîner un effet « rebond », en vertu duquel les automobilistes, consommant moins au kilomètre, se déplaceraient davantage. Le progrès technologique n'aurait abouti, en somme, qu'à accroître la consommation. C'est ainsi que le temps que passent les Européens à se déplacer entre leur domicile et leur travail n'a pas diminué depuis 1850 : en dépit des promesses des promoteurs de l'automobile, censée libérer les gens et leur faire gagner du temps, les gens se sont simplement installés plus loin de leur lieu de travail, croyant disposer d'un mode de transport plus rapide et plus efficace. Las, sur le plan énergétique, la voiture est bien plus inefficace que le bateau à rames ou la chaise à porteurs ! (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Quelle touchante défense de la chaise à porteurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Songez-y : 1,2 tonne de ferraille transportant en moyenne 1,2 passager, n'est-ce pas une absurdité ?

La sobriété des comportements donne de bien meilleurs résultats que l'amélioration de l'efficacité des produits, et ce sans délais et pour un coût modique. Si, par exemple, le Premier ministre prenait aujourd'hui un décret réduisant la vitesse autorisée à 100 kilomètres par heure sur autoroute et à 90 kilomètres par heure sur route, la consommation française de pétrole diminuerait de 7% du jour au lendemain, et l'économie ainsi réalisée atteindrait 4 milliards par an – pour une facture globale d'environ 50 milliards cette année. Le gain serait considérable, tant en matière de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre que de commerce extérieur. M. de Villepin avait bien tenté, en son temps, de prendre cette mesure, mais les lobbies pétrolier et automobile, sans doute inquiets d'un possible effondrement des ventes de 607 et autres Vel Satis, s'y sont opposés.

Ce qui m'inquiète, moi, c'est un document relatif à la sécurité énergétique, diffusé par la Commission européenne et qui semble revenir sur l'engagement d'augmenter de 20% l'efficacité énergétique. J'y vois, une fois de plus, la main malveillante des lobbies charbonnier et nucléaire.

S'agissant de l'objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, il semble que tous les gouvernements soient d'accord pour y tendre par des politiques énergétiques adaptées. Toutefois, l'Union européenne, modèle de vertu pour le monde, devrait aller au-delà – jusqu'à 30 % de réduction, par exemple. M. Raffarin avait prévu, suite à la publication du rapport du GIEC en 2001, de diviser les émissions par quatre, mais le nouveau rapport publié par le GIEC en 2007 préconise pour la France une division de ces émissions par douze d'ici 2050, et même par vingt pour la Grande-Bretagne ! Et encore ces recommandations sont-elles certainement trop sobres, le GIEC étant une instance onusienne où toute décision doit être prise à l'unanimité. Claude Lorius, dans un numéro du Monde en date de la semaine dernière, ou James Hansen, de Goddard Institute de la NASA, sont bien plus alarmistes : il faudrait, selon eux, diviser les émissions par vingt-cinq. C'est dire combien le « facteur 4 » est dépassé ! Fixons-nous plutôt un objectif de 30 %, voire de 40 % ou même de 50 % dès 2020, faute de quoi nous ne pourrons être pris au sérieux.

Plusieurs intervenants – y compris le Gouvernement – ont prétendu ce matin que les difficultés étaient surtout dues aux négociations entre humains. Soyons clairs à ce propos : on pourra toujours négocier à Poznan, à Copenhague, à Bruxelles ou ailleurs, mais la nature, elle, ne négocie pas ! Le climat est indifférent à nos opinions ! L'atmosphère se fiche éperdument de savoir ce que pensent les Polonais où les Chinois !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Comment le savez-vous : vous ne l'avez jamais interrogée, l'atmosphère !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Déaut

L'atmosphère est détendue, en tous cas ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Une négociation visant à adapter le taux directeur de la Banque centrale européenne à la crise : voilà une négociation entre humains. Avec l'atmosphère, en revanche, on ne négocie pas. Les seuls représentants qualifiés en ce domaine sont les membres du GIEC, dont les rapports évoluent au fil du temps. La moindre des choses serait d'adapter notre action à leurs recommandations.

J'en viens aux énergies renouvelables, dont on entend porter la part dans la consommation totale à 20 % d'ici 2020. Très bien : je suis moi aussi favorable aux énergies renouvelables. Voici déjà une quinzaine d'années au moins que l'Allemagne, le Danemark ou l'Espagne consentent d'importants efforts en ce domaine. La France, elle, a pris beaucoup de retard pendant le règne des nucléocrates des années Giscard. Aujourd'hui, on nous dit que le nucléaire est appelé à gagner davantage de terrain encore. Cela suppose une forte confiance en l'avenir, tant le retour sur investissement est tardif, au plan énergétique comme au plan financier – de l'ordre de vingt-cinq à trente-cinq ans. Hélas, en dépit du volontarisme que manifeste Areva, la confiance en l'avenir n'est pas au rendez-vous car la récession sera longue et douloureuse, particulièrement pour le Sud. C'est pourquoi je suis convaincu que le nucléaire est mort ; en France, pourtant, nous continuons à nous prendre pour les champions du monde de la catégorie.

Dans le même temps, il semble se dessiner avec le Grenelle et peut-être même dans le cadre européen, une volonté de développer les énergies renouvelables. Je me rendrai moi-même au syndicat des énergies renouvelables cet après-midi – puisque c'est la « semaine des énergies renouvelables » et qu'il ne faut pas rater une occasion de porter la bonne parole. C'est un marché mondial et créateur d'emplois, qu'il convient en effet de développer en dépit du retard accumulé.

Autre chantier : les agrocarburants. Je regrette que M. Dionis du Séjour se soit absenté, lui qui est si enthousiasmé par leur développement dans sa région aquitaine. Lors du SPACE – le salon international des productions animales – qui s'est déroulé à Rennes en 2005, M. de Villepin avait dit des agrocarburants qu'ils étaient le « pétrole vert » de la France, et qu'il faudrait en poursuivre le développement bien au-delà du taux de 5,75 % fixé à l'époque – jusqu'à 10 % au moins.

Je crois le contraire. Après l'effet « rebond », je voudrais évoquer la notion d'énergie nette – hélas absente du « paquet énergie-climat ». Je suis prêt à l'exposer autant qu'il le faudra au Gouvernement et même au Président de la République : je crois aux vertus de la pédagogie, pour avoir enseigné pendant vingt-cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Non, l'informatique, mais j'ai aussi quelques notions de physique... À propos d'énergie nette, disais-je, j'ai consulté le World Energy Outlook, publié par l'Agence internationale de l'énergie, qui fait référence dans le monde, ou tout au moins dans les pays de l'OCDE. Après une quinzaine d'années d'obscurantisme mental, de fétichisme de la croissance, ses responsables admettent enfin la possibilité de la déplétion des hydrocarbures. C'est la première fois qu'ils reconnaissent cette éventualité, alors que la plupart des gens l'ont intégrée depuis des décennies. Leur modèle reste le même, mais le changement d'attitude est intéressant : ils reconnaissent la possibilité d'une raréfaction, voire d'une décroissance de l'accessibilité aux énergies fossiles. Reste que leur scénario de référence est fondé sur une augmentation d'environ 1,6 % par an de la demande – et donc de l'offre – d'énergie primaire jusqu'en 2030, ce qui est en totale contradiction totale avec l'hypothèse de la déplétion, mais ce n'est pas la première fois que l'AIE est en contradiction avec elle-même…

L'Agence propose tout de même, reconnaissons-le d'investir quelque 24 000 milliards de dollars jusqu'en 2030 dans le domaine énergétique, pour garantir l'accès à l'énergie. C'est un chiffre considérable, et il faut l'adapter au « paquet énergie-climat » européen.

La clef du problème ne réside pas entièrement dans l'investissement énergétique, mais aussi dans la géologie. On ne négocie pas plus avec la géologie qu'avec la nature : quand il y a moins de ressources, on ne peut rien y faire, et il faut en tenir compte dans le « paquet énergie-climat ». M. Le Déaut a dit que le plus grand défi était la question du climat, mais ce n'est que la moitié du problème, l'autre étant l'énergie. On parle beaucoup de ce qu'il y a en aval de la consommation d'énergie : le carbone, le climat, les gaz à effet de serre ; mais il y a aussi, je ne cesse de le dire, tout ce qui est en amont, et que j'ai évoqué lors du Grenelle de l'environnement. Or dans le « paquet énergie-climat », il n'y a pas un mot sur l'amont du carbone, c'est-à-dire la déplétion des hydrocarbures. Cela relève de l'aveuglement ! Soyons ouverts et parlons de politique énergétique en amont et en aval. Il y a d'abord une source d'énergie, qui se trouve pour l'essentiel dans le sous-sol, et ensuite une poubelle de l'énergie, qui se situe dans l'atmosphère. Mais si l'on n'a pas en tête l'ensemble des maillons de la chaîne, on perd le fil logique.

Ainsi, quand on parle de capter, de stocker et de séquestrer le carbone, on s'occupe de l'aval, mais pas de l'amont. Il est donc possible d'avoir, selon que les négociations portent seulement sur le climat ou aussi sur l'énergie, des politiques très différentes.

J'en reviens à la notion d'énergie nette, pour l'expliquer. La question à poser est celle de la quantité d'énergie qu'il faut consommer en amont pour disposer in fine, par exemple, d'une certaine quantité d'essence dans une voiture. Il faut faire le rapport entre l'énergie disponible finale et celle qu'il a fallu pour cela. Sur ce plan, les hydrocarbures sont les champions du monde : le rapport est de quinze pour un. Pour les agrocarburants, par contre, le rapport est quasiment d'un pour un, c'est-à-dire que, pour fabriquer un baril d'agrocarburant, il faut en moyenne – cela varie selon qu'il s'agit d'éthanol et de diester, mais passons – l'équivalent d'un baril de pétrole. Ce n'est plus une source d'énergie, c'est un puits sans fond – et je ne parle pas de la pile à combustible, dont le rendement est négatif : il faut deux barils de pétrole pour fabriquer un baril d'hydrogène !

Comme vous le voyez, l'énergie nette est une donnée fondamentale pour tous les raisonnements en matière de politique énergétique, en amont et en aval. J'espère que, sur ces bases, vous pourrez défendre le « paquet énergie-climat » qui, malgré tout, est assez intéressant. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, ce débat nous fait entrer au coeur du développement durable, au carrefour de l'environnement, du social et de l'économie. Je vous remercie d'avoir accepté que nous ayons ce débat, lorsque mon collègue et ami Pierre Lequiller et moi-même vous l'avons demandé.

Le Grenelle de l'environnement est une ambition que nous partageons tous ici, notamment avec vous, monsieur Cochet, dont j'ai beaucoup apprécié le propos, très intéressant comme souvent, même si je suis loin d'être toujours d'accord avec vos conclusions – mais nous en reparlerons tout à l'heure.

L'ambition du Grenelle, celle d'abaisser la production de C02 et, plus génralement, de tous les gaz à effet de serre, répond pleinement aux inquiétudes des Français. Depuis 1850, date à partir de laquelle on dispose d'enregistrements fiables, les douze années comprises entre 1995 et 2007 sont parmi les treize les plus chaudes qu'ait connues la planète. S'il fallait ne retenir qu'une seule donnée, ce serait celle-là. C'est ce sentiment d'urgence qui nous a animés, sur tous les bancs de notre assemblée, lorsque nous avons siégé jour et nuit, lors des débats des dernières semaines, afin que vous puissiez, monsieur le ministre d'État, apporter à Bruxelles l'engagement clair qu'a pris l'Assemblée nationale en votant le Grenelle de l'environnement.

Les négociations avec les autres États membres sur le « paquet énergie-climat » sont extrêmement difficiles, nous le savons. Nous avons pourtant absolument besoin d'un accord sur ce paquet avant la fin de l'année, faute de quoi nous n'aurons pas d'accord post-Kyoto satisfaisant. Le « paquet énergie-climat » constitue la feuille de route que nous mettons en place, petit à petit.

Cependant, monsieur le ministre d'État, j'examinerai ce problème du seul point de vue économique. Il faut certes lutter contre le réchauffement climatique, mais il faut aussi préserver la compétitivité de nos entreprises. Comment concilier les deux ? Ce n'est pas, j'y insiste, en pénalisant nos entreprises que nous atteindrons les objectifs environnementaux ambitieux que nous sommes en train de nous fixer. Pour qu'il n'y ait pas de contradiction entre les deux objectifs, il faut que le message passe, et c'est l'un des buts de notre débat.

Il est évident qu'une politique environnementale ambitieuse exige, au départ, un investissement important. Dans le contexte de crise financière et économique que nous traversons, beaucoup se demandent si une telle politique reste pertinente. Aussi devons-nous nous réjouir que le Président de la République, dressant à Vaujours le bilan du Grenelle, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, se soient inscrits en faux contre une telle idée. Il faut que l'on sache, au-delà de cet hémicycle, que nous nous inscrivons, nous aussi, en faux contre cette idée : il est illusoire de croire que l'on peut choisir entre résoudre la crise financière et résoudre le problème du changement climatique. Il n'y a pas de choix à faire : les solutions doivent être conjuguées et non opposées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Il est exact qu'un tel ensemble de mesures implique un effort considérable. Tous en sont d'accord, la question du financement est cruciale. La Commission européenne estime le coût direct de la réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et du passage à 20 % de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale à 0,58 % du PIB de l'Union européenne, soit 91 milliards d'euros à l'horizon 2020, soit encore 150 euros par personne et par an – l'équivalent de trois pleins d'essence pour une voiture familiale. Ce n'est pas rien, et il faut donc y réfléchir, mais l'inaction aurait un coût dix fois supérieur, et c'est l'idée que je retiens au nom de la commission des affaires économiques ; c'est celle que nous devons garder présente à l'esprit lors des décisions que nous prenons.

Nous avons eu le plaisir de vous recevoir, monsieur le secrétaire d'état chargé des affaires européennes, et celui de vous auditionner, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, à plusieurs reprises, ainsi que l'ensemble des acteurs concernés. Au fur et à mesure de ces auditions, la commission a constaté que le développement durable état un vrai facteur de croissance. Je souhaite que nous nous inscrivions dans cette logique : oui, des investissements importants doivent être faits ; oui, il y aurait dix fois plus à faire demain si nous n'agissions pas aujourd'hui ; oui, ces investissements sont des facteurs de croissance importants.

L'année dernière, les investissements dans les sources d'énergie viables sur le plan environnemental ont augmenté de 43 % au niveau mondial. Les recettes commerciales de l'énergie solaire, de l'énergie éolienne, des biocarburants et des piles à combustible devraient augmenter, pour atteindre environ 150 milliards d'euros d'ici à 2016. Le secteur des énergies renouvelables dans l'Union européenne représente un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros et emploie quelque 350 000 personnes.

Au niveau français, l'étude d'impact du Grenelle, que vous avez rendue publique, monsieur le ministre d'État, chiffre à 440 milliards d'euros entre 2009 et 2020 le financement des engagements pris dans le cadre de la loi de programme, et évalue à 535 000 le nombre des emplois créés ou maintenus grâce à elle d'ici à 2020. C'est l'un des bénéfices essentiels de ces mesures : elles sont à l'origine d'un gisement d'emplois non délocalisables.

Mais l'intérêt d'une telle politique dépasse largement les raisonnements en termes de montants financiers et d'emploi, aussi importants soient-ils. Il faut toutefois choisir avec une grande prudence les mécanismes à mettre en oeuvre, pour orienter l'économie dans le bon sens. C'est l'un des enjeux du « paquet énergie-climat ». Si le marché automobile français, par exemple, est aujourd'hui nettement moins déprimé que celui de nos voisins européens, c'est grâce au bonus que vous avez mis en place, monsieur le ministre d'État. Nous pouvons donc influer sur le choix des consommateurs par des décisions courageuses, qu'il nous revient de prendre.

Ce faisant, nous devrons toujours veiller à ne pas pénaliser, du fait de ces décisions, les entreprises européennes, et en particulier françaises. Il faut à tout prix éviter les délocalisations, notamment dans les secteurs industriels les plus consommateurs d'énergie. Je pense ici à la fameuse question de la «fuite de carbone », c'est-à-dire au risque que les entreprises européennes les plus exposées à la concurrence internationale perdent des parts de marché au profit de pays moins vertueux, ou décident de délocaliser, pour les mêmes raisons, une grande partie de leur production. La vertu peut se fonder sur la croissance, mais le manque de vertu dont feraient preuve d'autres pays est susceptible de porter atteinte aux dispositions que nous prendrions en faveur de la croissance. Monsieur le ministre d'État, nous attendons de votre part une grande vigilance pour y parer.

Parmi les conditions du succès de ce paquet, figure naturellement le prix de l'énergie qui en résultera. L'étude d'impact de la Commission européenne prévoit, dans le meilleur des cas, une augmentation des prix de l'électricité de 10 à 15 % d'ici à 2020.

J'en profite pour rappeler solennellement notre attachement à plusieurs principes, et tout d'abord aux tarifs réglementés – je sais que tout le monde n'est pas d'accord sur ce sujet –, qui permettent à nos entreprises, comme aux consommateurs, de bénéficier d'un prix de l'électricité attractif. Je ne veux pas rouvrir le débat sur le nucléaire, mais lorsque le général de Gaulle, après Pierre Mendès France, a décidé de nous engager dans cette voie, il a rendu un immense service à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Aujourd'hui, ce que l'on appelle la « rente nucléaire » est avant tout un élément de notre économie qui peut profiter aux entreprises françaises, car nous produisons l'électricité à un prix bien inférieur à ceux que pratiquent nos concurrents. Nous aurons ce débat, et nous avons, au sein de notre commission, des positions claires.

Si l'on peut comprendre la nécessité d'adaptations pour les pays situés à l'écart du réseau européen ou dont la production d'électricité est essentiellement carbonée, il n'est pas acceptable, monsieur le ministre d'État, je le dis solennellement, d'ignorer les choix stratégiques faits par certains pays en faveur du nucléaire. Si l'objectif ultime reste de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut avoir le courage de ses opinions, et je remercie le gouvernement français de l'avoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

MM. Deflesselles, Dionis du Séjour et Le Déaut ont tenu des propos identiques – plus modérés, toutefois, en ce qui concerne M. Le Déaut. Je retiens de l'intervention de M. Cochet certaines idées très intéressantes, notamment sur la prise en compte de l'amont et de l'aval.

Si la France produit 90 % de son électricité sans gaz à effet de serre, c'est grâce aux efforts que nous avons faits dans les domaines du nucléaire et de l'hydraulique. N'ayant pas engagé la même politique que nous, le Danemark produit 82 % de son électricité avec gaz à effet de serre, et la Pologne, 95 %. Nous ne sommes pas dans la même situation.

J'aimerais, en conséquence, monsieur le ministre d'État, que l'on explique à Bruxelles qu'il y a une spécificité française, due au fait que nous avons eu le courage de conduire une certaine politique. Sans doute faudra-t-il pousser le curseur très loin dans d'autres domaines, mais laissons à la France le libre choix des énergies renouvelables qu'elle souhaite mettre en place ! Je m'arrêterai là, car je ne veux pas rouvrir certains débats sur des sujets sur lesquels j'ai, comme vous le savez, beaucoup de convictions… (Sourires.) Je ne parle pas de l'éolien, je dis seulement qu'il faut faire la part des choses. Nous devons nous fixer des objectifs en matière d'énergies renouvelables, mais avec pondération et sans porter atteinte à la beauté de nos paysages ! Comprenne qui voudra… (Même mouvement.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

J'en termine, madame la présidente.

Il me semble logique de défendre au niveau européen les principes que nous avons souhaité fixer au niveau national, tels que l'affectation au financement de la politique de développement durable et les prélèvements institués dans ce cadre. L'idée, défendue par nos entreprises, d'affecter prioritairement le revenu des enchères à la recherche-développement au niveau communautaire me semble intéressante et propre à favoriser les nouvelles technologies. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre d'État.

Je remercie, à nouveau, avant qu'il ne nous quitte, M. Jouyet pour sa disponibilité, car j'ai énormément apprécié ses auditions en commission. Je remercie également M. le ministre d'État et Mme la secrétaire d'État pour leur apport lors de la discussion du Grenelle de l'environnement, sur lequel nous avons pu, grâce eux, obtenir un vote quasi unanime.

La présidence française de l'Union européenne doit nous permettre d'arriver à Poznan en bonne position. Je ne doute pas que les mesures que nous proposons ici nous permettront d'y parvenir, et je fais confiance au Président de la République comme à vous-même, monsieur le ministre d'État, pour que nous soyons, à Poznan, à l'avant-garde de tout ce qui sera fait pour améliorer le climat, notamment au niveau européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission chargée des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Je souhaite d'abord me féliciter, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, que la France soit en tête de ce débat, avec le Grenelle de l'environnement, et qu'il en aille de même de l'Europe dans le monde.

J'aurais, vous le comprendrez, un mot tout particulier pour Jean-Pierre Jouyet, avec qui nous avons travaillé très étroitement. Je tiens à lui dire que je peux témoigner de son excellente image auprès de nos partenaires européens. Il a, de plus, efficacement contribué au succès de la présidence Française de l'Union européenne, qui n'est d'ailleurs pas encore terminée, et a toujours entretenu des relations très étroites avec les parlements nationaux, et notamment avec nos commissions.

Je me félicite également de l'organisation de ce débat sur le « paquet énergie-climat », débat que Patrick Ollier et moi-même avons ensemble souhaité. Nous nous efforcerons, avec l'accord du Président de l'Assemblée et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, de faire en sorte que les débats sur les textes européens soient portés dans l'hémicycle. C'est tout à fait essentiel.

Dans quelques heures, après la séance des questions au Gouvernement, Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert présenteront aux membres de la commission chargée des affaires européennes les conclusions de leur excellent rapport d'information sur le « paquet énergie-climat ». Nous voterons à cette occasion une proposition de résolution qui, en vertu du règlement de notre Assemblée, sera transmise à la commission des affaires économiques, laquelle, à l'initiative de son président, l'examinera à son tour, je crois le savoir, la semaine prochaine.

Chacun le sait, les quatre propositions regroupées dans ce nouveau « paquet » visent à concrétiser la règle des « trois fois vingt » arrêtée par les chefs d'État et de gouvernement en mars 2007. Plus concrètement, il s'agit de mettre l'Europe en ordre de bataille dans le combat qu'il lui appartient de mener contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

Je me bornerai à rappeler sommairement les conclusions des scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a obtenu l'an passé le prix Nobel de la paix. Dans le cas où la température moyenne du globe viendrait à augmenter de plus de 2 ou de 2,5 degrés, de nombreux écosystèmes seraient menacés, la biodiversité subirait des pertes irréparables, des centaines de millions de personnes seraient exposées à une diminution des ressources en eau, les catastrophes naturelles – crues, inondations, tempêtes, vagues de chaleur... – ne se limiteraient pas à l'Aquitaine et seraient plus fréquentes dans le monde. Encore ne s'agit-il là que de quelques-unes des incidences prévisibles de la catastrophe annoncée.

L'Europe, sous la présidence française, souhaite assumer face à ces menaces la part des responsabilités qui lui incombe. Elle se propose donc d'agir vite. Les réformes ont pour horizon 2020, conformément aux recommandations du GIEC, sans renvoyer les décisions à des dates éloignées, où il sera à la fois plus coûteux et moins efficace d'agir. L'Europe se fixe aussi des objectifs ambitieux, dont nous avons parlé : réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, diminuer de 20 % sa consommation d'énergie et disposer de 20 % d'énergie renouvelable dans le mix énergétique. Au passage, je signale à M. Cochet que la présentation qu'il a faite de la position de la France comporte une légère inexactitude. Nous sommes, en effet, nettement en tête de l'Europe, s'agissant des énergies renouvelables – puisque nous atteignons 10,3 %, contre 5,8 % pour l'Allemagne et 8,7 % pour l'Espagne – tout simplement parce que nous avons pris une grande avance en matière d'hydroélectricité.

Ces trois ambitions sont à la hauteur du défi à relever. Tous les spécialistes le disent et le répètent, et le rapport Stern a largement martelé ce message : la communauté internationale se doit de réagir rapidement.

Mais l'Europe, qui ne produit que 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ne peut être le seul acteur à s'imposer des règles aussi contraignantes et ambitieuses. L'analyse faite par Bernard Deflesselles des positions américaine et japonaise m'a semblé, à cet égard, très intéressante.

En 1997, le protocole de Kyoto a imposé à la plupart des pays industrialisés des obligations d'un niveau somme toute assez modeste – moins 5 % par rapport à 1990 –,sur la seule période 2008-2012. En outre, chacun sait que les États-Unis ont finalement refusé de ratifier ce protocole.

De nouvelles négociations sont en cours pour définir un régime post-Kyoto, à compter de 2013. La conférence de Bali, en décembre 2007, a établi un plan d'action qui devrait déboucher sur un accord lors du sommet de Copenhague, en décembre 2009. Une importante réunion préparatoire se tiendra à Poznan, en Pologne, dans deux semaines.

Il est souhaitable que ces négociations internationales débouchent sur un accord où chacune des parties assumera ses responsabilités à la mesure de ses capacités. Cela concerne les pays industrialisés, y compris les États-Unis. Cela vise aussi les pays en développement et notamment les pays émergents – Chine, Inde, Afrique du Sud, Mexique, Brésil – qui doivent pleinement assumer leurs nouvelles responsabilités mondiales.

Les résultats de ces négociations internationales, sous l'égide des Nations unies, ne sont pourtant pas acquis d'avance. Dans ces conditions – et dans un contexte aggravé par les crises financières et économiques – plusieurs États membres ont mis l'accent sur les risques que le « paquet énergie-climat » pourrait faire supporter à l'économie européenne.

En octobre dernier, lors d'une réunion, à l'Assemblée nationale, de la commission chargée des affaires européennes et des commissions des affaires européennes du Triangle de Weimar, j'ai ainsi eu l'occasion d'entendre nos amis polonais s'inquiéter des répercussions économiques et sociales de la mise aux enchères de l'intégralité des quotas du secteur de la production électrique. De leur côté, nos amis allemands ont fait part de leurs inquiétudes pour la compétitivité de celles de leurs industries, l'industrie automobile notamment, qui sont grandes consommatrices d'énergie.

Ces questions sont actuellement au coeur des négociations communautaires que vous allez mener, monsieur le ministre d'État.

J'observe néanmoins que les craintes formulées par la Pologne, d'une part, et par l'Allemagne et l'Italie, d'autre part, ne sont pas forcément partagées par tous avec la même intensité. J'étais ainsi, la semaine dernière, à Prague et les responsables tchèques m'ont assuré de leur soutien au « paquet énergie-climat », alors même qu'ils appartiennent au groupe des nouveaux États membres et ne sont pas particulièrement réputés pour leur volontarisme européen. J'ajoute que l'Allemagne elle-même s'oppose à la demande polonaise de mise aux enchères progressive des quotas du secteur de la production électrique.

Toutefois, ces questionnements ne sont pas infondés : je pense notamment à l'ajustement qu'il serait opportun d'effectuer aux frontières pour éviter les délocalisations, comme l'a très justement souligné Patrick Ollier. Il nous appartiendra d'y trouver collectivement des réponses lors des réunions du conseil des ministres et du Conseil européen ainsi que du vote du Parlement européen dans la première quinzaine de décembre.

La présidence française – et je sais que telle est votre intention – doit maintenir fermement le cap. L'Europe doit demeurer le phare du monde dans le domaine de l'énergie et du climat. Avant même ces échéances décisives, les parlementaires français auront la possibilité d'en discuter avec leurs collègues jeudi et vendredi prochains à Strasbourg, à l'occasion d'une rencontre interparlementaire entre les parlements nationaux et le Parlement européen sur l'énergie en Europe. Il est essentiel que vous puissiez vous appuyer sur le très fort soutien de l'Assemblée nationale au moment où vous abordez ces négociations européennes.

Le « paquet énergie-climat » ne constitue, en effet, que l'un des volets de l'action communautaire dans le domaine énergétique.

Lorsque le pétrole et le gaz naturel ont connu une hausse brutale de leur prix, lorsque des menaces sont clairement apparues contre la sécurité d'approvisionnement de nos économies, de nombreuses voix se sont élevées pour exiger une politique énergétique européenne. Cette exigence est plus que jamais d'actualité. Il n'existe pas, bien sûr, une proposition de directive ou une proposition de règlement établissant une politique énergétique commune, mais il y a désormais tout un ensemble de propositions qui, tel un patchwork, finissent par former un ensemble cohérent.

Le « paquet énergie-climat » définit 1'intégration des politiques énergétiques et environnementales et satisfait ainsi, par avance, à une orientation figurant à l'article 194 du Traité de Lisbonne.

Un peu plus tôt, la Commission européenne nous a soumis le « troisième paquet énergie », visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l'énergie. Cet ensemble de textes a été examiné, au sein de notre Assemblée, par un groupe de travail associant des membres de la commission chargée des affaires européennes et de la commission des affaires économiques, à partir de l'excellent rapport d'André Schneider et de Jean-Claude Lenoir. Je me réjouis d'ailleurs que l'accord politique dégagé le 10 octobre dernier par les ministres européens de l'énergie aille dans le sens de la résolution que nous avons adoptée.

Enfin, la semaine dernière, les autorités européennes ont présenté un « paquet sécurité énergétique ». Comme l'a déclaré le Président Barroso, « si nous ne pouvons pas parler d'une seule voix, en tant qu'Européens nous devons au moins avoir un message unique ». Il propose donc une diplomatie active à l'égard de nos principaux fournisseurs, et en premier lieu de la Russie.

Tous les événements que nous avons connus cet été – notamment la guerre entre la Russie et la Géorgie – ne font que mettre en exergue la menace de la Russie et l'utilisation par ce pays de l'arme énergétique comme moyen de pression sur ses voisins. Je voudrais témoigner de l'extrême inquiétude des pays membres de l'Union de l'Europe centrale et de l'Est face à la politique d'agression menée par la Russie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Un renforcement des mécanismes de solidarité pour le pétrole et le gaz est prévu par la Commission. Le rôle de l'énergie nucléaire, auquel les pays d'Europe centrale et de l'Est sont également très attachés, dans la réduction de la dépendance de l'Union européenne aux importations d'hydrocarbures, est également reconnu.

Nous attachons beaucoup d'importance à la mise en oeuvre du paquet « énergie-climat », mais, à nos yeux, le volet relatif à la sécurité énergétique est aussi indispensable, pour assurer l'indépendance de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame et monsieur les secrétaires d'État, chers collègues, en mars 2007 les chefs d'Etat et de gouvernement européens approuvaient un plan d'action esquissant, pour la première fois, une politique énergétique pour l'Europe autour de ce qu'on appelle désormais « les trois 20 » : réduire de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre, augmenter de 20 % notre efficacité énergétique et atteindre une proportion de 20 % d'énergies renouvelables pour 2020. S'y ajoute un quatrième objectif, celui d'atteindre une proportion de 10 % de biocarburants dans la consommation totale des véhicules.

Ce sont les mêmes objectifs que l'Assemblée a soutenus en adoptant à l'unanimité moins quatre voix le projet de loi Grenelle I. Nous sommes même allés plus loin, en affirmant à l'article 2 que la France « se fixe comme objectif de devenir l'économie la plus efficiente en équivalent carbone de l'Union Européenne d'ici 2020 ».

Le paquet « énergie-climat » présenté par la Commission européenne regroupe une proposition de directive afin d'améliorer et d'étendre le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre ; la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort que doivent fournir les Etats membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements pris pour 2020 ; la proposition de directive relative à la promotion de l'utilisation des énergies renouvelables ; la proposition de directive relative au stockage géologique du dioxyde de carbone.

Il s'agit là de la traduction réglementaire de la politique énergétique européenne. Dans cette lignée, et dans celle du Grenelle, il est donc impératif qu'un accord soit trouvé lors du Conseil Européen des 11 et 12 décembre prochains, sous la présidence française : la crédibilité de l'Union Européenne en matière de lutte contre le changement climatique en dépend. Comment, sinon, pourrions-nous convaincre les autres États de nous rejoindre dans cet effort lors de la conférence des Nations Unies sur le climat à Poznan en décembre, en vue d'aboutir à un accord à la conférence de Copenhague en 2009 ?

S'agissant de cet accord, il ne faut pas réviser à la baisse les objectifs généraux, comme le voudraient certains en raison de la crise économique. Il convient certes de prendre en compte les situations spécifiques et de garantir un rapport coût-efficacité satisfaisant en mettant en place des dispositifs de solidarité financière et de souplesse afin de ne pas entraver le développement économique des pays plus fragiles de l'Union européenne. Cependant il est nécessaire de ne pas retarder la mise en place de cette politique énergétique, car les investissements qu'il faudra y consacrer sont moteurs d'une nouvelle croissance à court terme dans des secteurs à forte intensité de main d'oeuvre et peu délocalisables.

Ainsi en France, dans le cadre du Grenelle, nous devrions ouvrir, d'ici à 2020, de grands chantiers dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l'énergie et y consacrer en moyenne chaque année 35 milliards d'euros qui généreraient 15 milliards d'euros de valeur ajoutée, soit 0,8 point de PIB. Appliquer les objectifs du Grenelle n'est donc pas une charge, mais un investissement porteur de croissance.

Le Grenelle va d'ailleurs au-delà des objectifs communautaires puisqu'il fixe comme objectifs de réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre, en cas d'accord international, et de porter non à 20 %, mais à 23 % la part des énergies renouvelables dans notre production énergétique d'ici à 2020.

La crise économique ne doit pas retarder la révolution environnementale, mais, au contraire, l'accélérer justement parce qu'il faut produire autrement pour obtenir plus de croissance.

De la même façon, tenir l'objectif européen d'utiliser 10 % de biocarburants dans les transports en 2020 est une nécessité si l'on veut atteindre 23 % d'énergies renouvelables dans la production énergétique.

En même temps, il faut veiller à produire, en Europe comme dans les pays tiers, en respectant la biodiversité et l'éthique sociale, mais aussi de façon à réduire réellement les émissions de CO2. Sur ce plan, les biocarburants permettent de réduire les émissions de 35 % par rapport aux carburants traditionnels. Rien que cet avantage justifie que l'on continue la politique engagée.

De façon plus spécifique, nous avons voté, dans le Grenelle I, la possibilité de mettre aux enchères la totalité des quotas d'émission de gaz à effet de serre dès 2013, en prenant en compte les impacts de la concurrence internationale dans les secteurs concernés. Cela implique que soit mis en place un mécanisme d'ajustement aux frontières afin d'inclure dans le système d'échanges les importateurs de produits non européens. En effet le risque des « fuites de carbone » c'est-à-dire de délocalisation des activités les plus polluantes et des emplois associés est réel face à des concurrents non européens qui ne sont pas soumis à des quotas. Il est donc indispensable d'établir, au niveau européen, des critères précis et quantitatifs permettant de dresser la liste des secteurs les plus exposés.

Par ailleurs, une partie des revenus tirés de la mise aux enchères de ces quotas devra être exclusivement affectée à des actions de lutte contre le changement climatique et de transition vers une économie sobre an carbone, tant en Europe que dans les pays en voie de développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Enfin, pour ce qui est du stockage du CO2, dans le Grenelle I nous avons adopté un amendement à l'article 17 prévoyant que « tout projet de construction d'une centrale à charbon devra être conçu de sorte à pouvoir être équipé dans les meilleurs délais d'un dispositif de captage et stockage du dioxyde de carbone ».

Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, vous avez tracé la voie avec le Grenelle. Il faut maintenant poursuivre dans le cadre européen, de façon à pas pénaliser les entreprises et les consommateurs français et à peser davantage dans les négociations internationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Lambert

C'est suffisamment rare pour s'en féliciter : nous débattons aujourd'hui de propositions de directive européenne avant qu'elles ne soient adoptées définitivement par le Conseil européen. J'en remercie le Gouvernement et les présidents Ollier et Lequiller. D'ordinaire, on nous demande plutôt de transposer des textes européens. Ce n'est qu'en commission des affaires européennes que nous avons l'habitude de ce genre de débat ; mais il se déroule alors entre spécialistes. Ce matin, le débat européen prend toute sa dimension politique.

Nul ne niera l'importance des mesures qui nous sont soumises pour notre cadre et notre mode de vie, pour nos industries, en Europe et dans le monde.

L'histoire de l'humanité est directement liée à l'utilisation de différentes énergies. Désormais, et malgré la crise économique, le modèle énergétique mondial est fortement débattu. Il nous faut répondre à une forte demande d'énergie pour assurer la croissance nécessaire au développement pour le plus grand nombre et à la satisfaction de besoins primaires. Il nous faut aussi préserver les énergies non renouvelables, et éviter les émissions de gaz à effet de serre, facteur d'un réchauffement inédit par son ampleur et sa rapidité.

Confrontés à de tels défis, nous devons agir. Notre planète, compte 6,4 milliards d'habitants ; elle en comptera 8 milliards en 2030, et chacun espérera légitimement bénéficier d'un meilleur niveau de vie. Or, actuellement, plus de 1,5 milliard de femmes et d'hommes n'ont aucun accès à l'électricité, 2 milliards d'être humains ne disposent que de bois pour se chauffer ou cuisiner. D'ici à 2030, il nous faudrait produire 60 % d'énergie en plus. Nous aurions alors besoin de 125 millions de barils de pétrole par jour, alors que la production actuelle se situe autour de 85 millions. De même, d'ici à 2030 – autant dire demain – près de 16 000 milliards de dollars d'investissement seraient nécessaires pour satisfaire les besoins nouveaux, dont au moins la moitié dans les pays en développement.

Les défis sont donc immenses. Si le rythme actuel se maintient, la consommation mondiale d'énergie primaire doublera d'ici à 2030, et 80 % proviendront des combustibles fossiles. Il sera alors impossible de stabiliser le taux de CO2 dans l'atmosphère, ce qui aura de très graves conséquences sur notre environnement. Songeons aussi à celles qui affecteront la biodiversité : c'est tout le cadre de vie de l'homme qui est en cause.

La situation est claire. Il nous faut agir en conséquence et, d'abord, révolutionner la production d'électricité, responsable de 40 % des émissions mondiales de CO2, les transports, qui génèrent 24 % des émissions mondiales, et la consommation domestique qui en représente 17 %.

Pour atteindre cet objectif vital pour préserver les équilibres mondiaux, l'Union européenne a un rôle crucial à jouer dans le développement de l'énergie durable. Faute de quoi, l'énergie deviendra un risque pour notre prospérité, nos emplois, la qualité de notre environnement. C'est en fait le modèle européen de développement économique et social qui serait remis en cause sans une mutation rapide et profonde de notre système énergétique et de nos modes de production.

Pour l'avenir, la politique énergétique européenne doit répondre à trois questions essentielles : comment garantir des approvisionnements sûrs en énergie à des prix prévisibles et abordables, pour les citoyens et les producteurs ? Comment rendre la politique énergétique plus respectueuse de l'environnement pour lutter contre le réchauffement climatique ? Comment partager ces objectifs avec les autres pays de la planète ?

Elle ne le fera qu'en combinant plusieurs politiques communes. Tel est l'objet des directives dont nous débattons.

Loin d'entraver le développement économique, la modification des méthodes et des technologies de production qu'implique la poursuite de ces objectifs nous permettra d'atteindre un haut niveau de développement et de bien être.

C'est une « nouvelle frontière » qui s'offre à nous. Nous devons inventer le monde de demain, les technologies de demain. C'est un formidable enjeu humain que l'Union entend relever en proposant les objectifs des directives énergie et climat.

Rien ne sera possible sans l'Europe, première puissance commerciale mondiale. Compte tenu de son niveau technologique et de son histoire, elle se doit de montrer l'exemple.

Oui, nous devons progresser, en recherchant l'harmonie, en évitant les antagonismes et les égoïsmes. Sans cela, le monde que nous connaissons court à sa perte. Il court à l'exploitation sans retenue des ressources vitales, jusqu'à leur épuisement dans peu de générations ; il court vers la disparition de nombreuses espèces vivantes sur terre et dans les mers ; l'humanité court à sa propre perte car l'équilibre naturel dans lequel elle s'est développée au fil des millénaires sera rompu par l'homme lui-même. Et les générations futures le paieront très cher, bien plus que ne pèsent les intérêts de la dette financière. Ne l'oublions jamais avant de prendre de grandes décisions.

Tout ce qui peut humaniser, réguler, rendre un peu plus harmonieux notre monde est de bonne politique. Les directives « énergie et climat », que nous présenterons cet après-midi plus en détail à la commission des affaires européennes grâce au rapport que j'ai coproduit avec Bernard Deflesselles, font partie de ces textes que l'on peut qualifier de fondateurs d'un nouveau monde.

Mes propos semblent forts, mais je peux vous assurer qu'ils sont à la mesure des enjeux que doit affronter l'humanité. L'Europe, si elle parvient à tenir son rôle, sera, comme peut-être elle ne l'a jamais autant été au cours de ces dernières décennies, un pôle majeur de la politique mondiale.

Je souhaite que nous relevions ce défi ensemble, comme, en d'autres temps, nous avons su nous rassembler pour relever nos sociétés déchirées et faire face à l'adversité, pour offrir au monde un modèle de développement économique et social, écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, le 23 janvier 2008, la Commission européenne a présenté un paquet « énergie-climat » composé de quatre textes qui visent la réalisation, d'ici à 2020, d'un triple objectif, ambitieux et nécessaire : diminuer de 20 % les émissions de gaz à effets de serre, réduire de 20 % la consommation d'énergie, et augmenter la part des énergies renouvelables jusqu'à 20 % de la consommation totale.

Nous ne pouvons qu'approuver la décision de l'Union européenne de s'engager dans une réduction de 20 % de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. L'urgence est d'autant plus grande que, pour la première fois de notre histoire, l'activité humaine accélère un bouleversement climatique dont les conséquences pourraient être dramatiques. Ainsi, le rapport publié en février 2007 par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a démontré qu'il était urgent d'agir.

Si aucune mesure correctrice n'est prise au cours de ce siècle, l'augmentation de la température mondiale devrait atteindre 1,8 à 4 degrés Celsius. Les politiques européennes de l'énergie et des transports devraient, quant à elles, entraîner une augmentation d'environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Le rapport Stern indique que la poursuite sans aucun contrôle de ces phénomènes causerait, à long terme, des dommages dont les coûts, compris entre 5 et 20 % du PIB mondial, seraient bien supérieurs à ceux de leur éventuel traitement. Dès lors, le choix est clair.

Nous sommes aujourd'hui à la veille de deux conférences importantes. En effet, la conférence de Poznan, les 1er et 2 décembre 2008, lancera la négociation de l'accord international sur le climat devant aboutir à la conférence de Copenhague, en 2009, au cours de laquelle le protocole de Kyoto doit être remplacé, pour la période de l'après 2012. Afin de préparer ces échéances, tous les États européens affichent – et j'insiste sur ce terme – la nécessité de prendre des mesures fortes pour, d'une part, réduire, les émissions de gaz à effet de serre et, d'autre part, adapter leurs pays aux évolutions climatiques en cours. Tel est le sens, en France, de la loi du Grenelle de l'environnement.

La France a fait du paquet « énergie-climat », « l'un des grands enjeux de la présidence française de l'Union Européenne », selon les termes même de la communication gouvernementale. L'objectif est de parvenir à un accord avant la fin de l'année. Cependant, il ne faudrait pas que des visées politiciennes prennent le pas sur les nécessités à court, moyen et long terme. L'argument selon lequel la crédibilité de l'Union européenne sur la scène internationale en matière de lutte contre le changement climatique dépendra, en grande partie, de sa capacité à trouver un accord sur le paquet « énergie-climat » a déjà été utilisé pour hâter – et le terme est faible – l'examen du projet de loi. Le fait qu'il nous soit à nouveau opposé signifie-t-il qu'il faudrait accepter à tout prix ce qui nous est présenté comme une solution sans alternative ?

Pourtant, nous le savons, aujourd'hui, ces textes ne font pas consensus en Europe. Ainsi, l'Italie et la Pologne, notamment, réclament des changements fondamentaux dans les directives du paquet qui, selon la ministre italienne de l'environnement, « est insupportable et demande des changements profonds ». Toutefois, un accord européen a minima serait contre-productif s'il ne répondait pas aux enjeux auxquels notre planète est confrontée. La plupart des associations parties prenantes du Grenelle de l'environnement redoutent que cette solution soit retenue, tandis que d'autres regrettent le manque d'ambition de l'objectif que s'est assigné l'Union européenne en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Certes, l'Union européenne a accepté, lors de la dernière conférence des parties prenantes au protocole de Kyoto, qui s'est tenue à Bali, en 2007, de suivre les recommandations du dernier rapport du GIEC qui préconise, pour les pays industrialisés, une réduction des émissions comprise entre 25 et 40 %, pour 2020.

II est également vrai que la loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi POPE, engage la France à diminuer de 3 % par an ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020. Cela étant cette bataille de chiffres n'est-elle pas secondaire ? Ne faudrait-il pas plutôt se demander si les mesures contenues dans le paquet « énergie-climat » sont vraiment de nature à permettre une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ? La question a son importance puisque, ces dernières années, dans les principaux pays développés, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté et non diminué.

Il faut aussi tenir compte du constat suivant : si la maîtrise de la consommation énergétique est présentée comme un objectif central – comment, d'ailleurs, ne pas partager cette analyse ? –, elle pourrait néanmoins entraîner une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. En effet, cet objectif ne peut être isolé d'un contexte global et il faut aussi veiller aux modes de production et à la réduction de l'utilisation des énergies fossiles. Nous pourrions ainsi réduire de 20 % notre consommation énergétique tout en augmentant, de façon considérable, nos émissions de gaz à effet de serre en raison de la production d'une électricité provenant de l'énergie primaire carbonique. Évidemment, la question des énergies renouvelables est posée, mais aussi, et pour longtemps encore – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt – celle du développement de la production d'électricité d'origine nucléaire.

