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Séance en hémicycle du 27 mai 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • collective
  • fonctionnaire
  • groupement
  • groupements d'employeurs

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi deM. Jean-Frédéric Poisson et plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d'emplois (nos 1610, 1664).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Cet après-midi, notre assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 9 à l'article 2.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, je m'étonne de l'absence du Gouvernement.

Discussion des articles

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-deux, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Eckert, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Fondé, madame la présidente, sur l'article 58, alinéa 1.

Il nous paraît anormal d'avoir assisté cet après-midi à un pseudo-rappel au règlement de la part de Frédéric Lefebvre, qui est intervenu longuement pour déclarer qu'il allait retirer l'amendement dont il est l'auteur et qui a suscité une grande polémique dans les médias et l'opinion publique.

Ayant consulté les dépêches AFP, j'ai pu constater que l'on annonçait partout le retrait de cet amendement. Or cette information n'aurait pas dû être évoquée dans ces conditions. Le respect des usages de notre assemblée comme la plus élémentaire courtoisie commandaient que M. Lefebvre attende, pour annoncer le retrait de son amendement, que celui-ci soit appelé, ce qui aurait permis à chacun de faire connaître sa position. Force est de constater, malheureusement, que notre collègue a une bien curieuse conception de l'organisation de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 57, tendant à la suppression de l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Les articles 1er et 2 procèdent d'une démarche commune visant, comme on l'a dit, à libérer toujours davantage les entreprises des obligations figurant dans le code du travail et ayant pour objet de protéger les salariés. Le code du travail est, depuis des années, dans la ligne de mire du Gouvernement qui, texte après texte, s'emploie à le modifier de manière très conséquente. Il n'est pas anodin que, tout à l'heure, le code du travail ait été désigné par l'expression « le petit livre rouge » : cela en dit long sur l'importance que vous accordez à la protection des salariés et à la garantie des droits sociaux.

Alors que l'efficacité des emplois partagés – et, en ce qui concerne l'article 2, du seuil de 300 salariés – n'a été démontrée ni dans le rapport, ni par le Gouvernement, l'article 2 contient tout de même une disposition visant à dépasser ce seuil. Nous y voyons une volonté d'exonérer les employeurs des obligations à l'égard des salariés liées au contrat de travail.

M. le rapporteur a indiqué tout à l'heure qu'il n'était pas possible de retranscrire dans la loi les accords interprofessionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Vous avez dit, en tout cas, qu'il n'était pas aisé de répondre, ni dans le cadre législatif, ni dans le cadre réglementaire, à l'ensemble de la problématique que peut recouvrir un accord interprofessionnel signé par les partenaires sociaux. Je rappelle que, lorsque M. Bertrand était ministre du travail, il avait, au sujet d'un accord interprofessionnel relatif à la formation professionnelle signé par toutes les centrales syndicales représentatives, empêché la représentation nationale de procéder à la moindre modification dudit accord, affirmant qu'il fallait s'en tenir à une retranscription pure et simple. Comme on le voit, la retranscription des accords signés par les partenaires sociaux est une notion à géométrie variable !

Par ailleurs, nos débats ont montré que si l'on aime bien les partenaires sociaux, notamment les organisations syndicales, il y a tout de même des limites. Ainsi, lors de la première journée de débats, en réponse à M. Gremetz qui rappelait que la CGT et la CFDT étaient ultra-majoritaires dans notre pays et que l'on ne pouvait faire abstraction de leur position, M. Richard Mallié, père porteur du nouveau texte sur le travail du dimanche, a répondu : « On s'en fout, de la CGT ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cela étant, et pour me placer au même niveau que M. Mallié, je me fous également de ce qu'il dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Quand l'UMP déclare qu'elle se fout de la CGT, elle se fout de près de 50 % des salariés, puisque c'est à peu près le niveau de représentativité de ce syndicat. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Non, on ne peut pas laisser dire des choses pareilles !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Quand, tout à l'heure, vous défendrez le MEDEF, je vous écouterai avec attention, monsieur Tian.

En ce qui nous concerne, nous vous répétons que vous seriez bien avisés de revenir sur l'article 2, auquel les organisations syndicales sont unanimement opposées. Tel est l'objet de notre amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 57.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Les articles 1er, 2 et 3 constituent des portes béantes dans lesquelles pourraient s'engouffrer des entrepreneurs mal-intentionnés. En l'état actuel du droit, les entreprises de plus de 300 salariés sont autorisées à adhérer à un ou deux groupements d'employeurs, à condition de faire valoir l'existence d'un accord collectif d'entreprise ou un accord d'établissement définissant les garanties accordées aux salariés du groupement. Or l'article 2 a pour effet de faire sauter ce verrou. Notre collègue Taugourdeau a tenté de justifier cette évolution pour de grandes entreprises qui auraient différents sièges. Nous ne partageons absolument pas cet avis…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

…et craignons que ne s'introduise, dans la relation entre le salarié et son employeur, un tiers qui, jouant le rôle d'une interface, contribuerait à troubler la relation dans laquelle il s'est immiscé et à ce que soient laissés dans le flou un certain nombre de points relatifs aux protections nécessaires au bon fonctionnement des relations sociales – je pense d'ailleurs aussi bien aux protections des salariés qu'à celles des employeurs. C'est la raison pour laquelle nous proposons également de supprimer l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

La commission a rejeté ces deux amendements de suppression. Avant de vous en exposer les motifs, je veux répondre à certaines interrogations qui viennent d'être formulées.

Premièrement, en ce qui concerne les prévisions et l'impact des mesures, je veux rappeler que les estimations de créations d'emplois avant la mise en oeuvre des 35 heures – je sais que M. Liebgott en a été un observateur attentif – portaient sur 750 000 emplois, et que la DARES estime aujourd'hui que la création nette d'emplois imputable aux 35 heures ne s'élève qu'à 350 000. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) On peut considérer qu'il est absolument nécessaire de sacrifier à l'exercice des prévisions, et se baser sur un chiffre de créations d'emplois que l'on sait devoir ensuite diviser par deux. On peut aussi, comme je le préfère personnellement – et, si vous avez le droit de ne pas être d'accord, cela ne me fera pas changer d'avis pour autant – admettre d'emblée qu'il est vain de vouloir à tout prix avancer des estimations. Ce que je constate, en revanche, c'est l'intérêt que représente l'adhésion de grandes entreprises aux groupements d'employeurs, démontré tout à l'heure par notre collègue Taugourdeau.

Deuxièmement, je vous renvoie au rapport du Conseil économique et social du 27 novembre 2002, où il était dit : « Il apparaît toutefois que la participation de grandes structures à un groupement peut présenter un intérêt pour les petites entreprises adhérentes à ce groupement. En effet, leur taille constitue un vivier de ressources plus facilement mobilisables permettant de construire des emplois à temps plein en complétant les contrats à temps partiel ; elle permet également aux petites entreprises de s'attacher certaines compétences auxquelles, seules, elles n'auraient pas eu recours. » Nous nous trouvons exactement dans la situation que décrivait notre collègue Taugourdeau.

Troisièmement, je remercie M. Gille et M. Eckert d'avoir rappelé tout à l'heure que la possibilité pour une entreprise de plus de 300 salariés d'adhérer à groupement existe déjà. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Certes, et j'insiste simplement sur le fait qu'il est bon d'avoir rappelé cette possibilité, que certains semblent avoir oubliée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

C'est le cas, dans la mesure où un accord préalable est nécessaire. Nous souhaitons que cet accord soit négocié dans le cadre d'un accord de branche ou d'un accord national interprofessionnel et qu'à défaut, au 1er janvier 2010, la nécessité de passer par un accord collectif – de branche ou de groupe – soit supprimée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'assume parfaitement l'amendement que j'ai rédigé sur ce point, monsieur Eckert.

Pourquoi ? Parce que nous voulons que le dialogue puisse prendre toute sa place dans le processus de signature de telles dispositions mais que, soucieux d'offrir aux grandes entreprises davantage de possibilités d'adhésion à des groupements, nous souhaitons qu'elles puissent le faire le plus vite possible, ce qui a motivé la rédaction de ce paragraphe et le fait que la commission ait rejeté les deux amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Avis défavorable aux amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je reste sur ma faim et nous sommes étonnés de la minceur de l'argumentaire ministériel. Nous nous attendions à un discours enflammé destiné à emporter notre adhésion et à nous convaincre du bien-fondé de l'article 2 ; à la place de quoi nous avons droit à un quasi-silence, qui nous laisse frustrés.

Pour en revenir aux propos du rapporteur, il nous dit, à juste titre, que c'est Martine Aubry qui a créé les groupements d'employeurs, mais il oublie de préciser, avec une mauvaise foi qui n'a d'égale que celle dont font preuve ordinairement l'UMP et la majorité, que le projet de loi en dénature le système.

Les groupements d'employeurs sont très efficaces pour les TPE et le réseau associatif. J'ai, par exemple, dans ma circonscription un groupement d'employeurs qui fonctionne très bien dans le domaine sportif, car il permet aux clubs d'employer des salariés qu'ils ne pourraient, seuls, faire travailler à temps plein.

Or vous en avez une conception très différente, qui participe du détricotage du code du travail que vous avez entrepris. En supprimant le seuil des trois cents salariés, on arrive vite à mille, deux mille, trois mille, voire plus, et on laisse des patrons voyous, sans foi ni loi, exploiter les travailleurs français. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce ne sont pas vos exclamations, faussement indignées, qui feront changer la réalité. Les Français ont ouvert les yeux et vous vous rendrez compte le 7 juin, en faisant le compte des voix de la majorité et de l'opposition, de l'avertissement qu'ils vous adressent.

Vous parlez de créations d'emplois, mais l'emploi, ce doit être un vrai travail, qui permet de vivre et procure un vrai revenu ; ce ne sont pas les miettes d'euros et la précarité que vous généralisez depuis deux ans. C'est manquer de bon sens et de raison que de ne pas accepter ces deux amendements, qui n'ont pour seul but que d'apporter un peu d'humanité dans un monde de brutes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Monsieur le rapporteur, nous ne nous méprenons pas sur vos déclarations. À Alain Vidalies qui faisait remarquer que les salariés seraient exclus de la consultation à partir du mois de janvier, vous avez répondu en commission qu'ils avaient autre chose à faire, comme vous aviez sans doute autre chose à faire tout à l'heure, puisque nous avons commencé la séance avec dix minutes de retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Nous pensons, nous, qu'il peut être dans l'intérêt des salariés de débattre de ce type d'accord d'entreprise. À chacun sa vision des choses.

Vous avez précisé par des chiffres les informations que vous nous aviez fournies à la fin de notre précédente séance. Vous parlez de 350 000 emplois créés par les trente-cinq heures ; certains disent plutôt 400 000 ou 450 000, c'est en tout cas dix fois plus que les 35 000 emplois créés par les groupements d'employeurs actuellement. Permettez-nous donc de douter.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Pour ce qui est du coût, les heures supplémentaires coûtent plus de quatre milliards d'euros et, au-delà du supplément de pouvoir d'achat qu'elles apportent à quelques-uns, on n'est pas sûr qu'elles créent beaucoup d'emplois.

Nous défendons l'idée qu'en temps de crise, lorsque les salariés sont désorientés, il est utile d'injecter de l'argent public s'il peut induire des créations d'emplois, de la consommation et donc relancer l'activité économique, car chacun sait que les gens issus des classes défavorisées consomment plus qu'ils ne thésaurisent. C'est une conception keynésienne qui n'est pas la vôtre. Prenez-en acte, car nous ne vous rejoindrons pas sur votre terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Monsieur Roy, nous ne dénaturons rien, nous voulons simplement améliorer l'excellente idée de Martine Aubry, car les 35 000 emplois dont vous parlez sont en réalité 35 000 équivalents temps plein, ce qui représente entre 17 000 et 20 000 CDI. Cela fait 1 500 emplois créés chaque année en vingt-quatre ans, et il aurait été ridicule de reprocher à l'époque à Martine Aubry de vouloir faire une loi pour 1 500 emplois par an, sachant qu'autour de 1985, on en perdait largement plus chaque année.

Je voudrais également dire à Christian Eckert que retenir la convention collective la plus favorable empêche plusieurs entreprises d'adhérer au même groupement. Il faut au contraire choisir la moins favorable et assurer à chaque salarié, dans chaque entreprise, la même chose qu'aux permanents, par le biais d'une prime de poste. Je sais, pour l'avoir expérimenté, étant moi-même président d'un groupement d'employeurs qui a créé 64 CDI en dix ans, que cela fonctionne très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur Gille, vous vous interrogez sur l'intérêt pour une entreprise de dix mille salariés d'adhérer à un groupement d'employeurs. Je vous rejoins sur ce point : elle n'en a pas, l'intérêt étant surtout pour les petites entreprises. Mais pensez-vous qu'une entreprise de trois cents ou quatre cents salariés est une multinationale ? Ce type d'entreprise peut avoir plusieurs sites de production sur le territoire et avoir besoin d'adhérer à cinq ou six groupements d'employeurs.

L'important est de déprécariser les salariés et de créer des CDI. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Or cela n'était guère possible à l'origine, lorsque les groupements devaient se constituer au sein d'une même filière, dans laquelle les entreprises avaient les mêmes besoins au même moment. Les groupements devenaient alors – ce fut le cas pour certains – des agences d'intérim dotées d'aides publiques. Entre 1985 et 1990, ces dernières ont été importantes mais n'ont abouti à aucune création d'emploi permanent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Dans ma commune se trouve le plus grand groupement d'employeurs de France, avec 280 entreprises, 700 salariés et 1 800 emplois créés en CDI en dix ans, 1 000 personnes ayant trouvé un emploi en CDI dans des entreprises adhérentes au groupement, ce qui n'est pas rien !

Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est une machine à créer des CDI. Laissez-moi vous donner un exemple : imaginons d'une part une entreprise de bricolage ayant besoin, l'été, d'un chauffeur pour acheminer le matériel vendu et, d'autre part, un vendeur de fuel ayant besoin d'un chauffeur l'hiver. Le groupement d'employeurs va permettre à ces deux sociétés de créer un CDI, ce qui est une très bonne chose.

Et pourquoi cette grande entreprise de bricolage qui a des succursales dans toute la France ne pourrait-elle faire partie que de deux groupements d'employeurs ? Vous faites une erreur en ne nous soutenant pas sur ce dossier, car je suis convaincu que non seulement il n'y aura pas un salarié en moins mais qu'au contraire il y en aura davantage. L'exemple de ma commune ne peut que me conforter dans l'idée que nous avons avec les groupements d'employeurs une machine à créer des CDI et à lutter contre la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Je ne suis pas totalement en désaccord avec ce que viennent de dire M. Taugourdeau ou M. Gérard. Mais l'article dont nous discutons ne concerne pas seulement la question du seuil, à propos duquel j'ai moi-même proposé qu'il soit porté à cinq cents salariés, ce qui correspond aux PME. Il y est aussi question de la création, à travers un ANI que l'on pourrait encourager, d'un statut des salariés des groupements d'employeurs. Cela part d'une bonne intention, mais M. Taugourdeau, dans son honnêteté, a vendu la mèche en expliquant qu'il s'agissait de s'aligner sur la convention collective la moins favorable, ce qui permettra aux grosses entreprises de se constituer un vivier d'emplois régis par une convention collective ou un statut nettement moins protecteurs que leurs propres conventions collectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Renault et PSA peuvent ainsi constituer un groupement d'employeurs et se doter d'un vivier de salariés, qui seront ballottés d'une entreprise à l'autre, au gré des besoins de ces dernières. C'est ce que nous contestons et c'est sur ce point que j'attends une réponse, monsieur le secrétaire d'État. Créer un statut des groupements d'employeurs peut constituer une avancée pour les salariés qui travaillent aujourd'hui dans de petits groupements. Mais que se passera-t-il dans le cas, fort probable, où ce statut sera moins protecteur que les conventions collectives qui régissent les grosses entreprises comme Renault et PSA ?

Je veux bien admettre qu'il peut y avoir dans les groupements d'employeurs une dynamique de création d'emplois, mais avec une moindre garantie pour les salariés. C'est pour cela que nous combattons cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 9 et 57 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 58.

La parole est à M. Michel Liebgott.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Il s'agit d'un amendement de repli, puisque nous persistons dans notre logique et n'avons aucune raison de reculer.

Les très grandes entreprises, lorsqu'elles ont voulu faire des économies, ont en général eu recours à des externalisations et ont confié à de petites entreprises des travaux qu'elles ne voulaient plus assurer. Elles ont ainsi réussi à payer ces travaux de moins en moins cher en mettant ces petites entreprises en concurrence, acculant certaines d'entre elles au dépôt de bilan lorsqu'elles ne parvenaient pas à baisser suffisamment leur prix pour décrocher le marché. C'est la pratique quotidienne des grandes entreprises.

Grâce aux groupements d'employeurs et à ces conventions collectives minimales, nous leur offrons la possibilité, lorsque elles auront épuisé celles offertes par l'externalisation, de créer un nouvel outil – un outil de flexibilité pour les entreprises. Dans certains cas, il pourra bien sûr être positif pour les salariés. Mais, s'il ne faut pas voir des malfaiteurs partout, on sait que les entreprises cherchent tout simplement à améliorer leurs bénéfices et leur productivité : dans de nombreux cas, cet outil représentera donc un moins-disant social ; les conventions collectives seront beaucoup moins intéressantes, certains salariés seront payés au salaire minimum garanti. Quand il y a une tension sur le marché de l'emploi, la tentation de tout employeur est certes – nous ne le contestons pas – que ses salariés conservent leur emploi ; mais c'est aussi, si c'est possible, de diminuer les salaires. Si l'occasion lui en est offerte grâce aux groupements d'employeurs, il le fera !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

La commission a rejeté cet amendement, pour des raisons identiques à celles qui ont présidé au rejet des amendements précédents. Mais je saisis l'opportunité qui m'est offerte de préciser les choses.

Il ne faut pas se méprendre sur la portée de l'accord collectif requis aujourd'hui par le droit.

M. Gille imaginait tout à l'heure que PSA et Renault veuillent constituer un groupement d'employeurs. Je me demande pourquoi ils feraient ce choix, mais admettons l'hypothèse. Dans le droit d'aujourd'hui, quelle est la convention collective qui s'appliquerait aux salariés employés par le groupement, sinon celle de l'automobile ? PSA et Renault devraient donc, dans le cadre actuel, passer un accord pour préciser que dans le groupement d'employeurs qu'ils constituent, les salariés sont soumis à la convention collective de l'automobile, alors même que le droit le dit déjà.

Le seuil prévu par la loi a d'ailleurs déjà été relevé de 10 à 100, puis à 300 salariés : la rupture d'état d'esprit est-elle plus violente quand on passe de 300 à 10 000, ou de 10 à 300 ? Quel est le changement le plus fort ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Je considère pour ma part qu'une entreprise de 300 salariés est plus proche d'une entreprise de 2000 salariés que d'une entreprise de 10 salariés. Sur le plan de la réglementation sociale, permettez-moi de vous dire qu'il n'y a pas de comparaison possible !

J'en reviens à mon exemple : pour que PSA et Renault constituent un groupement d'employeurs, il faut l'accord de leurs deux comités centraux d'entreprise – pour dire que la convention collective de l'automobile s'appliquera.

Demain, si l'article que nous proposons de supprimer disparaît, et si – par hypothèse – il n'y avait pas d'accord préalable, que se passerait-t-il ? C'est le droit actuel qui s'appliquerait : les ouvriers qui travaillent dans le groupement seraient soumis à la convention collective de l'automobile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Bien sûr que si ! Sans définition précise des garanties, le reste de l'article actuel continue de s'appliquer. Je l'ai dit tout à l'heure.

La convention collective de l'automobile s'appliquera donc aux salariés si Peugeot et Renault constituent un groupement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

C'est très clair : nous ne modifions pas l'article L. 1253-5. Ne nous méprenons pas : cet accord collectif nécessaire dans les entreprises de plus de 300 salariés est, pour moi, formel, puisque le reste du droit continue de s'appliquer.

Je vais vous dire le fond de ma pensée : je comprends que l'on ait voulu introduire une sorte de sécurité et maintenir les symboles quand, sous la responsabilité de votre camp, le seuil a été relevé de 100 à 300 salariés : c'est pour se donner bonne conscience que l'on a instauré un accord collectif.

N'imaginons pas des verrous là où il n'y en a pas : la convention collective qui s'applique dans un groupement d'employeurs est celle du champ dans lequel les entreprises se situent si elles exercent toutes dans le même champ, et celle que les employeurs choisissent si elles exercent dans des domaines différents. L'article L. 1253-5 n'y change rien, qu'il figure ou pas dans le code du travail.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté ces amendements.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je vais répondre à l'ensemble des questions ; ma réponse précédente a été courte, mais c'était pour laisser le débat entre les parlementaires se développer librement… (Sourires.)

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

L'intérêt de donner plus de souplesse aux mécanismes permettant à des entreprises de plus de 300 salariés d'entrer dans un groupement a été très bien expliqué, et je n'y reviens pas.

Vous avez posé plusieurs questions. Quelles sont les garanties ? Dans la plupart des grandes entreprises sont présentes des organisations syndicales, des comités d'entreprise. Il est bien évident que, dans le cadre de l'adhésion d'une entreprise à un groupement d'employeurs, les organisations syndicales et le comité d'entreprise seront consultés. C'est à ce moment-là que le contrôle des organisations syndicales s'exercera sur les choix qui seront faits. C'est une évidence absolue !

Le recours au groupement d'employeurs ne peut en aucun cas avoir pour objectif exclusif – puisque c'est le sujet qui vous préoccupe, et à juste titre – d'externaliser les salariés. La création d'un groupement s'effectuant sous le contrôle du juge, l'adhésion à un tel groupement qui aurait comme unique objectif de contourner les règles pourrait être sanctionnée comme abus de droit. Le groupement d'employeurs ne peut avoir comme objectifs principaux que deux réalités que vous connaissez bien, et qui ont été très bien rappelées par M. Gérard : la saisonnalité d'une part, l'opportunité pour des entreprises qui n'en ont pas les moyens séparément de créer ensemble un emploi.

Je confirme, d'autre part, les propos de M. le rapporteur concernant les conventions. Si deux entreprises exerçant dans le même champ d'activité créent ensemble un groupement d'employeurs, celui-ci se verra automatiquement appliquer la convention applicable aux deux entreprises. Si elles relèvent de deux conventions différentes, là encore la consultation des institutions représentatives du personnel aura lieu, et ainsi un contrôle s'exercera : les meilleures garanties sont donc bien là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Sans oublier le contrôle de l'inspection du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

M. le rapporteur s'embourbe dans des explications qui n'ont guère convaincu de ce côté-ci de l'hémicycle – et pas beaucoup plus de l'autre côté, je crois. Les explications lapidaires de M. le secrétaire d'État, fondées sur l'affirmation que les propos du rapporteur étaient brillants et clairs, ne sont pas plus lumineuses ! Un voile sombre, sinistre, continue de s'étendre sur ce débat.

Monsieur le rapporteur, vous disiez que passer de 10 à 100, puis de 100 à 300 était bien plus dramatique que de passer aujourd'hui de 300 à 4000, 5000, 10 000. Je rebondis sur les propos de M. Taugourdeau, qui n'étaient nullement dénués de bon sens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Eh oui, nous pouvons nous écouter !

M. Taugourdeau observait qu'une entreprise de 350 salariés n'est pas d'une nature extrêmement différente d'une entreprise de 300 salariés, et qu'il serait au fond injuste de ne pas pouvoir lui appliquer ces dispositions. Fort bien ! Fixons alors un seuil encore plus élevé que le seuil actuel : M. Gille, dans un élan de générosité, pour essayer de trouver un consensus a proposé non pas 350, mais 500 !

J'ai envie de demander au rapporteur pourquoi, puisque l'argumentaire a été déployé avec talent par M. Taugourdeau, il ne proposerait pas un amendement afin de fixer un seuil, pour éviter ces dérives que l'on sent bien – avec des entreprises qui pourraient se jeter par milliers sur cette nouvelle aubaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La proposition sage, raisonnée, généreuse de M. Gille de porter le seuil à 500 pourrait, je crois, obtenir un consensus : un tel amendement pourrait être voté à l'unanimité, et montrerait que nous avons, ce soir, fait preuve d'un esprit législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je commence par saluer la qualité et la précision du débat.

Monsieur Gérard, vous faisiez état d'un certain nombre de créations d'emplois grâce à des groupements d'employeurs. Je vous appelle à un peu de modestie : vous l'avez d'ailleurs démontré vous-même, il s'agit tout au plus, la plupart du temps, du rassemblement d'un certain nombre de contrats à temps partiel ou de contrats saisonniers, qui sont consolidés sous la forme d'un CDI. C'est, bien sûr, un point positif, mais ce n'est pas une création nette d'emplois. Parlons plutôt de transformation d'emplois précaires, et de consolidation sous forme de CDI. Ce n'est pas négligeable, je vous en donne acte, mais ce n'est pas de la création d'emplois.

D'autre part, je ne lis pas l'article 2 de la proposition de loi de la même manière que M. le rapporteur. Cet article est clair : « Un accord national interprofessionnel ou un accord de branche définit les garanties que les entreprises ou organismes adhérents à un groupement d'employeurs accordent aux salariés des groupements. »

Cela veut dire que, dans l'exemple de tout à l'heure où Renault et Peugeot décidaient de créer un groupement d'employeurs, il est bien clair que ce n'est pas l'accord de la branche automobile qui s'appliquerait, mais – s'il y en a un – l'accord visé par ce premier alinéa.

Le diable se loge parfois dans les détails : imaginons que cet accord national interprofessionnel qui concerne les groupements d'employeurs soit moins favorable que les accords existant dans la branche automobile, et l'on rencontre le risque que nous évoquions tout à l'heure.

Je ne veux pas abuser de notre temps, pour laisser au débat toute sa place – utile débat, et nécessaire : les modifications réglementaires votées aujourd'hui ne le laisseront d'ailleurs plus s'approfondir. J'en viens donc au fond. Avec Jean Mallot, nous nous faisions la réflexion que vous aviez finalement choisi pour les accords de branche le plus grand dénominateur commun ; nous aurions préféré le PPCM, le plus petit commun multiple.

Vous avez dit clairement que c'est l'accord le moins favorable qui s'appliquera aux salariés des groupements d'employeurs – avec peut-être un différentiel, mais qui n'est pas inscrit dans la loi, ni dans toutes les pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est ce qui nous inquiète. Même pour des entreprises de la même branche – l'exemple de Renault et Peugeot est patent, mais nous en évoquerons d'autres dans la suite des débats –, le risque est effectivement que les groupements d'employeurs appliquent une convention moins favorable, y compris pour des entreprises de la même branche. C'est pourquoi nous nous opposons à cette disposition.

(L'amendement n° 58 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 59 rectifié.

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous avons proposé de supprimer l'article 2 : vous avez refusé. Vous avez aussi refusé de modifier son second alinéa – dont je rappelle qu'il prévoit ce qui se passe à la date d'extension de l'accord de branche – dans le sens que nous proposions.

L'amendement n° 59 rectifié propose de supprimer la dernière phrase de cet alinéa 2, qui mentionne la date butoir du 1er janvier 2010 pour la disparition de l'article L. 1253-5 du code du travail, c'est-à-dire la disparition du seuil de 300 salariés, et ce même en l'absence de conclusion d'un accord national interprofessionnel.

Tout ce que nous avons dit depuis le début de la discussion sur cet article renforce mon argumentation : si, le 1er janvier 2010, l'ANI n'est pas conclu, ce sera soit un vide juridique, soit l'assurance que c'est la convention collective la plus basse qui s'appliquera. Tout à l'heure, le rapporteur a indiqué que, dans le cas d'un groupement Peugeot-Renault, ce serait évidemment la convention collective de l'automobile qui s'appliquerait. Mais le raisonnement est vicié. Supposons que ces deux entreprises constituent un groupement d'employeurs mais que les salariés de ce groupement fournissent des activités qui relèvent du secteur de l'informatique. Dans ce cas, l'activité des salariés du groupement relève de l'informatique, et c'est donc une convention collective relative à ce secteur d'activité qui s'appliquera, non la convention collective de la branche automobile. Bref, rien ne dit que la convention collective du groupement sera de meilleur niveau que celle des entreprises membres.

La deuxième phrase de l'alinéa 2, que nous voulons supprimer, prévoit que si l'ANI n'est pas conclu d'ici au 1er janvier 2010, la disparition du seuil s'applique néanmoins.

L'amendement que nous avons appelé l'amendement Taugourdeau-Gille proposait de fixer le seuil non pas à 300 mais à 500 salariés, c'est-à-dire de remonter le seuil sans aller jusqu'à l'infini, permettant d'écarter les entreprises de plusieurs dizaines de milliers de salariés parfois installées dans des pays différents et soumises à des législations différentes. S'il est vrai qu'il existe des différences importantes quand on passe d'une entreprise de 10 salariés à une entreprise de 300, on peut admettre que les différences sont moins importantes quand on passe de 300 à 1 000 salariés. Mais on ne peut pas ne pas fixer de limite, nous l'avons tous plus ou moins démontré dans nos propos : que ce soit du côté de l'UMP, c'est-à-dire du groupe politique le plus important parmi ceux qui n'ont pas déclaré appartenir à l'opposition, ou que ce soit du côté de l'opposition, chacun est arrivé à cette conclusion que faire sauter toute limite ouvrirait des horizons…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

…tels que plus personne ne maîtriserait l'évolution du dispositif.

Pour le coup, nous pouvons tous nous retrouver sur ce que nous voulons faire, c'est-à-dire donner des possibilités supplémentaires sans précariser.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Défavorable. Mais je voudrais, à la fin de cet article, qu'on reprenne un peu de hauteur.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Qu'on reprenne un peu de champ par rapport aux arguments techniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Vous auriez pu dire « un peu de recul », cela aurait été mieux.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Les expressions qui ont été utilisées par les uns et les autres n'ont pas toujours été fort respectueuses, je crois.

Je voudrais qu'on prenne un peu de distance.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

J'entends bien les arguments techniques sur le groupement d'employeurs. Mais le but visé par M. le rapporteur, ce n'est pas de détricoter le droit du travail.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

L'objectif, c'est d'aller explorer, comme vous l'avez rappelé, toutes les solutions qui peuvent nous permettre d'éviter des licenciements ou des plans sociaux. Je préfère de très loin que Renault et Peugeot fassent des groupements d'employeurs ou des mises à disposition plutôt que de licencier des salariés. Le premier objectif est donc de voir si les nouvelles possibilités peuvent éviter des licenciements ou créer des emplois.

La deuxième question que vous posez, à juste titre, porte sur le niveau des garanties : est-il suffisant ? Les garanties sont au nombre de trois.

D'abord, on ne peut pas recourir à un groupement d'employeurs n'importe comment, la procédure est encadrée par la loi.

Ensuite, les organisations syndicales sont systématiquement consultées.

Enfin, cela s'opère sous le contrôle du juge, par le biais de la notion d'abus de droit, et même de l'administration du travail, qui a la possibilité de refuser une convention collective qui aurait été choisie si elle considère qu'elle ne correspond pas au cadre adapté par rapport au groupement d'employeurs.

La proposition qui vous est faite permet d'utiliser à plein les potentialités du groupement d'employeurs pour créer des emplois, tout en préservant tous les mécanismes de contrôle. Alors, de grâce, pas de faux procès, nous avons là une bonne utilisation du groupement d'employeurs, qui ne justifie pas autant de positions de principe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Dans votre intervention précédente, vous nous avez dit qu'il n'y avait aucun risque d'externalisation, et vous nous avez présenté une définition et des garde-fous du groupement d'employeurs – je suis allé les chercher, en vain, dans le code du travail mais je veux bien vous croire. Maintenant, vous nous dites que le groupement d'employeurs a pour but d'éviter les licenciements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Et vous expliquez comment Renault en difficulté pourrait créer, pour éviter des licenciements, un groupement d'employeurs. L'entreprise externaliserait donc sur le groupement d'employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Comment passer de chez Renault au groupement d'employeurs si ce n'est par une forme d'externalisation. Sinon, il faudrait que les salariés soient licenciés et repris, ou alors c'est du prêt de main-d'oeuvre, objet de l'article 6, mais nous ne sommes pas dans ce cas-là.

Vous avez avoué, je n'en espérais pas tant, que ce que vous présentez sert à cela, à sortir les gens par le biais du groupement d'employeurs. Certes, vous avez dit que cela ne pouvait pas être le but unique. Mais je fais confiance à la DRH de Renault et de Peugeot pour trouver des raisons technologiques ou des arguments saisonniers pour dire, on fait l'été ici, l'hiver là. Votre aveu est terrible.

Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question : si un accord national interprofessionnel débouche, et c'est souhaitable, sur une convention collective, n'y a-t-il pas un fort risque – je n'accuse personne en disant cela – que la convention collective soit moins favorable qu'une convention collective d'une grande branche ? En effet, dans la convention collective, il va falloir tenir compte d'entreprises comme celle de M. Taugourdeau, c'est légitime, qui n'a peut-être pas le potentiel pour avoir une convention collective aussi favorable que les grandes entreprises. Pour couvrir tout le monde, la convention collective des groupements d'employeurs sera forcément moins favorable que les grandes conventions collectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

C'est la difficulté que nous voulions dénoncer et vous nous avez aidé à le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Pendant l'intervention de M. Eckert tout à l'heure sur la possibilité de faire du dumping social avec un accord moins favorable pour les salariés, M. le rapporteur disait, hors micro : « Mais comment voulez-vous que les syndicats acceptent ? Ils n'accepteront pas. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Si on dit à un syndicaliste : c'est cela ou vous perdez votre emploi, il peut, dans le cadre du comité d'entreprise, accepter ce genre d'accord. Chez Continental, les syndicats avaient accepté de travailler quarante heures payées trente-cinq heures et on sait ce que cela a donné dix-huit mois après. Avec un chantage délétère et lapidaire sur l'emploi, on est prêt à accepter des choses et, au total, cela finit très mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Tout à fait !

(L'amendement n° 59 rectifié n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Je voudrais, à l'occasion de l'examen de l'article 3, qui traite des garanties de paiement aux salariés, m'adresser à M. le secrétaire d'État pour lui rappeler que, lors de l'examen de la loi sur les revenus du travail, en décembre 2008, nous avions voté à l'unanimité un amendement que j'avais présenté, qui permettait aux salariés des groupements d'employeurs de bénéficier de la participation distribuée non par le groupement mais par les entreprises adhérentes. Jusqu'alors, celles-ci distribuaient une participation aux salariés permanents et aux saisonniers mais les salariés des groupements en étaient exclus, pour des raisons techniques très simples : l'entreprise qui emploie un salarié d'un groupement d'employeurs ne connaît pas le salarié, elle ne connaît que la facture du groupement d'employeurs. À l'époque, les groupements d'employeurs n'étaient pas autorisés à distribuer de la participation à des salariés qu'ils ne connaissaient pas.

Cette profonde injustice avait provoqué une réaction unanime dans l'hémicycle. On ne peut pas considérer qu'un salarié de groupement en CDI qui travaille pendant vingt ans cinq mois par an dans une entreprise ne participe pas au développement de cette entreprise.

Il semble, monsieur le secrétaire d'État, que le décret d'application comporte une légère coquille puisqu'il est écrit que « dans les groupements qui ne distribuent pas déjà de la participation, les entreprises sont autorisées à ». Alors que les groupements ne sont pas appelés eux-mêmes à faire du résultat, ce n'est pas leur but, certains ont fait un effort et distribuent déjà une participation un peu motivante pour les salariés du groupement. Il faudrait qu'ils dénoncent cet accord pour, demain, permettre aux entreprises de distribuer de la participation. Mais, dans ce groupement, il peut y avoir des salariés qui sont maillés dans des entreprises qui, elles, ne distribuent pas de participation. Ce serait injuste pour ces salariés.

Ce que je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, c'est que le Gouvernement étudie une nouvelle rédaction du décret qui soit conforme à l'esprit de l'amendement que l'on a voté et qui autorise les entreprises de tous les groupements à distribuer de la participation aux salariés, pas simplement les entreprises des groupements qui ne distribuent pas déjà une participation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je reconnais le bien-fondé de l'argumentation de notre collègue Taugourdeau parce que je me souviens du débat sur le projet de loi sur les revenus du travail qui nous avait occupés quelques soirées. En effet, si cette disposition est mal rédigée, il conviendrait de la rectifier. J'observe au passage avec un peu d'ironie que ce qui était présenté à l'époque comme une amélioration des revenus des salariés, notamment en ce qui concerne l'intéressement, doit aujourd'hui être une énorme déception au vu des sommes qui ne sont pas distribuées au titre de l'intéressement. C'était le risque que nous avions dénoncé à l'époque dans ce texte.

J'en viens à l'article 3, pour vous dire tout le mal que nous en pensons.

La législation actuelle oblige à une responsabilité conjointe et solidaire l'ensemble des entreprises adhérentes à un groupement en cas de défaillance et d'impossibilité d'assurer le paiement notamment des salaires et des charges afférentes. L'esprit était celui d'une mutualisation mais également d'une garantie pour le salarié de pouvoir être payé même si telle ou telle entreprise se révélait défaillante. L'esprit du groupement d'employeurs était celui d'une réelle solidarité.

Aujourd'hui, M. le rapporteur va certainement nous dire que s'il n'y a pas d'accord autre, c'est la situation actuelle qui s'appliquera. C'est sympathique sauf que si l'accord est mauvais et que les salariés se trouvent démunis et dépourvus d'interlocuteurs en cas de défaillance – ce que personne ne souhaite bien entendu – ce seront les fonds de solidarité qui interviendront. Il y aurait un transfert de charges par rapport à la situation actuelle.

En résumé, si je rejoins mon collègue sur son observation connexe à cet article 3 – j'espère que le secrétaire d'État connaît cette question et pourra nous apporter satisfaction –, sur la philosophie de l'article 3, je crois qu'il existe un risque de voir les salariés dépourvus d'interlocuteurs en cas de mauvais accord ou si la situation devient délicate, auquel cas, encore une fois, ce seront les fonds de secours pour les salariés qui seront sollicités, ce qui entraînera des dépenses supplémentaires pour des régimes qui sont déjà très largement sollicités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Avant d'aborder l'article 3, je voudrais, d'une phrase, revenir sur un commentaire de M. Taugourdeau à propos de la création d'emplois par les groupements d'employeurs. Il a mis en parallèle l'espoir de création d'emplois que représenterait le dispositif proposé par rapport à la création réelle d'emplois depuis 1985 : quand on divise 30 000 par le nombre d'années, on obtient 1 500 par an. À l'époque, lorsque la formule du groupement d'employeurs a été instaurée et légalisée, il s'agissait de permettre aux très petites entreprises de répondre à des besoins qu'elles ne pouvaient pas, pour des raisons de saisonnalité, de durée du travail potentiel, etc. satisfaire par leurs propres moyens.

Il est donc normal qu'à l'époque cela n'ait pas donné lieu à des créations d'emplois en très grand nombre. Or nous sommes là dans le cadre d'une proposition de loi destinée à « faciliter le maintien et la création d'emplois », présentée comme devant apporter une réponse à la hauteur de la crise actuelle qui est à l'origine, chaque mois, de 60 000 à 80 000 chômeurs supplémentaires. Les ordres de grandeur ne peuvent donc être les mêmes et c'est d'ailleurs pour cela que nous avons un problème : nous passons d'un système qui avait été conçu pour répondre à une certaine difficulté à un nouveau système qui doit répondre à quelque chose de totalement différent, et ce passage ne se fait pas de façon simple.

J'en viens plus précisément à l'article 3. L'article L. 1253-8 du code du travail dispose que les « membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires ». Vous proposez d'y substituer une rédaction selon laquelle les statuts du groupement d'employeurs prévoiraient les règles de répartition des dettes en question entre les membres dudit groupement, et c'est seulement à défaut de telles dispositions dans les statuts du groupement que la solidarité prévaudrait entre les entreprises en cas de défaillance. Nous pensons que c'est un recul par rapport à la situation antérieure et que, comme l'a très bien dit Christian Eckert, cela aboutirait à transférer le risque sur les salariés ou les organismes sociaux. En effet, en cas de défaillance ou de dépôt de bilan d'une des entreprises membres du groupement, compte tenu des dispositions spécifiquement incluses dans les statuts du groupement, c'est le salarié qui devrait, le cas échéant, engager les poursuites pour faire valoir ses droits.

Cela m'amène à ma conclusion. Le dispositif actuel – responsabilité solidaire et conjointe – est simple. Qui demande que cela change ? Et que pourraient convenir les entreprises dans leurs statuts qui leur permettrait de faire mieux que cette solidarité sans mettre en danger les salariés, sans précariser leur situation en cas de défaillance des membres du groupement ? Qu'avez-vous derrière la tête, ou qu'ont derrière la tête celles et ceux qui vous ont suggéré cette disposition ? Pourquoi modifier l'article L. 1253-8 alors qu'il paraît tout à fait convenable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Nous arrivons à la partie de ce texte qui est sans doute la plus délétère et qui nous interroge le plus. Elle touche en effet aux raisons mêmes qui font qu'un groupement ou une union peut se réaliser entre deux employeurs. Dans tout groupement, il faut normalement que des garanties soient données réciproquement, et surtout aux salariés qui sont supposés être les bénéficiaires de la modification que vous nous proposez. Or, au contraire, vous remettez en cause la notion de solidarité et vous parlez même de pondérer la responsabilité, ce qui est très grave. Il s'agit donc bien de ne demander aucune contrepartie aux employeurs et d'enlever toute sécurité aux employés. Et cela nous pouvons encore moins l'accepter avec les problèmes de chiffres et de cadre évoqués précédemment.

Nous ne sommes plus seulement dans le cadre de l'éloignement du salarié de l'entreprise ou du groupement. C'est une véritable rupture, et cela dans une période de difficultés où les salariés ne sont pas les seuls à être fragilisés : les entreprises le sont également…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

…et elles peuvent avoir des dettes à l'égard des salariés ou des organismes créanciers de cotisations obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Il est difficile de ne pas comprendre qu'en ce moment non seulement les salariés sont soumis à une précarité plus grande, mais que les entreprises rencontrent elles-mêmes des difficultés – on en voit beaucoup qui ferment. Jusque-là, je pense que tout le monde peut suivre !

La notion de solidarité face aux éventuelles difficultés de ces entreprises – le fait qu'elles puissent avoir des dettes à l'égard des salariés et connaître des difficultés vis-à-vis des cotisations sociales…

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Madame Bourragué, je suis sûre que vous allez comprendre si vous faites un petit effort !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

En cette période de difficultés, la notion de solidarité conjointe doit plus que jamais être exigible. Elle existait dans les dispositions antérieures, mais vous la supprimez au profit d'un éventuel contrat dont on ne sait pas ce qu'il sera et dont il y a fort à craindre qu'il soit moins bénéfique pour les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

C'est sur cette mesure très profonde, entraînant une précarisation intellectuelle, philosophique pour les salariés, que nous vous demandons de revenir en acceptant les modifications que nous vous proposerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

L'article 3 vise à supprimer la responsabilité solidaire, qui est au coeur du groupement d'employeurs et qui en est même un principe fondateur, pour lui substituer une fixation, dans les statuts, des règles de répartition des dettes à l'égard des salariés et des organismes sociaux. Cela pose une vraie question. Que se passera-t-il, en effet, en cas de conflit du travail ou de dépôt de bilan ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Aujourd'hui, le groupement est solidairement responsable. Demain, la responsabilité sera, d'un certain point de vue, proportionnelle à l'utilisation des salariés par chaque entreprise. Si une des entreprises fait défaut, d'une manière ou d'une autre, que se passera-t-il ? Comment s'organisera la responsabilité en cas de défaillance d'une des entreprises ? J'attends une réponse de M. le secrétaire d'État.

En cas de conflit du travail, à partir du moment où il y a une répartition proportionnelle des responsabilités et où demeure en même temps une responsabilité globale – je ne le nie pas –, avec qui le conflit se traitera-t-il ? Le groupement va, dans un premier temps, renvoyer vers l'entreprise la plus directement concernée qui, elle, invoquera la globalité, et on va tourner en rond ! Et ce sera la même chose en cas de dépôt de bilan ; cela pourra durer longtemps ! Si une entreprise faillit et qu'il n'y a plus de responsabilité solidaire, le salarié devra se battre avec chacune des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

L'amendement n° 61 que nous vous proposerons règle le problème. Je comprends que l'on puisse souhaiter une répartition dans certains cas, mais il faut conserver le principe de la responsabilité solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

En effet, si l'on applique le mécanisme que j'ai décrit, les AGS vont laisser faire et, en cas de dépôt de bilan, les salariés attendront longtemps leur salaire. Il y a un vrai problème. Aujourd'hui, si le groupement d'employeurs qui dépose le bilan ne peut pas faire face à ses responsabilité, l'AGS est obligée d'intervenir. Avec votre proposition, elle se retournera successivement vers les divers membres du groupement ; elle refusera d'assumer son rôle et les salariés en pâtiront.

Par ailleurs, la répartition à due proportion de l'utilisation des salariés donne du crédit à mon hypothèse de tout à l'heure d'un groupement d'employeurs dans l'automobile. Vous voyez bien le système : vous avez un vivier et chaque entreprise a une sorte de droit de tirage à due concurrence des responsabilités qu'elle se donne. M. le secrétaire d'État a d'ailleurs dit qu'il était tout à fait possible de se retrouver dans cette situation. Les salariés seront alors ballottés de l'un à l'autre.

Enfin, je vais peut-être vous paraître pessimiste, mais le jour où l'on n'aura plus besoin de ce groupement d'employeurs pour telle ou telle raison, parce que l'on procède à une restructuration globale de l'automobile, par exemple, le dépôt de bilan se fera à moindres frais que si l'on devait avoir le plan social, le plan de reclassement dans les entreprises que l'on est obligé d'appeler les entreprises mères. J'aimerais avoir des réponses sur toutes ces questions précises.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 10 et 60, visant à supprimer l'article 3.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je serai bref car, depuis le début de l'examen de ce texte, nous émettons des craintes dont on voit bien le lien article après article.

Nous sommes préoccupés par la possibilité, prévue par l'article 3, de mise en place d'un autre système que celui de la solidarité actuelle si les membres du groupement se mettent d'accord. C'est un choix risqué. En effet, en cas de problème, le salarié est actuellement protégé par la mutualisation du risque. Mais avec cette disposition qui ouvre la possibilité d'un partage du risque différent – prise en charge plus spécifiquement par un membre du groupement –, si des problèmes surgissent, cela donnera lieu à de l'instabilité et à des contentieux qui, de toute façon, ne porteront que sur les intérêts du salarié. Nous souhaitons donc en rester à la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 60.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

Vous avez sans doute tous ici reçu un courrier de soutien à cette proposition de loi signé de groupements d'employeurs. J'ai noté avec amusement que ce document avait été réalisé en coordination avec M. Jean-Charles Taugourdeau, député UMP, président du groupement d'employeurs Forval. C'est intéressant, monsieur Taugourdeau, nous avons une première tribune de votre part par écrit et une seconde ici, dans l'hémicycle. Vous avez l'air étonné, mais c'est aussi un groupement d'employeurs de Bretagne, de Poitou-Charentes, de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon.

Je lis un extrait de cette lettre de soutien à la proposition de loi : « Aujourd'hui, ce sont plusieurs milliers d'emplois qui ne sont pas pérennisés et sécurisés via les groupements d'employeurs. Nous estimons que le nombre d'emplois au sein des groupements d'employeurs pourrait être multiplié par quatre avec cette simple modification des textes. » Je suis un peu surprise de découvrir une évaluation du nombre d'emplois alors que M. le rapporteur vient de nous dire qu'il n'avait pas encore de chiffre précis.

Je poursuis ma lecture : « La cohérence attendue sur les modalités de recours des entreprises à un groupement d'employeurs pourra contribuer fortement à développer le pouvoir d'achat des salariés du groupement d'employeurs, qui bénéficieront ainsi des avantages salariaux individuels et collectifs largement plus répandus dans les grandes entreprises que dans les PME. » Cet argument, je l'entends si l'on pense que, dans les groupements d'employeurs, les entreprises vont tirer les PME. Or M. le secrétaire d'État nous a répondu tout à l'heure que l'on pouvait externaliser les salariés d'une grosse entreprise vers des petites. Je vais prendre l'exemple de l'aéronautique dans le Sud-Ouest, puisque je vois que le document a été réalisé par le groupement d'employeurs Midi-Pyrénées, région où Airbus est l'industrie dominante.

Avec ses milliers de salariés, la société Airbus peut monter un groupement d'employeurs, au nom d'une logique territoriale et industrielle, avec des sociétés de cotraitance et de sous-traitance, dont les accords collectifs sont moins favorables que ceux d'Airbus. Supposons que la crise qui frappe l'aéronautique et la baisse des commandes d'A380 se traduisent par une externalisation des personnels dans la cotraitance et la sous-traitance. Si ces sociétés en viennent ensuite à déposer leur bilan, les salariés externalisés seront livrés au moins-disant social. Dans ce cas, le groupement d'employeurs n'aura pas rempli ses devoirs envers les salariés. C'est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement tendant à supprimer l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

La commission a rejeté ces amendements. J'ai beaucoup entendu parler de pondération et de répartition. Mais l'article 3 dispose seulement que les statuts des groupements d'employeurs prévoiront la manière dont les sociétés qui le composent feront face aux dettes éventuelles. À défaut, la rédaction actuelle de l'article 1200 du code civil prévoit la responsabilité in solidum. Cette règle fait l'unanimité. Un rapport sur les groupements d'employeurs demandé par Mme Aubry en 1998 a d'ailleurs souligné que le régime de la responsabilité solidaire bloque souvent le développement des groupements d'employeurs, les petites entreprises pouvant, dans un premier temps, être sollicitées seules pour éponger les dettes contractées par les plus grosses, à charge pour elles de se retourner ensuite vers celles-ci pour recouvrer leurs droits.

En d'autres termes, il n'y a pas de mutualisation de la dette, au titre de l'article 1200. La responsabilité in solidum implique en effet que tout membre du groupement doit être en mesure de rendre compte de la dette de tous les autres, la mutualisation n'intervenant, le cas échéant, que dans un second temps.

Pour notre part, nous préférons que les sociétés composant un groupement conviennent d'un accord par pondération ou par répartitition – au prorata ou non –, les statuts pouvant également décider que le régime actuel s'appliquera.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Je sais que M. Gille est un parlementaire pondéré, soucieux des réalités du terrain, mais je ne comprends pas sa position.

Supposons qu'un groupement d'employeurs comprenne une PME d'une cinquantaine de salariés, liée à d'autres groupes plus importants. Aux termes de la législation actuelle, en cas de défaillance du groupement – par exemple si les autres partenaires connaissent d'importantes difficultés de trésorerie –, cette PME risque d'être déclarée solidaire pour tout le groupement, même si elle n'en représente que 10 %. N'est-ce pas absurde ?

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Raison de plus pour améliorer ces dispositions. C'est pourquoi je pense que nos avis devraient converger. Notre but est seulement d'éviter qu'une petite entreprise ne se trouve entraînée dans la tourmente. C'est une question de bon sens, qui ne justifie pas que l'on invoque je ne sais quel détricotage.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

J'en conviens.

Par ailleurs, n'oublions pas que c'est le groupement qui est employeur. Dans ce cadre, en cas de défaillance d'une société, l'AGS interviendra en soutien à due proportion de la clé de répartition adoptée par l'entreprise défaillante.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Autrement dit, si la clé de répartition prévoit que l'entreprise A est responsable à 50 %, l'entreprise B à 30 % et l'entreprise C à 20 %, la défaillance de l'entreprise B entraînera une couverture des salaires par l'AGS, ce qui permettra une double garantie, pour les salaires d'une part, et, d'autre part, pour les autres sociétés, qui n'auront pas à supporter une charge supérieure à leur responsabilité.

Derrière cette question se profilent deux philosophies politiques. On peut en effet choisir, au nom d'un égalitarisme absolu, un nivellement par le bas entraînant des risques importants en matière de gestion de l'emploi, ou, au nom de l'équité, une répartition des charges tenant compte de ce que chaque entreprise peut supporter. Je vous accorde que ce sont deux approches très différentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour le décret, monsieur Taugourdeau, je suis prêt à travailler avec vous, car je salue votre connaissance des réalités. Mais son objet est non de limiter la possibilité de bénéficier des règles de participation, mais d'éviter que la participation dont bénéficieraient des salariés dans une entreprise ne puisse être cumulée avec une participation dans le cadre du groupement d'employeurs. Cela étant, je vous propose que mes services se mettent en rapport avec vous lorsqu'ils rédigeront ce décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Monsieur le secrétaire d'État, vous soulevez le problème du rapport de force ou de taille, en cas de défaillance, entre les entreprises membres d'un groupement. Mais il ne se pose que parce qu'on fait sauter le verrou des 300 salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

La démarche originelle des groupements d'employeurs, en 1985, était guidée par le souci de permettre à de très petites entreprises de se grouper. Le problème soulevé à présent ne se posait donc pas, ou pas dans les mêmes termes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous refusons que vous transfériez la difficulté que peut connaître une société du groupement vers les salariés, qui se trouveront obligés d'assumer le risque et de faire valoir leurs droits par leurs propres moyens.

Par ailleurs, vous supposez que la répartition figurant dans les statuts du groupement sera toujours équitable, et que ses membres la prévoiront sans arrière-pensée, ce qui reste à prouver. Tout en laissant aux sociétés le soin de définir la règle du jeu, nous devons prévoir des garde-fous afin d'éviter qu'elles ne s'entendent pour reporter la charge sur la collectivité.

(Les amendements identiques nos 10 et 60 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 61.

La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

M. le secrétaire d'État devrait approuver cet amendement, qui résout le problème qu'il a soulevé. L'article 3 dispose aujourd'hui que « Les membres du groupement sont solidairement responsables de ses dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires. » Nous vous proposons d'y ajouter : « Les statuts du groupement d'employeurs peuvent prévoir des règles de répartition des dettes à l'égard des salariés et des organismes créanciers de cotisations obligatoires entre les membres du groupement. » Loin d'être favorables à un égalitarisme stupide, nous avons, comme vous, compris le problème, que nous vous proposons de résoudre en inversant les termes du texte. Par ce biais, nous réaffirmons le principe de la solidarité globale, ce qui apporte une garantie aux salariés. Car, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le secrétaire d'État, les AGS, loin de répondre tout de suite à la demande des salariés, solliciteront chacune des entreprises. Pendant ce temps, ceux-ci ne percevront aucune rémunération.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

L'amendement ne dit pas autre chose que la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Si ! En rappelant le principe de la solidarité globale, il permet d'opérer la répartition entre les partenaires aux termes d'une sorte de règlement intérieur. Dans l'esprit constructif dans lequel nous travaillons, le Gouvernement pourrait accepter cette rédaction, qui apporte une sécurité supplémentaire aux salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Défavorable. Soucieux d'éviter que l'on ne recoure d'emblée à la rédaction actuelle de l'article 1200 du code civil, nous préférons prévoir d'abord un contrat et, à défaut, l'application de cet article.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Vaut-il mieux dire « Belle marquise, d'amour vos beaux yeux me font mourir » ou « Vos beaux yeux, belle marquise, d'amour me font mourir » ? Nous ouvrons aux entreprises la possibilité de se mettre d'accord sur une clé de répartition. À défaut, le code actuel s'appliquera, qui privilégie la responsabilité solidaire. L'adoption de l'amendement n'y changerait rien…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…puisqu'il prévoit le principe de la responsabilité solidaire, à laquelle les entreprises pourront déroger par accord. Honnêtement, c'est pareil !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Non, ce n'est pas la même chose pour les salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Moi aussi, j'aime bien Molière, mais je rappelle que l'amendement prévoit qu'en cas de dépôt de bilan la responsabilité solidaire s'appliquera tout de suite, ce qui signifie que les salariés seront immédiatement garantis. Je répète que, si l'on n'inverse pas la formule, la réponse des AGS – si elles répondent – sera différée. La garantie ne sera donc pas la même pour les salariés.

(L'amendement n° 61 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 24.

La parole est à M. Philippe Boënnec.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Boënnec

Cet amendement complète l'article par l'alinéa suivant : « En cas de défaillance d'un membre du groupement d'employeurs, les créances détenues par le groupement sur l'entreprise sont couvertes par le super-privilège. ». Il s'agit, on le comprend, de favoriser la pérennité du groupement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Malgré l'intérêt de cet amendement, la commission l'a rejeté pour deux raisons. D'abord, le rapporteur ne disposait pas encore d'éléments d'appréciation suffisants pour porter un jugement éclairé et précis à son sujet. Ensuite, cet amendement s'inspire d'un jugement du tribunal de Castres qui a classé une créance d'un groupement sur une entreprise membre comme créance super-privilégiée. Mais il s'agit d'un jugement de tribunal de première instance, et si valable soit-il, il mérite certains compléments pour faire jurisprudence. Je préférerais que l'on profite de la navette parlementaire pour procéder à une expertise plus approfondie et revenir sur le sujet en deuxième lecture. Je vous demande donc de retirer l'amendement, faute de quoi je maintiendrai l'avis défavorable de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Boënnec

Je suis prêt à retirer l'amendement. Néanmoins, il y a là une idée simple utile à explorer pour pérenniser les groupements. L'essentiel est que la réflexion se poursuive.

(L'amendement n° 24 est retiré.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Alain Marc, premier inscrit sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

La France est diverse, son maillage communal serré, et si, pour certains, 36 000 communes, c'est trop, à mes yeux c'est une richesse, d'autant que différentes formes de groupements sont possibles et le seront plus encore dans les mois qui viennent, grâce à la réforme projetée. De fait, nombre de petites communes regroupées dans des structures intercommunales n'ont pas d'employé propre. Mais les employés de l'intercommunalité travaillent souvent pour elles de manière un peu moins réactive, car le centre de décision est un peu plus éloigné, et les travaux sont souvent déjà planifiés.

La possibilité pour les communes d'appartenir à des groupements d'employeurs est une aubaine, pour les plus petites notamment. Et désormais, les employés d'un tel groupement n'auront plus à se limiter aux travaux dans les espaces verts ; ils pourront aussi, par exemple, repeindre la salle d'une classe unique. De même, deux petites communes qui n'avaient pas d'employé pourront en embaucher un, qui effectuera un tiers temps dans chaque commune, et le troisième tiers chez un employeur privé membre du groupement. Dans une perspective d'aménagement du territoire, cette mesure permet de répondre à de vrais besoins de communes isolées, disposant de peu de moyens, et de favoriser l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Anne Montchamp

Avec cet article, nous pouvons aborder le problème de la discontinuité de l'emploi pour certains salariés, et j'en prendrai pour exemple les auxiliaires de vie scolaire qui accompagnent des enfants handicapés à l'école. Au-delà du temps en classe, il faut tenir compte du temps parascolaire et périscolaire, de la cantine à l'étude, en passant par le centre de loisirs, et parfois la classe verte. Aujourd'hui, à ces différents temps correspondent des compétences distinctes, de l'éducation nationale, des associations et aussi des collectivités locales. Donner une plus grande cohérence à l'emploi des auxiliaires de vie scolaire se traduirait pour eux par un travail plus régulier et par un meilleur service pour l'enfant qu'ils accompagnent.

J'aurais beaucoup aimé vous présenter l'amendement que j'avais déposé en ce sens ; il a malheureusement été déclaré irrecevable. Néanmoins, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur l'importance d'une telle mesure, que les groupements d'employeurs permettraient aisément de mettre en oeuvre. Même s'il est nécessaire de consacrer plus de temps à l'étudier sur le plan technique, il importe de ne pas manquer ce rendez-vous qui bénéficierait aux enfants handicapés, à l'école de la République, qui est en train de comprendre tout l'intérêt qu'il y a à les scolariser, ainsi qu'aux familles, qui abordent cette question avec une infinie patience mais aussi avec beaucoup d'inquiétude. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je soutiens la proposition de Mme Montchamp, car le problème de la continuité dans l'action des auxiliaires de vie scolaire est bien réel. Si le Gouvernement ne peut apporter de réponse aujourd'hui, il pourrait le faire de façon précise à l'occasion du débat d'initiative parlementaire sur le bilan de l'application de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, qui aura lieu mardi prochain. L'inquiétude est grande, en effet, dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Peut-être allez-vous trouver que tout nous inquiète. Mais si l'intention est louable et si les exemples qui viennent d'être cités semblent encourageants, l'article 4 nous inquiète en effet vivement.

Partager du personnel entre collectivités territoriales est une pratique déjà très courante. Généralement les petites communes ont déjà un secrétaire de mairie en commun ; il travaille trois demi-journées dans l'une, deux demi-journées dans une autre par exemple. Les collectivités peuvent donc mutualiser les besoins pour offrir un poste de travail.

D'autre part, les communautés et les syndicats de communes permettent aussi, souvent, de répondre à ces besoins en mutualisant des personnels pour assurer des tâches qui ne correspondent pas à un plein temps permanent.

Dès lors, où est la difficulté ? Ou plutôt, où est le vice caché de cette disposition ? C'est qu'elle permet d'externaliser le personnel pour contourner le statut de la fonction publique territoriale. Dans le cadre que vous mettez en place, à l'évidence, les personnels relèveront d'un autre statut que celui de la fonction publique territoriale auquel beaucoup d'élus locaux, les salariés et leurs syndicats sont attachés. La preuve en est que certains élus, approuvés par les syndicats, évitent de recourir à la possibilité qui existe d'employer des contractuels. On regarde souvent de près le pourcentage que ceux-ci représentent dans le personnel des grandes collectivités.

Nous craignons très fortement que l'article 4 ne serve à un tel contournement. Ou alors, démontrez-moi le contraire. Je l'ai dit, le partage de personnels entre des collectivités territoriales est possible et se pratique déjà fréquemment. Certes, dira le rapporteur, mais dans quelques cas et pour des métiers très spécifiques, notamment l'entretien des espaces verts.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Je ne me permettrais certes pas de penser à votre place, monsieur Poisson.

Pour certaines activités, il était déjà possible de recourir à un groupement d'employeurs. Vous ouvrez largement la porte à un dévoiement du statut de la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Mon intervention prolonge celle de M. Eckert. Rappelons que l'actuel article L. 1 253-20 du code du travail est ainsi rédigé : « Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale s'exercent exclusivement dans le cadre d'un service public industriel et commercial environnemental ou de l'entretien des espaces verts ou des espaces publics. Elles ne peuvent constituer l'activité principale des salariés du groupement et le temps consacré par chaque salarié du groupement aux travaux pour le compte des collectivités locales adhérentes doit être inférieur à un mi-temps. » Dans cette rédaction, c'est donc bien par rapport au salarié qu'on définit l'activité principale et le temps qui y est consacré. Que proposez-vous ? D'écrire désormais que « les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale ne peuvent constituer l'activité principale du groupement. ». Je ne sais si, comme l'a dit M. Marc, c'est une aubaine pour les collectivités, mais ce n'en est assurément pas une pour les salariés.

Dans un groupement qui compte dix salariés par exemple, actuellement, aucun d'entre eux ne peut exercer son activité principale pour les collectivités territoriales. Ce que vous proposez n'est pas la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Il se pourrait désormais que trois de ces salariés travaillent exclusivement pour les collectivités territoriales, tandis que les sept autres ne travailleraient pratiquement pas pour elles. Ces trois salariés exerceraient donc leurs missions sans être couverts par le statut de la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, avant que cette proposition ne soit présentée, ni les collectivités territoriales, ni leurs organisations représentatives ni les organisations syndicales de la fonction publique territoriale n'ont été consultées. Si vous l'aviez fait, vous vous seriez peut-être heurté à des difficultés. En commission, le rapporteur a indiqué qu'à ses yeux, il pourrait être utile pour les collectivités territoriales de recruter des collaborateurs de manière plus souple. Cela signifie que les modalités de recrutement actuelles ne sont pas assez souples et qu'il faut contourner le statut de la fonction publique, qui est protecteur et permet l'égalité d'accès à des emplois publics, car, au fond, le rapporteur le juge trop rigide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous ne pouvons être d'accord avec une telle démarche et nous sommes donc opposés à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Descoeur

Je souhaite ajouter quelques mots à l'intervention d'Alain Marc. Il importe en effet de souligner l'intérêt, pour certaines collectivités locales, de pouvoir recourir à des salariés pour des tâches bien spécifiques. J'insiste, monsieur le rapporteur, sur le fait que le texte comporte de nombreuses dispositions qui non seulement permettront la création d'emplois, mais présentent un réel intérêt en matière d'aménagement du territoire.

De nombreuses communes rurales qui, seules, ne sont pas en mesure de recourir à un salarié, pourront, grâce au texte, mutualiser leurs moyens et rendre ainsi des services attendus par la population. À ceux qui redouteraient la tentation de l'externalisation ou celle du détournement de la fonction publique, je répondrai simplement qu'on ne peut en faire le procès aux petites communes rurales qui seront certainement les premières bénéficiaires de ce dispositif. Bien au contraire, d'un point de vue social, des travailleurs qui aujourd'hui exercent une activité à temps partiel dans des situations précaires pourront consolider leur emploi.

L'expérience vaut donc d'être tentée.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Avant que nous n'abordions l'examen des amendements, je souhaite répondre à Marie-Anne Montchamp et en profiter pour la remercier. Nous travaillons en effet ensemble depuis plusieurs mois sur cette question qui lui tient particulièrement à coeur. Mme Montchamp met en avant deux préoccupations : d'abord la prise en charge, avec l'attention due, de l'accompagnement des enfants en situation de handicap au sein de l'éducation nationale, dans le but d'enrichir la palette des choix offerts aux familles et aux enfants concernés – chacun connaît votre action déterminante en la matière, madame Montchamp – ; ensuite, sujet qui me concerne au premier chef : les enjeux en termes d'emplois. Ainsi, nous devons assurer aux personnels qui ont acquis une vraie expérience des débouchés devant profiter aux enfants en situation de handicap.

Vous avez souhaité ouvrir le débat en proposant un amendement important mais dont l'examen n'a pu aller jusqu'à son terme. Il prévoyait la possibilité de profiter de ces groupements d'employeurs pour stabiliser, le cas échéant, les emplois d'accompagnement des enfants handicapés. Cet amendement avait surtout la vertu de poser le problème avec force.

Vous êtes chargée, parallèlement, d'une mission au sujet de laquelle nous nous sommes entretenus à plusieurs reprises. Une mission sous l'égide de l'IGAS et de l'IGEN est par ailleurs en cours et doit aboutir à la présentation d'un rapport ; je ne veux pas qu'il soit mis au placard. Attentif à vos avertissements, j'ai soulevé la question au sein du Gouvernement puisqu'elle relève de la compétence de différents ministères. Et comme l'a rappelé le président Méhaignerie, nous aurons mardi prochain l'occasion d'en discuter au cours du débat d'initiative parlementaire portant sur le handicap.

Je prends l'engagement solennel de rester à l'écoute de vos propositions et de participer à la recherche de solutions. Je prends cet engagement parce que c'est vous, que votre action m'inspire une grande estime, mais aussi parce que ce sujet très important ne doit pas être pris à la légère, enfin parce qu'il existe des enjeux en termes d'emplois. Vous me trouverez donc à vos côtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Les interventions relatives aux problèmes spécifiques concernant des publics en difficulté et aux solutions que nous entendons leur apporter retiennent toute mon attention. Reste que les solutions envisagées ne doivent pas nous conduire à remettre en cause le statut de la fonction publique, tant l'enjeu est fondamental. Je sais bien que ce statut est déjà largement entamé mais je suis surpris de la présence dans le texte d'un tel article qui semble cacher d'autres intentions que celles affichées.

Le rapport Balladur a été rendu ; on a l'impression qu'il est à moitié enterré.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Les fonctionnaires ont de multiples possibilités d'être détachés dans des collectivités publiques, d'être mis en disponibilité dans des organismes privés, d'être mis à disposition par convention… Les subtilités juridiques ne manquent pas pour faire en sorte qu'un fonctionnaire finisse presque par ne plus appartenir à la fonction publique. Nous le savons bien, du moins ceux d'entre-nous qui, fonctionnaires, sont détachés ou en disponibilité – dispositif souvent critiqué.

De leur côté, nos collectivités font appel à un certain nombre de prestataires privés – régies de quartiers, CAT, ateliers protégés – parce que nous avons conscience qu'il nous revient de remplir une mission sociale. Au-delà de l'embauche des fonctionnaires, nous devons donner du travail à des gens dont les compétences relèvent de l'économie sociale et qui peut-être ne trouveront pas d'emploi au sein de la fonction publique, soit parce qu'ils n'ont pas la capacité de réussir un concours, soit parce qu'ils sont trop fragiles sur le plan physique ou sur le plan psychologique.

Il existe aussi une volonté forte de l'État de « boucler » l'intercommunalité. Ce texte vise à contribuer à la simplification du millefeuille administratif avec ses communautés de communes qui, petit à petit, développent des compétences nouvelles – prestations communes, par exemple, pour lesquelles on met à disposition des fonctionnaires, des regroupements de personnes, les unes travaillant pour une commune, les autres pour une autre. Or nous sommes en train d'inventer un échelon supplémentaire, une machinerie lourde alors que toutes les possibilités existent déjà depuis le niveau le plus bas – j'ai évoqué les prestations – jusqu'au plus haut niveau – les contractuels : quand on ne trouve pas un fonctionnaire de haut niveau dans un concours, on peut faire appel à un contractuel par une dérogation en général accordée très facilement.

J'avoue donc ne pas très bien comprendre. J'en reviens à l'exemple que j'ai cité au cours de la séance précédente, de ces postiers relevant aujourd'hui pour moitié du droit privé et pour moitié du droit public. Ainsi, des 150 postiers que j'ai reçus il y a trois jours, ceux relevant du droit privé étaient bien moins payés que ceux relevant du droit public. La question se pose donc du délabrement programmé de la fonction publique.

On note par ailleurs une terrible confusion des genres. Ainsi, j'ai embauché dans ma commune un agent pour encadrer un certain nombre de personnes. Il est sapeur-pompier et auto-entrepreneur. Il pourra être mis demain à disposition d'un groupement d'employeurs pour travailler au sein d'une autre structure. Nous sommes en train de découdre complètement le statut de fonctionnaire. L'agent dont je parle finira par ne plus l'être : il exercera quatre ou cinq activités qui toutes relèveront d'un droit différent.

Nous serons donc plongés dans une confusion totale qui aboutira à la disparition de la fonction publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

…et à l'émergence d'une catégorie supplémentaire de personnel relevant du droit privé, sont statut étant complètement éclaté et contribuant ainsi à l'affaiblissement des salariés concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Que va-t-on faire par la suite de ces jeunes qui viennent de réussir un concours de la fonction publique territoriale et dont les noms figurent sur des listes d'aptitude ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Massat

Le fait de réussir le concours n'implique pas qu'on soit recruté. Si demain les collectivités ont la possibilité de recourir à des groupements d'employeurs, quelle sera l'utilité de passer un concours ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 11 et 62, tendant à la suppression de l'article 4.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l'amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 62.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

L'article 4 modifie l'article L. 1253-20 du code du travail, dont la nouvelle rédaction dispose : « Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale ne peuvent constituer l'activité principale du groupement. »

Ainsi se trouve supprimée l'obligation aux termes de laquelle « les tâches confiées aux salariés d'un groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale s'exercent exclusivement dans le cadre d'un service public industriel et commercial, environnemental ou de l'entretien des espaces verts ou des espaces publics ».

La nouvelle rédaction supprime également la limitation à un mi-temps du temps consacré par chaque salarié du groupement aux travaux pour le compte des collectivités territoriales.

La proposition de loi ouvre le champ des tâches exercées par un groupement d'employeurs composé d'adhérents de droit privé et de collectivités territoriales à tous les services sans limitation et permet de fait de privatiser certaines activités et de se passer des services relevant des collectivités territoriales.

Je sais que la majorité parlementaire a du mal avec la fonction publique et les fonctionnaires en particulier,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…mais nous tenons à ce statut afin que les services publics rendent le service attendu par le public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Mme Lemorton, qu'elle en soit remerciée, a parfaitement résumé la lettre et l'esprit de la nouvelle rédaction de l'article L. 1253-20 du code du travail adoptée par la commission sur proposition de votre rapporteur. Il s'agit en effet de ne plus fixer d'autre limitation à la participation des collectivités locales aux groupements d'employeurs que celle qui porte sur la quantité d'activité des salariés du groupement fournie aux services des collectivités.

Il est vrai, et je l'assume parfaitement, que, désormais, si l'Assemblée adopte cet article, les collectivités pourront recourir aux groupements d'employeurs pour tous les types d'activités et tous les types de services dont elles pourront avoir besoin, et je rejoins mes collègues Alain Marc et Vincent Descoeur qui estiment ce dispositif justifié pour les communes rurales. Sur ces bancs siègent de nombreux élus locaux et j'y vois même des présidents de conseils généraux. Nous avons donc une idée précise de ce qui se passe dans les collectivités territoriales et nous savons bien que cette disposition répond à un besoin dans les zones rurales comme dans les zones urbaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Ce besoin s'exprimant en termes géographiques et de nature des emplois, il nous apparaît tout à fait sain d'élargir la possibilité de recourir à des groupements d'employeurs.

Je souhaite reprendre l'exemple de M. Mallot. Sur les dix salariés qu'il a mentionnés, sept sont fonctionnaires territoriaux. En vertu de quelle disposition perdraient-ils leur statut ? Le texte ne prévoit aucune remise en cause du statut des fonctionnaires territoriaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Bien sûr que non ! Vous vous en seriez rendu compte en lisant l'article L.1253-19 du code du travail, celui qui garantit la présence et le maintien des fonctionnaires territoriaux dans les groupements. Vous auriez constaté qu'une collectivité locale qui recourt…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

À des non-fonctionnaires à temps plein, certes ! Mais quel est le problème ? Cette possibilité existe déjà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Ne parliez-vous pas des contractuels, monsieur Mallot ? J'assume cette modification et maintiens qu'il n'y a pas de remise en cause du statut des fonctionnaires territoriaux. Il s'agit seulement d'élargir la possibilité de recruter en dehors du statut de la fonction publique, dans le cadre d'un groupement d'employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Cela revient donc à mettre en cause le statut de ces fonctionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Ce n'est pas un aveu, monsieur Eckert ! Il n'y a d'aveu que s'il y a eu faute, or je ne vois pas où serait la faute.

Vous nous reprochez de permettre aux collectivités de recruter moins d'agents dans le cadre de la fonction publique : cela aussi, je l'assume.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Les bras m'en tombent, madame la présidente ! Nous venons d'écouter un honorable parlementaire nous affirmer, droit dans ses bottes, qu'il va attaquer des pans entiers du service public (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…disant même avec force : « J'assume ! » C'est extraordinaire. Je ne sais que dire…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

S'il en est ainsi, monsieur Roy, nous pouvons passer à la suite. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je vais trouver mes mots, rassurez-vous.

Monsieur le rapporteur, au moins avez-vous l'honnêteté de dire clairement ce que nombre de vos collègues ou de ministres font de manière plus sournoise. Nous observons depuis sept ans, et elle s'est beaucoup accélérée depuis deux ans, une tendance consistant à détricoter et détricoter encore, pan par pan, avantage après avantage, un code du travail qui se trouve peu à peu mis en pièces. On le voit bien ici : le service public, sans cesse attaqué, régresse, tant parce qu'il est contourné que dans la qualité des services qu'il offre à la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Nous sommes, sur ces bancs de l'hémicycle, très attachés à la notion de service public, indispensable dans une grande démocratie républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Or nous venons de voir porter une nouvelle attaque contre les services publics, qui n'a d'autre qualité que l'honnêteté de l'argumentaire dont elle s'accompagne, et qui annonce qu'un nouveau coup décisif leur sera infligé – un mercredi soir à 23 heures 45 – par la majorité UMP si cet amendement de suppression n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

J'entends souvent ladite majorité s'offusquer des « scandaleux » avantages des fonctionnaires. Permettez-moi de revenir sur les problèmes liés à l'amiante : je préside en ce moment une mission d'information à ce sujet, qui révèle que les travailleurs les moins bien protégés contre les risques liés à l'amiante sont précisément les fonctionnaires…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous pouvez en rire : allez donc demander son avis au rapporteur de la mission, qui est issu de votre majorité. Il a entendu clairement des victimes expliquer qu'étant fonctionnaires, elles ne disposaient en aucun cas des mêmes protections – aussi minces soient-elles – que les travailleurs du privé. C'est la preuve que les fonctionnaires n'ont pas les avantages éhontés que vous dénoncez et que vous voulez remettre en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

J'y viens, madame la présidente. Quand j'entends les propos rassurants du rapporteur, qui nous annonce que l'esprit dans lequel le texte sera appliqué sera différent et positif, je ne peux m'empêcher de penser à la réalité qui a suivi tant de déclarations « positives ». Dois-je rappeler ce qu'il est advenu du financement des chantiers d'insertion, pour lesquels on nous avait annoncé ici même qu'il n'y aurait aucun problème, alors que les fonds attribués à ma commune diminuent à tel point que l'on doit fermer certains de ces chantiers, en dépit des propos rassurants de divers ministres ! Permettez-nous donc d'être très inquiets quant aux propos – dont la clarté ne fait que renforcer notre inquiétude – du rapporteur et à cette nouvelle attaque intolérable perpétrée contre le service public. Nous saurons ici le défendre haut et fort, avec MM. Mallot et Eckert, ainsi que la dynamique et sympathique Mme Lemorton, qui a plus d'un tour dans son sac...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Nous avions exprimé nos craintes que l'article 4 ne permette le contournement du statut de la fonction publique territoriale, et M. le rapporteur – le compte rendu l'attestera – vient de confirmer que cet article permettrait à une collectivité territoriale d'utiliser à plein temps un agent non fonctionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Bien sûr : ne savez-vous pas qu'il existe des emplois contractuels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Charles Taugourdeau

Ils n'ont même pas compris le fonctionnement d'un groupement d'employeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

C'est déjà le cas, en effet, pour les contractuels, mais l'embauche de contractuels par une collectivité territoriale est parfaitement encadrée, soumise au contrôle de légalité et réservée à un certain nombre de postes spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

En outre, elle se justifie généralement par l'existence de besoins que la fonction publique territoriale ne peut seule satisfaire.

Pour ce qui la concerne, votre disposition porte en germe des dérives bien plus systématiques pour tous les emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Il n'y aura plus de limitation, ou si limitation il y a, elle s'appliquera au groupement d'employeurs dans son ensemble. Il est bien précisé que ce sont les tâches de fonction publique effectuées par l'ensemble du groupement qui ne peuvent constituer son activité principale. Nous proposerons donc, par l'amendement de repli qui suit, que ce soit l'activité de chaque salarié – et non celle du groupement – qui ne puisse être consacrée exclusivement ou majoritairement à la fonction publique territoriale.

Ce qui vient de se produire est extrêmement grave. Les salariés de la fonction publique territoriale apprécieront certainement les affirmations de M. le rapporteur, qui les assume, et les manifestations de soutien – voire de défiance à l'égard des fonctionnaires territoriaux – que j'ai entendues sur certains bancs !

(Les amendements identiques nos 11 et 62 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 63.

La parole est à M. Jean Mallot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Nous proposons une rédaction alternative pour résoudre un vrai problème. L'intervention de M. le rapporteur vient en effet de confirmer que notre inquiétude est fondée.

Je rappelle que l'actuel article L. 1253-20 du code du travail dispose : « Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale ne peuvent constituer l'activité principale des salariés du groupement. » Vous proposez à l'article 4 qu'elles ne puissent constituer l'activité principale du groupement lui-même. Nous craignons que cela ne permette de faire travailler certains salariés à temps plein pour le compte d'une collectivité territoriale, en contradiction avec les règles prévues par le statut de la fonction publique territoriale. C'est pourquoi nous proposons d'écrire : « Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité ne peuvent constituer l'activité principale de chacun de ces salariés, ni l'activité principale du groupement. » Une telle rédaction nous permettrait de concilier les besoins qu'ont certaines collectivités territoriales de disposer de salariés de différents groupements d'employeurs pour exécuter des tâches qu'elles ne peuvent, compte tenu de leur taille, accomplir avec leurs propres salariés à temps plein, d'une part, et, d'autre part, le respect de règles auxquelles nous savons que vous êtes aussi attachés que nous, qui protègent l'égalité d'accès aux emplois publics et qui sont constitutives du statut de la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

L'amendement que vient de défendre M. Mallot maintient la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article L. 1253-20, c'est-à-dire la limitation du recours aux groupements d'employeurs par les collectivités à un certain nombre de services, ceux qui sont aujourd'hui mentionnés dans le code. Je maintiens ma défense de la nouvelle rédaction de l'article L. 1253-20, telle qu'elle est proposée.

Je répète d'abord – car je ne saurais demeurer sans réaction face aux propos que j'ai entendus – que nous sommes aussi attachés que vous à la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

C'est ce que j'ai dit, et c'est précisément pourquoi je ne comprends pas votre proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Le fait de s'ériger en défenseur principal de cette fonction publique n'est pas justifié, à mon sens.

Ensuite, monsieur Roy, si le statut de la fonction publique est si protecteur, et si elle est si bien défendue, comment se fait-il que les fonctionnaires soient aussi malheureux que vous l'indiquiez ?

Enfin, je précise que vous confondez la possibilité exclusive de recruter des fonctionnaires dans le cadre de la fonction publique territoriale avec la protection de son statut.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Cela n'a pourtant rien à voir ! Je le répète : l'article L. 1253-19 du code du travail reste inchangé, et le statut de la fonction publique territoriale en tant que tel n'est pas en danger. Il sera seulement possible de recourir à d'autres formes d'emplois que ceux de la fonction publique territoriale pour effectuer certaines activités. Telle est la réalité ; voilà pourquoi, à la demande de son rapporteur, la commission a rejeté cet amendement.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Avis défavorable. Cet amendement compliquerait davantage encore le recours aux groupements d'employeurs, alors que nous avons bien souligné l'intérêt de sa simplification. J'ajoute que l'on ne peut laisser ainsi jeter des soupçons…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

… sur les intentions du Gouvernement ou de parlementaires, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, quant à la défense de la fonction publique territoriale. Étant moi-même élu local, j'y suis très attaché.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Si j'interviens depuis cette place dans l'hémicycle, plus à droite que de coutume, c'est parce que mon intervention tend à défendre l'entreprise privée. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Vous êtes, monsieur le secrétaire d'État, de ceux qui, aujourd'hui, sabordent les règles de la concurrence. En instaurant il y a quelque temps le statut d'auto-entrepreneur, vous avez ouvert la voie à une concurrence tout à fait déloyale à l'égard des vraies entreprises, puisque les charges ne sont pas les mêmes. Aujourd'hui, c'est sans aucun encadrement – et en débridant complètement le dispositif existant – que vous autorisez des groupements d'employeurs à faire travailler des fonctionnaires territoriaux bien formés, sereins quant à leur statut, payés durablement, qui viendront alimenter une activité concurrentielle face à des entreprises qui, elles, n'auront pas la chance de disposer de salariés bénéficiant d'un statuts semblable à celui des fonctionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je voudrais donc savoir dans quelle mesure vous avez pris les garanties nécessaires en matière de droit de la concurrence pour que de tels groupements d'employeurs, qui exercent une activité concurrentielle, ne soient pas demain mis en cause par leurs concurrents privés. La concurrence parfaitement déloyale que vous instaurez me semble en effet insupportable pour les entreprises du secteur marchand.

Je le dis d'autant plus solennellement que je fus parmi ceux qui, dans cet hémicycle, ont proposé la création de groupements d'employeurs public-privé. C'était dans un cadre très restreint : celui, notamment, des zones de montagne. Vous vous en souvenez, monsieur le secrétaire d'État, puisque nous siégions à l'époque sur les bancs de la même association. Il s'agissait alors de permettre aux salariés saisonniers d'avoir un contrat toute l'année, tantôt dans le public, tantôt dans le privé, car dans les zones touristiques ou de montagne, pour travailler toute l'année, il faut exercer plusieurs activités. Certains représentants de votre sensibilité politique nous avaient à l'époque mis en garde en réclamant que ces structures ne soient mises en place qu'à condition que leur création ne suscite pas de concurrence déloyale à l'égard des artisans et des entreprises installés en montagne ou en piémont.

Or, dans le cas qui nous occupe, l'absence de tout périmètre de sécurité relatif à l'utilisation d'un accord public-privé au sein d'un groupement d'employeurs créera une situation de distorsion de concurrence entre des activités à vocation concurrentielle. J'espère, monsieur le rapporteur – vous qui êtes un expert –, que vous pourrez me confirmer qu'en aucun cas des groupements d'employeurs public-privé exerçant des activités concurrentielles ne porteront atteinte à la concurrence et ne seront déloyaux à l'égard des entreprises qui, elles, n'auront pas la chance de pouvoir embaucher des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle Delaunay

Ce n'est faire injure à personne, monsieur le secrétaire d'État, que d'appliquer, comme le ferait M. Eckert, un modèle mathématique aux déclarations de notre rapporteur. Il est aisé de comprendre qu'en limitant le nombre de personnes recrutées au titre de la fonction publique territoriale, on lui porte préjudice. Si l'on assèche ses emplois, ce n'est certainement pas pour la soutenir ! J'avoue ne pas comprendre comment nos affirmations peuvent être ressenties comme une offense alors qu'il s'agit d'un raisonnement parfaitement cartésien.

(L'amendement n° 63 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

À quel titre me demandez-vous la parole, monsieur Brottes ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Pour un rappel au règlement fondé – je retiens vos leçons, madame la présidente – sur l'article 58,… alinéa 1, si ma mémoire est bonne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

À ce stade du débat, je tenais à vous faire part de mon émotion. Il me semble avoir posé tout à l'heure des questions pertinentes. Or le mutisme du rapporteur et du secrétaire d'État montre soit du mépris, soit une incapacité à répondre, voire une incertitude sur la réponse à apporter.

Pourtant, nous débattons d'un sujet qui mérite d'être précisé. Je le dis sans perfidie. Si vous persistez dans votre silence, je ressortirai les débats de l'époque lorsque nous avons créé les groupements d'employeurs public-privé dans des zones très précises. Votre sensibilité vous poussait alors à nous dire que cela risquait de créer une Concurrence déloyale…

J'imagine que vous avez beaucoup travaillé ce point de droit et que vous êtes en mesure, aujourd'hui, de nous apporter des certitudes, qui éclaireront les juges lorsque le Conseil de la concurrence sera saisi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 3.

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

L'article 4 est ainsi rédigé : « Les tâches confiées aux salariés du groupement mis à disposition d'une collectivité territoriale ne peuvent constituer l'activité principale du groupement. »

Je me suis interrogé sur cette rédaction, car chacun sait que le RSA va être mis en place très rapidement, d'ici à quelques jours, ce qui concerne les collectivités territoriales et notamment les conseils généraux. Je me suis demandé s'il ne fallait pas assouplir cette règle et indiquer, par exemple, « sauf pendant une période de quelques mois, voire d'un an », au moment de la mise en place du RSA. La règle doit être assouplie, car chacun sait qu'il faudra trouver des activités complémentaires ou de véritables activités pour des centaines de milliers de personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je suis certain que M. le secrétaire d'État va répondre. Cela étant, il est désagréable que des députés qui arrivent maintenant en séance et qui n'ont pas participé aux douze heures de débat que nous avons eues posent des questions qui ont déjà été évoquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Certains sont présents et actifs depuis le début, d'autres arrivent inopinément et recommencent le débat. Je le regrette. Je ne pense pas que ce soit une attitude sérieuse vis-à-vis de leurs collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

C'est inacceptable ! Je n'ai aucune leçon d'assiduité à recevoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mes chers collègues, je propose, comme vient de nous y inviter le président de la commission, que nous continuions nos débats avec toute la sérénité requise.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, nos débats ont été précis et courtois. Mon rappel au règlement, qui se fonde sur l'article 58, alinéa 1, me permettra de répondre en deux mots au président Méhaignerie.

La question de François Brottes n'avait jamais été soulevée. Il a même pris le contre-pied de l'argumentation que nous avions développée, à savoir le risque de contourner la fonction publique en faisant appel au privé. Il a posé un problème radicalement différent, un vrai problème, auquel nous souhaiterions que M. le secrétaire d'État puisse répondre. Le fait que notre collègue nous rejoigne en cet instant est une preuve d'engagement de sa part, car peu de gens retournent en séance à cette heure. Même s'il n'a pas été nommé, je trouve donc l'observation qui vient d'être faite d'autant plus désagréable qu'elle est infondée.

Je m'en tiendrai là, madame la présidente. Il serait peut-être utile, après le vote de cet article, de suspendre la séance cinq minutes afin d'apaiser les esprits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je vous propose, mes chers collègues, d'écouter la réponse de la commission et du Gouvernement sur l'amendement qui vient d'être présenté. Nous verrons ensuite comment nous continuerons à travailler.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 3 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Monsieur Brottes, il y a un modus vivendi : lorsque je suis au banc de la commission, ce qui ne m'arrive pas souvent, je n'ai pas l'habitude de laisser des questions sans réponse et je profite en général des amendements pour répondre. Mais, dans la mesure où M. le secrétaire d'État a l'intention de vous répondre, je lui en laisse le soin.

Par ailleurs, je l'avais dit en commission, je suis un peu gêné par l'amendement de M. Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Trois questions se posent, auxquelles il faudrait trouver des réponses pour aller vers un dispositif un peu mieux « assis ».

Premièrement, comment un employeur pourrait-il s'assurer du fait que l'un de ses employés est, ou non, bénéficiaire du RSA ?

Deuxièmement, le dispositif pourrait-il être opérationnel dans la mesure où le RSA va s'adresser à un grand nombre de personnes ?

Troisièmement, je me demande comment on peut conjuguer la mise en place du RSA et l'application de ce texte.

Pour ces trois motifs, monsieur Tian, je vous propose, comme à M. Boënnec tout à l'heure, de profiter de la navette parlementaire. Nous pourrons ainsi affiner ensemble ce dispositif en deuxième lecture. Pour l'heure, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur le secrétaire d'État, je ne doute pas que vous allez à la fois donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement de M. Tian et répondre à la question posée par mon collègue François Brottes. Nous siégeons dans la même commission et je connais son attachement pour les élus de la montagne, ainsi que pour les travaux de notre assemblée. Je suis donc certaine que vous allez éclairer l'Assemblée.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Madame la présidente, il n'y a aucun doute à cet égard. Je crois avoir montré jusqu'à présent mon souci de répondre à toutes les questions précises des parlementaires de l'opposition, pour essayer d'éclairer et de faire progresser nos débats.

Je commencerai par l'amendement de Dominique Tian, qui connaît très bien les questions relatives aux minima sociaux puisqu'il travaille sur ces sujets depuis longtemps. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui créerait une véritable segmentation en suscitant la formation de groupements d'employeurs spécifiquement réservés au public du RSA. Ce n'est pas forcément la bonne approche, même si je comprends le souci de M. Tian de prendre en compte la problématique propre aux minima sociaux.

Monsieur Brottes, nous avons fréquenté ensemble l'Association nationale des élus de la montagne, où vous avez joué un rôle très important en tant que président,…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…et un rôle consensuel, puisque c'est l'une des caractéristiques de cette association à laquelle nous sommes tous très attachés et qui transcende les affrontements entre la gauche et la droite.

Vous évoquez un vrai sujet : veiller à ce que des structures de droit public ne puissent pas provoquer de distorsions de concurrence par rapport à des entreprises privées. Il suffit toutefois de rappeler le droit existant, qui est protecteur en la matière. Le droit de la concurrence, en effet, s'applique aux collectivités et à leurs groupements et s'appliquera donc aux groupements d'employeurs. Il sanctionnera les distorsions de concurrence, notamment à travers la notion d'abus de position dominante. Et la loi n'a pas à le mentionner expressément puisque ce principe s'applique en tout état de cause.

Telles sont les garanties que je pouvais vous apporter et qui sont, je l'espère, de nature à vous rassurer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je ne suis pas rassuré pour autant, mais je vous remercie de cette réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

L'amendement de M. Tian arrive à point nommé. Si j'étais à la place du rapporteur, je l'aurais moi aussi rejeté,…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Lemorton

…pour les mêmes raisons. Lorsque nous défendions nos positions sur l'article 4, j'entendais certains membres de la majorité dire que les collectivités territoriales, ce ne sont pas les services publics. Je suis désolée, mais lorsque la mairie s'occupe des écoles primaires, le conseil général des collèges et la région des lycées, il me semble qu'il s'agit bien du service public de l'éducation nationale ! Je comprends que nous ne soyons pas d'accord sur la plupart des textes puisque nous ne définissons pas les services publics de la même manière.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je remercie Laurent Wauquiez et Frédéric Poisson de leurs réponses et je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Comme d'habitude !

(L'amendement n° 3 est retiré.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5.

La parole est à M. Christian Eckert.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Madame la présidente, je serai bref, comme d'habitude, mais nous ne pouvons pas laisser passer un tel article. Certes, ce n'est pas la pire disposition de ce texte, je le concède. Cela ne mange pas de pain de dire que les maisons de l'emploi doivent concourir au développement des groupements d'employeurs. C'est effectivement une formule qui n'engage à rien.

J'en profite pour souligner que les maisons de l'emploi – et il en va de même pour Pôle emploi, évoqué dans un autre article – sont actuellement en surcharge. L'afflux des demandeurs d'emploi ayant recours aux services des maisons de l'emploi ou de Pôle emploi est énorme. Or ces structures ont déjà du mal à faire face aux tâches qui leur sont aujourd'hui confiées. Certes, cela ne présente pas le même danger que le reste de ce texte, mais c'est vraiment superfétatoire. C'est pourquoi nous nous opposons à l'article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Les statistiques qui nous sont fournies aujourd'hui sont particulièrement préoccupantes. Certes, le texte que nous examinons a été déposé avant que nous n'ayons connaissance des chiffres prévisionnels du chômage mais, depuis 1991, nous n'avons pas connu une telle augmentation en termes de prévisions. Nous aurons sans doute cette année 600 000 demandeurs d'emploi de plus. Pour ce qui est des catégories A, B et C, c'est-à-dire tous les chômeurs obligés d'engager des actes positifs pour la recherche d'un emploi parce qu'ils ne travaillaient pas le mois précédent, nous atteindrons l'année prochaine, si l'on en croit les prévisions, le chiffre de 4 363 000.

Pôle emploi peine déjà à atteindre les objectifs qui lui ont été assignés par le regroupement UNEDIC-ANPE. Nous l'avons entendu à maintes reprises en commission : dans certains départements, et en particulier dans la région parisienne, où il y a également des problèmes d'insécurité, qu'il s'agisse de la vie des lycées et des collèges ou tout simplement de la vie quotidienne, il est important de mettre tous les moyens là où ils sont nécessaires, c'est-à-dire dans la prise en charge des demandeurs d'emploi. Les conseillers gèrent déjà 120, 130 et jusqu'à 180 dossiers. On ne voit pas comment ils pourraient encore diversifier leur activité en intégrant les données nouvelles d'un texte qui est lui-même contestable.

On peut en effet le lire de deux façons. La façon positive consiste à l'interpréter de la manière suivante : il faut essayer de transformer les temps partiels en CDI ou en temps pleins. Dans ce sens, l'action de Pôle emploi serait positive. Mais il y a un effet pervers : si l'on demande à Pôle emploi de s'intéresser particulièrement au temps partiel, il peut arriver à en faire la promotion. Or ce n'est ni l'objectif de cette proposition de loi, ni celui de la création de Pôle emploi.

Certes, comme l'a dit Christian Eckert, ce n'est pas la disposition la plus inquiétante de cette proposition de loi. Mais, sincèrement, on ne voit pas très bien ce que viennent faire ici Pôle emploi et les maisons de l'emploi, organismes qui ont une vocation générale, non une vocation particulière par rapport aux groupements d'employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la présidente, mon intervention vaudra aussi pour la défense de notre amendement de suppression.

Comme l'ont dit certains de nos collègues, l'article 5 est pour le moins curieux. Il introduit une prétendue obligation de coordonner l'action de Pôle emploi et des groupements d'employeurs. Cette distinction des groupements vis-à-vis des autres employeurs n'est absolument pas fondée.

Les missions de Pôle emploi sont parfaitement définies, elles ont été discutées il y a fort peu de temps : quelques mois seulement. Pôle emploi se met en marche, avec des difficultés gigantesques et inquiétantes, car il y a près de 2 000 postes non pourvus sur l'ensemble du territoire national. La situation dans les DOM-TOM est encore plus préoccupante. Dans ma commune, par exemple, chaque agent de Pôle emploi a à gérer environ 180 demandeurs d'emploi, ce qui est une charge de travail insupportable, qui met en cause l'efficacité du service.

L'article 5 est malvenu et ne répond en rien aux préoccupations évoquées dans ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Comme l'ont dit mes collègues, l'article 5 n'est pas le plus révoltant, le plus scandaleux du texte. Néanmoins, ce n'est pas non plus un article qui nous fait sauter de joie, dans un contexte où le chômage n'arrête pas d'exploser. On apprend chaque jour la suppression de centaines, de milliers d'emplois véritables, ce qui va nous faire atteindre des chiffres astronomiques, et le Gouvernement propose des mesurettes en essayant de nous persuader qu'il prend les choses en main. Les résultats sont malheureusement cruels pour lui. Il y a un fossé, un précipice, un grand canyon entre les déclarations et la réalité.

Il m'arrive, monsieur le secrétaire d'État, de compléter votre titre par les mots « et au chômage ». C'est une réalité. Je comprends que vous ne soyez pas content, c'est d'ailleurs votre droit le plus légitime, mais la réalité des chiffres est malheureusement accablante. Notre pays s'enfonce dans la récession, le chômage de masse, et donc, évidemment, la misère.

Vous proposez, avec l'article 5, de remettre une couche d'activité sur Pôle emploi, qui va bien mal. Des exemples ont été donnés, et vous les connaissez. Aujourd'hui, Pôle emploie ne fonctionne pas bien et ce n'est pas dû aux fonctionnaires. Selon certains, nous dirions du mal de ces fonctionnaires. Pas du tout. Dans une époque cruelle, face à des gens souvent désespérés, ils sont au contraire exemplaires, sauf que, quand on a 150, 180, parfois presque 200 dossiers à suivre, on ne peut pas le faire correctement. Vous voudriez les surcharger encore plus. Ce n'est pas très sérieux et je suis déçu par cette légèreté.

Enfin, j'ai été un peu choqué par la déclaration de M. Méhaignerie, qui, s'il ne le citait pas, concernait notre collègue François Brottes. Il a parlé d'un député qui arrive à l'improviste, en fin de séance, et qui, sans avoir suivi le texte, interpelle. S'il y a quelqu'un à qui l'on ne peut pas faire ce reproche, c'est bien à François Brottes qui est l'un des députés les plus assidus et exemplaires, que ce soit dans l'hémicycle ou en commission, les chiffres le montrent, qui est aussi un député reconnu, vice-président du groupe.

En plus, la question qu'il a posée n'avait jamais été évoquée et elle est extrêmement importante. Pour tout vous dire, il suivait nos débats à la télévision, dossiers à l'appui. Cet aspect lui a sauté aux yeux et il est revenu dans l'hémicycle pour nous éclairer et alerter l'Assemblée nationale sur les dérives qui risquaient de se produire. En dépit de sa démonstration brillante, la majorité, une fois de plus, n'a pas voulu écouter ses conclusions, pourtant fort pertinentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 12 et 64, tendant à supprimer l'article 5.

Si j'ai bien compris, monsieur Muzeau, vous avez défendu l'amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Michel Liebgott, pour défendre l'amendement n° 64.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Ce que nous disons, le Gouvernement l'a déjà reconnu puisque des mesures exceptionnelles sont prises pour augmenter les effectifs de Pôle emploi. C'est dire qu'il a déjà anticipé sur les difficultés que rencontre ce dernier.

Si l'on ajoute à ses missions le suivi des groupements d'employeurs que, de surcroît, vous voulez multiplier à dessein pour arriver à des chiffres astronomiques, on ne voit pas comment Pôle emploi pourra fonctionner face à cette multiplication des groupements d'employeurs, à l'explosion du chômage, à la demande de plus en plus insistante des personnes les plus défavorisées. Des personnes traditionnellement à la marge, on glissera petit à petit vers des pères de famille particulièrement angoissés de ne pas pouvoir assurer l'éducation de leurs enfants, faire vivre leur ménage.

N'insistons donc pas et retirons cette disposition qui, de toute façon, n'est absolument pas une obligation juridique. Il va de soi que si, demain, des groupements d'employeurs ont besoin de recruter, ils s'adresseront naturellement au service de l'emploi et à personne d'autre, à moins que celui-ci ne se soit pas fait connaître.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Défavorable. Il ne s'agit pas d'une nouvelle mission de Pôle emploi mais simplement d'inscrire les groupements d'employeurs dans le cadre de l'activité habituelle de cette institution.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Défavorable.

Il y a, c'est vrai, une vraie difficulté au niveau de Pôle emploi, à laquelle nous essayons de faire face, mais l'activité du législateur, vous y êtes tous attachés, ce n'est pas de légiférer pour les six mois ou l'année qui viennent.

Nous essayons de graver les choses dans le marbre sur la durée. Nous avons un effort à mener pour permettre à Pôle emploi de traverser la crise. Nous essayons de le faire aux côtés des agents, dont je tiens, comme nous tous, j'espère, à saluer le travail et l'engagement remarquable sur le terrain.

(Les amendements identiques nos 12 et 64 ne sont pas adoptés.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, jeudi 28 mai à neuf heures trente :

Proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat ;

Proposition de loi relative à la transformation écologique de l'économie ;

Proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses ;

Proposition de résolution sur la proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la société privée européenne du 27 juin 2008 COM(2008)0396 et sur la communication du 26 avril 2006 intitulée « Mettre en oeuvre le programme communautaire de Lisbonne - Les services sociaux d'intérêt général dans l'Union européenne » COM(2006)177 final.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 28 mai 2009, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma