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Séance en hémicycle du 7 février 2008 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • lisbonne
  • peuple
  • référendum
  • traité de lisbonne

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes (nos 690, 691).

Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, le monde n'attend pas. Les destins des peuples sont aujourd'hui mêlés, et aucune nation ne peut à elle seule répondre aux défis globaux auxquels nous devons faire face. Aimer la France, la soutenir aujourd'hui, c'est lui donner toute sa place, toute sa force, toute son influence en Europe.

À ceux qui ont douté, parfois jusqu'à l'aveuglement, de la légitimité de la voie parlementaire dans la procédure de ratification du traité, il faut rappeler, encore et encore, que ce nouveau texte résout la crise institutionnelle de l'Europe sans trahir la confiance des Français. Faut-il leur rappeler aussi, encore et encore, que la démocratie s'exprime ici ? Respecter le Parlement, c'est affirmer sa légitimité, et c'est aller plus loin, vous le savez, puisque nous n'avons eu de cesse depuis plusieurs années d'exiger le renforcement de ses pouvoirs et de ses compétences. Quel paradoxe, au moment où précisément l'évolution de nos institutions nationales devrait concrétiser cette aspiration, au moment où le traité simplifié reconnaît explicitement le rôle des Parlements nationaux, que de voir sa légitimité ainsi mise en cause !

Le Président de la République, à qui nous devons cette sortie de crise de l'Europe tout entière, a permis à la France d'y retrouver sa place, et, j'ose le dire, sa fierté.

Que retiendra-t-on de ce vote historique ? Est-ce le cortège des peurs, des cris, des fantasmes récurrents, qui n'ont du reste jamais manqué d'accompagner les grands sujets européens ? Certainement pas. Est-ce celui des divisions, des querelles internes ou des postures idéologiques ? Pas davantage. L'histoire retiendra, mes chers collègues, l'initiative française et le courage d'un président, l'engagement des pays européens, qui se retrouvent tous dans cette nouvelle phase et, pour beaucoup d'entre eux, ont accepté de reprendre cette procédure de ratification. On retiendra aussi l'appel des jeunes démocraties qui, à l'image de la Hongrie, ont été les premières à croire dans cette Europe nouvelle.

L'histoire retiendra que la France, fidèle à elle-même, a été au coeur de cette relance, dans son intérêt et dans l'intérêt de l'Europe tout entière.

Notre groupe, dans son immense majorité, l'a compris et votera donc ce projet de ratification, après avoir massivement adopté la loi de révision constitutionnelle, convaincus que nous sommes que le « non » français a été pris en compte dans le refus de tout ce qui pouvait conduire à un « super-État » européen ; convaincus qu'au-delà du réajustement institutionnel, le débat reste évidemment ouvert sur les priorités, les frontières, le sens qu'il faut donner à ce formidable projet commun – il ne fait aucun doute que l'approche des élections européennes permettra de poser avec beaucoup d'acuité un certain nombre de questions – ; convaincus enfin que ce traité ouvre un champ immense et neuf : celui de la réconciliation, pour reprendre un mot employé hier soir par le ministre des affaires étrangères, réconciliation entre ceux qui hier ont dit oui et ceux qui ont dit non ; réconciliation de nos concitoyens avec l'idée européenne, qui doit retrouver toute sa place entre la nation et le monde ; réconciliation aussi de la France avec sa propre histoire.

L'Europe, c'est en effet la renaissance de la liberté sur les plages de Normandie ; c'est la réconciliation franco-allemande ; c'est la réunification d'un continent qui parlait et qui pensait français au XVIIIe siècle. Nous portons une responsabilité historique car, depuis sa fondation l'Europe n'a jamais progressé sans la France. Aujourd'hui que nous sommes au premier rang, comment rester à l'écart ? Comment rester à l'écart d'un monde dont le Président a défini les enjeux : éviter la confrontation entre l'Islam et l'Occident, au profit d'un meilleur équilibre et d'un dialogue des civilisations ; intégrer dans l'ordre économique mondial les nouveaux géants, le Brésil, l'Inde, la Chine, car on sait que les liens que nous saurons, ou non, tisser avec ces pays émergents détermineront notre avenir économique ; enfin, répondre aux enjeux majeurs du réchauffement climatique ?

Oui, mes chers collègues, nous avons besoin d'une Europe moderne, intelligente, influente, forte, démocratique…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

…d'une Europe qui s'affirme comme une puissance mondiale et qui, par son modèle et ses valeurs, soit en mesure d'inspirer le reste du monde ? L'alternative est simple : ne pas faire ce choix, c'est faire celui de l'isolement ou la dilution.

Une Europe forte, ce sont des institutions fortes, et nous ne pouvons plus nous satisfaire d'un fonctionnement a minima, qui porte atteinte à la crédibilité de l'ensemble européen. Avec ce traité, le système s'inverse, comme nous l'avons tous dit : avec le vote à la majorité qualifiée, une nouvelle dynamique de décision s'instaure. Elle accompagne la vision d'une Europe active, réactive, plus efficace dans de très nombreux domaines grâce à des coopérations renforcées.

Comment ne pas saluer aussi le renforcement de la démocratie européenne grâce à l'extension de la codécision et l'accroissement du rôle des Parlements nationaux, quand on sait que, sans légitimité démocratique, l'Europe ne peut pas réaliser de progrès substantiels ? À cela s'ajoutent bien évidemment les avancées relatives à la charte des droits fondamentaux, à l'initiative européenne et à l'affirmation des droits sociaux.

L'Europe est bien la meilleure réponse à la mondialisation. Nous avons besoin en effet de réponses européennes à tous les défis économiques et sociaux qui caractérisent à la fois un monde nouveau et un siècle nouveau. L'humanité se redécouvre vulnérable face à certaines évolutions, tels les séismes financiers qui secouent la planète, la force déstabilisatrice d'une libéralisation mal maîtrisée des marchés, ou enfin les dangers politiques et le scandale moral de la grande pauvreté dans le monde.

Nous avons besoin d'une vision européenne de la mondialisation, qui affirme le lien entre compétitivité et progrès social, confiance et développement, ouverture économique et protection de l'emploi. Si l'ouverture économique est une chance, l'Europe existera en étant aussi protectrice de ses citoyens. En effet, l'outrance des propos que nous entendons depuis quelques jours ne doit pas occulter la vérité de l'inquiétude de nos concitoyens, leur méfiance à l'égard de la bureaucratie européenne, et leur tentation du protectionnisme.

J'affirme que l'Europe est la meilleure réponse à la mondialisation. L'un des défis majeurs sera d'en poursuivre l'humanisation en accentuant l'effort de régulation économique et sociale, notamment en réaffirmant les normes sociales dans l'esprit des travaux conduits par l'OIT.

Ces institutions nouvelles serviront un projet politique ambitieux : c'est le défi qui est devant nous. De ce point de vue, la personnalisation de l'Europe est essentielle. Chacun l'a dit à cette tribune : la désignation du futur président de l'Europe sera stratégique dans ce projet politique et dans l'affirmation de l'Europe au plan international. Est-il possible en effet de priver le plus grand marché du monde d'une influence politique ?

À quelques mois de la présidence française, le Président de la République en a tracé les lignes de force, en vue de donner corps à cette Europe concrète que nous souhaitons.

Nous mesurons la difficulté de la transition historique, institutionnelle et politique que nous aurons à gérer, car le traité appelle à des clarifications et soulève des interrogations, et d'abord en ce qui concerne la complexité de la mise en oeuvre du leadership européen et de la réorganisation de certains services de la commission. Je suis également préoccupée, monsieur le secrétaire d'État, par la logique de l'opting out : jusqu'où les dérogations peuvent-elle aller sans remettre en cause la cohésion de l'ensemble ? Le décalage dans le temps de l'application du traité est un autre point préoccupant.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Mais le temps est à l'action, en vue de réaliser cette Europe concrète que nous souhaitons, et le groupe UMP soutiendra pleinement cette présidence : l'Europe des grands chantiers fondamentaux de la sécurité, de l'énergie, du plan « Climat », de l'immigration, de la défense européenne, reconsidérée dans le cadre d'un lien transatlantique réaffirmé et d'une relation rénovée avec l'OTAN ; l'Europe de l'innovation, de la formation, de la recherche, et le regard nouveau et indispensable vers l'Union méditerranéenne.

Plus encore, dans un monde où le progrès n'est plus inéluctable, nous avons besoin de prospective, et l'instauration d'un Comité des sages est une très forte et très nécessaire initiative.

Je voudrais rappeler enfin que, si elle veut recueillir l'adhésion de ses peuples, l'Europe ne doit pas seulement être à la hauteur des défis mondiaux : elle doit aussi, et plus encore, continuer à s'enraciner dans le coeur et dans l'esprit des Européens. Pour cela, elle doit rester cette formidable aventure humaine, et continuer à offrir un horizon de paix, de liberté et de dignité. Elle doit se tourner résolument vers les jeunes générations, en accompagnant la mobilité, les échanges et la diffusion de la culture européenne.

Elle a, parce qu'elle n'est jamais autant elle-même que lorsqu'elle porte des valeurs, à exprimer un message universel sur ce que doit être un monde plus juste et plus respectueux de l'humanité, en clair une éthique du futur. Le progrès de l'Europe est là : dans la confiance des peuples, l'ouverture à la société civile, la valorisation du dialogue social.

J'ai la conviction que ce vote, que nous souhaitons le plus massif possible, est une des conditions du retour de la France en Europe et de l'Europe en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

N'oublions pas que la France est au premier rang de cette Europe nouvelle : elle doit en être digne, et nous devons en être fiers. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le traité de Lisbonne est l'aboutissement d'un long – trop long ! – processus, lancé le 15 décembre 2001 par la déclaration de Laeken. Ce jour-là, les chefs d'État et de gouvernement s'engageaient à réformer les institutions européennes, afin de rendre l'Union plus démocratique et plus efficace, après l'échec, qui reste ineffaçable, du traité de Nice. Cette déclaration de Laeken a donné naissance à un projet de traité constitutionnel, adopté en 2004, avant d'être définitivement écarté à l'issue des référendums français et néerlandais de 2005, qui ont vu la victoire du « non ».

Après une période de réflexion de deux ans est apparue la solution d'un traité simplifié pour sortir du blocage institutionnel qui paralyse l'Union. Le Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 a convoqué une conférence intergouvernementale chargée de rédiger un projet de traité modificatif, lequel a été signé à Lisbonne le 13 décembre dernier par les dirigeants des Vingt-Sept. Ce traité simplifié, devenu à cette occasion le traité de Lisbonne, doit remettre l'Europe en marche, lui permettre enfin de jouer un rôle politique, mais aussi d'affronter les grands défis du XXe siècle.

Le traité doit entrer en vigueur le 1er janvier 2009. À ce jour, seuls la Hongrie, la Slovénie et Malte l'ont ratifié. C'est aujourd'hui au tour de la France, membre fondateur, et à ses parlementaires nationaux, expression de la souveraineté nationale, que revient la décision de se prononcer.

Doit-on, mes chers collègues, adopter ce projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne ? Ou plutôt pourquoi ne pas ratifier ce traité ?

Il est grand temps de dépassionner le débat et d'appréhender minutieusement ce traité, sans préjugés ni calculs de politique intérieure.

Oui, nous devons aujourd'hui nous prononcer sur ce qu'est véritablement le traité de Lisbonne.

C'est ainsi que nous devons, mes chers collègues, nous interroger sur l'essentiel : ce traité est-il bénéfique pour l'Union européenne, pour son fonctionnement démocratique, pour son rayonnement international et pour le bien-être et le quotidien de ses citoyens ?

Le moment est donc venu, mes chers collègues, de procéder à une exégèse plus juridique que politique du traité, sans quoi le risque est grand de commettre une faute politique, laquelle serait alors bien plus grave qu'une erreur juridique.

Le traité de Lisbonne ne comporte que 7 articles, mais tout de même 152 pages, avec plus de 350 dispositions de droit primaire, auxquelles il convient d'ajouter 13 protocoles et 59 déclarations. Est-il compréhensible pour qui ne possède pas une solide expertise juridique ou n'a pas d'excellents collaborateurs à sa disposition ? Refermons cette parenthèse.

Avec ce texte, l'idée d'une Constitution abrogeant les traités antérieurs a été abandonnée. Le traité de Lisbonne reprend donc la méthode traditionnelle de modification d'un traité et amende à la fois le traité de Rome et le traité de Maastricht. Il est d'ailleurs destiné à disparaître, puisque toutes ses dispositions ont vocation à s'intégrer dans ces deux traités antérieurs.

En revanche, je regrette la disparition dans le nouveau traité des symboles de l'Union, comme le drapeau, l'hymne et la devise. Toutefois, dans l'urgence actuelle, l'essentiel se situe ailleurs.

Il réside dans les outils juridiques que contient ce traité. Ces outils sont autant de réformes institutionnelles désormais fondamentales pour relancer l'Europe et espérer voir se concrétiser une Europe sociale et politique. Sans les énumérer toutes, il m'apparaît toutefois indispensable de revenir sur les avancées les plus significatives, qui sont pour moi autant d'excellentes raisons d'appeler à la ratification de ce traité.

L'Union européenne sera dotée de la personnalité juridique qui lui fait défaut. Désormais, elle pourra conclure un accord international et pourra adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le processus de décision au Conseil sera simplifié, et une minorité de blocage devra inclure au moins quatre membres du Conseil.

Il y aura enfin une présidence permanente : un président sera élu à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois.

Il y aura également un Haut représentant de la politique étrangère européenne, qui conduira la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union et présidera le Conseil des affaires étrangères.

Le nombre des commissaires européens sera réduit à dix-huit et ils seront choisis selon un système de rotation égale entre États.

La répartition des compétences entre l'Union et les États membres sera clarifiée : le nouveau traité énumère en effet la liste des domaines relevant des compétences exclusives, des compétences partagées et des compétences d'appui.

La démocratie européenne sera renforcée : d'une part, sera instituée l'initiative citoyenne après approbation d'un million de citoyens de l'Union issus de différents États membres et, d'autre part, le rôle des Parlements nationaux sera accru, avec un plus grand contrôle du principe de subsidiarité.

La Charte des droits fondamentaux aura une force juridique contraignante.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Je vais conclure, monsieur le président.

Enfin, en donnant tous ces moyens juridiques, le traité de Lisbonne permettra de procéder à une clarification institutionnelle devenue particulièrement urgente. Il constitue donc aujourd'hui une réelle opportunité à saisir pour nous remettre sur la voie d'une Union européenne plus forte, plus démocratique, plus solidaire et à nouveau tournée vers l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Plus de quarante ans après la signature du traité de Rome par l'un des leurs, les députés radicaux de gauche, dont l'engagement européen n'est plus à démontrer, dans leur grande majorité, ne s'opposeront pas à la ratification du traité de Lisbonne. Pour ma part et avec plusieurs de mes collègues, je me prononcerai en faveur de cette ratification. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, l'honneur du député est de parler et d'agir selon ses convictions. C'est son devoir de se lever pour défendre la souveraineté de la nation et son indépendance, qui sont, vous le savez, le fondement de notre liberté collective et individuelle.

Je tiens à rendre, à cette tribune, un vibrant hommage à l'honnêteté intellectuelle du président Valéry Giscard d'Estaing, qui n'avance pas masqué selon la takiya des chiites et dit très nettement que ce traité n'est pas un minitraité, mais un traité substantiel, qui reprend à 98 % les dispositions du traité constitutionnel rejeté par le peuple. Voilà au moins un homme qui ne ment pas, à la différence de certains sur ces bancs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est clair en effet que ce texte, qui reprend effectivement ce qui a été rejeté par le peuple, pose à mon sens deux questions : est-il adapté au fonctionnement d'une Europe à vingt-sept…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…et cette organisation européenne est-elle la réponse propre à assurer la défense de nos intérêts dans la situation du monde actuel ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est clair que ce texte poursuit le même objectif d'un super-État dont le droit primera sur le droit de chacun des États membres – c'est la déclaration 17, qui reprend évidemment le fameux article 6 du traité constitutionnel, en dépit des décisions du Conseil constitutionnel qui intègrent l'ordre juridique communautaire dans l'ordre juridique français, au sommet duquel se situe la Constitution française. Il y a là un conflit potentiel avéré, que vous aurez à résoudre dans les larmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est clair aussi que ce texte poursuit la fuite en avant, le transfert continu des compétences à Bruxelles : 54 nouvelles compétences ! Notre Parlement, mes chers collègues, est devenu une chambre d'enregistrement, un théâtre d'ombres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Bientôt, vous aurez à répondre de cette fuite en avant, car l'acquis communautaire, qui croît et embellit pratiquement tous les deux ans de 10 000 pages, va faire de l'Europe une monstrueuse obèse…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…alors même que nous avons besoin, je le dis solennellement, de coopération européenne pour résoudre certaines questions.

On nous propose notamment de créer un Haut représentant pour l'action extérieure. Que sera donc cet homme face à la paralysie des Vingt-Sept, ce bloc hétérogène et hétéroclite ?

On nous propose qu'il y ait un président de l'Union européenne, déconnecté des juridictions nationales – un retraité. Peut-être, il est vrai, certains s'y voient-ils déjà ! (Sourires.)

Comment pourra-t-il gouverner des hommes et des femmes qui ont, par exemple, la gâchette nucléaire en main ? Croyez-vous que ces chefs d'État vont s'en référer à ce battu du suffrage universel ? Il est clair que le projet que l'on poursuit aujourd'hui est décalé et ne répond pas à cette Europe de Vingt-Sept. L'Europe doit bien sûr exister, mais après s'être élargie, elle doit s'amaigrir et s'en tenir à l'essentiel.

En revanche, on ne trouve rien dans ce traité sur la Banque centrale européenne, alors même que le Président de la République ne cesse de fustiger, à juste titre, l'autisme de cet organisme totalement coupé de la volonté politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

De la même manière, il ne s'y trouve rien sur la politique industrielle, alors que nous avons besoin d'une politique industrielle, tant au niveau national qu'au niveau européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Tout cela me rappelle la formule : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Il faut en effet rappeler qu'au-dessous de ce président nommé pour deux ans et demi, le Conseil des ministres continue de tourner tous les six mois. La belle affaire ! Je suis curieux de savoir comment ces deux mécanismes vont s'articuler. Plus compliqué que ça, tu meurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

J'y arrive.

Ce projet est décalé par rapport à la réalité du monde. Il est manifeste que le monde est aujourd'hui très différent de ce qu'il était lorsque s'est tenue la conférence de Messine et que la France a les moyens de s'y faire entendre sans aliéner sa liberté et son indépendance dans une construction européenne décalée. Dans le domaine économique, on constate que, pour se marier, M. Renault va chercher une geisha plutôt qu'une Allemande et que Lucent-Alcatel est une alliance franco-américaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Monsieur Myard, il faut vraiment conclure, maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Monsieur le président, c'est un sujet important !

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Il faut tout de même respecter votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

On évoque les valeurs que nous aurions en commun avec les Européens. Or ces valeurs sont universelles. Nous les partageons avec les Sénégalais comme avec tous les démocrates du monde. Pourquoi se limiter à cet isthme étroit ?

Aujourd'hui, c'est une faute stratégique que de nous aliéner dans cette construction européenne réductrice, alors que nous avons le monde entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

J'ajoute pour terminer – car il me faut, hélas ! abréger considérablement mon propos – qu'on voit aujourd'hui réapparaître de nouveaux comtes de Chambord, qui pleurent : « Mon drapeau, mon drapeau ! » alors qu'ils ont déjà les deux pieds dans les poubelles de l'histoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, vous ne serez pas surpris de m'entendre plaider pour le « oui » au traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Ce traité, certes modeste dans ses ambitions, a cependant un triple mérite.

D'abord, il sort, comme l'ont souligné avant moi de nombreux orateurs, l'Europe de l'impasse, il apporte des réponses à certaines questions soulevées lors du référendum de 2005 et il ouvre des possibilités nouvelles, qu'il nous faudra saisir.

L'Europe va sortir d'une double impasse : impasse institutionnelle depuis une quinzaine d'années, la question de l'adaptation des institutions étant posée et non résolue depuis le traité de Maastricht, et impasse politique depuis le « non » de la France et des Pays-Bas – deux pays fondateurs – au référendum de 2005.

Devant l'impasse institutionnelle, le traité d'Amsterdam avait apporté des réponses appréciables, mais timides et partielles. Le traité de Nice, quant à lui, a apporté de mauvaises réponses, car le processus de décision est bloqué. Il faut donc en sortir. Or le traité de Lisbonne permet de surmonter ce double blocage institutionnel et politique.

Le deuxième mérite de ce traité est qu'il apporte des réponses à bon nombre des critiques soulevées en France lors du référendum de 2005. Il faut rendre hommage à ceux qui ont posé alors des questions que personne ne peut plus esquiver aujourd'hui. Le débat sur le référendum a eu en effet ce mérite de nous faire tous réfléchir sur les défauts de l'Europe – et j'observe que, pour une fois, M. Myard semble se réjouir de mes propos.

Quelles sont ces réponses ?

D'abord, le traité de Lisbonne n'est pas une Constitution, mais un traité qui modifie sur certains points les traités précédents. Il ne les annule pas, ne les remplace pas, ne les surplombe pas. Il ne grave pas dans le marbre constitutionnel les politiques mises en place par les traités antérieurs – reproche lancinant qu'on a fait au projet de traité constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

On peut en penser ce qu'on veut, mais c'est du moins une réponse qu'apporte le traité de Lisbonne.

Il rend les décisions plus faciles à prendre, avec le système de vote à la double majorité des États et des citoyens et avec, heureusement, la considérable extension du vote à la majorité.

J'éprouve, comme le président de la commission des affaires étrangères et comme le président de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, le regret que l'on ait cru devoir supprimer les symboles de l'Union européenne,…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

…qui n'avaient d'ailleurs pas été institués par le projet de Constitution, mais par le traité de Maastricht, et dont certains remontaient même bien au-delà. En voyant le résultat de ce traité, je me félicitais qu'on n'ait pas jugé bon de remonter au sommet de Fontainebleau, présidé par François Mitterrand en 1984, et de supprimer le passeport européen. C'est du reste à ce moment, me semble-t-il, qu'on a commencé à évoquer un hymne européen.

Je souhaite donc moi aussi que notre pays s'associe au manifeste signé par d'autres pays pour prendre acte de cette situation et pour déclarer que nous souhaitons conserver ces symboles, qui sont d'ailleurs largement utilisés.

Le traité de Lisbonne améliore la démocratie en donnant de nouvelles prérogatives aux Parlements nationaux, qui pourront s'opposer à des projets de directives sortant du champ de compétences de l'Union – je le souligne à l'intention de M. Myard –, ainsi qu'au Parlement européen, dont le pouvoir de codécision et de contrôle de l'exécutif est étendu. Il donne également aux citoyens un droit d'initiative dont il faudra, là encore, nous saisir.

Je soulignerai encore, car ce point n'est pas souvent évoqué dans les débats, que le traité de Lisbonne crée aussi une nouvelle hiérarchie des valeurs et des objectifs de l'Europe. En subordonnant le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ex-traité instituant la Communauté européenne, au traité sur l'Union européenne, hérité de Maastricht – ces deux traités étant aujourd'hui rassemblés dans le traité de Lisbonne –, il fait accéder à un rang supérieur les principes du traité sur l'Union européenne : la protection des citoyens dans le monde, la cohésion économique, sociale et territoriale, le plein-emploi, le progrès social, le niveau élevé de protection de l'environnement, la lutte contre l'exclusion sociale et les discriminations, la justice et la protection sociale, l'égalité entre les hommes et les femmes et la solidarité entre générations.

Ce nouveau classement ramène la concurrence libre et non faussée au rang de simple objectif de l'Union – objectif qui ne disparaît pas, bien entendu. Cette nouvelle hiérarchie n'est pas que cosmétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Elle pourrait donner à la Cour européenne l'occasion de placer les valeurs au-dessus du marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Le traité de Lisbonne conserve ce qui était positif dans le projet de traité constitutionnel.

Tout d'abord, la partie I maintient une présidence stable du Conseil européen. Mais tout dépend de ce que nous en ferons. La présidence française aura une grande responsabilité : définir le champ de compétences du président du Conseil européen, et surtout concourir au choix de la personne. Je crois vraiment qu'il faut, au-delà des personnes, qui ont des mérites souvent éclatants, insister sur les critères à retenir : la personne choisie devra adhérer à tous les objectifs de l'Union. Il faut regarder les trois postes ensemble : Président de la Commission, Président du Conseil européen, haut représentant pour la politique étrangère et la défense. Il faut aussi tenir compte de l'équilibre entre grands et petits pays. Et puis j'ai été contente d'entendreAxel Poniatowski insister sur l'exigence de parité. Certes, diviser trois par deux, c'est difficile, mais il serait injustifiable qu'il n'y ait pas une seule femme sur l'un de ces trois postes ! On doit pouvoir tout de même trouver, dans la variété de l'Union européenne, au moins une femme.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La partie II donne force juridique à la Charte des droits fondamentaux dans vingt-cinq états sur vingt-sept.

La partie III a été très contestée au moment du référendum, lorsqu'elle était constitutionnalisée. Je veux souligner, à l'attention de mon parti, que l'on ne garde que les innovations que la gauche européenne réclamait depuis longtemps : une base juridique pour une directive cadre sur les services publics ; un protocole qui précise les valeurs communes de l'Union concernant les services publics d'intérêt général ; une clause sociale horizontale qui oblige à prendre en compte les exigences sociales dans toutes les politiques de l'Union ; l'extension du vote à la majorité, et donc la co-décision pour le Parlement européen, à la coopération judiciaire et policière pour lutter contre la criminalité transfrontalière – vous comprendrez que je sois particulièrement attachée à cet aspect des choses – ; la possibilité de créer un parquet européen pour poursuivre les délinquants qui portent atteinte aux intérêts financiers de l'Union – quand on sait ce que coûte au budget européen et aux budgets nationaux la fraude sur la TVA, par exemple, on voit que c'est très important –, avec faculté d'extension à toutes les infractions graves transfrontalières. De plus, l'Europe de la défense devient possible, le traité permettant une avant-garde permanente des pays qui désirent aller plus loin.

Certes, ce traité est évidemment insuffisant. Mais comme tous les traités qui l'ont précédé. C'est de traité insuffisant en traité insuffisant que l'on a fini par constuire l'Europe depuis plus de cinquante ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Peut-être est-il plus insuffisant que d'autres. Il n'est pas éclatant, c'est vrai : il ne modifie pas le système de vote sur les questions fiscales et sociales, comme nous l'aurions voulu ; il ne crée pas une meilleure gouvernance économique de l'Europe capable d'équilibrer le pouvoir de la Banque centrale. Mais il est meilleur que le traité actuel, c'est-à-dire celui de Nice, et le rejeter reviendrait à refuser ces progrès sans présenter d'alternative.

Comme tous les traités, le traité de Lisbonne ouvre des possibilités mais ne remplace pas la volonté politique, qui est le point le plus important. Or la volonté politique dépend de celles et ceux qui exercent les responsabilités, où qu'ils soient : dans les gouvernements, dans les institutions européennes, dans les partis européens ou au Parlement européen. Je crois qu'il faut savoir si nous tous, dans nos responsabilités respectives, avons cette volonté. Vous, monsieur le secrétaire d'État, saurez-vous faire de la présidence française une étape vers une meilleure Europe, plus solidaire, plus performante sur la croissance et l'emploi, plus efficace sur la scène internationale ? C'est vrai qu'une présidence d'un semestre, c'est court, mais la France a toujours obtenu des progrès sur des objectifs importants. Quant à nous, saurons-nous, avec la gauche européenne, réussir les élections de 2009 et rendre l'Europe plus proche des citoyens ? Aurons-nous tous la volonté collective de réussir des projets concrets dans la recherche, la formation des jeunes ? Je pense à Erasmus : qu'est-ce qu'on attend pour conditionner la délivrance d'un diplôme de master à une formation de six mois dans un autre pays de l'Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe Nouveau Centre),…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

…et pour étendre ce critère aux apprentis ? Aurons-nous aussi cette volonté collective pour la maîtrise du réchauffement climatique, pour la sécurité ?

Mais nous savons que ces projets concrets ne suffiront pas à redonner du sens à l'Europe. Pour lui redonner du sens, il faut pouvoir lui permettre, comme nous avons su le faire au siècle dernier, d'apporter des réponses aux peurs des citoyens. Les peurs, il y a cinquante ou soixante ans, c'étaient la guerre et les dictatures. L'Europe a magnifiquement réussi, on ne le dit pas suffisamment. Mais saurons-nous répondre aux peurs de notre siècle ? Saurons-nous humaniser la mondialisation, maximiser ses bénéfices et maîtriser ses effets pervers ? Saurons-nous, nous, Européens, porter dans le monde cette voix qui dit : « Oui, nous devons pouvoir assurer le développement de l'ensemble de la planète, maîtriser humainement les mouvements de populations ; nous devons être à l'avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique ; nous devons être à l'avant-garde d'une conception du dialogue des civilisations et des cultures » ? Il n'y a que si l'Europe existe, que si elle se projette en dehors d'elle-même, si elle dit au monde qu'elle a une voix et des choses à dire – sans arrogance, bien entendu, mais dans le dialogue –, que nous y parviendrons.

Nous, Européens, qui avons pendant deux millénaires fait l'histoire de tous les peuples, continuerons-nous à peser dans un monde dominé par d'autres grandes puissances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Je conclus, monsieur le président.

Si nous nous donnons pour mission de faire de l'Europe un acteur mondial qui fait entendre sa voix pour la paix et la solidarité dans le monde, qui tire la rive Sud de la Méditerranée et l'Afrique vers le développement et la démocratie, alors l'Europe retrouvera du sens. Avec le traité de Lisbonne, cette ambition devient possible, mais possible seulement. La réaliser ne dépend que de la volonté des Européens que nous sommes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat sur le projet de ratification du traité de Lisbonne me fait penser d'emblée à deux grands poètes, deux grands résistants l'un contre le nazisme, et l'autre contre la colonisation, les pires calamités du XXe siècle. Aimé Césaire a eu cette belle formule : « Je choisis le plus large contre le plus étroit ». Elle avait l'avantage de définir non seulement le principe de sa poésie, mais surtout de révéler sa posture politique face au défi qu'il lui fallait relever. René Char, dans ses feuillets de résistance, écrivait : « La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil. »

Il y a deux Europes possibles, monsieur le secrétaire d'État : l'une étroite, que ce traité – qui reprend l'essentiel du projet avorté de Constitution – ambitionne de continuer à mettre en oeuvre ; l'autre plus large, qui constitue mon horizon personnel.

Je comprends René Char qui parlait de la lucidité comme d'une blessure. La lucidité est la seule des attitudes de l'esprit qui peut voir à la fois le rêve ou l'utopie, et continuer à agir, sans renoncement, dans les ombres et les régressions du réel. C'est en cela qu'elle peut être douloureuse, mais c'est par là qu'elle devient une blessure stimulante.

Mais votre Europe, monsieur le secrétaire d'État, est étroite. Je ne fais preuve d'aucun aveuglement à son égard. C'est l'Europe de la finance et du libéralisme économique le plus indécent, de la concurrence sans partage. Même si Mme Guigou y trouve des valeurs qui semblent placées au-dessus des marchés, celles-ci sont au-delà des fondements de l'Europe : ce n'est possible de s'en prévaloir que par le recours juridictionnel, vous l'avez dit vous-même. C'est l'Europe de la croissance à tout prix, même au prix de la survie de la planète et de l'espèce humaine. C'est l'Europe de l'État réduit à un minimum, sous le poids d'une logique de dérégulation généralisée. C'est l'Europe qui s'éloigne de la laïcité pour instituer une référence religieuse dans les fondements de sa démocratie et de ses droits fondamentaux. Les discours de Riyad et de Latran n'en sont-ils pas des prémices inquiétantes ? L'homme qui espère ce n'est pas seulement l'homme qui croie, c'est l'homme qui lutte pour un monde meilleur.

Or c'est une Europe forteresse quand elle fait sienne l'obsession de la répression de tous les flux migratoires, quand elle vise à se transformer en une sorte d'îlot de pureté culturelle, religieuse ou même raciale. Tant que l'Europe verra à ses frontières de pauvres gens se jeter contre des murs aveugles, escalader des barbelés, tant que des êtres humains agoniseront sur ses plages, perdront une part de leur dignité dans des centres de rétention, ou sauteront par des fenêtres pour fuir les polices d'immigration, l'Europe se trahira elle-même en se rétrécissant encore un peu plus, en renonçant un peu plus à elle-même !

Cette Europe-là n'est pas la mienne ! Elle est mise en oeuvre par les forces ultra-libérales, qui, dans le domaine de la mondialisation, ont presque vingt ans d'avance sur toutes les instances de progrès social, de culture et de solidarité humaines. Mais ce n'est pas parce que ces forces sont en avance sur nous que nous allons sacrifier la belle idée européenne et nous accommoder d'un renoncement stérile. Peut-on stopper cette Europe-là simplement en disant « non » au traité de Lisbonne ? Malheureusement, je ne le pense pas.

C'est pourquoi je nourris cette conviction très simple : pour lutter contre l'Europe étroite, nous avons besoin de l'Europe ! Notre combat pour l'Europe la plus large se fera avec l'Europe et dans l'Europe ! C'est pour nous le vrai champ de bataille, la seule échelle démocratique où nous avons à oeuvrer tout en luttant pour un autre imaginaire économique : celui du progrès social, celui d'une mondialisation plus juste et plus équitable.

Mais l'Europe la plus large n'appartient pas eux seuls Européens. Elle n'est pas une simple cohérence géographique. C'est un principe d'existence et de relation au monde. Elle n'est pas la mise en oeuvre d'un nouvel empire dominateur, mais la mise en relation de tous ceux qui partagent les mêmes idéaux de progrès, de respect de la diversité et de la dignité des peuples ! Une dignité qui s'accommode mal, par exemple, de la vision de peuples africains « hors de l'histoire » pour lesquels « il n'y aurait de place ni pour l'aventure humaine ni pour le progrès », telle que présentée par le discours de Dakar !

Il n'y a pas une seule désolation, une seule souffrance, en Asie, en Afrique, dans les Amériques ou dans les Caraïbes, pas une seule ferveur en Turquie ou ailleurs, qui n'attendent l'avènement de cette autre Europe ! Car notre perspective est d'habiter le monde de la manière la plus juste, la plus sobre et la plus humaine possible !

L'Europe à laquelle je crois est l'utopie qui manque actuellement à la mondialisation. C'est celle par laquelle la République française une et indivisible pourrait ainsi devenir une république unie, riche de l'autonomie pleine et entière de ses diversités, sans sujétion, sans assistance et sans dépendance. Car l'Europe la plus large conçoit, selon les mots de Glissant, que l'on peut « changer en échangeant avec l'autre sans pour autant se perdre ou se dénaturer ».

Soyons donc lucides sur les régressions de notre époque, mais soyons aussi déterminés à utiliser les quelques avancées que nous confère ce traité pour continuer à nous battre en faveur d'une Europe du progrès, de la diversité, imprégnée des valeurs d'égalité et de solidarité.

C'est notre blessure stimulante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, quarante-huit heures après avoir révisé la Constitution en Congrès, nous discutons d'un texte tout aussi important, sinon plus, que le traité constitutionnel, sans vrai débat alors que le référendum avait, il y a deux ans, suscité une formidable passion chez nos concitoyens. Comme l'indiquait Valéry Giscard d'Estaing, lors de son audition à l'Assemblée, le 16 janvier dernier, c'est la poursuite de la « conquête sournoise des compétences européennes ». Il ajoutait : « Cette méthode, choisie et acceptée, constitue une dérive malsaine. Elle n'est pas démocratique et irrite l'opinion publique. » On en mesurera l'effet boomerang l'année prochaine, lors des élections européennes !

L'engagement du Président de la République d'en passer par la voie parlementaire – c'est d'ailleurs l'article 89 et non l'article 11 qui figurait à l'ordre du jour du Congrès, marquant bien ainsi la prédominance de l'exception parlementaire sur la voie normale du référendum – aurait pu se justifier s'il s'était agi d'un traité simplifié ; or il n'en est rien. Toujours selon Valéry Giscard d'Estaing : « Il est plus long que le précédent. Il s'agit bien, avec ce catalogue, d'un texte ayant le même contenu, mais faisant l'objet d'une présentation différente, dont la lecture est cependant pratiquement impossible. »

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

On a donc changé le flacon, mais pas le contenu – on a encore moins eu l'ivresse ! –, en le rendant parfaitement abscons.

Car ce traité, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, n'est pas un traité ordinaire qui s'ajouterait aux autres, tel celui d'Amsterdam ou de Nice : il est une étape décisive de la Constitution européenne puisque l'Union européenne se substitue désormais à la Communauté européenne et qu'elle se trouve dotée de l'essentiel des attributions ordinairement dévolues aux États. Comme l'explique le professeur, ancien recteur d'Académie, Armel Pécheul : « La nation se dilue au profit d'une citoyenneté européenne en gestation. La souveraineté des États devient résiduelle et s'efface devant un système de compétences “exercées en commun”. La représentation internationale des États est partagée avec la représentation de l'Union. Le pouvoir est légitimé par le droit, de par les experts et non plus de par la volonté des peuples souverains. Le contrôle des gouvernants n'est plus politique : il est exclusivement juridique. »

J'aborderai en particulier deux points.

Premièrement, les nouvelles compétences externes attribuées à l'Union européenne fixent à l'intérieur de l'Union la sauvegarde de « son indépendance et de son intégrité », selon les termes du traité. De fait, l'Union Européenne entend devenir un partenaire international des États autres que ses États membres, ainsi que des organisations internationales dans « tous les domaines des relations internationales ».

L'Union européenne devient un acteur international appelé à se substituer aux États membres dans le concert des nations, puisque, selon le nouvel article 19, les États membres du Conseil de sécurité – la France et la Grande-Bretagne – s'effaceront au profit du Haut représentant invité à présenter la position de l'Union au sein du conseil. Ce Haut représentant deviendra « ministre des affaires étrangères », comme le prédit Valéry Giscard d'Estaing, parce que les journalistes finiront bien par retenir cette appellation. Mais pour quelle politique étrangère commune ? Celle de la Grande-Bretagne alignée sur les États-Unis avec les vingt-cinq autres États, comme lors de la guerre en Irak, ou celle de la France en résistance avec l'Allemagne contre l'aventure américaine ?

Le traité de Lisbonne prévoit aussi une coopération structurée aux côtés de l'OTAN, et des engagements renforcés des États auprès de celle-ci. L'inscription d'une alliance de l'Union européenne avec l'OTAN dans le traité, c'est-à-dire d'un système militaire sous commandement étranger, fût-il ami, met à mal le concept d'une Europe de la défense que l'on veut indépendante.

Mais le veut-on ? L'article 28B nouveau du traité de l'Union évoque « des missions qui peuvent contribuer à la lutte contre les terrorismes, y compris par le soutien apporté à des pays tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire ». Cela met à mal l'usage d'une Constitution européenne présentée comme un gage de paix pour les nations, dans la mesure où le système d'alliance sous commandement américain permet toutes les confusions. Les États-Unis et l'Union Européenne ont-ils la même conception de la lutte contre le terrorisme ?

Sur le plan interne, la conquête la plus sournoise réside dans le principe du droit européen, qui n'est plus inscrit comme précédemment dans le traité constitutionnel, mais qui y figure discrètement parmi les dispositions du chapitre II, et plus encore dans la déclaration n° 27, qui considère la primauté du droit communautaire comme un principe fondamental du droit. Avec la Charte des droits fondamentaux agrégée au traité, la Cour de justice est ainsi dotée de la valeur juridique qui faisait défaut jusqu'alors, même si elle l'avait, sans attendre le nouveau traité, déjà intégrée parmi les éléments de contrôle de la légalité communautaire.

Avec ce nouvel instrument, la Cour devrait voir ses pouvoirs renforcés, notamment dans le domaine du droit des minorités, rangé parmi les droits de l'homme et figurant ainsi parmi les valeurs de l'Union en faveur du respect de « la diversité culturelle, religieuse et linguistique ». Cette reconnaissance d'un vrai droit des minorités nationales va s'opposer aux articles 1er et 3 de notre Constitution, et à notre conception de l'égalité qui va voler en éclats, puisque le droit européen reconnaît des droits particuliers. Cette ouverture à la discrimination prépare le droit à l'autonomie future.

De même, l'article 10 du traité affirme « la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites ». Ce droit heurte fondamentalement et frontalement le principe constitutionnel français de la laïcité. La seule limite posée par la Cour européenne des droits de l'homme est celle de « la sauvegarde du régime démocratique ». D'évidence, notre récente loi sur la laïcité est condamnée à terme : la pratique de la polygamie, les mariages arrangés, les choix alimentaires et les signes ostentatoires seront érigés en « droits de l'homme », puisqu'ils ne portent pas, en eux-mêmes, « une atteinte grave au régime démocratique ». Ainsi donc, nos propres droits fondamentaux risquent d'être ravalés au second rang, au profit de nouveaux droits, contraires aux principes les mieux établis de la République française.

Échappant de plus en plus au contrôle des États et des nations sans lesquels il n'existe aujourd'hui guère de légitimité démocratique, cette construction européenne risque aussi de pâtir de l'absence de tout contrôle parlementaire et populaire. Voilà pourquoi elle risque d'être, davantage encore, soumise aux contrôles d'intérêts économiques supranationaux, ce qui ne peut que me préoccuper.

Cela étant, comment s'opposer à un tel texte, malgré tout, puisqu'il n'y a aucune autre proposition crédible des vingt-six autres chefs d'États européens, un peu prisonniers d'une pensée héritée de la guerre froide, qui n'est pas sans rappeler le fameux « sens de l'histoire » marxiste ? Comment ne pas accorder sa confiance au Président de la République, malgré tout, et quels que soient les éloignements de ses engagements, alors que la France assumera la présidence de l'Union dans quelques semaines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

En fait, le seul élément vraiment positif dans ce traité modificatif, qui me conduira à m'abstenir, c'est que n'y figurera pas la signature clandestine du Premier ministre turc, à la différence du précédent traité. Sachant que le parlement turc a voté, cette nuit, un amendement en faveur du voile, je m'en réjouis.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, j'ai consulté comme vous la presse quotidienne nationale ou régionale du 7 février, aujourd'hui même, et je n'y ai pas trouvé une ligne concernant notre débat du jour. Et, pourtant, la construction de l'Europe est l'un des plus beaux combats de notre temps !

Certes, le traité de Lisbonne n'apporte pas tous les progrès de l'Europe des citoyens que nous espérions. Mais, pour la première fois, l'Europe est définie par un modèle de civilisation fondé sur des valeurs : la démocratie, bien sûr, l'État de droit, mais aussi l'égalité, la solidarité, la protection sociale et le développement durable. Toutes ces valeurs sont les nôtres ; elles sont celles de la République.

Les socialistes ont été parmi les architectes de l'Europe, avec la conviction d'oeuvrer pour la justice sociale et la grandeur de notre pays. Cependant, j'ai pleinement conscience du doute qui s'est installé au moment du traité constitutionnel, rejeté par voie référendaire en mai 2005. Quotidiennement aux côtés des Strasbourgeois, et notamment des plus modestes, je ressens les inquiétudes, la méfiance et la tentation du repli sur soi.

Mais si nous voulons changer l'Europe, changeons de majorité en France et en Europe. Je récuse le discours de la défausse qui accuse l'Europe d'être responsable de tous nos maux. J'ai toujours combattu les thèses souverainistes véhiculées par les conservateurs, mais aussi parfois par certains milieux de la gauche. Les forces qui s'opposent aujourd'hui au traité de Lisbonne sont les mêmes qui, hier, dénonçaient la CECA, craignaient la réconciliation franco-allemande, accusaient l'Europe d'être une hydre supranationale, s'opposaient à l'adhésion de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce, et ont absurdement stigmatisé le « plombier polonais » lors du débat référendaire de 2005, ce qui s'apparente incontestablement à une forme de rejet de l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

À Lisbonne, par excès de précipitation et volonté d'apparaître comme le « Zorro de l'Europe », le Président de la République a manqué l'occasion d'une rupture plus franche, plus audacieuse. À la conception de l'Europe présentée sous les traits d'une « France en grand » développée par M. Nicolas Sarkozy, j'oppose une vision de l'Europe citoyenne, sociale et solidaire. Mais je regrette que le traité de Lisbonne ait abandonné toutes les références symboliques : l'hymne européen, et le drapeau européen, qui a sa place dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Strasbourg, symbole de la réconciliation franco-allemande, et capitale parlementaire de l'Europe n'est pas mentionnée !

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Dans un discours remarqué, le 2 juillet 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : « Il faut montrer que Strasbourg est la capitale de l'Europe et s'en donner les moyens ». Et depuis lors ? Il n'y a jamais eu de moyens supplémentaires, et la reconnaissance symbolique est absente.

Mais le traité de Lisbonne institutionnalise la Charte des droits fondamentaux qui était l'un des combats de la gauche et de la confédération européenne des syndicats. C'est une conquête essentielle qui ouvre enfin la chance d'une harmonisation sociale. C'est une disposition qui emporte à mes yeux toutes les préventions vis-à-vis des insuffisances du traité. Et c'est la principale raison pour laquelle tous les partis socialistes et sociaux-démocrates d'Europe ont décidé d'appeler à voter le traité.

Dans un tel contexte, le débat sur la nécessité d'un référendum plutôt que d'une procédure parlementaire est déjà dépassé. Par principe, je suis plutôt favorable à la saisine directe des citoyens. Mais s'arc-bouter sur cette position en proclamant « référendum ! référendum ! », tout en espérant secrètement le rejet du traité, s'apparente à une posture qui mène à l'inaction et à l'isolement.

Debut de section - PermalienPhoto de Armand Jung

Strasbourg, l'Alsace et la gauche sont à l'origine de mon engagement politique et public. Elles m'ont fait aimer l'Europe. C'est pourquoi, au Congrès du Parlement réuni à Versailles, j'ai voté sans hésitation et sans reniement la modification de notre Constitution, préalable à la ratification. Aujourd'hui, et parce que le traité de Lisbonne n'est pas une fin en soi mais l'instrument d'une sortie de crise, je voterai oui, parce que c'est l'impérieuse urgence du moment. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je vais vous dire, après beaucoup d'autres et en quelques mots, pourquoi il faut ratifier ce traité.

Je soulignerai deux raisons essentielles, déjà beaucoup évoquées.

D'abord, il faut le signer pour l'Europe. Ce traité va permettre de doter l'Europe d'institutions plus démocratiques, plus transparentes, plus efficaces – nous l'espérons –, et de la sortir d'une sorte de crise larvée qui dure depuis des années. Avec ce traité, nous allons pouvoir clore cette période et, espérons-le, aborder d'autres sujets, notamment le contenu des politiques menées au niveau européen.

Ce traité, il faut aussi le ratifier pour la France. En Europe, le « non » n'a pas provoqué un élan qui aurait pu permettre de disposer aujourd'hui d'un substitut à ce traité. Pour dire les choses peut-être un peu brutalement : il ne s'agit pas de choisir entre ce traité imparfait et un autre meilleur, mais entre une situation où la France reste un acteur essentiel de l'Europe et une autre où elle est isolée, marginalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il faut tirer les leçons de ce processus et de la manière dont il s'est déroulé ces dernières années. Cela étant, je ne considère pas que ce traité constitue la fin de l'histoire, bien au contraire. D'abord, parce que l'on peut s'interroger sur la manière dont les nouvelles institutions vont fonctionner, même si elles s'inscrivent dans une évolution et non dans une rupture – un mot pourtant à la mode – avec le passé. La vérité, c'est que nous ne savons pas trop comment les choses évolueront. Cela dépendra beaucoup des personnes, d'où la nécessité de bien les choisir. À cet égard, une personnalité, aussi estimable soit-elle par ailleurs, mais venant d'un pays qui ne manifeste pas un élan très fort pour l'intégration européenne et qui a encore obtenu des clauses dérogatoires dans ce traité, ne sera peut-être pas la mieux à même d'impulser un nouvel élan à l'Europe.

Les parlementaires européens qui devront se saisir des nouveaux pouvoirs et compétences que leur donne ce traité. Les parlementaires nationaux aussi : le contrôle de subsidiarité a été renforcé, et nous devrons nous adapter. Le travail effectué par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est excellent, et je voudrais rendre hommage à son président, Pierre Lequiller. Mais nous devrons discuter, notamment dans le cadre des propositions de la commission Balladur et de la réforme constitutionnelle, de la manière dont l'Assemblée nationale peut s'organiser au mieux pour utiliser ces nouvelles compétences.

Enfin, cet accord institutionnel ne répond pas à toutes les questions fondamentales que se pose l'Europe depuis plusieurs années. Les objectifs des pères fondateurs étant largement atteints aujourd'hui, les motivations des Européens sont à redéfinir. Quels objectifs, quelles orientations, quelles priorités s'assignent-ils ? Quel sens donnent-ils à L'Europe ? Ces interrogations demeurent et expliquent le « non » français. À cet égard, je reprendrai assez volontiers la proposition de notre collègue députée européenne Pervenche Berès, de réunir une convention pour débattre de ces objectifs, du sens que les Européens donnent à leur projet commun. Il faudrait mettre ces sujets sur la table dans les mois et les années à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pendant près d'un demi-siècle, l'Europe s'est construite par des traités à vocation économique sans jamais aborder la vraie question : pourquoi sommes-nous ensemble et que voulons-nous faire ensemble ? Je suis de ceux qui pensent que cette question constitutionnelle reste fondamentale et qu'elle méritait, une fois encore, un grand débat démocratique.

Le « mini-traité » n'a ni l'ambition ni l'ampleur du traité constitutionnel, que j'ai pour ma part soutenu, même si je n'approuvais ni la présence d'une troisième partie concernant les politiques, ni la référence à l'objectif d'une « concurrence libre et non faussée », lesquelles n'avaient pas leur place dans un texte constitutionnel. S'il est moins ambitieux, le traité de Lisbonne a au moins l'avantage d'exclure ces deux aspects, qui avaient motivé le non pro-européen de gauche en 2005. Mais il a l'inconvénient de ne pas affirmer clairement sa vocation constitutionnelle, comme si celle-ci était honteuse et devait être cachée, pour éviter la voie référendaire.

Je voterai oui sans hésiter au traité de Lisbonne, comme la majorité du parti socialiste, lequel a toujours été, et reste profondément européen. Il le fut avec Jaurès, contre les nationalismes et la guerre ; il le fut avec Blum, qui milita jusqu'à la fin de sa vie pour jeter les bases d'une Europe politique ; il le fut avec Jacques Delors, qui relança une Europe en panne au milieu des années 80 ; il le fut avec François Mitterrand, qui sut refonder le couple franco-allemand pour faire avancer l'Europe, et osa prendre des risques politiques pour que la construction européenne s'ancre de façon irréversible dans l'opinion. Car c'est en permettant aux citoyens de débattre et de se prononcer sur les grandes étapes de la construction européenne, et non en leur dissimulant celles-ci, que nous rendrons l'Europe populaire.

Par rapport au traité de Nice, le traité de Lisbonne comporte des avancées – on les a soulignées – qui vont dans le sens de l'Europe voulue par la gauche. Il inclut un protocole sur les services publics, et reprend l'essentiel des dispositions institutionnelles qui figuraient dans les deux premières parties du traité constitutionnel : un président du Conseil européen stable, un rôle des parlements nationaux affirmé, l'introduction d'un droit d'initiative citoyenne, et la possibilité de mettre en oeuvre des coopérations renforcées.

Ce traité a un mérite limité, mais incontestable. Il sort l'Europe de l'ornière et lui permet de mieux décider à vingt-sept. Et, d'une certaine façon, il marque la réunification définitive d'un continent affranchi de l'héritage de Yalta. Nous n'aurons plus, désormais, l'excuse de la lourdeur des processus de décision pour ne pas avancer dans la coordination économique ou la mise en oeuvre d'un développement durable. Nous n'aurons plus la menace du veto pour justifier l'inaction en matière de politique industrielle ou de défense.

Toutefois, si nous voulons que l'Europe retrouve son sens pour nos concitoyens, il faut aussi qu'elle apporte des réponses concrètes aux inquiétudes nées de la mondialisation. C'est pourquoi nous souhaitons, nous, socialistes, que l'Europe sociale soit désormais au centre de la politique européenne.

Par ailleurs, ce traité comporte aussi des reculs. Ainsi, la charte des droits fondamentaux n'en est plus une partie intégrante, et l'on a abandonné, sous la pression britannique, les symboles de l'Europe. En politique, il y a certes les actes législatifs ou réglementaires, mais il y a aussi les symboles.

Qui ne se souvient de l'image forte de Mitterrand et Kohl main dans la main à Verdun le 22 septembre 1984 ? Plus que toutes les déclarations des sommets franco-allemands, cette image incarne cette formidable réconciliation des peuples européens que représente la construction européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Et l'hymne européen nous rappelle que, avant d'être un grand marché, l'Europe fut d'abord une réalité culturelle. La musique qui naissait à Vienne, à Bonn, à Prague, à Venise ou à Paris était européenne avant d'être autrichienne, allemande, tchèque, italienne ou française. Je regrette que ces symboles de l'identité européenne, comme le drapeau que nous mettons tous sur nos bâtiments publics à côté du drapeau Français, n'aient pas été retenus dans ce traité, et je déplore que la France n'ait pas signé le protocole annexe qui les rappelait. (Applaudissement sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

En effet, l'identité européenne existe plus profondément qu'on ne le pense !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Alain Muet

Une opinion publique européenne s'est clairement affirmée dans tous les pays contre la guerre en Irak, alors que les gouvernements européens avaient pris des positions différentes. C'est pourquoi, comme beaucoup de socialistes et de sociaux-démocrates européens, nous sommes opposés à la nomination d'un président qui, dans ses fonctions nationales, aurait participé à la guerre en Irak.

Pour conclure, je dirai que ce traité est une étape nécessaire que je voterai sans réserve, mais sans illusion, car l'essentiel reste à faire, notamment en matière sociale, pour que l'Europe redevienne une ambition partagée par tous nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – M. François Rochebloine applaudit également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine émotion que je participe à un débat et à un vote qui permettront à l'Europe de franchir une étape majeure. Je veux souligner trois avancées, qui constituent à mes yeux trois raisons de voter en faveur du traité.

La première tient à ce qu'après les non français et néerlandais, l'Europe était en panne. Beaucoup pensaient alors qu'elle ne pourrait pas sortir de l'impasse. Grâce aux propositions, à l'énergie du Président de la République et au partenariat avec Angela Merkel,…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

…nous sommes parvenus à convaincre l'ensemble de nos partenaires qu'il fallait remettre l'Europe sur les rails. Il faut insister sur ce premier point car, je le répète, beaucoup estimaient que l'Europe ne se remettrait pas de ce qui s'était passé en France, et aux Pays-Bas. L'Europe a de nouveau un avenir, et c'est une première raison de se réjouir du traité et de le voter.

La deuxième raison est que l'Europe va enfin pouvoir fonctionner à vingt-sept. On se souvient du débat entre approfondissement et élargissement. Nous n'avons pas été capables d'approfondir : les traités d'Amsterdam et de Nice ont été, à cet égard, des échecs. Nous n'en avons pas moins continué l'élargissement, de sorte que l'Europe à vingt-sept avait des institutions d'une Europe à six, lesquelles ne convenaient plus. Il fallait donc à tout prix les modifier : autre raison de soutenir et de voter le traité. Ce n'est pas rien, car, je le rappelle, nous cherchions depuis 1995 les moyens de faire fonctionner l'Europe à vingt-sept.

Troisième raison : après le traité de Maastricht, une nouvelle étape, importante, est franchie dans la voie de l'Europe politique. Rappelons que Robert Schuman, dans son discours du 9 mai 1950, proposait de créer des solidarités de fait avant de construire l'Europe politique. Ces solidarités de fait existent, et après avoir élaboré le marché unique et l'Europe économique, il était essentiel de passer à l'Europe politique. On a souvent dénoncé le géant économique et le nain politique qu'était l'Europe : celle-ci, grâce au traité, va pouvoir devenir un géant politique et enfin exister sur la scène internationale.

Ne boudons donc pas notre plaisir : ce traité comporte trois succès majeurs. Mais il reste un triple défi, et la France, qui a contribué à remettre l'Europe sur les rails, a une responsabilité majeure pour le relever.

Le premier défi est celui de la diversité. Jacques Delors l'a dit : l'Europe sera pluraliste ou ne sera pas. Le nouveau traité est plutôt rassurant sur ce point, dans la mesure où il clarifie les compétences de l'Union européenne et des États membres. Il faut toutefois rester vigilant et éviter tout empiètement inutile sur la souveraineté nationale. Si la France doit veiller à l'unité de l'Europe, elle doit aussi veiller à la diversité de celle-ci, sur tous les plans – y compris la diversité culturelle et linguistique.

Le deuxième défi est celui d'une Europe qui protège. Les Européens ont souvent le sentiment que l'Europe les expose à une concurrence déloyale, au plan interne comme au plan externe : le malaise en a bien été ressenti lors du débat sur le traité constitutionnel. Un tel sentiment contient une part de vérité, tant l'Europe reste parfois prisonnière d'une philosophie par trop libre-échangiste. Sur ce point également, le traité de Lisbonne apporte des réponses qui devraient rassurer les Français, qu'il s'agisse de la charte des droits fondamentaux, de la clause sociale horizontale, de la protection des services d'intérêt général ou encore, dans un autre domaine, des progrès de l'Europe de la défense. Cependant, là aussi, tout dépendra de l'usage qui sera fait des textes et de l'énergie que nous mettrons à progresser, au plan interne, en matière sociale, fiscale et environnementale, et, au plan externe, de notre capacité à mieux défendre nos intérêts, notamment dans les négociations de l'OMC.

Troisième défi : rétablir la confiance entre les Européens et l'Europe. Au fil du temps, un fossé s'est creusé, qui doit à tout prix être comblé. Le traité nous y aidera, mais c'est surtout par la façon dont on le mettra en oeuvre et dont on fera vivre les nouvelles institutions que ce fossé sera comblé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

En conclusion, je dirai que, s'il est à mes yeux essentiel d'adopter le nouveau traité, qui lève trois points de blocage majeurs, il est tout aussi essentiel de veiller à une application du texte conforme au voeu des Français et des Européens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Marc Dolez, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le respect de la souveraineté populaire aurait voulu que le Président de la République et le Gouvernement s'appuient sur la volonté du peuple, exprimée le 29 mai 2005, pour exiger une réorientation économique, sociale et politique de la construction européenne. Tel n'est pas été le cas puisque – personne ne le conteste vraiment aujourd'hui – le traité de Lisbonne est quasiment identique, dans son contenu, au traité rejeté il y a deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Toutes les raisons de dire non demeurent. En effet, le cadre ultra-libéral des politiques économiques, monétaires, financières, budgétaires et commerciales reste absolument inchangé.

La référence à la « concurrence libre et non faussée » fait ainsi l'objet, avouons-le, d'un tour de passe-passe. Si elle disparaît des objectifs de l'Union, le protocole additionnel n° 6 lui est consacré, et lève toute erreur d'interprétation en disposant que « le marché intérieur […] comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas faussée ». La concurrence reste donc le fil conducteur de la construction européenne, et le libre-échange son horizon indépassable, avec toutes les contraintes qui en découlent : interdiction de toute restriction à la libre circulation des capitaux ; libéralisation des secteurs de l'énergie, des transports et de la poste ; suppression progressive des obstacles au commerce international.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Les services publics, dont on parle beaucoup, font quant à eux l'objet de ce que j'appellerai une mystification. En effet, le protocole n° 9, dont l'intitulé évoque les « services d'intérêt général », ne concerne en fait, dans son contenu, que les « services d'intérêt économique général », lesquels, par les articles 106 et 107 du traité, sont soumis de manière drastique aux règles de la concurrence, ce qui interdit, dans la pratique, toute aide de l'État. Je renvoie d'ailleurs ceux qui se feraient encore quelques illusions aux propos qu'a tenus M. Barroso, président de la Commission européenne, le 20 novembre dernier, devant le Parlement européen : celui-ci jugeait « inutile » d'envisager une loi-cadre européenne pour clarifier la place des services publics d'intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Il faut donc se battre ! C'est cela, la politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

L'Europe ne dispose pas des outils politiques nécessaires pour maîtriser et encadrer la toute-puissance, ainsi reconnue, des lois du marché. Elle restera donc malheureusement un nain politique.

Il n'y a par ailleurs aucune remise en question de la politique monétaire, et la stabilité des prix fait une entrée remarquée parmi les objectifs de l'Union. L'indépendance de la Banque centrale est confirmée, tandis que le protocole n° 3 prévoit, monsieur le secrétaire d'État, que l'Eurogroupe ne se réunira que « de façon informelle ».

Il est désormais impossible de construire l'Europe sociale, puisque toute harmonisation est interdite – je vous renvoie sur ce point aux articles 151 et 153 du traité –, comme est impossible l'harmonisation fiscale, puisque l'unanimité reste la règle en ce domaine, et que chaque pays dispose donc d'un droit de veto. Bref, le traité ne contient rien pour lutter contre le dumping social et fiscal, et donc rien pour lutter contre les délocalisations et le saccage de notre industrie.

Et sur la scène internationale, du fait de l'article 42 du traité relatif à l'Union, l'Europe restera soumise aux orientations militaires et diplomatiques des États-Unis puisque c'est dans le cadre de l'OTAN que se concevra sa politique de sécurité et de défense.

Un certain nombre de mes collègues du groupe socialiste en sont convaincus : toutes les raisons de dire « non » demeurent. N'ayant pas obtenu un référendum, certains ont décidé de ne pas participer au vote. D'autres, dont je suis, ont choisi de maintenir leur « non » afin de confirmer celui du peuple français, le 29 mai 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Ce « non », dont nous sommes en quelque sorte les garants, est l'expression de notre ardente volonté d'une autre Europe, démocratique, indépendante et sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La discussion générale est close.

La parole est à M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne reviendrai pas sur les motions de procédure, qui ont été abondamment débattues hier soir et auxquelles M. le ministre des affaires étrangères et européennes a répondu, ni sur les améliorations…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…apportées par le traité signé le 13 décembre dernier à Lisbonne, et qui ont été soulignées par nombre d'orateurs.

Comme l'ont indiqué le président de la commission des affaires étrangères, le rapporteur, Mme Guigou ou encore M. Laffineur, ce traité présente l'immense mérite de sortir l'Europe de l'impasse institutionnelle et politique dans laquelle elle se trouvait depuis quinze ans, et surtout depuis le vote de septembre 2005, et il comporte des avancées majeures.

Ce traité facilitera notamment la prise des décisions – vous avez été nombreux à le souligner – du fait de l'extension de la majorité qualifiée à de nombreux domaines, et il nous permettra de mettre en oeuvre des politiques communes concrètes dans des domaines aussi sensibles que la sécurité, la coopération judiciaire et policière et dans d'autres domaines qui représentent des enjeux pour l'avenir de l'Europe.

Ce traité permettra aussi à l'Europe de mieux relever des défis globaux, auxquels nous ne pourrons trouver de réponse satisfaisante tant que nous ne serons pas unis. En nous proposant une conception plus large de l'Europe, il permettra à celle-ci d'être plus influente sur la scène internationale. En autorisant une meilleure articulation entre la politique européenne de défense et de sécurité et l'action de l'OTAN, ce traité permettra à l'Union de nourrir en matière de défense des ambitions…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…correspondant à celles qui devraient être celles d'un espace économique de 500 millions d'habitants.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

En cela, il corrige le hiatus qui existait auparavant.

Il permettra aussi, autre progrès important, de renforcer le co-développement et la coopération, avec nos partenaires africains en particulier. Bref, il permettra à l'Europe de mieux maîtriser son destin et de faire entendre sa voix sur le plan international, notamment dans les domaines de la diplomatie et de la sécurité.

Un certain nombre d'entre vous ont également souligné que ce traité, s'il a pour finalité la mise en place de politiques communes, demeure un instrument et ne constitue pas en lui-même un projet, mais il sera ce que nous en ferons, notamment dans les domaines économique, social et même fiscal. En effet, en dépit des règles d'unanimité, ce traité autorise des coopérations renforcées, les règles dans ce domaine restant simplifiées. Cela nous permettra, dans le cadre d'une Europe élargie – c'est un autre atout de ce texte – de dépasser la dialectique entre approfondissement et élargissement.

Enfin, ce traité prend en compte les aspirations et les craintes exprimées lors du référendum du 29 mai 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Soyez sans crainte, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Si certains ont encore des craintes, monsieur Myard, ce traité devrait les rassurer puisqu'il comporte des avancées certaines en matière sociale, avec le protocole sur les services publics, la clause sociale transversale, ou encore le fait que « la concurrence libre et non faussée » n'est plus un objectif en soi, mais seulement un outil figurant dans le protocole. Tout cela a un sens ! (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

C'est une plaisanterie ! Les Anglais ont durci la rédaction !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mme Guigou a eu raison de souligner que le fait de définir dans ce traité de nouveaux objectifs tout en faisant de certains autres de simples instruments avait une incidence juridique, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Cour européenne de justice sur les aides d'État.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Si : un instrument au service du marché intérieur et un objectif n'ont pas la même portée juridique !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

On le voit, ce traité répond aux craintes exprimées lors du référendum du 29 mai 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Il fallait les consulter à nouveau dans ce cas !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Ce traité contient en outre des avancées démocratiques grâce au renforcement du rôle du Parlement européen…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Et l'abaissement du rôle des Parlements nationaux !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Non, le rôle des Parlements nationaux est également renforcé. Ils pourront notamment rendre des avis motivés et intervenir sur les décisions de la Commission européenne et les actes européens. Dans le cadre de la construction européenne, c'est bien d'une avancée démocratique qu'il s'agit ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Enfin, et c'est le plus important, ce traité marque la réconciliation des peuples européens…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…dans une Europe élargie, une Europe nouvelle qui, après la chute du Mur de Berlin, se devait de parvenir à l'union et qui dispose enfin des outils nécessaires à sa véritable réconciliation. En cela, le traité de Lisbonne est fidèle à l'idéal européen…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…comme l'ont souligné certains d'entre vous, dont M. Muet.

Je voudrais à présent répondre à deux interrogations qui se sont fait jour au cours de ce débat. J'évoquerai tout d'abord celle, évoquée par M. Rochebloine, sur les frontières de l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Son intervention était d'une grande qualité !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Un groupe de réflexion sera mis en place, qui rendra ses conclusions en 2010. Il éclairera notamment les dirigeants européens sur ce qui fonde véritablement l'identité européenne et, partant, détermine ce que peuvent être les frontières de l'Union.

S'agissant de l'article 88-5 de notre Constitution, monsieur Rochebloine, je maintiens les options que j'ai déjà défendues.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je ne suis pas favorable au recours systématique au référendum avant tout nouvel élargissement – ce qui n'interdit pas d'y recourir dans les cas les plus importants. C'est au Président de la République qu'il appartiendra, dans le cadre institutionnel, de recourir ou non au référendum et de choisir le mode le plus approprié.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Si ! Je le répète, je ne suis pas favorable, s'agissant de l'article 88-5, au maintien de l'automaticité.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

S'il vous plaît ! Laissez M. le secrétaire d'État répondre aux questions qui ont été posées par les députés !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je vais être très clair, monsieur Rochebloine. Pour ce qui est de la Turquie, la position de la France est connue, et le Président de la République l'a exprimée à plusieurs reprises : la Turquie n'a pas vocation à adhérer à l'Union européenne.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La question du référendum ne se pose donc pas.

Autre point important abordé par nombre d'entre vous, de diverses sensibilités, notamment le président de la commission des affaires étrangères, Mme Guigou, M. Muet, M. Moscovici, M. Lequiller et M. le rapporteur : celui des symboles européens. Vous le savez, nous souhaitons rejoindre au plus vite les pays qui, au travers d'une déclaration commune, ont témoigné de leur attachement à ces symboles. Le plus important pour nous est de les faire vivre – nous l'avons prouvé le 14 juillet dernier, ou encore en décidant que, désormais, le drapeau européen flotterait à côté du drapeau français au fronton du ministère des affaires étrangères et européennes. S'agissant des institutions, je voudrais vous dire ma sympathie pour les propositions qui ont été faites en ce domaine.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Le ministre des affaires étrangères et européennes et moi-même soutiendrons une initiative en ce sens le moment venu, ce qui n'est malheureusement pas possible dans le cadre actuel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Au terme d'un débat de qualité, j'insiste sur le fait que le traité de Lisbonne ouvre de nouvelles perspectives pour l'Europe et la renforce en favorisant l'union entre les populations. Il redonne un souffle à l'idéal européen…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…en faisant en sorte que chaque pays, quelles que soient ses sensibilités, s'engage pour que se développent les politiques communes dont nous avons besoin. Soyez certains que la présidence française de l'Union européenne, qui sera collective dans son approche, modeste dans son style, mais ambitieuse dans ses objectifs,…

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…s'efforcera de faire vivre au mieux ce traité – c'est l'un de nos objectifs – qui conditionne l'avenir de l'Europe et des générations futures, à travers les échanges et le dialogue interculturel qu'il doit permettre, comme l'a souligné M. Fasquelle, tout en garantissant que nous puissions, dans l'unité, gérer la diversité des identités auxquelles nous restons attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'ai reçu de M. Nicolas Dupont-Aignan une motion d'ajournement, déposée en application de l'article 128, alinéa 2, du règlement.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'associe à cette motion Véronique Besse, François-Xavier Villain, Patrick Labaune et Jean Lassalle.

Le 15 janvier dernier, lors d'une question préalable, j'ai réfuté devant vous les quatre arguments essentiels que vous assenez avec aplomb pour justifier l'injustifiable. Vous nous dites que ce traité est différent de la Constitution Giscard. Il suffit de le lire pour comprendre qu'il est quasiment identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Vous nous dites que le Président Sarkozy l'avait promis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Texte de sa campagne à l'appui, je vous ai prouvé – relisez ma motion – que le Président n'avait jamais promis le retour de la Constitution européenne, mais un mini-traité tenant compte du « non » au référendum du 29 mai. Sans parler de sa campagne présidentielle, axée sur la lutte contre l'euro cher, le refus du libre-échange déloyal, la nécessité d'une vraie politique industrielle et l'attachement à l'identité nationale. Avouez que ceci ne ressemble en rien au traité de Lisbonne !

Vous nous dites que l'Europe est dans l'impasse. Mais de quelle Europe parlez-vous ? De celle porteuse de paix et de progrès ? De celle de la coopération, qui a fait ses preuves ? Ou de celle des oligarchies hors sol qui, dans un second temps, ont dénaturé le beau projet européen ? La bonne Europe qui marche, ou la mauvaise, qui a été kidnappée par les bureaucrates de Bruxelles, les banquiers de Francfort ou les juges de Luxembourg ? Celle qui est dans l'impasse, oui, car elle est contestée par les Européens eux-mêmes, c'est justement celle de la supranationalité artificielle. Ne confondez pas l'idée européenne, toujours aimée des peuples, et ce que les oligarchies en ont fait et qui, vous l'avez sans doute remarqué, est de plus en plus détesté de ces mêmes peuples. En volant au secours de ces oligarchies, loin de sauver l'Europe comme vous le croyez, vous allez accroître ses contradictions et favoriser son rejet par les opinions. Et cela d'autant plus vite que vous vous passez de la légitimité populaire pour imposer votre projet.

À court d'arguments, vous nous dites que le peuple n'est pas capable de trancher cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Relisez les déclarations !

À défaut de pouvoir le convaincre, vous le privez d'un référendum. Avec ce type de raisonnement, vous pouvez aller très loin, jusqu'au suffrage censitaire : 157 ans après, vous ressuscitez l'esprit d'Adolphe Thiers, qui voulait dépouiller la « vile multitude » du droit de vote.

Cessons donc de nous raconter des histoires ! Je sais, et vous savez que si le référendum est escamoté, c'est parce que les partisans du traité de Lisbonne n'ignorent pas que le peuple français n'a aucune intention de se déjuger, deux ans et demi après le 29 mai.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Sarkozy l'a reconnu lui-même, cet automne, devant les présidents de groupe du Parlement européen. Je le cite : « Le rejet du traité se produirait dans tous les États-membres si un référendum y était organisé. » Qu'il est loin le temps où le Président de la République disait à la tribune du Conseil national de l'UMP, le 9 mai 2004 : « Si l'Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l'Europe sera, à plus ou moins brève échéance, vouée à l'échec. »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Il poursuivait ainsi : « Bien sûr, l'Europe doit être au service des peuples, chacun peut le comprendre. Mais l'Europe ne peut se construire sans les peuples, parce que l'Europe, c'est le partage consenti d'une souveraineté, et la souveraineté, c'est le peuple. À chaque grande étape de l'intégration européenne, il faut donc solliciter l'avis du peuple. Sinon, nous nous couperons du peuple. Si nous croyons au projet européen, comme j'y crois, alors, nous ne devons pas craindre la confrontation populaire. Si nous n'expliquons pas, si nous ne convainquons pas, comment s'étonner du fossé qui risque de s'amplifier chaque jour davantage entre la communauté européenne et la communauté nationale ? »

Hier soir, M. Kouchner, ministre des affaires étrangères, se disait pressé d'en finir. Mais d'en finir avec quoi ? Avec la confrontation populaire, qu'exigeait il y a trois ans à peine le Président de le République ? Avec le peuple français, qui n'approuve pas la direction prise ? Certes, vous vous soustrayez à son vote par ce tour de passe-passe, qui n'honore ni la démocratie ni notre assemblée. Mais croyez-vous vraiment que vous vous soustrairez à sa colère ? Que vous vous soustrairez au jugement de l'histoire ? Plus tard, nos petits-enfants nous diront : « Fallait-il que la démocratie française soit bien malade, les élites bien loin de leur peuple, pour le trahir ainsi, en votant un texte qu'il avait très largement rejeté ? » Et quel texte ! Sans doute l'un des plus importants transferts de souveraineté jamais consenti – à l'exception de Maastricht ; une dépossession sans égale du pouvoir de nos institutions nationales ; la reconnaissance, par la déclaration 27, de la suprématie du droit européen ; la généralisation de la majorité qualifiée, l'abandon implicite et programmé de notre « logiciel » républicain, sous l'emprise de la charte des droits fondamentaux ; la perte d'indépendance de notre politique étrangère et de défense ; la fin de l'égalité des droits de vote avec notre partenaire et amie, l'Allemagne ; un Parlement national à qui l'on octroie le droit d'émettre des avis, comme sous l'Ancien Régime ; le pouvoir constituant transféré par les fameuses clauses passerelles, monument d'hypocrisie, aux vingt-sept chefs d'État, sans aucun passage devant nos parlements respectifs.

Mes chers collègues, si je vous demande aujourd'hui d'approuver cette motion d'ajournement, c'est bien pour vous laisser le temps de lire une nouvelle fois ce texte. Je devrais dire « relire », car, je n'en ai pas le moindre doute, vous connaissez sur le bout des doigts ces 250 pages renvoyant à 3 000 articles, chef-d'oeuvre d'embrouillamini juridique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je suis certain que, lorsque vous aurez relu ce traité – si, par miracle, vous votez cette motion ! –, vous commencerez à vous poser ces questions qui ont émergé après plusieurs mois de débat démocratique.

Après relecture, en effet, je ne peux imaginer qu'en républicains sincères, en démocrates, vous ne vous interrogiez sur l'abracadabrante organisation institutionnelle que parachève ce traité. Un transfert inégal de compétences et de pouvoirs, souvent d'ordre législatif, soit vers l'exécutif, le Conseil des ministres, soit vers trois institutions non élues, la Commission, la Cour de justice et la BCE – ce qu'avait déjà opéré le traité de Maastricht – dont le statut, lui, n'est pas revu, alors qu'elle fait chaque jour la preuve de son échec. La France, et donc les Français, ont d'autant plus à y perdre qu'au sein de ce système d'Ancien Régime prédémocratique, elle se retrouvera, dans l'Europe à vingt-sept, en minorité sur la quasi-totalité des sujets qui comptent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

En vérité, l'Europe que vous vous escrimez à bâtir n'est ni légitime ni efficace.

Le renforcement des pouvoirs du Parlement européen n'est qu'une farce, puisqu'il ne peut représenter un peuple européen qui n'existe pas. Il peut d'autant moins exprimer une volonté européenne que ses membres sont élus sur des logiques nationales, dans des partis nationaux et qu'ils ne parlent pas la même langue. Quel rapport y a-t-il entre le parti travailliste, le parti socialiste et le SPD, entre l'UMP et le parti conservateur britannique ? Quel est le programme commun ? Quelle est la vie politique européenne ? D'un côté, les démocraties nationales s'évanouissent, vidées de leur substance par la logique de la majorité qualifiée, de l'autre, aucune démocratie européenne n'émerge. Ce vide sidéral crée l'irresponsabilité politique, laquelle conforte les bureaucraties, les lobbies, les influences, le règne des juges et des experts. L'inefficacité de ce système obligatoire suscite la colère des peuples et rend de plus en plus illégitime la construction européenne, construction pourtant indispensable, nous le savons tous, dans le contexte de la mondialisation !

La question est aujourd'hui très simple : voulez-vous conforter cet engrenage fatal ou, au contraire, avez-vous le courage de préparer une autre Europe, celle des nations, celles des projets, une Europe avec des objectifs de progrès social, la seule qui puisse fonctionner, être respectée et aimée des peuples ?

Souvenons-nous à cet égard de l'extraordinaire et visionnaire analyse du Général de Gaulle, tirée des Mémoires d'espoir : « C'est pourquoi, tandis que la Communauté se bâtira dans les faits, je serai, à plusieurs reprises, amené à intervenir pour repousser les menaces qui pèsent sur notre cause. La première tient à l'équivoque originelle de l'institution. Celle-ci vise-t-elle, ce qui serait déjà beaucoup, à l'harmonisation des intérêts pratiques des six États, à leur solidarité économique vis-à-vis de l'extérieur et, si possible, à leur concertation dans l'action internationale ? Ou bien est-elle destinée à réaliser la fusion totale de leurs économies et de leurs politiques respectives, afin qu'ils disparaissent en une entité unique ayant son gouvernement, son Parlement, ses lois, et qui régira à tous égards ses sujets d'origine française, allemande, italienne, hollandaise, belge ou luxembourgeoise, devenus des concitoyens au sein de la patrie artificielle qu'aura enfantée la cervelle des technocrates ? »

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

« Il va de soi que, faute de goût pour les chimères, je fais mienne la première conception ».

Vous avez à choisir entre une chimère de plus et une Europe des coopérations adaptée à la mondialisation, qui fonctionne. Une sorte de mirage vous conduit à vouloir courir vers une Europe fédérale qui s'évanouit à mesure que vous croyez vous en approcher. Un mirage, pour la simple raison qu'aucune construction politique artificielle ne peut durer sans être solidement ancrée dans la réalité des peuples qui la composent, sans la légitimité populaire – à l'exception peut-être de la légitimité divine, celle du Saint Empire romain germanique ou de l'Empire ottoman. Au moment où l'on remet en cause la laïcité, peut-être veut-on aller vers cela ? Je ne le crois pas.

Permettez-moi de me tourner de chaque côté de l'hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

À mes collègues – et néanmoins amis – de l'UMP, je voudrais dire que, depuis le début, cette histoire n'est pas une histoire de gauche ou de droite. Il n'y a pas un « non » de gauche massif et un « non » de droite minoritaire. Il y a le peuple français, qui a dit « non » massivement, avec une part, certes, un peu plus importante de gens de gauche, si tant est que cela ait encore du sens, qui ont voté « non » pour la simple raison que c'est un gouvernement de droite qui proposait d'adopter le projet de Constitution européenne. Cela avait été exactement l'inverse pour Maastricht. Ne croyez pas que les électeurs du Président de la République lui ont donné mandat de faire revoter la Constitution européenne : ils lui ont donné mandat de redresser le pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Or pensez-vous sincèrement que vous pourrez redresser le pays tout en confortant les politiques européennes qui sont à la source de nos difficultés ? Vous avez applaudi le Président de la République lorsque, à Agen, Nîmes ou Charleville-Mézières – et j'en passe –, il a mis en cause la BCE, la concurrence déloyale et l'absurde politique intégriste de la concurrence de la Commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Et vous allez voter un traité qui ne permettra pas de corriger ces dérives ?

Sans réorientation en profondeur de l'Union européenne, il n'y aura pas de redressement national. Car, vous le savez, il ne peut y avoir de vraies réformes intérieures sans une croissance minimum, et donc, sans amorcer la pompe par des déficits parfois provisoires, comme l'ont fait à un moment les Anglais ou les Américains.

Si la France veut conserver une industrie de pointe, si elle ne veut pas devenir un simple parc d'attraction, ce traité négocié à la va-vite, pour faire un coup médiatique, est une défaite en rase campagne. Jamais aucun grand pays maître de son destin n'aurait accepté ce que le Président a accepté sans aucune contrepartie : quel gâchis après le « non » français au référendum, après la large victoire de Nicolas Sarkozy ! Rien sur le statut de la BCE, rien sur la politique communautaire, rien sur la judicieuse idée d'une Union méditerranéenne ! Vous ne pourrez éternellement aller voir les marins pêcheurs pour leur promettre de supprimer les quotas, les métallos pour leur promettre une aide de l'État, les écologistes pour interdire les OGM, si l'Union européenne et les règles que vous acceptez l'interdisent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

À cet égard, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, – car la franchise a toujours été mon défaut –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…que la présidence française s'annonce pittoresque.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Après avoir signé un chèque en blanc à nos partenaires, qui désormais n'auront plus besoin de nous pour obtenir le renforcement de leurs droits de vote – je pense notamment à l'Allemagne –, comment imaginer obtenir une réponse à nos demandes, qu'il s'agisse de la BCE, de la politique de la concurrence ou de l'Union méditerranéenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Déjà, Mme Merkel a commencé, avec franchise, à fermer la porte. Les tapes dans le dos ne suffiront pas. On saura vite qui, de M. Jouyet ou de M. Guaino, exprime la vraie ligne présidentielle ! Et comme vous ne pourrez satisfaire à la fois les oligarchies de Bruxelles, Francfort et Luxembourg et les électeurs de mai 2007, le grand écart risque de mal finir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je crains malheureusement que, comme au temps de la « fracture sociale », nos compatriotes soient ceux qui trinquent, victimes de l'euro cher, des délocalisations et d'une immigration non contrôlée.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Mais tout cela n'est rien à côté de la suite.

Avez-vous mesuré à quel point ce traité nous fait perdre prise sur le destin de l'Union ? À quel point il marginalise notre rôle ? Avez-vous conscience que nous devrons subir la loi de la majorité qualifiée sur des sujets absolument essentiels, des sujets qui constituent l'exception française, comme la laïcité, les services publics, une politique étrangère indépendante ou notre siège au Conseil de sécurité ? Mesurez-vous les conséquences d'une mise en minorité sur les sujets les plus vitaux ?

Que direz-vous à vos électeurs quand une majorité de nations – appliquant simplement le livre vert de la Commission, que je vous invite à lire – considérera que l'effondrement démographique de l'Allemagne et de l'Italie exige une nouvelle immigration, alors que notre pays, lui, connaît une démographie dynamique mais peine toujours à offrir des emplois aux jeunes de banlieues ? Que leur direz-vous, vous qui avez promis la maîtrise de l'immigration, quand les vannes seront ouvertes au nom de la règle majoritaire ?

Que direz-vous quand, à la veille d'un conflit au Moyen Orient, la France devra, avant de s'exprimer au Conseil de sécurité, passer un oral devant un conseil européen composé d'une majorité d'atlantistes ? Imaginez-vous M. de Villepin demander l'autorisation de MM. Aznar, Berlusconi et Blair avant de prononcer son fameux discours devant l'ONU ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Benoist Apparu

Cela n'a de toute façon rien à voir avec le traité !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Que direz-vous quand un juge donnera raison aux indépendantistes corses ou aux communautaristes musulmans, appliquant ainsi une charte des droits fondamentaux qui remet en cause la laïcité et les principes de la Déclaration des droits de l'homme ?

Savez-vous de quoi vous vous privez ? Mesurez-vous le pouvoir que vous allez perdre ? Vous arrachez à nos concitoyens la maîtrise de leur destin : est-ce pour cela qu'ils vous ont donné un mandat ? Connaissez-vous les cinquante-deux domaines de compétences pour lesquels vous abandonnez définitivement tout droit de veto ? Après cet abandon, comment pourrez-vous prétendre vous opposer aux propositions de M. Mandelson à l'OMC ?

Oserez-vous retourner devant vos électeurs pour défendre cette mascarade, ce spectacle impotent que sera devenu le jeu politique national – ce théâtre d'ombres, comme le disait à l'instant Jacques Myard ? Oserez-vous faire encore campagne contre l'entrée de la Turquie en Europe alors que le traité de Lisbonne fait sauter le verrou posé par le traité de Nice pour faire obstacle aux nouvelles adhésions…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…et que l'on vous fera bientôt voter la levée du référendum, consacrant notre impossibilité de nous y opposer ?

Oserez-vous dire à vos électeurs que vous vous opposez à l'homoparentalité – un sujet complexe, sur lequel différents arguments sont recevables –, alors que vous savez parfaitement que ce ne sont plus les élus du peuple français qui décident, mais un groupe de juges si zélés qu'ils outrepassent allégrement leurs compétences, comme il y a quelques semaines ?

Mes chers collègues, vous vous êtes engagés devant les Français à faire preuve de volontarisme politique. Alors, de grâce, donnez-vous en les moyens ! N'enfermez pas la France dans un carcan de politiques qui ne servent ni son intérêt ni, d'ailleurs, celui de l'Europe. Nos amis anglais ou allemands n'hésitent jamais à articuler leur vision de l'Europe à leur intérêt national, et leurs dirigeants ne tiennent pas un discours chez eux et un autre à Bruxelles.

Les Français nous jugeront sur notre capacité à créer de l'emploi durable, à augmenter le pouvoir d'achat, à ralentir l'immigration, non à notre volonté de plaire à MM. Trichet, Barroso ou Bush !

Ne vous y trompez pas, mes chers collègues, cette procédure n'est pas un mariage annulable devant notaire. Posez-vous à nouveau, en votre âme et conscience, cette question : « Ma compréhension de ce texte, de ses principes et de ses mécanismes est-elle si parfaite que je puisse m'autoriser à contredire le peuple qui les a rejetés ? »

Mais je voudrais aussi m'adresser à mes collègues de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Ceux qui, à mon sens, démissionnent.

Permettez-moi de m'interroger sur la pertinence de demander un référendum par une motion dont vous êtes sûrs qu'elle échouera alors que l'avant-veille, à Versailles, vous aviez la possibilité, avec les quelques gaullistes qui demeurent, les communistes et les souverainistes, de bloquer la machine parlementaire et d'imposer le référendum que vous aviez tant promis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

En vérité, vous n'avez pas osé rompre avec cette construction européenne qui, de reculade sociale en reculade sociale, vous a coupés du peuple. Vous voulez croire que l'Europe peut être sociale, alors qu'avec les mécanismes que vous laissez passer, elle ne sera que le cheval de Troie d'une mondialisation sans règle.

Le 29 mai, il y eut un vote de défiance à l'encontre d'une politique d'ouverture de l'Europe à tout va, à tous vents, de la part de cette majorité de Français qui, mieux que leurs classes dirigeantes, comprennent, parce qu'ils en souffrent, que plusieurs dizaines de millions d'Européens sont déjà tirés vers le bas par l'armée de réserve de la Chine et de l'Inde, dans le contexte d'un libre-échange profondément déloyal.

Que nous proposent les institutions communautaires, que vous prétendez influencer tout en vous liant les mains, alors que notre continent joue le rôle d'ajustement des déséquilibres mondiaux ? L'euro fort, le moins-disant environnemental et social, la libéralisation des marchés, une politique de la concurrence ayatollesque !

Il faut changer ce qu'elles nous proposent, dites-vous ? Naïveté ! Ce sont les modalités de décision, c'est la perte de souveraineté qui condamnent la société que vous prétendez défendre.

Posons-nous par exemple cette question simple : pourquoi Airbus quitte-t-elle la zone euro ? Pourquoi cette entreprise, fierté de l'Union, modèle de la coopération interétatique, qui concurrence Boeing, produit 400 avions de ligne par an et montre que l'Europe est capable d'exister au niveau industriel en ajoutant chaque année des centaines d'appareil à son carnet de commande, est-elle en train de délocaliser sa propre production ? Pourquoi perdons-nous les meilleurs emplois, ceux des industries de pointe et de haute technologie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Parce que pour les européistes qui nous gouvernent, bien à l'abri dans leurs institutions non élues, nous ne nous sommes jamais assez adaptés à un marché qui dicte tout et dont il est interdit de corriger les dérives ! Or le libéralisme, ce n'est pas la jungle !

En réalité, loin de sauver l'Europe, ce traité va amplifier ses contradictions, en particulier dans notre pays. C'est la France qui souffrira le plus du mouvement d'uniformisation amorcé par cette constitution qui ne dit pas son nom. L'application d'une Charte des droits fondamentaux sans âme ni racines confortera les communautarismes et les minorités nationales. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, affichée dans chacune de nos écoles élémentaires, sera ainsi rendue obsolète !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Devrons-nous dire à nos enfants, aux futurs citoyens, que ce texte a une vocation purement décorative ?

L'exception linguistique et culturelle sera abandonnée : c'est désormais la Cour de justice qui dira si un accord à l'OMC constitue une menace et autorisera ou non la France à user d'un droit de veto. Lisez le traité !

La politique migratoire sera communautarisée, au risque d'attirer en France une immigration de peuplement, alors même que nous ne sommes pas parvenus à intégrer suffisamment ceux qui sont déjà présents sur notre sol, et que leurs enfants n'ont pas de travail.

Nous verrons disparaître, après 2010, les tarifs réglementés de l'énergie. Avec la mise en place, à la majorité qualifiée, de services économiques d'intérêt général, si peu adaptés à notre pays, les services publics à la française vont être laminés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Nous verrons l'accélération de la remise en cause du monopole de l'assurance maladie, créant à terme une santé à deux vitesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Nous serons mis en minorité sur la PAC – c'est d'ailleurs déjà le cas – et connaîtrons la sujétion définitive de nos territoires ruraux concernant la fixation des dates d'ouverture de la chasse.

La création d'un service diplomatique européen viendra concurrencer les diplomaties nationales et accumulera les cafouillages.

La libéralisation effrénée du secteur des jeux de hasard nous exposera aux dangers proprement terrifiants décrits dans un rapport de notre collègue Jacques Myard, telle l'irruption des mafias dans le secteur.

Le sport sera abandonné à une logique du tout-fric dont on commence à peine à mesurer les ravages dans le football, et contre laquelle avait tenté de lutter M. Lamour quand il était ministre des sports.

Quant à l'organisation de notre défense, c'est un non-sens absolu. Comment peut-on, dans un monde multipolaire, développer une défense européenne en commençant par la mettre sous l'autorité de l'OTAN ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Voilà ce qui nous attend. J'en passe et des meilleurs !

Je vous sais sincère, monsieur le secrétaire d'état : en vous passant du peuple, vous imaginez gagner du temps. Au fond, vous n'avez pas tellement bonne conscience, mais vous pensez que la relance de l'Europe ne peut se faire qu'à cette condition.

Mais en réalité, vous allez faire perdre beaucoup de temps à l'Europe, car ce traité, légal mais illégitime, dégoûtera les peuples, aussi bien par ses méthodes que par ses résultats.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Inefficacité et illégitimité sont les deux facettes d'une seule et même médaille.

Au fond de vous-mêmes, vous doutez, vous avez peur, car vous savez que l'effet boomerang sera terrible. C'est pourquoi il faut préparer dès maintenant « l'Europe d'après », celle qui ose affirmer ses frontières ; celle qui rend le pouvoir souverain constitué par l'UE aux institutions nationales ; celle qui non seulement autorise, mais favorise les coopérations renforcées, à la carte et sans la tutelle de la Commission – pourquoi, en effet, ne pas faire travailler deux pays sur un sujet, quatre sur un autre ? – ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

…celle qui libère la monnaie unique de son dogmatisme monétariste ou alors rend leur liberté monétaire à chaque pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Croyez-vous que l'on peut longtemps continuer avec un euro qui plonge l'Italie, l'Espagne et la France dans des déficits extérieurs colossaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Regardez les chiffres ! Croyez-vous que l'Italie va tenir longtemps ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Parce qu'il est mal géré, l'euro va exploser, alors qu'il aurait pu être un instrument incroyablement positif pour la croissance des peuples d'Europe.

L'Europe d'après, enfin, c'est celle qui regarde la mondialisation en face, qui la voit telle qu'elle est, et agit en conséquence pour la maîtriser et en limiter les conséquences néfastes. Car la guerre économique globale que nous appelons « mondialisation » exige de la souplesse, de l'agilité, de la réactivité, de la capacité d'attaque comme de défense, des alliances au gré des secteurs et des spécialisations, un investissement massif dans la recherche, la science, les échanges universitaires, la conquête de l'espace, etc. Ce n'est pas avec un mammouth supranational digne de la défunte Union soviétique que l'Europe tirera son épingle du jeu, mais par des coopérations renforcées à géométrie variable, à la carte.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Dupont-Aignan

Je regrette profondément que le Parlement, usurpant le pouvoir du peuple souverain, s'apprête à commettre une erreur fatale, conduisant les Français à la protestation, à la révolution – bref, à la violence – plutôt qu'à la réforme.

Le peuple a dit « oui » en 1992 et son verdict a été respecté. Il a dit « non » en 2005, plus nettement, plus fortement, mais vous prétendez bafouer aujourd'hui sa volonté.

Quel recours s'offre donc à lui ? Quel sentiment d'humiliation, d'injustice et de désarroi allez-vous faire naître dans les coeurs et les esprits ? Songez que les jeunes générations, les classes moyennes, les patrons de PME – bref, les forces vives du pays –, qui ont voté massivement non, basculent toutes, les unes après les autres, dans le refus et la contestation de cette Europe. J'ai confiance, à terme, dans le peuple français, dans sa lucidité, dans sa capacité d'indignation, dans sa passion pour la liberté, l'égalité et la fraternité. Et je sais que nous nous retrouverons prochainement. Je suis en effet convaincu que le peuple français ne supportera pas ces chaînes. Il a toujours été l'un des leviers majeurs de l'histoire européenne et de ses bouleversements. Il ne manquera de refuser cette construction mort-née. Il aura rendez-vous avec sa propre histoire pour construire l'Europe qui marche, qui respecte les identités, qui s'appuie sur les peuples, sur la démocratie et qui est synonyme de progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais simplement en quelques mots dire pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de cette motion d'ajournement défendue par M. Dupont-Aignan. Tout d'abord, ce n'est pas une « Constitution bis » : le traité n'est pas de nature constitutionnelle, il s'inscrit dans la ligne des autres traités modificatifs qui ont jalonné l'histoire européenne. Je n'en souhaite pas moins ici rendre hommage à l'engagement européen du Président Giscard d'Estaing, comme à celui d'autres grandes personnalités que j'ai eu l'honneur de servir, telles que Jacques Delors.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

La nomination d'un Haut représentant ne porte aucunement atteinte aux prérogatives de la France au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, monsieur Dupont-Aignan ! C'est là une accusation fallacieuse ! Le Haut représentant n'intervient dans les enceintes de l'ONU que lorsque le Conseil lui donne mandat pour cela, comme cela s'est produit à plusieurs reprises, depuis quelques années.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je souhaitais le préciser à M. Dupont-Aignan et à Marc Dolez !

Contrairement à ce qui a été également indiqué, le traité de Lisbonne permet à un ou plusieurs parlements nationaux de se prononcer sur les clauses passerelles instaurant des transferts de souveraineté à la majorité qualifiée.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Au contraire, le rôle du Parlement est renforcé en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Hutin

Ce n'est pas vrai ! On va le voir dans les années qui viennent !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

De plus, qu'en serait-il de la situation d'Airbus aujourd'hui sans construction européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il n'y a même pas d'accord international pour Airbus !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Comment cette aventure spatiale aurait-elle pu être menée ? Qui a défendu les intérêts d'Airbus face à Boeing, si ce n'est l'Europe ?

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Qui a défendu les intérêts d'Airbus, face à Boeing, si ce n'est notre capacité à négocier collectivement ?

Comment pouvez-vous, de plus, affirmer que l'Europe soumet le sport aux seules lois de l'argent, alors que l'une des avancées du traité de Lisbonne est de reconnaître la politique sportive et le sport comme des valeurs européennes ? Il nous offre la possibilité de faire en sorte que le sport – et c'est cher à Jean-François Lamour – ne soit plus soumis aux lois du marché ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Je ne peux pas vous laisser dire ces contrevérités !

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Enfin, la présidence de l'Union européenne sera « pittoresque » avec ce traité, avez-vous dit.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Mais où en serions-nous, monsieur Dupont-Aignan, si nous n'avions rien fait, si le Président de la République n'avait pas pris d'initiative en ce qui concerne ce traité ? Comment pourrions-nous alors assumer la présidence de l'Union européenne dans six mois si nous étions restés dans cette impasse ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Quelle crédibilité aurions-nous ? Comment pourrions-nous porter nos politiques, je vous le demande, si nous suivions vos recommandations ?

Quatre pays ont déjà ratifié le traité de Lisbonne.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Il est très symbolique que ce soient les pays de l'ancien bloc de l'Est qui aient commencé à ratifier ce traité. Certains avaient, en effet, douté de leur attachement européen, les pensant alignés sur les États-Unis.

Debut de section - PermalienJean-Pierre Jouyet, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Par leur ratification, ils ont montré leur engagement européen ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il est tout à fait significatif que ce soit de Budapest, lieu de la première insurrection contre le totalitarisme en Europe, que soit venu le premier signal de la ratification du traité de Lisbonne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est à notre tour aujourd'hui de le faire ! Le débat a eu lieu, la Constitution a été révisée : la voie est ouverte à la ratification. Elle sera un signal fort pour nos partenaires européens, à quelques mois de la présidence française. Cela la renforcera. Je souhaite donc que votre assemblée puisse aujourd'hui lancer ce signal attendu par tous nos partenaires européens ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe Nouveau Centre et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Dans les explications de vote sur la motion d'ajournement, la parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Avant d'en venir à la motion défendue par notre collègue Dupont-Aignan, je voudrais rendre hommage à votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, sur les symboles salués par beaucoup d'entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Je regrette cependant que vous vous soyez exprimé à titre personnel, en associant timidement votre collègue des affaires étrangères. Cela m'inquiète en effet quelque peu. Seize pays ont signé ce texte. De nombreux citoyens s'y associent partout en Europe. Le retrait des symboles est un recul par rapport au traité précédent. Si vous vous exprimez à titre personnel, c'est parce que certains personnages, au sein de l'État, au sein de ce que l'on peut appeler, hélas, le « Gouvernement au sens large », tiennent des discours, prennent des décisions et se répandent dans les médias sans légitimité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Je veux parler de M. Guaino et de M. Guéant. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je vous mets en garde contre cette pratique, qui n'a que trop duré et qui est rejetée par nos concitoyens. Personnellement, pardonnez-moi de vous le dire, je n'ai en effet pas encore « digéré » l'effroyable discours de Dakar écrit et revendiqué par M. Guaino ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mais je ferme ici cette parenthèse qui me paraissait toutefois essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Venons-en à votre explication de vote, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt notre collègue Dupont-Aignan, alors qu'il défendait sa motion d'ajournement. Il est, en effet, incontestable que notre collègue émet avec grande constance des idées respectables, quels que soient nos désaccords. Je comprends évidemment qu'elles puissent gêner de l'autre côté de l'hémicycle, car elles constituent aussi un réquisitoire assez redoutable contre les contradictions, les reniements et une certaine démagogie du Président de la République au sujet de l'Europe.

Vous avez, dans votre propos, soulevé trois points relatifs à la procédure, à la forme et au fond. Je passerai rapidement sur la forme. Ce texte est tellement illisible, nous l'avons largement évoqué hier soir, que le mettre à la portée des citoyens devenait difficile. Heureusement, notre commission des affaires étrangères et notre délégation pour l'Union européenne ont, en quelque sorte, joué les traducteurs pour le rendre compréhensible !

S'agissant de la procédure, le fait de ne pas voter cette motion d'ajournement, mais de se prononcer – ce qui se produira vraisemblablement cet après-midi – en faveur de ce traité, n'empêche pas – je l'ai souligné avec d'autres collègues hier – le Président de la République de le soumettre ultérieurement à référendum. Cela a été le cas pour d'autres traités, contrairement à ce que quelqu'un a dit à tort, cher président Lequiller !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

En 1992, le Président Mitterrand a courageusement soumis le traité de Maastricht au référendum après qu'il eut été débattu dans nos assemblées. Donc la procédure du référendum reste possible à l'issue de nos débats !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Je conclus, monsieur le président.

Sur le fond, monsieur Dupont-Aignan, vous avez tout de même noirci le tableau.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Si peu !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

Certes, il y a eu un « non » de gauche, mais celui-ci n'avait pas la moindre finalité et la moindre tonalité souverainiste. Le « non » de gauche était européen, celui des partisans d'une autre Europe.

Pierre Moscovici l'a dit hier soir : un traité ne saurait remplacer un grand projet. Il ne se substituerait jamais à un dessein ! C'est désormais vers ce projet qu'il faut se tourner. C'est la raison pour laquelle nous ne nous associerons pas à cette motion d'ajournement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

La presse régionale n'a absolument pas titré sur nos débats d'hier soir et de ce matin, et pour cause : ils suppriment ceux qui auraient dû avoir lieu avec le peuple et au sein du peuple. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Le fait d'avoir préféré la ratification parlementaire à la ratification par référendum ôte toute possibilité de discussion et toute responsabilité au peuple. Certains peuvent débattre de l'Europe, mais pas le peuple français, qui, pourtant, avait lu le dernier traité et s'était prononcé contre en pleine connaissance de cause. Valéry Giscard d'Estaing – membre du Conseil constitutionnel – et bien d'autres nous ont montré qu'il s'agissait aujourd'hui du même texte. Vous-même ne parvenez pas à nous démontrer que c'est un texte différent, si ce n'est que le mot «Constitution » en est absent. En cela, vous avez raison. Mais il reste tous les principes, comme l'a admirablement démontré Nicolas Dupont-Aignan tout à l'heure. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Si je ne le suis pas totalement dans ses arguments, j'en partage l'esprit. Le traité ne répond pas aux attentes du peuple. Il ne répond pas au problème de la casse des entreprises et à la problématique des délocalisations. Je m'interroge sur le discours du Président qui a assuré aux travailleurs de Gandrange que l'État investirait dans leur entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

De deux choses l'une : ou il n'a pas lu le traité de Lisbonne – et ce serait grave –, ou il l'a lu et il leur a menti !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Le principe de la concurrence « libre et non faussée » ne s'appliquera peut-être pas aux services publics, mais s'appliquera aux entreprises privées. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous en reparlerons et vous aurez aussi des comptes à rendre aux travailleurs de Gandrange !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Se pose aussi, plusieurs d'entre nous l'ont souligné, y compris à Versailles, la question de la soumission de la défense européenne à l'OTAN. Si ce traité avait été en vigueur avant l'intervention en Irak, les soldats français auraient été obligés d'y aller. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Pourtant, le peuple ne le voulait pas non plus.

À travers un déni de démocratie, vous nous faites une démonstration de démocratie en expliquant que le traité va permettre aux citoyens d'interpeller la Commission européenne et d'essayer de faire avancer des idées. Les citoyens français, majoritairement, interpellent aujourd'hui le pouvoir pour dire qu'ils veulent un référendum (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et vous n'écoutez pas. Au nom de quoi pourraient-ils faire confiance à ce traité censé leur donner des pouvoirs démocratiques alors que, quand ils s'expriment en France, ils ne peuvent obtenir ce qu'ils veulent ?

La charte des droits fondamentaux, Nicolas Dupont-Aignan et d'autres nous ont montré les dangers de sa mise en oeuvre. Elle contient des choses très intéressantes, mais qui a le pouvoir de décider ? Seulement la Cour européenne de justice. Les peuples européens n'ont aucun pouvoir dans ce domaine.

Les dangers pour la laïcité ont été montrés avec force, et nous le verrons dans les toutes prochaines semaines, dans les tout prochains mois.

Le pouvoir en Europe sera donc entre les mains de la Cour européenne de justice, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne.

Tout le monde s'accorde à dire, y compris ceux qui sont pour le oui, y compris le rapporteur, le président de la commission et le ministre, qu'il faut changer la nature des relations avec la Banque centrale européenne, parce que cela ne peut pas fonctionner ainsi. Le rapporteur, dans son honnêteté intellectuelle, est même allé jusqu'à dire qu'il espérait que ce traité de Lisbonne le permettrait. Pour l'instant, nous savons que c'est impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Parce que nous faisons confiance au peuple et que nous voulons que son choix soit respecté, nous allons voter pour cette motion d'ajournement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – M. Dolez et M. Dupont-Aignan applaudissent également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

M. Dupont-Aignan, fidèle à ses convictions politiques de toujours, propose par cette motion d'ajournement de repousser le moment où notre assemblée devra faire un choix décisif pour l'Europe.

Ajourner l'examen d'un texte, cela veut dire le renvoyer à un moment plus propice parce que les données politiques du débat ne sont pas suffisamment claires.

Je ne pense vraiment pas que l'on puisse qualifier nos débats d'insuffisants, tant sur la révision constitutionnelle que sur la ratification. On ne peut soutenir, si l'on est de bonne foi, que le problème de fond posé par le blocage des institutions européennes n'a pas été abordé sous tous ces aspects devant le pays, et ce depuis de nombreux mois.

Le choix est clair. L'intérêt politique de la France est que le traité simplifié entre en vigueur. Vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre s'oppose à l'ajournement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je mets aux voix la motion d'ajournement.

(La motion d'ajournement n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'article unique du projet de loi auraient lieu cet après-midi à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité de l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes ;

Discussion de douze projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités internationaux, ces textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de l'accord de transport aérien entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et les États-Unis d'Amérique, d'autre part ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieures ;

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie sur l'encouragement et la protection réciproque des investissements.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton