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Séance en hémicycle du 20 novembre 2008 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • circonscription
  • crémation
  • funéraire
  • habitants
  • méthode
  • terrorisme
  • élection

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Monsieur le président, j'ai lu, comme d'autres collègues certainement, Le Point n° 1888 qui est sorti aujourd'hui, 20 novembre 2008. Une journaliste y cite, page 42, certaines phrases qu'elle impute au Président de la République. Naturellement, je ne fais aucun procès d'intention ni au Président de la République ni au Gouvernement, pas plus que je ne mets en cause la journaliste ; je demande simplement une clarification. Cette journaliste rapporte, me concernant…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

« Celui-là, il est mort. » « Je vais m'occuper personnellement du redécoupage de sa circonscription ! »

Monsieur le président, lorsque j'ai été réélu député de ma circonscription, le premier acte solennel que j'ai effectué a été de voter la confiance au Gouvernement, manifestant ainsi mon appartenance à la majorité parlementaire, et donc présidentielle. Je le répète, je ne fais aucun procès d'intention à qui que ce soit. Simplement, j'observe que depuis le début de ce débat, M. le secrétaire d'État chargé du découpage nous assure de l'impartialité de l'exercice. Certains le croient, d'autres moins, d'aucuns pas du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je reste, là aussi, tout à fait neutre. Mais, je suis obligé de le reconnaître, certains éléments m'amènent à me poser des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Ces propos rapportés par la journaliste sont d'une extraordinaire gravité. D'abord, ils mettent en cause toute la crédibilité des propos tenus par le secrétaire d'État – je serais tenté de dire qu'il est même le premier intéressé par cette phrase. Ensuite, ils peuvent apparaître comme une pression forte exercée sur les parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Pourtant, la Constitution stipule que « Tout mandat impératif est nul. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Parce que j'ai voté la confiance envers lui, parce qu'il est le chef de la majorité parlementaire, j'estime que le Premier ministre est le seul à pouvoir venir ici apporter toutes les précisions et tous les apaisements nécessaires. Je sais qu'il se trouve aujourd'hui au Liban, et donc dans l'impossibilité d'être présent. Il n'y a pas le feu. Il suffit que nous suspendions nos travaux jusqu'à son retour

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Sinon, tout ce qui sera dit sera entaché de la plus grande suspicion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je demande la suspension des travaux, jusqu'à la venue du Premier ministre. Ensuite, nous pourrons mesurer l'authenticité et le sérieux de tout cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Mon rappel au règlement a directement trait à l'organisation de nos travaux, puisque notre débat porte aujourd'hui sur la création de la commission constitutionnelle indépendante qui sera chargée de veiller au redécoupage.

J'aimerais savoir quelle peut être la sincérité du Gouvernement quand on découvre dans Le Point les propos qui viennent d'être rapportés par M. Grand : « Je vais m'occuper personnellement du redécoupage de sa circonscription ! »

Monsieur le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, nous n'avions aucun doute sur le fait que le découpage serait partial. Nous ne pensions pas cependant que les choses pouvaient être découvertes aussi vite alors même que nous sommes encore en plein débat parlementaire.

Il y a deux solutions. La première, c'est de suspendre nos débats pour que le Premier ministre puisse venir ici nous donner le cadre de travail du Gouvernement. La seconde solution, c'est que vous nous confirmiez, monsieur le secrétaire d'État, qu'il s'agit là d'une prérogative présidentielle, qui est assumée, auquel cas le Président de la République pourrait nous soumettre la liste des circonscriptions qu'il entend soustraire à l'examen de la commission indépendante pour s'en occuper personnellement. Dans un cas, comme dans l'autre, une suspension de séance s'impose.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous avons commencé à travailler sur ce sujet depuis de longs mois déjà, et ce travail a permis l'adoption d'une révision constitutionnelle dans laquelle nous avons introduit des garanties en matière de découpage qui n'existaient pas jusqu'à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Nous avons continué ce travail ces jours-ci. Ce matin, nous avons adopté un projet de loi organique, et cet après-midi, nous devons voter une loi ordinaire dont l'objectif est d'encadrer le découpage électoral comme jamais cela n'a été fait. Jamais autant de limites, autant de règles de traitement équitable n'auront été introduites dans notre législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Cela fait deux jours qu'on démontre le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je souhaite que l'on poursuive ce travail de fond. Je ne peux pas donner crédit à des propos rapportés – pour reprendre les mots employés par Jean-Pierre Grand dans une autre situation – par l'homme qui aurait vu l'homme qui aurait vu l'homme qui aurait vu le loup. Nous ne pouvons pas, dans le cadre de notre travail parlementaire, accorder d'importance à de tels racontars.

En tout état de cause, monsieur le président, pour que chacun reprenne ses esprits, je vous demande cinq minutes de suspension de séance. Et je souhaite qu'à l'issue de cette suspension, nous puissions reprendre nos travaux dans la sérénité qu'ils méritent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai bien entendu votre propos, monsieur le président. Votre demande fait suite à celle de M. Le Roux à laquelle je me proposais de faire droit. Vous voulez ajouter un mot, monsieur Le Roux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je souhaite préciser que nous ne reprendrons pas nos travaux tant que le Gouvernement ne se sera pas exprimé sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous ne reprendrons pas les débats, et nous demanderons autant de suspensions que nécessaire, tant que le Gouvernement ne nous aura pas donné d'assurance sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Depuis quand commentons-nous les rumeurs de la presse ici ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ce ne sont pas des rumeurs ; c'est une citation entre guillemets !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur Le Roux, je vais faire droit à votre demande de suspension. Cela dit, en tout état de cause, nous n'avons pas vocation à convoquer le Premier ministre et, pour des raisons pratiques évoquées par M. Grand, il ne peut pas être des nôtres.

Je vais suspendre la séance pour cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est reprise.

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Grand, j'ai bien entendu le plus grand respect pour les journalistes et pour la presse, mais il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui est écrit dans les journaux. Même présenté par un journaliste et même placé entre guillemets, un bobard reste un bobard.

Je ne sais pas si vous apprécierez la comparaison, mais, le 15 août, Sud-Ouest, journal respectable et éminent s'il en est, écrivait en première page que le Gouvernement avait l'intention de supprimer la troisième circonscription des Landes, celle de M. Emmanuelli. Là encore, il s'agissait d'un bobard de première grandeur, ainsi que j'ai eu l'occasion de l'expliquer à M. Emmanuelli, afin d'éviter que le malentendu ne perdure.

Cessons donc, s'il vous plaît, de prendre au sérieux ces bobards, ragots ou racontars, pour reprendre le terme du président de la commission des lois. S'il fallait suspendre les travaux de l'Assemblée nationale chaque fois que de telles inepties sont publiées dans la presse, nous ne siègerions pas longtemps. Ces malentendus sont très malsains pour l'image du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés (nos 1111, 1146).

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques n°s 41 et 45 à l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 41 et 45 .

La parole est à M. Bruno Le Roux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Pour que le débat puisse se poursuivre sereinement, il faut revenir sur les questions de méthode, en laissant de côté certaines inepties. D'ailleurs, nous n'avons pas fait référence à la déclaration de M. Copé, reprise dans un grand journal national, selon laquelle « ce serait sanglant à Paris ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous avions trop peur qu'il ne s'agisse, une fois de plus, d'un règlement de comptes interne à l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Vous parlez en connaissance de cause, monsieur Le Roux !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Dans ce débat, nous essaierons de défendre toutes les victimes du sarkozysme et de l'arbitraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Et nous ne souhaitons pas que l'une des victimes de ce redécoupage soit le droit de suffrage de nos concitoyens. C'est pour cela que nous vous soumettons cette proposition, qui a été mûrement réfléchie.

Les députés, élus dans un cadre départemental, représentent la nation. Convenez qu'au moment même où la commission présidée par M. Balladur réfléchit aux échelons territoriaux, on ne voit pas de prime abord quelle relation de causalité pourrait perdurer entre le département et l'élection des parlementaires. On pourrait même imaginer, ce que nous n'avons pas fait, que ceux-ci soient élus dans un cadre national, les circonscriptions étant affranchies de toute limite administrative existante. Cela n'aurait posé, à mon sens, aucune difficulté, et toutes les circonscriptions auraient alors représenté, à quelques milliers près, le même nombre d'habitants. Plus l'échelon est restreint, plus les effets de seuil se mettent en place et plus des distorsions préjudiciables au droit de suffrage de nos concitoyens sont à craindre.

Nos amendements visent non pas à gommer toutes les références administratives, mais à substituer la région au département. Le choix d'un cadre plus grand permettrait de s'affranchir parfois des limites départementales, dans lesquelles vous vous apprêtez à ciseler les circonscriptions, et d'instaurer entre elles un rapport d'égalité.

À cette fin, nous avons réalisé deux tableaux, afin d'appliquer la méthode de la tranche et celle de la plus forte moyenne à l'échelle régionale. Les résultats obtenus étant sensiblement différents des vôtres, nous vous invitons à substituer le cadre régional au cadre départemental, qui est loin de nous apparaître comme une nécessité. Ce choix irait dans le sens d'une plus grande justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est àM. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 41 et 45 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Je m'exprimerai en même temps sur l'amendement n° 19 , qui pose le même problème : ces amendements proposent en effet une méthode de répartition des sièges à la plus forte moyenne, dans un cadre non plus départemental, mais régional. Or, l'esprit et la lettre du projet de loi avalisé par la commission invitent au contraire à s'en tenir strictement à la méthode de la tranche, dans un cadre départemental. Je pense que nous devons nous y tenir, ce qui m'amène à émettre un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 41 et 45 .

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Avis défavorable. Pour la répartition des sièges, le Gouvernement s'en tient au cadre départemental, car son objectif est de procéder non à un redécoupage général, mais à un ajustement du découpage actuel. Adopter le cadre régional poserait d'ailleurs problème pour délimiter certaines circonscriptions.

Je le répète : le département est à la fois une collectivité territoriale, qu'il n'est pas question de remettre en cause – la commission Balladur n'a émis aucune proposition à cet effet –, et un échelon essentiel de l'administration territoriale de l'État. L'attribution des sièges par tranche, dans le cadre départemental permet d'ailleurs de régler les problèmes que vous soulevez. Mais nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'amendement n° 40 .

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Le choix du cadre départemental laissera perdurer des disparités démographiques importantes, puisqu'il induit un effet de seuil qui privilégie certains départements au détriment d'autres. Deux départements de structure démographique identique, à quelques dizaines de milliers d'habitants près, peuvent en effet se voir affecter un nombre de circonscriptions différent en fonction de leur situation par rapport à la tranche. Un tel mode de répartition n'est donc pas satisfaisant.

Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'État, que vous tenez à l'entité départementale. Mais – sans même évoquer les travaux de la commission Balladur – le rapport Quentin-Urvoas, qui vient d'être adopté par les députés de la commission des lois, fait une proposition intéressante : dans les communes où il y a une communauté urbaine, celle-ci se verrait confier les compétences départementales, tandis que les communes non concernées pourraient rejoindre soit la communauté urbaine soit un autre département. Si une telle proposition était adoptée, bien des circonscriptions se retrouveraient à cheval entre une communauté urbaine devenue département et un autre département. Autant dire qu'à l'avenir, le département ne sera plus nécessairement le cadre dans lequel s'inscriront les circonscriptions.

Vous nous dites aussi que nous ne voulez pas tout changer. Nous non plus ! Notre proposition de régionaliser la répartition des sièges ne modifierait la donne que pour une vingtaine ou une trentaine de circonscriptions, qui deviendraient interdépartementales. Mais je l'ai indiqué : la question se posera probablement un jour ou l'autre. Notre proposition, réduite dans son application, n'a rien de révolutionnaire ; elle aurait du moins le double avantage de réduire l'effet de seuil inhérent au département et de proposer une répartition des sièges infiniment plus satisfaisante en termes démographiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Peut-être ne m'avez-vous pas compris ce matin, monsieur le secrétaire d'État : nous voulons vous sauver malgré vous ! Ceux qui vous conseillent de mettre vos pas dans le charcutage opéré par Pasqua de 1986 ont tort.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous vous proposons de mettre en place un découpage Marleix qui s'appuie sur des éléments incontestables permettant de tenir compte de la progression démographique. Vous avez tort de vous arc-bouter sur l'existence des départements. Aux termes de notre amendement, les députés pourront être élus dans des circonscriptions outrepassant les limites départementales sans que ni les conseils généraux ni la présence de l'État dans ces circonscriptions administratives en soient affectés.

En revanche, il est incontestable que plus on élargit la circonscription de référence, plus on réduit les distorsions. À l'inverse, plus la population augmentera, plus le cadre départemental induira des effets de seuils entraînant des disparités croissantes.

(Les amendements identiques nos 41 et 45 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 19 .

La parole est à M. Christophe Caresche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Je voudrais simplement ajouter un argument. Un des principaux reproches que l'on peut faire à votre méthode, monsieur le secrétaire d'État, est, outre qu'elle maintient un certain nombre de disparités, de ne pas anticiper les évolutions démographiques. Le redécoupage que vous allez proposer sera déjà largement obsolète lorsqu'il s'appliquera, en raison d'évolutions démographiques rapides, et dont on connaît la tendance. Au lieu d'anticiper ces évolutions pour que votre redécoupage corresponde à une réalité au moins pendant quelques années, vous utilisez une méthode conservatrice en quelque sorte, qui obligera à procéder très rapidement à un nouveau redécoupage.

(L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 30 .

La parole est à M. Bruno Le Roux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous souhaitons qu'on utilise la méthode qui entraînera le moins d'inégalités entre les circonscriptions. C'est pourquoi, par l'amendement n° 30 , nous proposons l'utilisation de la répartition du nombre de députés à la plus forte moyenne. En 1985, Pierre Joxe, ministre de l'intérieur d'un gouvernement de gauche, avait retenu une tranche de 108 000 habitants, et le rapport présenté par Gilbert Bonnemaison avait fait acter qu'il y aurait au moins deux députés par département. A cette époque, les deux étaient liés : la méthode de la tranche était celle qui permettait qu'il y ait, arithmétiquement, le moins d'exceptions possible à cette règle des deux députés puisque deux départements seulement se seraient trouvés dans ce cas.

Je concède que le recours à la plus forte moyenne, que nous proposons, poserait problème de ce point de vue, puisqu'un plus grand nombre de départements n'auraient plus deux députés. Mais nous avons déposé un autre amendement qui tend à supprimer ce nombre minimum de deux députés par département. Il s'agit là, vous en conviendrez, d'un débat qui n'a rien de médiocre si l'on veut donner de nouveaux fondements à la carte électorale et non l'ajuster seulement, vingt ans après. La répartition de la population ayant évolué, il faut revoir les choses en ayant à l'esprit une seule préoccupation, le respect du droit de vote de nos concitoyens. La méthode de la plus forte moyenne est pour cela la plus adaptée. Il est vrai qu'elle pose problème au regard de l'obligation d'avoir un minimum de deux députés par département puisque, avec son application, une quinzaine de départements n'auraient plus droit qu'à un seul député. Mais nous sommes prêts à discuter de cet aspect dans la suite du débat.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Avis défavorable. Certes, ce débat n'est pas médiocre ; il est utile. Je n'ai jamais douté qu'il puisse en être autrement avec vous, monsieur le député Le Roux.

Le Gouvernement, dans un souci de transparence, a annoncé qu'il continuerait à appliquer la méthode de la tranche pour la répartition des sièges dans le cadre du département. Cela ne figure pas dans le projet de loi pour ne pas anticiper sur la consultation de la commission qui va être créée – ce qui est, je pense, votre souhait. Nous avons d'ailleurs, en cela, suivi les recommandations du Conseil d'État.

L'objectif du Gouvernement est de procéder à un ajustement du découpage actuel plutôt qu'à un redécoupage général. Il reprend non pas la méthode utilisée par M. Pasqua en 1986, mais celle utilisée en 1985 par M. Joxe, ministre de l'intérieur du gouvernement Fabius. Pour nous, c'est une bonne référence, je vous l'assure. En effet, elle n'a un impact que sur quarante départements, dont j'ai fourni la liste à la représentation nationale.

En revanche, le choix de la répartition selon la méthode de la plus forte moyenne aurait des conséquences sur lesquelles je veux éclairer la représentation nationale. D'abord, le nombre de députés serait modifié, à la hausse ou à la baisse, dans soixante-dix départements. Ce n'est pas rien ; l'impact serait donc considérable. Quatorze départements auraient moins de deux sièges. La Lozère n'aurait droit à aucun député et treize départements n'en auraient qu'un. Ce matin, en s'exprimant à ce sujet, M. Caresche et M. Urvoas n'ont pas dit quels étaient ces départements, sans doute pour ne pas effrayer leurs collègues. J'en donne donc la liste : les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Alpes, l'Ariège, le Cantal,…

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

… la Corse-du-Sud, la Haute-Corse, la Creuse, le Gers, le Lot, la Haute-Marne, la Meuse, le Territoire-de-Belfort et la Guyane. Se pose donc la question, que les deux orateurs cités n'ont pas abordée ce matin, de savoir si l'on corrige la représentation pour ces départements, ou si l'on en reste là. Si on la corrige en la portant à deux députés, on diminue mécaniquement de quinze le nombre de sièges pour les autres départements, ce qui diminue d'autant l'avantage attendu pour quinze départements urbains à forte population. On risque aussi que le Conseil constitutionnel ne valide pas un nombre aussi élevé – quatorze – d'exceptions. Mais si l'on n'opère pas cette correction, dans ces départements à moins de deux députés, il y aura dix circonscriptions de plus de 140 000 habitants – je rappelle qu'avec notre méthode, la moyenne est de 125 000 habitants. Ainsi, l'unique député de Guyane représentera 206 000 habitants – loin de corriger la disparité, on l'accentue fortement –, celui de la Meuse 194 000 habitants, celui de la Haute-Marne 188 000 habitants, et je pourrais citer le Lot, les Alpes-de-Haute-Provence et d'autres dans cette catégorie. Votre méthode réduit peut-être les écarts ici, mais pour les accroître fortement ailleurs. De plus, il faudrait nous dire ce que vous prévoyez pour la Corrèze…

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

…dont les habitants ont le droit de participer aux élections législatives !

Avec la méthode de la plus forte moyenne, six départements présenteraient une moyenne supérieure à 140 000 habitants par circonscription : l'Ardèche, les Ardennes, l'Aube, l'Orne, le Cher et l'Eure-et-Loir.

Vous voyez bien que la répartition à la proportionnelle n'est pas une solution miracle et qu'elle engendre elle aussi des écarts très importants et des disparités extrêmement choquantes, voire inadmissibles, comme le fait que la Lozère perde toute représentation nationale. C'est d'ailleurs ce qui avait conduit la commission présidée par le conseiller d'État Pierre Bordry à estimer que le maintien de la méthode de la tranche était la solution la plus satisfaisante. C'est ce que nous vous proposons avec ce projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je me félicite que nous ayons présenté cet amendement, car nous obtenons ainsi du ministre des explications sur les critères qu'on ne cesse de nous opposer. En effet, nous discutons d'un projet de loi qui vise à habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance : il nous demande un chèque en blanc. En tant que membres de l'opposition, nous ne vous faisons pas immédiatement confiance, monsieur le secrétaire d'État. Dans l'hebdomadaire qu'a cité un collègue, un article à votre sujet – peut-être est-ce un bobard ! – s'intitule bien « Marleix le démineur », mais pour l'instant, au contraire, vous ne cessez de nous inquiéter.

Nous partageons pourtant le même objectif, à savoir aboutir à un redécoupage qui, sans être parfaitement juste, sera au moins équilibré de sorte que partout le nombre de députés corresponde à la population. De ce point de vue, la méthode que nous préconisons corrigerait mieux ces inégalités que le Conseil constitutionnel a soulignées et sur lesquelles, effectivement, il faut légiférer, même si nous aurions préféré que cela ne se fasse pas par ordonnance.

Le problème central est de savoir si une concentration de population doit avoir plus de représentants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous pensons que oui. Nous pensons que c'est la population qu'il faut représenter. Or votre méthode, celle de la tranche, maintient les inégalités, voire les amplifie.

Par ailleurs, vous présentez le département comme le cadre le plus adéquat pour opérer un redécoupage. Mais dans un instant nous allons parler de nouveau des Français de l'étranger. Et dans ce cas, vous allez créer une circonscription de 17 millions de kilomètres carrés. Je ne suis pas certain que la justice y trouve son compte.

Tout cela montre bien que c'est là affaire de spécialistes. Nous avions raison de regretter que dans la commission qui va être créée, on ne nomme pas des géographes et des statisticiens plutôt qu'un magistrat de la cour de cassation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ce débat aurait pu avoir lieu en commission pour essayer de confronter les méthodes.

Monsieur le secrétaire d'État, c'est la deuxième fois que vous faites référence au rapport Bordry. Mais seul le Gouvernement en a connaissance, le gouvernement précédent n'ayant jamais accepté de le rendre public. Je trouve pour le moins étonnant de le mentionner deux fois en séance sans qu'il nous ait été communiqué. Selon les bonnes feuilles auxquels certains ont pu avoir accès, pour ce que j'en sais, ce rapport contient un certain nombre d'éléments qui ne diffèrent pas fondamentalement de la méthode mise en place en 1985-1986 et que vous utilisez aujourd'hui. Ce rapport précisait néanmoins qu'il fallait améliorer les critères présidant au redécoupage.

Le rapport Bordry travaillait sur quelques exemples sur la base du recensement de 1999 reconnu comme particulièrement mauvais. Seriez-vous prêt, dans ces conditions, à demander un rapport indépendant pour vérifier que les recommandations faites restent valables, si l'on tient compte de l'augmentation de la population ?

Nous proposons de retenir comme méthode la plus forte moyenne. Mais nous sommes prêts à examiner la question des deux sièges par département dans le cadre d'une véritable comparaison. En effet, même en conservant cette règle de deux députés par département, il y aura moins d'inégalité dans les circonscriptions avec la méthode de la plus forte moyenne qu'avec celle de la tranche.

Enfin, puisque vous avez lancé le nom de la Corrèze…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la Lozère !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Disons que vous avez lancé ce nom tout à fait au hasard. Sachez que ce département qui compte aujourd'hui trois députés en compterait deux avec la méthode de la tranche, mais deux également avec celle de la plus forte moyenne. Les Corréziens pourront donc voter, ce qui me convient quand je regarde les résultats des derniers scrutins.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Monsieur Leroux, le rapport Bordry est disponible depuis 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il n'a jamais été publié, et nous ne l'avons jamais eu !

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Dans ce cas, je me propose de vous le faire parvenir pour Noël (Sourires), et je vais immédiatement vous en donner les grandes lignes.

Ce rapport est issu de la réflexion du groupe de travail mis en place, en mars 2005, par M. Dominique de Villepin, à l'époque ministre de l'intérieur, et présidé par le conseiller d'État Pierre Bordry. Conformément à la mission assignée à ce groupe de travail, ce rapport traite du remodelage des cantons et des circonscriptions législatives. S'agissant de ces dernières, le groupe de travail se prononce, premièrement, pour le maintien d'un nombre total de 577 députés ; deuxièmement, pour la conservation de la méthode de la tranche, la méthode de répartition proportionnelle à la plus forte moyenne des sièges entre les départements n'apportant pas suffisamment d'avantages pour justifier l'abandon de la méthode traditionnelle ; troisièmement, pour le maintien du principe selon lequel tout département a droit à au moins deux sièges ; quatrièmement, pour une nouvelle délimitation des circonscriptions afin de remédier aux écarts démographiques les plus importants. Pour mettre en oeuvre ce dernier point, le rapport préconise d'appliquer les principes suivants : le respect d'un écart maximal de 10 % par rapport à la moyenne départementale – il s'agit là du seul point de divergence entre ce document et notre projet de loi qui fixe l'écart maximal à 20 % – ; le respect des limites cantonales, sauf pour les exceptions classiques énumérées par l'amendement de Bruno Leroux, retenu par la commission des lois – 40 000 habitants et au-delà – ; le respect de l'intégrité des villes moyennes au sein d'une même circonscription. Le groupe de travail préconise enfin un remodelage par ordonnances.

Finalement, les recommandations du groupe de travail présidé par Pierre Bordry ne s'éloignent pas sensiblement des options et des critères retenus par le Gouvernement dans son projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Le rapport Bordry n'est pas public, mais la page 13 de ce document m'est parvenue…

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Donc, vous l'avez bien le rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Effectivement, monsieur le secrétaire d'État, peut-être vous faudra-t-il trouver un autre cadeau à me faire pour Noël ! (Sourires.)

La conclusion du rapport Bordry est la suivante : « Compte tenu de la sensibilisation de l'opinion publique sur les écarts de représentation, l'ensemble de la procédure doit se dérouler dans la plus grande transparence. » Une dernière phrase soulignée, et en caractères gras, ajoute : « Le groupe de travail recommande donc au Gouvernement de rendre public le contenu de ce rapport et de consulter sur cette base les principales organisations politiques avant de déposer le projet de loi d'habilitation. » Or, je le répète, la méthode du Gouvernement est viciée en raison de l'absence de concertation démocratique préalable à la rédaction des projets de loi.

(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 20 .

La parole est à M. Patrice Calméjane.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Cet amendement vise à insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 2 de l'article 2 du projet de loi : « Les circonscriptions électorales de Saint-Martin, de Saint-Barthélémy et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du fait de leur faible démographie, n'élisent pas de députés sachant qu'ils élisent déjà des sénateurs. Par conséquent, ils bénéficieront des représentations nationales, les sénateurs étant les représentants des collectivités territoriales. »

En effet, la circonscription électorale de Saint-Martin ne compte que 35 000 habitants, celle de Saint-Pierre-et-Miquelon, 6 000 habitants, et celle de Saint-Barthélemy, environ 8 000 habitants. Alors que le projet de loi organique relatif à l'article 25 de la Constitution et aux élections des députés cherche à harmoniser la population des circonscriptions électorales en utilisant un ratio qui, selon les méthodes de calcul, s'établit à un député pour 100 000, 110 000, 115 000, 120 000 ou 125 000 habitants, sauf dans les départements qui n'élisent que deux députés, la création de deux circonscriptions à Saint-Martin et Saint-Barthélemy ou le maintien de Saint-Pierre-et-Miquelon risquent d'engendrer un déséquilibre certain dans d'autres territoires.

Je rappelle que, puisque le nombre maximal de députés est désormais fixé par la Constitution, lorsque nous créons un poste de député, il faut en récupérer un autre ailleurs, en métropole ou en outre-mer.

Alors que, sur le territoire métropolitain, la deuxième circonscription du Val-d'Oise est, aujourd'hui, la plus peuplée avec 188 000 habitants, la deuxième circonscription de Lozère ne compte que 34 400 habitants. Pour les nouvelles circonscriptions outre-mer, nous sommes donc loin du compte !

Je signale aussi que les évolutions de la démographie, en métropole et surtout outre-mer, risquent de nous obliger, assez rapidement, à créer des circonscriptions. Ainsi, la population de la Réunion atteindra probablement le million d'habitants d'ici à 2020, voire avant cette date. Il faudra alors attribuer un plus grand nombre de députés à ce département. Où les trouvera-t-on ? Faudra-t-il à nouveau opérer un redécoupage des circonscriptions, avec son cortège de polémiques ? Une solution me semble être de supprimer, dès aujourd'hui, la circonscription de Saint-Pierre-et-Miquelon, et de garder en réserve deux circonscriptions, afin de pouvoir s'adapter aux évolutions démographiques futures.

Je n'ignore pas que mon amendement n'est pas tout à fait dans le cadre de la Constitution, mais nous sommes bien ici pour travailler et régler les problèmes que pose ce redécoupage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

La commission a bien vu tout l'intérêt de l'amendement n° 20 qui a le mérite de poser une vraie question. Je me permets néanmoins de suggérer à notre collègue de retirer son amendement.

En effet, et vous êtes manifestement conscient du problème, monsieur Calméjane, j'ai des doutes sur la constitutionnalité de ce texte qui, pris au pied de la lettre, aboutirait à priver nos compatriotes de Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon du droit de vote pour les élections législatives.

Par ailleurs, lorsque nous examinerons l'amendement n° 7 de la commission, nous aurons l'occasion de revenir sur le véritable problème de fond que pose la très petite taille des futures circonscriptions de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy – le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon est totalement différent en raison de son éloignement de tout territoire français.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur Calméjane, je suis choqué de voir que vous mettez sur le même plan Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Je rappelle que Saint-Pierre-et-Miquelon a été à la pointe de la Résistance et qu'Alain Savary en a été le gouverneur. Sans remonter à la déportation des Acadiens vers ce territoire par les Anglais, en 1755, l'histoire justifie que Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d'un traitement particulier. De plus, cet archipel ne se trouve à proximité d'aucun territoire français.

La création de postes de députés et de sénateurs pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne date que de février 2007 : le président de la commission des lois qui avait accepté cette création peut en témoigner.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Au passage, je souligne que le sénateur de Saint-Barthélemy a été élu, pour la première fois, au mois de septembre, par dix-sept ou dix-huit électeurs, et que celui de Saint-Martin l'a été par vingt ou vingt et un électeurs ! À l'époque du vote de loi, j'avais été bien seul à dénoncer cette situation, et avant les élections sénatoriales je m'étais contenté de demander combien valait, en euros ou en dollars, la voix d'un électeur sénatorial : personne ne m'a répondu.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Il y a donc bien un problème, mais la majorité a pris ses responsabilités en 2007. Elle a fait un choix pour traiter les cas d'un territoire marqué par la drogue et d'un paradis fiscal. Ces initiatives malheureuses créent aujourd'hui une situation de blocage.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le rapporteur, loin de moi l'idée de vouloir retirer leur droit de vote aux électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Ils exercent d'ailleurs déjà ce droit, puisqu'ils font partie de la quatrième circonscription de Guadeloupe qui compte 100 243 électeurs. En enlevant à cette circonscription les 43 000 électeurs de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous la modifions alors que la démographie de la Guadeloupe est en évolution, et que des rééquilibrages seront peut-être nécessaires.

Monsieur Dosière, je ne remets pas en question la place de Saint-Pierre-et-Miquelon dans notre histoire. Mais quels que soient le passé et l'importance d'un territoire, rien ne l'empêche d'être rattaché à une circonscription qui existe déjà. Et, je l'ai rappelé, Saint-Pierre-et-Miquelon élit déjà un sénateur.

Á vous écouter, les idées qui viennent de votre camp politique sont toujours équilibrées et démocratiques ; par nature, elles défendent les plus faibles. En revanche, quand les propositions viennent de notre côté de l'hémicycle, elles sont systématiquement émises par des vilains et des méchants qui remettent l'histoire en cause !

Je trouve, par ailleurs, que vos propos sont désobligeants à l'égard de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, auxquels vous faites un procès d'intention. Notre rôle n'est pas de mener des enquêtes judiciaires. Si des problèmes de drogue ou de transparence fiscale se posent, c'est l'affaire de la justice et de la police. Quant à nous, nous devons nous intéresser aux populations et aux électeurs de ces territoires.

Cela dit, j'ai entendu l'avis du rapporteur et j'accepte de retirer mon amendement. Toutefois, j'attire l'attention du Gouvernement sur le fait que la future démographie de ces territoires risque de poser un véritable problème et qu'il serait bon de garder quelques circonscriptions en réserve si l'on veut éviter d'en redécouper certaines tous les dix ans pour se conformer aux recommandations du Conseil constitutionnel.

(L'amendement n° 20 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 42 a déjà été présenté.

(L'amendement n° 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 17 rectifié a également déjà été défendu.

(L'amendement n° 17 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 39 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement vise à substituer, pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, le mode de scrutin à la proportionnelle au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours qu'a retenu le Gouvernement. Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises sur le sujet, espérant que mes arguments feraient vaciller le Gouvernement. Force est de constater que je n'y suis pas parvenu. Or, je ne peux voir qu'une explication politique à ce refus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il est en effet probable que le Gouvernement envisage de découper la planète en sept, huit ou neuf circonscriptions au profit du parti actuellement majoritaire dans cette assemblée. C'est parce qu'un tel découpage est tout à fait possible que la proposition du Gouvernement nous inspire de la défiance.

Le taux de participation de nos concitoyens vivant à l'étranger varie, à effectifs comparables, entre 17 % à Sainte-Lucie, et 95 % à Brunei. Quant aux résultats obtenus par les candidats à la dernière élection présidentielle, ils varient également selon les pays : en Israël, Nicolas Sarkozy a obtenu 91 % des voix et, en Algérie, Ségolène Royal a obtenu 81 % des suffrages.

Pour vous démontrer en quoi un découpage peut avoir une connotation politique, contrairement à ce que vous affirmez, je prendrai l'exemple des États-Unis. Selon les statistiques collectées lors de la dernière élection présidentielle, et dont vous avez bien voulu reconnaître l'imprécision hier soir, 74 611 de nos compatriotes vivent aux États-Unis. Leur nombre n'étant pas suffisant pour former une circonscription, celle-ci devra regrouper les États-Unis et un autre territoire. Eh bien, selon que vous choisirez les vingt pays de l'Amérique latine, qui comptent 50 080 inscrits, ou le Canada – 47 000 inscrits –, la circonscription votera à gauche ou à droite.

À l'inverse, les trente-quatre pays d'Afrique accueillant des ressortissants français comptent trop d'inscrits – 132 000 – pour former une seule circonscription. Il faudra donc diviser le continent africain en deux circonscriptions. Si, pour des raisons culturelles, vous décidez d'isoler l'Afrique du Nord – c'est-à-dire la Tunisie, le Maroc et l'Algérie –, vous obtiendrez deux circonscriptions équilibrées. En effet, un tel découpage, qui se justifierait, en outre, d'un point de vue démographique et géographique, donnerait naissance à une circonscription de gauche, celle d'Afrique du Nord – puisque Ségolène Royal a obtenu, en 2007, 80 % des voix en Algérie, 70 % en Tunisie et 48 % au Maroc – et à une circonscription de droite, celle qui regrouperait le reste de l'Afrique. Si, en revanche, vous divisez le continent en deux circonscriptions délimitées par l'équateur, vous aurez deux circonscriptions de droite.

Je vois bien l'air gourmand avec lequel vos conseillers m'écoutent, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne suis pas en train de vous donner des conseils. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je veux simplement vous convaincre que le travail de redécoupage des circonscriptions est trop important et trop sensible sur le territoire national pour que vous vous lanciez dans une tâche similaire à l'échelle de la planète. Contentez-vous de choisir la proportionnelle et acceptez notre amendement ! Je vous promets que nous vous en remercierons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Avis défavorable. Permettez-moi de vous rappeler les engagements qui ont été pris vis-à-vis des Français de l'étranger, d'abord par le Président François Mitterrand, dans ses 110 propositions, en 1981, puis par Lionel Jospin, dans son programme législatif, en 1997, enfin, par Mme Royal dans son programme présidentiel, en 2007, et par le Président Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Il ne s'agit pas de cela, mais du mode de scrutin !

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Lors de sa visite d'État en Tunisie, le 29 avril dernier, le Président de la République a déclaré : « Il n'y a aucune raison pour que les Français vivant hors de France ne puissent influencer dans les mêmes conditions que les Français vivant en France les choix politiques décisifs concernant notre pays. Or, c'est actuellement le cas, puisque ces Français ne sont représentés qu'au Sénat. Nous permettrons donc aux Français de l'étranger d'élire également des députés. » Le Président précise bien : « dans les mêmes conditions que les Français vivant en France ».

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Le choix fait par le Président de la République et par le Gouvernement pour l'élection des députés représentant les Français vivant à l'étranger est donc celui du mode de scrutin majoritaire, qui est appliqué à l'ensemble des députés. Les circonscriptions sont définies à partir des cinquante-trois circonscriptions de l'Assemblée des Français de l'étranger, réparties en pôles recoupant les cinq continents.

Je voudrais d'ailleurs tordre le cou à une légende. Si l'on transpose, par continent – Europe, Afrique, Amérique, Asie et Océanie –, les résultats des élections présidentielles, notamment ceux de Mme Ségolène Royal au deuxième tour, on obtiendra, pour les élections législatives, des résultats équilibrés, très proches de ceux qui ont été obtenus en France. Le découpage permettra donc une représentation équilibrée des Français de l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le secrétaire d'État, il faudrait que nous ayons un véritable dialogue, au lieu de tenir deux discours parallèles. Il est inutile de nous citer toute une série de déclarations sur le principe desquelles nous sommes tout à fait d'accord : nous ne remettons pas en cause la représentation à l'Assemblée nationale des Français de l'étranger ; nous discutons uniquement des modalités de cette représentation.

Vous évoquez les circonscriptions consulaires. Mais Jean-Jacques Urvoas vient précisément de nous faire la démonstration que l'on obtient un député de gauche ou un député de droite en fonction des circonscriptions que l'on choisit de regrouper. Compte tenu de ces circonstances, liées au découpage de ces circonscriptions à l'échelle mondiale, comment voulez-vous que l'on ne vous soupçonne pas de vouloir procéder à des ajustements qui permettront l'élection de députés de droite ? Pourtant, un scrutin à la proportionnelle permettrait que la majorité comme l'opposition puissent être représentées.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Monsieur le secrétaire d'État, répondez donc à la démonstration de Jean-Jacques Urvoas : il vous a donné un certain nombre d'exemples !

Par ailleurs, la taille des circonscriptions sera telle qu'il est grotesque de justifier le choix du scrutin majoritaire uninominal à deux tours par le fait que celui-ci rapproche l'élu de ses électeurs. Comment le député qui représentera la moitié du continent africain pourra-t-il être proche de ses électeurs ? Un scrutin uninominal à deux tours à l'échelle mondiale ne permet pas une plus grande proximité entre le représentant et le représenté ; il crée, au contraire, des possibilités de manipulation. Or, compte tenu de notre débat sur les garanties d'indépendance de la commission, on peut avoir légitimement quelques doutes à ce sujet.

J'ajoute que vous pourriez très bien tenir ce discours si vous vous trouviez dans l'opposition et nous au banc du Gouvernement, puisque, selon les ajustements, on peut fabriquer des députés de gauche ou des députés de droite. Répondez clairement aux questions que nous posons, monsieur le secrétaire d'État, sans chercher à y échapper.

Notre souci est bien que la représentation des Français de l'étranger reflète fidèlement leurs choix politiques, c'est-à-dire qu'elle se partage globalement, à l'échelle du monde, entre la gauche et la droite. Or, dès lors que l'on définit des circonscriptions électorales, il est évident que ce partage peut être faussé, voire inexistant. En outre, le nombre des députés étant fixé à 577, l'attribution de sept à neuf sièges aux députés élus par les Français de l'étranger diminuera d'autant le nombre des autres députés. Cette question n'est donc pas sans incidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai entendu, hier, beaucoup de caricatures à propos de la proportionnelle. Je souhaiterais donc rappeler certaines choses.

Tout d'abord, nous n'avons pas déposé d'amendements visant à introduire une part de proportionnelle dans le mode d'élection des députés, bien que cette proposition ait figuré dans le programme présidentiel de Ségolène Royal. Certes, ce programme n'a pas été validé par les Français, mais nous aurions pu retrouver quelques déclarations du Président de la République dans lesquelles il se disait lui-même ouvert à cette idée. Du reste, nous savons, pour avoir participé à des rencontres préalables destinées à examiner les grandes lignes du redécoupage, que les ministres en charge du dossier ont attendu pendant des mois un arbitrage présidentiel sur ce point. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cette part de proportionnelle que Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy ont évoquée qui aurait été de nature à déstabiliser l'Assemblée nationale en empêchant la formation de toute majorité. Mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui.

Si nous défendons la proportionnelle s'agissant de l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, c'est parce que c'est la seule voie possible, celle du bon sens, car elle permettrait de sécuriser juridiquement l'élection de ces députés. En effet, si, lors d'une élection présidentielle, qui se joue à quelques millions de voix, le fait que le courrier ne soit pas arrivé au fin fond de l'Afrique ou dans un village des Andes n'est pas susceptible d'entraîner une annulation, il n'en sera pas de même pour des législatives, où le taux de participation sera parfois faible, avec des écarts forcément moindres entre les candidats et des contestations portant sur le déroulement du scrutin qui n'en finiront pas. C'est donc la voie de la sécurité juridique qui commande de recourir plutôt à la proportionnelle.

Enfin, nous avons tout à craindre d'un charcutage sur de grandes circonscriptions mondiales, alors que la proportionnelle semble ne créer aucun facteur d'instabilité et ne pouvoir donner lieu à aucun débat partisan : nous aboutirons, sur un nombre limité de députés – neuf, avez-vous dit –, à un résultat proportionnel qui ne viendra pas déstabiliser une majorité, mais représentera fidèlement ceux qui vivent à l'extérieur de notre pays.

Le choix de la proportionnelle permettrait d'assurer la sécurité juridique de ceux qui seront élus et le respect de principe du découpage, que nous pouvons contrôler en métropole mais qui risque, si le scrutin reste uninominal, de donner lieu à de multiples malversations sur les territoires situés hors de France.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

J'ai écouté attentivement M. Dosière, et je ne saisis pas bien en quoi le choix de la proportionnelle peut régler le problème qui nous occupe. Dès lors que nous avons décidé d'ajouter de sept à neuf sièges à pourvoir pour représenter les Français résidant à l'étranger, le fait que ces sièges soient répartis au scrutin majoritaire ou à la proportionnelle ne change rien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Par ailleurs, je commence à me demander si certains de nos collègues de l'opposition ne sont pas masochistes. Alors que vous êtes au coeur d'une problématique partisane extrêmement grave largement liée au mode de scrutin proportionnel, chers collègues, vous êtes en train de nous dire que ce mode de scrutin est la clé d'une meilleure démocratie. Je vous renvoie au programme sur lequel les candidats de l'UMP se sont engagés lors des élections législatives – nous parlons non pas du Sénat, mais bien de l'Assemblée nationale. Vous conviendrez que nous sommes mieux placés que vous pour nous souvenir de ce que contenait notre programme, qui plaidait très clairement en faveur du scrutin majoritaire. Il n'est donc pas question qu'il puisse y avoir deux catégories de députés élus selon des modes différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Vous entretenez, depuis le début des débats, une suspicion permanente sur la volonté de transparence de M. le secrétaire d'État. Cette suspicion commence à devenir insupportable, d'autant qu'elle ne repose sur rien, puisque comme l'a rappelé le président de la commission, jamais encore de tels efforts en vue de procéder à un ajustement n'avaient été plus éloignés du charcutage que vous évoquez en permanence. À mon sens, votre acharnement n'a d'autre objet que de tenter de dissimuler le fait que nous sommes en train de réussir ce que vous n'avez pas su faire vous-mêmes : mettre les circonscriptions en rapport avec l'évolution démographique. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 39 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Défendu.

(L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 6.

(L'amendement n° 6 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 55 et 59 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Cet amendement vise à compléter l'alinéa 7 de l'article 2 afin de corriger le choix des députés en tenant compte des évolutions démographiques, dans certaines situations tout à fait particulières qui ne concernent que certaines zones de l'outre-mer où l'on peut douter, pour plusieurs raisons, de la véracité des statistiques démographiques. Je tiens à préciser très clairement que cet amendement ne vise absolument pas le découpage des circonscriptions de métropole – son application aboutirait, dans ce cas, à des résultats surprenants. Il a simplement pour objet de définir le cadre législatif dans lequel on pourra ajuster le découpage et le nombre de parlementaires dans certains territoires d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 55 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Selon l'alinéa 7 de l'article 2 modifié par l'amendement n° 6 , les opérations de remodelage de la carte électorale « sont mises en oeuvre sur des bases essentiellement démographiques, sous réserve des adaptations justifiées par des motifs d'intérêt général. » Nous partons donc de ce texte, qui signifie très clairement que c'est la population, évaluée par des recensements, qui fonde l'évolution de la carte électorale.

Les amendements nos 55 et 59 visent tous deux à aller un peu plus loin en explicitant quels sont les « motifs d'intérêt général » susceptibles de justifier des adaptations au principe selon lequel la carte électorale évolue en fonction de la population. Nous avons en effet relevé, lors des travaux préparatoires auxquels a procédé la commission, que les résultats des recensements effectués dans certains territoires et départements d'outre-mer ne sont pas fiables en raison des particularités géographiques et des habitudes des populations concernées – certaines d'entre elles pouvant, par exemple, se déplacer et franchir une frontière constituée d'un fleuve ou d'un bras de mer. Notre intention est donc – uniquement dans ces territoires et départements d'outre-mer, comme l'a dit M. Dosière – de pouvoir corriger la stricte prise en compte de la population, dont le recensement est sujet à de trop grandes incertitudes.

Cela dit, l'amendement n° 59 de M. Dosière, qui va exactement dans le même sens que celui de la commission, est mieux rédigé. Par conséquent, je retire l'amendement n° 55 au profit de l'amendement n° 59 .

(L'amendement n° 55 est retiré.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

L'objet de cet amendement est d'introduire ce que l'on appelle un tempérament – d'ailleurs limité – au calcul du nombre de sièges à pourvoir sur des bases essentiellement démographiques. Il retient en particulier, pour l'attribution des sièges, le critère de l'évolution respective de la population et des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cet amendement a le mérite de soulever un vrai problème : alors que les députés représentent la nation, le critère démographique peut aboutir à une augmentation du nombre de députés du seul fait d'une présence importante de ressortissants étrangers dans un département ou une collectivité d'outre-mer. Cela peut paraître d'autant plus choquant s'il s'agit d'étrangers en situation irrégulière.

Vous avez raison de souligner qu'il est anormal de constater qu'un même nombre d'électeurs inscrits dans deux départements peut aboutir à un nombre de députés différent – du simple au double, dans certains cas. Je rappelle qu'au début de la iiie République, les députés étaient répartis sur la base de la seule population française. Le Conseil constitutionnel a tranché en faveur du nombre d'habitants, donc du critère de population, rejetant celui du nombre d'inscrits en raison du fait que les mineurs, qui font évidemment partie de la nation, ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Peut-on tempérer le critère démographique pour tenir compte des étrangers ? Il serait hasardeux de le dire, et je ne peux donc affirmer que le Conseil constitutionnel validera un tel amendement. Dans un domaine aussi délicat et aussi proche des préoccupations des citoyens, c'est à vous, parlementaires, qu'il appartient de trancher. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je veux simplement apporter, en quelques mots, mon soutien à la position de M. le rapporteur. Une mission de la commission des lois s'est rendue à Mayotte. En 1999, la population de cette collectivité d'outre-mer était estimée à 160 265 habitants ; en 2007, ce chiffre était passé à 186 729 habitants. Cette différence montre clairement qu'il y a un problème en matière de recensement. Par ailleurs, 62 808 personnes sont inscrites sur les listes électorales en Guyane, ce qui ne représente que 28 % de la population. Ces deux exemples démontrent l'existence d'un problème manifeste, et ce n'est pas un principe républicain que d'ajouter des parlementaires supplémentaires pour tenir compte de la présence de personnes en situation irrégulière qui ne respectent pas nos lois.

Il faut savoir, dans certaines situations bien particulières, apporter un tempérament à la proportionnalité mathématique et ne pas laisser jouer l'automaticité. Il était important d'engager le débat sur cette question. Je vous appelle, pour ma part, à voter l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Mon intervention vient à l'appui de ce que vient de dire M. le président de la commission des lois, mais son objet est plus large. Ce qui est en débat depuis 1988, et avait été tranché par le Conseil constitutionnel lors du découpage précédent, est la question de savoir si le remodelage électoral doit se fonder essentiellement sur la démographie ou si d'autres critères peuvent entrer en ligne de compte. Pour aller dans le sens de l'amendement de M. Dosière, il est également permis de s'interroger sur la notion de démographie à retenir : peut-on, dans certains cas, tenir compte du fait que les chiffres fournis par les opérations de recensement ne reflètent pas forcément la réalité ? Si la démographie constitue l'élément essentiel à retenir, il me semble qu'il ne saurait être l'élément exclusif.

À l'époque où j'étais rapporteur de la commission des lois, j'avais présenté un amendement visant à ce que l'on puisse tenir compte également de l'aspect géographique. Il ne faut pas, en effet, que la démographie produise des effets purement mécaniques. Elle doit pouvoir être corrigée, tout ce qui va dans le sens d'une correction étant plus juste : summum jus, summa injuria.

Il en va ainsi de la correction géographique. La deuxième circonscription de la Lozère a beau être l'une des plus petites de France, vous mettrez tout de même une journée à la traverser, surtout en hiver. Nous avons tendance, dans cet hémicycle, à penser essentiellement à Paris et aux grandes villes de province, mais il y a aussi des circonscriptions très fortement ruralisées. Les critères démographiques ne sauraient donc être les seuls à entrer en ligne de compte lors d'une opération de redécoupage.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

M. le président de la commission des lois a nommé les deux zones particulièrement visées par l'amendement n° 59 et c'est à lui qu'il revenait de le faire. Les propos de M. Clément n'engagent que lui, comme les miens n'engagent que moi.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Mais, je ne voudrais pas qu'on pense que, compte tenu de la place de cet amendement, la mesure pourrait concerner un grand nombre de départements. Nous sommes obligés de donner à cette disposition un habillage juridique pour contourner la difficulté.

Je connais bien la situation de Mayotte pour avoir présidé, avec Didier Quentin, une commission sur l'immigration clandestine sur cette île. Nous devrons d'ailleurs prochainement retourner sur place pour voir comment les choses ont évolué. Sur ce territoire, qui veut devenir un département français et qui compte actuellement un député, la population est de l'ordre de 190 000 habitants et augmente à un rythme soutenu. Mais on peut, certes, mettre en doute la fiabilité de cette statistique, car on s'aperçoit qu'une grande partie de cette population vit dans des favelas et tend à se disperser très rapidement sitôt qu'un représentant de l'ordre public apparaît.