Surtout, comment ne pas s'interroger sur le système d'échanges de quotas d'émissions de gaz à effet de serre, mis en place en 2005, qui a largement démontré ses insuffisances ? La proposition de la Commission européenne d'étendre ce dispositif et de centraliser sa gestion au niveau européen ne va pas inverser la donne. Nous connaissons tous, dans cet hémicycle, les limites de ce dispositif et ses conséquences, dès lors que la taxe ainsi prélevée est répercutée sur l'ensemble de la filière et finalement sur le consommateur. Ce système reviendrait, en fait, à accroître la charge pesant sur les ménages dont on sait les difficultés qu'ils connaissent, pour la grande majorité d'entre eux, en termes de pouvoir d'achat. Monsieur Ollier, vous avez raison : aujourd'hui, 150 euros ce n'est pas rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

La Commission a évalué le coût du paquet à « 3 euros par citoyen et par semaine », soit 150 euros par an. D'ici à 2020, cela correspondra à une facture d'un peu plus de 842 milliards d'euros, soit 70 milliards d'euros par an, ou encore 0,5 % du PIB européen. Il s'agit de sommes considérables.

Par ailleurs, le risque est grand que la lutte contre le réchauffement climatique soit menée, dans notre pays, au détriment des financements nécessaires à l'ensemble des dispositifs de protection sociale. Ainsi, monsieur Borloo, le projet de loi Grenelle I, adopté à l'Assemblée nationale, vous le souligniez, à une large majorité – avec rappelons-le, tout de même, un certain nombre d'abstentions – prévoit que la contribution dite « énergie-climat » sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires des entreprises afin de préserver leur compétitivité. Cependant les « charges » patronales en question contribuent à la protection sociale, et si ce dispositif était retenu, cette dernière ferait donc les frais de l'opération.

Plutôt que de poursuivre dans cette voie, ne faudrait-il pas envisager d'autres solutions ? Une taxation sur les transactions financières contribuerait, par exemple, utilement à faire face, aux niveaux européen et international, à une grande partie des besoins d'investissement. Faut-il rappeler que les seuls paradis fiscaux, évoqués du bout des lèvres il y a quelques jours à Washington, abritent, selon les magistrats qui mènent des enquêtes à ce sujet, entre 1 000 et 1 600 milliards d'euros qui échappent à toute fiscalité ? Le moment n'est-il pas venu d'envisager de mettre à contribution ces milliers de milliards d'euros détournés de toute utilisation sociale, qui pourraient être utiles dans la lutte que nous souhaitons tous mener afin de limiter les effets du réchauffement climatique ?

Peut-on défendre l'environnement en transformant les quotas de pollution en un marché favorisant le dumping environnemental et dominé par les plus riches ? Trente ans de dérégulation et de promotion du libre-échange ont organisé la concurrence libre et non faussée entre des pays ayant des niveaux de protection sociale et environnementale radicalement différents. Les grandes firmes ont pu délocaliser leurs activités, au point que 20 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont aujourd'hui le fait de produits fabriqués dans les pays en voie de développement, mais consommés dans les pays riches.

Les patronats des branches concernées ont évidemment alerté sur les risques de délocalisation. Ils ont demandé que des compensations et que des délais supplémentaires leur soient accordés, comme ce fut le cas pour le secteur énergétique qui dispose de quotas gratuits jusqu'en 2013. Certains réclament, à juste titre, l'inscription dans le paquet « énergie-climat » de mesures de protection des entreprises européennes les plus exposées. Les États eux-mêmes mettent en avant leurs contraintes, en particulier ceux dont l'activité industrielle est fortement dépendante du charbon. Ils demandent des délais supplémentaires, des compensations financières et une autre répartition des milliards d'euros que rapporterait, au niveau européen, le système des quotas.

Il faut aussi compter avec les conséquences de la crise et son impact sur l'activité économique. La volonté des États-Unis de défendre son industrie automobile menacée trouve des échos en Europe et, à la fin du mois de septembre, Angela Merkel annonçait qu'elle ne cautionnerait pas « la destruction d'emplois allemands du fait d'une politique inappropriée sur le climat ». En fait, ce qui serait, en réalité, tout à fait « inapproprié », c'est que les dispositions prises au niveau de l'Union européenne en matière d'émissions de gaz à effet de serre ne soient pas appliquées aux importations provenant de pays tiers ne respectant pas des règles identiques. Je pense, évidemment, à l'industrie automobile, mais aussi, au-delà, à toutes nos filières qui seraient compromises par une application trop libérale du dispositif.

Dans ce contexte, il n'est évidemment pas question d'accepter une union sacrée autour de propositions qui se situeraient dans le cadre européen actuel. Je constate, d'une part, que la poursuite dans la voie de la libéralisation à marche forcée ne permet pas de répondre aux urgences écologiques auxquelles nous sommes confrontés et, d'autre part, que le productivisme capitaliste détruit les deux sources de la richesse sociale : le travail, par l'exploitation effrénée ; la nature et les ressources naturelles, par leur pillage et leur gaspillage.

Dès lors, pour nous, le combat est clair : un autre mode de croissance et de développement, tout à la fois durable et soutenable, social et solidaire, n'est possible qu'en s'affranchissant des politiques libérales européennes et internationales actuelles. Or, dans le système qui nous est proposé, même le gaz carbonique est considéré comme une marchandise : cela n'est pas acceptable.

Nous estimons qu'il est possible et nécessaire de construire une autre Europe en intégrant le dépassement de la crise écologique comme l'un des éléments majeurs de la transformation sociale. Il faut tout d'abord tirer un bilan des politiques de dérégulation menées depuis Maastricht. Elles ont libéralisé le secteur énergétique et plongé les secteurs publics dans la privatisation et la concurrence. Ont-elles été efficaces ? Sont-elles acceptées par les peuples ? Si l'on en juge par l'état actuel des différents réseaux européens, et par les votes lors des référendums sur le projet de Constitution européenne – du moins, pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir voter –, la réponse est non.

On ne peut défendre l'environnement sans faire des services publics le bras armé de cette ambition. L'eau, l'énergie, le traitement des déchets, la biodiversité sont des biens communs qui doivent échapper à toute marchandisation, au même titre que l'école, la santé ou la recherche. C'est notamment la raison pour laquelle nous demandons la création, dans notre pays, d'un pôle public de l'énergie.

En outre, la lutte contre le réchauffement climatique nécessite un effort plus important de la part des pays industrialisés. En 2005, l'Union européenne était le troisième émetteur mondial de CO2, derrière la Chine et les États-Unis. Quatre pays – l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et la France – sont responsables de la moitié des émissions européennes. Ces grands pays doivent montrer l'exemple aux pays émergents, mais il faut également mettre en place des financements pour aider ceux-ci à s'équiper de technologies propres, peu productrices de gaz à effet de serre. Le paquet « climat-énergie » pourrait être l'occasion de démontrer que l'Europe n'a pas vocation à être seulement un outil économique, mais qu'elle peut être aussi un outil de solidarité dans les rapports nord-sud.

Un programme de recherche et de production d'énergies renouvelables de grande ampleur doit être mené afin de remplacer progressivement les énergies fossiles. À ce propos, ne convient-il pas de ne pas donner suite aux projets de centrales privées à charbon, qui fleurissent avec la libéralisation du secteur ? Certes, le Grenelle oblige ces centrales à prévoir les locaux permettant de recevoir les dispositifs de captage et de séquestration du CO2 quand ceux-ci seront possibles. Toutefois est-il sérieux de procéder ainsi ? Ne faudrait-il pas plutôt décider qu'aucune nouvelle centrale à charbon ne peut être construite sur notre territoire tant que ces dispositifs ne sont pas immédiatement opérationnels ?

Par ailleurs, il faut promouvoir un nucléaire sécurisé par la recherche, la transparence et la démocratie. Rappelons qu'il s'agit d'une énergie non carbonée qui est indispensable, au même titre que les énergies renouvelables, si nous voulons respecter les objectifs d'émissions de gaz à effet de serre et répondre aux besoins de nos sociétés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Contrairement aux tenants de l'approche libérale, nous pensons que l'heure est à une coordination des politiques énergétiques au niveau européen. C'est pourquoi nous proposons la création d'une agence européenne de l'énergie, dont le triple objectif serait de veiller à la sécurité des approvisionnements, de permettre à l'Europe et aux Européens de disposer de l'énergie nécessaire et de faire respecter les dispositions environnementales au niveau de l'Union.

Parce que nous considérons que l'électricité fait partie des biens communs, nous voulons que la maîtrise publique de ce secteur s'exerce à tous les niveaux : national, avec l'instauration d'un pôle public de l'énergie, et mondial, avec la création d'une agence mondiale de l'énergie veillant à ce que personne sur terre ne manque de ce bien nécessaire à la vie.

Le Grenelle de l'environnement doit réellement être mis en oeuvre et ses insuffisances, en particulier dans le domaine des transports, surmontées.

Naturellement, pour financer toutes ces mesures, il faut de l'argent et des solutions existent. Outre la mise à contribution des transactions financières, que j'ai déjà évoquée, les institutions financières européennes – BCE et BEI – ont un rôle éminent à jouer. L'appropriation sociale des circuits financiers et de l'utilisation du crédit, grâce à la création en France d'un pôle financier public, permettrait d'orienter l'argent et le crédit vers des investissements, des productions et des services utiles, fondés sur de nouveaux critères d'efficacité sociale et environnementale.

Alors que la France a décidé de mettre des sommes colossales à la disposition des institutions financières, sans s'impliquer dans les choix de gestion de ces dernières ; alors que la crise financière a mis en évidence l'existence de moyens financiers considérables – sans doute inconnus de la plupart de nos concitoyens – exclusivement dédiés à la spéculation et que le rôle des organismes financiers européens et mondiaux est sur la sellette, il est urgent de rappeler qu'une autre utilisation de l'argent est nécessaire si l'on veut que la lutte pour l'avenir de la planète échappe aux logiques à court terme du libéralisme. Cette bataille rejoint ainsi celle qui vise la justice sociale ; elle est donc authentiquement progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, l'importance du paquet « énergie-climat » a déjà été largement soulignée. Le groupe UMP, qui partage les objectifs très forts qu'a rappelés M. le ministre d'État, s'est largement impliqué dans leur déclinaison nationale, notamment lors du vote et du suivi du Grenelle de l'environnement, ainsi que l'ont rappelé M. Ollier et M. Jacob, rapporteur du projet de loi.

Convaincus de l'urgence de lutter contre le réchauffement climatique, nous sommes également attachés à la préservation d'un équilibre économique qui se traduirait par l'émergence d'une véritable économie durable. La politique de lutte contre le changement climatique peut et doit être une opportunité économique, mais elle exigera de nos entreprises et de nos concitoyens un effort considérable, même si les coûts supportés sont en réalité des investissements.

La première exigence des entreprises portant sur la visibilité, il faut que les règles, françaises et européennes, soient le plus claires possible, et ce le plus tôt possible. Nous avons besoin d'un accord européen, que ce soit pour protéger l'environnement ou pour favoriser la croissance, mais nous avons davantage encore besoin d'un accord international. En effet, compte tenu de la répartition des émissions de CO2 dans le monde, une politique européenne, pour essentielle qu'elle soit, n'apportera pas une réponse à la hauteur des enjeux si elle est unilatérale.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Elle risquerait même, pour une part, d'être sans effet sur l'environnement et de pénaliser la compétitivité européenne, en favorisant les « fuites de carbone », pour reprendre les termes utilisés par le président Ollier, c'est-à-dire la délocalisation d'unités de production vers des pays où les exigences environnementales seraient moindres.

Les débats communautaires sur le paquet « énergie-climat » nous semblent indissociables des négociations internationales, notamment des conférences de Poznan et de Copenhague, qui seront décisives pour la définition de l'après-protocole de Kyoto. Les deux échéances coïncidant début décembre, il est crucial que l'on aboutisse rapidement à Bruxelles à un accord politique définissant une ambition claire.

Madame la secrétaire d'État, l'approche de ces débats suscite des questions. Les États membres de l'Union se sont-ils mis d'accord sur ce que serait un accord « satisfaisant » au niveau international ? Quelles perspectives d'accord voyez-vous se dessiner sur la question – actuellement la plus cruciale pour les entreprises – du système communautaire d'échange de quotas d'émissions de CO2 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Par ailleurs, la question très complexe de la prise en considération, en termes de quotas de C02,de la séquestration du carbone par les forêts gérées dans le cadre d'un article du protocole de Kyoto vous paraît-elle susceptible d'être mieux prise en compte lors des travaux des conférences de l'ONU ? Je rappelle que la France avait joué un rôle important dans l'inscription de cette question à l'ordre du jour de la conférence de Bali, en décembre dernier.

Dans le nouveau contexte qui se dessine aux États-Unis, le président élu s'étant nettement engagé en faveur de la lutte contre le changement climatique, comment peut-on envisager l'articulation à l'échelle mondiale des différents marchés du carbone ?

L'utilisation du charbon comme source de production d'électricité n'est pas près de diminuer au niveau mondial. La Chine, notamment, ouvre régulièrement des centrales à charbon et, en Europe même, il ne sera pas possible de se passer du charbon avant de longues années. Aussi suis-je convaincu de la nécessité de développer la recherche en matière de capture et de stockage du CO2, qui devra être entourée de toutes les garanties nécessaires en termes de sécurité et d'environnement. Plus généralement, ainsi que nous l'avons rappelé à maintes reprises lors du Grenelle, rien ne sera possible sans une politique de recherche ambitieuse, dont je souhaite qu'elle soit largement partagée au plan européen.

Par ailleurs, nous comptons sur le Gouvernement pour rappeler que, si le nucléaire n'est pas une énergie renouvelable, c'est néanmoins une source considérable d'énergie non carbonée.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Cette idée fait heureusement son chemin en Europe. La Commission européenne a annoncé deux textes sur la sécurité et les déchets nucléaires et vient de compléter le paquet « énergie-climat » par la présentation d'un plan pour la sécurité énergétique. On ne peut que se réjouir de voir reconnu le lien fondamental entre la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre le réchauffement climatique, qui forment, avec la compétitivité économique, les trois piliers d'une politique énergétique européenne.

S'agissant du soutien aux énergies renouvelables, qu'en est-il de la compatibilité du système d'échange de garanties d'origine et des mécanismes de soutien nationaux, qui peut être, si ces derniers sont bien ajustés, un dispositif efficace ? À ce propos, je remercie Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques et de l'environnement, d'avoir plaidé en faveur de l'organisation de ce débat et d'avoir permis que la commission se prononce sur le texte de Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert, dont j'ai le plaisir d'être le rapporteur.

Nous savons que les négociations sur le paquet « énergie-climat » sont difficiles, compte tenu des demandes de chaque pays et de chaque secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Je termine.

Néanmoins nous connaissons votre détermination et nous vous faisons confiance pour parvenir à un accord politique, économiquement et socialement acceptable, comme l'a dit M. le ministre d'État, qui comporte un engagement fort nous permettant d'atteindre l'objectif de 2020 et d'être en position de force dans les négociations mondiales. Ce sera, je l'espère, après Bali, un grand espoir pour Poznan et Copenhague. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie, mais aussi – c'est moins connu – membre du GIEC, déclarait récemment : « La contradiction de la crise financière qui frappe actuellement la planète est liée, c'est vrai, à des dérèglements des marchés financiers à caractère conjoncturel, mais elle vient aussi du fait que nous ne donnons pas de prix à certaines ressources très importantes et finies, à commencer par l'eau et l'air. Si certaines de ces ressources n'ont pas de prix, on finit par croire qu'elles sont gratuites. »

La majorité des économistes et des élus continuent à raisonner comme si la production était une fonction du seul capital humain, ce qui revient à croire que les ressources naturelles procèdent de la génération spontanée. Dans ce contexte, acter que, sans planète ni environnement, il n'y a pas d'activité économique qui tienne ni de société prospère et solidaire est déjà une bonne chose.

De même, nous devons nous féliciter de la confirmation, par le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, de l'objectif des « 3 x 20 », qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport à leur niveau de 1990, à améliorer de 20 % l'efficience énergétique et à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie d'ici à 2020.

Il est indispensable d'intégrer dans nos raisonnements le tableau de la réalité qu'a très bien décrit Jérôme Lambert, car la lutte contre le réchauffement climatique est primordiale. Le professeur Jean-Marc Jancovici a décrit cette nécessité de manière imagée : « Le pic de production du pétrole et le changement climatique ne vont pas se terminer avec un maillot de bain et un petit tour à vélo : sans prendre le taureau par les cornes et sans se mettre dès à présent en mobilisation générale, cette affaire se terminera en subprime puissance mille. »

Face à l'urgence climatique et écologique, nous devons intégrer la contrainte énergétique à venir en l'incluant rapidement et progressivement dans les prix ; sinon, c'est la crise et l'effondrement qui nous imposeront de régler le problème dans la souffrance. Ainsi, il est, je le pense sincèrement, de la responsabilité morale des politiques de mettre en place un prélèvement généralisé et croissant sur les énergies fossiles que sont le fioul, le gaz et les carburants routiers,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

…ainsi que sur les électricités non fossiles, mais à un taux moindre.

Nous devons, au-delà de nos divergences politiques, convaincre les citoyens du monde et leurs dirigeants que la consommation d'énergie ne peut pas continuer d'augmenter comme elle l'a fait pendant un siècle en occident. Pour que ce discours soit positif et mobilisateur, il faut annoncer que les prélèvements réalisés sur les ménages leur seront redistribués, de même que les prélèvements effectués sur les entreprises leur seront redistribués sous la forme d'une baisse des charges. Bref, il s'agit de promouvoir l'équité et la redistribution pour une croissance réorientée, adossée sur des changements de comportement.

Madame la secrétaire d'État, nous avons voté le Grenelle I en précisant que nous serions attentifs, lors de l'examen du Grenelle II, à la force des dispositifs volontaristes qu'il contiendrait. Or il nous faut nous engager collectivement dans la voie ambitieuse de la contribution « énergie-climat » : les atermoiements ne sont plus de mise. C'est pourquoi je plaide, comme je l'ai fait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, en faveur de l'instauration de la taxe carbone. Je suis en effet convaincu que la cohérence impose de sortir du strict affichage, pour passer à la mise en oeuvre concrète des seules mesures qui permettront d'atteindre l'objectif du paquet « énergie-climat ».

Votre déclaration d'aujourd'hui ne prendra force et vigueur que si elle s'accompagne au plan national de la taxe intérieure carbone, la seule vraie contribution climat-énergie, et si vous plaidez au plan européen pour inciter à ce que s'engage la réflexion sur une taxe extérieure carbone, visant à compenser les distorsions entre entreprises européennes et non européennes. Alors seulement les expériences françaises et européennes pourront, dans un contexte d'acceptabilité sociale réelle, comme l'a souligné M. Borloo, prendre valeur d'exemple et exercer un véritable effet levier sur la réflexion collective et internationale afin d'accélérer la prise de conscience du réchauffement climatique. L'urgence est là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, avant toute chose, je salue la présence parmi nous, dans les tribunes, de notre collègue allemand Joachim Pfeiffer, rapporteur sur les questions énergie et climat au Bundestag, avec qui j'ai animé, hier, un colloque franco-germano-américain sur ces questions à l'IFFRI (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mme la secrétaire d'État, se tournent vers la tribune où se trouve M. Pfeiffer et applaudissent.)

Le paquet « énergie-climat » fixe trois objectifs à l'Europe pour 2020 – les « 3 x 20 » que nous avons évoqués à plusieurs reprises ce matin. De ces trois objectifs, l'efficacité énergétique est le seul qui ne fasse pas l'objet de mesures contraignantes, à la différence de ce qui est prévu pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'accroissement de la part des énergies renouvelables.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Je suis bien d'accord avec vous, monsieur Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Ayant été rapporteur de la commission des affaires européennes sur le Livre vert de juin 2005 relatif à l'efficacité énergétique, intitulé Comment consommer mieux avec moins, je veux souligner que je regrette cette insuffisance du paquet. Les économies d'énergies sont pourtant reconnues par tous comme le moyen le plus pertinent pour ne pas émettre du CO2.

Dans ce Livre vert, la Commission européenne estimait que l'Europe pourrait diminuer de 20 % sa consommation d'énergie d'ici à 2020, ce qui permettrait d'économiser chaque année 60 milliards d'euros et de réduire annuellement les émissions de CO2de 780 millions de tonnes. Ces estimations ont été réalisées dans une période où le prix du baril de pétrole était inférieur à 50 dollars – un peu comme aujourd'hui – mais la hausse inévitable à moyen terme des hydrocarbures conduit à majorer ce bénéfice potentiel.

Étudiant la contribution des différentes politiques à la stabilisation des émissions de CO2 en 2030, l'Agence internationale de l'énergie a estimé que l'amélioration de la consommation d'électricité conjuguée à l'amélioration dans la consommation des combustibles fossiles pourrait représenter 65 % des gains possibles ; c'est dire l'apport considérable que représente cette approche. Par ailleurs, la démarche d'efficacité énergétique est jugée très efficace pour accroître la sécurité énergétique et est susceptible de générer de nombreux emplois, d'autant que l'Europe est un leader mondial dans le domaine des services d'efficacité énergétique. Le Livre vert précité estime qu'un million d'emplois pourraient être créés.

Il existe, certes, plusieurs directives communautaires, mais force est de constater qu'elles présentent nombre de lacunes, parce qu'elles manquent d'ambition ou parce qu'elles n'imposent aucune contrainte aux États membres ni aux entreprises. Ainsi, la directive sur la performance énergétique des bâtiments ne concerne que les rénovations thermiques dites d'envergure et ne vise que les surfaces supérieures à 1 000 mètres carrés.

En juillet 2008, lors d'une réunion informelle des ministres de l'énergie à Saint-Cloud, on a pu assister à un débat sur l'opportunité d'une directive générale visant à rendre contraignant l'objectif d'efficacité énergétique ou des mesures sectorielles.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

Les réticences de nombreux États membres ont conduit à écarter l'approche générale et la Commission européenne a finalement présenté, le 12 novembre dernier, un paquet « efficacité énergétique », qui ne constitue que l'assemblage de mesures éparses : une communication globale comprenant un examen des plans nationaux en matière d'efficacité énergétique ; une révision des directives sur la performance énergétique des bâtiments et sur l'étiquetage énergétique ; une proposition sur l'étiquetage des pneus et des lignes directrices sur la production combinée de chaleur et d'électricité. On peut s'interroger sur la portée effective de ce nouveau dispositif pour lequel il conviendra de veiller à une transposition rapide et à une application stricte.

Comme le notait un éditorial du journal Le Monde en date du 15 octobre dernier : « Au fond, il s'agit de renverser les raisonnements en matière de politique énergétique. Celle-ci a jusqu'à présent été inspirée par une logique de production, les grandes compagnies de pétrole, de gaz, de nucléaire et de vent se battant pour obtenir une part sur le marché, ce qui entraîne nécessairement une pression à l'augmentation de la consommation. L'avenir sera au contraire de privilégier les actions sur la demande ».

En France, le Grenelle de l'environnement a commencé à mettre en place un cadre ambitieux. Globalement, par exemple, les consommations d'énergie du bâtiment devraient être réduites de 38 % d'ici à 2020. Je veux néanmoins souligner que les coûts ou les « surinvestissements » liés aux travaux d'efficacité énergétique sont bien évidemment dépendants du niveau des prix de l'énergie, prépondérant pour déterminer les bénéfices pouvant être escomptés d'une démarche visant à réduire la consommation.

Des exemples d'un passé récent illustrent très clairement ce lien. Ainsi, la progression de la consommation énergétique des transports s'est fortement ralentie depuis 1999 en Europe en raison de la forte hausse du prix des carburants ainsi que de l'émergence ou du renforcement de mesures nationales, tel le bonus-malus appliqué au prix de vente des automobiles en France

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

D'une façon plus globale, c'est certainement toute une ingénierie financière qui reste à inventer pour inciter les ménages et les opérateurs économiques à investir dans les économies d'énergie. Le prêt à taux zéro de 30 000 euros prévu pour l'application des mesures relatives aux bâtiments dans le cadre du Grenelle de l'environnement en constitue une première phase.

Un autre volet du paquet « énergie-climat » me semble particulièrement important : celui touchant aux biocarburants. À cet égard, j'ai noté avec intérêt l'expression « économie nette » employée par M. Cochet.

Debut de section - PermalienPhoto de André Schneider

J'ai également été très attentif à ce qu'a dit Christian Jacob à ce sujet.

Je me félicite que les autorités communautaires aient révisé leurs objectifs et ne prévoient plus 10 % de biocarburants en 2020, mais plutôt deux sous-objectifs : au moins 4 % pour les véhicules électriques et les biocarburants de seconde génération, et 6 % pour les biocarburants de première génération.

Cet encadrement quantitatif des biocarburants de première génération est évidemment assorti de critères qualitatifs dits de « durabilité » plus stricts que ceux prévus initialement par la Commission européenne.

Pour conclure, je souligne que j'ai souhaité aborder cette discussion sous deux aspects qui ne seront pas forcément les plus évoqués lors de notre débat. Il s'agit néanmoins de deux questions importantes. C'est dire toute la richesse et toute l'ambition du paquet « énergie-climat ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de David Habib

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je suis heureux que mon groupe m'ait généreusement accordé quelques minutes afin de m'exprimer. Plutôt que de balayer l'ensemble des questions relatives au paquet « énergie-climat », je me contenterai d'évoquer une question essentielle à mes yeux, celle de la séquestration du CO2. L'intérêt que je porte à cette question a plusieurs raisons.

La première est que j'ai la chance et l'honneur d'être élu des Pyrénées-Atlantiques et d'avoir dans ma circonscription les communes de Lacq et de Jurançon, cette dernière étant la tête de pont du projet pilote mis en oeuvre par Total, qui constituera la première expérience de captation de gaz carbonique en Europe. Cela nous a conduits à nous intéresser à un certain nombre de problématiques que je vais évoquer.

Je précise d'emblée que je suis très favorable à ce projet et que je milite dans mon département pour que la dimension qu'il mérite lui soit reconnue et pour qu'il puisse bénéficier du soutien que ce type de recherches nécessite. Dès lors, cette expérience devrait inspirer un certain nombre d'autres territoires susceptibles d'accueillir des projets similaires.

Je milite pour une vision optimiste du développement économique et de la protection de l'environnement, en opposition à une vision plutôt malthusienne qui consisterait à rogner sur des gains de croissance qui nous sont bien utiles. Le projet que j'évoque aujourd'hui n'est d'ailleurs pas le premier à voir s'opposer, sur le même territoire, les partisans de la croissance et les tenants de la protection de l'environnement, puisque certaines dispositions du Grenelle de l'environnement leur en avaient déjà fourni l'occasion.

Le projet que j'évoque s'inspire de cette approche positive, favorise la recherche scientifique dans un domaine où nous avons besoin de progresser, et permet d'affirmer un leadership national de notre tissu industriel, qu'il s'agisse du groupe pétrolier Total mais aussi du BRGM, de l'IFP et d'un certain nombre d'autres partenaires qui seront en mesure d'acquérir, grâce à ce projet, une expérience et une compétence utiles et susceptibles d'être ensuite exportées.

Je précise que tous les élus locaux de la majorité gouvernementale ne sont pas forcément favorables à ce projet, certains faisant preuve d'une pusillanimité dont on peut supposer qu'elle vise avant tout à leur permettre d'assurer leur destin politique local. Nous assumons pour notre part notre position favorable avec la plus grande sincérité. Cela étant, un certain nombre de questions méritent d'être posées.

Premièrement, c'est l'État qui fixe le cap du projet et contrôle son exécution, confiée au tissu industriel. Dès lors se pose la question de l'accompagnement des études et, plus largement, du partage des résultats d'une part avec la communauté scientifique, d'autre part avec les autres industriels. Je souhaite que la France rappelle, dans le cadre de la négociation européenne, qu'il s'agit d'équipements structurants relevant de l'intérêt général et méritant à ce titre d'être suivis par les États membres de l'Union européenne afin que la diffusion des enseignements tirés de ce projet pilote puisse être versée dans le domaine public, au bénéfice de la communauté européenne et de l'ensemble des acteurs de la protection de l'environnement.

Je souhaite connaître votre position sur ce point, madame la secrétaire d'État, et savoir quels efforts le Gouvernement entend mettre en oeuvre en la matière.

Deuxièmement, on constate, pour le moment, une certaine confusion en ce qui concerne la responsabilité à long terme des sites de stockage : celle-ci doit-elle être régie par les dispositions du code minier – auquel cas c'est l'État qui reprendrait la responsabilité du site à la fin de son exploitation, ce qui n'est d'ailleurs pas sans poser certains problèmes – ou par les dispositions du code de l'environnement, auquel cas c'est l'industriel concerné qui serait responsable sur le long terme ? J'aimerais que vous nous précisiez le code qui sera retenu par le Gouvernement et par l'Union européenne. Il m'a été dit que ce serait plutôt le code minier, ce qui entraînerait une responsabilité de l'État au terme de l'exploitation du site. Le cas échéant, j'attire votre attention sur les conséquences que cela pourrait avoir sur le suivi du projet et sur la capacité de l'État à accompagner la fin de vie des sites concernés.

Troisièmement, il semble qu'une clarification de la directive soit nécessaire. Celle-ci prévoit que « les États membres doivent assurer aux utilisateurs potentiels un accès juste et ouvert au réseau de transport de CO2et aux sites de stockage de CO2. » Comme on l'aura compris, le risque est celui de la marchandisation de l'enfouissement. Je ne prête pas de mauvaises intentions au Gouvernement sur ce point, mais je souhaite que vous nous éclairiez en nous faisant connaître votre position en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de David Habib

Enfin, pour ce qui est du financement de la recherche sur les sites de CO2, je voudrais, comme l'a proposé Jean-Yves Le Déaut, que soit effectué un prélèvement sur les quotas et que nous puissions affecter une partie des permis CO2 au financement de ce type de dispositifs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Habib

Aujourd'hui, le projet pilote de Jurançon représente un investissement de 60 millions d'euros, mais il n'est pas certain que l'on puisse s'en tenir à cette somme sur d'autres sites ne bénéficiant pas forcément de la même accessibilité. Je souhaite que l'on puisse trouver les moyens financiers permettant d'accompagner des projets similaires ne se trouvant pas tous placés sous la maîtrise d'oeuvre de groupes pétroliers et susceptibles de nous permettre d'atteindre les objectifs que nous poursuivons, à savoir préparer l'accompagnement de la croissance tout en assurant la protection de notre environnement collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, je veux replacer le paquet « énergie-climat », d'une part, dans son contexte européen, qui est celui de la définition d'une politique européenne de l'énergie, et, d'autre part, dans son contexte international, qui est celui de la lutte contre le changement climatique.

En ce qui concerne l'Union européenne, les objectifs de sa politique de l'énergie ont été définis : ils visent à une énergie sûre, compétitive et durable. Cependant des décisions ont déjà été prises concernant en particulier la libéralisation des marchés de l'énergie. Ces décisions sont-elles cohérentes avec ce qui est proposé aujourd'hui ? Ne faut-il pas les infléchir pour faciliter un accord sur ce paquet « énergie-climat » ?

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je me limiterai à deux suggestions.

La première est de ne pas attendre, comme c'est le cas actuellement dans le domaine financier, une crise grave dans le secteur énergétique pour remettre en cause le dogme du marché non régulé comme meilleur moyen d'allocation des ressources. L'énergie est un bien de première nécessité, pour les entreprises comme pour les ménages. La libéralisation des marchés, qui devait amener à une baisse des prix, a eu l'effet contraire. À cette hausse des prix va s'ajouter celle due à l'inclusion du secteur de la production énergétique dans les échanges de quotas de carbone. Alors, ne favorisons pas la confusion entre cette dernière hausse, pour cause de survie de la planète, avec la précédente, pour cause d'enrichissement des actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Au-delà des discussions françaises sur les tarifs régulés et le TARTAM, il me semble indispensable que l'Union européenne fasse le bilan de la première phase de libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz. La régulation des marchés est différente selon les produits. Je suis, quant à moi, pour le marché des échanges de quotas d'effet de serre. Je suis en revanche plus réservé sur l'électricité et le gaz. Avec les quotas, c'est la première fois qu'on introduit, dans les facteurs de production, l'environnement à côté du capital et du travail. Cela étant, pour l'électricité et le gaz, faisons le bilan s'agissant de leurs conséquences économiques, sociales et environnementales et tirons-en les conséquences en termes de degré de régulation, de subsidiarité, de calendrier de mise en place du marché par rapport à celui de l'interconnexion et d'adéquation de cette réponse au regard des objectifs que l'Union européenne s'est fixés.

Il peut être plus judicieux et plus efficace que le surcroît de subsidiarité que certains États réclament dans la négociation sur le paquet « énergie-climat » soit accordé plutôt dans le domaine de la régulation interne des marchés du gaz et de l'électricité.

Ma deuxième suggestion concerne l'efficacité énergétique. C'est l'un des trois objectifs réaffirmés – les 3 x 20 – mais, à la différence des deux autres, celui-ci n'est pas contraignant, et a pratiquement disparu des négociations actuelles ou est devenu très secondaire. C'est une erreur fondamentale, car la réalisation de cet objectif d'augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique non seulement facilite mais conditionne la réalisation des deux autres objectifs relatifs à la part des énergies renouvelables et à la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

L'efficacité énergétique exprime le rapport entre l'évolution du PIB et la dépense énergétique d'un pays. Or on sait que la crainte de certains pays, notamment ceux de l'Est qui ont besoin d'un rattrapage économique donc d'une croissance importante de leur PIB, de voir cette croissance du PIB freinée par les mesures du paquet « énergie-climat » est au coeur des discussions. Rendre contraignant l'objectif d'efficacité énergétique, c'est mobiliser non seulement le secteur économique, mais aussi toute la société pour favoriser les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables. C'est l'une des clés de la réussite du paquet « énergie-climat ».

Si nous n'élargissons pas le cadre des négociations actuelles, nous risquons d'avoir un accord qui videra de sa substance le paquet. Il nous semble donc préférable d'assouplir la situation en replaçant cet accord dans le cadre de la politique énergétique globale de l'Union européenne, c'est-à-dire en s'interrogeant sur le degré de concurrence dans ces secteurs essentiels et en insistant sur le préalable indispensable de l'efficacité énergétique.

Je tiens également à souligner l'importance de cette négociation interne à l'Europe dans le nouveau contexte géopolitique.

La crise financière a remis en cause beaucoup de certitudes à partir desquelles étaient organisés les échanges mondiaux. Dans le même temps, l'élection d'un nouveau président aux États-Unis rend possible l'ouverture de discussions sur de nouvelles régulations. Avec le paquet « énergie-climat », l'Union européenne délivre plusieurs messages au reste du monde.

D'abord, elle réaffirme sa volonté d'être l'un des leaders de la lutte contre le changement climatique pour tenter de limiter le réchauffement planétaire à 2 ° en 2100. Néanmoins, pour être crédible, elle doit aboutir à un accord interne solide sur le paquet « énergie-climat ». À la veille de la conférence internationale de Poznan, et pour préparer Copenhague, elle invite les autres pays à la rejoindre dans le marché des échanges de carbone.

Pour cela, sa position doit être claire : elle doit réaffirmer que, à terme, l'attribution des quotas sera entièrement aux enchères. En phase de transition, pour éviter les fuites de carbone, dont on ne peut préjuger car elles seront fonction du résultat des négociations de Copenhague, elle ne doit pas prendre dès maintenant des mesures de compensation qui seraient l'aveu implicite qu'elle ne croit pas à des résultats positifs à Copenhague.

Enfin, l'Union européenne doit clarifier son message à l'intention des pays en voie de développement en précisant sa position sur l'utilisation des sommes résultant de la vente aux enchères des quotas : une partie doit être destinée aux pays en voie de développement pour les accompagner dans leurs efforts de développement durable en favorisant les transferts de technologie nécessaires. La lutte contre le changement climatique doit être planétaire.

Ainsi, la négociation sur le paquet « énergie-climat » ne peut être séparée ni du contexte de l'ensemble de la politique énergétique de l'Union européenne ni de la lutte planétaire contre le réchauffement climatique.

C'est pourquoi la France a le devoir et la responsabilité d'amener l'Union européenne à un résultat crédible, c'est-à-dire ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Madame la présidente, monsieur le président Patrick Ollier, monsieur le président Pierre Lequiller, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d'abord d'excuser Jean-Louis Borloo qui a dû nous quitter avant la fin de ce débat pour aller négocier le report de la séance plénière du Parlement européen au-delà du Conseil européen afin que nous puissions avancer plus sereinement sur la question qui nous occupe aujourd'hui.

Un mot en premier lieu afin de vous remercier pour la qualité de ces échanges qui nous ont permis de faire un tour d'horizon à la fois complet et fouillé des enjeux liés au paquet « énergie-climat ». Comme l'a indiqué Jean-Pierre Jouyet, nous vivons un moment historique pour l'Europe, pour son influence et pour sa crédibilité future.

Le premier enseignement que nous pouvons tirer de ce débat, c'est que nous sommes d'accord sur la nécessité d'obtenir un accord à la fin de l'année. Cela ne signifie pas pour autant que le calendrier sera la seule aune de notre succès.

Nous sommes tous d'accord également, à l'image de vos collègues Jean-Yves Le Déaut et Yves Cochet, sur la nécessité de trouver un accord le plus ambitieux possible, à la hauteur de notre ambition collective.

Je vais m'efforcer de répondre point par point aux interventions de la matinée même si, évidemment, il est difficile d'être totalement exhaustif.

Je veux d'abord dire quelques mots sur la lutte contre les fuites de carbone et sur la nécessité de préserver la compétitivité européenne, sujet qui a été évoqué par beaucoup d'entre vous ; je pense à Jean Dionis du Séjour, au président Lequiller et à M. Jacob. L'Union européenne se doit d'obtenir un accord en interne afin de faire la preuve par l'exemple qu'une répartition de l'effort au niveau mondial est possible. À l'inverse, un accord international reste la meilleure solution pour lutter contre les risques de délocalisation d'industries européennes vers des zones avec des contraintes environnementales moins fortes. L'Union européenne doit donc aller de l'avant et montrer l'exemple.

C'est tout le sens des propositions actuelles de la présidence concernant les mesures de lutte contre les fuites de carbone et notre volonté d'apporter le maximum de visibilité à notre industrie.

La première étape consiste à définir de façon précise les secteurs exposés au risque de fuites de carbone. Nous voulons dès à présent, dans la directive, des critères quantitatifs clairs et objectifs pour élaborer la liste des secteurs au cours de l'année 2009.

La deuxième portera sur les mesures à mettre en oeuvre pour protéger ces secteurs. En réalité, nous avons le choix entre deux mécanismes : soit on alloue à ces secteurs des quotas gratuits, soit on décide d'imposer aux importateurs de produits similaires le paiement des droits d'émission correspondant ; c'est ce que l'on appelle « le mécanisme d'inclusion carbone ». Aujourd'hui, ces deux mécanismes restent d'actualité. Il n'est d'ailleurs pas exclu qu'on aille vers une combinaison des deux dans la mesure où le premier correspond à une solution de court et moyen termes, tandis que le second relèverait plutôt d'une solution de moyen et long termes.

Deuxième sujet de préoccupation relevé par Jean Dionis du Séjour et Pierre Lequiller : le prix de l'électricité.

Le projet de directive prévoit que les producteurs d'électricité achèteront 100 % de leurs droits d'émission de C02 aux enchères. Certains États, comme la Pologne, redoutent deux types d'effets pervers : d'une part, une hausse du prix de l'électricité en raison du surcoût lié à l'achat de quotas d'émissions ;...

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

..d'autre part, un retard en matière d'investissement dans la mesure où l'argent utilisé pour acheter des quotas d'émissions ne sera pas investi dans la modernisation de leurs capacités de production.

Pour ces deux raisons, ces États demandent une mise en oeuvre progressive, voire très progressive, du taux d'enchères. Afin de trouver une solution acceptable par tous, nous avons proposé à ces pays un dispositif dérogatoire limité dans le temps qui prévoit un taux d'enchères de 50 % dès 2013 pour atteindre 100 % le plus rapidement possible, selon un calendrier à déterminer ensemble. Nous sommes en train de discuter des modalités concrètes d'application de ce dispositif, mais les choses avancent dans le bon sens, sur la base de cette proposition.

Bernard Deflesselles, Jean-Yves Le Déaut et Christian Jacob ont également souligné la nécessité de prendre en compte, dans la discussion du paquet, la dimension internationale, notamment sur la question de l'affectation du revenu des enchères. Le sujet est extrêmement sensible, ne serait-ce que parce qu'il s'agit de sommes considérables. La Commission européenne a estimé que le produit total des enchères sur l'ensemble de la période s'élèverait à environ 400 milliards d'euros.

L'usage de ces ressources constitue un enjeu fondamental pour le Parlement européen qui souhaite une pré-affectation totale de ces sommes au financement d'actions de lutte contre le changement climatique, la moitié en Europe et l'autre moitié dans les pays tiers. Ce projet ne fait pas l'unanimité. En effet, ce transfert financier massif de l'Europe vers les pays en développement est considéré par certains comme un des fondements de notre crédibilité à venir au sein des négociations climatiques. Cependant, quasiment tous les États membres y sont opposés.

Afin de trouver un compromis avec le Parlement, nous avons proposé le système suivant : une pré-affectation de 50 % des revenus des enchères à des actions de lutte contre le changement climatique et la possibilité de prévoir une déclaration volontaire aux termes de laquelle les États s'engageraient individuellement à aller plus loin. La discussion est en cours.

M. Deflesselles a également évoqué les règles du recours aux crédits de projets. Ce sujet est effectivement essentiel dans le cadre de la négociation internationale. La proposition de la Commission autorise déjà un recours proche de 50 % des réductions d'émissions demandées. Je crois qu'il est difficile d'aller plus loin en l'absence d'accord.

En revanche, cher Serge Poignant, nous voulons aller plus loin que la Commission sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur, à savoir celui de la prise en compte du secteur forestier dans le cadre des négociations internationales et dans le paquet « énergie-climat ». Vous le savez comme moi, la France a pesé de tout son poids à Bali pour obtenir des avancées sur ce sujet. Je note d'ailleurs que plusieurs pays nous ont rejoints et les choses avancent dans la bonne direction.

J'en arrive au dernier point concernant les négociations internationales.

Que les choses soient bien claires : l'engagement de l'Union européenne est bien d'aller jusqu'à moins 30 % de réduction à horizon 2020 dans le cadre d'un accord international. Nous souhaitons que le passage à cet objectif plus ambitieux s'effectue dans le cadre d'une procédure de codécision. En effet, une décision d'une telle ampleur nécessite forcément un engagement politique fort de la part des 27.

Certains, comme André Schneider et comme Jean Dionis du Séjour, ont regretté le fait que le paquet « énergie climat » ne prévoie pas d'objectif contraignant en matière d'efficacité énergétique. Pour tout dire, nous avons eu l'occasion de le regretter aussi au nom de la France. Je rappelle simplement que les objectifs du paquet « énergie- climat » ne pourront être atteints que par une réduction massive de nos consommations énergétiques, même si cela ne fait pas explicitement l'objet d'une directive.

Je relève d'ailleurs que tous les États ont engagé, comme en France avec le Grenelle de l'environnement, des politiques ayant pour but d'améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments ou des produits de grande consommation. Cette politique gagnera probablement à être formalisée au niveau européen par la suite.

Autre levier très important pour atteindre les objectifs européens et internationaux : la capture et le stockage de C02; Jean-Yves Le Déaut et David Habib y ont fait allusion.

Nous avons besoin de financer des projets permettant de développer cette technologie fondamentale. Il s'agit d'un autre point de divergence entre le Conseil et le Parlement européen. Quel est le problème ?

Les États sont favorables au développement de cette technologie mais ne souhaitent pas utiliser le produit des enchères ; le Parlement, lui, souhaite que la création de démonstrateurs soit financée par ce produit. À l'heure actuelle, un compromis semble se dessiner avec le Parlement européen autour d'un financement sur le produit des enchères de l'ordre de 6 milliards d'euros, ce qui permettrait de lancer les premiers démonstrateurs dès 2009. Sans aller aussi loin que ce que proposait le Parlement, nous irions donc malgré tout dans la direction qu'il préconise.

J'ai noté les questions très précises de David Habib sur les différences entre le code minier et le code environnemental. Mon propos n'est pas ici de rentrer dans ces détails, mais j'ai pris bonne note des questions et ne manquerai pas d'y donner suite.

Sur la question des biocarburants, je vais essayer de réconcilier Jean Dionis du Séjour et Yves Cochet. L'objectif est simple : comme l'a souligné Christian Jacob, il s'agit de nous assurer que l'utilisation des biocarburants répond à des critères de durabilité extrêmement stricts comme, par exemple, l'existence d'un gain net en matière d'émissions de gaz à effet de serre ou le respect de normes internationales sur le travail. Nous travaillons avec le Parlement européen et la Commission sur la mise en place de telles normes. Nous travaillons également sur le développement des biocarburants de deuxième génération, moins frontalement concurrents des cultures alimentaires et plus intéressants du point de vue environnemental et social.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Cette taxe a fait l'objet d'une consultation et sera au coeur d'une conférence d'experts organisée dans la deuxième quinzaine du mois de janvier 2009 pour l'obtention d'un consensus, qui s'inscrit dans l'esprit du Grenelle de l'environnement. L'idée est donc bien d'avancer sur ce sujet, sachant que, comte tenu de l'importance des enjeux, en matière de redistribution notamment, cela ne peut se faire que dans le cadre d'un projet collectif.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous aurons besoin de tout votre soutien. Réussir le paquet « énergie climat », c'est déjà réussir le post-Kyoto, ce qui ce fera, j'en suis sûre, avec vous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 :

Suite de l'examen des articles non rattachés.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma