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Intervention de Bernard Deflesselles

Réunion du 18 novembre 2008 à 9h30
Paquet énergie-climat — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Deflesselles :

Messieurs les ministres, je ne saurais me montrer moins laudateur que notre ami Jean Dionis du Séjour qui a salué, à juste titre, l'action du Gouvernement et la vôtre en particulier. Merci, donc, de votre implication aux niveaux national, européen et international. La négociation de l'après-Kyoto ne sera pas – si vous me permettez l'expression – une partie de plaisir, alors que l'enjeu est essentiel pour notre environnement et notre planète.

Chers collègues, le « paquet énergie-climat » est d'abord la déclinaison et la mise en oeuvre de la règle des « trois fois vingt », arrêtée par les chefs d'État et de gouvernement en 2007 : faire baisser de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d'énergie, porter à 20 % la part des énergies renouvelables, le tout d'ici à 2020.

Avant que la guerre en Géorgie et la crise financière ne s'imposent au premier plan de l'actualité, le « paquet énergie-climat » était la première priorité de la présidence française de l'Union européenne. Mais il est surtout un instrument dotant l'Europe d'objectifs ambitieux pour lutter contre le réchauffement climatique, la confortant ainsi dans son rôle de leader lors des négociations internationales en cours sur la définition d'un régime post-Kyoto à partir de 2013.

Depuis le printemps dernier, Jérôme Lambert et moi-même travaillons sur ce dossier en tant que rapporteurs de la commission chargée des affaires européennes. Plusieurs dizaines d'auditions nous ont permis d'écouter les acteurs économiques, les scientifiques, les institutionnels, les associations environnementales – et vous-même, monsieur le ministre d'État. Nous avons aussi effectué des missions aux États-Unis et au Japon afin d'évaluer la perception de la politique climatique européenne par nos partenaires et apprécier les chances d'aboutir à un accord lors de la conférence de Copenhague, en décembre 2009.

Devant vous ce matin, je souhaiterais développer ce volet externe du « paquet énergie-climat ». Au préalable, je formulerai deux observations rapides sur l'avancement des négociations communautaires, mais j'aurai l'occasion d'y revenir cet après-midi même avec Jérôme Lambert lors de la présentation de notre rapport et de notre proposition de résolution devant la commission chargée des affaires européennes.

Premièrement, ces négociations ont progressé, et l'on peut raisonnablement espérer un compromis sur trois au moins des quatre propositions de directives. Deuxièmement, la seule question qui reste vraiment conflictuelle est la réforme du marché des quotas d'émission. Ce marché, qui a suscité un grand scepticisme à ses débuts en 2005, constitue aujourd'hui une grande réussite européenne : il existe désormais un marché européen unique du carbone, ce qui est loin d'être le cas dans le domaine de l'énergie.

La réforme de l'ETS achoppe sur les conséquences supposées de la mise aux enchères de l'intégralité des quotas. La Pologne redoute une forte hausse des prix de l'électricité. L'Allemagne et l'Italie craignent pour la compétitivité de leurs industries énergétivores. Quant à nous – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre d'État –, nous pensons que les États membres sauront trouver les flexibilités nécessaires pour atténuer les inquiétudes et donner aux opérateurs économiques la prévisibilité dont ils ont besoin.

Toutefois, ces discussions européennes ne doivent pas conduire à franchir les deux « lignes rouges » : les objectifs poursuivis – la règle des « trois fois vingt » – et le calendrier – l'échéance 2020. Le « paquet énergie-climat », priorité de la présidence française, doit être celle de l'Union européenne toute entière. L'annonce d'un accord politique au Conseil européen – qui se tiendra pendant la conférence de Poznan destinée à faire progresser la négociation internationale – conforterait le rôle pionnier de l'Europe, reconnu par tous nos partenaires et indispensable si nous voulons obtenir de ces derniers des engagements significatifs sur le régime post-Kyoto.

À ce jour, il reste un an pour aboutir à un accord international, et les rencontres que nous avons faites aux États-Unis et au Japon nous incitent à penser que le résultat n'est pas acquis d'avance. Aux États-Unis – premier émetteur mondial de CO2 durant des décennies avant d'être dépassé par la Chine en 2007, et seul pays industrialisé à n'avoir pas ratifié le protocole de Kyoto –, nos entretiens avec les compagnies pétrolières à Houston et avec l'administration fédérale à Washington ont été éclairants.

Tous nous interlocuteurs nous ont expliqué que leur pays demeurerait durablement une économie « carbonée », compte tenu des réserves de charbon – estimées à quelque trois siècles de consommation ce combustible qui représente 50 % de la production d'électricité – et d'hydrocarbures, considérées comme essentielles pour la sécurité énergétique, voire la sécurité tout court, des États-Unis. Comme l'affirme le Conseil national du pétrole, il s'agit d'une « dure réalité ».

Cette contrainte structurelle, qui explique les réticences américaines devant tout engagement à l'échéance 2020-2025, est aggravée par un facteur conjoncturel. Les conseillers « climat » de celui qui n'était alors que le candidat Barack Obama nous ont expliqué que la nouvelle administration ne serait pas en place avant le printemps 2009, ce qui lui laissera peu de temps pour s'impliquer dans les négociations climatiques internationales. Encore faudra-t-il que ce sujet figure parmi les priorités du nouveau président, dont l'attention sera également requise par d'autres problèmes.

En tout état de cause, le président Obama ne sera pas le seul acteur sur lequel reposera l'éventuelle réintégration des États-Unis dans les négociations : les accords internationaux ont souvent du mal à franchir l'étape de la ratification par le Sénat. Or, nous avons pu constater que tous les parlementaires américains ne perçoivent pas clairement la gravité de la question climatique. Un représentant du Texas nous a ainsi affirmé que le CO2 n'expliquait en rien la hausse de la température moyenne du globe, et nous a invités, non sans humour, à nous réfugier dans son ranch au cas où Paris viendrait à être noyée sous les eaux… Ces déclarations ne traduisent certainement pas la position majoritaire des élus au Congrès, globalement d'accord pour admettre que les émissions de gaz à effet de serre devront être diminuées, mais…

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