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Séance en hémicycle du 22 novembre 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • familiale
  • mediator

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, de financement de la sécurité sociale pour 2012. (nos 3933, 3966).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant, dans la quatrième partie du projet de loi, à l'article 37, précédemment réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous reprenons l'examen des dispositions relatives aux dépenses de l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 91 de la commission, tendant à rétablir l'article 37, supprimé par le Sénat.

La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour le secteur médico-social.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Cet amendement vise à rétablir l'article 37, qui permet de mener des expérimentations tout à fait intéressantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Claude Greff, secrétaire d'État chargée de la famille.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

L'article 37, que cet amendement vise à rétablir, autorise des dérogations aux règles de calcul du forfait global relatif aux soins, en modulant ce dernier en fonction d'indicateurs de qualité et d'efficience.

Comme nous l'avons dit en première lecture, nous n'y sommes pas favorables, car une telle expérimentation risque à terme d'accentuer les disparités entre les établissements, qui seront contraints d'entrer en compétition les uns avec les autres pour obtenir des moyens.

Le risque est grand que s'installe, en amont comme en aval de l'application de cette mesure, une prise en charge à plusieurs vitesses des personnes âgées dépendantes.

Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes accueillent des résidents dont la perte d'autonomie peut être variable. Nous sommes soucieux d'éviter que les établissements ne choisissent les résidents en fonction de la gravité de leur état de santé ou de leur niveau de dépendance.

Or c'est précisément ce qui risque de se passer avec l'article que vous souhaitez rétablir. En effet, en modulant le mode de financement selon des critères de performance, le Gouvernement prend le risque que les établissements choisissent de refuser celles et ceux de nos concitoyens dont l'état de santé nécessite le plus de soins ou des soins exigeant une mobilisation importante du personnel.

De toute évidence, un EHPAD accueillant des résidents qui tous ou presque sont peu dépendants satisfera plus facilement aux critères dits d'efficience que vous envisagez de définir, pendant que d'autres établissements accueillant des personnes exigeant un accompagnement plus lourd ne pourront y satisfaire.

Pour éviter que n'apparaissent ces inégalités, nous plaidons donc pour le maintien de la suppression de cet article et vous demandons de retirer cet amendement.

(L'amendement n° 91 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur l'article 37 bis A, je suis saisi d'un amendement n° 194 rectifié .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Cet article 37 bis A, adopté par le Sénat contre l'avis du Gouvernement, pose certaines difficultés.

La disposition adoptée par le Sénat laisse la faculté à un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de refuser le renouvellement d'une convention tripartite, notamment lorsqu'il devait être soumis au processus de convergence tarifaire. Un amendement similaire avait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 par la commission des finances de l'Assemblée nationale.

Deuxième difficulté : la signature systématique pour toutes les conventions arrivant à échéance d'un avenant de prorogation représenterait une charge importante pour les agences régionales de santé, alors même que celles-ci seront mobilisées par l'achèvement du processus de médicalisation des EHPAD et autres mises en oeuvre des grands plans gouvernementaux.

Néanmoins, l'incertitude juridique succédant à l'arrivée à échéance de conventions tripartites doit être levée. Le Gouvernement propose ainsi dans son amendement de réputer prorogée, pendant une durée maximale d'un an, une convention tripartite arrivée à échéance.

De cette manière nous répondons à une inquiétude légitime. Je vous demande donc d'adopter l'amendement du Gouvernement, qui propose une rédaction plus adaptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable car il apporte aux établissements une sécurité juridique qu'ils réclament.

(L'amendement n° 194 rectifié est adopté.)

(L'article 37 bis A, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi par la commission d'un amendement n° 92 , tendant à supprimer l'article 37 bis B.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

J'ai déposé un amendement complétant le texte du Sénat qui crée des coefficients correcteurs s'appliquant aux tarifs plafonds, permettant de prendre en compte des obligations légales et réglementaires différentes, des écarts de charges sociales, salariales et de fiscalité, concernant par exemple la taxe sur les salaires, la TVA et l'assurance chômage. Il me paraîtrait important d'en tenir compte dans la détermination des prix de journée.

(L'amendement n° 92 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En conséquence, l'article 37 bis B est supprimé et l'amendement n° 134 rectifié tombe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi par la commission d'un amendement n° 93 , tenant à supprimer l'article 37 bis C.

(L'amendement n° 93 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi par la commission d'un amendement n° 94 , tendant à supprimer l'article 37 bis D.

(L'amendement n° 94 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Sur l'article 37 bis E, je suis saisi d'un amendement n° 195 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Madame la rapporteure, vous avez réalisé un travail collectif considérable qui nous a de temps en temps alertés, mais qui nous amène à vous proposer une modification rédactionnelle. Si vous en étiez d'accord, vous pourriez alors retirer votre amendement n° 95 .

L'article 37 bis E, introduit par le Sénat, précise les conditions d'intervention des professionnels libéraux dans tous les établissements et services médico-sociaux afin d'éviter toute requalification en salariat. Tout en étant favorable à cet objectif, le Gouvernement veut aller plus loin dans la rédaction : d'où l'intérêt de notre étroite collaboration, madame la rapporteure.

Le texte adopté par le Sénat étend l'obligation de signer des contrats types d'intervention à tous les professionnels de santé libéraux dans tous les établissements et services médico-sociaux. Or actuellement, seuls les libéraux intervenant dans les EHPAD signent des contrats types, alors que ceux qui travaillent dans les services de soins infirmiers à domicile signent des conventions.

Le champ de mon amendement pourra, je l'espère, vous convenir. Il étend aux SSIAD les dispositions relatives aux EHPAD adoptées dans le cadre de la proposition de loi Fourcade. Sa portée et sa rédaction répondent donc aux inquiétudes soulevées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

Convaincue par les arguments du Gouvernement, je donne un avis favorable à l'amendement n° 195 et je retire l'amendement n° 95 .

(L'amendement n°95 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Cet amendement est intéressant et important car les professionnels libéraux ne doivent pas voir leur contrat de travail requalifié.

Cependant, je voudrais que Mme la secrétaire d'État et Mme la rapporteure nous apportent une précision en ce qui concerne l'hospitalisation à domicile. De nombreux services d'hospitalisation à domicile fonctionnent avec des professionnels libéraux auxquels se pose le même problème. Cet amendement intègre-t-il l'hospitalisation à domicile ?

Si elle n'est pas intégrée, il reste un problème. Je connais notamment deux cas de professionnels de santé libéraux intervenant dans ce cadre qui ont rencontré de telles difficultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Claude Greff, secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Je vous remercie de votre intervention, monsieur Préel, et je propose que nous examinions plus attentivement la question pour vous répondre.

L'amendement n° 195 apporte une précision pour les deux secteurs dont nous avons parlé. Nous étudierons ensemble quels aménagements apporter encore pour tenir compte de votre suggestion.

(L'amendement n° 195 est adopté.)

(L'article 37 bis E, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 96 de la commission, tendant à supprimer l'article 37 quater, introduit par le Sénat.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Les dispositions qui font l'objet de cet article avaient été adoptées l'an dernier au Sénat, elles l'ont été à nouveau cette année.

Les supprimer reviendrait à affirmer que les directeurs d'établissements publics ne sont pas assez compétents pour gérer leur trésorerie ; cela me paraît difficilement acceptable. Les établissements en question sont soumis au principe de la séparation de l'ordonnateur et du comptable, et c'est le personnel des services de la comptabilité publique qui procède aux placements financiers en bons du Trésor. Il continuera de le faire demain.

Cependant, une part de ces produits financiers issus du placement des cautions versées par les résidents et du paiement des tarifs de l'établissement à l'échéance du terme permettra de financer des investissements améliorant la qualité de vie. Une étude publiée en 2006 dans La Revue du Trésor a évalué ces recettes à 70 millions d'euros dans les EHPAD. Il convient donc d'encourager l'auto-investissement des établissements afin d'éviter le recours aux emprunts et de réduire le reste à charge des résidents.

(L'amendement n° 96 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 97 de la commission, tendant à supprimer l'article 38 bis, supprimé par le Sénat.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Cet article a été adopté à une très large majorité au Sénat.

Retenir le principe d'évaluations communes des établissements gérés par un même gestionnaire est une mesure de bon sens qui permettra de faire des économies d'échelle à un moment où les fonds publics se font rares.

Les arguments avancés dans l'exposé des motifs de l'amendement n° 97 ne sont pas fondés. En effet, la proposition de négocier un prix global entre le gestionnaire et l'évaluateur paraît irréaliste. Comment négocier le prix global d'une évaluation, en 2012, d'un institut médico-éducatif et de celle, en 2013, de son comité d'étude et de soins aux polyhandicapés ? Par ailleurs, comment un évaluateur pourra-t-il souligner, en 2013, le manque de coordination entre institutions s'il ne l'a pas noté en 2012 ?

(L'amendement n° 97 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n°169 du Gouvernement, tendant à supprimer l'article 38 ter, introduit par le Sénat.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

J'étais moi-même au Sénat lorsque la majorité sénatoriale a adopté cet article qui fait peser sur les différents financeurs des EHPAD les charges liées à l'évaluation de leurs activités et de la qualité de leur prise en charge.

Cet article crée une charge nouvelle dans le cadre des dépenses d'assurance maladie médico-sociales. À ce titre, l'amendement dont il est issu aurait pu être déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

Le montant de ce transfert de charges est tout de même estimé à 70 millions d'euros tous les sept ans. Cela diminuerait mécaniquement le montant des crédits alloués à la médicalisation des EHPAD et aux créations de places. L'article introduit par le Sénat prend donc le contre-pied de la politique menée, avec le soutien de la majorité parlementaire, par le Gouvernement et le Président de la République, qui ont fait une priorité de l'achèvement de la médicalisation des EHPAD.

En outre, il fait peser une charge nouvelle sur les conseils généraux. Or certains ont précisément rencontré des difficultés financières qui ont nécessité le versement d'une aide de l'État.

L'article introduit par le Sénat n'est donc pas très opportun, et nous en demandons la suppression.

Par ailleurs, si les cofinanceurs, par exemple les conseils généraux, souhaitent participer au financement de ces évaluations, il convient de leur en laisser la possibilité, dans le cadre d'un dialogue de gestion, au niveau local, plutôt que d'imposer, au niveau national, un transfert de charges, la vocation de l'assurance maladie étant de financer des soins.

Je souhaite vivement que l'Assemblée nationale adopte cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

La commission n'a pas examiné cet amendement.

À titre personnel, j'ai été sensible à cet article. Les évaluations portent sur l'ensemble de l'activité des établissements. Il est donc normal, a priori, que chaque financeur puisse participer au financement de l'évaluation : l'assurance maladie, pour ce qui concerne les soins ; le conseil général, pour ce qui concerne la dépendance ; les résidents, pour ce qui concerne l'hébergement. Je suis donc plutôt défavorable à l'amendement.

(L'amendement n° 169 n'est pas adopté.)

(L'article 38 ter est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 98 de la commission, tendant à supprimer l'article 38 quater, introduit par le Sénat.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Nous souhaitons le maintien de cet article, comme des autres articles introduits par le Sénat. La Haute assemblée a effectivement estimé que la procédure d'appel à projets est inadaptée aux lieux de vie et d'accueil que sont les microstructures, et nous partageons son point de vue. Cette observation vaut également pour les structures expérimentales ; d'ailleurs, Mme la secrétaire d'État n'a pas pris l'arrêté fixant leur cahier des charges.

Notons en outre que l'article adopté par le Sénat ne vise pas les groupements d'entraide mutuelle.

(L'amendement n° 98 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 99 de la commission, tendant à supprimer l'article 38 quinquies, introduit par le Sénat.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Nous souhaitons le maintien de cet article. Il vise à faciliter les restructurations et à dégager des économies. Tout le monde, y compris le Gouvernement, s'accorde à reconnaître que les seuils d'extension sont à revoir. Ils empêchent aujourd'hui le déploiement des différents volets du plan Alzheimer et poussent à lancer des appels à projets factices, ce qui est juridiquement périlleux.

(L'amendement n° 99 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En conséquence, l'article 38 quinquies est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 100 de la commission, tendant à supprimer l'article 38 sexies, introduit par le Sénat.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Il convient de préciser, pour répondre à l'exposé des motifs de l'amendement de suppression, que cet article n'a pas pour objet d'intégrer le financement des unités de soins de longue durée à l'ONDAM médico-social : il vise, ce qui est différent, à faire gérer cette enveloppe par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, comme la loi de 2004 le prévoyait.

Aujourd'hui, ces USLD, comme les maisons de retraite, sont des EHPAD. Une gestion unique par la CNSA doit permettre des mutualisations.

(L'amendement n° 100 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous abordons les dispositions relatives aux dépenses de la branche famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 119 , tendant à supprimer l'article 58 bis A.

La parole est à Mme Martine Pinville, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour la famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Je souhaitais laisser à M. Lefrand le soin de présenter cet amendement. Las, il n'est pas encore parmi nous !

L'article n° 58 bis A impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l'impact de l'ouverture des droits aux allocations familiales dès le premier enfant.

La commission des affaires sociales a adopté l'amendement de suppression proposé par M. Lefrand mais, à titre personnel, j'y suis défavorable.

(L'amendement n° 119 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 120 de la commission, tendant à supprimer l'article 58 bis B.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Il s'agit également d'un amendement de suppression proposé par M. Lefrand, que la commission a adopté. À titre personnel, j'y suis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Il s'agit, avec l'article 58 bis B, de prendre une mesure dont on parle depuis quelque temps. Nous souhaitons faire en sorte que les parents qui, en temps normal, ne perçoivent pas l'allocation de base de la PAJE car leurs revenus sont trop élevés, ne puissent pas en bénéficier lorsqu'ils deviennent bénéficiaires du complément du libre choix d'activité. L'article introduit par le Sénat vise à mettre fin à cette situation aberrante et injuste de cumul du complément du libre choix d'activité et de l'allocation de base, et à réduire l'effet d'aubaine pour les familles dont l'un des parents aurait arrêté de travailler.

Dans le cadre de la RGPP, on avait évalué à 130 millions d'euros le montant des économies qui en résulteraient. Ces fonds pourraient être redistribués à des familles plus en difficulté.

(L'amendement n° 120 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement n° 4 du Gouvernement, tendant à rétablir l'article 58 bis, supprimé par le Sénat.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

L'article 58 bis était issu d'un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Cet article a été supprimé par le Sénat.

Aujourd'hui, par l'amendement n° 4 , je vous propose de rétablir le texte de l'Assemblée nationale et de le compléter en ajoutant la moindre indexation pour 2012 de la revalorisation des prestations familiales et des plafonds de ressources en métropole, dans les DOM et à Mayotte.

La dégradation du contexte économique impose l'adoption de mesures d'économies en matière de prestations familiales.

Les économies engendrées par le report au 1er avril de la revalorisation du montant des prestations familiales permettent la suppression de l'article 13 qui prévoyait l'assujettissement du CLCA et du COLCA à la CSG. En effet, elles sont d'un montant équivalent aux économies dégagées par l'assujettissement du CLCA et du COLCA à la CSG.

Tel est l'objet de cet amendement qui fait suite à une initiative parlementaire et au plan du 7 novembre dernier. Je vous demande de l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir le sous-amendement n° 145 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Dans le contexte de la crise, il est important, notamment pour les députés du Nouveau Centre, de ne pas faire peser sur les ménages le poids des mesures de rigueur budgétaire.

Il est en effet nécessaire de protéger la politique familiale, en l'occurrence les allocations familiales, dont la revalorisation est indexée sur l'inflation, ce qui permet de maintenir le pouvoir d'achat. À l'inverse, les indexer sur la croissance avec une revalorisation de 1 % seulement implique une baisse du pouvoir d'achat.

Comme nous sommes très attachés à la politique familiale, nous avons fait deux propositions. La première consiste à faire contribuer les collectivités territoriales en diminuant la dotation de l'État. La seconde, à travers ce sous-amendement, consiste à augmenter très légèrement la CRDS et à faire peser les mesures de rigueur sur l'ensemble de la nation et non sur les familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 145 . En effet, augmenter la CRDS ferait peser une charge supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Sur l'ensemble de la population et non sur les familles !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 4 du Gouvernement.

À titre personnel, j'y suis défavorable. Le report de la revalorisation des prestations familiales au 1er avril de l'année prochaine et la limitation exceptionnelle de la revalorisation de ces prestations en 2012 toucheront durement l'ensemble des familles.

Vous avez évalué à 300 millions d'euros l'économie attendue. Mais à un moment où la crise est durement perçue, notamment par les familles qui ont les revenus les plus modestes, cette mesure serait un mauvais signal. Une augmentation de 1 % au lieu des 2,3 % prévus et un report de cette augmentation pénaliseront encore plus durement les familles modestes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement?

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Cette revalorisation de 1 % intervient en raison de la crise et pour l'année 2012. J'espère vous avoir quelque peu rassurés.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Aujourd'hui il y a une crise, j'espère que vous l'avez constaté, et chacun a à coeur de faire en sorte que la dette à laquelle nous devons faire face ne pèse pas sur nos enfants.

Nous sommes obligés, avec parcimonie et mesure, d'essayer de parvenir à un équilibre : cela s'appelle un budget.

Monsieur Préel, je pensais vous avoir convaincu. Je vous demande de bien vouloir retirer votre sous-amendement, sinon j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Madame la secrétaire d'État, on vous sent un peu gênée.

Suite aux nouvelles mesures de rigueur annoncées par le Premier ministre en début de mois, et touchant désormais les prestations sociales, le Gouvernement propose de réécrire cet article.

Non seulement il est prévu de reporter de trois mois la revalorisation des prestations familiales, c'est-à-dire de les geler du 1er janvier au 1er avril, ce qui est déjà inacceptable, mais, de surcroît, vous actez la désindexation des aides au logement dont bénéficient 6 millions de personnes ainsi que des prestations familiales – allocations familiales perçues par 4,7 millions de foyers, allocations de rentrée scolaire et prestations d'accueil du jeune enfant.

C'est lourd, madame la secrétaire d'État. Pour plagier une formule, faisons payer les familles puisqu'elles sont les plus nombreuses…

Alors que le Gouvernement s'était engagé à revaloriser ces prestations familiales de 2,3 % au 1er janvier, soit le niveau estimé de l'inflation en cette fin d'année, celles-ci n'augmenteront que de 1 %.

Encore une promesse non tenue, mais, pour votre Gouvernement, c'est devenu banal.

Cette double mesure particulièrement injuste entraînant une baisse réelle du pouvoir d'achat des ménages les appauvrira mécaniquement et touchera de plein fouet les familles monoparentales, au premier rang desquelles se trouvent surtout des femmes seules avec leurs enfants. Or, actuellement, le tiers de ces familles, soit 1,6 million de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté, avec 954 euros par mois.

Vous prévoyez 300 millions d'euros d'économies sur le dos des ménages au titre de cette seule disposition, sans compter la hausse de la TVA, les taxes diverses et variées sur la consommation et les mutuelles, alors que la taxe des plus fortunés rapportera seulement 400 millions d'euros.

Il est insupportable, madame la secrétaire d'État, de vous entendre insister sur le faible impact de cette décision. Il est insupportable d'entendre le Gouvernement nous dire qu'elle n'affectera que de manière très limitée les allocataires, le manque à gagner s'élevant seulement à 92 euros pour une famille de deux enfants et à seulement 111 euros pour une famille de trois enfants…

Il est vrai que, dans certains endroits, on dépense un SMIC en une semaine, ne serait-ce qu'en frais de bouche ; ces sommes sont donc bien dérisoires.

C'est résolument que nous voterons contre cet amendement irresponsable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Madame la secrétaire d'État, l'amendement que vous proposez contient au moins deux mesures.

D'une part, il s'agit de repousser l'augmentation annuelle des prestations familiales du 1er janvier au 1er avril tous les ans et pas seulement pour une année. Cela pénalise les familles.

D'autre part, limiter la revalorisation des prestations familiales à 1 %, c'est se moquer des familles. Le gel des prestations familiales est une décision inacceptable, incohérente et irresponsable. Ces mots sont un peu forts mais ils sont justifiés.

Elle est inacceptable car elle pénalise gravement les familles les plus modestes déjà fragilisées par la conjoncture économique actuelle.

Elle est incohérente car elle revient à nier le rôle d'amortisseur social joué par ces prestations sociales en période de crise.

Elle est irresponsable car, alors que le Gouvernement s'était engagé à revaloriser les prestations familiales de 2,3 %, vous nous annoncez aujourd'hui une revalorisation de 1 % au 1er avril, ce qui fait 300 millions d'euros d'économies sur le dos des familles.

Et ce n'est pas la seule mesure : on assiste à une escalade de mesures touchant les familles. Cela devient de plus en plus compliqué.

Revenons aux mesures prises dans le cadre de la loi de finances pour 2012 : le programme d'action en faveur des familles vulnérables a baissé de 4,1 %, les crédits destinés à l'accompagnement des familles dans leur rôle de parents ont baissé et l'augmentation de la TVA frappera également les familles les plus modestes.

Par ailleurs, on compte plus de 1 million d'enfants pauvres mais rien n'a été fait pour essayer de lutter contre cette pauvreté. Pour la petite enfance, 200 000 places d'accueil étaient annoncées ; aujourd'hui seules 50 000 ont été créées : encore des promesses non tenues par le chef de l'État. Et il faut ajouter à cela tous les enfants de moins de trois ans qui ne sont plus accueillis comme auparavant à l'école maternelle.

Vous avez raison, madame la secrétaire d'État, nous sommes en période de crise et il faut faire des économies. Tous les parlementaires sont d'accord. Mais il faut cibler les recettes et ne pas toujours faire peser les économies sur les personnes les plus démunies, même pour revendiquer leurs droits.

Nous pouvons trouver des niches et réaliser des économies dans certains secteurs, et pas toujours sur le dos des mêmes.

Je rappelle quelques éléments. En 2008, vous avez supprimé la majoration pour quotient familial et la majoration des allocations familiales a été reportée de onze ans à quatorze ans, autant d'argent en moins pour les familles.

En 2010, vous avez gelé les prestations familiales et vous avez supprimé les allocations familiales en cas d'absentéisme.

En 2011, vous avez repoussé d'un mois le versement de la PAJE.

Plusieurs députés du groupe UMP. C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Clergeau

Non, c'est vrai !

Vous avez instauré la rétroactivité pour le versement des allocations logement.

Quand allez-vous enfin arrêter de pénaliser toujours plus les familles ? Il existe pourtant de nombreux rapports sur les enfants pauvres et les familles monoparentales qui ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois. Et vous savez également que le coût des produits de base nécessaires aux familles les plus simples pour nourrir leurs enfants a augmenté d'environ 20 % en un an.

Ce n'est pas acceptable. Il faut des compensations. Arrêtez de toujours vous tourner vers les familles et pensez à réaliser des économies ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général.

Plusieurs députés du groupe SRC. On le sait !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

J'ai l'impression que vous n'avez toujours pas mesuré ce que la crise imposera à nos pays surendettés aujourd'hui et dans les années à venir.

Nous ne pouvons plus nous permettre un progrès social à crédit. C'est à force d'avoir financé le progrès social de cette manière, avec les déficits que nous avons accumulés, que nous nous trouvons aujourd'hui dans cette situation limite.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

D'autres pays ont su, avant nous, prendre les mesures pour moderniser leur système social. Je prendrai l'exemple de la Suède, où les dépenses publiques et sociales ont diminué de 16 points, passant de 67 % à 51 % du PIB. Aujourd'hui, la Suède a un système social qui semble acceptable et supportable.

De surcroît, alors que notre croissance plafonne, la Suède affiche une croissance de 7 %.

L'Allemagne s'est engagée dans des efforts considérables au début de la décennie et a mis en place l'agenda 2010. C'est le modèle qu'a développé le parti socialiste allemand avec, à sa tête, Gerhard Schröder.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

En 2003, lorsqu'il a présenté cet agenda social, il a déclaré : « Nous réduirons les prestations distribuées par l'État, nous favoriserons la responsabilité des individus et nous devrons exiger davantage de chacun. » C'est un chancelier socialiste qui l'a dit, parce qu'il avait le sens des responsabilités.

Nous ne pouvons distribuer que ce que nous avons produit. C'est exactement ce que nous vous proposons de faire aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je souhaite corriger quelques inexactitudes dans les propos de Mme la secrétaire d'État.

Vous avez tenté de nous présenter cette mesure comme une mesure ponctuelle face à la situation de crise dans laquelle nous sommes et que nous reconnaissons, madame la secrétaire d'État. Mais vos propositions ne sont pas ponctuelles, notre collègue l'a dit.

Il s'agit même d'une double peine. D'une part, vous proposez une désindexation par rapport à l'inflation, et rien ne dit que cela ne vaudra que pour un an. Vous réduisez ainsi à 1 % l'augmentation qui devrait s'élever à 2,3 %. D'autre part, vous décalez dans le temps cette revalorisation et cela vaudra non seulement pour cette année mais aussi pour toutes les années à venir. Si l'on tient compte de ce décalage, l'augmentation n'est même plus de 1 % mais de 0,75 % pour l'année complète, alors qu'une augmentation de 2,3 % était attendue par les familles.

Vous sortez ensuite ce que vous croyez être un argument massue, exhortant vos collègues socialistes à la responsabilité, leur rappelant que c'est la crise, qu'il faut cesser d'en reporter le poids sur nos enfants et sur l'avenir. Et vous préconisez une solution simple : pour que nos enfants n'aient pas à supporter dans l'avenir le poids de cette crise, nous allons l'endosser immédiatement. Contrairement à ce que pense Yves Bur, cette mesure n'est pas bonne, car elle s'en prend au pouvoir d'achat des plus modestes, alors que, nous le savons tous, le dernier moteur de la croissance – qui peut jouer un rôle important dans la résorption de la dette –, c'est la consommation. Or l'exposé des motifs le dit froidement : ce sont 300 millions d'euros en moins pour les ménages. N'est-ce pas là un signe très négatif qui est envoyé aux familles, et qui aura de lourdes conséquences sur la croissance ?

Enfin, je veux rappeler à Yves Bur que ce n'est pas la branche famille qui a créé la dette. Au contraire, c'est vous qui, depuis quelques années, avez creusé son déficit en ponctionnant cette branche. Sans cela, elle serait encore à l'équilibre. Yves Bur le sait très bien, et je crois me rappeler qu'il n'était pas très à l'aise, l'année dernière, lorsque, dans cet hémicycle, le Gouvernement a détourné une partie de la CSG pour prolonger la CADES. C'est en cela que la majorité n'a pas été responsable dans sa gestion de la dette. Ne venez donc pas nous donner des leçons à ce sujet…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

…car, à l'époque, nous vous avions mis en garde contre cette fuite en avant. Ce n'est pas en ponctionnant 300 millions d'euros sur le pouvoir d'achat des familles que vous résoudrez le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Certains arguments sur la crise et le report de la dette sont un peu durs à entendre. Personne ne peut nier que nous soyons en crise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, d'après la Cour des comptes, deux tiers des 500 milliards d'euros de dettes apparus pendant la législature sont liés à votre politique, un tiers seulement étant dû à la crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

pour l'assurance vieillesse. Je suis surpris que les Français restent en France ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Vous vous en prenez à présent à la politique familiale. Pourtant, nous vous l'avons dit et redit, depuis que vous avez baissé la TVA sur la restauration, ce sont 3 milliards d'euros – et non 300 millions – qui, chaque année, manquent dans les caisses de l'État, pour un bénéfice difficile à évaluer en termes d'emplois – 25 000 à 30 000 emplois. En l'occurrence, il s'agit de millions d'enfants et de familles que l'on va priver de quelques dizaines d'euros. Sans doute, certains estimeront que ce n'est pas grand-chose, mais les familles vivant en dessous du seuil de pauvreté, et en particulier les familles monoparentales, en sont à quelques dizaines d'euros près. Vous allez donc les mettre en difficulté.

La semaine dernière, nous avons eu ici même un débat où il a été rappelé que les femmes étaient les premières touchées par la pauvreté. Le Secours catholique a publié un rapport sur ce sujet. Les femmes sont en première ligne face à la précarité salariale. La majorité des travailleurs pauvres sont des femmes, et c'est elles qu'on va priver de ce qui leur permet de boucler leurs fins de mois et de nourrir correctement leurs enfants.

En outre, je crois que certain discours prononcé à Bordeaux expliquait qu'il faut lutter contre la fraude, que frauder, c'est voler les Français. Nous sommes tous d'accord, il faut lutter contre la fraude (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.),…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

…il faut lutter contre toutes les fraudes. Mais il faut que cela se fasse au nom du modèle social et de la protection de l'héritage du Conseil national de la Résistance. Je ne suis pas sûre que la mesure que vous vous apprêtez à voter participe à la défense de notre système social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bérengère Poletti

À vous entendre, mes chers collègues, on pourrait se demander de quel pays vous parlez ! La France est pourtant le pays d'Europe qui consacre le plus de moyens à la politique sociale : plus de 5 % du PIB est consacré aux politiques familiales, quand les autres pays atteignent à peine 2 %. On voit d'ailleurs l'efficacité des politiques familiales, puisque c'est chez nous que l'on constate la plus forte progression de la natalité. En outre, la France est le pays qui a le plus augmenté ses aides sociales pendant la crise. Les propos du parti socialiste sont caricaturaux, sans commune mesure avec la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Savez-vous ce qu'est la pauvreté ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Le seuil de pauvreté s'établit à 954 euros, et il y a des centaines de milliers de familles qui vivent avec cela. C'est elles qui vont subir la limitation de l'augmentation des allocations familiales que propose votre amendement, et la réduction de diverses aides.

Nous entendons vos considérations sur la solidarité, sur la crise, sur la nécessité que tout le monde participe à l'effort. Certes. Mais que l'on commence par faire participer surtout et en premier lieu ceux qui ont le plus profité de la crise – car il y en a qui en profitent – et ceux à qui vous avez même remboursé de l'argent. Mme Bettencourt a ainsi perçu 30 millions d'euros, et l'on apprend aujourd'hui qu'elle disposerait de comptes non déclarés. De qui se moque-t-on ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne doute pas que des familles en difficulté habitent dans vos circonscriptions et que vous compatissiez à leur misère, mais, ici, vous votez à l'inverse de ce que vous leur expliquez. C'est la réalité de votre politique.

Je le disais tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, vous ne devez pas être très fière de défendre un tel amendement, qui confirme l'injustice de votre politique. Quand le pays est en difficulté, il faut faire payer les pauvres, disait quelqu'un, car ils sont les plus nombreux. Mais il faut surtout préserver les riches, et c'est ce que vous faites avec cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

On m'a demandé de retirer mon sous-amendement. Certes, la crise est bien réelle, et le Nouveau Centre comprend parfaitement que les prévisions de croissance soient revues à la baisse. C'est si vrai que nous sommes les seuls à réclamer dès aujourd'hui la règle d'or sociale, c'est-à-dire le vote en équilibre de la loi de financement de la sécurité sociale, ce que tous ici, y compris Yves Bur, devraient exiger.

Le Nouveau Centre est attaché à la politique familiale : de ce point de vue, notre pays est exemplaire, comme le prouve notre démographie. Nous avons aujourd'hui examiné un amendement particulièrement sympathique qui envisageait d'ouvrir les droits aux allocations familiales dès le premier enfant. Comme l'aurait dit M. de La Palice, pour avoir un deuxième enfant, il faut en avoir eu un premier. Il n'est donc pas illogique de soutenir ce premier enfant. Cependant, dans le contexte actuel, un tel dispositif paraît un peu irréaliste et irresponsable.

Le Gouvernement, de son côté, propose deux importantes modifications de la politique familiale : le report de l'indexation des prestations familiales du 1er janvier au 1er avril, qui, pour les familles, retardera la revalorisation pendant un trimestre ; l'indexation sur la croissance et non plus sur les prix, ce qui représente quelque 300 à 400 millions d'euros. En toute responsabilité, le Nouveau Centre vous propose deux compensations possibles. Le premier amendement demande une modeste augmentation de la CRDS pour que tous les Français participent à cet effort de politique familiale et pour ne pas pénaliser uniquement les familles. Une telle mesure me paraîtrait parfaitement raisonnable.

Le second amendement, qui est encore plus intéressant mais qui, hélas, a déjà été rejeté, demande une contribution aux collectivités territoriales, qui, pour l'heure, ne participent pas à cet effort national : il s'agirait d'une diminution de 0,05 % de la dotation qu'elles perçoivent de l'État. Même si, sur les bancs de l'UMP, beaucoup sont muets et n'oseront rien dire, je pense que bien des députés seraient d'accord avec une telle proposition.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

J'aimerais répondre aux interventions, notamment à celles des députés socialistes. Oui, mesdames et messieurs les députés, je suis fière de la politique familiale. Lorsqu'il a fallu revoir le budget de la France, compte tenu des crises successives que nous avons connues, le seul qui, par décision du Président de la République, n'a pas été touché, est celui de la politique familiale.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Malgré la crise, 100 milliards d'euros ont été maintenus.

Je suis également fière de vous rappeler que la politique familiale de la France est la plus enviée au monde pour ses allocations, pour ses prestations d'accompagnement. À vous entendre, mesdames et messieurs les députés socialistes, on pourrait penser que vous seuls vous occupez des pauvres et des malades. Je tiens cependant à vous rappeler que, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale voté par la majorité de droite et du centre – M. Préel étant toujours à nos côtés –, nous avons adopté, pour les familles monoparentales, une élévation du complément familial de 40 %, une augmentation de l'allocation de soutien familial. Ce sont ces familles monoparentales dont vous estimez qu'elles sont des familles pauvres – et je ne suis pas sûre qu'elles seraient heureuses du rapprochement, car la pauvreté, c'est bien autre chose.

C'est ce gouvernement qui, avec l'aide de la majorité, a mis en oeuvre une augmentation de 25 % de l'AAH. C'est cette majorité qui a fait en sorte que les minima sociaux soient non seulement maintenus, mais augmentés – je pense au RSA et aux pensions. C'est grâce à cette majorité que le minimum vieillesse a été augmenté. Vous le voyez, nous oeuvrons pour la préservation de notre politique familiale.

Monsieur Paul, lorsque vous parlez des 92 euros, vous oubliez de préciser que c'est pour une année.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Et alors ? Ça fait tout de même 92 euros de moins pour ces familles !

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Je préfère avoir une augmentation de 1 % fondée sur la croissance – plutôt que sur l'inflation à 2,3 % –, alors que certains pays européens, confrontés comme nous à la crise économique, réduisent les allocations et les prestations familiales, et vont même jusqu'à supprimer l'accompagnement social des familles.

Alors, oui, je suis fière d'une politique familiale qui essaye de trouver un équilibre. Sans doute, nous pourrions tous considérer que 1 %, ce n'est pas suffisant. Mais c'est tout de même une augmentation. Soyons donc fiers de cette politique familiale française. En 2011, la branche famille sera encore en déficit à hauteur de 2,6 milliards d'euros. En 2012, grâce aux efforts de la droite et du centre, ce déficit sera réduit à 2 milliards d'euros. C'est pourquoi je suis fière de la politique familiale du Président de la République et de son gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Paul

Je ne suis pas sûr que les familles en soient aussi fières que vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Je ne veux pas prolonger les débats outre mesure, mais je tiens à rappeler à Mme la secrétaire d'État, qui parle du déficit de la branche famille, qu'elle bénéficiait de financements pérennes, telle la CSG, qui n'ont pas été maintenus. En raison de certaines taxes votées lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous manquions de lisibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

C'est la majorité qui a créé le déficit de la branche famille !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Le fait que des prestations liées aux retraites aient été basculées dans la branche famille a encore accru le déficit.

Si cette branche est en déficit, c'est parce qu'elle ne peut plus disposer de ressources jusque-là pérennes.

Pour les prestations familiales, nous souhaitons leur revalorisation afin de maintenir un niveau de protection pour les familles, notamment les plus modestes. Nous entendons bien que la perte ne sera que de 92 euros par an, nous entendons bien le discours sur l'importance de la dette ou sur la nécessité de gérer au mieux. Mais, pour les familles, cette somme est importante. Nous souhaitons garder le niveau actuel parce que c'est une protection pour ces familles et souvent, pour elles, un moyen de subvenir à leurs besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 145 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En conséquence, l'article 58 bis est ainsi rédigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement, n° 17 , qui tend à supprimer l'article 58 quater.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Je propose la suppression de l'article 58 quater introduit par le Sénat et qui subordonne à la saisine du président du conseil général la possibilité pour le juge de décider le maintien du versement, total ou partiel, des allocations familiales à la famille d'un enfant confié au service d'aide social à l'enfance. Dans sa décision du 16 décembre 2010 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le Conseil constitutionnel a censuré comme cavalier social un article qui aménageait ces mêmes règles relatives au maintien du versement des allocations familiales.

(L'amendement n° 17 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement, n° 18 , qui tend à supprimer l'article 58 quinquies.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Cet amendement a pour objet la suppression de cet article qui précise les conditions de maintien du versement, total ou partiel, de l'allocation de rentrée scolaire à la famille d'un enfant confié au service d'aide sociale à l'enfance. Cet article était, comme le précédent, un cavalier social.

(L'amendement n° 18 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

En conséquence, l'article 58 quinquies est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je suis saisi d'un amendement, n° 121 , qui tend à supprimer l'article 58 sexies.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article 58 sexies.

(L'amendement n° 121 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Le Sénat a supprimé l'article 59.

Je suis saisi d'un amendement, n° 9 , qui tend à le rétablir.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienClaude Greff, secrétaire d'état chargée de la famille

Cet article, que le Sénat a supprimé, a pour objectif de réduire le déficit de la branche famille, en tirant les conséquences des mesures présentées par le Gouvernement en faveur d'une maîtrise renforcée des finances sociales. La revalorisation limitée des prestations familiales et des allocations logement contribuera à réduire les dépenses de la branche famille de 0,54 milliard d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

La commission des affaires sociales a adopté cet amendement du Gouvernement. À titre personnel, j'y suis défavorable car je suis opposée aux mesures qui conduisent à une révision des objectifs de dépenses de la branche famille.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Nous le constatons tous, la précarité du travail augmente, le chômage augmente, l'écart entre les ressources des plus pauvres et celles des plus riches augmente, au profit des plus riches bien sûr, les loyers augmentent, les prix des denrées alimentaires augmentent, et vous nous proposez de gagner 400 millions d'euros sur le dos des familles ? Nous ne pouvons pas partager ce point de vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Coutelle

Au bout du compte, nous aurons, en 2016, économisé 2,5 milliards sur la branche famille. C'est une somme importante. Je le répète, nous aurions pu la trouver ailleurs et préserver notre politique familiale.

On nous cite l'Allemagne en exemple mais tout n'est pas bon à prendre en Allemagne. On ne dit jamais qu'en Allemagne il n'y a pas de salaire minimum et que l'on peut payer quelqu'un à dix euros, voire six euros. De plus, la politique familiale allemande n'est peut-être pas le modèle à suivre.

(L'amendement n° 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je mets aux voix l'ensemble de la quatrième partie du projet de loi.

(L'ensemble de la quatrième partie du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

La loi de financement de la sécurité sociale dont nous venons d'achever la discussion est très importante pour tous nos concitoyens. Nous devons en effet nous prononcer sur la somme considérable de 475 milliards pour financer les régimes obligatoires de base : santé, famille, retraites et FSV.

En première lecture, l'ensemble du groupe Nouveau Centre s'était abstenu, pour deux raisons :

D'une part, nous voulions que la loi de financement de la sécurité sociale soit votée en équilibre, ce que nous appelons la règle d'or sociale, en transférant à la CADES les 8,2 milliards non financés et en augmentant de manière très modeste, de 0,05 %, la CRDS. La faire passer à 0,55 %, n'aurait pas pesé sur le pouvoir d'achat et n'aurait pas représenté un effort considérable pour l'ensemble de nos concitoyens.

D'autre part, nous voulions voir mettre en oeuvre très rapidement des enveloppes régionales, éventuellement à titre expérimental, dans deux régions pour compléter de manière logique la création des agences régionales de santé.

Force est de constater que le Gouvernement et le rapporteur n'ont pas bougé sur ces deux points majeurs, tout en reconnaissant que nous avions raison, mais trop tôt ; c'est toujours satisfaisant mais pas vraiment formidable.

Par ailleurs, nous acceptons la volonté de prendre en compte la diminution de la croissance prévisionnelle et de ramener l'ONDAM à 2,5 %, tout en sachant qu'il sera difficile à tenir notamment pour les établissements publics et privés et les laboratoires, compte tenu des dépenses de personnel qui pèsent beaucoup sur les budgets des établissements.

L'industrie pharmaceutique a été lourdement mise à contribution, pour plus d'un milliard d'euros. Nous avons besoin cependant de maintenir la recherche et le développement pour découvrir les nouveaux médicaments dont nous avons besoin.

Baisser le prix des génériques se comprend si on se compare notamment à l'Allemagne mais cela mettra en difficulté des officines, surtout les petites en zone rurale.

Les indemnités journalières seront probablement revues avec un délai de carence supplémentaire pour les salariés du privé, prévu mais pas encore dans la loi, et une journée pour les salariés du public. L'équité entre les deux secteurs, public et privé, paraît nécessaire et souhaitable.

Pour la retraite, le Nouveau Centre souhaite la mise en oeuvre d'un régime de retraite universel géré par les partenaires sociaux, à points ou à comptes notionnels, comme l'avait d'ailleurs proposé dans un amendement M. Robinet lors de la réforme des retraites avec Xavier Bertrand.

Pour la branche famille, la revalorisation sera reportée au 1er avril et se fera non plus en fonction de l'inflation mais de la croissance, soit 1 % en 2012. Le groupe Nouveau Centre n'approuve pas cette modification, préconisant, pour une somme identique, une contribution des collectivités territoriales par abaissement de 0,05 % de leurs dotations.

Enfin, je rappelle que le Nouveau Centre est très attaché à une révision des exonérations de cotisations pour les ramener à 1,5 SMIC, sauf pour les jeunes, les seniors et les PME.

Au final, le Nouveau Centre considère cette loi comme adaptée à la crise. Cependant, attaché aux principes que j'ai rappelés et dont il n'a en aucune façon été tenu compte, je m'abstiendrai lors du vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Je voudrais, en préambule à cette explication de vote, exprimer, au nom de mon groupe, notre indignation quant aux modalités d'organisation de nos débats.

Je ne reviens pas sur les délais très courts qui nous ont conduits à examiner un texte profondément remanié par le Sénat en moins de quatre heures en commission ni sur la présentation à cette occasion d'amendements du Gouvernement traduisant les mesures d'austérité qui auraient dû figurer dans un PLFSS rectifié, manière qui illustre le manque de respect du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale ; mon collègue Roland Muzeau a eu l'occasion de protester vivement et légitimement sur ce point.

Je voudrais plutôt rappeler, cerise sur le gâteau, l'attitude de la majorité et de la présidence ce matin en Conférence des présidents : alors même que la demande de scrutin public est de droit sur le vote des textes, nous avons reçu une fin de non-recevoir et ceci sans explication probante, ce qui témoigne d'un courage politique à toute épreuve.

J'en viens au PLFSS lui-même, que vous nous demandez de voter ce soir.

En dépit de la révision des données macroéconomiques, il est, encore une fois, bâti sur des hypothèses « hors sol » qui ne prennent pas, ou plutôt refusent de prendre la pleine mesure du tassement de l'économie, dans lequel vos choix politiques, voire dogmatiques, ont une grande responsabilité. Votre leitmotiv érigé en courage politique, vertu dont vous vous faites le chantre, monsieur le ministre de la santé, pourrait se résumer à l'engagement du Gouvernement en faveur d'un effort continu pour diminuer les dépenses.

Cette posture entêtée refuse de tirer les leçons de vingt-cinq ans de politique de maîtrise des dépenses expliquant la réalité des comptes de la sécurité sociale, qui montrent que l'explosion des déficits résulte d'une réduction de la croissance des recettes consécutive à la faiblesse des créations d'emplois et à leur précarisation croissante, ainsi que de votre refus de prendre l'argent où il est, pour faire court, et non, comme vous tentez de le faire croire, d'un excès de dépenses.

Tout dans ce PLFSS, le dernier d'un quinquennat désastreux pour les comptes de la sécurité sociale autant que pour les assurés, témoigne de votre absence totale de sens des responsabilités en matière budgétaire et de votre profond mépris pour tout ce qui touche à la solidarité.

Vous vous gargarisez d'avoir réduit les déficits de la sécurité sociale mais vous oubliez de rappeler que, de 2007 à 2010, vous les avez multipliés par trois. Or, selon la Cour des comptes, cela a été dit, seul un tiers de cette explosion est dû à la crise dans laquelle nous nous enfonçons. Vous n'êtes donc pas seulement responsables, mais bien coupables de la dégradation de nos comptes sociaux !

Ce rigorisme de la stricte réduction des dépenses sociales se traduira à nouveau, en 2012, par des saignées pour les assurés sociaux, de sorte qu'en réalité la ritournelle de ce dernier PLFSS, comme des précédents, pourrait être « payer plus pour avoir moins ». Vous demandez toujours plus d'efforts à ceux qui donnent déjà le maximum au financement de la sécurité sociale et subissent pourtant le plus durement la crise – les ouvriers salariés, les bas revenus, les étudiants, les familles monoparentales, les classes moyennes, les malades, les personnes âgées, les retraités – sans jamais prendre, ou si peu, aux patrimoines.

Des franchises médicales au forfait hospitalier, des allégements de cotisations sur les bas salaires, qui piègent les salaires au ras du plancher, à votre refus d'imposer une stricte égalité entre hommes et femmes, de la réforme des retraites à son accélération inopinée dans ce texte, de la taxation des contrats d'assurance solidaires et responsables à la désindexation des prestations familiales, ce sont toujours aux mêmes que, sur un ton moralisateur et sous prétexte de les responsabiliser, vous faites porter le chapeau et demandez de payer vos turpitudes !

Cependant, nous percevons votre gêne et même une certaine fébrilité derrière votre précipitation et votre mutisme face à nos propositions. Cela vous gêne que nous soyons, sur ces bancs, mus par un courage politique dont vous êtes incapables et qui prend sa source dans la justice sociale ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Allez donner vos leçons à Moscou ou à Cuba !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Cela vous gêne et vos protestations en sont la preuve ! Cela vous gêne, à quelques mois des élections, que la gauche soit en mesure de faire des propositions permettant de dégager immédiatement et durablement des ressources pérennes et équitables pour la sécurité sociale, bien au-delà de ce que vous proposez depuis des années, et ce en préservant le caractère solidaire de notre système de protection sociale, que M. Sarkozy et cette majorité se sont juré d'abolir.

Nombre de mesures que vous avez rétablies entre hier et ce soir motivent notre vote contre ce texte. Elles sont fidèles à toute l'action de ce gouvernement depuis cinq ans et de cette majorité depuis dix ans, à la profonde injustice dont vous avez fait preuve à travers l'ensemble de vos politiques sociales et qui frappe de plein fouet ceux de nos concitoyens qui n'ont pour vivre que le fruit de leur travail, car ils ne spéculent pas, et font les frais de votre politique, puisque vous estimez qu'ils peuvent bien payer le prix de vos choix politiques catastrophiques.

Bien sûr, le groupe GDR votera contre ce texte sans l'ombre d'un hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Monsieur le président, mes chers collègues, le 2 novembre dernier, le groupe UMP a adopté à une très grande majorité ce PLFSS, qui a subi ensuite l'épreuve du Sénat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Là, le dogmatisme, l'idéologie et la démagogie ont conduit à un démantèlement du texte et à la création, en moins de vingt-quatre heures, de 5,259 milliards d'euros de taxes supplémentaires – on dénombre dix-sept nouvelles taxes !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Je ne crois pas que le peuple français soit capable aujourd'hui de supporter ces inepties. La commission mixte paritaire était immanquablement vouée à l'échec, malgré la ténacité dont ont fait preuve nos représentants lors de cette nouvelle épreuve, et il était nécessaire que nous nous retrouvions pour cette nouvelle lecture à l'Assemblée.

Celle-ci permet de revenir à un texte réaliste, conforme à nos idées et au pragmatisme qui doit guider notre action politique. Elle permet de supprimer l'ineptie que représentent ces cinq milliards de taxes, mais de conserver en revanche le secteur optionnel cher à Jean-Pierre Door, et l'idée d'efficience induite par la convergence entre le secteur hospitalier public et le secteur privé, tout en tenant compte d'une conjoncture qui, chaque jour, nous inquiète un peu plus et nous a donc conduits à prendre des décisions courageuses, dans le droit fil des propositions faites par le Premier ministre.

Ces décisions sont de trois ordres. La première a consisté à anticiper d'un an la réforme des retraites, ce qui permettra à terme de réaliser une économie de 4,4 milliards d'euros ; la seconde a consisté à abaisser l'ONDAM de 2,8 à 2,5 % – et j'ai démontré hier soir qu'un ONDAM à 2,5 % avec une prévision de croissance de 1 % est une solution encore plus courageuse qu'un ONDAM à 2,8 % avec une prévision de croissance de 1,75 % ; la troisième décision a consisté à maintenir la réalité de nos prestations, contrairement à ce qui se fait chez beaucoup de nos voisins étrangers, dirigés malheureusement jusqu'à très récemment par vos amis politiques, lesquels ont diminué sans états d'âme non seulement les salaires des fonctionnaires mais également les prestations sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vitel

Les prestations suivront la croissance et, pour les plus démunis, elles seront indexées sur la hausse des prix.

Il n'y a guère d'explication plus vertueuse à notre vote, et le groupe UMP sera fier, ce soir, de voter ce texte de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le président, mes chers collègues, que dire de ce PLFSS pour 2012 ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Rien ! Il est parfait !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Il y a tant à dire que cinq minutes n'y suffiront pas. Mais, avant toute chose, monsieur Vitel, il faut rappeler qu'au hit-parade de ceux qui inventent des taxes vous êtes devenus des champions !

Le déficit est structurel, il approche les 8 à 10 milliards d'euros, et la crise a bon dos ! Mais votre PLFSS ne permettra pas de le résorber, monsieur Jacquat.

Je ne reviendrai pas sur les injustices qu'il comporte en matière de retraites ou de politique familiale. Pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, vous êtes si peu à la hauteur que nous sommes obligés de déposer une proposition de loi que vous rejetterez demain selon les consignes qui vous ont été données, n'en déplaise à M. Door qui prétendait ne pas connaître l'issue du vote. Cette proposition de loi, dont M. Vidalies était le rapporteur, répondait pourtant à une demande de nos concitoyens.

Le texte issu du Sénat était, contrairement à vos dires, non pas honteux mais progressiste. Mais, depuis que le Sénat est passé à gauche, vous vous évertuez à faire échouer toutes les commissions mixtes paritaires et, au lieu de prendre les bonnes mesures, vous prenez les mauvaises.

Vous parlez de votre courage et de votre réactivité. En effet ! Vous baissez l'ONDAM à 2,5 % mais vous ne savez pas du tout quel effet cela aura en termes de renoncement aux soins chez nos concitoyens. Car la différence entre vous et nous, c'est qu'avant de prendre une décision, nous nous préoccupons de ses aspects humains, tandis que vous ne voyez que les chiffres, les bénéfices et autres aspects financiers, à charge pour les personnes de s'adapter à votre système. Voilà la différence entre la gauche et la droite !

Quand on vous propose d'augmenter le forfait social sur les revenus non salariaux, dans l'esprit de solidarité nationale qui doit présider à tout PLFSS, vous refusez, alors qu'il y aurait là des gains et des recettes possibles.

Vous admettez vous être trompés et gelez la convergence de la T2A entre le secteur hospitalier public et le secteur privé, ce qui est une manière de reconnaître, à l'approche des élections, que tout cela ne va pas dans le bon sens.

Vous gelez les MIGAC, même si vous prétendez qu'il ne s'agit que de l'aide à la contractualisation. Non, mes chers collègues, on gèle, dans les hôpitaux, les MIGAC dans leur ensemble, c'est-à-dire les missions d'intérêt général que l'hôpital public se doit d'assurer.

Je n'insisterai pas sur la taxation des mutuelles et en particulier des mutuelles étudiantes, car Mme Fraysse a été claire à ce sujet.

Chers collègues de la majorité, rendez-vous dans les CASO, les centres d'accueil de soins et d'orientation : vous y verrez de nouvelles populations, retraités pauvres, étudiants pauvres, travailleurs pauvres, contraints d'avoir recours à ce système de soins parallèle.

Baisser l'ONDAM alors que nous sommes en pleine crise sociale et économique, à un moment où c'est la société dans son essence qui est en crise, me paraît irresponsable. Le groupe SRC votera donc contre ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Vote sur l'ensemble du projet de loi

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, le Gouvernement demande à l'Assemblée, en application de l'article 45 alinéa 4 de la Constitution, à une nouvelle lecture de ce texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi ( nos 3881, 3964).

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Votre assemblée entame la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Vous le savez, nous avons élaboré ce projet de loi, avec Nora Berra, à la suite du drame du Mediator, pour qu'il y ait un avant et un après Mediator : ce texte refonde donc le système de sécurité sanitaire des produits de santé pour concilier sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques.

Cette réforme doit redonner confiance aux Français dans notre système du médicament. Cette réforme est un tout, avec ses dimensions législative, réglementaire, d'organisation interne et de gouvernance, mais aussi européenne.

Les débats à l'Assemblée nationale ont été riches. Ils ont permis de proposer, à la sortie des discussions, un texte équilibré, un texte juste.

Les échanges au Sénat sur ce projet de loi ont été intenses mais, je tiens à le souligner, toujours marqués par l'écoute et le respect.

Enfin le texte, modifié par le Sénat, a été examiné le 15 novembre par la commission mixte paritaire, qui n'a pu parvenir à un accord.

Votre commission des affaires sociales, à l'issue de cette nouvelle lecture, a fait le choix de conserver certaines dispositions adoptées au Sénat et de revenir sur d'autres. Je veux souligner que le texte qui nous est présenté est plus équilibré que celui sorti du Sénat. Permettez-moi de revenir sur certains des points discutés par la commission.

Je pense tout d'abord à l'interdiction de liens d'intérêts pendant les trois ans précédant la nomination des personnalités visées à l'article 1er du projet de loi : les dirigeants de la Haute autorité de santé, de l'Institut national du cancer, l'INCa, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS.

Dans le même esprit, l'article 1er bis, introduit par le Sénat, tendait à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d'administration et du président du conseil scientifique de l'INCa, à un appel à candidatures préalable et à l'absence de tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction.

Cette proposition peut apparaître comme intellectuellement satisfaisante, mais attention à ne pas confondre lien d'intérêts et conflit d'intérêts. Je pense qu'il est dommage de se priver de personnalités compétentes dont nous avons plus que jamais besoin, parce qu'elles ont une réelle expérience. Dominique Maraninchi n'aurait jamais pu prendre la tête de l'INCa dans de telles conditions, et c'eût été regrettable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il ne faut pas confondre conflit d'intérêts et lien d'intérêts. C'est votre pouvoir d'appréciation qui, à mon avis, doit s'exercer lors des auditions. C'est à ce moment que vous pouvez poser toutes les questions, que vous pouvez vous forger votre opinion et décider si, oui ou non, les antécédents de votre interlocuteur l'empêchent d'assumer la fonction, ou pas.

Il est important que les parlementaires conservent ce pouvoir d'appréciation pour ne pas s'interdire de nommer une personne compétente en raison des postes qu'elle aura occupés précédemment. Une personne sans expérience, est-ce forcément un atout ?

Si la situation n'est pas suffisamment claire, la nomination ne sera pas validée.

À l'article 2, la commission a supprimé l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages, qui les aurait privés de la possibilité de participer à certains colloques ou réunions scientifiques.

Je le rappelle, toutes ces conventions, comme pour toutes les parties prenantes intervenant dans ce domaine, seront publiques. Il s'agit aussi d'un traitement équitable entre les étudiants et les professionnels de santé en exercice. En revanche, la commission a maintenu l'obligation, introduite par le Sénat, de publier les conventions signées entre les entreprises et les organismes de formation.

À l'article 4, comme à de nombreux autres articles du texte, la commission a rétabli le nom de la nouvelle agence : Agence nationale de sécurité du médicament, ANSM. Oh, je sais bien que ce n'est pas le changement de nom qui fait la réforme, mais il la symbolise. Le nom d'AFSSAPS était tellement lié au dossier du Mediator qu'un nouveau nom était nécessaire, mais cette décision ne constitue pas l'alpha et l'oméga de la réforme, loin de là. Si nous voulons renforcer la vocation de l'agence en matière de police du médicament, il est naturel de parler désormais d'Agence nationale de sécurité du médicament. Je sais pouvoir compter en la matière sur le soutien de Philippe Vitel.

Un autre point particulièrement gênant dans la version issue du Sénat à l'article 5 est l'interdiction, pour les associations de patients qui reçoivent des subventions ou avantages des entreprises pharmaceutiques, de siéger au conseil d'administration de l'agence. L'adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations.

Alors que l'information et la transparence constituent le point de départ de la confiance, il s'agissait là tout simplement d'un recul en termes de démocratie sanitaire. Je sais bien que ce n'est pas parce que les associations siégeront au conseil d'administration que la démocratie sanitaire sera achevée. Il faudra de nouveaux développements, dans un nouveau texte, mais il était inacceptable en tout cas de les en exclure. Je salue la sagesse de votre commission, qui a supprimé cette mesure.

S'agissant des autorisations temporaires d'utilisation – les ATU –, je crois sincèrement que le durcissement de leur régime, issu des débats au Sénat, aurait immanquablement pénalisé les patients ayant besoin d'un traitement de longue durée. Votre commission a ainsi permis de conserver un juste équilibre entre la sécurité des patients et l'accès aux progrès thérapeutiques, grâce à la rédaction adoptée à l'article 15.

Sur ce sujet, les associations en charge de patients souffrant de maladies rares tiennent à ce que l'accès aux soins ne recule pas. J'y tiens tout autant que vous.

Sur des sujets tels que le régime de responsabilité, la charge de la preuve, ou bien encore les actions de groupe, vous conviendrez que des réformes d'une telle ampleur ne peuvent être menées au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, ni aucune étude d'impact.

Je sais que ce point nous opposera, notamment avec Mme Lemorton. Je respecte votre position, madame, mais convenez que, pour le seul cas du Mediator, aucune action de groupe n'aurait pu être entreprise aussi rapidement que la mise en place, par votre assemblée, à l'unanimité, d'un fonds Mediator.

Sur la question de la publicité en matière de vaccins, il ne s'agit pas de laisser les entreprises pharmaceutiques seules maîtresses à bord. Je le rappelle, la publicité auprès du grand public pour les vaccins est déjà strictement encadrée par un contrôle a priori de l'ANSM. Grâce à ce projet de loi, l'article 18 permet au Haut conseil de santé publique de définir la liste des vaccins pour lesquels une campagne publicitaire pourrait être envisagée. Eu égard notamment aux impératifs de prévention, ce régime d'autorisation encadrée apparaît plus sage que l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat.

J'en viens au sujet de l'expérimentation d'une visite médicale collective à l'hôpital. Je croyais qu'il fallait avancer sur ce sujet ! Or certains ont voulu que la visite médicale disparaisse purement et simplement – je vous renvoie au rapport de l'IGAS. Au début d'ailleurs, n'ayons pas la mémoire courte, beaucoup se rangeaient à cette analyse.

Je pense pour ma part que la visite médicale, telle que nous l'avons connue, a vécu et mérite d'être réformée en profondeur. C'est une question de confiance. En vérité, je me demande parfois si je ne suis pas le seul à le penser encore. Je vous le dis comme je le pense. Nous ne pouvons pas nous contenter de réforme cosmétique en la matière et ce ne sont pas les visiteurs médicaux qui sont en cause. Ils ont appliqué les consignes qui leur ont été données par les laboratoires pharmaceutiques – je le sais, mais qui peut me dire aujourd'hui que vous avez toutes les garanties sur la façon dont les firmes continueront à donner des consignes ? Voilà pourquoi je souhaite que la formation et l'information dispensés aux visiteurs médicaux, que la formation et l'information dispensés par les visiteurs médicaux, soient encadrés a priori. Je pense malheureusement que cela ne suffit pas : il faut aller plus loin et revoir les conditions de la visite médicale.

J'avais fait une proposition à l'article 19, qui a été largement amendée, que ce soit ici, à l'Assemblée Nationale, ou au Sénat, à droite comme à gauche. Il faut avancer et j'ai dit à Guy Lefrand, lorsque son amendement a été adopté, que je n'étais pas d'accord avec ce que je considérais comme un recul par rapport à l'esprit de la loi et à l'article de loi. Je me souviens très bien de l'argumentation développée mais je ne la partage pas car, d'expérience, je sais que nous avons, sur ce texte, réuni les conditions pour restaurer la confiance : nous n'avons pas pris de demi-mesure, nous avons vraiment réformé le système, et nous avons osé bousculer les habitudes.

Au final, le nouveau dispositif sur la visite médicale ne me satisfait pas et je ne pourrai pas rendre un avis favorable. Je le répète, je ne veux pas stigmatiser une profession, mais exclure les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière du champ d'application, c'est-à-dire des médicaments complexes et coûteux qui représentent la très grande majorité si ce n'est la quasi-totalité des visites médicales réalisées à l'hôpital, revient à vider de son sens l'expérimentation de la visite médicale collective, pour des produits qui nécessitent en général une prescription dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaires.

Je sais que ce changement sera difficile à organiser, surtout au sein des hôpitaux locaux de petite taille où, en présence d'un médecin et d'un pharmacien, on peut parler de visite collective.

On peut faire preuve de souplesse sur le terrain mais ne transigeons pas avec ce principe : la visite médicale doit évoluer en profondeur. 30 à 40 % des visites médicales à l'hôpital sont des visites collectives – on peut d'ailleurs employer l'adjectif « collectif » à partir de deux professionnels de santé.

Vous le voyez, c'est une réforme d'ampleur. J'ai défendu ce texte avec conviction, vous aussi, et je remercie celles et ceux qui se sont engagés sur ce sujet. Ce texte porte aussi une valeur : la confiance. Nous en avons besoin dans le domaine du médicament.

Nous sommes, avec Nora Berra, particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre effective, voilà pourquoi, je le répète à nouveau devant vous, je souhaite que l'on puisse évaluer précisément, d'ici trois ans au plus tard, cette réforme, l'application des textes règlementaires et législatifs, pour vérifier que l'esprit de cette loi, qui a dépassé les clivages partisans, se retrouve dans la société française et dans les nouvelles habitudes des acteurs de santé que sont les prescripteurs, ainsi que dans les usages.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je suis sûr que nos débats continueront d'être constructifs : le sujet ne provoque pas de clivage, la santé est l'affaire de tous. Nous avons l'occasion de le démontrer encore une fois. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Monsieur le ministre, monsieur le président, chers collègues, nous voici réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Le texte que nous vous présentons est équilibré et protecteur pour nos concitoyens. La commission a fait le choix de conserver quelques dispositions adoptées par le Sénat et de revenir sur d'autres.

À l'article 1er, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur visant à interdire aux dirigeants de la HAS, de l'INCa, de l'INSERM et de I'AFSSAPS tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent leur prise de fonction.

Dans le même esprit, l'article 1er bis, introduit par le Sénat, tendait à soumettre le choix, par le ministre, du président du conseil d'administration et du président du conseil scientifique de l'INCa à un appel à candidatures préalable et à l'absence de tout lien d'intérêts dans les trois ans qui précèdent la prise de fonction. Cette proposition est peut être intellectuellement satisfaisante. Elle est en fait impraticable et nous priverait des personnalités compétentes dont nous avons plus que jamais besoin. Avoir des liens d'intérêts ne signifie pas être inféodé à l'industrie et, dans des secteurs qui sont très techniques, il est dangereux que celui qui prend in fine la décision n'ait pas une connaissance parfaite du fonctionnement du secteur et de ses enjeux. Ne confondons pas liens et conflits d'intérêts. Nous avons besoin d'experts externes, besoin de leur connaissance du secteur ; ne les stigmatisons pas.

À l'article 2, la commission est également revenue au texte de l'Assemblée nationale, plus équilibré et pragmatique. Tout d'abord, nous sommes revenus sur la suppression du seuil en matière de publication des avantages octroyés aux professionnels par les entreprises. Même s'il est symbolique, ce seuil évitera d'avoir à déclarer les stylos et les cafés. Par ailleurs, nous sommes revenus sur l'interdiction pour les entreprises de passer des conventions d'hospitalité avec les étudiants ou de leur octroyer des avantages. Cela signifierait que nos étudiants ne pourraient plus participer à certains colloques ou réunions scientifiques, ou que ces pratiques perdureraient dans la plus grande opacité. Je m'y oppose absolument. En revanche, nous avons maintenu l'obligation, introduite par le Sénat, de publier les conventions signées entre les entreprises et les organismes de formation.

À l'article 4, comme à de nombreux autres articles du texte, la commission a rétabli le nom de la nouvelle agence, ANSM, celui de l'AFSSAPS étant malheureusement associé à l'affaire du Mediator. L'important pour moi est que l'Agence ait enfin des moyens renforcés, de nouvelles fonctions de police du médicament et une véritable indépendance financière. C'est une grande avancée de ce texte. Au même article, nous avons conservé les ajouts du Sénat relatifs à la sanction de la publicité non autorisée pour les dispositifs médicaux in vitro et aux manquements des grossistes-répartiteurs à leurs obligations de service public.

À l'article 5, le Sénat proposait de limiter les associations de patients siégeant au conseil d'administration de l'Agence à celles qui ne reçoivent aucune subvention ou avantages des entreprises pharmaceutiques. L'adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations. C'était inacceptable. Nous avons supprimé cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

À l'article 5 bis, nous avons adopté un amendement de Mme Lemorton (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) et des députés du groupe SRC, qui vise à créer une base de données sur les traitements et leur bon usage. Cette base s'adressera aussi bien aux particuliers qu'aux professionnels. Elle n'existe pas encore dans notre pays, contrairement à d'autres, comme la Grande-Bretagne. Ce retard sera donc rattrapé.

Aux articles 6 et 7, le Sénat avait prévu l'obligation pour toute entreprise pharmaceutique d'opérer un suivi spécifique du risque, au travers d'un registre de patients atteints, lorsque le médicament, bien qu'autorisé, est susceptible de provoquer un effet indésirable grave. Cette possibilité est déjà couverte par le droit existant. Ce n'est pas parce que nous inscrirons une disposition dix fois dans les textes qu'elle sera mieux appliquée. Il faut maintenant que l'Agence utilise les outils dont elle dispose. Nous avons au contraire prévu un suivi des patients en cas de retrait du médicament, au moyen d'un registre, ce qui n'existait pas.

À l'article 8, la commission a rétabli la rédaction de l'Assemblée nationale précisant que tout arrêt de commercialisation à l'étranger d'un médicament commercialisé en France doit être notifié à la nouvelle agence. Souvenez-vous de l'arrêt de commercialisation en Espagne du Mediator.

Sur l'article 9 bis, qui prévoit que, pour le remboursement, l'amélioration du SMR doit être évaluée non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants, nous avons amélioré la rédaction issue du Sénat, pour prendre en compte les médicaments de niche et les traitements très innovants, et ne pas diminuer les chances pour les patients. Nous avons aussi avancé sa date d'application à 2012.

À l'article 12, nous avions précisé que la dénomination commune internationale devait être généralisée à tous les médicaments et qu'elle pouvait s'accompagner du nom de fantaisie. Au Sénat, cette simple possibilité avait été supprimée. La commission a rétabli le texte de l'Assemblée pour ne pas déstabiliser certains patients et tenir compte des cas où la DCI n'existe pas, comme pour les vaccins.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

À l'article 15, nous avons souhaité conserver un équilibre entre sécurité des patients et accès aux progrès thérapeutiques. Nous avons notamment supprimé la nécessité d'un renouvellement annuel des autorisations temporaires d'utilisation afin de ne pas provoquer d'interruption des traitements.

L'article 17 bis, adopté au Sénat, établissait le principe de la responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments, rompant l'équilibre que le Parlement avait trouvé en 1998. La commission a estimé que nous ne pouvions pas adopter cet article, sur un sujet très délicat, sans aucune consultation ni étude préalable. Cela mérite un texte en soi.

L'article 17 ter, introduit par le Sénat, visait à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d'une affection similaire à un effet indésirable connu. L'article ne fixait aucun critère précis pour juger de la présomption de causalité. En l'état, nous ne pouvions l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Comme vous le savez, l'article 18 porte notamment sur la publicité des entreprises pharmaceutiques en matière de vaccins. Écartant l'interdiction pure et simple souhaitée par le Sénat, la commission est revenue au texte initial de l'Assemblée qui retient un régime d'autorisation encadrée, ce qui apparaît plus sage, eu égard notamment aux impératifs de prévention.

L'article 19 a pour objet principal l'expérimentation d'une visite médicale collective à l'hôpital. Revenant sur la suppression décidée par le Sénat, la commission a rétabli l'exclusion des médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière du champ d'application de ce dispositif.

S'agissant toujours de l'article 19, mais aussi des articles 24 et 26, le Sénat avait remplacé le dispositif initial de pénalité financière par une possibilité, pour le comité économique des produits de santé dans les deux premiers cas et pour le ministre de la santé dans le troisième cas, de prononcer des baisses de prix à titre de sanctions. Or, entre autres effets pervers, de telles baisses nuiraient à la lisibilité des prix pour les patients et les prescripteurs dans la mesure où ces prix seraient amenés à fluctuer au gré des sanctions. C'est pourquoi la commission n'a pas suivi le Sénat sur ce point.

L'article 19 bis adopté par le Sénat prévoyait la remise au Parlement d'un rapport sur la formation médicale initiale et continue. Jugeant que la rédaction d'un nouveau rapport ne s'imposait pas, surtout au regard des évolutions récentes consacrées par les décrets sur le développement professionnel continu des médecins, la commission a supprimé cet article.

Elle a également supprimé l'article 20 bis, dont les dispositions relevaient de la loi de financement de la sécurité sociale et ont d'ailleurs été adoptées dans ce cadre dans des termes plus précis.

Pour ce qui est de l'article 22, la commission a conservé en très grande partie la rédaction issue du Sénat, mais en précisant que le groupement d'intérêt public pourrait mener des études de vigilance et d'épidémiologie impliquant « notamment » les produits mentionnés à l'article L. 5311-1. Cette précision permet de ne pas fermer la porte à des études mettant en jeu d'autres techniques de prise en charge que les seules techniques médicamenteuses.

Quant aux trois articles 27, 28 et 29 relatifs aux ordonnances, les habilitations qu'ils prévoient ont paru suffisamment nécessaires à notre commission pour qu'elle les rétablisse, compte tenu du caractère particulièrement technique des dispositions qui doivent être élaborées, de surcroît dans des délais assez brefs.

L'article 30 bis A introduit par le Sénat créait les actions de groupe dans le domaine de la santé. Je n'y suis pas opposé sur le fond, mais j'estime qu'une réforme de cette ampleur ne peut être menée au détour d'un amendement sur un texte dont ce n'est pas l'objet, sans aucune concertation avec les associations de patients, les entreprises et les ministères concernés, ni aucune étude d'impact. Surtout, tel qu'il est rédigé, l'amendement limite les actions de groupe aux associations qui ne reçoivent pas de subventions, ce qui restreint considérablement son champ. De plus, l'action de groupe proposée ne permettrait pas d'offrir une indemnisation personnalisée aux victimes, à la hauteur des préjudices subis.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Enfin, le Sénat ne précise pas s'il se situe dans un système d'opt in ou d'opt out, ce dernier permettant d'engager une action sans que les victimes soient consultées. L'action de groupe ferait utilement l'objet d'un texte spécifique, au champ plus large et non limité au seul domaine de la santé.

Pour terminer, l'article 30 ter, voté au Sénat, prévoyait la remise au Parlement, avant le 1er janvier 2013, d'un rapport portant sur l'éventuelle extinction de la profession de visiteur médical et sur son remplacement par un corps public rattaché à la Haute autorité de santé. La commission a supprimé cet article manifestement inutile, au vu du déclin naturel de cette profession et du fait qu'aucune des deux chambres n'a souhaité retenir la voie de son interdiction pure et simple.

Telles sont, esquissées à grands traits, les modifications apportées par la commission. Encore une fois, nous avons cherché à travailler dans un esprit de dialogue et d'ouverture avec tous les groupes de cette assemblée. Il serait indigne d'instrumentaliser ce texte à des fins politiciennes. Car je crois qu'au-delà de nos désaccords, la seule chose qui nous importe est de renforcer la sécurité sanitaire pour les Français et de restaurer la confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président monsieur le ministre, chers collègues, en première lecture, nous avions voté contre ce projet de loi, considérant qu'il ne correspondait pas à l'intérêt des patients ni à celui de la sécurité sociale.

Nous avions, il est vrai, placé beaucoup d'espoir dans cette réforme du médicament, notamment à la suite des différentes annonces du ministre de la santé. Devant l'IGAS, en janvier et juin derniers, il promettait ainsi « une réforme en profondeur, qui ait du sens, dans un seul et unique objectif, protéger le patient ». Un beau programme, donc. Et notre déception est à la mesure des illusions perdues au vu du projet de loi qui nous a été présenté il y a deux mois !

Nous avions alors déposé de nombreux amendements pour faire en sorte que le doute bénéficie aux patients, un postulat maintes fois répété mais que l'on ne retrouvait pas dans le projet de loi initial. Force est de constater que votre majorité en a retenu bien peu, malgré la promesse d'une vaste concertation.

Le Sénat, à la faveur d'un changement de majorité, a pu remanier assez sensiblement ce texte et le rapprocher ainsi – ce n'est pas le moindre des paradoxes – de la réforme esquissée devant l'IGAS par Xavier Bertrand.

Malheureusement, en commission mixte paritaire tout d'abord, puis en commission des affaires sociales, le Gouvernement et la majorité ont fait preuve d'une intransigeance incompréhensible sur un sujet aussi grave.

Échec donc de la CMP, et retour de la commission des affaires sociales au texte voté par l'Assemblée : les principales avancées apportées par le Sénat ont ainsi été rejetées, non d'ailleurs sans une certaine dose de mépris.

Permettez-moi de citer quelques-uns de ces points de désaccord qui, au-delà de la question du médicament, reflètent deux conceptions différentes de l'intérêt général.

Le premier point de désaccord, peut-être le plus fondamental, concerne les conflits d'intérêts. « S'il n'y a pas transparence totale, il n'y aura pas une confiance totale », déclarait Xavier Bertrand en janvier et en juin dernier. Il ajoutait même : « La transparence totale, c'est que toutes les conventions de rétribution passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients, soient désormais publiques, consultables. », précisant bien « Toutes, sans exception ».

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur Bertrand, si l'on peut saluer la force de vos déclarations, l'on ne peut que regretter leur décalage avec vos actes. Car, depuis ces fortes paroles, vous n'avez eu de cesse de prévoir des exceptions…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est faux !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Lesquelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Certes, le « Sunshine Act à la française » prévoit bien que les avantages en nature ou en espèces accordés par les entreprises du médicament soient rendus publics, mais cette injonction n'est valable qu'au-delà d'un certain montant fixé par décret.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Un euro !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

On parle de 150 euros alors que le Sunshine Act américain fixe le plafond à 7 dollars, soit un peu plus de 5 euros. Nous proposions, pour notre part, que cela se fasse dès le premier euro.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je suis d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Il est heureux que vous ayez évolué.

De même, les députés de la majorité sont revenus sur l'interdiction des conventions d'hospitalité destinées aux écoles et aux étudiants, malgré les paroles du ministre de la santé qui assurait en juin dernier : « Pour les étudiants, qui sont les prescripteurs de demain, il faut interdire tout financement par les laboratoires dans le cadre de leurs études. »

Je cite encore un exemple : une disposition du projet de loi prévoit que les débats de la future agence du médicament puissent être rendus publics, mais c'est avant d'exclure aussitôt les informations présentant un caractère de confidentialité industrielle ou commerciale, ou celles relevant du secret médical. Cette formulation est suffisamment large et imprécise pour ouvrir la possibilité d'occulter l'essentiel.

Nous sommes évidemment prêts à reconnaître qu'il existe des secrets industriels et médicaux, et le Sénat avait même proposé de confier à la CADA, la commission d'accès aux documents administratifs, le soin de trancher en cas de doute sur le bien-fondé d'un refus de communication. Mais vous avez refusé cette disposition.

Ces exemples illustrent une différence d'approche fondamentale : nous voulons empêcher les conflits d'intérêts car ils sont dangereux ; vous les acceptez et vous vous contentez au mieux de les réguler, au pire de les cacher.

Puisque nous traitons de ce sujet, je ne peux m'empêcher d'évoquer une information, qui me parvient ce soir, selon laquelle l'une des médecins de l'AFSSAPS, qui avait en charge, entre autres dossiers, l'évaluation du Mediator de 1998 à 2009, date de son retrait du marché, vient d'être promue par l'agence au poste important de directrice produit en oncologie, hématologie, immunologie et néphrologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Le quotidien qui nous livre cette information cite le nom de Mme Catherine Rey-Quinio.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Nous allons en parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Un deuxième point de désaccord concerne l'expertise.

« Pour garantir une évaluation indépendante et de qualité, ne faut-il pas moins se reposer sur l'expertise externe et renforcer au contraire notre expertise interne ? » M. Bertrand se posait cette question en janvier dernier. Peut-on en effet se contenter de confier aux laboratoires le soin d'évaluer eux-mêmes leurs produits ou de confier cette évaluation à des experts rémunérés par l'agence du médicament, mais ayant des liens d'intérêts avec les laboratoires concernés ?

Pour répondre à ces questions, nous avions proposé la création d'un corps d'experts indépendants, en quelque sorte « garantis sans conflits d'intérêts ». Le Gouvernement nous a opposé un nouveau refus, aussi catégorique qu'inexplicable puisque même la simple proposition d'un rapport sur la question a été repoussée.

Vous assimilez d'ailleurs étrangement compétences et conflits d'intérêts. Pour vous, la compétence d'un chercheur qui n'aurait jamais travaillé pour un laboratoire pharmaceutique privé est douteuse. Quel mépris pour la recherche française ! Quel mépris pour ces universitaires compétents, à la pointe dans leur domaine, dont les recherches ne sont pas financées par des industriels mais guidées par une certaine idée du sens de leur métier, de l'intérêt général et du bien public !

Enfin, dernier exemple de désaccord, vous avez refusé, de façon tout aussi catégorique, la possibilité d'actions de groupe en matière de réparation des accidents médicamenteux.

On comprend aisément les risques encourus par les industriels si de telles actions de groupes étaient possibles. On comprend moins en revanche, quels dangers elles pourraient présenter pour les patients. Il est évident que la menace de telles actions de groupe est dissuasive. Peut-être aurait-elle conduit les laboratoires Servier à agir de façon moins cynique, par exemple en retirant le Mediator de la vente dès les premiers soupçons.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

On peut l'espérer, mais ce n'est même pas certain !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

L'énumération de tous ces exemples concernant des points essentiels donne la mesure de l'ampleur de vos reniements depuis qu'a éclaté le scandale du Mediator. Évidemment, après ce scandale, personne n'aurait compris que le Gouvernement ne parle pas et n'agisse pas. Vous avez, en conséquence, multiplié les déclarations plus fracassantes les unes que les autres et annoncé un projet de loi sur le médicament. On allait voir ce qu'on allait voir ! Nous avons vu.

Ce qui ressort des discussions à l'Assemblée, ainsi que de l'obstination du Gouvernement et des députés de la majorité à défendre sans le modifier ce texte imparfait et permissif, c'est que rien d'essentiel ne va changer. Vous allez seulement réaménager quelques aspects à la marge pour protéger les industriels d'une réforme qui, à la lumière du scandale du Mediator, aurait dû être beaucoup plus ferme.

Décidément, le financement de l'UMP par Jacques Servier, récompensé par une légion d'honneur,…

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Promise par Mitterrand !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…comme la malheureuse intervention de son laboratoire dans l'écriture d'un rapport sénatorial témoignent d'une inquiétante porosité entre les élus chargés de faire la loi et les industriels auxquels cette loi s'applique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Au bout du compte, loin de dissiper les soupçons, ce texte les renforce. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'adopter une motion de rejet préalable.

L'information que je viens de vous communiquer concernant la promotion d'une experte du Mediator alors même que nous discutons de ce projet de loi, montre bien que ce texte ne change rien. Elle montre bien ce qu'il en est réellement de la vigilance et de la détermination du Gouvernement. Monsieur le ministre, nous attendons vos explications à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Nous ne voterons évidemment pas cette motion de procédure.

Après les problèmes liés à la vaccination contre la grippe, après la publication d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance renforcée sans explications claires, après l'affaire du Mediator, il est important que nos concitoyens retrouvent la confiance qu'ils pouvaient avoir dans le médicament. Il est donc nécessaire de revoir l'ensemble de la chaîne du médicament.

À cet égard, le projet de loi du Gouvernement nous semble équilibré. Il essaie de régler le problème des conflits d'intérêts, ce qui est loin d'être simple. Il aborde la question de l'expertise. Il prévoit que les autorisations de mise sur le marché seront délivrées après une comparaison avec les médicaments existants et non plus avec un placebo. Il propose de revoir les autorisations de mise sur le marché déjà accordées. Il renforce la pharmacovigilance.

À mon sens, tous ces points constituent des progrès. Il me semble donc impossible de rejeter le projet de loi et d'en rester au statu quo, d'autant que je n'ai pas entendu de propositions alternatives satisfaisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Madame Fraysse, vous avez commencé votre intervention en annonçant que vous placiez beaucoup d'espoir dans notre réforme. Ç'aurait pu être une bonne conclusion : vous auriez dû vous en tenir là ! (Sourires.) Pour notre part, nous avons en effet beaucoup d'espoir.

Vous avez évoqué l'échec des travaux de la commission mixte paritaire. Il faudrait savoir qui en est vraiment responsable. En tout cas, il n'était possible d'obtenir aucune concession de la part des sénateurs qui y siégeaient.

Vous faites un procès d'intention au ministre concernant le « Sunshine Act à la française », alors que vous n'ignorez pas que la loi Évin contre les cadeaux date de 1993 – votre camp était alors aux affaires. Ce texte prévoit déjà un contrôle des conventions relatives à l'hospitalité et aux études scientifiques que les industriels de la santé proposent aux médecins, et il prône une transparence totale.

Vous faites un procès à l'industrie pharmaceutique en général. Pourtant, vous savez, comme le parti politique auquel vous appartenez, que la France a besoin de cette industrie et de laboratoires de recherche. Cela ne vous empêche pas de faire l'amalgame entre un laboratoire qui a commis des fautes, et qui doit en répondre devant la justice, et l'ensemble d'une industrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

M. Door vit dans un monde qui n'est pas le nôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Les amalgames sont dangereux. Et puis souvenez-vous que le laboratoire en question propose son médicament depuis trente ans : il est arrivé que vous soyez aux affaires pendant cette période. Lors de la remise de la légion d'honneur que vous citez, de célèbres ministres de gauche étaient présents.

Décidément, l'UMP ne peut pas voter la motion de rejet préalable. Nous avons besoin de ce projet de loi pour restaurer la confiance que les Français accordent au médicament. Finalement, madame Fraysse, je suis d'accord avec vous : nous plaçons beaucoup d'espoir dans cette réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Il peut sembler paradoxal de demander le rejet préalable d'un projet de loi que certains d'entre nous appellent de leurs voeux depuis de nombreuses années. La procédure parlementaire et la volonté de disposer d'un peu plus de temps de parole nous imposent souvent de défendre des motions de procédure.

Au-delà des aspects qui font défaut à ce projet de loi – Mme Fraysse a eu raison de mettre l'accent sur le problème de l'indemnisation et sur les actions de groupe –, je veux revenir à cette information qui nous interpelle cruellement.

Une dépêche AFP et un article paru dès ce soir sur le site internet du Figaro, avant de sortir dans l'édition de demain matin, nous informent qu'avant de rejoindre l'AFSSAPS où elle s'est occupée du Mediator, le docteur Rey-Quinio, qui vient d'être promue par l'agence, a travaillé pour les laboratoires Servier, où elle occupait le poste de médecin-produit en charge de l'Isoméride. L'Isoméride est une sorte de cousin du Mediator : leur métabolite commun a lésé le système cardio-vasculaire des patients, provoquant hypertension artérielle pulmonaire et valvulopathies cardiaques.

Ce médecin a donc connu l'épisode belge de l'affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Dès 1991, le docteur Ewalenko, sorte d'homologue précurseur du docteur Frachon, signalait des insuffisances aortiques sous Isoméride. Ce cardiologue belge avait naïvement adressé ses premières notifications au laboratoire Servier, qui les a mises de côté. À partir de 1993, deux autres médecins belges ont signalé des insuffisances aortiques, dont certaines apparues chez des patients placés sous Isoméride seul. Ces informations ont été masquées en 1995 par le docteur Kurz, à l'époque responsable de l'Agence de pharmacovigilance belge, aujourd'hui en charge de la pharmaco-épidémiologie pour l'Agence européenne du médicament. Cela a permis, cette même année, de lancer le Redux, un équivalent de l'Isoméride, sur le marché américain. Jusqu'à ce que, en 1997, une publication du docteur Connolly…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

En 1997, disais-je, après la publication par le docteur Connolly, de la Mayo Clinic, d'un article sur les valvulopathies, on a retiré en catastrophe le Redux aux États-Unis, puis l'Isoméride en France et en Europe. Or, plus de 11 milliards de dollars d'indemnités seront ensuite versés aux victimes du Redux, pour deux ans d'exposition à ce médicament. Tout cela était donc connu. Puisque M. le rapporteur nous a annoncé que ce texte allait restaurer la confiance, ce problème éthique mérite d'être posé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le ministre, Jacqueline Fraysse a bien montré le sens que nous donnions à cette motion de rejet préalable. Il s'agit, non pas de rejeter ce texte, qui est attendu par la population, mais d'inviter nos collègues à le réécrire et à l'améliorer, afin d'éviter que ne se reproduisent les scandales de l'Isoméride et du Mediator. Il faut en finir avec les situations dans lesquelles on ignore qui contrôle qui, ou qui s'autocontrôle en bénéficiant de la bienveillance d'on ne sait qui.

Jacqueline Fraysse a montré combien il est important que nous fassions confiance à nos fonctionnaires. Je sais que, sur certains bancs, le concept de serviteur de la fonction publique est mal accepté. Pourtant, les chercheurs de la fonction publique sont aussi compétents que ceux qui sont au service des laboratoires et ils sont capables de garantir, en toute indépendance, la sécurité du médicament que la population attend avec impatience.

Le Gouvernement tient toujours deux discours : celui de l'émotion – on le voit encore aujourd'hui – et, plusieurs mois plus tard, celui de la loi, qui devrait traduire dans les textes les intentions affichées. Nous connaissons les qualités de tribun qui peuvent être celles du ministre de la santé lorsqu'il s'agit de dire : « Le Gouvernement fera », « Le Gouvernement a entendu », « Plus jamais ça ! », « On va faire une loi ». C'est pourquoi, aujourd'hui, nous vous proposons de faire, non pas une loi, mais la loi qui empêchera que se reproduise ce type de situation. Nous voterons donc la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je souhaite que la motion de rejet préalable soit repoussée. Mesdames, messieurs les députés du groupe GDR, vous ne pouvez pas le dire, mais vous vous rappelez sans doute les propos du sénateur Autain.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Tout à fait.

Lors de la conférence de presse qui avait suivi la remise du rapport de l'IGAS, il avait indiqué que jamais il n'aurait pensé que nous irions aussi loin et il s'était demandé à quel moment on m'arrêterait. Donc, vous pouvez dire ce que vous voulez, faire des effets de manche : cette loi apporte un réel changement, et vous le savez bien. La vérité est tout autre que ce que vous avez dit.

Je souhaiterais revenir à un point qu'a évoqué Mme Fraysse et sur lequel Gérard Bapt a insisté tout particulièrement : la nomination comme préfigurateur des futures directions de Mme Rey-Quinio. Je n'apprécie pas cette nomination. Dans la mesure où cette dame, même si elle occupait auparavant des fonctions à l'AFSSAPS, a travaillé pour Servier, et pas sur n'importe quel médicament, puisqu'il s'agit de l'Isoméride, j'estime qu'il n'est pas bon qu'elle puisse occuper un futur poste de direction.

Un cabinet de recrutement a réalisé le préfiltre. Je m'interroge sur sa qualité, car un cabinet de recrutement se doit tout de même de connaître les antécédents des candidats. Dominique Maraninchi, avec qui je m'en suis entretenu, m'a indiqué qu'il y a deux possibilités : soit Mme Rey-Quinio retire sa candidature, soit elle ne le fait pas et il reviendra au conseil d'administration de valider les futures directions. En tout état de cause, il faut qu'il n'y ait aucun trouble ; la confiance nécessaire ne doit pas pouvoir être mise en question. Je me suis entretenu de cette question avec le directeur général de l'agence avant le début de la séance, lorsque j'ai pris connaissance de l'article du Figaro puis de la dépêche de l'AFP : sur tous ces sujets, il est important de bien montrer que chacun a compris qu'il doit y avoir un avant et un après.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je ne sais pas, madame Fraysse, si vous me témoignez votre soutien, car vous ne m'écoutez pas. (« Si, si ! » sur les bancs du groupe GDR.) Je croyais pourtant que cette question, qui n'est pas mineure, vous intéressait, puisque vous m'avez interpellé à ce sujet.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Ce n'est pas la peine de vous énerver !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Soyons clairs : même si cette personne était auparavant à l'AFSSAPS, le fait qu'elle occupe demain un poste de direction à l'agence du médicament poserait problème.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Non, voilà la vérité. Madame Fraysse, je ne vous permets pas de mettre en doute ma sincérité !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Peut-être, mais, moi, je ne mets pas en doute vos convictions.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Quand j'ai quelque chose à dire, je le dis en face, quel que soit mon interlocuteur. Je le répète : je n'apprécie pas cette nomination et je ne souhaite pas qu'elle aille à son terme. Le jour où vous serez ministre, vous verrez comment cela se passe et nous en reparlerons.

Vous êtes tout de même bien gênée que l'on avance sur ce sujet !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Regardez-vous, madame ! Cela fait des années que vous haussez le ton. Là, parce que nous prenons des décisions, vous cherchez à tout prix le moyen de nous critiquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Vos décisions, c'est la nomination de cette dame !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Cette attitude-là, je vous en laisse la responsabilité. Je sais une chose : nous avons besoin de montrer que la confiance est au rendez-vous.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je vais même plus loin. Deux personnes qui travaillaient à l'AFSSAPS ont dû quitter cette agence. Parmi elles se trouve Mme Castot, qui exerce aujourd'hui ses fonctions à l'ARS d'Île-De-France. Eh bien, j'ai l'intention de demander à Claude Évin, à qui je fais entièrement confiance, qu'il me précise les conditions dans lesquelles cette dame effectue sa mission aujourd'hui, car elle s'occupait de vigilance à l'AFSSAPS et est également en charge de la vigilance à l'ARS. Ce n'est pas parce qu'une personne a travaillé à l'AFSSAPS qu'elle doit être marquée au fer rouge pendant toute sa vie professionnelle, mais j'ai besoin que l'on soit très clair sur le sujet.

Encore une fois, il est important que l'on ne se méprenne pas. Dominique Maraninchi me l'a dit : compte tenu de l'émotion qu'a suscitée cette annonce, le mieux est que Mme Rey-Quinio retire sa candidature. À bon entendeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, l'engagement que vous venez de prendre au sujet de cette nomination, qui fait débat, au sein de la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Lors du premier examen du projet de loi par notre assemblée, j'avais souligné l'état d'esprit dans lequel les membres du groupe SRC se trouvaient et leur volonté de proposer aux Français un texte efficace pour éviter que ne se reproduise un scandale comme celui du Mediator. À la conclusion de nos débats, j'avais donc expliqué pourquoi notre groupe, fidèle à cet état d'esprit – contrairement à ce que vous avez parfois malhonnêtement laissé entendre à propos de la commission mixte paritaire –, s'abstenait sur un texte qui, certes, contenait des avancées, mais demeurait encore trop perfectible, et laissait le soin à la nouvelle majorité du Sénat de l'améliorer.

Jamais nous n'avons été d'accord sur l'ensemble de votre projet de loi, étant intimement convaincus que l'ampleur du problème à régler imposait des mesures bien plus fortes que celles que vous proposiez. Parce que nous avions confiance en la nouvelle majorité du Sénat, nous nous étions abstenus, par esprit d'ouverture, pour donner une seconde chance à ce texte. Nous avons eu raison, puisque le texte fut largement amélioré, dans le sens d'un renforcement de la sécurité sanitaire des produits de santé.

Cette chance, la majorité gouvernementale a décidé de ne pas la saisir. En trouvant un argument de désaccord incompréhensible sur le fond – j'y reviendrai –, les groupes de la majorité présidentielle, l'UMP et le Nouveau Centre, ont prouvé les limites de leur indépendance vis-à-vis de je ne sais quelle force, force néanmoins capable de les aider à faire échouer la CMP. Cet échec était d'ailleurs annoncé, puisque nous avions reçu, avant même la tenue de la commission mixte paritaire, une convocation de la commission des affaires sociales. Dès lors, nous vous l'annonçons dès à présent : si vous ne votez pas cette motion de renvoi en commission, nous discuterons de ce texte mot à mot, article après article.

S'agissant de l'article 1er, je tiens d'abord à souligner vos contradictions. Lorsque vous nous indiquez qu'il est quasiment impossible de trouver des experts à la fois compétents et indépendants – la compétence ne pouvant s'acquérir, selon vous, qu'au détriment de l'indépendance –, tout en refusant que la constitution d'un corps d'experts indépendants au sein de l'ANSM fasse l'objet d'un rapport, vous vous empêchez de vérifier la véracité de vos affirmations, ce qui tend à prouver que celles-ci sont soit erronées, soit farfelues. Je vous mets au défi de dire, les yeux dans les yeux, aux pharmacologues des centres de pharmacovigilance régionaux, qui travaillent de manière indépendante des firmes pharmaceutiques, qu'ils sont incompétents.

Ensuite, il me semble que le texte de la commission ne va pas suffisamment loin, notamment pour le temps d'analyse des conflits d'intérêts des présidents des grands établissements ou instituts relatifs à la santé. Pourquoi ne pas étendre cette analyse aux trois années précédant la prise de fonctions ? Faut-il rappeler qu'il s'agit de s'assurer de l'indépendance de personnes qui seront amenées à jouer un rôle très important dans notre système de pharmacovigilance ?

Ainsi, il pourrait naturellement être demandé au nouveau président de la Haute autorité de santé d'indiquer si son service a touché de l'argent pour la réalisation d'essais cliniques – ce qui est tout à fait logique –, voire s'il a été rémunéré à titre personnel. Cela a du reste été fait, monsieur le ministre, puisque nous avons auditionné le président, qui a ensuite déclaré ses liens d'intérêts. Or – et je ne mets pas en cause sa personne – le montant des sommes qu'il a lui-même touchées laisse perplexe, je vous le dis sincèrement.

Pourquoi également ne pas aller plus loin dans la procédure de publicité et de conservation des débats ? Pourquoi refuser de garder par exemple les opinions minoritaires, qui peuvent s'avérer justes en cas de problème de pharmacovigilance ? Pourquoi ne pas inclure les groupes de travail préalables dans le dispositif ? Ne serait-ce pas prendre le mal à la racine ? Quelle raison objective et politiquement défendable peut justifier une telle partialité ? Pourquoi encore renvoyer à une « charte » la définition des modalités de choix des experts, du processus d'expertise, des rapports entre expertise et pouvoir de décision, de la notion et des cas de conflits d'intérêts ? On sait ce que valent ces chartes : elles ne sont pas opposables. Qu'il s'agisse de la charte de l'agroalimentaire ou de celle de la visite médicale, on a vu où cela nous a menés. Pourquoi ne pas créer plutôt une expertise véritablement indépendante au lieu de vous contenter de belles paroles ? Où est la volonté politique si fortement affirmée à la conclusion des assises du médicament ? Elle existe, mais elle n'est pas suffisamment forte.

Autre point faible de ce texte : le pantouflage, dont nous n'avons pas vraiment discuté. Comment laisser perdurer une pratique qui favorise intrinsèquement les conflits d'intérêts ? Comment justifier que des ministres ou des secrétaires d'État à la santé pantouflent dans l'industrie pharmaceutique ou dans des fondations qui en dépendent ? Excusez-moi de personnaliser, mais il est bon de prendre des exemples concrets. Comment expliquer qu'un ancien directeur général de l'INPES puisse passer à la direction générale du LEEM, le syndicat des entreprises du médicament, sans que cela pose problème ? Cette situation est-elle acceptable ? Peut-être, mais elle devrait préalablement faire l'objet d'un examen de la commission de déontologie. Or, je ne suis pas certaine qu'un tel examen ait eu lieu à l'époque. Le texte permet-il de mettre fin aux dérives qui ont pu être à l'origine de ces scandales ? Nous sommes loin d'en être sûrs et nous aurions aimé que la majorité gouvernementale puisse faire preuve d'un peu plus de courage pour réformer cette pratique qui jette le discrédit sur de nombreuses institutions.

S'agissant des avantages, force est de constater que le texte de la commission est en deçà des propositions émises par le Sénat. Dois-je vous rappeler une énième fois le précédent créé par l'industrie pharmaceutique au sein de la faculté de médecine et de pharmacie de Clermont-Ferrand ? Dois-je vous rappeler le poids pris par les industriels au sein des facultés dans la formation de nos futurs médecins, pharmaciens ou sages-femmes – bref, futurs prescripteurs – depuis la loi dite « d'autonomie » des universités ? Dois-je enfin vous rappeler le recours aux groupements d'étudiants, qui constituent le moyen de leur faire parvenir des subventions ?

Les sanctions pénales que vous proposez sont hors de proportion – et pourraient même faire rire, si le sujet n'était aussi grave – avec les résultats nets des industries pharmaceutiques. Comment oser prévoir de condamner à des peines d'amende de 45 000 euros les industries qui contreviendraient à la loi en ne déclarant pas les conventions passées ou en faisant de fausses déclarations, quand ce comportement va leur permettre de générer des chiffres d'affaires de l'ordre de 260 millions d'euros, comme cela a été le cas avec les anti-Alzheimer ? Mes chers collègues de la majorité, monsieur le ministre, je suis au regret de vous dire que vous venez d'inventer le forfait d'entrée à la fraude ! Grâce à vous, un industriel pourra désormais décider de régler 45 000 euros pour se dispenser de déclarer ses conventions…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Quelle caricature ! Comme si les choses pouvaient fonctionner de cette manière !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Ce n'est pas une caricature ! Une émission de télévision a clairement montré, au sujet des anti-Alzheimer, que les choses se passaient comme je viens de l'expliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Cette décision est d'ailleurs à l'image de l'ensemble de ce texte – limitée dans sa portée face aux industries.

Que dire de la démocratie sanitaire et de la transparence qu'elle devrait assurer ? Lorsqu'on évoque les associations subventionnées par l'industrie, ce n'est pas à ces associations que nous en voulons : elles n'ont pas les moyens de fonctionner sans l'argent de l'industrie, puisque vous vous employez à les assécher. Toutefois, chacune de ces associations peut jouer le rôle d'un cheval de Troie s'introduisant dans l'Agence du médicament. Ainsi, la notion de « proximologie », inventée il y a quelques années par un laboratoire, est-elle devenue un terme institutionnel : on a pu voir, dernièrement, un colloque se tenir sous le patronage de la secrétaire d'État sur le thème de la « proximologie », un terme inventé par l'industrie pharmaceutique et faisant référence à l'accompagnement des malades et de leur entourage !

J'en viens au pouvoir de contrôle, par la future Agence nationale de sécurité du médicament, de la sûreté des thérapeutiques commercialisées, qui va me fournir un nouvel argument prouvant votre frilosité à encadrer l'industrie. C'est un point essentiel pour éviter tout nouveau Mediator : soit l'ANSM est dans l'obligation de demander une étude de sûreté si une molécule pose de nombreux problèmes d'effets indésirables ou si son application thérapeutique peut être modifiée, soit elle en a simplement la possibilité. Pourquoi se priver de l'obligation de contrôler ? À ce jour, rien ne saurait le justifier. La seule raison susceptible de pousser la majorité à ne pas mettre en place cette obligation, c'est sa volonté de ne pas trop brusquer une industrie pharmaceutique très puissante dans notre pays – M. Door nous le répète sans cesse –, comme nous l'a démontré sa capacité à faire, l'été dernier, une campagne promotionnelle fort coûteuse dans les quotidiens et les hebdomadaires, agitant l'épouvantail des délocalisations et des pertes d'emplois, et laissant penser aux Français qu'ils ne pourraient plus accéder aux innovations thérapeutiques. Vous avez vous-même admis, monsieur le ministre, que nous n'avions pas les moyens, en tant que politiques, de nous opposer à cette campagne faite par le LEEM contre un projet de loi dont nous n'avions même pas entamé la discussion.

Sur la réglementation de la publicité pour les médicaments, votre faiblesse politique est tout aussi criante. L'annonce de Mme la ministre du budget de soustraire un million d'euros au budget de l'INPES nous a tout simplement scandalisés ! Je le dis à cette tribune au nom de l'opposition : les campagnes de vaccination doivent faire partie des compétences régaliennes de l'État. On nous dit que l'INPES dispose d'un « matelas » de 17 millions d'euros dans lequel on peut puiser. Comme si cette somme ne devait pas servir à donner les orientations vaccinales, à lancer les campagnes de vaccination nécessaires dans notre pays ! Vous prétendez nous rassurer en affirmant que les campagnes des laboratoires feront l'objet d'une validation préalable mais, en réalité, si validation il y a, ce ne sera qu'au sujet de la forme, non du contenu : nous ne verrons jamais l'État intervenir auprès d'une entreprise pharmaceutique pour tenter d'influer sur les priorités en matière vaccinale – et s'il le fait, ce sera en vain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Nous en reparlerons ! Alors qu'il y a urgence sur la rougeole, je n'ai pas vu, jusqu'à présent, les industriels déployer une grande activité dans ce domaine !

Allons-nous devoir nous résigner à voir l'industrie pharmaceutique poursuivre ses campagnes de publicité pour les vaccins ? Sachez, monsieur le ministre, que l'opposition est contre !

Je dois avouer avoir été assez choquée, en commission, par l'attitude de mes collègues de la majorité, trouvant tous les arguments possibles pour ne pas donner plus de poids à l'État dans la publicité pour les vaccins. À les entendre, si on ne laisse pas les industriels faire ce qu'ils veulent, il n'y aura bientôt plus de prévention possible dans notre pays, plus de politique vaccinale ! N'est-ce pas là un déni de l'action du politique, au moment même où vous affirmez qu'il faut remettre du politique dans la gestion du médicament ?

Concernant la formation médicale continue – désormais appelée « développement personnel continu » ou DPC –, je vais être, là encore, en désaccord avec mes collègues de la majorité. Arguant de l'absence de l'industrie pharmaceutique au sein de l'organisme gestionnaire du DPC, vous vous gargarisez d'une formation indépendante. Très bien, mais où allez-vous trouver les 400 à 600 millions d'euros nécessaires à la formation continue de nos médecins, selon l'estimation réalisée par M. Bapt, rapporteur du budget sur la santé ? Vous semblez penser qu'en augmentant de 0,6 % la taxe sur le chiffre d'affaires des industriels, ce qui va rapporter 150 millions d'euros, vous allez pouvoir assurer un DPC indépendant. Il y a, entre les besoins évalués et les ressources que vous envisagez, un fossé qu'il sera bien difficile de combler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Vous feriez mieux d'écouter, monsieur le ministre, au lieu de bavarder !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Mais j'écoute !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Un autre sujet, qui me laisse tout aussi dubitative, est celui du GIP sur les études de vigilance et d'épidémiologie. Quand on fait la loi, il faut être précis. D'abord, que veut dire le terme « vigilance » ? S'agit-il d'une vigilance routière, aérienne, nucléaire ? Il eût été plus clair de faire référence à la pharmacovigilance, terme beaucoup plus explicite lorsqu'il est question de produits de santé.

Quel intérêt y a-t-il à créer un tel groupement quand l'Institut des données sanitaires pourrait très bien remplir les mêmes missions – même si son fonctionnement pourrait être amélioré ? Et pourquoi ne pas y associer l'INPES, qui dispose déjà d'une expertise sur les données du territoire ? Pourquoi laisser la CNAM faire une OPA sur les données de santé ? Quid de la MSA, du RSI, des associations de patients, souvent les mieux placées pour connaître les effets indésirables des médicaments ? Ces questions pourtant légitimes n'ont toujours pas trouvé de réponse auprès de vous, monsieur le ministre : je vous ai interrogé à ce sujet lors de la première lecture, mais vous ne m'avez pas répondu.

Pour conclure, je souhaite aborder un sujet de grand désaccord entre nous : les actions de groupe. Vous persistez à refuser l'instauration de cette démarche : même après l'affaire du Mediator, ce n'est toujours pas le moment – en fait, ce n'est jamais le moment. M. Door, rapporteur de la commission d'enquête sur le Mediator, nous a pourtant indiqué, lors de son rendu de conclusions, que les actions de groupe figureraient dans le projet de loi sur le médicament, celui-là même dont nous discutons aujourd'hui…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit ! J'ai uniquement parlé de « réflexion » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Bien sûr ! Comme d'habitude, on engage d'abord une réflexion, on envisage ensuite de créer une commission , puis on verra pour une résolution !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Si vous l'avez dit, monsieur Door, et c'est l'une des raisons pour lesquelles mes collègues, vous faisant confiance à tort, ont voté ce rapport. À mon sens, une telle attitude frise la malhonnêteté intellectuelle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Vous préférez donc voir des individus continuer à s'engager dans des démarches longues, éprouvantes, onéreuses, plutôt que de les voir s'unir au risque de mettre en difficulté certaines industries. Quand cette question sera-t-elle mise à l'ordre du jour de notre assemblée ? Ce n'est pas le moment aujourd'hui, mais ce n'était déjà pas le moment dans le cadre de la loi de protection des consommateurs. Alors quand viendra enfin le moment ?

En réalité, vous effectuez un exercice périlleux consistant à ne froisser réellement personne : ni les citoyens, en attente de véritables avancées de nature à les rassurer face à la crainte née des scandales autour du médicament, ni l'industrie, que vous ne voulez pas inquiéter, car on ne sait pas jusqu'où elle pourrait aller dans ses menaces. Le résultat est donc à l'image de votre engagement : tiède ! Quelques avancées, mais rien de suffisamment fort : vous avez opté pour une stratégie de recul par rapport au texte du Sénat, qui était meilleur que celui émanant de la commission.

Afin que vous méditiez sur la limite de votre stratégie et que vous puissiez vous donner une dernière chance de faire en sorte que ce texte réponde aux réelles attentes des Français que nous représentons ici, je demande à notre assemblée, au nom du groupe SRC, le renvoi de ce texte en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

M. le ministre fait preuve d'à-propos, il n'est jamais à court d'arguments et sait mettre le ton pour faire passer toute son indignation face à des situations effectivement graves. Toutefois, au-delà des déclarations, ce sont les actes qui comptent, monsieur le ministre, et dans ce domaine vous êtes beaucoup moins brillant ! Plutôt que de répondre sur le fond des questions soulevées, vous tenez des propos provocateurs. De même, vous n'avez pratiquement pas cessé, durant mon intervention et celle de Mme Lemorton, de bavarder avec le rapporteur assis à vos côtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

De toute évidence, vous êtes davantage préoccupé par les effets de manche que par la réforme profonde d'un système gangrené par l'appétit financier des laboratoires pharmaceutiques, au point de déclencher des drames sanitaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Pour conclure, je dirai qu'il n'y a pas grand-chose à retenir de la réponse que vous avez faite à la motion de rejet préalable que j'ai défendue précédemment. Je note toutefois votre malaise à l'évocation de la nomination de Mme Rey-Quinio, une nomination qui tombe mal, c'est le moins que l'on puisse dire, et sur laquelle vous avez bien voulu faire part publiquement de votre réserve. S'il s'agit d'une réaction positive de votre part, permettez-moi de vous dire que nous attendons tout de même la suite – car, je vous le répète, c'est sur vos actes que nous nous faisons une opinion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Le texte qui nous est soumis est attendu, nécessaire et équilibré. Catherine Lemorton nous fait beaucoup d'honneur en affirmant que le Nouveau Centre a été, avec l'UMP, à l'origine de l'échec de la CMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je veux rappeler à notre collègue qu'en CMP je n'occupe qu'un strapontin ne me donnant pas de droit de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Il n'y avait aucun sénateur Nouveau Centre ! En réalité, ce que vous attribuez à notre groupe est à mettre au compte d'un sénateur du Modem soutenu par l'UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

M. Préel ne veut pas être assimilé à ces gauchistes du Modem ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Allons, mes chers collègues !

Veuillez poursuivre, monsieur Préel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je suis interpellé, il faut bien que je réponde, monsieur le président !

En réalité, s'il n'y a pas eu d'accord en CMP, c'est parce que les sénateurs de la majorité sénatoriale ne voulaient pas bouger. Or, la conclusion d'un accord entre deux parties suppose qu'elles soient toutes deux disposées à faire un pas en direction de l'autre.

Nous avons à nouveau discuté du texte en commission et débattu des amendements. Nous allons aborder demain la discussion des articles et des amendements, et il ne nous paraît pas nécessaire de retourner en commission. Si le texte mérite d'être amélioré, vous allez sans doute déposer des amendements et les défendre, madame Lemorton – et si vous les défendez avec conviction, certains d'entre eux seront peut-être adoptés.

En tout état de cause, le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Je suis un peu embarrassé au sujet de la motion de renvoi en commission que vous venez de défendre, madame Lemorton. S'il est vrai que vous connaissez très bien le sujet, l'exagération dont vous avez fait preuve dans la forme est révélatrice de l'insuffisance du fond. Pour justifier un renvoi en commission, vous vous faites procureur…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

…et vous stigmatisez tous les acteurs de la chaîne – le politique, le médecin, l'expert et, bien sûr, l'industrie pharmaceutique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous êtes dans le registre de la caricature lorsque vous évoquez un « forfait d'entrée dans la fraude », et proche de la diffamation lorsque vous affirmez que notre collègue Jean-Pierre Door fait preuve de malhonnêteté intellectuelle – sur ce dernier point, je veux croire que vos paroles ont dépassé votre pensée !

Ce projet de loi est déjà venu trois fois devant les députés – deux fois en commission, une fois en séance publique – et c'est donc la quatrième fois que nous allons travailler sur ce texte basé sur la transparence en matière de liens d'intérêts et la nouvelle gouvernance des produits de santé, avec un thème cher à M. le ministre, à savoir la restitution au politique de sa fonction décisionnaire.

La commission a fait le choix de conserver certaines dispositions adoptées par le Sénat et de revenir sur d'autres. Nous avons désormais un texte à la fois très enrichi et équilibré.

Je ne reviendrai pas sur toutes les modifications apportées en commission ces derniers jours. J'évoquerai néanmoins l'article 5, duquel les sénateurs socialistes ont exclu la quasi-totalité des associations de patients au point qu'elles ont dû monter au créneau et solliciter les députés du groupe UMP pour qu'ils reviennent sur cette décision.

À l'article 5 bis, nous avons adopté un amendement du groupe SRC sur la création de la base de données.

À l'article 8 – c'est extraordinaire ! – les sénateurs socialistes ne voulaient pas que l'on notifie à la nouvelle agence tout arrêt de commercialisation à l'étranger d'un médicament commercialisé en France. N'oublions pas l'Espagne et le Mediator…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Lefrand

Heureusement, nous sommes revenus sur cette modification.

Le Sénat avait en outre supprimé, à l'article 12, la possibilité de mentionner le nom de fantaisie ou nom de marque alors même que, dans certains cas, il est indispensable pour dispenser le médicament.

Je n'insisterai pas sur l'article 15 ni même sur l'article 19 – sur lequel nous devrons revenir, les députés du groupe UMP ayant par trois fois confirmé leur choix d'un dispositif plus raisonnable et qui tienne compte à la fois des problèmes de santé publique et de la nécessaire information de l'ensemble des prescripteurs.

Autant de sujets déjà abordés ; il est donc temps de poursuivre nos débats en séance publique afin que l'on puisse enfin mettre en oeuvre cette réforme. Les députés du groupe UMP rejetteront donc la motion de renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La parole est à Mme Martine Pinville, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le ministre, au cours de votre conférence de presse du 23 juin 2011 sur la réforme du médicament, vous avez déclaré : « J'ai dit que notre responsabilité, mon devoir, étaient de rebâtir un nouveau système du médicament,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

…un nouveau système de sécurité sanitaire avec un objectif : qu'il n'y ait pas demain de nouveaux Mediator. C'est la condition de la confiance dans nos médicaments.

« Ce n'est pas un sujet partisan, c'est une volonté qui doit être partagée par l'ensemble des acteurs. Voilà pourquoi j'ai souhaité avoir les contributions du plus grand nombre. »

Vous avez également affirmé : « Notre police du médicament doit mieux assurer la sécurité des patients. Le doute doit toujours bénéficier aux patients.

« Premier pilier de notre réforme : la lutte contre les conflits d'intérêts et la transparence des décisions. Cela passe par deux voies : l'indépendance des experts et l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale.

« Il s'agit, en quelque sorte, de la transposition du système américain du Sunshine Act, qui s'adresse à l'ensemble des acteurs du monde de la santé. »

Vous considérez également que, selon le second pilier de votre réforme, « le doute doit bénéficier systématiquement au patient ».

Monsieur le ministre, en l'état, ce texte n'est pas la loi post-Mediator mais la « loi Bertrand ». Vous comprendrez donc que nous demandions le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

C'est méchant, et rien ne justifie de tels propos !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je remercie l'Assemblée de ne pas avoir voté le renvoi du texte en commission. Si votre seul grief est que c'est moi qui l'ai présenté, j'en suis sincèrement désolé mais, rassurez-vous, je ne serai pas ministre de la santé à vie et le texte continuera par conséquent d'être appliqué – et l'on oubliera un jour qui l'a défendu car tel n'est pas l'enjeu.

Ce texte, avant même d'être adopté, a inspiré les comportements – et je remercie Dominique Maraninchi pour l'action exemplaire qu'il mène à la tête de l'AFSSAPS.

Actos, Nizoral, Buflomédil, Fonzylane – sans compter le Vastarel, en cours d'examen –, tous ces médicaments ne sont plus commercialisés sur le marché français. S'il n'y avait pas eu l'affaire du Mediator avec la prise de conscience et les nouvelles attitudes qui en ont résulté, et alors que certains se retrouvaient « emberlificotés » avec la réglementation européenne, ces médicaments seraient toujours en vente.

L'action très déterminée de l'AFSSAPS en matière de surveillance des médicaments montre bien qu'il y aura un avant-Mediator et un après-Mediator.

De nombreux députés de l'opposition nous reprochent de ne pas agir. Ce n'est pas vrai, notamment en ce qui concerne les conventions. Je préfère la mesure symbolique fixant l'obligation de déclarer à un euro, même si elle est contraignante, plutôt que l'existence de zones d'ombre.

En outre, notre crédibilité dépend de la mise en oeuvre des mesures que j'ai souhaitées et annoncées. Il ne sert donc à rien de se caricaturer les uns et les autres alors que, depuis quelques mois, nous sommes vraiment en train de construire un après-Mediator même si nous n'en sommes pas encore quittes.

Au demeurant, la tenue de ce débat ne doit pas nous tromper : les questions posées ne relèvent pas de la seule dimension franco-française. Si nous n'avons de leçon à donner à personne, il faut tout de même bien, sur le plan européen, ainsi que je l'ai déclaré à mes homologues, que les choses bougent. Si de nombreuses remarques concernent l'AFSSAPS, l'Agence européenne du médicament doit elle aussi évoluer. J'ai rappelé au commissaire européen que s'il voulait que la confiance règne partout, il fallait s'imposer les règles les plus draconiennes qui soient et vérifier qu'elles sont bien appliquées partout.

Au moment de l'affaire du Mediator, certains responsables français ont rejoint l'Agence européenne du médicament. Or les questions que nous nous posons sur leur degré de vigilance au plan français, pourquoi ne nous les poserions-nous pas au plan européen ? Donc, j'y insiste, le sujet n'est pas franco-français ; du reste, nombre de mes homologues observent très attentivement ce que nous décidons en France car cette réforme peut se trouver à l'avant-garde de celle qui s'impose au niveau européen.

Pour ce qui est des conditions de mise sur le marché, on oppose la concurrence à la dimension sanitaire. On évoque l'emploi. Il se trouve que mon avantage est d'être ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Même si j'ai à l'esprit matin, midi et soir les questions relatives au travail – et surtout dans la conjoncture actuelle –, je ne peux pas mettre les questions sanitaires sur le même plan. Mettre en parallèle la question économique et la question sanitaire ne me convient pas.

Nous devons certes trouver une solution, notamment à l'emploi des visiteurs médicaux dont il sera sans doute question dans un moment. Reste que la diminution des effectifs ne date pas d'aujourd'hui ni même de l'affaire du Mediator, a fortiori d'une réforme que je propose et qui n'est pas encore appliquée ! Les effectifs baissent depuis de nombreuses années à cause des concentrations de groupes et de l'application de la charte du médicament. Les groupes ont donc une responsabilité en matière de reclassement des salariés.

Toujours est-il que si je suis également chargé du travail et de l'emploi, je ne peux pas les placer, j'y insiste, au même niveau que la santé étant donné la confiance indispensable que nous devons restaurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anny Poursinoff.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'ajoutant à la longue liste des scandales sanitaires et environnementaux de ces dernières décennies, le scandale du Mediator ne pouvait rester sans réponse. Conflits d'intérêts et mensonges, au détriment de vies humaines : il était temps d'agir.

Face au projet de loi timoré du Gouvernement, la gauche et les écologistes sont intervenus pour aller plus loin et empêcher que la santé publique ne soit sacrifiée au profit des intérêts économiques. À l'Assemblée, la majorité a souhaité se cantonner à un socle minimal, bien loin des attentes citoyennes.

En revanche, la majorité sénatoriale est allée beaucoup plus loin. Je tiens à saluer nos collègues du Sénat qui, contrairement à la majorité présidentielle, ont montré de l'ambition.

Je mentionnerai brièvement certaines améliorations apportées par le Sénat : obligation de déclaration publique d'intérêts pour les membres des cabinets ministériels ; sanctions plus lourdes et proportionnelles au chiffre d'affaires pour les personnes morales ayant omis de rendre publique l'existence de conventions avec le corps médical ; renforcement des pouvoirs de l'Agence pour contraindre les industriels à appliquer ses décisions, via notamment des astreintes journalières plus importantes ; possibilité de recourir aux ATU lorsque des conséquences graves à court terme pour le patient sont probables, et non plus seulement pour les personnes en fin de vie ; meilleure représentativité des différentes catégories de malades lors des essais cliniques ; possibilité de mener des actions de groupe pour les victimes d'accidents médicamenteux.

Le texte du Sénat constituait un vrai progrès, notamment sur ce dernier point. En plus d'être déjà atteintes psychologiquement ou physiquement, ces victimes sont en effet souvent démunies face à de grands groupes industriels qui disposent des capacités économiques et judiciaires de retarder les procédures.

M. Robinet a expliqué que les actions de groupe devraient faire l'objet d'une loi spécifique. Il est en effet toujours trop tôt. J'espère que quand une telle loi sera examinée par l'Assemblée, M. le rapporteur – qui ne m'écoute pas – la votera.

Debut de section - PermalienPhoto de Anny Poursinoff

Nous en prenons bonne note.

Ces avancées, qui allaient dans le bon sens et complétaient celles obtenues par la gauche et les écologistes à l'Assemblée, je pense notamment à la protection ô combien essentielle des lanceurs d'alerte, ont été rejetées par le groupe UMP qui s'est abstenu lors du vote au Sénat, arguant que la nouvelle version du texte allait trop loin.

Suivant cette logique, la majorité présidentielle revient aujourd'hui sur toutes ces évolutions.

Monsieur le ministre, avec ma collègue sénatrice Aline Archimbaud, nous vous avons adressé une lettre ouverte vous demandant d'exclure impérativement tout retour en arrière. La santé publique est en jeu ; reculer n'est pas admissible. Non, il n'est pas acceptable de tenter de rassurer nos concitoyens en proposant un texte qui ouvre des brèches dans lesquelles les industriels pourront se faufiler.

C'est pourquoi nous vous avons alerté sur la nécessité de faciliter la consultation par le public des déclarations publiques d'intérêt ; de rendre effective la publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d'expertise ; de mieux protéger les étudiants et les professionnels de santé de l'influence de l'industrie pharmaceutique ; de repenser profondément la visite médicale et la formation continue et indépendante des médecins.

Il faut selon vous modifier profondément la visite médicale, mais ce voeu reste flou et ne se traduit pas par un amendement du Gouvernement.

Nos collègues ont raison de vous juger sur vos actes et pas seulement sur vos déclarations. Nous vous avons demandé d'assurer la transparence des décisions sanitaires et de juguler totalement les liens d'intérêts entre la décision publique et l'industrie pharmaceutique.

De même, nous vous avons mis en garde contre vos éventuelles velléités de remettre en cause les avancées attendues par les associations de malades.

Compte tenu de ces éléments, les écologistes déplorent votre attitude. Les amendements de la majorité présidentielle visent à revenir au texte initial dont nous avons dénoncé l'insuffisance et la frilosité. Pourtant, plus que jamais, notre seul souci doit être celui de la sécurité sanitaire, de la santé publique et donc de l'intérêt général. Les écologistes déplorent votre façon systématique de tout détricoter.

La perte de confiance en notre système de santé est grave. Mme Pinville a opportunément cité vos propos. Vous aviez assuré qu'il n'y aurait plus jamais de scandale avec les médicaments. Redonner confiance était l'objectif de ce texte. Là encore, vous ne tenez pas vos engagements puisque vous proposez une loi qui restera poreuse à l'influence des industries pharmaceutiques. Et elle ne sera pas draconienne, contrairement à ce que vous venez encore d'affirmer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur – très attentif, comme d'habitude, car très attaché à ce texte –, nous entamons la discussion en deuxième et nouvelle lecture de la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

La CMP a en effet échoué. Pourtant, sur un tel sujet, un accord aurait pu, aurait dû, être conclu. Qui ne reconnaît aujourd'hui la nécessité de renforcer la sécurité, de revoir la procédure, de lutter contre les conflits d'intérêts, de renforcer la pharmacovigilance, de prendre en compte les signalements et de revoir en permanence le critère essentiel, le rapport bénéfice-risque ?

Notre devoir est, aujourd'hui, de restaurer la confiance de nos concitoyens dans le médicament. Le médicament n'est pas un produit comme un autre ; il a pour but de soigner, de guérir et, si possible, notamment par les vaccins, de prévenir les maladies. Nous savons que tout médicament efficace comporte des effets néfastes.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

C'est pourquoi, pour chacun, il convient d'évaluer régulièrement le rapport bénéfice-risque.

La confiance de nos concitoyens avait été ébranlée depuis longtemps par des campagnes contre les vaccins ou par une médecine dite « naturelle ». Mais cette confiance a été mise à mal récemment par la gestion désastreuse de la grippe H1N1, la publication d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance, qui ne distinguait pas les nouveaux médicaments, et par le scandale du Mediator.

Ce scandale a démontré que si le laboratoire a, semble-t-il, comme l'indique l'IGAS, roulé tout le monde dans la farine, la chaîne du médicament – et notamment l'agence des produits de santé – ne peut être exonérée d'une part de responsabilité. Il est donc nécessaire de la réformer.

Il convient aussi de rendre confiance à nos concitoyens, de prendre en compte le rapport bénéfice – risque et de renforcer la pharmacovigilance. Mais il est tout aussi important de rendre confiance à l'industrie pharmaceutique. De nombreux laboratoires, qui n'ont pas les mêmes méthodes, ont été traumatisés par le scandale du Mediator. Surtout, nous avons besoin de l'industrie pour trouver, demain, les médicaments dont nous aurons besoin pour traiter le cancer, les maladies orphelines, les maladies tropicales, et même pour répondre à la nécessité de disposer de nouveaux antibiotiques.

Nous avons créé il y a quelques années, après les affaires du sang contaminé et de la vache folle, des agences pour faire appel à des experts et éloigner le politique. Il est, à mon avis, nécessaire de rappeler qu'au bout du compte, c'est vers le politique que l'on se retourne. C'est d'ailleurs la noblesse du politique d'assumer sa responsabilité – en se basant, bien entendu, sur les travaux des experts.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, est donc nécessaire. Il est, de mon point de vue, bienvenu et équilibré. Certes, il sera complété par de nombreux décrets que nous ne connaissons pas encore – et l'on sait combien les décrets peuvent parfois modifier la loi.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Oh non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Le projet de loi change le nom de l'agence. Pourquoi pas, s'il s'agit de montrer qu'une page est tournée ?

Nous rencontrons une réelle difficulté, car les autorisations de mise sur le marché sont souvent accordées par l'Agence européenne. Nous devons, bien sûr, en tenir compte, ainsi que des directives européennes, mais cela ne nous empêche pas de veiller à la sécurité des produits de santé et de protéger la santé de nos concitoyens.

Ce projet de loi tente de régler le difficile problème des conflits d'intérêts et d'assurer la transparence et la publicité des réunions et des décisions : très bien !

Il ne faut pas confondre les liens d'intérêts et les conflits d'intérêts, même si la distinction entre les deux peut être ténue.

Nous devons faire appel aux experts si possible les plus compétents lors de l'étude du médicament au moment de la recherche et des études cliniques, au niveau de l'agence et de la commission de la transparence. Or, dans certains domaines spécialisés, les experts compétents ne sont pas légion et il serait inepte de faire appel à un expert incompétent, comme le disait fort justement Laurent Degos. Qu'un expert ayant participé à des études financées par l'industriel pour le médicament étudié ne puisse participer aux discussions et voter lors des réunions de l'agence, cela est, bien entendu, juste et nécessaire. Mais qu'en est-il de l'expert qui a travaillé pour un laboratoire concurrent ? Ne devrait-il pas lui aussi le déclarer et s'abstenir de participer aux discussions et de voter ?

Enfin, nous savons tous que les liens d'intérêts ne sont pas uniquement financiers. Ils peuvent être amicaux, ou d'école de pensée, comme cela se rencontre souvent en médecine.

Certains souhaitent la création d'un corps d'experts interne à l'agence. L'idée est intéressante, mais ces experts ne peuvent être omniscients. Par conséquent, il demeure essentiel de faire appel à des experts externes à l'agence, compétents, consciencieux et indépendants.

Dans notre système de santé, actuellement, nous avons trop de structures, trop d'agences. Le projet de loi aurait dû, de mon point de vue, prévoir la fusion de la commission d'autorisation de mise sur le marché et de la commission de la transparence dépendant de la Haute autorité de santé. En effet, étudier le rapport bénéfice-risque ne peut se faire sans prendre en compte le service médical rendu, et étudier le service médical rendu ne peut se faire non plus sans étudier le rapport bénéfice-risque.

Les études ne devraient plus se faire contre placebo, ce qui n'a plus de sens, mais versus le médicament le plus efficace pour l'indication.

De même, les études post-AMM devraient être systématiques. Le projet de loi avance dans ce sens, mais sans doute insuffisamment.

Réformer la pharmacovigilance est, bien sûr, essentiel. C'est la clé de la sécurité sanitaire du médicament, et elle doit être revue au niveau de la déclaration, de l'étude et des conséquences.

La déclaration de l'effet néfaste ou inattendu doit pouvoir être effectuée par toute personne en ayant connaissance. Cette déclaration doit être simplifiée. Nombre de professionnels ne font pas de signalement parce que les démarches, les formulaires sont trop complexes. Le signalement doit être effectué auprès de l'industriel, directement et par l'intermédiaire des visiteurs médicaux, et auprès de l'administration, notamment auprès des conseils régionaux de pharmacovigilance, dont les moyens humains et financiers méritent d'être renforcés.

La mission parlementaire sur le Mediator a clairement démontré le manque de moyens de ces conseils. Il est important de les renforcer. On connaît des conseils régionaux de pharmacovigilance tenus à temps partiel par un professeur de CHU, accompagné d'un ou deux salariés, ce qui est bien sûr très insuffisant.

La formation continue, devenue le développement personnel continu doit être obligatoire, évaluée, indépendante et financée.

La visite médicale joue aujourd'hui un rôle important. Les visiteurs sont des professionnels, rémunérés par le laboratoire en partie au pourcentage. Ils sont chargés de vanter le produit. Quoi de plus naturel pour le laboratoire que d'essayer de vendre son produit, surtout lorsqu'il est persuadé qu'il est bon ? La charte de la visite médicale tente de régler le problème éthique. Reste à la contrôler.

Demander une visite collective à l'hôpital est une idée intéressante, qui existe déjà. Sa généralisation va cependant être délicate et je suis dubitatif quant à son application. Qu'en sera-t-il dans les petits hôpitaux pour les spécialités au nombre de professionnels limités, comme l'ORL, l'ophtalmologie ou la stomatologie ? Comment intéresser tous les professionnels de l'hôpital à ces traitements spécifiques ? Ne pourrait-on prévoir que ces réunions d'information se déroulent devant la commission médicament de la commission médicale d'établissement, qui devrait être obligatoire, charge à son président d'informer les praticiens de l'hôpital ?

Enfin, la prescription doit être aidée par des logiciels de prescription en dénomination commune internationale, DCI, mais validés et certifiés par la Haute autorité de santé.

Comme nous le savons, il convient de rendre confiance à nos concitoyens dans le médicament. Il était nécessaire de revoir toute la chaîne du médicament afin d'éviter les conflits d'intérêts, en prenant en compte le bénéfice-risque et en renforçant la pharmacovigilance.

Ce projet de loi, équilibré, devrait renforcer la sécurité sanitaire du médicament. C'est pourquoi, malgré les quelques réserves que j'ai exprimées, le Nouveau Centre votera ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes à nouveau saisis du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. C'est la réponse attendue après le tsunami sanitaire lié au Mediator. C'est aussi la demande motivée de M. le ministre.

Nous sommes obligés d'y revenir car, après la lecture du Sénat, nous avons achoppé sur certains points et, sans concession de la part des sénateurs, la commission mixte paritaire a purement et simplement échoué.

Quels sont les points qui, pour la majorité, ne sont pas des « avancées », comme le disait Mme Lemorton ?

Tout d'abord, la lutte contre les conflits d'intérêts est pour nous prioritaire. Il est impératif de modifier les façons de travailler des autorités de santé et de leurs acteurs en y introduisant plus de transparence par le biais de déclarations obligatoires bilatérales et détaillées, qui seront rendues publiques sous peine de sanction en cas de manquement. L'indépendance des responsables comme des experts dans leur décision n'en sera que mieux garantie.

Mais le Sénat a voulu aller trop loin en limitant, face à l'industrie, la virginité des experts comme des dirigeants des agences sanitaires à des délais beaucoup trop courts, si bien que nous risquerions finalement de laisser sur le bas-côté de la route trop de personnalités de qualité. Par exemple, le professeur Maraninchi, directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire, a été à plusieurs reprises cité par le rapporteur du Sénat – ce qui démontre le jusqu'auboutisme de certains !

Le Sénat a cherché aussi à instituer un corps d'experts internes coupé du monde des paillasses, des laboratoires, des instituts de recherche et des services hospitaliers, si bien qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'experts, disons le mot, « étatisés ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Or le monde des experts n'est pas préfabriqué ; il a par essence l'ambition de plus de collégialité, de coordination, d'échange, d'intégration dans les sociétés savantes, de participation à des congrès et publications.

Au début de cette CMP, nous avons eu un autre différend notoire : faut-il donner ou ne pas donner une responsabilité au ministre, particulièrement dans le cadre de la labellisation des données de référence des produits de santé ? Pour nous, c'est indispensable. Parmi les enseignements surprenants du rapport sur le Mediator, a été relevé le fait qu'au cours des vingt dernières années aucun des ministres qui ont été auditionnés n'avait ni vu, ni entendu, ni su, ni constaté quoi que ce soit sur ce produit, ni sur les signaux d'alerte le concernant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

La déconnexion du terrain : voyez ce que ça fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Door

Le retour du politique est donc une nécessité, et une prudence. Il n'est pas normal que le politique soit tenu dans l'ignorance des sujets les plus sensibles et ne soit appelé que lorsque la crise a éclaté. Nous tenons donc à réaffirmer la responsabilité politique dans le domaine de la sécurité sanitaire.

Monsieur le ministre, nous avons été frappés de voir comment certains avaient stigmatisé et cloué au pilori les visiteurs médicaux. S'il faut une réforme de fond de cette profession, nous y sommes favorables, sous l'autorité de la HAS comme de l'Agence nationale de sécurité du médicament. Mais, de même que l'on ne fait pas tomber la fièvre en cassant le thermomètre, il nous faut préserver une industrie pharmaceutique au top niveau sur notre territoire et favoriser le développement de la recherche et de l'innovation.

J'ai eu l'occasion de lire aujourd'hui une tribune intitulée : « Une menace pour la santé publique ». Quand on connaît les auteurs de cette tribune – le Collectif interassociatif sur la santé et l'Institut des données, il est assez stupéfiant de lire, dans cet article, qu'on apparente l'installation d'une police sanitaire de pharmacovigilance à des caméras de vidéosurveillance. Voilà une réflexion, à mon sens, assez spécieuse.

De même, à l'article 22, contester le projet de création d'un groupement d'intérêt public chargé d'autoriser l'accès aux données du système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie en vue de réaliser des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie, est une attitude qui me trouble, car elle sous-entend que le partage d'informations serait dangereux.

Mes chers collègues, ce projet de loi n'est certainement pas une menace pour la santé publique. La France du médicament connaît un nouveau tournant de son histoire et ce texte vise à retisser le filet de sécurité sanitaire afin que nous puissions avoir à nouveau confiance dans les médicaments grâce à de nombreux articles qui vont dans le sens voulu par tous ceux qui ont participé aux assises du médicament et aux débats lors des missions parlementaires d'information ou ici même en première lecture.

Je souhaite, monsieur le ministre, que ce projet de loi soit adopté. La majorité UMP le votera, car c'est un texte ambitieux et parfaitement équilibré.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord saluer le fait que ce texte existe. Il était souhaité. M. Door nous disait à l'instant qu'il l'était depuis le drame sanitaire du Mediator. Mais il l'était antérieurement, non seulement par des rapports parlementaires du Sénat ou de l'Assemblée nationale, mais aussi, et depuis plusieurs années, par des lanceurs d'alerte qui s'exprimaient dans des revues comme Pratiques, Prescrire, sur le site Pharmacritique ou encore dans des ouvrages comme ceux du professeur Even.

Surtout, ce texte dont il faut saluer l'existence n'existe que grâce à l'intervention, dans l'histoire de la sécurité sanitaire de notre pays, d'une personnalité extraordinaire, exceptionnelle, le docteur Irène Frachon. Elle a eu l'intuition, le courage ; la force de travail et l'obstination indispensables pour révéler un drame sanitaire, celui du Mediator, survenu après tant d'autres, et faire ainsi prendre conscience à l'opinion publique, puis à la représentation nationale, de la nécessité de faire évoluer notre législation.

Ce texte existe mais, monsieur le ministre, il lui manque un volet concernant l'enseignement supérieur et la recherche.

S'agissant de la formation initiale du médecin, il n'est pas normal, – Mme Lemorton a cité le cas de Clermont-Ferrand, je pourrais citer celui de Bordeaux –, que des facultés de médecine renvoient à des laboratoires l'organisation de la préparation aux examens classants nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Il n'est pas normal que, l'été dernier, j'aie dû intervenir auprès du doyen de la faculté de pharmacie de Marseille pour éviter – la décision, paraît-il, avait été prise antérieurement – qu'une promotion de pharmaciens qui allait sortir cette année prenne le nom de Jacques Servier.

Il n'est pas normal que, retournant tout à l'heure à mon bureau, je lise dans le programme d'un colloque organisé le 17 novembre dernier à la Maison de la chimie par l'Institut Servier sur les nanosciences en médecine – pourquoi pas ? –, avec de grands noms qui y ont participé, y compris d'anciens prix Nobel, que l'un des thèmes était : « Problèmes éthiques soulevés par l'usage des nanotechnologies ». L'éthique organisée sous la houlette de l'Institut Servier me pose problème !

De retour à mon bureau, j'ai aussi consulté la lettre de l'Académie nationale de médecine. M. Door disait l'intérêt que trouvent les experts à se réunir en sociétés savantes. Et l'Académie de médecine, c'est la société savante des sociétés savantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Quand j'étais étudiant, l'Académie de médecine était l'objet d'une considération semblable à celle que nous avons ici pour le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

L'Académie de médecine, c'est un peu le cinquième risque !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Or cette lettre de l'Académie de médecine – je parle du numéro de novembre 2011 – bénéficie toujours du soutien du groupe de recherche Servier ! Ce n'est pas normal !

Vous avez raison, monsieur le ministre, lorsque vous dites qu'au-delà de la réforme des structures et de l'évolution des systèmes de fonctionnement, il reste à gagner la bataille culturelle.

Je vous suis aussi, lorsque vous dites qu'il faudra obtenir que la réforme suive au niveau européen. De plus en plus de procédures pour l'autorisation de mise sur le marché ou de procédures de vigilance seront centralisées.

À cet égard, je voudrais citer le cas de l'Actos. Je veux, sur ce point, rendre hommage à l'action de l'AFSSAPS. Au mois de mai dernier, l'Agence a lancé un signal d'alerte aux praticiens, concernant le surrisque d'apparition de cancers de la vessie chez les diabétiques traités par l'Actos.

Ce médicament a été mis sur le marché en 2000 et il fait partie de la famille des glytazones. C'est la même famille que l'Avandia, qui a été retiré l'été dernier, en raison d'un surrisque d'accident cardiovasculaire. Une étude canadienne montrait d'ailleurs qu'il y avait autant de surrisque pour l'Actos que pour l'Avandia en matière cardiovasculaire.

Mais pour l'Actos, avant la mise sur le marché, au cours d'essais précliniques sur le rat, il avait déjà été noté qu'apparaissaient des cancers de la vessie. Les deux rapporteurs de la commission d'autorisation de mise sur le marché avaient signalé ce fait et demandé que ce risque soit mieux documenté. Le produit a été mis sur le marché, mais il a fallu attendre 2005 pour que l'Agence européenne demande une étude dite « PROACTIVE » qui n'a pas montré d'indice de surrisque particulier en ce qui concerne le cancer de la vessie. Il en a été ainsi jusqu'à ce que soit lancé, en 2009, un signal d'alerte, débouchant, au mois de mai dernier, sur l'alerte très sévère donnée par l'AFSSAPS.

C'est une publication dans le Lancet de deux centres régionaux de pharmacovigilance, dont celui de Toulouse, qui, en accédant enfin – parce qu'ils n'avaient pas pu le faire avant – aux données cliniques de l'étude PROACTIVE, ont montré que les résultats étaient biaisés. Ce qui avait été considéré comme étant non significatif provenait d'une confusion entre tumeur bénigne et tumeur maligne, et l'on avait ainsi évité de faire apparaître le surrisque de cancer de la vessie dès 2005. Autrement dit, l'alerte faite en mai 2011 par l'AFSSAPS aurait pu l'être en 2005. Dans ce cas, combien de cancers auraient pu être évités ?

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il faut que l'Union européenne suive la décision française de retrait de ce produit. Il serait opportun que vous demandiez, auprès de l'Union européenne, que l'enquête en cours du corps d'inspection européen – l'OLAF – soit élargie aux conditions de mise sur le marché de l'Actos.

Enfin, un autre point me semble manquer cruellement dans le texte : la mise en place d'un fonds d'indemnisation spécifique de réparation pour les victimes du Mediator montre bien que ce drame sanitaire pose aussi le problème de l'indemnisation.

M. le rapporteur a repris les termes employés par M. le garde des sceaux indiquant que l'action de groupe ne paraissait pas constituer un dispositif adapté à la situation des victimes de drames sanitaires. Le rapporteur a même dit qu'il fallait engager la concertation, consulter les associations, mais c'était une fin de non recevoir.

Nous avons reçu les associations à l'Assemblée nationale au cours de la mission d'information sur le Mediator. L'UFC Que Choisir, par exemple, nous a fait des propositions concrètes, issues d'une longue réflexion sur les actions de groupe dans le domaine sanitaire.

J'ai également sous les yeux une tribune cosignée par le secrétaire général de la FNATH, par des présidents d'association, par l'association Amalyste, le réseau DES France et les Filles du Distilbène. Il y est indiqué : « Toutes ces victimes doivent supporter, à leurs frais, et dans le silence des médias, des années de procédure individuelle, d'expertises et de contre-expertises pour espérer obtenir enfin une reconnaissance de responsabilité et une réparation de leur préjudice, n'ayant pas d'autre choix. Au bout du chemin, certaines découvrent que, parce que le risque était signalé dans la notice, elles n'ont aucun recours légal et se voient déboutées. »

Lorsque l'on parle de mettre en place des actions de groupe, il ne s'agit pas de traiter les cas individuels par l'action d'une association, mais de traiter la première étape, c'est-à-dire la reconnaissance du lien de causalité. Et lorsque le lien entre la pathologie et la prise d'une substance est clairement établi par la pharmacovigilance, en fonction de la gravité de l'atteinte, on fixe les règles d'indemnisation. Il ne me semble y avoir là aucune raison pour refuser a priori la mise en place d'actions de groupe menées par des associations représentatives de patients dans le domaine sanitaire.

J'évoquerai maintenant le problème de l'aléa thérapeutique diffus.

Lorsqu'un médicament a un bon rapport bénéfice-risque, il y a des effets indésirables qui, parfois, sont graves. Et parce qu'ils sont indiqués dans la notice, la victime n'aura droit ni à indemnisation ni à réparation.

Une telle possibilité existe dans le domaine automobile depuis la loi Badinter, mais pas dans le domaine sanitaire. Il faut améliorer la loi Kouchner car je regrette que la question du renversement de la preuve n'y soit pas évoquée et que l'implication d'un produit dans un effet indésirable, même s'il est indiqué sur la notice, ne puisse pas être reconnue devant la justice.

J'ai apporté ici le petit livre vert de M. Jean-Pierre Door et de la mission d'information sur le Mediator, où sont clairement indiquées les propositions 53 et 54. La première vise à « privilégier à l'avenir la notion d'implication plutôt que celle de causalité dans l'indemnisation des victimes des accidents médicamenteux ». La seconde tend à « mettre en place une présomption de causalité lorsqu'un risque grave est mentionné sur la notice d'un médicament et qu'il se réalise ».

Enfin, cher Jean-Pierre Door, vous avez aussi inscrit, à ma demande, dans la proposition 52, qu'il fallait envisager « l'octroi aux associations représentatives de patients de la possibilité de demander en justice réparation au nom de leurs mandants ».

Monsieur le rapporteur, la question de l'indemnisation fait donc partie intégrante du débat qui nous réunit ce soir. Au-delà des avancées réalisées, il faudra sans doute à nouveau améliorer ce texte. M. le ministre a d'ailleurs ouvert la porte à ces améliorations futures. Car s'il peut y avoir, à certains égards, dans le fonctionnement des structures, dans la transparence de la gestion des liens d'intérêts, des avancées importantes dans ce projet de loi, il n'y aura toujours pas pour les victimes, en matière d'indemnisation, un après-Mediator. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Pinville

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, à la suite du drame du Mediator, nous avons décidé, alors que le groupe socialiste, radical et citoyen attendait ce projet de loi depuis plus de trois ans, de nous ressaisir du sujet, afin de mettre au jour les dysfonctionnements de la chaîne du médicament en France. La mission commune d'information sur le Mediator a formulé cinquante-cinq propositions que nous avons adoptées. Le projet de loi initial apportait, il faut le souligner, des améliorations substantielles au fonctionnement de la chaîne du médicament en retranscrivant fidèlement certaines de ces propositions. Il s'agissait donc là d'une très louable prise en compte par le Gouvernement du travail de cette mission. Malheureusement, ce texte comporte des points négatifs et ne permettra donc pas d'assurer une sécurité maximale aux patients ; je le regrette.

Pour ma part, j'évoquerai la question de la visite médicale. Ce sujet est très sensible d'un point de vue tant éthique qu'économique : éthique, parce que la visite médicale mélange information, formation et marketing ; économique, parce que cette activité représente un très grand nombre d'emplois.

Une hypothèse était bien plus menaçante pour la visite médicale que ne l'est ce texte, car elle envisageait tout bonnement sa suppression. Il nous est aujourd'hui proposé d'expérimenter la visite collective. Il s'agit sans doute là d'une solution sage, bien qu'elle ne soit peut-être pas systématiquement adaptée. L'expérimentation pourrait en effet conclure à l'impossibilité de procéder à des visites collectives dans tous les cas de figure. Et quand bien même nous parviendrions à la mettre en place, ce dont nous doutons, la visite collective n'est pas transposable à la médecine libérale.

Quoi qu'il en soit, c'est le problème de la formation continue du médecin qui se trouve implicitement posé. Comment les médecins se forment-ils aujourd'hui ? La réponse est simple : grâce aux labos ! Ils se forment par la visite médicale, par Le Quotidien du Médecin, par les séminaires organisés par... des labos ! C'est donc bien cela qu'il faut réformer.

Mais il s'agit d'une question financière, qui relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Tout en continuant de prendre l'argent dévolu à la formation continue là où il se trouve, c'est-à-dire dans les laboratoires, il nous faudra bien trouver le moyen de soustraire les praticiens à l'influence, j'oserai dire marchande, de ces laboratoires. En d'autres termes, il faut couper le cordon ombilical. C'est seulement en procédant ainsi qu'il sera possible de régler vraiment la question de la visite médicale.

Les visiteurs médicaux ne sont pas les coupables. Ce serait trop facile ! Le coeur de leur métier doit redevenir l'information. Ils en sont, je le sais, demandeurs.

Toutefois, on ne supprimera sans doute jamais totalement la promotion libérale du médicament, même si les visiteurs médicaux devenaient des experts publics. C'est pourquoi toute décision ne devra être prise qu'en concertation avec la profession elle-même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Prochaine séance, aujourd'hui à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Deux votes solennels sur :

La proposition de loi relative à l'amélioration de l'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ;

La proposition de loi tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant, d'un conjoint ou d'un parent proche ;

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

Discussion du projet de loi sur la rémunération pour copie privée.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 23 novembre, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Nicolas Véron