Par ailleurs, le rapport entre le nombre de personnes inscrites sur les listes électorales et le nombre d'habitants, est de l'ordre de 30 %. Or, dans les autres départements métropolitains et même d'outre-mer – je pense par exemple à la Réunion, toute proche –, la proportion varie entre 60 et 70 %. Le problème vient du fait qu'à Mayotte, le nombre de clandestins s'élève à 40 000, 50 000 voire 60 000. Par définition, on ne peut le savoir précisément mais cela concerne, à coup sûr, plusieurs dizaines de milliers de personnes. Tous les ans, on en reconduit à Anjouan 15 000 : cela correspond à la capacité de la compagnie d'aviation privée chargée des reconductions – au passage, merci l'État français qui finance ainsi une compagnie privée ! En tout état de cause, le nombre des personnes réexpédiées est légèrement inférieur à celui de celles qui reviennent...

Pour des raisons diverses et complexes, que je ne développerai pas ici mais qui tiennent beaucoup au problème d'état civil, la situation de Mayotte est très particulière. Dans ce cas précis, on ne peut se contenter du critère démographique. Il faut pouvoir le corriger. Et pour que cela soit possible constitutionnellement, la motivation doit être suffisamment large. Nous nous sommes efforcés, avec notre amendement, de trouver une formulation qui passe la rampe du Conseil constitutionnel et qui permette de prendre en compte cette situation particulière. Cela pourrait concerner aussi la Guyane – pour d'autres raisons cependant. C'est principalement ces deux zones géographiques qui sont visées par cet amendement.

(L'amendement n° 59 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques nos 18 et 31 .

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Ces amendements visent à remettre en cause la règle instaurant un minimum de deux députés par département que rien ne justifie véritablement. L'argument du pluralisme, historiquement retenu pour l'établissement de cette règle – fixée d'abord à trois députés, puis à deux –, s'est avéré fragile à l'expérience. En effet, ce n'est pas en créant deux circonscriptions qu'on garantit le pluralisme politique d'un département. S'il s'agit d'éviter qu'un même élu puisse occuper les fonctions électives principales d'un département – député, président de conseil général ou maire d'une des principales villes, par exemple –, c'est en appliquant la règle du non-cumul des mandats, et non pas en créant une autre circonscription, qu'on rééquilibrera les choses. Il faut simplement dissocier les mandats locaux et nationaux.

L'autre argument, que M. Clément vient d'ailleurs d'évoquer, est celui de l'étendue de ces circonscriptions et de leur situation géographique. Certes, il est pertinent. Mais il est pour le moins contradictoire de nous expliquer, d'un côté, que nous allons créer des circonscriptions pour les Français de l'étranger, qui seront continentales, et, de l'autre, qu'en Lozère ou dans la Creuse, l'étendue géographique justifie un découpage du département en deux circonscriptions. La contradiction est évidente.

Je note aussi, s'agissant de l'étendue géographique, que les améliorations en matière de communication sont indéniables et peuvent constituer une réponse.

Tout au long du débat, nous avons suggéré la création de circonscriptions interdépartementales. Ce serait la solution du problème. La Lozère comptera 78 000 habitants – les chiffres définitifs seront bientôt connus. Puisque vous allez y créer deux circonscriptions, cela signifie que la moyenne démographique de chacune de ces circonscriptions sera de 39 000. La Creuse en comptera 123 000, la moyenne démographique sera donc de 61 000. Nous sommes donc très loin de la tranche qui, selon toute vraisemblance, sera définie autour de 125 000. On va maintenir ainsi des disparités très importantes entre circonscriptions.

Certes, me direz-vous, cela ne concerne que deux départements. Mais lorsqu'on applique la méthode choisie – cadre départemental et tranche –, on s'aperçoit qu'une dizaine de départements au moins aura un poids moyen démographique très inférieur à 125 000 habitants.

Vous avez donné tout à l'heure la liste des départements qui, dans l'hypothèse d'un découpage régional, se retrouveraient avec un député : je vais, moi aussi, citer un certain nombre d'éléments chiffrés.

Pour le Cantal – dont M. Marleix est d'ailleurs l'élu –, il y aura 151 000 habitants, deux circonscriptions et un poids moyen de 75 000. Pour la Corse du Sud, 129 000 habitants, et un poids moyen de 64 000. Pour la Haute-Corse, 150 000 habitants et un poids moyen de chacune des circonscriptions de 75 000. Pour le Territoire de Belfort, 140 000 habitants et un poids moyen de 70 000. Pour l'Ariège, 147 000 habitants et un poids moyen de 73 000. Pour le Lot, 169 000 habitants et un poids moyen de 84 000. Pour les Alpes-de-Haute-Provence, 155 000 habitants et un poids moyen de 77 000. Pour les Hautes-Alpes, 133 000 habitants et un poids moyen de 66 000.

Vous le voyez, ces départements sont très en deçà de la moyenne, qui sera sans doute autour de 110 000 pour l'ensemble des départements. Or les circonscriptions que vous allez conserver dans ces départements, vous les retirerez dans d'autres départements, en Seine-Saint-Denis, à Paris, dans le Nord, dans le Pas-de-Calais, dans les Deux-Sèvres, par exemple. Nous dénonçons là une grande iniquité puisque ces départements peu peuplés seront beaucoup mieux représentés que les départements urbains dont je viens de parler.

Voilà la principale critique que nous formulons à l'encontre de votre méthode qui, encore une fois, va surreprésenter les départements les moins peuplés au détriment des plus peuplés et dont l'évolution démographique montre que la population va s'accroître encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

La commission n'a pas adopté ces amendements pour les raisons qui ont déjà été longuement développées. Surtout – et M. Caresche y a fait allusion – cette règle précise selon laquelle il y aura au minimum deux députés par département ne concernera finalement que deux départements, la Lozère et la Creuse. Leurs électeurs seront d'ailleurs un peu surpris d'entendre des députés de gauche souhaiter supprimer un de leurs députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Pour toutes ces raisons, il nous semble souhaitable d'en rester au cadre très ancien qui a toujours prévalu. En France métropolitaine, il y a toujours eu en effet au minimum deux – quelquefois trois – députés par département. La commission vous propose donc de rejeter ces deux amendements.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Nous nous en sommes expliqué à maintes reprises : la règle d'un minimum de deux députés par département est une tradition républicaine, en date de la IIIe République et qui a constamment été reprise sous la IVe et la Ve République. En 1985, alors que vous étiez au pouvoir, il y avait deux députés par département et vous n'êtes pas revenus sur cette disposition.

J'ajoute que quatorze départements seulement seront concernés. Et en tout état de cause, en cherchant à corriger des inégalités ou des disparités, qui certes existent, vous allez en fait les aggraver. Si vous supprimez la règle des deux députés par département, la Haute-Loire n'aura ainsi qu'un seul député pour 206 000 habitants alors que la moyenne nationale est à 125 000 avec la tranche.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

On pourrait multiplier les exemples. Une quinzaine de départements seront très au-dessus de la moyenne départementale de 125 000 et n'auront plus droit qu'à un seul député alors qu'ils compteront plus de 200 000 habitants.

En outre, ces départements sont équitablement répartis entre majorité et opposition. Cela concerne donc autant des élus de l'opposition que de la majorité.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Il faut prendre en compte cette différence géographique. Tout à l'heure, il a été question de tempérament. Je reprends l'expression pour l'aménagement du territoire. Ces deux départements avec un seul député, qui ont une superficie, parfois, de 500 000 ou 600 000 hectares, et comptent 300 ou 400 communes, méritent une représentation double, comme la tradition républicaine l'a toujours voulue.

Enfin, je relève une fois encore qu'alors que vous êtes favorables à la proportionnelle, vous voulez créer des départements avec un seul député où l'élection se déroulera forcément au scrutin majoritaire. Il y a là un problème de cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Monsieur le secrétaire d'État, ne faites pas semblant de ne pas comprendre ce que je propose.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Vous êtes parisien !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Caresche

Les électeurs parisiens existent aussi ! Vous m'avez déjà dit en commission que ce n'était pas la même chose d'être un député de Paris. Eh bien, venez à Paris !

Je ne suggère pas de faire des départements n'ayant qu'une circonscription. Notre solution est de créer des circonscriptions interdépartementales pour remédier aux déséquilibres provoqués par l'évolution démographique inégale de nos départements qui, pour certains, se dépeuplent et, pour d'autres, voient leur population augmenter.

Pour que le découpage reste peu ou prou cohérent dans un cadre départemental, il vous a fallu augmenter les seuils de répartition, ce qui n'a fait qu'accroître les disparités car, si la méthode de répartition par tranche est équitable lorsque le seuil est relativement bas, elle ne l'est plus du tout avec un seuil à 125 000. C'est bien que votre système est aujourd'hui à bout de souffle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Monsieur le secrétaire d'État, vous amalgamez la proportionnelle qui sert à distribuer les sièges des députés par département et celle qui sert à les élire. Il est facile d'être ainsi dans la confusion, puisque nous ne disposons d'aucune étude éclairant la décision à prendre sur le mode de distribution des sièges. Or, maintenant que le nombre maximum de députés est fixé à 577 et qu'il ne peut donc plus servir de variable d'ajustement, ce mode de distribution devient un paramètre essentiel de l'élection et prend une importance capitale.

La seule méthode parfaite consisterait à faire de notre pays une seule circonscription et à ne tenir compte, pour le découpage, que des éléments géographiques dont parlait tout à l'heure Pascal Clément, de manière à ce que les différences soient les plus minimes possible et n'excèdent pas quelque centaines, voire quelques milliers d'habitants.

Ce n'est pourtant pas la méthode que vous avez retenue ; nous ne l'avons d'ailleurs même pas proposée. Ce que nous vous proposons, c'est simplement de corriger les inégalités. Prenons un exemple que M. Calméjane et moi connaissons bien : le département de Seine-Saint-Denis qui compte aujourd'hui treize députés. Avec votre méthode, il n'en comptera plus que douze, du fait de l'effet de seuil. À la plus forte moyenne en revanche, il gagnerait une circonscription et un député supplémentaires, ce qui prouve bien que, derrière le mode de distribution, se cachent des choix politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Le choix politique fait en 1958 avait été celui de la division au plus fort reste, qui avantageait les départements les plus ruraux. Avec la méthode de répartition par tranche, assise sur un minimum de deux par département, le gouvernement en place en 1985 n'a pas remis ce choix en cause, je l'admets aisément. Malheureusement, les évolutions démographiques font que la méthode conservatrice que vous nous proposez va générer des inégalités plus fortes que le système que nous suggérons d'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Ne nous laissons pas emporter sur une piste de réflexion univoque. Le but des élections législatives n'est pas simplement la représentation arithmétique la plus parfaite de la démographie, auquel cas vous auriez raison. Mais vous avez tort, parce qu'il s'agit non pas d'obtenir dans les urnes une transcription statistique fidèle, mais de déboucher sur une majorité de gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Ce n'est pas la jurisprudence du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Le but des élections législatives c'est d'élire à l'Assemblée une majorité démocratique qui soutienne le gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ce que vous dites vaut pour le mode de scrutin, mais pas pour le découpage !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Avec notre Constitution, une photographie exacte équivaudrait à se retrouver avec 353 partis politiques ayant chacun leur représentant. Si nous voulons une majorité de gouvernement, seul le scrutin majoritaire peut nous la fournir.

Vous n'avez de cesse, au contraire, de réclamer la proportionnelle et le jeu d'alliances qu'elle génère. Votre constance vous honore, mais M. Rocard a voulu l'inverse et l'a obtenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous n'avons pas une seule fois réclamé la proportionnelle ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

C'est bien ce que vous voulez, puisque c'est le seul mode de scrutin qui soit strictement équitable du point de vue démographique !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous vous parlons du découpage, pas du mode de scrutin !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

C'est le fond du débat. Vous voulez une égalité démographique parfaite, donc la proportionnelle ; nous voulons, nous, une représentation qui permette de gouverner un pays, donc le mode de scrutin majoritaire. À chacun son mode de scrutin de prédilection, mais ne parlons pas de stricte proportionnalité démographique en ce qui concerne le scrutin majoritaire, ce serait une erreur d'analyse.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ne soyons pas dans la caricature. Nous n'avons à aucun moment utilisé ce texte pour promouvoir des sujets qui ne le concernent pas. Nous n'avons notamment pas abordé la question du mode de scrutin, d'autant plus que les Français ont montré, lors de la dernière élection présidentielle, qu'ils ne souhaitaient pas sa révision. De proportionnelle, il n'a donc jamais été question. Nous nous inscrivons bien dans le cadre du scrutin majoritaire, mais en voulant l'appliquer avec un mode de répartition optimal, qui permette de réduire les inégalités entre les circonscriptions.

Pour le reste, la conception de la représentation développée par Pascal Clément me semble pour le moins contestable ; elle est en tout cas contraire à la jurisprudence et aux recommandations du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Clément

Mais non !

(Les amendements identiques nos 18 et 31 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 7 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

L'amendement n° 7 tend à supprimer, dans le huitième alinéa de l'article 2, la disposition prévoyant qu'il y ait au minimum un député dans chaque collectivité d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Si la commission a adopté cet amendement, c'est qu'elle envisageait à l'origine de faire figurer le nombre des députés des collectivités d'outre-mer dans la loi organique, où ne figure plus en définitive que le nombre total de députés, c'est-à-dire 577.

Mais cet amendement a une autre justification. Il permet de répondre à la préoccupation exprimée par plusieurs orateurs, notamment Patrice Calméjane, au sujet de Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Ces deux îles ont respectivement une population de 35 000 et 7 000 habitants, ce qui fait que, avec l'application de la répartition par tranche, elles ne peuvent avoir un député chacune, sauf à adopter la disposition de l'article 2 selon laquelle une collectivité d'outre-mer doit posséder au moins un député.

Or nous pensons que cela ne doit pas être le cas pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy, dont les populations peuvent être représentées – comme c'est le cas actuellement, sans qu'elles s'en trouvent mal – en étant intégrées dans l'une des circonscriptions de la Guadeloupe.

Nous souhaitons donc supprimer cette disposition, le Gouvernement étant libre, s'il le souhaite, de prévoir un seul siège pour les deux îles.

Par ailleurs, je tiens à faire remarquer que nos réticences ne valent ni pour Saint-Pierre-et-Miquelon ni pour Wallis-et-Futuna, qui sont dans une situation très différente. Saint-Pierre-et-Miquelon est une collectivité isolée, à l'écart de tout, et il est indispensable qu'elle ait son député, quoi qu'il arrive. De la même façon, il serait difficile de rattacher, pour l'élection des députés, le territoire de Wallis-et-Futuna à la Nouvelle-Calédonie, distante de 2 100 kilomètres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je partage l'avis du rapporteur et suis d'accord sur le choix laissé au Gouvernement concernant la meilleure solution pour Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Nous ne devons pas poser pour principe qu'à une collectivité corresponde systématiquement un député. Les députés ne sont pas là pour représenter les collectivités, c'est le rôle du Sénat. Les députés sont d'abord là pour représenter la population.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Warsmann

Je souhaite donc que l'on vote cet amendement et que le message adressé au Gouvernement soit clair : soit il conserve le découpage actuel, soit il institue un seul siège pour les deux îles. La sagesse réside dans l'une de ces deux solutions, certainement pas dans le fait d'introduire dans notre droit le principe « une collectivité, un député ».

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

La Constitution limite désormais à 577 le nombre de députés siégeant à l'Assemblée nationale. Lorsque vous avez adopté l'amendement du président de votre commission établissant ce chiffre, vous avez décidé que les sièges de députés qui seraient créés pour la représentation des Français hors de France ne viendraient pas accroître le nombre total de sièges de votre assemblée, et vous avez entendu revenir sur la décision de créer deux sièges de députés pour les collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Ces deux sièges ont été créés par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, qui a érigé les deux îles en collectivités d'outre-mer distinctes de la Guadeloupe. La mise en place de ces deux collectivités, vieille revendication de la population, est aujourd'hui engagée, et elles viennent d'élire à ce titre un sénateur. En revanche, l'élection de leur député a été reportée après le prochain renouvellement général de votre assemblée. Nous nous trouvons ainsi dans la situation particulière de collectivités devant élire chacune un député, mais dont le siège n'est pas pourvu.

Si nous avons maintenu dans le projet de loi qui vous est proposé la règle d'au moins un député par collectivité d'outre-mer, c'est pour respecter la décision que l'Assemblée nationale et le Sénat ont prise en 2007, à la quasi-unanimité. En effet, la disposition prévoyant qu'un député à l'Assemblée nationale est élu dans chacune de ces deux collectivités ne figurait pas dans le projet de loi organique que vous avait alors soumis le Gouvernement. Le ministre de l'outre-mer, M. François Baroin, avait alors indiqué qu'il appartenait à chacune des chambres du Parlement de définir pour elle-même les modalités de la représentation de ces nouvelles collectivités territoriales. C'est donc au Sénat que l'on doit leur siège de sénateur, et à votre assemblée quasi-unanime que l'on doit leur siège de député.

Dès lors que les nouvelles collectivités étaient créées, l'attribution d'un sénateur pour chacune d'elles allait de soi, puisque le Sénat représente plus particulièrement les collectivités territoriales. S'agissant de l'Assemblée nationale, dont chaque membre représente la nation tout entière, la question pouvait se poser : les spécificités des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution justifiaient-elles par principe l'attribution d'un siège de député à chaque collectivité, sans considération de l'importance de leur population ou de leur proximité avec d'autres parties du territoire national ?

Fidèle à l'esprit qui animait alors le Gouvernement, et m'exprimant en accord avec mon collègue Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer, je ne peux donner un avis favorable à cet amendement. C'est aux députés d'en décider.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Je prends acte de l'adoption de l'amendement n° 7 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 34 et 33 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Votre projet, monsieur le secrétaire d'État, ne s'inscrit pas tout à fait, nous semble-t-il, dans la même démarche qu'en 1986 : les critères à respecter pour le redécoupage sont ici moins précis.

Nous souhaitons vous dire qu'il faudrait – si les échos qui nous parviennent du rapport Bordry sont exacts – suivre les recommandations tendant à ce que les villes moyennes fassent partie d'une seule circonscription. Le grand sport, en 1986, consistait à essayer de découper au maximum les villes moyennes pour qu'elles aient des députés de couleur politique différente. Il y a peut-être dans ce rapport des éléments nouveaux.

Nous introduisons aussi la notion d'établissement public de coopération intercommunale : ces territoires ont aujourd'hui une réalité ; ils peuvent représenter un cadre supplémentaire pour donner un cadre objectif à notre redécoupage.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Avis défavorable sur l'amendement n° 34 . Il sera question dans quelques instants de la prise en compte des cantons dont la population est inférieure à 40 000 habitants ; je crois que nous tomberons d'accord sur ce point.

En revanche – malgré le respect et l'admiration que nous portons aux talents de rémouleur de M. le secrétaire d'État (Sourires) – il nous semble qu'imposer la prise en compte du périmètre des EPCI rendrait son travail impossible. La contrainte serait bien trop forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

M. le secrétaire d'État est capable de bien des choses ! Ne le sous-estimez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Quant à l'amendement n° 33 , qui porte seulement sur la prise en compte des cantons, il sera repris par l'amendement n° 56 rectifié , où ces dispositions seront complétées par d'autres, relatives aux circonscriptions administratives qui doivent être assemblées pour constituer des circonscriptions d'élection des députés représentant les Français de l'étranger. Je demande donc le rejet, ou le retrait, de l'amendement n° 33 .

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Sur les amendements nos 34 et 33 , l'avis du Gouvernement est défavorable. Il n'est pas possible d'imposer la limite du respect des EPCI. D'une part, les circonscriptions actuelles ne les respectent pas ; or plus de la moitié d'entre elles ne subiront aucun changement. D'autre part, le périmètre des EPCI relève d'un arrêté préfectoral et nous sommes ici, bien sûr, dans le domaine législatif.

(L'amendement n° 34 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je retire l'amendement n° 33 .

(L'amendement n° 33 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 56 rectifié .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Cet amendement prévoit d'abord que les cantons constituent l'unité de base des circonscriptions, dès lors que leur population est inférieure à 40 000 habitants. C'est seulement au-dessus de cette limite démographique qu'ils peuvent être scindés.

Il répond, par ailleurs, à une situation rare, mais réelle, dont il a déjà été question hier : c'est le cas de petites communes qui sont à cheval sur deux circonscriptions.

Il précise enfin que ce sont les circonscriptions d'élection des représentants des Français de l'étranger à l'Assemblée des Français de l'étranger qui serviront d'unité de base aux circonscriptions des députés représentant les Français de l'étranger.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Cet amendement vise à préciser les critères qui présideront aux opérations concrètes de remodelage. Il a le mérite de résoudre le cas de cinq petites communes dont la population est faible et qui sont partagées entre deux circonscriptions : ces anomalies ont été évoquées hier par M. Vaxès. Nous appliquerons aussi les dispositions que vous proposez pour les circonscriptions des Français de l'étranger.

Le Gouvernement approuve d'autant plus le contenu de l'amendement qu'il figure dans l'exposé des motifs du projet, et qu'il a déjà été validé par le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi d'habilitation du 11 juillet 1986. Si ces dispositions n'ont pas été inscrites dans le projet, c'est seulement pour des raisons de forme : nous ne souhaitons pas inscrire un trop grand nombre de règles de découpage dans le projet de loi.

Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

À notre grand regret, nous ne pourrons pas voter cet amendement : la première partie nous convient, mais la seconde impliquerait l'acceptation des circonscriptions des Français de l'étranger.

Je profite toutefois de cette intervention pour souligner que nous discutons de ce texte depuis plus de onze heures : ce sujet ne préoccupe pas l'opinion, c'est vrai, mais il est important car il concerne la démocratie. Nous sommes conscients de la nécessité de redécouper, et nous n'avons pas voulu mettre en oeuvre une stratégie d'obstruction : nous avons déposé quelque trente amendements, tous marqués par le souci d'aboutir à un consensus sur ce redécoupage. Mais nous sommes navrés de constater qu'un seul d'entre eux – certes important – a été adopté : cela n'est pas de nature à nous rassurer sur la transparence et l'indépendance du processus engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 43 et 46 , qui sont défendus.

(Les amendements identiques nos 43 et 46 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 22 .

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Au moment où Mme Simone Veil vient d'être élue à l'Académie française – ce dont je me félicite, pour elle, pour tout ce qu'elle représente, et pour l'Académie qui comptera en son sein un personnage hors du commun –, je voudrais parler de la parité.

Cet amendement est très simple : il s'agit de favoriser la parité dans les départements où l'on crée une circonscription nouvelle. Prenons l'exemple d'un département qui compterait aujourd'hui trois députés, et où une quatrième circonscription serait créée. Dans ce cas de figure, il serait naïf de croire que la parité serait possible s'il y a trois sortants hommes, mais je propose que les partis et groupements politiques aient l'obligation de présenter au moins une candidature féminine. Cela me paraît indispensable.

Les choses sont évidemment plus faciles pour les partis qui n'ont pas de sortants. Pour les partis qui ont des sortants du même sexe, l'obligation minimale serait de présenter une candidature de l'autre sexe s'il y a une création, deux s'il y a deux créations.

J'ai déposé des amendements aux articles suivants pour demander des sanctions financières importantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Avis défavorable, même si l'objectif de cet amendement est louable. Il paraît difficile d'instituer une discrimination positive aussi ciblée : pourquoi traiter différemment des départements où l'on crée une ou deux circonscriptions ? Ce serait s'en remettre aux hasards de la démographie. Si, un jour, le législateur décidait de faire un pas supplémentaire vers la parité en matière électorale, le champ d'application de la loi devrait être beaucoup plus large.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Nous avons abordé ce matin quelques débats qui n'étaient pas directement liés aux textes, mais sur lesquels vous avez pris quelques engagements, monsieur le secrétaire d'État.

Je voudrais profiter de l'amendement de M. Grand pour souligner le travail admirable réalisé par notre collègue Marie-Jo Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. La délégation est aujourd'hui inquiète des évolutions possibles des modes de scrutin dans les collectivités locales, notamment les régions et les départements.

Je souhaite, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez réaffirmer ici, comme vous l'avez fait ce matin sur un certain nombre de sujets, que la modification des modes de scrutin, s'ils peuvent être modifiés, ne comportera aucune disposition susceptible d'aboutir à un recul de la parité dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

L'objectif est bien d'aller toujours dans le sens de la parité, et non pas d'opérer des retours en arrière. Je souhaitais me faire ici l'écho des inquiétudes de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur cette question.

Je voulais aussi évoquer une autre idée, pour savoir s'il était possible de la mettre à l'étude, même si elle ne va pas exactement dans le sens de Jean-Pierre Grand. S'agissant des élections législatives, nous avons franchi, en matière de parité, des étapes qui ont conduit à l'instauration de sanctions financières. Or, si nous sommes tous ici les représentants élus du peuple, nous participons aussi au financement des partis politiques, au titre d'un rattachement. Je me demande si le moment ne serait pas venu que les partis politiques déposent leurs listes de candidats aux élections législatives auprès du ministère de l'intérieur, et que ces listes ne puissent être recevables qu'à la condition d'une parité stricte entre les hommes et les femmes. Nous franchirions ainsi une nouvelle étape, et surtout cette proposition permettrait au scrutin majoritaire d'aboutir à l'élection d'une assemblée qui, même si ce sont les électeurs qui en décideront in fine, se rapprocherait de l'idéal de parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 47 , qui ont été défendus.

(Les amendements identiques nos 44 et 47 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 8 .

La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Favorable.

(L'amendement n° 8 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 9.

(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 24 portant article additionnel après l'article 2.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ce matin, M. le secrétaire d'État s'est exprimé sur les questions de cumul, notamment en ce qui concerne les mandats locaux. Je serais plus rassuré si le Gouvernement pouvait nous assurer qu'il ne pourra y avoir aucun changement de mode de scrutin qui aboutisse à faire reculer les lois sur la parité.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Je prends cet engagement. Et je rappelle d'ailleurs que le projet de loi relatif à l'intercommunalité et à la démocratisation, que nous soumettrons au Parlement au début du printemps, comportera tout un chapitre consacré à l'amélioration de la parité, d'abord à partir d'un certain seuil. Nous procéderons ensuite par étapes.

Je rappelle également que la loi Hortefeux, votée en 2007, s'est appliquée pour la première fois en 2008, lors du renouvellement de la moitié des sièges de conseillers généraux. Cette loi oblige tout candidat aux élections cantonales à prendre un suppléant de sexe opposé. Il est évident que cette évolution favorise largement les femmes.

(L'amendement n° 24 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 58 qui est défendu.

(L'amendement n° 58 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 10 rectifié.

(L'amendement n° 10 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 23 .

La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

S'agissant de cet amendement, on ne pourra pas m'opposer l'argument de l'inégalité de traitement. En effet, afin de représenter les Français de l'étranger, on va créer entre six et dix nouvelles circonscriptions sur un périmètre totalement extérieur au territoire national. Je ne vois pas quel argument pourrait s'opposer à ce que la parité soit obligatoire dans ces nouvelles circonscriptions, cette obligation devant être assortie – c'est l'objet d'un autre amendement, que je défends par avance – de sanctions financières importantes si d'aventure elle n'était pas respectée.

Je ne pense pas que nous puissions achever ce débat important sans avoir adopté un minimum de dispositions en faveur de la parité. Je ne peux pas imaginer que tous les amendements allant en ce sens soient rejetés.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Les arguments que j'ai invoqués tout à l'heure contre l'amendement n° 22 de M. Grand sont toujours valables. La commission voit mal comment l'on pourrait établir la parité de cette manière, par petites taches. Pourquoi la parité devrait-elle concerner uniquement ces circonscriptions, dont le nombre sera tout de même assez limité, entre sept et dix ? Pourquoi, tout à l'heure, devait-elle concerner uniquement les départements voyant leur nombre de députés augmenter ? Si cela doit se faire, tout cela se fera dans le cadre d'une loi plus générale. En tout cas, on ne peut pas créer d'inégalités dans la représentation à l'Assemblée nationale du point de vue de la parité.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Même avis que la commission. Cet amendement présente un risque évident d'inconstitutionnalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Je m'excuse par avance, car j'ai un peu l'impression, en disant ce que je vais dire, de me mêler des affaires internes de l'UMP. Monsieur le secrétaire d'État, quitte à ce qu'il y ait neuf députés de l'UMP représentant les Français de l'étranger, nous préférerions que ce soit cinq femmes et quatre hommes. Qu'au moins la parité soit respectée. Cela ne nous consolerait certes pas du charcutage auquel vous vous seriez livrés pour dessiner des circonscriptions uniquement faites pour vous – c'est pour cela que j'ai le sentiment de me mêler de quelque chose qui ne concerne que la majorité –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Au second tour de l'élection présidentielle, parmi les Français de l'étranger, Nicolas Sarkozy a obtenu 54 % des voix et Ségolène Royal 46 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

…mais quand même, nous préférerions qu'il puisse y avoir quatre ou cinq femmes parmi les élus représentant les Français de l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je rappelle une évidence : si la majorité avait accepté le scrutin proportionnel pour l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, il eût été beaucoup plus facile de rendre la parité effective.

(L'amendement n° 23 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 49 et 16 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 49 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement vise à parfaire le dispositif de vote à l'étranger et à trouver le moyen d'inciter nos compatriotes à participer plus nombreux aux scrutins en permettant le vote par correspondance pour les élections nationales, et en particulier pour les élections législatives.

En réalité, ce n'est pas une grande innovation, puisque depuis la loi du 28 mars 2003 modifiant l'article 6 de la loi 7 juin 1982, de nouvelles règles régissent le vote des Français de l'étranger au moment de l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger. Cet article est ainsi rédigé : « Les électeurs votent soit dans les bureaux ouverts en application de l'article 5, soit par correspondance sous pli fermé ou, selon des modalités définies par décret, par voie électronique ».

Par cet amendement, nous vous proposons donc d'appliquer aux élections législatives les mêmes règles que celles prévalant déjà lors de l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Il va de soi que nos compatriotes de l'étranger sont dans une situation particulière. Il arrive que des milliers de kilomètres les séparent des bureaux de vote consulaires. Cette disposition serait donc intéressante, peut-être même motivante, au regard des taux de participation constatés lors des élections nationales récentes, notamment du scrutin présidentiel : 80 % en 1981, et 42 % en 2007.

Utilisé dans la plupart des pays européens, le vote par correspondance apporte un grand nombre de garanties. Cette procédure est simple à mettre en oeuvre et facile d'utilisation pour l'électeur. Elle respecte le secret du vote et son universalité. Elle respecte aussi le principe constitutionnel d'égalité des électeurs devant la loi, puisque le Conseil constitutionnel a jugé que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

Autrement dit, pour que soit possible un traitement non identique des électeurs de métropole et de l'outre-mer, d'une part, et des Français établis hors de France, d'autre part, il faut que soient réunies trois conditions, qui, en l'occurrence le sont.

Il faut d'abord que les situations soient différentes, ce qui est à l'évidence le cas.

Il faut ensuite que la différence de traitement qui résulterait de l'introduction du vote par correspondance pour les intéressés soit bien en rapport direct avec l'objet de la loi. C'est bien le cas en l'espèce, puisque l'objet de la loi est ici la volonté de favoriser le vote de ces Français.

Il faut, enfin, que l'objet de la loi soit l'intérêt général. C'est bien le cas ici, puisqu'il s'agit de favoriser le vote des Français établis hors de France qui rencontrent des difficultés particulières d'éloignement et de dispersion.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Alain Gest, pour soutenir l'amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Voilà au moins un sujet sur lequel nous allons être en accord avec M. Urvoas. À travers cet amendement, M. Mariani et moi-même souhaitons rendre effective la possibilité qui est donnée aux Français établis à l'étranger de voter pour élire des députés. Il est, en effet, extrêmement difficile d'imaginer qu'il y ait un bureau de vote dans chacune des villes où ils se trouvent.

Nous avons retenu, en ce qui nous concerne, le vote électronique. Personnellement, je n'ai pas d'opposition au vote par correspondance que vient de défendre M. Urvoas. En tout état de cause, il est absolument indispensable de trouver une solution pour que soit mise en oeuvre la volonté du Président de la République de faire en sorte que les Français de l'étranger puissent s'exprimer aux élections législatives.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

La commission est évidemment convaincue que, pour une bonne organisation de l'élection des députés représentant les Français de l'étranger, il est nécessaire que ceux-ci puissent voter par voie électronique, et même par correspondance sous pli fermé. Pour autant, nous n'avons pas adopté ces amendements, car cela pourra être fait par ordonnance, puisque l'habilitation qui figure au II de l'article 3 couvre cette hypothèse. Néanmoins, en fonction des déclarations du secrétaire d'État, je serai peut-être amené à revoir cette position. C'est donc un avis défavorable en l'état.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Le Gouvernement est bien évidemment conscient de la nécessaire adaptation à cette élection particulière. C'est pourquoi il vous propose de l'habiliter à procéder à cette adaptation par ordonnance. Il faut qu'il y ait une cohérence.

Ces modalités pourront comprendre, bien sûr, le vote par Internet, comme cela se fait dans un certain nombre de pays européens, ainsi que le vote électronique, le vote par correspondance et le vote anticipé. Je crois d'ailleurs que c'est M. Dosière qui évoquait ce dernier à propos de la Polynésie.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Je parlais plutôt des États-Unis et du Canada !

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Je crois me souvenir que vous avez aussi évoqué la Polynésie. On avait parlé d'un vote anticipé d'une semaine ou d'une journée. Quoi qu'il en soit, ce sont là des pistes de réflexion que nous étudierons très attentivement.

Je signale que le vote électronique a déjà été utilisé dans le cadre de l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Il a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport, qui est positif, et dont il conviendra de tirer les enseignements. Cette nouvelle modalité de vote sera utilisée le 3 décembre prochain pour l'élection des prud'hommes, ce qui n'est pas négligeable.

L'AFE sera évidemment consultée sur ces modalités particulières de vote. Je m'y suis engagé. J'ai d'ailleurs reçu récemment deux vice-présidents du bureau de l'AFE, des sénateurs des Français de l'étranger. Nous auditionnerons à nouveau le bureau de l'AFE le 19 décembre prochain.

J'ai donc un a priori tout à fait favorable à ces propositions, que je regarde avec le plus grand intérêt, soyez-en certains. Mais pour des raisons de forme liées aux ordonnances, je ne peux pas donner un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

J'ai bien entendu l'argument de M. le rapporteur et celui de M. le secrétaire d'État. Or, nous, à l'UMP, à la différence de certains dans cet hémicycle, nous n'avons jamais fait preuve de suspicion quant à la volonté de transparence du secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

M. le secrétaire d'État a clairement envisagé d'utiliser une méthode qui vise simplement à atteindre l'objectif poursuivi. Je pense donc qu'il serait souhaitable que les deux amendements soient retirés, étant donné l'engagement très clair qu'il vient de prendre devant la représentation nationale. En tout cas, je retire l'amendement n° 16 .

(L'amendement n° 16 est retiré.)

(L'amendement n° 49 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 11. Cet amendement de coordination recueille un avis favorable du Gouvernement.

(L'amendement n° 11 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 12. Il s'agit d'un amendement de précision. Le Gouvernement y est favorable.

(L'amendement n° 12 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 13. Cet amendement est rédactionnel. Avis favorable du Gouvernement.

(L'amendement n° 13 est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 28 , tendant à la suppression de l'article 4.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet amendement a été longuement défendu ce matin, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En effet. La commission et le Gouvernement y sont tous deux défavorables. Je le mets aux voix.

(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 57 .

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de La Verpillière

Des députés européens peuvent être nommés au Gouvernement, puis le quitter. Cet amendement aligne les dispositions concernant leur retour au Parlement européen sur celles que nous avons adoptées dans la loi organique au sujet des sénateurs élus à la proportionnelle qui seraient dans le même cas.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Favorable.

(L'amendement n° 57 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En conséquence, ce texte devient l'article 4. Les amendements nos 14 et 15 tombent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux explications de vote sur l'ensemble du texte.

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Le Roux

Ce débat s'est déroulé dans des délais tout à fait normaux, mais, en raison du manque d'informations, dans des conditions peu propices à un approfondissement. Cela étant, nous avons souhaité y participer sans faire d'obstruction et sans recourir à la caricature, et ce malgré les provocations auxquelles se sont livrés, dans la presse régionale, plusieurs de nos collègues, malgré les propos qu'a tenus M. Copé ce matin et malgré les propos rapportés du Président de la République.

Mais tout au long de ce débat, monsieur le secrétaire d'État, notre inquiétude n'a fait que grandir.

La majorité nous a donné le sentiment d'avoir commis un délit d'initié. Elle semble peu concernée par ces textes, car elle sait déjà comment les choses vont se passer. C'est ce qui expliquerait d'ailleurs le peu de suspicion dont fait preuve M. Gest. Oui, à votre place, monsieur Gest, je serais comme vous : peu suspicieux. Je pense en effet que vous devez être en possession d'un certain nombre d'informations sur la façon dont il va être procédé à ces remodelages et à ces redécoupages. Cela s'est manifestement senti dans tous ces débats, où vous n'avez adhéré à aucune des propositions qui auraient pu assurer la transparence, l'égalité, l'équité, la neutralité d'un processus qui aurait dû être républicain.

Quant au Gouvernement, il s'est montré totalement fermé aux avancées que nous lui avons proposées pour aller dans le sens de la transparence. Un amendement de M. Dosière a certes été adopté, mais aucun ne l'a été parmi ceux qui auraient permis de fixer, pour l'exercice qui va être mené dans les prochains mois, des règles plus strictes, plus transparentes.

Cette absence d'ouverture du Gouvernement fait suite à l'absence de concertation préalable avec les différents partis politiques. Elle aurait pourtant pu être organisée avant que ces deux projets de loi ne soient déposés.

Il y a dans ce texte des aberrations démocratiques. Cette commission prévue par l'article 25 de la Constitution, nous en avons longuement débattu, mais vous avez décidé, avant même de la mettre en place, de l'ignorer. Vous avez choisi de ne pas lui poser des questions pourtant essentielles, de ne pas lui donner les moyens de fonctionner, et de lui conférer dès le départ un caractère partisan à travers le système de nomination que vous avez refusé d'amender.

S'agissant des Français de l'étranger, personne ne peut croire que les démonstrations que nous avons faites ne sont pas justes, ne sont pas de bon sens, ne sont pas pertinentes. Là encore, vous avez préféré faire passer les intérêts de votre majorité avant l'égalité de représentation, dans la diversité de leurs opinions, de nos concitoyens vivant hors du territoire national.

Dans ce débat, il n'y a eu ni transparence, ni équité, ni neutralité. Votre objectif est clair : faire en sorte que, demain, l'alternance soit rendue plus difficile. Le nôtre était au contraire de faire adopter des dispositions permettant le reflet fidèle des choix de suffrage de nos concitoyens.

Le travail commence peut-être pour vous, monsieur le secrétaire d'État. Sachez que nous serons particulièrement vigilants. Nous ne voulons pas que se reproduise ce qui a été pratiqué lors du redécoupage que notre pays a connu il y a plus de vingt ans. Nous ne voulons pas que soit sacrifié sur l'autel des intérêts de l'UMP le respect du droit de suffrage de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Au terme de l'examen de ces deux projets de loi, je regrette vraiment qu'il n'y ait pas eu débat. Pour qu'il y ait débat, il ne suffit pas de parler beaucoup, longtemps, et de s'opposer toujours parce qu'une partie a choisi de camper sur des positions qui ont été décidées ailleurs et a priori. Dans un débat véritable, les points de vue doivent se rapprocher. Or, dans l'examen de ce texte, ce ne fut le cas sur aucune question importante.

Cela confirme ce que j'ai eu l'occasion de dire ici sur le rôle et la place de notre assemblée dans le débat législatif. Lorsque les décisions se prennent ailleurs, il est nécessaire que la majorité reste arc-boutée sur son texte, surtout quand elle est pressée de le voir mis en oeuvre. On peut même émettre l'hypothèse qu'il a été convenu avec la majorité sénatoriale d'une certaine rédaction, de sorte que le texte puisse être voté conforme par le Sénat. Ainsi, il sera possible de procéder rapidement au nécessaire remaniement ministériel.

J'ai eu l'occasion de regretter que la souveraineté populaire sorte affaiblie des dispositions de ce texte, que la diversité et le pluralisme aient été malmenés. Je ne citerai, à cet égard, que le dernier débat que nous avons eu sur la question de la féminisation de l'Assemblée.

Du reste, toutes ces questions n'auraient pas fait l'objet de débats polémiques si nous avions convenu que la représentation nationale serait élue, et pas seulement pour les Français de l'étranger, au scrutin proportionnel. Aucun des problèmes qui ont été soulevés ici n'aurait fait polémique entre nous. L'ensemble des questions auraient été réglées, la diversité aurait été respectée, ainsi que la parité.

Je crains que la démocratie ne sorte affaiblie de l'adoption de ce texte. Vous comprendrez donc que les députés du groupe GDR votent contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Je voudrais d'abord dire à M. Vaxès que mes collègues du groupe et moi-même avons franchement la conviction que, depuis hier après-midi, nous avons eu un vrai débat. À moins que vous ne considériez, cher collègue, qu'il n'y a de vrai débat que lorsqu'on vous donne toujours raison. Mais tel n'est pas le principe de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pas « toujours » ! Mais qu'au moins les points de vue se rapprochent !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Nous avons débattu d'un texte difficile. C'est pourquoi je veux remercier le Gouvernement et le féliciter d'avoir eu le courage de traiter d'un sujet compliqué, un courage que n'ont pas eu les gouvernements qui l'ont précédé, quelle que fût, d'ailleurs, leur couleur politique. Et c'est bien pourquoi je le dis avec d'autant plus de sérénité.

Au contraire des dires de certains, le Gouvernement a mis en place un dispositif qui n'avait jamais été utilisé auparavant, afin de favoriser un redécoupage qui ne sera d'ailleurs pas massif, comme il aurait pu, après tout, l'envisager, au regard de l'évolution de la démographie. Il sera simplement procédé à un ajustement, qui concernera certains départements et prendra en compte la nouveauté institutionnelle que constitue l'élection de députés représentant nos compatriotes vivant à l'étranger.

Face à cette volonté de transparence et de débat, nous avons assisté depuis hier à des procès d'intention permanents. Encore à l'instant, on a suggéré que les députés UMP ne protestaient pas contre les dispositions de ce texte parce que, dans les départements qui feront éventuellement l'objet d'un redécoupage, ils connaissent déjà les solutions qui seront retenues !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Cher collègue Le Roux, je vous engage à venir dans mon département. Si, par extraordinaire, vous connaissez déjà le sort qui sera réservé, par exemple, à ma circonscription, surtout ne vous privez pas de me le faire savoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Ces informations, peut-être les aurez-vous lues dans un journal. Car vous prêtez une extraordinaire attention à ce que disent les médias, qui sont par ailleurs très respectables.

Je voulais saluer, monsieur le secrétaire d'État, votre prise en compte de la nécessaire équité. Je pense en particulier à l'amendement que vous avez accepté concernant Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Je souligne également que ce texte vise à mettre en oeuvre des mesures logiques qui, je le répète, mettent un terme à beaucoup d'hypocrisie. Je pense par exemple à la possibilité pour les anciens ministres de retrouver leur siège de parlementaire.

Chers collègues de l'opposition, vous avez fait le choix de la suspicion, et vous êtes acharnés à proposer toujours les mêmes solutions, y compris le mode de scrutin proportionnel, dont vous conviendrez pourtant qu'il ne vous réussit pas particulièrement, ces jours derniers.

Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'État, le groupe UMP vous apportera tout son soutien, pour que vous puissiez aller jusqu'au bout de la démarche de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. La liste ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

Nous voici au terme de la lecture par votre assemblée du paquet électoral que constituent ces deux premiers textes d'application de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ces textes ont un objet particulier puisqu'ils permettent d'engager l'important travail d'ajustement des circonscriptions législatives.

Je voudrais souligner la qualité du débat et de nos échanges. J'en remercie le rapporteur qui a fait un travail important, ainsi que le président de la commission des lois. J'exprime également ma gratitude aux députés qui se sont exprimés, ceux de la majorité comme ceux de l'opposition. Tous, vous avez donné à notre débat sur un sujet difficile une dignité que chacun a pu relever et apprécier. Nous allons maintenant poursuivre le débat au Sénat qui sera saisi de ces deux textes dans environ trois semaines.

Je ne doute pas, comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, que vos collègues sénateurs auront le souci de respecter les choix que vous avez faits…

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état

…sur tout ce qui touche à l'élection des membres de votre assemblée. Je peux vous assurer dès à présent que j'ai pris bonne note de toutes les suggestions et opinions qui ont été émises. Après le vote définitif du Parlement, le Gouvernement sera habilité à procéder par ordonnance. Tout n'a pas été tranché à ce stade et nous ferons nos choix en examinant attentivement vos propositions. Avec Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, nous vous remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat visant à prolonger l'application des articles 3, 6 et 9 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (nos 1233, 1263).

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le terrorisme demeure la première de nos priorités dans le domaine de la sécurité, car il fait peser sur la France une menace réelle et constante.

La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, qui vous sera présentée d'ici à quelques semaines, nous permettra de renforcer les moyens de la lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance. Tout naturellement, j'y avais inscrit la demande de prorogation des dispositions de la loi anti-terroriste du 23 janvier 2006, valables jusqu'au 31 décembre 2008. Un calendrier parlementaire très chargé – ce n'est pas à vous que je l'apprendrai – a contraint à reporter l'examen de la LOPPSI en 2009. De ce fait, pesait un risque de vide juridique entre ces deux dates.

Le sénateur Hubert Haenel s'est saisi de cette question et a déposé la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, qui permet la reconduction des dispositions actuellement appliquées.

Avons-nous besoin de ce dispositif ? Sans faire d'alarmisme, la menace est réelle. Notre pays n'est pas plus menacé que les autres ; il ne l'est pas moins non plus. Les menaces d'Al-Qaida au pays du Maghreb islamique visant notre territoire, en septembre, la diffusion sur la chaîne Al Arabiya de mises en garde liées à notre présence militaire en Afghanistan sont l'illustration de la constance de cette menace, tant sur notre sol national que pour nos compatriotes travaillant ou voyageant dans certains pays.

Nous avons tous en mémoire la mort d'un ingénieur français en Algérie, lors d'un double attentat à l'explosif, le 8 juin dernier, ou l'attentat à l'explosif commis au Yémen contre un pipeline reliant des infrastructures pétrolières de la compagnie Total, au printemps dernier.

Permanente, la menace est également évolutive. Le terrorisme islamiste ne se résume pas à l'appel à la guerre entre monde musulman et monde occidental. Il tend désormais vers une contestation fondamentale de nos sociétés et de nos valeurs. Internet apporte au terrorisme un vecteur nouveau d'endoctrinement, de propagande, de recrutement et de structuration de ces réseaux.

D'autres menaces d'attentat existent, qui ne sont pas liées au terrorisme islamiste : les arrestations de la semaine passée en attestent. Quelles qu'elles soient, nous avons toujours le devoir, pour la protection de nos concitoyens et des intérêts fondamentaux du pays, d'adapter nos réponses.

Nous devons également adapter nos réponses dans le cadre des solidarités que nous avons avec les autres pays européens puisque, en la matière, la menace concerne l'ensemble de ces pays. Cela implique une vigilance quotidienne sur notre sol.

Les contrôles d'identité à bord des trains internationaux, prévus par la loi anti-terroriste, renforcent notre capacité de détection des terroristes qui utiliseraient ce moyen de transport. Ils font l'objet de l'article 3 du texte dont la prorogation vous est demandée et sont largement utilisés par le service national de la police ferroviaire dans les relations avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse ou l'Italie.

Ces mesures permettent de surprendre les terroristes qui utiliseraient ce moyen de transport. Pour en donner une illustration concrète, c'est grâce à un contrôle dans un train, entre Perpignan à Barcelone, qu'un activiste de l'ETA, recherché depuis mars 2004, a été arrêté au début de l'année 2007.

Le contrôle des frontières aériennes s'inscrit dans la même perspective de renforcement de notre protection. Actuellement, les données APIS – données nominatives qui contiennent un minimum de renseignements – des voyageurs en relation avec cinq pays à risque du Moyen-Orient sont enregistrées dans le fichier des passagers aériens. Les travaux européens sur le PNR, la liste des noms des passagers, visent à renforcer l'efficacité du dispositif en permettant d'identifier des passagers sensibles avant l'embarquement grâce aux données de réservation, et d'établir au besoin des recoupements sur leurs activités.

Les risques d'attentats dans les avions sont réels puisqu'un certain nombre ont été déjoués, dont un qui, il y a un peu plus de deux ans, devait être perpétré par un passager dont les talonnettes de chaussures contenaient des explosifs destinés à faire exploser un vol vers les États-Unis.

Bien sûr, le renforcement de la sécurité prévu au plan européen s'accompagnera d'une clarification des règles de protection des données personnelles. Nous devons cibler sur la lutte contre le terrorisme, et pas au-delà, la recherche de renseignements.

Le cadre général du PNR sera établi d'ici à la fin de la présidence française de l'Union européenne. J'ai obtenu l'accord de la totalité de mes collègues, au cours de notre dernière réunion à Luxembourg.

Adapter notre réponse aux évolutions du terrorisme, c'est aussi améliorer notre action pour détecter des réseaux, notamment sur notre territoire national.

La création de la direction centrale du renseignement intérieur nous a permis de gagner en efficacité pour mieux déjouer, en amont, les projets d'action terroriste. Il est indispensable de doter la DCRI d'outils adaptés à sa mission.

La loi anti-terroriste de 2006 prévoit la possibilité pour les services anti-terroristes d'interroger certains fichiers administratifs. C'est l'objet de l'article 9 de la loi, dont je vous demande la prorogation. Cette disposition a notamment permis de faciliter les investigations, en vérifiant l'identité de personnes suspectes, à partir de l'immatriculation de véhicules ou en établissant parfois l'origine frauduleuse d'un certain nombre de documents sensibles. Tant que nous ne disposons pas des passeports biométriques et des cartes d'identité électroniques, nous avons plus de difficultés à déceler les faux papiers. Plusieurs dizaines de milliers sont, chaque année, mis en circulation sur notre territoire.

La détection des réseaux passe aussi par un meilleur contrôle d'internet et des communications téléphoniques. Nous constatons un développement considérable de l'utilisation d'internet par les réseaux terroristes à des fins de propagande ou d'organisation. La connaissance des données techniques relatives à des communications électroniques – et non les communications en elles-mêmes –, prévue par l'article 6 de la loi, a prouvé son utilité. Nous en demandons donc aussi la prorogation.

L'analyse des liens téléphoniques contribue en particulier à retrouver la trace des hébergements d'activistes clandestins, notamment ceux de l'ETA.

L'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste – UCLAT – a mis en oeuvre une plateforme de gestion des demandes de données techniques adressées aux opérateurs de téléphonie, aux sociétés de commercialisation et de services et aux fournisseurs d'accès à internet.

Parallèlement, une plate-forme de signalement sera ouverte dans un mois pour l'ensemble des sites internet aux contenus illicites. C'est en dehors de la loi.

Dans le même esprit, j'ai fait adopter à Luxembourg l'accord permettant la mise en place d'une plate-forme européenne de lutte contre la cybercriminalité et notamment contre l'utilisation d'internet à des fins terroristes.

Mesdames, messieurs les députés, dans un contexte très fragile, très sensible, la loi anti-terroriste du 23 janvier 2006 a permis une véritable avancée dans notre action de protection de nos populations contre une menace en constante évolution. Il est donc, à mes yeux, légitime de proroger les dispositions de cette loi qui, en près de trois ans d'application, ont prouvé leur utilité et leur efficacité.

L'importance exceptionnelle de ces questions exige de chacun de nous une approche sereine, constructive, qui va bien au-delà des clivages partisans, car, je le sais, nous sommes tous soucieux de la protection de nos concitoyens, en particulier quand il s'agit d'une menace aussi grave que celle du terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Claude Bodin,rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté, le 4 novembre dernier, une proposition de loi prorogeant l'application des articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant diverses dispositions relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.

En effet, ces trois articles, contrairement aux trente autres de la loi, n'ont été adoptés qu'à titre temporaire et ne sont applicables que jusqu'au 31 décembre 2008. En l'absence d'intervention du législateur d'ici au 1er janvier prochain, ces trois articles cesseraient donc d'être applicables. Afin de résoudre cette difficulté, le ministère de l'intérieur avait fait inscrire leur prolongation dans l'avant-projet de loi de programmation pour la performance de la sécurité intérieure 2009-2013, dite « LOPPSI 2 ».

L'adoption définitive de la LOPPSI 2 avant la fin de l'année 2008 s'étant rapidement révélée impossible, il a ensuite été envisagé de faire adopter la disposition législative nécessaire par la voie d'un amendement au projet de loi sur la gendarmerie, déposé sur le bureau du Sénat le 21 août 2008. Malheureusement, le calendrier d'examen de ce texte ne permettra pas non plus son adoption définitive avant la fin de l'année.

Dans la mesure où aucun texte de valeur législative relatif à la sécurité ne doit être définitivement adopté d'ici au 31 décembre prochain, il est nécessaire que le Parlement examine une proposition de loi spécifique sur le sujet.

Ces considérations ont donc motivé le dépôt de la proposition de loi soumise à notre examen par le sénateur Hubert Haenel. Elle repousse au 31 décembre 2012 la date d'extinction de ces dispositions fort utiles. Elle a donc été examinée et adoptée par le Sénat.

La première disposition concernée par la présente proposition de loi est l'article 3 de la loi du 23 janvier 2006. Celui-ci a étendu les possibilités de procéder à des contrôles d'identité systématiques à bord des trains internationaux. L'accord de Schengen permet de procéder à des contrôles d'identité systématiques et de caractère aléatoire dans une bande de vingt kilomètres à partir de la frontière, ainsi que dans les gares, ports et aéroports internationaux.

Or, à bord des trains internationaux, il était concrètement difficile de procéder à des contrôles efficaces, et en tout cas impossible de procéder à des contrôles systématiques, pendant la période au cours de laquelle le train se trouvait dans la limite des vingt kilomètres. Rappelons-nous qu'à 300 kilomètres heure, un TGV ne reste que quatre minutes dans la bande des vingt kilomètres.

Ainsi, pour permettre l'organisation effective de contrôles d'identité à bord des trains internationaux, l'article 3 les a autorisés jusqu'au premier arrêt suivant la limite des vingt kilomètres. Il les a également autorisés, sur les lignes « présentant des caractéristiques particulières de desserte », entre ce premier arrêt et un autre arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants.

Grâce à cette nouvelle disposition législative, le nouveau service national de police ferroviaire – SNPF –, créé en 2006, dispose d'un outil juridique important pour mener sa mission de sécurisation des réseaux ferrés, notamment en organisant des patrouilles mixtes avec des fonctionnaires des pays frontaliers. Sans cette disposition, ces patrouilles mixtes n'auraient aucun moyen d'agir, notamment pour lutter contre l'immigration clandestine – plusieurs centaines d'interpellations ont eu lieu dans ce cadre –, mais aussi pour prévenir le terrorisme.

En effet, les trains internationaux sont des cibles de choix des terroristes et l'organisation de patrouilles à leur bord, avec contrôles d'identité, peut être indispensable. Cela a été notamment le cas sur une ligne franco-allemande au cours de l'été 2006. De plus, les contrôles d'identité permettent de suivre des individus qui sont sous la surveillance des services anti-terroristes. Depuis le début de l'année 2008, quarante-huit personnes contrôlées à bord des trains internationaux faisaient l'objet d'un signalement par les services de lutte contre le terrorisme.

Lors des débats au Sénat, une difficulté d'application a cependant été abordée – elle avait déjà été relevée par le rapport d'application de la commission des lois présenté en février dernier. En effet, plusieurs ordonnances de la cour d'appel de Bordeaux ont annulé des contrôles d'identité menés dans les trains internationaux dans le sens France-étranger au motif qu'il ne pouvait alors pas s'agir de contrôles migratoires. Comme l'indique le rapporteur du Sénat, « cette interprétation est très restrictive, le législateur n'ayant pas souhaité limiter ces contrôles aux seuls trains entrants ». Pour autant, considérant que la volonté du législateur est sans ambiguïté, le Sénat a estimé qu'il n'était pas nécessaire de préciser la rédaction actuelle de l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Ces contrôles étant le plus souvent conduits par des patrouilles mixtes, le concept de sens de circulation semble, en effet, relativement inopérant, surtout dans le cadre de l'espace Schengen, qui est précisément un espace sans frontières intérieures. De plus, prise dans le cadre d'une loi relative à la lutte contre le terrorisme, cette disposition n'a bien évidemment pas pour seul objet de lutter contre l'immigration clandestine, mais aussi de prévenir le terrorisme. Or, cette mission exige de pouvoir procéder à des contrôles dans les deux sens de circulation.

Ainsi, il me semble important de préciser, à l'instar de nos collègues sénateurs, que l'article 3 ne saurait être limité aux seuls contrôles d'identité menés dans le sens étranger-France. Cette interprétation est contraire à l'intention du législateur.

L'article 6 permet aux agents individuellement désignés et spécialement habilités des services de prévention du terrorisme d'accéder aux données techniques liées à l'utilisation de la téléphonie, fixe ou mobile, et de l'internet.

Pour permettre cet accès, l'article 6 de la loi prévoit que les opérateurs de communication électronique et les hébergeurs de sites internet sont tenus de communiquer ces données aux agents habilités des services anti-terroristes qui en font la demande.

Cet accès n'est cependant pas inconditionnel : les agents doivent formuler des demandes motivées auprès d'une « personnalité qualifiée », placée auprès du ministre de l'intérieur mais désignée par la Commission nationale de contrôle des interceptions de communication – CNCIS –, qui est une autorité administrative indépendante.

Le dispositif est applicable depuis le 2 mai 2007 s'agissant des opérateurs de communications électroniques. Il ne l'est cependant pas en ce qui concerne les hébergeurs de sites internet. Cette disposition est en effet inapplicable tant que n'aura pas été publié le décret d'application de l'article 6 de la loi du 10 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Ce décret serait cependant imminent. Madame la ministre, pouvez-vous nous le confirmer, même si votre ministère n'est pas « chef de file » dans la préparation de cet acte réglementaire ?

Les services de lutte contre le terrorisme ont aujourd'hui fait de ce nouvel outil un des instruments fondamentaux de leur arsenal de prévention des réseaux terroristes. Ce dispositif permet en effet de beaucoup mieux utiliser les moyens des services de lutte contre le terrorisme en facilitant le très important travail d'identification des personnes à suivre et en écartant, au contraire, les personnes ne présentant pas de danger, tout en étant parfois en relation avec une personne susceptible d'appartenir à un réseau terroriste. Cet instrument juridique est donc parfaitement adapté à la doctrine française de l'anti-terrorisme, fondée sur la détection précoce des réseaux terroristes.

Il me semble préférable de disposer d'un cadre juridique clair dans ce domaine, définissant précisément les données qui peuvent être transmises, les situations dans lesquelles il est acceptable de les transmettre, ainsi que les conditions d'habilitation et de traçabilité des demandes. D'ailleurs, ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel, qui a trouvé qu'il offrait un juste équilibre entre les libertés individuelles et les nécessités de l'ordre public.

Entre le début du mois de mai 2007, date de mise en oeuvre opérationnelle du dispositif, et la fin du mois d'août 2008, 49 896 demandes ont été adressées aux opérateurs, sachant que plusieurs dizaines peuvent concerner un même individu. Ces demandes concernent principalement la téléphonie mobile pour 78 %, la téléphonie fixe pour 18 % et internet pour près de 4 %.

Elles concernent, dans 73 % des cas, des recherches sur l'identification du titulaire d'un abonnement, soit une prestation dite de « l'annuaire inversé ».

Le dispositif de contrôle, prévu par la loi du 23 janvier 2006, fonctionne parfaitement. En amont, la personnalité qualifiée prend des décisions qui ne peuvent être contestées par les services, en se fondant sur le dialogue constant qu'elle entretient avec la CNCIS, elle-même chargée du contrôle a posteriori.

La CNCIS, dans son rapport annuel 2007 comme lors de son audition par nos collègues Éric Diard et Julien Dray dans le cadre de leur rapport d'application de février 2008, a d'ailleurs exprimé sa satisfaction sur le fonctionnement du dispositif

Enfin, l'article 9 de la loi a facilité l'accès par les agents chargés de la lutte contre le terrorisme à des informations dont ils pouvaient certes déjà avoir connaissance, notamment par l'intermédiaire des fonctionnaires des préfectures. Aujourd'hui, ils peuvent consulter directement un certain nombre de fichiers gérés par le ministère de l'intérieur ou le ministère de l'immigration, tels que le fichier national des immatriculations, les systèmes de gestion des permis de conduire, des cartes nationales d'identité ou des passeports.

Les actes réglementaires créant ces fichiers ont été modifiés afin de permettre leur consultation par les agents chargés de la lutte contre le terrorisme en application de l'article 9.

Cependant, ces dispositions réglementaires d'application ont également été prises temporairement et expireront le 31 décembre prochain. Lorsque la présente proposition de loi aura été adoptée et promulguée, il sera donc nécessaire de modifier, dans les plus brefs délais, les dispositions réglementaires précitées afin de proroger leur application. Nous espérons, madame la ministre, que les décrets en question pourront être très rapidement modifiés, afin d'éviter que nos services soient temporairement privés d'un outil efficace de lutte contre le terrorisme.

Avant 2006, lorsqu'un agent des services de renseignement avait besoin d'une information contenue dans un fichier administratif, il lui fallait s'adresser à un fonctionnaire disposant d'un accès. Désormais, les agents habilités des services de police chargés de la lutte contre le terrorisme peuvent y accéder directement. Cette nouvelle procédure présente trois avantages essentiels.

D'abord, la réactivité : les informations peuvent être consultées sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Ensuite, la confidentialité : si les informations consultées ne sont pas strictement confidentielles, il peut néanmoins être préférable de ne pas faire savoir à un tiers que les services de lutte contre le terrorisme sont intéressés par la situation administrative d'une personne ou par le numéro d'immatriculation de sa voiture. Enfin, la traçabilité : contrairement au système précédent, toutes les demandes de consultation de fichiers sont mémorisées, permettant de vérifier a posteriori leur caractère justifié ou non.

En conclusion, qu'il s'agisse des dispositions de l'article 3, de l'article 6 ou de l'article 9, je considère qu'elles ont montré leur utilité et qu'elles ne constituent nullement des mesures d'exception qui n'auraient vocation à s'appliquer que pour un laps de temps déterminé afin de faire face à un pic d'activités terroristes. Au contraire, mes chers collègues, elles répondent aux mutations du terrorisme et à l'évolution des technologies.

Dans l'immédiat, il nous faut permettre, au plus vite, la poursuite de l'application de ces dispositifs jusqu'au 31 décembre 2012. C'est pourquoi la commission des lois vous recommande d'adopter l'article unique de la proposition de loi sans modification. Cependant, d'ici à 2012, il nous faudra certainement réfléchir à pérenniser ces trois articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le terrorisme est une menace majeure face à laquelle une meilleure protection de la sécurité de nos concitoyens doit impérativement être recherchée. Il est indéniable que la France reste exposée à cette menace désormais protéiforme et planétaire.

Tout d'abord, je voudrais rendre hommage au travail et au professionnalisme des hommes et des femmes de nos services de renseignement qui sont en première ligne dans la prévention et la lutte contre le terrorisme.

Face à cette menace, le groupe socialiste a toujours été favorable à l'amélioration et à l'adaptation des outils juridiques, notamment au regard de l'évolution rapide des modes opératoires des réseaux terroristes. La démocratie doit assumer, en toute transparence, les pouvoirs qui lui sont donnés pour prévenir et empêcher des attentats. Mais cette conviction s'accompagne de deux exigences.

La première, c'est le refus d'une fuite en avant dans le tout technologique, alors que la force du modèle français de prévention et de lutte contre le terrorisme est fondée sur la qualité d'un travail de renseignement humain. Nous disposons d'un arsenal juridique préventif qui est l'un des plus avancés du monde, ainsi que d'un modèle fondé sur le renseignement humain – s'informant, traquant, prévenant en amont l'acte terroriste – qui a fait la preuve de son efficacité, même si, nous le savons bien, rien ne peut nous mettre complètement à l'abri du risque d'un attentat. Nous considérons que la particularité et l'originalité du modèle français doivent être préservées.

Notre seconde exigence, majeure, c'est le refus de lois d'exception. Nous avons la conviction que c'est par la démocratie, par l'État de droit et par la confiance dans nos valeurs républicaines qu'il faut combattre ceux qui veulent semer la peur et la terreur dans nos démocraties.

Le combat contre le terrorisme n'est pas qu'une affaire de techniques policières. C'est un combat politique, un combat de valeur, qui oppose non les civilisations, encore moins les religions, mais l'universalité de la démocratie, d'un côté, et le fanatisme, le totalitarisme et le fondamentalisme, de l'autre. La meilleure réponse aux attentats, ce n'est pas d'adopter un PATRIOT Act. Le nouveau Président élu des États-Unis, Barack Obama, l'a parfaitement compris, qui a annoncé sa décision de fermer Guantanamo pour affirmer que les États-Unis luttent contre le terrorisme, mais certainement pas en pratiquant la torture parce que chaque entorse à l'État de droit, chaque loi d'exception fournissent un argument de recrutement au djihadisme.

Préserver et améliorer le modèle français de prévention des attentats, améliorer nos outils dans le cadre du strict respect de l'État de droit, voilà comment l'opposition conçoit sa responsabilité face à la menace terroriste.

C'est cet esprit de responsabilité qui, en 2005, nous a amenés à ne pas nous opposer au projet de loi – devenu la loi du 23 janvier 2006 – que le gouvernement avait présenté après les attentats de Londres. Nous étions d'accord avec certaines dispositions de cette loi, mais nous nous sommes abstenus pour deux raisons principales. Tout d'abord, nous aurions souhaité qu'un texte d'une telle importance soit exclusivement consacré à la lutte contre le terrorisme. Or diverses mesures qui n'étaient pas directement liées à cet objectif avaient été introduites dans ce texte, induisant une confusion des finalités.

Je pense, par exemple, aux dispositions relatives aux contrôles frontaliers qui visent, à n'en pas douter, à lutter contre l'immigration clandestine. Nous avions demandé avec insistance à votre prédécesseur, madame la ministre, qu'il ne soit pas fait d'amalgame entre le terrorisme et l'immigration.

Cet amalgame est inacceptable et dangereux, car il jette la suspicion sur nos compatriotes immigrés qui sont ici chez eux. Et, s'il faut prendre des mesures pour lutter contre l'immigration irrégulière, celles-ci n'ont rien à faire dans une loi sur le terrorisme.

Cet amalgame procède aussi d'une erreur d'analyse de l'évolution de la menace à laquelle nous sommes confrontés. Nous le savons bien – et les attentats de Londres l'ont montré –, la menace ne vient plus seulement de l'extérieur. C'est celle d'un terrorisme endogène, avec des cellules autonomes aux recrutements locaux. C'est sur ce modèle de recrutement endogène que fonctionne la nébuleuse Al-Qaida.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Vous n'y connaissez pas grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La deuxième raison de notre abstention, en 2006, était liée à l'exigence, pour nous, d'un contrôle démocratique des services de renseignement. Le renforcement de leurs pouvoirs devait, à nos yeux, avoir pour contrepartie un réel contrôle démocratique qui existe dans bien des pays, mais pas en France.

Dans le débat de 2005, des députés siégeant sur tous les bancs de cet hémicycle – Alain Marsaud, Julien Dray et Jacques Floch – avaient soutenu la proposition de la création d'une délégation parlementaire chargée du contrôle des services de renseignement. Nicolas Sarkozy avait alors pris l'engagement formel, solennel, d'accepter la création d'une telle délégation. Le temps a passé et des résistances se sont mobilisées. La délégation a finalement été créée en juillet 2007, mais avec des pouvoirs et des prérogatives tellement limités qu'elle ne porte même plus le nom de « contrôle ». La promesse d'un plus grand regard démocratique sur les activités de nos services n'a donc pas été tenue.

Je retrace cette histoire et l'évolution de nos débats parlementaires, car elles ne sont pas indifférentes au regard du texte que nous examinons aujourd'hui.

Dans sa sagesse, le législateur a prévu dans la loi de 2006 que certains articles – les articles 3, 6, 9 – auraient une durée de vie limitée, pour que le Parlement soit amené à réexaminer ces dispositions sur le fond.

Considérant l'importance des pouvoirs qui étaient donnés dans un cadre administratif et non judiciaire, pour prévenir le terrorisme, le législateur avait ainsi entouré ces dispositions d'une garantie supplémentaire. À l'usage, les dispositions des articles 6 et 9 se sont révélées utiles. Pour une part, en ce qui concerne l'article 9, il s'agissait de légaliser une pratique ancienne concernant l'accès aux fichiers administratifs du ministère de l'intérieur. Quant à l'article 6, et les réquisitions administratives des données de connexion, les garanties qui entourent ce dispositif, notamment avec le contrôle de la personnalité qualifiée et de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, fonctionnent bien, ce qui prouve d'ailleurs que les garanties de contrôle ne sont pas un obstacle à l'efficacité.

En revanche, l'article 3 concernant les contrôles à bord des trains internationaux nous paraît, à l'usage, bien relever de la logique de confusion des finalités avec la lutte contre l'immigration irrégulière que j'ai dénoncée en préambule.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Vous soutenez l'immigration irrégulière alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Sur l'application de l'ensemble de la loi de 2006, le Parlement a fourni un travail d'évaluation exhaustif, avec le rapport d'évaluation d'Éric Diard et de Julien Dray. La logique aurait voulu que notre Assemblée se saisisse de ce rapport d'évaluation et corrige certaines dispositions, en prolonge d'autres, en ajoute de nouvelles.

Un travail parlementaire sérieux aurait ainsi conduit à examiner les raisons pour lesquelles le décret en Conseil d'État sur l'identification des personnes mettant en ligne des contenus sur internet n'est toujours pas publié depuis près de quatre ans, alors que, en février dernier, le Gouvernement nous annonçait sa publication comme imminente.

De la même façon, de nombreuses fragilités subsistent dans nos dispositifs de prévention du terrorisme, car certaines obligations n'ont toujours pas été clairement fixées par l'État aux opérateurs de communication, qu'il s'agisse des téléphones mobiles, des cartes d'appel prépayées, des mobiles jetables ou des fournisseurs d'accès à internet. Or seule la loi peut obliger les opérateurs à une meilleure coopération.

La proposition de loi qui est présentée aujourd'hui ne vise pas à résoudre ces problèmes et à examiner sérieusement et complètement les failles de nos dispositifs. Elle contourne l'esprit de la loi de 2006 pour prolonger les dispositions transitoires sans autre considération, non plus pour une durée de trois ans, mais au-delà de la fin de la législature.

Il nous est demandé de légiférer dans l'urgence, pour prolonger ces dispositions, car le couperet va tomber le 31 décembre prochain. Depuis le début de la législature, le Gouvernement a été incapable d'inscrire à l'ordre du jour le moindre texte concernant la sécurité des Français, qui aurait pu servir de véhicule législatif à la mise à jour des dispositions concernant la lutte contre le terrorisme.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Et d'agir trop vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le Parlement est donc privé du rôle qu'il doit jouer et qu'il s'était lui-même fixé. La discussion est close avant même d'avoir commencé, puisque la rédaction de l'article unique de cette proposition nous interdit d'entrer dans le détail des dispositions des articles 3, 6 et 9, par exemple pour amender l'article 3 et faire en sorte que son usage soit exclusivement réservé à la finalité de la prévention du terrorisme, ou pour modifier l'article 7 sur les données PNR et tenir compte des objections importantes émanant aujourd'hui même du Parlement européen au regard du principe de protection des données personnelles.

On nous demande un vote bloqué, un vote conforme au texte du Sénat. Chers collègues, nous désapprouvons cette méthode qui ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons du rôle du Parlement dans l'évaluation de l'application des lois, ni à l'idée que nous nous faisons du contrôle démocratique en matière de lutte contre le terrorisme.

Notre débat intervient après une importante réforme des services de renseignements, avec la fusion de la DST et d'une partie des renseignements généraux, et une réorganisation complète des missions attribuées, d'un côté, à la nouvelle Direction centrale du renseignement intérieur et, de l'autre, à la nouvelle sous-direction de l'information générale. Cette réforme, au demeurant, est pertinente, mais le Parlement n'y a pas été associé, n'en a été informé ni de près ni de loin, si ce n'est au détour du débat budgétaire.

Notre débat d'aujourd'hui intervient alors que, depuis des semaines, nous demandons un débat parlementaire sur le fichier de renseignement EDVIGE, débat qui nous est refusé. Il intervient alors que, depuis des semaines, nous demandons une loi encadrant les fichiers et les missions des services de renseignement et alors que nous avons déposé une demande de création d'une commission d'enquête à la suite des révélations récentes et extrêmement graves sur les agissements des anciens services des renseignements généraux et sur les agissements des officines de sécurité privées.

Le Gouvernement nous refuse des débats nécessaires, et nous demande, avec cette proposition de loi, de lui sauver la mise. Nous ne pouvons pas l'approuver. Dans ce contexte, face à cette accumulation, le groupe socialiste ne peut souscrire à une démarche qui court-circuite délibérément la représentation nationale. Lorsqu'il s'agit de lutter contre le terrorisme, l'opposition a un seul mot d'ordre : l'esprit de responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous devons exercer cette responsabilité pour une meilleure protection de nos concitoyens, en donnant à nos services les outils juridiques dont ils ont besoin pour déjouer des attentats. Mais nous devons aussi l'exercer – car c'est le rôle particulier de l'opposition – pour garantir un bon fonctionnement démocratique et un bon travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La méthode utilisée aujourd'hui ne satisfait nullement à cette exigence. Le Gouvernement se refuse à accepter que les parlementaires que nous sommes aient le moindre droit de regard sur les services de renseignement.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Dès lors, nous ne pouvons que voter contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les attentats du 11 septembre ont servi de prétexte pour justifier un nouvel ordre mondial fondé sur la loi du plus fort, la domination et la peur de l'autre. Ils ont également suscité – à juste titre, soulignons-le – une mobilisation sans précédent dans la lutte contre le terrorisme, laquelle a connu une accélération vertigineuse.

Les législations antiterroristes d'exception se sont ainsi répandues comme une traînée de poudre au niveau international, communautaire et national. Désormais, les législations sécuritaires tendent à se pérenniser, et la lutte antiterroriste devient un élément contextuel de tous les systèmes juridiques. Cette proposition de loi en fournit un exemple frappant.

Le terrorisme, sous toutes ses formes, où qu'il se produise et quels qu'en soient les responsables, ne saurait être justifié. Notre détermination à l'éradiquer ne doit pas être mise en doute. Mais, justement parce que l'enjeu est grave, nous refusons d'envisager les relations internationales sous le seul angle des rapports de force sécuritaires et guerriers.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cette approche est réductrice et, j'en suis profondément convaincu, contre-productive. Il ne s'agit pas d'angélisme, mais de réalisme ! Voyez l'évolution qu'a connue le terrorisme depuis que ces dispositions ont été adoptées. La menace n'est-elle pas plus importante aujourd'hui ? Je l'ai en tout cas entendu dire de votre côté de l'hémicycle. Or, à mon sens, les stratégies de guerre n'y sont pas étrangères.

Voilà pourquoi nous refusons de cautionner l'effet d'aubaine de la menace terroriste, qui permet de justifier des dispositions sécuritaires souvent fort éloignées des nécessités de la lutte contre le terrorisme. À ce jeu, l'État de droit est de plus en plus menacé par les restrictions qu'il apporte aux droits fondamentaux sur lesquels il repose.

Soyons clairs : il ne s'agit pas de soupçonner chaque mesure antiterroriste de mettre l'État de droit en danger ; nous admettons naturellement que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles. Cependant, nous nous méfions de toutes les justifications fondées sur le caractère exceptionnel d'une situation, en raison des risques de dérive vers des pratiques contraires à l'État de droit.

Or c'est au nom de cette logique que la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, ou LAT, prévoyait l'accès facilité aux fichiers, le contrôle des déplacements, le développement de la vidéosurveillance ou l'augmentation des peines de prison. On nous demande aujourd'hui de prolonger l'application de trois de ses articles, pourtant présentés à l'époque comme des mesures exceptionnelles visant à faire face au niveau élevé de la menace terroriste. Ces dispositions, qui interfèrent directement avec l'exercice des libertés publiques et des droits fondamentaux, avaient en effet été adoptées à titre temporaire, afin que le législateur puisse en évaluer la pertinence à l'issue d'une période d'expérimentation qui devait prendre fin le 31 décembre 2008. La proposition de loi de M. Haenel tend à prolonger leur application pour quatre années supplémentaires, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2012.

Permettez-moi tout d'abord quelques remarques de forme. Si la clause de rendez-vous fixée au 31 décembre 2008 a été respectée, il est regrettable que le Gouvernement se soit défaussé de sa responsabilité et n'ait pas lui-même pris l'initiative de saisir le Parlement afin de réexaminer et d'évaluer des dispositions aussi fondamentales concernant la sécurité et les libertés publiques. Comment interpréter ce dessaisissement ? Est-il dû au fait que le Gouvernement n'a pas respecté l'obligation de déposer les rapports annuels d'évaluation de la LAT, obligation prévue à l'article 32 ? En effet, nous ne disposons aujourd'hui que d'un rapport d'information, publié le 5 février 2008 par deux députés. Quelles qu'en soient les qualités, il ne saurait suffire à évaluer les résultats de l'expérimentation autorisée par la LAT et l'efficacité de ses dispositifs.

Dès lors, est-il bien sérieux de demander à la représentation nationale de se prononcer sur la prorogation pour quatre années supplémentaires – ce qui n'est pas rien – d'un dispositif exceptionnel qui affecte les libertés publiques, en l'absence d'une évaluation précise de ses effets et de ses résultats ?

Au-delà de ces remarques de forme, on peut s'interroger sur le bien-fondé des mesures exceptionnelles et provisoires adoptées en 2006. En effet, les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006 sont loin d'être insignifiants : ils ont trait aux contrôles d'identité sur les lignes ferroviaires internationales, à la communication de données, à l'identification ou à la connexion à des services de communications électroniques, ainsi qu'à l'accès direct à des fichiers.

Ainsi l'article 3 n'a-t-il pas pour unique objet de prévenir ou de réprimer le terrorisme, mais s'inscrit dans le cadre général des contrôles d'identité destinés à compenser la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen. Les dispositions qu'il contient servent en fait essentiellement à lutter contre l'immigration clandestine. Depuis avril 2008, 155 des 254 interpellations qui ont eu lieu dans le prolongement de la frontière franco-allemande, soit deux tiers d'entre elles, concernaient des étrangers en situation irrégulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Il y a aussi des terroristes parmi les Français ou les étrangers en situation régulière !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je termine, monsieur le président de la commission !

Nous refusons par conséquent la prorogation de cet article, fidèle à la tendance à assimiler immigrés et terroristes potentiels. Cet amalgame entre terrorisme et immigration dans les différentes lois relatives à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme est inacceptable et, je le répète, contre-productif.

Nous sommes également opposés à l'article 6, qui permet la réquisition administrative des données de connexion en dehors de tout contrôle du juge judiciaire. Vous le savez, il a fait l'objet de réserves de la part de la CNIL. D'autre part, en dépit de l'urgence déclarée par le Gouvernement, force est de constater qu'un décret n'a toujours pas été pris et que la procédure ne fonctionne réellement que depuis moins d'un an et demi.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

La loi date de 2006, monsieur Vaxès : la procédure ne pouvait fonctionner avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

De même, nous refusons la prorogation de l'article 9, relatif à l'accès des services de police et de gendarmerie aux fichiers administratifs – immatriculations, permis de conduire, cartes nationales d'identité, passeports, données diverses relatives aux ressortissants étrangers. La CNIL a particulièrement attiré notre attention sur l'exigence de traçabilité des consultations, afin d'éviter des utilisations abusives étrangères, et sur la nécessité de veiller à ce que cet accès soit réduit à de simples consultations excluant toute extraction de données. Or cette proposition n'offre aucune de ces garanties.

Nous voterons donc contre cette proposition de loi visant à prolonger, pour quatre années supplémentaires, un dispositif exceptionnel affectant l'exercice des libertés publiques et dont l'efficacité ne nous a nullement été prouvée – ou qui, en tout cas, n'a fait l'objet d'aucun bilan. Inscrite dans la lignée d'un arsenal législatif sécuritaire stigmatisant une catégorie de population, la population immigrée, elle ne constitue absolument pas un remède approprié au fléau mondial du terrorisme, lequel, malgré la multiplication des mesures et des pratiques antiterroristes, ne cesse de se développer.

J'y avais longuement insisté lors de la discussion du texte initial, combattre le terrorisme suppose au fond de combattre ce qui le nourrit : la misère des peuples et leur humiliation par des comportements dominateurs. Les interventions militaires en Afghanistan et en Irak, qui ont contribué à accroître les tensions et à développer l'insécurité ; l'aggravation des inégalités entre pays riches et pauvres, que la crise financière continuera de creuser : tels sont bien les maux qui forment le terreau du terrorisme. Ce sont eux qu'il faut de toute urgence soigner.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la ministre, il est des causes qui devraient réunir la représentation nationale ; la lutte contre le terrorisme fait partie de ces causes qui nous obligent. Au nom des députés du groupe Nouveau Centre, j'aimerais vous apporter mon soutien dans la mission extrêmement difficile qui est la vôtre : assurer la sécurité des personnes sur le territoire national.

J'ai écouté attentivement les orateurs de l'opposition. Qu'il est difficile de faire partie de l'opposition et de devoir tout critiquer ! J'ai ainsi entendu Mme Batho nous donner des leçons sur la bonne manière de lutter contre le terrorisme, et M. Vaxès procéder à des amalgames inadmissibles.

Rapporteur pour le Conseil de l'Europe et sa commission juridique, au lendemain des événements tragiques de 2001, d'une recommandation sur la nécessité de lutter contre le terrorisme tout en respectant les libertés essentielles et les droits de l'homme, j'ai également été l'auteur d'une proposition de loi tendant à instaurer une délégation parlementaire chargée de contrôler les services de lutte contre le terrorisme. Qui a appliqué ces préconisations ? C'est votre Gouvernement, madame la ministre.

Si le respect des libertés individuelles dans le texte qui nous est soumis faisait l'objet du moindre doute, je ne vous apporterais pas le soutien de mon groupe. Je ne le fais que parce que la prorogation des mesures qu'il contient ne pose aucun problème. On pourrait bien entendu regretter que cette prorogation ne dépende pas d'une initiative gouvernementale, mais l'essentiel est de prévenir et de combattre efficacement le terrorisme. Le sénateur Haenel valorise le Parlement, comme c'est son rôle…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

…en prorogeant des mesures adoptées il y a moins de trois ans, et dont notre excellent rapporteur, sous la responsabilité du président de la commission des lois, a dressé un bilan prouvant la nécessité de reconduire l'autorisation de relever les identités. En quoi entrave-t-on la liberté de quelqu'un qui n'a rien à se reprocher en lui demandant de décliner son identité dans le train ? Gardons-nous de certaines comparaisons et de certaines leçons, car la priorité est la sécurité de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Hunault

Madame la ministre, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, je sais que vous faites en sorte d'harmoniser cette lutte au sein des vingt-sept États membres par des moyens accrus. En effet, nous devons concilier l'exigence de sécurité et d'efficacité et le respect des libertés essentielles.

Je vous félicite également de l'arrestation d'un terroriste particulièrement dangereux appartenant à l'ETA – car le terrorisme a de multiples visages. On ne mesure jamais assez que ce type d'action est dû à des hommes et à des femmes qui contribuent à la sécurité de la nation.

J'en viens à la proposition de loi, qui, vous l'avez dit, se compose d'un article unique visant à prolonger jusqu'au 31 décembre 2012 les effets de trois dispositions de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers. Il s'agit tout d'abord de l'article 3, qui permet de procéder à des contrôles d'identité sur les lignes ferroviaires transnationales à plus de vingt kilomètres de la frontière. C'est une question de bon sens : étant donné la vitesse à laquelle roule un TGV, est-il concevable qu'un contrôleur ne puisse exercer sa mission que pendant une minute cinquante ?

L'article 6 prévoit la mise en place d'un régime de réquisition administrative des données de connexion, reposant sur un dispositif extrêmement encadré – j'y insiste – d'accès de certains agents des services chargés de la prévention du terrorisme aux données conservées par les opérateurs de communication électronique et les hébergeurs de site internet. Il répond aux préoccupations que le Conseil constitutionnel a exprimées dans sa décision du 19 janvier 2006 : « Le législateur a assorti la procédure de réquisition de données techniques qu'il a instituée de limitations et de précautions, propres à assurer la conciliation qui lui incombe entre, d'une part, le respect de la vie privée des personnes et la liberté d'entreprendre des opérateurs, et, d'autre part, la prévention des actes terroristes, à laquelle concourt ladite procédure. »

Pour avoir lieu, une demande de réquisition des données de connexion doit faire l'objet non d'un simple avis mais d'une validation par une personnalité qualifiée placée auprès de votre ministère, madame la ministre. Le nombre des rejets et de demandes complémentaires formulées par la personnalité qualifiée atteste, si besoin en était, du caractère satisfaisant de cette procédure.

L'article 9 autorise, quant à lui, les agents des services chargés de la lutte antiterroriste d'accéder directement à certains fichiers administratifs, tels le fichier national des immatriculations, les systèmes nationaux de gestion des permis de conduire, des cartes nationales d'identité, des passeports, le système informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, le traitement informatisé des empreintes digitales et de la photographie des ressortissants étrangers ainsi que celui des demandeurs de visa. La CNIL a appelé l'attention sur les garanties qui devaient entourer cette procédure et sur l'importance de la traçabilité des consultations.

Madame la ministre, sachez que vous pouvez compter sur l'entier soutien du groupe Nouveau Centre dans la mission qui est la vôtre. Il suffit de se rendre dans les pays voisins pour constater que des mesures analogues sont prises sans que personne n'ose remettre en cause les exigences qu'impose la sécurité nationale.

C'est l'honneur du Gouvernement et de sa majorité de faire en sorte que la lutte contre le terrorisme soit menée dans le respect des normes juridiques. À cet égard, je saluerai le travail accompli par le Conseil de l'Europe, en particulier par la délégation française à laquelle notre collègue Rochebloine apporte son efficace contribution. Soyez assurée que nous resterons vigilants quant au respect des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette semaine, la chaîne de télévision Al Arabiya a diffusé un enregistrement vidéo contenant cet avertissement : « Si les Français ne se retirent pas d'Afghanistan, ils entendront notre réponse à Paris. » Simple opération de communication des talibans à destination de l'opinion publique ou réelle menace pesant sur notre pays ? Allez savoir. Toujours est-il que l'existence même de cette déclaration vient nous rappeler que, dans le monde tourmenté qui est le nôtre, la sécurité des Français doit rester l'un de nos devoirs les plus sacrés. Les événements de la semaine dernière, en Corrèze et au Pays basque, sont là pour nous le rappeler. Je suis d'ailleurs intervenu mercredi 12 novembre à ce sujet dans le cadre des questions au Gouvernement.

Les raisons qui avaient poussé, en 2006, le Gouvernement et le ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, à présenter au Parlement un projet de loi visant à mettre en oeuvre les moyens propres à dissuader et à combattre le terrorisme demeurent d'actualité, notre rapporteur les a rappelées tout à l'heure.

Il aurait été irresponsable d'imaginer un seul instant que ce qui s'était produit à New York, à Londres et à Madrid pouvait ne pas concerner la France. Face à la menace du terrorisme, il aurait été illusoire de faire preuve d'attentisme ou d'angélisme, comme j'ai cru le percevoir sur certains bancs ici même. Nos concitoyens attendent au contraire de leurs dirigeants qu'ils mettent tout en oeuvre pour éviter un drame et non qu'ils se contentent de retrouver les coupables qui en sont à l'origine.

Avec le projet de loi de 2006, il s'agissait donc de prévenir le terrorisme pour ne pas avoir à le subir, de parer les coups plutôt de panser les plaies.

Je ne reviendrai pas, bien sûr, sur l'intégralité des dispositifs alors mis en place. Ils ont montré leur pertinence – c'est bien le moins qu'on puisse en attendre – et surtout leur efficacité. Je me bornerai à ce qui constitue l'objet du texte qui nous est soumis aujourd'hui, c'est-à-dire les articles 3, 6 et 9 de la loi du 23 janvier 2006, autrement dit les articles les plus sensibles de cette loi.

L'examen de certaines dispositions de la loi de 2006 a suscité de nombreux commentaires et critiques sur une prétendue atteinte aux libertés publiques. La loi ne doit évidemment pas être liberticide, mais les démocraties ont le devoir de se protéger. L'objectif était simple, et il l'est tout autant aujourd'hui : ne pas baisser la garde face à tous ceux qui ont tenté ou qui pourraient être à nouveau tentés de frapper notre pays et ses alliés. La France n'est pas Guantanamo, madame Batho !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je n'ai jamais dit cela ! Ne soyez pas caricatural !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Aucune des mesures prises n'est attentatoire aux libertés individuelles. Néanmoins, le gouvernement de l'époque avait voulu apporter une garantie supplémentaire en prévoyant une clause de rendez-vous en 2008, qui nous amène aujourd'hui à nous retrouver.

Les dispositions les plus sensibles du projet de loi ont été mises en place pour une durée de trois ans. Il était donc clairement prévu que l'on se retrouve en 2008. Je rappelle d'ailleurs qu'une telle clause figurait déjà dans la loi votée à l'automne 2001, après les attentats du 11 septembre, à l'initiative du gouvernement de Lionel Jospin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Vous voyez donc, madame Batho, que nous sommes en adéquation avec les lois antérieures.

Par cette clause, le Gouvernement entendait montrer que nos stratégies et nos dispositions légales doivent s'inscrire dans un processus d'évaluation et d'adaptation permanent, à l'image même des menaces, qui évoluent constamment. La révision constitutionnelle a rendu les démarches d'évaluation d'actualité et je me réjouis que nous en trouvions une application aujourd'hui. En matière de terrorisme et de sécurité, il est plus que justifié d'évaluer. Il serait en effet curieux que les terroristes soient capables de s'adapter à l'organisation de l'État et que l'État lui-même ne soit pas en mesure de s'adapter à l'organisation des terroristes. À cet égard, félicitons ici tous ceux qui, au sein des services de renseignement, oeuvrent au quotidien et protègent notre pays et nos concitoyens.

Le rendez-vous était fixé à 2008 : nous sommes à l'heure. Nous sommes même particulièrement ponctuels puisque, dès la fin du mois de janvier de cette année, nos collègues Diard et Dray présentaient devant la commission des lois un rapport sur la mise en application de la loi de 2006. Il y était montré, aux nuances près exposées par notre collègue Dray, l'efficacité des mesures prises dans le cadre des articles 3, 6 et 9 de la loi.

L'article 3 prévoit des contrôles d'identité préventifs dans les trains transfrontaliers. La liste des lignes et des arrêts concernés par ce nouveau dispositif est fixée par arrêté ministériel. Cette disposition a déjà été très largement utilisée par le service national de la police ferroviaire sur des liaisons avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse et l'Italie. Des patrouilles mixtes ont ainsi été créées et ont permis de nombreuses interpellations, ce dont nous pouvons nous réjouir.

L'article 6 prévoit, quant à lui, la réquisition administrative des données de connexion relatives aux utilisateurs de communications électroniques. Il s'agit de faciliter la prévention des actes terroristes par la collecte et la vérification rapide de renseignements opérationnels. Le 2 mai 2007, l'unité de coordination de la lutte anti-terroriste a ainsi mis en place une plateforme de gestion des demandes relatives aux données techniques adressées aux opérateurs de téléphonie, aux sociétés de commercialisation et de services et aux fournisseurs d'accès internet, conformément aux dispositions de l'article 6.

Je dois rappeler, pour rassurer certains une fois encore, que l'application de cet article est particulièrement encadrée. D'une part, les données pouvant faire l'objet de cette demande sont limitées. D'autre part, les demandes des agents sont motivées et soumises à la décision d'une personnalité qualifiée.

Depuis le 2 mai 2007, près de 50 000 demandes – 49 896 pour être précis – ont été validées et envoyées aux opérateurs. Les différentes investigations à caractère administratif conduites en application de cet article ont également permis de vérifier et de traiter de nombreux renseignements. Grâce aux résultats tout à fait probants qui ont été obtenus, nous avons été en mesure de répondre aux interlocuteurs internationaux associés dans la lutte anti-terroriste contre certains réseaux : je pense à des pays comme l'Espagne, l'Allemagne, la Turquie, le Sri Lanka, ou à des organismes comme Europol ou Interpol. Nous avons également pu procéder à des vérifications à propos de suspicions qui ne doivent pas être négligées, compte tenu du danger potentiel de certains individus ou réseaux.

Enfin, l'article 9 a pour objet de définir les dispositions relatives à des traitements automatisés de données à caractère personnel, dont la consultation est nécessaire à la prévention du terrorisme. À ce titre, il donne la possibilité aux services spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme d'accéder, dans le cadre de la police administrative, à différents traitements automatisés existants ou prévus par le code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile. Bien sûr, ces procédures sont conformes à la loi « Informatique et libertés » du 6 janvier 1978 et sont placées sous le contrôle de la CNIL. Je suis particulièrement sensible à cet aspect, en tant que commissaire représentant l'Assemblée nationale au sein de cette autorité.

Cinq fichiers sont principalement concernés : le fichier national des immatriculations, le système national de gestion des permis de conduire, le système de gestion des cartes nationales d'identité, le système de gestion des passeports, enfin, le traitement informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers.

L'utilisation de ces dispositions a permis de mettre au jour des faux documents réalisés par certains réseaux – ETA, organisations islamistes – et de vérifier ou d'obtenir des éléments sur l'identité d'individus mis en cause dans des affaires judiciaires. Point important, elle a également fait gagner un temps précieux s'agissant de la vérification d'éléments d'enquête ou de renseignements souvent nombreux et longs à rechercher auprès des services préfectoraux ou même parfois impossibles à obtenir des opérateurs.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport de la commission des lois a démontré la pertinence opérationnelle et l'efficacité des mesures prises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Par ailleurs, il faut rappeler que leur mise en oeuvre n'a jamais donné lieu à une quelconque contestation devant les services de la justice. Autrement dit, aucun abus ou utilisation détournée de ces dispositifs n'a été révélé. Nous sommes, nous aussi, attachés à l'État de droit, vous n'en avez pas le monopole, chers collègues de l'opposition.

Aujourd'hui, il nous est proposé de proroger les dispositions de ces trois articles jusqu'au 31 décembre 2012. C'est bien le moins que l'on puisse faire. Félicitons nous qu'un nouveau rendez-vous soit fixé pour 2012 alors que, par facilité, le choix aurait pu être fait d'enterrer définitivement ces dispositions temporaires. La clause de revoyure existe bel et bien.

Il ne s'agit pas, comme l'a écrit Julien Dray dans sa contribution au rapport, de « céder à une sorte de fatalisme juridique ou d'agir sous la pression d'hypothétiques menaces », ou encore d'agiter un quelconque chiffon rouge. Contrairement à ce que peut penser M. Vaxès, nous ne versons pas dans les arguties sécuritaires.

Les menaces qui pèsent sur notre pays, sur nos concitoyens et sur nous-mêmes n'ont rien d'hypothétique. Protéiformes et diffuses, elles n'en sont pas moins réelles. Le terrorisme peut réapparaître. Il est peut-être prêt à se manifester, dans un train, dans un lieu public, dans la rue, n'importe où. Toute la vulnérabilité de nos démocraties est là. Il leur faut donc s'organiser pour ne pas subir.

Afin d'éviter tout cela, pour nous empêcher d'avoir à penser qu'il était « trop tard », qu'« il aurait fallu », je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, à vous prononcer en conscience, dans l'État de droit qui est le nôtre, en faveur de la prorogation de l'application des articles 3, 6 et 9 en adoptant l'article unique de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, je tiens d'abord à remercier M. le rapporteur pour son exposé extrêmement clair et complet qui souligne parfaitement le bien-fondé de cette loi et des mesures qu'elle tend à proroger.

Je tiens également à remercier M. Gosselin et M. Hunault pour avoir bien situé la menace. Effectivement, la menace est réelle, et si elle ne s'est pas concrétisée, c'est certainement grâce au travail qui a été accompli par nos services. Si nous avons arrêté, à plusieurs reprises, des dizaines de personnes qui étaient en train de préparer des attentats ou susceptibles de le faire, c'est bien grâce à l'action de ces services qui utilisent les moyens mis à leur disposition.

J'entends bien qu'on ne lutte pas contre le terrorisme uniquement avec des moyens policiers. Quand on analyse les terrorismes, on voit en effet qu'il convient de travailler avec l'ensemble des moyens qui sont à notre disposition, notamment les moyens diplomatiques, pour essayer de régler certains conflits ou les grandes disparités économiques qui servent de prétexte au terrorisme. Et, une fois que l'on a agi, pour protéger au quotidien nos concitoyens, il faut utiliser obligatoirement les moyens militaires pour aller chercher le terrorisme là où il se produit, en particulier en Afghanistan, mais aussi les moyens policiers pour assurer la protection de notre territoire ainsi que du territoire européen.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Certains font de l'angélisme, et c'est extrêmement dangereux. Il suffit de rappeler les attentats de Madrid et de Londres et, plus récemment, les attentats qui ont été déjoués en Allemagne ou en Hollande. Il ne s'agit pas de fantasmes, mais d'une réalité. Et il est de la responsabilité du Gouvernement de savoir y faire face. Je sais très bien ce qui se passerait en cas d'attentat sur notre territoire : ceux qui, aujourd'hui, veulent priver les services de moyens, seraient les premiers à reprocher au Gouvernement de ne pas avoir pris les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Aussi faut-il être sérieux quand on aborde ce type de question.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

En ce qui concerne l'initiative parlementaire, j'ai entendu beaucoup de propos contradictoires et embarrassés de la part de l'opposition.

Des explications claires sur le support législatif utilisé ont été données par le rapporteur, par M. Hunault et M. Gosselin. S'il était prévu que le Gouvernement prenne l'initiative de ce texte, il se trouve que l'agenda parlementaire rendait impossible sa discussion. Dès lors, fallait-il, madame Batho, dépouiller les services de cette possibilité ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Dans un certain nombre de cas, il faut, au contraire, être concret et pragmatique.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Nous répondons à un besoin et je ne suis pas choquée qu'il s'agisse d'une initiative parlementaire, et encore moins dans le cadre de la réforme constitutionnelle que nous avons voulue pour moderniser nos institutions. Mais il est vrai que vous ne l'avez pas votée, ce qui peut vouloir dire que vous n'êtes pas pour la modernisation des institutions.

En ce qui concerne le terrorisme, là encore, que de contradictions et d'embarras. Comment expliquer qu'on veut protéger des Français contre le terrorisme tout en refusant de donner à ceux qui sont chargés de les protéger les moyens dont ils ont besoin ? Mais cela fait partie aussi de vos contradictions. J'ai entendu d'autres erreurs qu'il ne me paraît pas utile de rappeler.

En ce qui concerne les patrouilles ferroviaires, il est important que les contrôles à bord des trains soient effectués dans les deux sens. C'est dans la logique du texte et cela fait partie de la solidarité européenne. Quand nous contrôlons quelqu'un qui sort de notre territoire, nous exerçons aussi notre solidarité à l'égard du pays voisin, et inversement. Vous dites qu'il s'agit de contrôler l'immigration illégale. Non, le but est bien de contrôler le risque terroriste et les personnes susceptibles d'être des terroristes. Mais, s'il se trouve que la personne que l'on contrôle est dans une situation illégale, les services sont tenus, de par la structure juridique, de le signaler. D'ailleurs, je vous rappelle que tout citoyen qui se trouve devant une situation illégale est tenu de la signaler.

J'en viens aux moyens donnés à la Direction centrale du renseignement intérieur. Madame Batho, vous prétendez que le Gouvernement n'aurait pas voulu informer le Parlement sur les conditions de création de la DCRI. Je rappelle que, chaque fois que la commission des lois ou celle de la défense a souhaité m'auditionner, je suis venue répondre aux questions qui m'étaient posées.

J'ajoute que la délégation parlementaire au renseignement que nous avons créée a été associée à la réforme de la DCRI. Mais peut-être l'avez-vous oublié, comme vous avez oublié que j'avais annoncé le retrait du décret autorisant la mise en place du fichier EDVIGE sur lequel vous voulez un débat parlementaire. Je veux bien qu'un débat ait lieu sur un texte qui a été retiré, mais je pense que les parlementaires ont des choses plus intéressantes à faire. En l'espèce, comme le décret relatif au retrait du décret sur le fichier EDVIGE a déjà été publié au Journal officiel, il s'agirait sans doute d'une loi mémorielle sur EDVIGE. Or le président de l'Assemblée nationale ne vient-t-il pas de dire qu'il ne souhaitait pas que soient votées de nouvelles lois mémorielles ?

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

J'en viens maintenant à l'accès aux fichiers. L'utilisation des fichiers est évidente, et cela a été souligné par les orateurs de la majorité. Ainsi, le responsable de l'ETA militaire, Txeroki, qui était recherché depuis des années, a-t-il été arrêté grâce, en partie, à l'utilisation du fichier national des immatriculations.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Je signale à M. Bodin et à M. Gosselin que le décret d'application de la loi sur l'économie numérique est déjà signé et qu'il devrait être incessamment publié.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Par ailleurs, je veux dire à M. Vaxès qu'en 2006 la CNIL a donné un avis favorable à tous les textes prévoyant un accès des services aux fichiers administratifs.

En ce qui concerne l'accès aux données de raccordement, je reconnais qu'un délai s'est écoulé entre la loi et sa mise en oeuvre : c'est qu'il a fallu organiser le processus avec la CNCIS, recruter la personnalité qualifiée et s'accorder avec les opérateurs. Mais, aujourd'hui – et je remercie M. Hunault de l'avoir souligné – la CNCIS elle-même salue le fonctionnement du dispositif.

En conclusion, il est important que la représentation nationale exprime sa satisfaction et sa reconnaissance aux hommes et aux femmes qui, chaque jour, au sein des services de renseignement, protègent notre pays et nos concitoyens et permettent, avec leurs homologues des autres pays, de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'attentat meurtrier sur le territoire européen.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Il ne s'agit pas simplement de les saluer, mais aussi de faire en sorte que la solidarité européenne s'exprime. Comment serions-nous jugés, comment pourrions-nous participer aux actions européennes en matière de protection des individus si votre assemblée ne donnait pas aux services les moyens nécessaires ? On ne peut pas à la fois féliciter des gens et leur refuser des moyens qui ne sont jamais que ceux qui sont donnés dans l'ensemble des pays européens.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Je tiens donc à remercier la représentation nationale pour le soutien qu'elle apporte à ce texte, en particulier ceux qui ont dit leur satisfaction des services et qui n'en restent pas à des paroles en leur donnant aussi les moyens de leur action au service de la protection des Français et du territoire de la France et de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Madame la ministre, bien évidemment, je ne me suis pas reconnue dans la caricature que vous avez faite de mes propos. Je me disais que, si le Gouvernement et la majorité ont parfois tendance à instruire ce procès en angélisme, le propos que j'ai tenu ne donne aucune place à l'angélisme.

Faut-il, pour vous en convaincre, que je vous rappelle la loi qui a été votée en 2001 ou que c'est Pierre Joxe qui a créé l'UCLAT ? Il faut plutôt s'attacher à l'esprit de responsabilité de l'opposition et sur notre démarche en matière de lutte contre le terrorisme.

Nous nous étions abstenus sur la loi de 2006, précisément parce qu'un certain nombre de dispositifs étaient entourés de garanties, comme les fameux articles 3, 6 et 9 avec cette clause de rendez-vous dont j'ai entendu tout à l'heure le rapporteur de la commission des lois dire qu'il faudrait un jour définitivement la supprimer.

Au début de mon intervention, j'ai rappelé que la lutte contre le terrorisme en France était fondée sur le travail de renseignements humains, sur le refus des lois d'exception et sur l'état de droit. Ce n'est pas la doctrine de l'opposition mais la doctrine française, laquelle a été rappelée jusqu'à présent par tous les ministres de l'intérieur. Je ne comprends donc pas l'esprit de polémique qui a pu inspirer certains des propos que j'ai entendus.

Monsieur Hunault, s'il est un élément qui devrait rassembler l'ensemble de la représentation nationale, c'est bien que nos concitoyens doivent avoir confiance dans leurs services de renseignements, dans les fichiers de ces services. Aucune suspicion ne doit être entretenue par de mauvais décrets. Les hommes et les femmes de ces services doivent pouvoir être mis à l'abri de toute suspicion d'ingérence dans des affaires politiques. Tel est le sens de la démarche que j'ai rappelée tout à l'heure et voilà pourquoi nous n'acceptons pas la façon dont, depuis un certain temps, le Gouvernement balaie d'un revers de main toutes nos demandes de débat parlementaire sur ces sujets.

Enfin, madame la ministre, le décret de retrait concernant le fichier EDVIGE, après avoir été attendu depuis des semaines, voire des mois, a été publié hier au Journal officiel de la République française. Mais, que je sache, un décret EDVIGE 2 est en préparation – il était d'ailleurs soumis aujourd'hui à la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Aussi, le décret que vous mentionnez n'est-il pas un décret d'abrogation, mais un décret de retrait, d'attente. Le problème n'est donc absolument pas réglé, et vous le savez très bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il ne s'agit pas de dire qui sont les bons et qui sont les méchants. Nous sommes tous attachés à l'état de droit, nous sommes tous des républicains, et nous avons plutôt intérêt à créer une sorte d'union sacrée sur des sujets aussi graves, car notre division ferait notre vulnérabilité.

Les Françaises et les Français attendent également l'unité de la classe politique sur de tels sujets, loin de toute polémique stérile.

Il s'agit aujourd'hui, afin de continuer à agir, d'assurer un cadre juridique précis et clair. Sinon, le 31 décembre prochain, le couperet tombera et le terrorisme pourra de nouveau frapper sans que nous puissions nous en prémunir. Hélas, il s'agit bien de prévenir, car nous sommes sûrs que nous ne pouvons pas, en la matière, complètement guérir, comme le rappellent les événements de Londres et de Madrid. Sans chercher à faire de l'argutie sécuritaire, ce qui s'est passé plus récemment en Corrèze ou au Pays Basque montre que le risque existe aussi sur notre territoire : il n'est donc ni illusoire ni hypothétique.

Loin de nous l'idée de grossir le trait ou de dramatiser les risques pour en tirer un quelconque bénéfice politique. Il s'agit simplement de donner les moyens à nos services de continuer à fonctionner comme ils le font admirablement aujourd'hui et leur prouver qu'ils ont le soutien de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(L'article unique de la proposition de loi est adopté.)

Explications de vote

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la législation funéraire (nos 51, 664).

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, parler de la mort, c'est aborder un sujet qui touche au plus intime, le plus souvent au plus douloureux, de l'expérience de chacun. C'est aussi aborder un sujet qui, par la force des choses, concerne l'ensemble de nos concitoyens, mais qui recouvre des réalités et des images qui varient selon les lieux, les sociétés et les époques.

Le rapport aux rites funéraires a en effet profondément évolué dans notre société, non seulement au cours des siècles passés, mais aussi, plus rapidement, au cours des décennies qui viennent de s'écouler. Les services funéraires ont pris une place essentielle. Ils assurent l'organisation des obsèques, le transport des corps et l'accompagnement des familles. De même, la crémation se substitue progressivement à l'ensevelissement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui tend à prendre en compte ces évolutions. Elle cherche à répondre à une attente de nos concitoyens. Je salue l'initiative du Sénat, qui a su porter une proposition de loi approuvée par l'unanimité des membres de la Haute Assemblée. Je salue également la qualité du travail de votre commission des lois et du rapporteur Philippe Gosselin.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Le texte qui vous est soumis doit permettre d'accompagner les évolutions de notre société tout en réaffirmant les principes du droit, inscrits au coeur de notre pacte républicain.

Face au développement de la crémation, nous ne pouvons nous contenter du vide juridique. Le statut juridique des restes mortels doit être précisé. Le corps humain n'est pas une chose. Dût-il n'en rester que des cendres, il doit faire l'objet de respect. C'est non seulement une exigence morale mais également une réalité juridique. La proposition de loi le réaffirme.

Les urnes cinéraires doivent demeurer inviolables, au même titre que les sépultures. Profaner une urne cinéraire ou profaner un cimetière sont deux actes également choquants, également condamnables.

Accompagner les pratiques funéraires implique aussi de favoriser le développement des équipements nécessaires. La création des crématoriums ne correspond pas toujours à la cartographie des besoins. Elle relève de la libre administration des collectivités territoriales, et c'est là une difficulté car nous devons à la fois préserver la liberté des collectivités et entendre les Français.

L'obligation pour certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale de créer un site cinéraire s'inscrit dans cette double exigence.

Mesdames et messieurs les députés, si nous devons assurément adapter notre législation aux évolutions de la société, nous devons aussi rester fidèles à certains principes fondamentaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Parmi ces principes, le respect de la volonté des défunts et la liberté des funérailles sont au coeur de notre droit funéraire. Il est d'abord nécessaire de donner aux maires tous les moyens de respecter la volonté du défunt, notamment en les autorisant à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté.

Quant à la décision prise par le maire de procéder à la crémation d'un défunt à la suite d'une reprise de sépulture, dite « crémation administrative » – une formule étrange –, elle doit être strictement encadrée.

Dans un domaine si sensible, le silence ne saurait valoir acquiescement. Il est légitime de restreindre la crémation administrative aux seuls cas d'absence d'opposition connue ou attestée du défunt à la crémation, comme, du reste, le texte le propose.

Notre principe fondamental, reconnu par la loi de 1887, est le caractère public des cimetières et des sites funéraires.

La neutralité des cimetières est la condition même du respect de la pluralité des confessions, des origines et des appartenances sociales. Les cimetières appartiennent au domaine public de la commune. Ils sont directement gérés par la commune ou par un établissement public de coopération intercommunale. Ils doivent le rester, malgré la tendance contemporaine à la privatisation de la mort.

Ce qui est vrai pour les cimetières l'est également pour les sites cinéraires. La délégation de la création et de la gestion de ces sites n'est acceptable que si elle demeure l'exception.

Mesdames et messieurs les députés, aider nos concitoyens à mieux faire face à l'épreuve du deuil nous conduit à reconnaître et à mieux encadrer les nouvelles pratiques funéraires. Il nous appartient aussi de leur donner des repères, en réaffirmant nos principes et nos valeurs, dans une société qui, parfois, tend à les dissoudre.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

C'est ainsi que nous saurons concilier le respect des morts et la protection des vivants. C'est aussi l'un des objectifs de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordons un sujet que certains qualifient, vous me permettrez l'expression, de « peu sexy » ! Il est clair que, de nos jours, Éros est davantage mis en avant que Thanatos !

Et pourtant le funéraire, lié par définition à la mort, est paradoxalement au coeur de la vie. Ainsi, c'est en fonction de la façon dont les vivants s'occupent, ou ne s'occupent pas, de leurs morts qu'on juge aussi une société. Les rites de passage, en tous temps et en tous lieux, ont en effet une grande importance dans les sociétés organisées. Ils recouvrent non seulement des aspects ethnologiques et anthropologiques mais aussi religieux et, le cas échéant, sociaux.

En France, plus de 500 000 familles par an sont concernées par un décès et les pratiques ont beaucoup changé. Si, il y a encore trente ans, près de 99 % des défunts étaient inhumés – 5 000 crémations seulement en 1979 –, aujourd'hui ce sont déjà plus d'un quart des défunts qui sont incinérés – 27 %, à savoir plus de 130 000 – et les perspectives sont, à court terme, entre 40 % et 50 %.

Il faut prendre la mesure de ce changement et adapter notre droit à une pratique qui évolue. C'est l'objet de la présente proposition de loi relative à la législation funéraire, qui – je le souligne à dessein – a été adoptée à l'unanimité par le Sénat le 22 juin 2006. Elle est issue, d'une part, des propositions de M. Jean-Pierre Sueur et, d'autre part, des travaux, unanimes sur tous les bancs, d'une mission d'information du Sénat menée par M. Jean-René Lecerf et M. Jean-Pierre Sueur sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire. Elle aborde différents domaines du droit funéraire, notamment la conduite des opérations funéraires par les opérateurs de pompes funèbres, les règles encadrant le statut et le devenir du corps après la mort et la gestion des cimetières et des sites cinéraires.

Sur le premier point, la conduite des opérations funéraires par les opérateurs de pompes funèbres, la proposition de loi tend à moraliser davantage encore les opérateurs funéraires en contrôlant plus strictement leurs conditions d'habilitation et en leur imposant de nouvelles obligations. Il s'agit de garantir une transparence exemplaire.

Elle institue notamment un diplôme pour une partie des agents du secteur funéraire, alors qu'ils suivent actuellement une formation qui ne fait pas l'objet d'une évaluation des connaissances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cette nouvelle garantie de qualité des opérateurs funéraires permettra, en contrepartie, de réduire le nombre des vacations : à la responsabilité s'ajoutera donc l'allégement du coût des procédures.

La commission des lois vous propose, en revanche, de revenir sur la disposition insérée par le Sénat et qui crée des commissions départementales des opérations funéraires. Il nous semble que le moment est venu de simplifier plutôt l'horizon administratif.

Je vous proposerai également la suppression de l'obligation pour les communes d'élaborer des devis-types, pour des raisons techniques et non des arguties. En contrepartie, je vous soumettrai une formule qui permet d'associer la transparence et le choix éclairé des familles, tout en autorisant l'établissement de modèles nationaux pour y voir plus clair.

La commission vous propose, par ailleurs, d'encadrer les contrats obsèques en prévoyant que le capital versé doit être revalorisé annuellement, ce qui n'est pas le cas actuellement. Aujourd'hui, le souscripteur cotise pour un capital qui lui garantit l'organisation de ses obsèques. Mais lorsque plusieurs années s'écoulent entre la souscription du contrat et le décès, ce qui est le plus probable et le plus souhaitable, le capital peut, du fait de l'inflation ou de l'augmentation du coût, s'avérer insuffisant pour couvrir les frais d'obsèques, alors même que ces contrats ont pour but de simplifier les obsèques. Quel paradoxe ! Pour éviter ce problème, nous suggérons que le capital produise intérêts. J'espère que vous vous associerez à cette proposition.

Après la conduite des opérations funéraires par les opérateurs de pompes funèbres, le deuxième point que je souhaite aborder concerne un sujet délicat, le statut et le devenir du corps du défunt.

La proposition de loi consacre la jurisprudence qui avait posé le principe du respect du cadavre. Elle étend cette obligation de respect aux cendres issues d'une crémation. Il s'agit d'interdire des comportements choquants, déviants, qui vont de la destruction d'une urne au fait de s'en débarrasser dans une poubelle – hélas ! les cas sont nombreux –, en passant par d'autres curiosités comme leur partage, leur mélange, leur exposition en bijou : je ne m'attarderai pas.

Le statut des urnes étant assimilé à celui du cadavre, il ne sera donc plus admis que les familles se les approprient comme un objet. Le régime actuel est la libre disposition des cendres, chaque personne décidant, de son vivant, du devenir de ses cendres. Il ne s'agit pas de revenir en arrière, mais de mieux concilier liberté et responsabilité. Il sera toujours possible de disperser les cendres en pleine nature hors voie publique, de les inhumer, de les déposer dans un cimetière ou un site cinéraire, par exemple, mais la conservation à domicile deviendra impossible.

Cette pratique pose en effet de nombreux problèmes. Des familles se déchirent pour savoir qui gardera l'urne. Des urnes finissent dans des greniers, des brocantes parfois. Lorsque celui qui conservait l'urne ne souhaite plus le faire ou décède sans héritier, on ne sait qu'en faire.

Pour permettre l'application de ces dispositions, il convient, naturellement, de développer des équipements nécessaires à la crémation. Nous avons écarté la possibilité de créer un vaste schéma régional des crématoriums qui semblait difficile à mettre en place. Là aussi, la simplification nous semble préférable. Il serait peut-être utile de travailler davantage les enquêtes publiques qui existent pour pallier cet inconvénient.

La proposition de loi oblige, par ailleurs, les communes de plus de 10 000 habitants à créer des sites cinéraires pour accueillir les urnes ou les cendres dispersées. Compte tenu de l'augmentation rapide de la crémation, qui concerne déjà plus d'un quart des décès, bientôt entre 40 et 50 %, il est important que les familles puissent disposer d'équipements à proximité. La commission des lois propose un amendement qui a pour objet de baisser le seuil à 2 000 habitants.

Enfin, le troisième point concerne la gestion des cimetières et des sites cinéraires. La proposition de loi n'envisage pas de changements fondamentaux en ce domaine. Le Sénat a souhaité supprimer la possibilité pour les communes de déléguer la gestion des sites cinéraires à un opérateur privé. Cela avait été autorisé par une ordonnance de 2005. La gestion des cimetières, et donc des sites cinéraires, relève en effet, en France, des missions publiques, on pourrait presque dire par essence.

La proposition de loi autorise par ailleurs les conseils municipaux à fixer des normes esthétiques dans les cimetières. La commission des lois a souhaité revenir sur cette mesure parce que parler de « police de l'esthétique » nous paraissait quelque peu alambiqué et, surtout, parce que les cimetières ne sont pas des ouvrages publics comme les autres, mais des lieux affectés aux usagers, aux familles, qui sont le reflet des us et coutumes des habitants de la commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il est probable que les familles des défunts accepteraient mal de ne pas pouvoir construire le monument funéraire qu'elles souhaitent parce que le conseil municipal ou le maire a préféré un type particulier de monuments. Les seules limitations à cette liberté doivent être, bien sûr, le respect de l'ordre public et des considérations de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Plutôt que de fixer des critères esthétiques, je vous proposerai de permettre au maire de limiter les dimensions des monuments funéraires et d'adapter les mesures pesant sur les édifices menaçant ruines.

Enfin, afin de mieux respecter les volontés des défunts en matière de funérailles, la proposition de loi encadre la pratique des crémations administratives, vous l'avez souligné, madame la ministre. Désormais, cette pratique ne sera pas autorisée si des indices existent d'une opposition du défunt à la crémation. Ces dispositions concernent un certain nombre de nos compatriotes, dont la religion, juive ou musulmane, interdit la crémation.

En résumé, la proposition de loi qui nous occupe permettra, si vous en adoptez les amendements que je vous proposerai, d'une part, de simplifier le code actuel, en professionnalisant et en sécurisant par exemple les vacations ; d'autre part, de donner un statut aux cendres, démarche en partie entamée par un décret du 12 mars 2007 pris par le ministre Hortefeux.

Je regrette cependant que cette proposition de loi laisse de côté trois sujets qui ne sont pas sans lien avec le droit funéraire.

La première question est celle de la TVA. Un de nos collègues, M. Tardy, a souligné à juste titre, à l'occasion de la discussion budgétaire, que la TVA applicable aux dépenses liées aux obsèques n'était pas homogène en France puisqu'elle combine le taux normal de 19,6 % pour certaines prestations et le taux réduit de 5,5 % pour d'autres. Un taux unique semblerait préférable. Du reste, un avis motivé de la Commission européenne, en date du 27 juin 2007, nous y invite. Toutefois, je suis sensible au réalisme et à notre environnement et il me semble difficile de répondre favorablement à cette demande aujourd'hui. Peut-être en ira-t-il différemment demain ?

J'aurais également souhaité qu'on s'attarde davantage sur la fin des inhumations sous X – mais peut-être la LOPPSI nous permettra-t-elle d'y voir plus clair. C'est un point important, souvent méconnu : aujourd'hui, en France, entre 600 et 1 000 personnes sont inhumées ou incinérées sous X chaque année. Il est impossible de procéder à des investigations de police techniques et scientifiques qui permettent l'identification du défunt, ce qui pourrait pourtant être très utile. Des corps sont inhumés sous X alors que les familles pourraient les récupérer. Des moyens techniques, scientifiques, seront à envisager, peut-être dans un autre cadre.

J'aurais aimé aborder un dernier point. Le moment me semble venu, mais c'est un avis très personnel qui n'engage que moi, d'aller plus loin en matière de respect des croyances religieuses en légalisant la pratique, encore timide et quantitativement trop limitée, des carrés confessionnels. Cette pratique a déjà été encouragée par voie de circulaire depuis 1975, elle a été rappelée au début de l'année 2008, madame la ministre. Elle se développe parce qu'elle est compatible avec les lois en vigueur. Elle correspond à une demande des juifs et des musulmans. Elle permet de respecter, pour eux, le principe de liberté des funérailles, énoncé par la loi du 15 novembre 1887. Aujourd'hui encore, près de 80 % des musulmans vivant en France retournent se faire enterrer dans le pays d'origine de leur famille. Une proportion, que l'on dit croissante, de juifs fait de même. Ce n'est pas une situation satisfaisante.

Je crois profondément, sans que cela remette en cause le principe du cimetière laïque et républicain auquel nous sommes tous attachés, que l'intégration à notre sol dans la mort est en fait une intégration dans la vie des vivants. Il y a là une vraie question, il est temps que notre société envoie des signes forts à ceux qui ont fait le choix de s'établir en France et d'y faire souche.

Mes chers collègues, je compte sur votre soutien, que j'espère unanime. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les questions soulevées par cette proposition de loi relative à la législation funéraire sont particulièrement sensibles. Elles touchent à des ressorts profonds de l'humanité. Elles ne sauraient donc être tranchées sans le recul nécessaire. Il faut, en effet, que les solutions apportées soient abordées d'une manière qui dépasse les clivages traditionnels et qui réunisse les conditions d'un consensus le plus large possible.

Notre collègue sénateur M. Jean-Pierre Sueur, à l'origine de ce texte, a milité de longue date en faveur d'un toilettage des textes qui régissent le droit funéraire. Sans doute le Sénat a-t-il voulu, en adoptant à l'unanimité sa proposition de loi, rendre hommage à sa ténacité et reconnaître la nécessité d'une modernisation. Si je suis d'accord sur le principe de cette démarche, je suis en même temps obligé d'exprimer certaines objections et de déplorer des lacunes dans le dispositif proposé.

Dans la tradition républicaine, la législation funéraire ne régit que le seul service extérieur des pompes funèbres. Cette notion a été forgée à une époque, contemporaine de la Séparation, où il s'agissait de réaliser la laïcisation de la partie des cérémonies funéraires qui se déroulait dans l'espace public. Reconnaissons que la frontière entre la sphère privée et la sphère publique n'est pas aussi évidente pour nombre de nos concitoyens qu'elle a pu l'être en des temps de conflit. Il en résulte que les contours de la définition légale du service extérieur peuvent varier, surtout depuis la suppression d'un monopole qui fut très controversé. C'est dire combien il est important de ne pas perdre de vue la logique juridique à partir de laquelle s'est construite notre réglementation actuelle.

Mais il est tout aussi important de ne pas oublier que cette législation n'est pas neutre.

Je regrette que la discussion de ce texte n'ait pas été précédée d'une véritable réflexion et d'une concertation très large avec les différents acteurs concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Il ne serait pas raisonnable de remettre en cause, au détour de dispositions en apparence anodines, les grands principes humanistes mais aussi juridiques qui organisent les services extérieurs des pompes funèbres, qui, depuis déjà fort longtemps, déterminent la mission de service public qu'assument les communes et les établissements publics de coopération intercommunale compétents.

Certes, un certain nombre de points de cette législation méritent sans doute d'être clarifiés ou complétés. En ce sens, une intervention du législateur est nécessaire, ne serait-ce que pour accompagner les profondes transformations que nous pouvons observer en France, à l'image de ce qui se passe chez la plupart de nos voisins européens, avec le développement de la pratique de la crémation.

Bien qu'inscrite dans notre système juridique dès 1881, cette pratique, encore marginale voire inexistante il y a quarante ans, concerne aujourd'hui, comme l'a souligné le rapporteur, près d'un quart des décès et même plus encore dans nos grandes agglomérations. Les raisons de cette évolution sont multiples, mais cette pratique, à laquelle les jeunes générations apparaissent plus favorables encore que leurs aînés, devrait continuer à progresser à l'avenir.

Face à une telle évolution, pouvons-nous accepter qu'une urne funéraire puisse échapper aux règles de l'extra-patrimonialité s'appliquant à toute dépouille mortelle pour s'apparenter à un simple souvenir de famille ? La question qui nous est posée aujourd'hui est donc bien celle du respect que nous entendons porter à nos défunts. Madame la ministre, vous avez employé à plusieurs reprises ce mot « respect » : je pense que cette notion est en effet particulièrement importante, y compris après la crémation. Cette question est bel et bien centrale d'un système de valeurs d'une société. Les restes mortels, quelle que soit leur forme, doivent être traités avec respect, dignité et décence. Cette idée me semble essentielle.

M. le ministre délégué aux collectivités locales avait, en mars 2007, permis par décret de définir un premier cadre au statut des cendres, sans toutefois leur conférer un statut particulier comparable à celui de la dépouille mortelle, une telle décision ne pouvant, dans notre ordre juridique, que relever du législateur.

S'il appartient à celui-ci de conférer aux restes mortels un statut plus conforme à ce qu'ils constituent, il lui revient également, dans un domaine relevant fondamentalement de la puissance publique, de laisser un minimum de liberté aux familles en matière de destination des cendres, à la stricte condition que la volonté du défunt soit respectée, comme le réclament les associations crématistes. Il s'agit de permettre aux proches d'accomplir leur deuil et de trouver les gestes symboliques qui feront sens. L'anthropologue Louis-Vincent Thomas, spécialiste de la mort, rappelait que les rites funéraires sont d'abord une nécessité pour les vivants. Nous avons des devoirs envers les morts, non pas moraux mais vitaux, les pratiques symboliques traduisant un besoin soit de spiritualité, soit de religion.

Néanmoins, j'avoue m'interroger encore sur l'intérêt d'interdire la conservation des cendres dans un lieu privé, tel que cela est prévu par le texte. Si, pour des raisons principalement sanitaires, une telle interdiction se justifie pleinement pour une dépouille mortelle, elle ne me semble pas revêtir la même nécessité pour une urne funéraire.

Enfin, offrir le choix de la crémation suppose bien évidemment un effort d'équipement sur l'ensemble de notre territoire. Sans doute faut-il que nous nous interrogions sur les conditions à partir desquelles les communes doivent se doter d'un site cinéraire. Il est toutefois fondamental d'appuyer un développement coordonné sur l'ensemble de notre territoire.

Je voudrais aborder maintenant les dispositions du texte qui sont destinées à simplifier et à sécuriser les démarches des familles qui, dans les circonstances très particulières d'un décès, peuvent se trouver plongées dans un profond désarroi.

Au titre des dispositions intéressantes, je relève la proposition d'harmoniser au plan national les taux de vacation funéraire. Bien qu'ouvert à la concurrence depuis la loi de 1993, le service extérieur des pompes funèbres demeure l'objet d'un encadrement strict, sous la responsabilité des communes, les opérateurs funéraires se trouvant pour leur part soumis à un contrôle étatique.

Si les activités funéraires présentent un caractère commercial incontestable, il est cependant nécessaire qu'elles s'exercent dans la plus grande transparence. La proposition d'instaurer des devis-types, obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants et facultatifs dans les autres communes, constitue une avancée séduisante, le dispositif actuel n'ayant pas produit les effets escomptés, il apparaît cependant que sa mise en oeuvre sera beaucoup plus lourde que ce qui est annoncé.

À la réflexion, nous considérons que c'est une fausse bonne idée que de renvoyer aux conseils municipaux le soin d'établir ces devis-types. Pour nous, s'il s'agit bien de permettre d'améliorer l'information des familles, ne serait-il pas plus judicieux de prévoir au plan national des devis de référence détaillés ? Les professionnels du funéraire y seraient favorables, et il ne nous semble pas très pertinent de confier cette mission aux communes, d'autant que seuls les opérateurs habilités se verraient soumis à cette obligation. N'y a-t-il pas un risque de distorsion de concurrence et une forme de discrimination ? Pour prévenir ces risques, nous avons déposé un amendement à l'article 6.

J'en viens maintenant aux dispositions destinées à empêcher les pratiques commerciales abusives. Au regard, tant de la spécificité que de la sensibilité de la mission qu'accomplissent les services de pompes funèbres, il est nécessaire d'être extrêmement vigilant sur ce point, tant il est facile d'influencer des personnes fragiles ou vulnérables, lors de la vente de prestations funéraires. L'article 7 de la proposition de loi vise à définir plus clairement l'infraction découlant des textes en vigueur, en prohibant les pratiques commerciales agressives, ainsi que le démarchage à domicile dans les trois mois suivant le décès.

Seulement, en pratique, la combinaison de ces règles très strictes ne permet plus aux clients qui auraient du mal à se déplacer jusqu'à une agence de recevoir sur leur demande, à leur domicile, un professionnel du funéraire. Nous considérons qu'il y a lieu d'assouplir cette règle et d'autoriser le déplacement à domicile, pour établir les formalités nécessaires, lors de l'organisation des obsèques, à la seule condition que la personne en ait fait la demande. Tel est le sens de l'amendement que nous avons déposé.

Toujours au chapitre II de la proposition de loi, j'observe que le législateur n'a pas souhaité aborder un problème qui se pose pourtant dans certaines communes, du fait de l'interdiction faite aux petits hôpitaux ou maisons de retraites de recevoir des corps venant d'autres établissements. Cette décision a pesé directement sur l'évolution de l'offre de services funéraires, et entraîné la quasi-disparition d'entreprises de proximité au profit des entreprises gestionnaires de chambres funéraires. Le problème n'est certainement pas étranger à l'augmentation du coût moyen des obsèques enregistré au cours de la dernière décennie.

La proposition de loi qui nous est soumise a également l'ambition de renforcer la dimension exclusive de la compétence communale ou intercommunale en matière de gestion des sites cinéraires. Cette évolution était souhaitable, tant il est paradoxal que soit autorisé actuellement le principe d'une délégation par la commune ou l'EPCI de la gestion des sites cinéraires, alors qu'un tel procédé est inenvisageable en ce qui concerne les cimetières, qui appartiennent, pour leur part, au domaine public communal. Elle permettra également de mettre un terme au développement de sites cinéraires privés, en totale contradiction avec les grands principes qui traversent notre ordre juridique.

Une autre difficulté est posée par l'article 17, qui permet aux conseils municipaux d'imposer de façon systématique aux titulaires de concessions des règles relatives à l'esthétique des cimetières. Pour nous, cette nouvelle réglementation risque de conduire à une standardisation ou à une uniformisation de notre patrimoine funéraire, ce qui serait contraire à une tradition bien établie. M. Folliot, qui ne peut assister à notre débat, a déposé un amendement de suppression que je défendrai tout à l'heure. Il est vrai qu'il existe un réel enjeu économique, mais posons la question clairement : veut-on favoriser ou non l'importation massive de matériaux venus d'Asie, comme le granit funéraire ? Dans cette filière, la France dispose d'un réseau de PME dont le savoir-faire est apprécié. En outre, il me paraît difficile que la loi prévoie une demande d'avis systématique au Conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement, alors qu'il n'existe pas dans certains départements.

En la matière, la sagesse consisterait, selon nous, à faire confiance aux communes. Elles ont la responsabilité de leurs cimetières : ne font-ils pas partie du domaine public communal ? N'alourdissons pas davantage leurs charges par des procédures qui, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas nécessaires. Même dans le cadre des délégations du service public, de nombreuses possibilités existent.

Sur ce chapitre, je ne saurai conclure sans évoquer la délicate question des carrés confessionnels, que le texte laisse de côté. Dans un souci d'intégration, certaines communes ont tenté de permettre des regroupements en fonction des croyances. Il est vrai que la loi de 1881 n'a pas supprimé les cimetières confessionnels communaux ou privés créés durant la période révolutionnaire, pas plus que le régime particulier des départements d'Alsace et de Moselle n'a été abrogé. Aussi, il y a quelques jours, après la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918, M. le Président de la République a pu se rendre au cimetière militaire de Douaumont, plus précisément dans le carré dédié aux soldats de confession musulmane morts pour la France. C'est dire que nous nous trouvons face à une règle bien établie, mais assortie d'un certain nombre d'exceptions.

Reconnaissons que la loi de 1905 avait permis de dégager un juste équilibre entre la nécessaire application du principe de laïcité aux dépendances du domaine public que constituent les cimetières, et la liberté de funérailles, tout aussi nécessaire, garantie à chacun de nos compatriotes. Ainsi l'élévation de signes religieux est-elle prohibée dans les parties communes de tout cimetière, mais autorisée sur les tombes.

Reste aujourd'hui à régler la question qui nous est posée par les communautés. Je ne crois pas, mes chers collègues, que nous puissions nous satisfaire de voir l'écrasante majorité de nos concitoyens de confession musulmane choisir de se faire inhumer à l'étranger. Au regard des règles spécifiques s'appliquant à une sépulture musulmane, une évolution sur la question des carrés confessionnels me semble particulièrement nécessaire. En outre, elle permettrait aux maires d'identifier plus aisément les personnes opposées à une crémation administrative, dans les cas de reprise de concession.

Je sais que la question divise et qu'il n'est pas envisageable de la trancher aujourd'hui. Mme la Ministre a tenté d'apporter un éclairage nouveau sur la réglementation, par sa circulaire du 19 février 2008 rappelant que le maire dispose d'un large pouvoir d'appréciation – ce qui consiste, dans les faits, à conforter la pratique des carrés confessionnels.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, dans sa rédaction actuelle, la proposition qui nous est soumise ne nous donne pas entière satisfaction. Aussi, nous ne pouvons qu'exprimer des réserves à son égard : elle ne répond pas de manière suffisamment pertinente aux attentes des familles ; elle risque de rendre encore plus complexe la gestion du secteur funéraire ; enfin, elle néglige certains problèmes. La position du Nouveau Centre est toutefois susceptible d'évoluer, en fonction des améliorations qui, au fil de la discussion, pourront être apportées au texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est des sujets plus faciles à aborder que d'autres, et il faut bien avouer que celui qui nous rassemble ne peut être appréhendé sur le mode habituel. Il nous est proposé de légiférer sur ce qui constitue la part éternelle de l'intimité de chacun d'entre nous. C'est dire que nous devons rechercher en permanence l'équilibre entre le nécessaire encadrement des pratiques funéraires et le respect de chacun.

Parmi les sujets sur lesquels nous travaillons, rares sont ceux dont nous sommes certains à 100 % qu'ils nous concerneront un jour – si rares, qu'ils méritent que nous les abordions avec dignité, respect et sérieux.

Je ne m'attarderai pas à énumérer les nombreuses mesures contenues dans ce texte. Notre excellent rapporteur, dont le travail, sur ce sujet difficile, mérite d'être salué, a parfaitement décrit ces dispositifs il y a quelques minutes.

La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par le Sénat en juin 2006, puis déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale à l'ouverture de la présente législature. Je rappelle qu'elle est issue des propositions du sénateur Jean-Pierre Sueur et des travaux d'une mission d'information du Sénat sur le bilan et les perspectives de la législation funéraire.

Elle traite notamment de trois domaines du droit funéraire : la conduite des opérations funéraires par les opérateurs de pompes funèbres ; les règles encadrant le statut et le devenir du corps après la mort ; la gestion des cimetières et des sites cinéraires.

En premier lieu, elle tend à moraliser l'activité des opérateurs funéraires. Elle institue un diplôme pour les agents de ce secteur, seulement astreints aujourd'hui au suivi d'une formation non diplômante. La nouvelle garantie de qualité de ces opérateurs permettra, en contrepartie, de réduire le nombre d'actes de surveillance obligatoires des opérations funéraires, au profit de contrôles inopinés.

Le texte prévoit également la création de commissions départementales des opérations funéraires, mesure qu'il vous sera proposé de supprimer dans un souci de simplification des procédures administratives.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Quant à l'instauration de devis-types par les communes, la formulation adoptée par le Sénat n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle risque de provoquer des distorsions de concurrence. Néanmoins, la suppression pure et simple de l'article a été écartée en commission, car elle conduirait au maintien du système actuel, qui ne protège pas suffisamment les familles.

J'ai donc déposé un amendement de compromis. Celui-ci propose que les opérateurs funéraires habilités présentent aux familles des devis de référence détaillés qui correspondent, pour une inhumation ou une crémation, à des organisations d'obsèques locales ou non locales. Je retirerai néanmoins cet amendement, le rapporteur ayant déposé un amendement n° 46 qui résout parfaitement le problème.

Par ailleurs, la commission a proposé de prévoir une revalorisation annuelle du capital versé dans le cadre d'un contrat obsèques, afin d'éviter que l'inflation ne rende le capital insuffisant pour couvrir les frais d'obsèques, lorsque plusieurs années s'écoulent entre la souscription du contrat et le décès.

En deuxième lieu, la proposition de loi précise le statut et le devenir du corps du défunt, en consacrant le principe jurisprudentiel de respect du corps après la mort. L'obligation de respect est étendue aux cendres issues d'une crémation, pour éviter certains comportements choquants qui ont pu être constatés. De plus, le texte met fin à la libre disposition des cendres, qui ne pourront plus être conservées à domicile, les urnes pouvant être abandonnées ou, lorsqu'elles sont détenues par les proches du défunt, être à l'origine de conflits familiaux.

Pour satisfaire à ces nouvelles règles, les équipements nécessaires à la crémation doivent être développés. L'élaboration d'un schéma régional des crématoriums est prévue par la proposition de loi, mais risque d'être complexe à mettre en oeuvre. La commission des lois a donc proposé la suppression de l'article 16, estimant que le droit en vigueur permet déjà d'éviter les dérives, puisqu'il soumet la création de ces équipements à enquête publique, et qu'il est préférable de mieux appliquer les instruments juridiques disponibles.

Par ailleurs, la proposition de loi soumet à l'obligation de créer des sites cinéraires les communes de plus de 10 000 habitants, seuil que la commission des lois a proposé d'abaisser à 2 000 habitants, afin de permettre à chacune d'elles de créer un site cinéraire de proximité.

En troisième lieu, le texte comprend quelques dispositions relatives à la gestion des cimetières et des sites cinéraires. Il revient sur la possibilité de déléguer la gestion d'un site à un opérateur privé, qui avait été créée par une ordonnance du 28 juillet 2005. La gestion des cimetières relève, en effet, des missions de service public.

La proposition de loi permet aux conseils municipaux de fixer des normes esthétiques dans les cimetières, disposition qui ne paraît pas souhaitable, car le cimetière doit refléter les goûts des familles qui s'y rendent, et non tendre à l'uniformisation décidée en fonction des conceptions esthétiques d'un conseil municipal. Les pouvoirs de police du maire et l'adoption d'un règlement du cimetière paraissent suffisants.

La proposition de loi prévoit enfin l'interdiction des crémations administratives quand des indices attestent d'une opposition du défunt à la crémation, notamment si des personnes de confession juive ou musulmane sont concernées.

La commission des lois a examiné ce texte le 30 janvier dernier et adopté plusieurs amendements de notre rapporteur, qui, à mon sens, renforcent l'équilibre à rechercher en la matière.

Nous aurons l'occasion, pendant la discussion des articles, de revenir plus en détail sur telle ou telle mesure.

Sans présager des modifications encore susceptibles d'intervenir sur le texte, il apparaît qu'il atteint le nécessaire pragmatisme, c'est-à-dire l'équilibre subtil qui doit sous-tendre l'encadrement d'un sujet touchant tant aux libertés qu'à la décence et à l'ordre public. Le groupe UMP le votera donc en conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec cette proposition, au-delà des questions juridiques, il s'agit pour nous de prendre position sur des sujets qui touchent à l'essence même de l'homme, et nous renvoient au caractère éphémère de notre passage sur terre. De tous temps, les civilisations ont développé, pour honorer leurs morts, des rituels spécifiques. Il importe aujourd'hui d'adapter ce rituel et notre réglementation en fonction des évolutions de notre société et des progrès de la science.

La proposition de loi du sénateur Jean-Pierre Sueur a connu un parcours législatif tout à fait particulier. Votée à l'unanimité par le Sénat voilà deux ans et demi, elle fut examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale presque en urgence en février-mars, puis laissée en suspens pendant près de dix mois. Il a fallu intervenir avec insistance pour que ce texte soit mis à l'ordre du jour. Vous comprendrez donc le mouvement d'humeur qu'exprimera Jean-Jacques Urvoas.

Cette proposition de loi s'inscrit dans un processus de réforme de la législation funéraire engagé dès 1993 par Jean-Pierre Sueur, alors secrétaire d'État aux collectivités territoriales. Il fallait moderniser l'organisation des obsèques en supprimant le monopole des Pompes funèbres, puis moraliser le secteur – c'est encore le cas aujourd'hui – en édifiant des protections contre les pratiques de certains opérateurs peu scrupuleux.

La façon dont une société traite ses défunts est un thème universel. Je salue le travail en profondeur accompli par les sénateurs, et qui a amené la publication, en mai 2006, d'un rapport « Sérénité des vivants, respect des défunts : bilan et perspectives de la législation funéraire ».

Nous approuvons les grands axes de la réforme proposée. Il s'agit d'abord de garantir la qualité des opérateurs funéraires, en les soumettant à une habilitation et en exigeant la formation de leurs personnels. Ceux-ci ont un droit à la formation, et on peut imaginer que, pour ces personnes qui, souvent, ont déjà exercé cette activité, on prenne en compte la validation des acquis de l'expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Il s'agit ensuite de renforcer la protection des familles, notamment par une meilleure transparence des prix grâce à des devis types et à l'encadrement des contrats obsèques. Ces derniers, en plein développement, constituent un secteur assez lucratif pour les compagnies d'assurances. Certains collègues ont exprimé des réserves et la commission des lois cherche une solution de consensus. Ce qui nous importe, c'est de protéger les familles, d'assurer la transparence, et nous sommes ouverts à une solution de compromis.

Le plus important est d'apporter une réponse adaptée au développement rapide de la crémation. Nous sommes convaincus que le législateur doit encadrer cette évolution sociétale en respectant l'aspiration à une forme de liberté qu'exprime ce choix, tout en s'assurant que le respect dû aux restes mortels est garanti ainsi que la possibilité pour tous les proches de conserver la mémoire du défunt, à un moment où la mobilité, la multiplication des familles recomposées peuvent créer des conflits très durs. Cela suppose la création de nouveaux espaces pour l'accueil des cendres et l'adoption d'un statut des cendres.

Il s'agit aussi de revoir la conception et la gestion des cimetières dont on a assez dit qu'ils étaient souvent d'une uniformité et d'une laideur propres à accroître l'abattement des familles. En tant que députée de la circonscription où se situe le Père-Lachaise, un des plus beaux lieux de mémoire de Paris, je n'ai pas ce souci, mais il me semble dommage que la commission n'ait pas été sensible à l'esthétique des cimetières.

Parmi les points importants du texte, je voudrais insister sur ce qui concerne la crémation, pratique qui se développe beaucoup. Jusqu'en 1963 de fortes réticences l'entouraient, en raison de sa condamnation par l'église catholique. Aujourd'hui, elle représente 35 % des funérailles. Il est donc normal de s'interroger sur le statut des cendres. Notre société n'a guère de repères à ce sujet, car, contrairement à d'autres pays européens, la pratique est pour nous récente. Il faut traiter les cendres avec la même dignité que les vivants ou les morts inhumés dans une sépulture. En effet, pour certains, choisir la crémation, c'est choisir la liberté.

Certains s'opposent à ce qu'on légifère sur le sort des cendres car, selon eux, cette liberté suppose que l'on puisse les garder à domicile. Mais il faut penser non seulement à la liberté du défunt, mais aussi à celle de tous les membres de la famille – par exemple les enfants de lits différents – et leur permettre de venir tous se recueillir devant l'urne. Aussi la destination des cendres doit-elle être un site public, cimetière ou jardin du souvenir – ou la dispersion, mais dans un lieu public, pour que chacun puisse participer au deuil. Il n'est pas non plus conseillé de conserver les cendres dans un lieu privé car alors, au fil du temps, se constituerait un cimetière privé, avec les implications psychologiques très lourdes que cela peut avoir, en particulier pour des jeunes.

Nous souhaitons garder la trace des défunts. Dans cet esprit, le texte prévoit que l'on inscrive dans un registre municipal l'identité de la personne, le lieu et la date de la dispersion des cendres. C'est important pour en conserver la mémoire. Un aspect secondaire est de savoir s'il faut faire cette inscription dans le registre du lieu de naissance, du lieu de décès ou du lieu d'incinération, ou procéder à des inscriptions multiples, comme pour les divorces.

Tout en étant très attachés à réaffirmer le caractère laïque du cimetière,…

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

…nous souhaitons que l'on aborde avec compréhension la question des carrés confessionnels. Pour une famille immigrée, par exemple, faire inhumer un des siens en terre de France est un signe d'intégration important. Les municipalités règlent en général les problèmes de façon consensuelle, mais on peut encore progresser vers plus de tolérance.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

De même faut-il être tolérant envers les personnes dont la religion s'oppose à la crémation, notamment les personnes de confession juive ou musulmane. Elles s'émeuvent souvent à l'idée qu'un jour on puisse, à l'occasion d'une reprise de sépulture, procéder à la crémation des restes. Je comprends que, en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt, le maire puisse faire procéder à la crémation des restes exhumés. Les transférer dans des ossuaires séparés est également une possibilité. Mais certaines municipalités, en particulier la ville de Paris, s'inquiètent de savoir ce que signifie l'amendement adopté en commission pour que l'on respecte une opposition « tacite ». Comment déduire, si elle n'est pas notoire, la confession juive ou musulmane d'une personne sans qu'elle soit expressément exprimée ? On ne saurait s'en tenir au nom pour inférer une éventuelle appartenance religieuse entraînant une opposition à la crémation. Et cela signifie-t-il que les personnes enterrées avant 1963 ne pourront pas faire l'objet d'une reprise de sépulture ? Il faudra le préciser pour ne pas inquiéter les familles.

Ce texte traite d'autres questions, de moindre importance, comme les contrats d'obsèques ou l'allégement, voire la suppression, des formalités de police, coûteuses et peu efficaces. À ce propos, nous souhaitons que l'on mette en place un dispositif électronique d'identification des corps qui rendra inutile la présence de la force publique. Il est également souhaitable de mettre en place un schéma régional des crématoriums. J'ai bien compris les difficultés que cette question soulevait, mais il faut respecter un équilibre dans l'implantation pour éviter de longs déplacements. Reste enfin la question de la mise à disposition d'un lieu décent pour les cérémonies civiles. Les communes devraient y réfléchir.

Le groupe socialiste se félicite que ce texte vienne enfin en discussion. Nous saluons le travail remarquable accompli par Jean-Pierre Sueur dans une perspective humaniste pour soulager les difficultés des familles. C'est dans un état d'esprit très positif que nous entamons cette discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons enfin cette proposition de loi relative à la législation funéraire, plus de deux ans après son adoption, en première lecture, par le Sénat, et après plusieurs mois d'attente.

De tels délais constituent d'ailleurs une curiosité. Il nous faudra très vite régler le problème spécifique posé par les textes d'origine parlementaire. En effet, la dernière révision de la Constitution va permettre à chaque assemblée de consacrer une semaine par mois à l'examen de ses propres propositions de loi. Il serait donc très dommageable que chacune d'entre elles vote ses propres propositions de loi, en première lecture, sans se préoccuper de celles adoptées par l'autre assemblée. Pour que ces textes soient adoptés rapidement, dans les mêmes termes, par les deux chambres, et deviennent des lois, il faudra donc être attentif à ce que la navette fonctionne, et surveiller le calendrier.

Sur le fond, cette proposition de loi est intéressante. Le statut de cendres issues de la crémation fait l'objet d'un débat difficile qu'il faudra trancher. Tant que la crémation restait une pratique marginale, cette question n'avait pas l'acuité qu'elle a prise depuis maintenant une quinzaine d'années. L'engouement massif de nos compatriotes pour la crémation indique un changement d'attitude profond devant la mort et le corps humain.

Le Sénat a choisi d'aligner le statut des cendres sur celui des restes humains. Cette option mérite d'être débattue. En effet, l'une des motivations du choix de la crémation est, précisément, de ne pas entrer dans cette logique et dans ses implications juridiques.

Il s'agit sans doute d'un prélude à des changements anthropologiques d'envergure, dont il faut tenir compte. Mais nous n'en sommes qu'aux toutes premières étapes de ces évolutions, et le débat est donc loin d'être clos.

Cette proposition de loi, très pragmatique, cherche également à opérer une simplification, et ce point est important. Le chapitre II entend simplifier et sécuriser les démarches des familles : c'est une bonne chose, et je m'associe pleinement à ce mouvement. J'apporterai ma contribution afin que la simplification soit encore plus poussée, et je m'attacherai à mieux protéger les consommateurs qui sont en état de particulière faiblesse après un deuil.

Pour autant, il ne faut pas gêner les professionnels en leur imposant des contraintes et des obligations disproportionnées, ou en remettant en cause l'équilibre économique de ce secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Voilà donc une proposition de loi qui traite de vrais sujets. Et il va nous falloir nous prononcer, sans avoir peur de la modifier en profondeur. S'il faut reconnaître la qualité de la réflexion et du travail de M. Sueur et de ses collègues sénateurs, nous ne devons pas nous empêcher, si nous sommes en désaccord avec telle ou telle mesure, de toucher au texte qui nous est soumis, en nous efforçant de ne froisser personne.

Mes chers collègues, il faut que nous nous prenions en main et que nous apprenions, entre parlementaires, à faire émerger des sujets, et à proposer des solutions. Nous devons être prêts à accepter des compromis que nous négocierons avec nos collègues du Sénat, sans attendre que d'autres jouent les médiateurs et, finalement, ne décident à notre place.

Nous avons, grâce à cette proposition de loi, une magnifique occasion de traiter de vrais sujets, de A à Z, sans intervention de l'exécutif. Montrons-nous à la hauteur de cette tâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la législation funéraire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma