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Séance en hémicycle du 29 juin 2010 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • agriculteur
  • producteur

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour l'environnement (2635).

La parole est à M. Serge Grouard, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, madame la secrétaire d'État chargée de l'écologie, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment où nous terminons l'examen du Grenelle 2, je vais tenter un exercice qui relève de la gageure.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Je voudrais resituer ce texte non dans la conjoncture actuelle, mais dans un contexte plus historique, dans ce « temps long » cher au grand historien que fut Fernand Braudel et dans le mouvement des idées politiques. Je le répète, mes chers collègues, j'ai bien conscience que c'est une gageure ! (Sourires.)

Depuis le XVIIIe siècle, il a eu deux grandes conceptions politiques : la philosophie des Lumières, qui a été le germe de la démocratie politique, de Montesquieu jusqu'à Raymond Aron.

Puis, le XIXe siècle a vu naître un deuxième grand mouvement, plus économique et social, dans une gestation multiforme allant de la pensée marxiste à la pensée réformiste, parfois qualifiée d'utopique, de Fourier, de Proudhon et de quelques autres, mes chers collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Grouard

Depuis la fin du XXe siècle et dans les premières années du XXIe siècle, une troisième gestation est à l'oeuvre. Peu importe le terme qu'il conviendrait d'utiliser : on emploie parfois la formule de « développement durable », mais, quoi qu'il en soit, il y a un modèle en gestation.

Pour revenir à la logique braudélienne, il y a, dans cette histoire, dans ce temps long, des invariants.

Le premier des invariants sur les deux premiers modèles – politique, économique et social –, c'est la volonté de s'inscrire en réaction à une situation existante et de relever un défi. Sur la démocratie politique, sur la philosophie des Lumières, c'est la volonté de s'opposer à une monarchie vieillissante, voire délégitimée, et de porter un autre modèle politique de philosophie d'inspiration libérale.

Au XIXe siècle, le modèle économique et social, lui aussi en gestation, s'oppose à un capitalisme sauvage qui broie l'individu et dont certains auteurs nous ont montré tous les aspects dramatiques – je pense notamment à La condition ouvrière, de la philosophe Simone Weil.

Aujourd'hui, le premier invariant tend également à mettre fin à un système, fondé sur le pillage des ressources naturelles de notre belle planète, ressources à bon marché et en quantité quasiment infinie, ou perçue comme telle, et à proposer un autre modèle qui fonctionne sur la base de ressources limitées et chères.

Il y a un deuxième invariant : chaque modèle, pour s'incarner, pour prendre corps dans la réalité du moment, s'est appuyé sur des textes, sur une dimension juridique. Je pense, bien sûr, au modèle politique, à certaines grandes déclarations que nous avons tous en tête et aux lois constitutionnelles. Ainsi, le modèle économique et social s'est traduit en France par les grandes lois sociales de l'entre-deux-guerres, puis par les ordonnances du général de Gaulle de 1945.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une problématique semblable. Je crois sincèrement que les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 et les lois de finances qui y participent s'inscrivent dans une même démarche. Selon moi, ces lois sont essentielles et resteront dans l'histoire comme certaines lois politiques et sociales. Elles s'inscrivent parmi les plus importantes de la Ve République. Est-ce à dire qu'elles sont presque parfaites ou achevées ? Absolument pas ! Mais – c'est fondamental – elles ont créé une dynamique irréversible, qui appellera d'autres textes, d'autres améliorations, d'autres évolutions. C'est ce que nous avons contribué à faire au travers du Grenelle 1 et du texte qui nous est proposé ce soir, le Grenelle 2.

Je conclurai par un dernier invariant qui montre le défi que nous devons relever.

Le modèle politique du XVIIIe siècle dont je viens de parler a pris forme dans le conflit, dans la violence révolutionnaire, et notamment dans les révolutions de 1848 ou se sont affrontés les deux systèmes politiques : le nouveau et l'ancien qui ne veut pas mourir, l'absolutisme de Metternich. Partout en Europe, cela génère des révolutions.

Le modèle économique et social a dû traverser nombre de crises, parfois violentes, pour parvenir à une très relative maturité. Nous avons aujourd'hui un défi du même ordre à relever : soit nous parvenons à assurer une transition, que je qualifierai de « douce », entre ce modèle qui a vécu et qui est encore le nôtre, et celui qui est en gestation, soit nous reviendrons à une logique conflictuelle, parce que l'un cherchera, comme toujours, à s'imposer à l'autre, et donc, nous retomberons dans la violence. Mais cette violence ne sera plus simplement une violence de société, elle sera planétaire.

Monsieur le ministre d'État, nous avons un immense défi à relever. Même si nous n'avons pas la prétention de relever tous les défis avec le Grenelle 2, nous pouvons avoir, au travers des dispositifs que nous créons, le sentiment d'avoir répondu à ce que Bernanos appelait en 1939 – ce n'était pas rien à l'époque – l'honneur de la politique, autrement dit d'avoir contribué à mettre en oeuvre ce à quoi nous croyons fondamentalement, contre les conservatismes ambiants de tous bords, pour permettre une transition que nous appelons de nos voeux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Bertrand Pancher, rapporteur de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, chers collègues, il y a quelques semaines, je me suis rendu au congrès des architectes et maîtrise d'oeuvre, à Reims, où je rendais compte des avancées du Grenelle de l'environnement. À l'issue des interventions, un animateur présent a conclu que cette profession vivait une véritable révolution, compte tenu des nouvelles normes en matière de logement.

Il y a quinze jours, j'assistais à une rencontre organisée par l'assemblée des communautés de France, l'ACDF, qui réunissait les présidents de ces structures intercommunales intéressés par les questions environnementales. L'un d'entre eux me disait : « ce que l'on vit actuellement est une révolution »

La semaine dernière, j'étais invité au congrès national des entreprises de traitement des déchets, qui emploient environ 80 000 personnes en France, et l'un des dirigeants d'un grand groupe me confiait qu'il avait, lui aussi, le sentiment de vivre une vraie révolution.

La vérité, c'est que, grâce à la loi Grenelle 1, aux nombreuses mesures fiscales prises dans le cadre de nos lois de finances, puis à ce projet de loi portant engagement national en faveur de l'environnement, il s'agit bien d'une révolution dans l'ensemble des secteurs liés au développement durable : santé-environnement, déchets, eau, énergie, qualité de l'air, bruit, transports, urbanisme, biodiversité, responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Demain, plus rien ne sera comme aujourd'hui.

Notre ministre d'État, Jean Louis Borloo, affirmait à cette même tribune que notre pays, longtemps en retard sur l'ensemble de ces sujets au niveau européen, allait progressivement reprendre le leadership et, alors que nous n'avions pas réussi à créer les filières de demain liées au photovoltaïque ou bien à l'éolien, nous allions maintenant pouvoir acquérir un avantage technologique dans de nombreux nouveaux métiers.

Monsieur le ministre d'État, il y a quelques semaines, j'ai visité un centre de recherche d'ArcelorMittal, groupe qui veut créer des maisons de demain à basse consommation d'énergie à partir de ses usines en France, au même prix que dans la construction traditionnelle de maisons neuves. L'un de ses directeurs me confiait qu'il souhaitait lancer toutes ses lignes de production dans notre pays pour conquérir le marché national, européen, puis international. Dans mon propre département, le CEA va installer une usine pilote de transformation en huile de la lignocellulose du bois, le pétrole de demain, en pariant sur une autonomie énergétique de notre pays dans vingt-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Sur le plan national, comment ne pas être frappé par le développement des voitures électriques ? Dans le bâtiment, la valorisation des déchets, les économies d'énergies, des dizaines de milliers d'emplois se créent sous nos yeux.

Mes chers collègues, je voterai avec bonheur ce texte de loi qui concrétise nos engagements environnementaux et je pourrai dire la fierté d'avoir participé à cette aventure lorsque mes petits enfants me demanderont un jour : « toi qui savais ce qui allait se produire qu'as-tu fait ? »

Je voterai ce beau texte de loi, conscient du travail qu'il nous reste à faire. Comment penser qu'en trois ans, nous aurions pu mettre en oeuvre l'ensemble des solutions dont notre pays à besoin ? Comment croire que notre énergie suffit à elle seule à entraîner l'Europe vers de bonnes pratiques, et l'Europe à entraîner le monde ?

Il nous faudra, dès le lendemain de ce vote, suivre ce texte de loi et l'ensemble des dispositifs liés au Grenelle de l'environnement ; c'est notre travail de législateur. Les décrets d'application sont nombreux et la tâche est immense. Avec mon collègue et ami Serge Grouard, co-rapporteur au fond de ce texte, nous le ferons, naturellement, dans le respect du règlement de notre commission. Nous souhaitons associer étroitement à ce suivi l'ensemble des parties prenantes des accords du Grenelle et, pourquoi pas, y inviter nos collègues co-rapporteurs du Sénat. Notre parlement dispose de moins de moyens en termes de suivi que ceux des autres pays voisins. Tant mieux ! nous allons nous appuyer sur la société civile et son expertise. Nous souhaitons que l'ensemble des parlementaires intéressés suivent, comme nous, ce texte, car il faudra peut-être le corriger, aller plus loin dans certains domaines.

Ce texte est long et, après tout, les débats de fond que nous avons eus ensemble sur l'éolien, sur l'opposabilité des trames verte et bleue ou sur l'étiquetage, sont non seulement légitimes, mais méritent d'être suivis.

Il conviendra également, monsieur le ministre d'État, car il s'agit là d'une attribution de votre administration, que vous soyez en mesure de décliner le Grenelle sur le plan territorial. Cela me semble indispensable pour que tous les acteurs s'approprient l'ensemble des mesures, mais aussi les commentent et fassent remonter leurs observations.

Comme me le disait une responsable environnemental récemment, la coupe est bien remplie, mais elle est encore loin des lèvres. C'est à nous qu'il incombe de la rapprocher afin qu'au plus vite l'on puisse tous en savourer le nectar.

Vous nous avez, monsieur le ministre d'État, proposé de très beaux textes et celui-là en particulier. Notre écologie est humaine, elle est au service de l'homme et de son développement dans son rapport étroit avec la nature. Elle s'appuie sur une longue liste de mesures environnementales avec la préoccupation de la justice sociale que vous portez tant et depuis toujours pour les nouvelles richesses de demain. Merci à vous, merci à votre administration et merci à l'ensemble des parlementaires qui se sont engagés sur ce très beau texte de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Christian Jacob, président de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que de chemin parcouru ! En 2002, discours de Jacques Chirac à Johannesburg – « la maison brûle et nous regardons ailleurs » ; en 2005, inscription dans notre Constitution de la Charte de l'environnement et définition du développement durable ; en 2007, pacte écologique et aujourd'hui, en 2010, vote du Grenelle 1 et, dans quelques instants, du Grenelle 2.

Je voudrais vous rendre un véritable hommage, monsieur le ministre d'État. Pour le paysan et l'ancien syndicaliste agricole que je suis, objectivement la partie n'était pas gagnée. Il n'était pas évident de rassembler les ONG, les organisations syndicales et la classe politique qui, rappelons-le, s'était sentie quelque peu exclue du débat. Parvenir à un consensus sur les objectifs est une voie toujours surprenante, car on considère que ce qui est consensuel est trop tiède. Or c'est exactement le contraire. Vous avez atteint ces objectifs avec vos équipes, répondant en cela à ce que nous avons souhaité les uns et les autres, majorité et opposition, au départ au sein de la commission des affaires économiques et de l'environnement, puis au sein de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable. J'insiste sur le lien entre l'opposition et la majorité parce que nous nous sommes retrouvés sur le Grenelle 1, même si cela s'est révélé plus compliqué pour le Grenelle 2, chacun devant reprendre sa posture. Toutefois, ce débat fourni a permis d'enrichir très largement le texte. Nous sommes finalement restés sur le terrain de la définition du développement durable avec un triple objectif, et là aussi ce n'était pas gagné : celui de la performance économique – un projet n'est pérenne que s'il est économiquement rentable – celui du progrès social – s'il n'apporte pas un plus aux hommes, un projet ne présente pas ou peu d'intérêt – et, enfin, celui du respect de l'environnement.

Qui aurait pu imaginer, il y a trois ans, que nous parviendrions, aujourd'hui, à réduire la consommation d'énergie en l'amenant à cinquante kilowattheures par an et par mètre carré ? Qui aurait pu imaginer ces 2 500 kilomètres de lignes à grande vitesse supplémentaires ? C'était impossible ! Qui aurait pu imaginer cet objectif tout à fait réalisable et incontestable de 23 % d'énergies renouvelables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Nous sommes parvenus à un équilibre. Et c'est pour moi l'occasion de saluer le travail important de notre collègue, le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui a, au sens propre, mouillé sa chemise sur le sujet, mais le résultat est là !

Je citerai également la géothermie, le photovoltaïque, la biomasse, les biocarburants, sujet qui me tient à coeur. Nous avons, là aussi, surmonté un certain nombre de dogmes, de blocages, de vues peu réalistes. L'important, c'est qu'aujourd'hui la France soit en mesure d'atteindre, avant 2020, ces 23 % d'énergies renouvelables.

Je tiens donc à dire un grand merci à M. le ministre d'État, à ses collaborateurs, aux rapporteurs au fond et pour avis qui ont accompli un remarquable travail, et à l'ensemble des parlementaires qui ont fait preuve de motivation et de conviction et ont eu, même s'ils se sont affrontés à certains moments, le souci de franchir, ensemble, un pas supplémentaire. Comme le soulignait Serge Grouard tout à l'heure à cette tribune, le vote du Grenelle 1 et le Grenelle 2 figureront parmi les grandes heures de cette Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, cher Christian Jacob, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Patrick Ollier, messieurs les rapporteurs, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs, permettez-moi tout d'abord de souligner, dans cette oeuvre législative majeure composée de cinq textes, le travail gigantesque effectué, dans un premier temps, pour l'essentiel, par la commission des affaires économiques, qui a été un peu la maison mère, et, dans un second temps, par la commission du développement durable, elle-même un enfant du Grenelle. Il y a deux ans, M. Jacob n'aurait pu s'exprimer en son nom ! les deux commissions ont travaillé en harmonie. J'associe évidemment à ce travail Michel Piron, Serge Poignant et Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Permettez-moi de vous donner un sentiment personnel. J'ai ressenti la même chose lorsque, à sept heures du matin, voici sept ans, a été voté le programme national de rénovation urbaine. Notre pays comptait alors 500 quartiers ghettoïsés et le programme de déghettoïsation de 20 milliards, a été porté à 41 milliards. Ce programme vit toujours et est aujourd'hui salué par les députés qui sont maires de cette Assemblée, sur tous les bancs.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

J'ai également eu ce sentiment, lorsque cette Assemblée a débattu du plan de cohésion sociale. La France était alors, je le rappelle, déboussolée ; elle comptait 10,2 % de chômeur et pas ou peu d'apprentis. Grâce à ce plan, le taux de chômage a été ramené, en deux ans, à 7,2 %, le nombre d'apprentis a augmenté et les logements sociaux ont triplé.

Aujourd'hui, mon sentiment est bien plus intense encore, non pas que je sous-estime ces sujets. La vie est souvent un concours de circonstances. La force de notre pays est d'avoir saisi ce concours de circonstances. Le Parlement français est en train de rendre irréversible la métamorphose de notre société. Nous sommes très au-delà d'une évolution et au-delà d'une révolution. Cette métamorphose de notre société, même si elle est chaotique, implicite, pas linéaire, confuse, compliquée, avec ses avancées et ses reculs, est absolument vitale. Il y a quelques jours, le premier cabinet du monde – Ernst & Young – a précisé, dans une publication internationale, que la France était le premier pays au monde en matière d'accueil des éco-technologies.

Il y a moins de trois ans, la commission du développement durable n'existait pas, le Conseil économique, social et environnemental n'existait pas, la fiscalité verte n'existait pas ou quasiment pas. Les bâtiments anciens dépassaient les 300 kilowattheures au mètre carré et les bâtiments neufs 150 kilowattheures au mètre carré. Nous étions le pays le plus poursuivi par la Commission européenne en matière environnementale. Soixante-dix mesures de fiscalité écologique ont été prises. Devant la détermination du Parlement français et de l'exécutif, la Commission a abandonné les onze plus gros contentieux en matière d'eau, de nitrates et d'eaux résiduaires urbaines, alors que la Cour de justice était déjà saisie ! C'est une première absolue !

Les universités de Columbia et Yale ont publié la semaine dernière que, sur 163 pays, la France était le septième en matière environnementale. Je vous assure que, l'année prochaine, elle figurera parmi les trois premiers – elle sera peut-être le premier – grâce à l'ensemble des dispositifs prévus.

Mesdames, messieurs, il y a deux ans et demi, l'agriculture française se sentait montrée du doigt, l'agriculture biologique était parfaitement marginale et la mutation des agriculteurs vers les circuits courts n'était pas aidée. Les cantines publiques n'étaient pas ses clients. Les ports français n'étaient pas les premiers clients du ferroviaire. Les TCSP français ne comptaient que quelques centaines de kilomètres. Le fret, les transports régionaux ou les lignes à grande vitesse étaient à nouveaux atones. Il y a deux ans et demi, les grands canaux n'étaient plus que des éléments du patrimoine et non de l'intermodalité. Il y a deux ans et demi, la France était dernière en matière d'énergie renouvelable. Le pays, inventeur de Thémis, était le dernier en matière d'énergie solaire, de photovoltaïque, d'éolien, avant-dernier en matière de biomasse et avant-avant-dernier s'agissant de la géothermie. La biodiversité française était oubliée et le Muséum d'histoire naturelle n'était qu'un musée. Telle était la situation de notre pays…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…depuis vingt-cinq ou trente ans !

Alors, sont intervenus des acteurs divers, la société civile et le Président de la République qui a dit « chiche ». (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC.) Comme on ne pouvait agir d'en haut et que rien n'est envisageable les uns contre les autres – aucun donneur de leçon ne faisant progresser une société – il convenait de faire le débat démocratique. Il fallait tenter, grâce à des groupes de travail, de trouver les voies et moyens de cette mutation qui est, en fait, une métamorphose.

Avec cinq textes, 10 000 amendements, 400 heures de débat en séance plénière, 400 heures de débat en commission, le mandat est respecté.

Aucun pays au monde ne s'est doté d'une législation aussi vaste, aussi engagée, aussi globale et aussi suivie par son Parlement. Aucun pays n'a mis en place un processus démocratique qui, commencé hors du Parlement, été poursuivi par lui jusqu'au vote d'un texte de loi.

C'est un monument législatif, qui, certes, prend du temps, car il n'y a pas de « ya qu'à, faut que » et c'est extrêmement difficile, on ne passe pas de 150 à 50 kilowattheures en claquant des doigts sans créer une crise du logement. En matière automobile, nous réduisons les émissions de carbone d'un gramme toutes les quatre semaines quand l'Europe les réduit d'un gramme tous les treize mois, mais nous irons beaucoup plus vite, beaucoup plus loin. J'ai eu l'occasion de l'annoncer lors des questions d'actualité, la France a 13,4 % d'avance sur ses engagements déjà assumés du protocole de Kyoto.

Mesdames, messieurs, la France sera le premier pays industriel de ce qu'on appelle le vieil Occident à être dans une économie soutenable avec les seules dispositions que vous avez étudiées, approfondies, améliorées et votées. C'est un dispositif gigantesque, qui ne s'arrêtera pas aux portes de l'Assemblée, qui doit maintenant être relayé par tous les acteurs, acteurs de la société, acteurs syndicaux, industriels, collectivités locales, consommateurs évidemment, mais le mouvement est lancé, et il est irréversible.

C'est un moment assez particulier, après cinq textes de loi. Même si c'était compliqué, difficile, ingrat, nous sommes allés au bout et, d'une certaine manière, je pourrais aujourd'hui quitter la politique (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP. - « Chiche ! » sur les bancs du groupe SRC.) ) après avoir mené ce travail avec les 80 000 fonctionnaires de ce ministère. Permettez-moi de vous en dire un mot plutôt que de vous entendre sourire un peu bruyamment.

Oui, nous avons bâti la première administration publique du XXIe siècle. Aucun pays ne s'est doté d'une organisation qui essaie non pas d'opposer l'écologie au reste des fonctions mais d'intégrer la dimension écologique dans l'habitat, l'urbanisme, les transports, la gestion des forêts, la mer, les océans et l'énergie.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est unique au monde et c'est maintenant irréversible. Si j'ai un souhait à émettre, c'est que, quels que soient les gouvernements, on ne revienne pas à un petit ministère de l'écologie qui serait simplement l'adversaire des autres fonctions de la société. Ce serait un crime contre la raison, contre le progrès. Ce pourrait être médiatiquement positif, mais ce serait un retour en arrière absolument dramatique.

Pour conclure, je regrette que le statut d'opposants vous force à essayer de mettre l'accent sur trois ou quatre points pour essayer de déformer la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne le regrette pas pour moi car la société française avancera malgré vous ! Je regrette pour vous que vous ne participiez pas à l'édification de ce monument essentiel que nous léguerons à nos enfants. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

J'ai hésité avant de monter à la tribune car j'ai cru m'être trompé de salle, monsieur le ministre. Il y avait en effet un côté Comédie française dans votre intervention. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La pièce était-elle Fin de partie de Beckett, puisque vous annonciez éventuellement votre départ ? Était-ce La solution ou encore Mère courage, de Bertold Brecht ? Je pense plutôt à Ionesco parce qu'il disait qu'au théâtre, la vraie mesure, c'est la démesure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Ces grandes envolées très séduisantes, qui traduisent, j'en suis certain, sur une conviction réelle, partagée, vont nous obliger à aller dans les coulisses du côté cour ou du côté jardin. Quoi qu'il en soit, nous avons quelques petites vérités à dire, car on ne peut pas rester uniquement sur des effets de manche qui tronqueraient la réalité de cette loi.

J'aurais de quoi écrire un livre, …

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…mais je prendrai juste quelques exemples qui me viennent à l'esprit. Il y en a un que j'ai à coeur, c'est ce que j'appelle l'hypocrisie environnementale car, lorsque l'on parle des agrocarburants…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Si vous voulez, je ne vais pas jouer sur les mots !

..et que l'on se fixe des objectifs ambitieux, comme un taux d'incorporation intermédiaire de 7 % en 2010, qu'est-ce que cela signifie ? Pense-t-on seulement aux pays où seront produits ces agrocarburants, aux conséquences que cela aura pour des territoires où la famine se développera ? C'est en effet une réalité chiffrée, soulignée en particulier par la FAO, dont je vous conseille de lire le rapport de 2008, intitulé « Biocarburants : perspectives, risques et opportunités ». Après l'Indonésie et la Malaisie, des pays comme Madagascar et la Colombie laissent le champ libre à l'agrobusiness pour la production de palme…

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

… avec, pour conséquence, l'expropriation foncière des populations rurales, la déforestation et l'abandon des cultures vivrières. On ne peut pas prétendre lutter chez nous contre le gaz à effet de serre et délocaliser la pollution ailleurs. L'honnêteté, c'est de le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Les chiffres parlent d'ailleurs d'eux-mêmes. Actuellement, les quantités de CO2 produites à l'étranger pour les importations françaises atteignent 339 millions de tonnes, soit 20 % de plus que les émissions produites par la production hexagonale. On ne peut pas ne prendre en considération que notre pays, il faut voir ce qui se passe au niveau de la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Il serait féroce, inacceptable d'annoncer que l'on règle le problème chez nous et d'exporter la pollution.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Non, c'est de l'honnêteté intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vais donner un autre exemple. Alors que nous avons des ambitions, on décide par ordonnance que les règles relatives aux installations classées seront moins dures qu'elles ne l'étaient, de façon totalement contraire aux objectifs du Grenelle de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Alors que le Grenelle de l'environnement devait permettre de renforcer la loi dans ce domaine, avec la crise et le plan de relance de l'économie, vous avez assoupli l'an dernier, par ordonnance, la réglementation concernant les installations classées, c'est-à-dire qu'en catimini, vous prenez des décisions contraires aux grands objectifs que vous affichez.

Autre exemple, le fret ferroviaire. Des objectifs ont été fixés dans le Grenelle 1, des engagements pris. Résultat, il est abandonné.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Toutes les associations de défense de l'environnement, de nombreuses organisations syndicales, des personnes de toutes sensibilités sont en train de dire que l'on fait le contraire de ce qui avait été affiché dans le Grenelle 1.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Là encore, ce que l'on constate est finalement à l'opposé de ce qui a pu être écrit.

Autre exemple, on disait lors du Grenelle 1 que, pour mieux gérer les problèmes de l'environnement dans les entreprises, il fallait donner davantage de pouvoirs aux salariés, vous aviez même pris des engagements, monsieur le ministre. Il n'y a finalement aucune évolution…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

…concernant les domaines d'intervention des salariés au sein des comités d'entreprise ou des CHSCT. Il est seulement prévu un droit de regard par des cabinets extérieurs, avec des comptes rendus aux actionnaires. L'évolution envisagée n'a finalement pas eu lieu.

Nous sommes en train de discuter d'un projet de loi sur l'agriculture, rien n'est fait pour faire évoluer les techniques culturales.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

Il y a eu la certification environnementale, aucun contenu ne lui a été donné au point que l'on se demande si elle ne va pas être exploitée au détriment des productions de qualité, des productions AOC, des productions fermières, et bénéficier à la grande distribution qui, avec la contractualisation, pourra écraser encore davantage les agriculteurs sans qu'il y ait de véritables progrès pour l'environnement.

Je n'ai pris que certains exemples, je pourrais vous en donner de nombreux autres.

Debut de section - PermalienPhoto de André Chassaigne

À un certain moment, il faut être un peu sérieux. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) On peut considérer qu'il y a des éléments positifs dans cette loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dit vous-même que c'était un monument. Alors qu'il est en construction, il aurait fallu prendre une assurance dommages ouvrage parce qu'il y a d'ores et déjà des failles. Quant à la garantie décennale, je ne garantis rien du tout. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Ceux qui n'ont rien construit ne peuvent pas dire grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très heureux de m'exprimer ce soir au nom du groupe UMP, après huit ans de présence dans cet hémicycle, où j'ai déjà eu l'honneur d'être le rapporteur de la charte constitutionnelle de l'environnement, de mener une mission sur l'agriculture biologique et une autre sur la mortalité des abeilles et les pollinisateurs sauvages, et de travailler, comme vous tous, mes chers collègues, sur le Grenelle 1, le Grenelle 2 et la loi sur l'eau. Tout cela prouve que si, historiquement, la contribution est globale, force est de reconnaître que les grandes avancées environnementales viennent plutôt du côté droit de l'hémicycle, nous en avons encore une grande démonstration ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Véritable traduction des engagements pris à l'automne 2007 au travers du Grenelle 1, le projet de loi portant engagement national pour l'environnement marque incontestablement un tournant et manifeste durablement l'investissement de notre Gouvernement en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de l'environnement.

C'est avant tout le résultat d'un travail législatif inédit par son ampleur, avec près de 2 500 amendements examinés en commission et 1 600 en séance, permettant tout simplement de doubler le volume des dispositions contenues dans ce texte. C'est aussi, le ministre d'État l'a rappelé, un travail inédit par l'association en amont de la société civile à l'ensemble de nos travaux.

Je tiens à saluer l'implication de nos rapporteurs, Serge Grouard et Bertrand Pancher pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Serge Poignant et Michel Piron pour la commission des affaires économiques, et Éric Diard pour la commission de lois, ainsi que les présidents Christian Jacob et Patrick Ollier. De manière plus générale, je remercie l'ensemble des parlementaires du groupe UMP qui, depuis 2007, année du lancement du Grenelle de l'environnement, portent ce projet de toutes leurs convictions. Enfin, je m'associe aux propos de M. Jacob, monsieur le ministre d'État, pour saluer votre engagement personnel et celui de l'ensemble de l'équipe ministérielle de votre pôle, effectivement inédit en Europe et dans le monde, et l'attachement du Président de la République à ce texte. Ce n'est vraiment pas le moment de partir et de nous quitter, nous avons tellement besoin de vous. (Sourires.)

Après plusieurs mois de discussion et d'examen, nous arrivons donc au terme de cette procédure, et je me réjouis du consensus trouvé en commission mixte paritaire, où cela ne s'est pas si mal passé.

En matière d'urbanisme, l'encadrement de la publicité extérieure a été renforcé. On interdira désormais les pré-enseignes hors agglomération après un délai de cinq ans, tout en tenant compte, nous en parlerons cette semaine à propos de la loi de modernisation agricole, des besoins propres à certaines activités économiques – produits du terroir, activités, opérations et manifestations exceptionnelles, produits locaux. Nous avons également parlé des publicités sur bâches, qui pourront être limitées à des bâches de chantiers.

Un gros travail a en outre été accompli sur les transports. Les péages urbains ont ainsi été réintroduits pour les agglomérations de plus de 300 000 habitants.

Par ailleurs, nous avons renforcé l'arsenal législatif concernant la responsabilité des sociétés-mères pour des dommages environnementaux causés par leurs filiales défaillantes. Les représentants du personnel et les ONG – c'est l'esprit même du Grenelle – pourront désormais être associées aux démarches « responsabilité sociale et environnementale » des entreprises, le Gouvernement s'étant très fortement engagé sur ce sujet.

Enfin, en matière de collecte des déchets, le choix de l'expérimentation a été fait, par l'introduction d'une part variable dans la taxe d'élimination des ordures ménagères ; il s'agit de réduire à la source la production des déchets ménagers.

Le Grenelle, mes chers collègues, engage la France vers la production d'énergies renouvelables. Il sacralise de nouvelles normes environnementales pour les constructions nouvelles. Il engage résolument la mise aux normes des logements existants. Il flèche les investissements en priorité sur les modes de transport doux. Il sacralise les trames verte et bleue tout en renforçant une vision globale de l'urbanisme : je pense aux schémas de cohérence territoriaux, qui seront le gage du respect de la biodiversité.

Avec les Grenelle 1 et 2, la France se dote d'une politique environnementale globale et transversale. Elle renforce sa position de fer de lance dans la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de nos territoires et donc la protection de nos concitoyens. La France se saisit de ces enjeux comme d'une chance pour une croissance plus verte, au moment où la reprise économique se dessine.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Mes chers collègues, en dotant notre pays des outils indispensables au défi écologique qui nous attend, ce texte a véritablement rempli le rôle qui lui était assigné. C'est pour cette raison qu'il emporte l'adhésion des députés du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme du processus législatif du Grenelle de l'environnement. Les centaines de réunions, de tables rondes, de contributions riches et variées et les heures de débat au Parlement auront marqué un tournant historique, celui d'une prise de conscience de la nécessité de faire de notre société une société plus sobre en carbone et donc plus respectueuse de l'environnement.

Nous tenons, monsieur le ministre d'État, à saluer le travail législatif réalisé par les membres du Gouvernement, les parlementaires et l'ensemble des acteurs du Grenelle. Ce fut un moment législatif particulièrement participatif, l'opinion publique s'étant véritablement emparée de l'esprit Grenelle.

Il y a en effet la lettre de la loi, qui a été sujette à discussions et à désaccords, ce qui est normal dans une démocratie digne de ce nom, mais je crois – tout à l'heure, Serge Grouard a cité Montesquieu – que, sur ce texte plus que sur tout autre, c'est l'esprit qu'il faut retenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Ce Grenelle a fait souffler un vent d'air frais sur le pays et les décideurs publics. De l'élu municipal de la plus petite commune de la plus belle région de France, la Picardie, au président de la plus grande entreprise, il y aura de toute évidence un avant et un après Grenelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Permettez-moi, monsieur le ministre d'État, de citer un exemple très personnel. Dans la ville dont je suis maire depuis 1989, nous avons décidé de créer une crèche, et je ne suis pas sûr que j'aurais pris, il y a quelques années, la décision de construire une crèche bioclimatique. Il y a véritablement, chez les élus municipaux, un avant et un après Grenelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Bien sûr, les résultats de nos décisions ne seront vraiment visibles que sur le long terme, sous réserve d'agir avec constance et volonté. Nous pouvons presque dire que ce Grenelle est un pari permanent ; il faudra assurer le maintien de cet esprit, le maintien de cet enthousiasme qui se libère. C'est un grand chantier qui réclamera une volonté constante.

Le Nouveau Centre s'est pleinement engagé dans le Grenelle et poursuivra son effort de pédagogie auprès de l'opinion. Vous l'avez compris par nos propos : nous continuerons de défendre une écologie pratique, une écologie du quotidien, une écologie qui parle à nos concitoyens, une écologie de préservation de notre qualité de vie.

Les députés du Nouveau Centre sont heureux d'avoir contribué à enrichir le texte,…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

…notamment par le biais d'amendements de bon sens, fruits de leur expérience d'élus locaux : un amendement visant à autoriser les établissements recevant du public à utiliser l'eau de pluie pour des usages non alimentaires – quoi de plus évident ? – ; un autre visant à contraindre les chaînes de télévision à respecter en permanence le même volume sonore – quoi de plus évident, là encore ? – ; un amendement, souhaité par la Fondation Abbé Pierre, visant à reconnaître la précarité énergétique dans le cadre du droit au logement, donnant ainsi une dimension sociale au Grenelle – j'aurai l'occasion d'en reparler demain, dans le cadre des questions au Gouvernement.

Ce sont, monsieur le ministre d'État, trois amendements importants et trois succès, mais trois succès insuffisants pour que je prenne la décision de quitter la politique. (Sourires.) D'autant que – les arbitrages de la commission mixte paritaire l'ont démontré – nous aurions de toute évidence pu aller beaucoup plus loin. En effet, les élus centristes ont été parfois déroutés par les décisions prises au sein de cette commission restreinte à sept sénateurs et sept députés.

Je pense à deux points en particulier. Nous avions, tout d'abord, une proposition d'amendement visant à établir dans chaque établissement de restauration rapide des poubelles de tri sélectif. Cette proposition avait été adoptée unanimement en séance publique, car elle était de bon sens, mais elle a été « retoquée » en CMP. Il faudra donc continuer à expliquer à nos enfants qu'ils doivent trier les déchets à la maison, mais qu'au Mac Do, par exemple, ils sont dans un no man's land écologique et peuvent continuer à jeter la totalité de leurs plateaux-repas dans une seule et unique poubelle ! Il y a là de toute évidence un manque de cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Le deuxième point concerne la consignation pour le réseau des cafés-hôtels-restaurants, les fameux CHR. La consignation pour le réemploi des emballages dans le circuit de distribution de ces CHR répondait parfaitement aux exigences du Grenelle de l'environnement. Adoptée en séance publique, elle a été supprimée en CMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Saddier

Elle apportait pourtant une réponse concrète à la réduction d'emballages perdus, dont la collectivité doit, une fois de plus, assumer la gestion et l'élimination. Il était possible – je pourrais vous en faire la démonstration – d'économiser 180 millions de fûts supplémentaires par an sur le marché.

La frilosité ne devait pas prévaloir sur cette question. Nous avons tous connu, lorsque nous étions plus jeunes, le système de consigne. Cette mesure a été écartée ; dont acte. C'est dommage car ce texte était l'opportunité rêvée de relancer une vieille pratique pleine de bon sens.

Sur ce point précis – mais cela vaut pour tant d'autres amendements –, je voudrais dénoncer l'activisme des lobbies, qui s'apparente presque à du harcèlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Ces lobbies sont très organisés et ont parfois bien compris, monsieur le ministre d'État, que le conclave de la CMP était une forteresse beaucoup plus facile à prendre, car plus ciblée, que la séance publique.

Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé, en séance publique, sur trois points. À ma grande surprise, ils n'ont pas été évoqués en CMP ou l'ont été insuffisamment. Le texte s'appelle pourtant « engagement pour l'environnement » ; j'ose donc espérer que ces engagements seront tenus dans les semaines ou les mois à venir.

Je pense tout d'abord à l'engagement de revoir de façon plus favorable les tarifs de rachat de biogaz issu de la méthanisation, une mesure très attendue des agriculteurs.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est très important ! Le rendez-vous est en juillet !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Puisque je parle des agriculteurs, monsieur Chassaigne, permettez-moi de vous dire un mot sur le biocarburant. Dans un élan démagogique, vous avez jeté le bébé avec l'eau du bain, confondant des biocarburants étrangers, parfois, effectivement, discutables, avec des biocarburants à l'européenne qui sont, eux, respectueux des hommes, des terres et de l'environnement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Relisez la récente étude de l'ADEME et vous le comprendrez. Évitez d'extrapoler à partir des seules lignes des études de cette agence qui vous plaisent.

Je pense ensuite à l'engagement que le cumul des travaux de réhabilitation des dispositifs d'assainissement non collectif avec d'autres travaux d'économie d'énergie serait possible dans le cadre de l'éco-prêt à taux zéro, une mesure également très attendue en milieu rural.

Enfin, je pense à l'engagement du Gouvernement de généraliser les systèmes de récupération des vapeurs d'essence à l'ensemble des stations-service. Vous le savez, madame la secrétaire d'État, c'est un enjeu de santé publique.

Bref, le chemin est encore long et le vote de ce texte n'en marque pas la fin. En effet, si la France doit poursuivre son action pour la protection de l'environnement sur le territoire, elle doit aussi encourager l'Europe et, à travers elle, le monde à agir dans le même sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

En conclusion, malgré ces quelques frustrations, que je ne pouvais pas passer sous silence, les élus du Nouveau Centre, dans un souci de responsabilité collective, et parce que nous pensons que notre pays doit montrer le chemin, voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme mon collègue Chassaigne, j'ai été très surpris, car je pensais que l'on parlerait du Grenelle 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Au lieu de cela, on est parti dans de grandes envolées lyriques, dans des oraisons, dont j'espère qu'elles ne sont pas funèbres. On a parlé de monument, de ponctuation, de point final… Je remarque que ni le ministre d'État ni les rapporteurs n'ont évoqué spécifiquement le Grenelle 2.

Notre collègue Jacob, dans son histoire de l'environnement, est parti de 2002, oubliant complètement que François Mitterrand avait négocié Rio, d'où découlent le développement durable, le changement climatique, la biodiversité. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Comme s'il ne s'était rien passé dans les années quatre-vingt-dix et deux mille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Il a également oublié de dire que, si l'on en était à ce niveau dans les énergies renouvelables, c'est aussi après un mandat de votre majorité !

Pourquoi avoir noyé le Grenelle 2 ? C'est qu'il n'est pas très présentable ! Je ne reviens pas sur les raisons qui nous ont amenés à voter contre, le texte ayant très peu évolué lors de son examen en commission mixte paritaire. Il faut dire que celle-ci a été très bien verrouillée, mis à part sur l'affichage publicitaire.

Ce verrouillage a évité toute remise en cause d'arbitrages antérieurs. Nous n'avons pu que regretter que le sénateur UMP Bruno Sido retire ses amendements concernant l'éolien – amendements que nous avions aussi déposés –, alors qu'ils auraient pu éviter cette chronique de la mort de l'éolien terrestre annoncée par le Grenelle 2.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Quelle malhonnêteté intellectuelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Les simulations ont été réalisées avec les schémas régionaux de l'éolien devenus opposables – en contradiction avec le Grenelle 1, qui parle de schémas préférentiels. Dans de nombreuses régions, il ne restera qu'environ 10 % du territoire disponible pour l'éolien.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Par ailleurs, en maintenant le nombre minimal de mâts à cinq, vous effacez, dans le Grand Ouest, par exemple, 50 % des projets.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Comme le déclarait Bruno Sido, le 9 juin, « le seuil de cinq éoliennes supprime une bonne partie des projets existants, notamment les projets citoyens et ceux de l'Ouest. Leur avenir m'inquiète particulièrement, d'autant plus que la Bretagne est déjà très dépendante énergétiquement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Vous pressentez si bien cette situation, monsieur le ministre d'État, que vous avez, début juin, envoyé une lettre circulaire aux préfets pour leur demander d'accélérer la délivrance des permis de construire. Tout ce qui aura été autorisé avant l'application des nouvelles contraintes du Grenelle 2 rendra les statistiques plus présentables, avant l'effondrement prévisible, déjà sensible au premier trimestre 2010, des autorisations.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est nul !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

On peut cependant douter que l'Union européenne soit dupe de cette circulaire de dernière minute, écran de fumée qui tente de masquer le fait que le Grenelle 2 s'inscrit en contradiction avec la directive, qui dispose que les réglementations nationales doivent favoriser le développement des énergies renouvelables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Par ailleurs, la programmation pluriannuelle des investissements a été calculée avec des ratios optimistes sur les énergies renouvelables autres que l'éolien. Les 19 000 mégawatts d'éolien terrestre en 2020 sont donc indispensables – vous le dites vous-même – si nous voulons tenir notre engagement européen de 23 % d'électricité de sources renouvelables et donc conserver notre crédibilité européenne.

Votre lettre du 7 juin demande aux préfets de vous adresser sous un mois une note de synthèse sur le développement de l'énergie éolienne dans leur région. Vous pourrez alors vérifier qu'avec l'opposabilité des schémas régionaux de l'éolien et le minimum de cinq mâts, votre objectif de 500 mâts par an est impossible à atteindre. Connaissant votre souci de transparence, je ne doute pas que vous présenterez les résultats de cette consultation à l'un des deux comités de suivi du Grenelle convoqués en juillet.

Il existe un autre domaine où le Grenelle nous avait fait espérer que nous prendrions nos responsabilités et où la commission mixte paritaire a reculé : la protection de la biodiversité. L'année 2010 est l'année internationale de la biodiversité, mais qui le sait en France ? Pourquoi cette différence de traitement entre le changement climatique et la biodiversité ? Surtout, qu'aura-t-on fait en France pour marquer cette année ?

L'une des mesures emblématiques du Grenelle, celle de la trame verte et bleue, permettant aux espèces, dans un contexte de changement climatique, de migrer, et donc préservant la biodiversité, a été vidée de son sens et de son efficacité par la commission mixte paritaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…au mépris des équilibres délicats obtenus dans le COMOP entre les acteurs susceptibles de la mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

La CMP a transformé l'opposabilité de la trame verte et bleue en une simple prise en compte…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…dont on connaît déjà l'inefficacité puisque l'on a fait exactement l'inverse avec les SAGE en les rendant opposables. Le Conseil d'État, dans son rapport public consacré à l'eau et son droit, présenté le 4 juin dernier, écrit que la trame verte et bleue n'atteindra son objectif de préservation de la biodiversité « que si les documents qui la concernent sont rendus opposables à tous les autres documents d'urbanisme et à toutes les décisions publiques d'investissement, voire privées ». La CMP a fait l'inverse, ouvrant ainsi la voie à une fragmentation de la trame qui rendra celle-ci inefficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Les espèces invasives, mieux adaptées au réchauffement climatique, se substitueront aux espèces naturelles prisonnières d'un milieu qui aura changé et leur sera devenu hostile. Quelle occasion ratée pour marquer l'année de la biodiversité !

Ainsi, le développement des énergies renouvelables et la protection de la biodiversité, deux éléments fondamentaux des conclusions du Grenelle, repris dans le Grenelle 1, sont stoppés dans le Grenelle 2 et rejoignent la liste des promesses non tenues.

J'en viens au financement pérenne des transports en commun en site propre et du transfert modal route-rail. Qu'avez-vous fait ? Vous avez reporté l'application de l'éco-taxe poids lourds…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…qui devait corriger l'erreur que la majorité avait commise durant le quinquennat précédent en privatisant les autoroutes.

Autre promesse : la mise en place d'une contribution climat-énergie. Vous avez reporté la taxe carbone, que vous auriez pu améliorer pour la rendre plus juste socialement et plus efficace écologiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Une agriculture plus respectueuse de l'environnement ? Vous avez reculé sur les pesticides et vous dévaluez le label « haute qualité environnementale » en permettant la production d'OGM.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

À ce sujet, monsieur le ministre d'État, que pensez-vous de l'amendement de notre collègue Le Fur ? (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Autre promesse : « Une TVA à taux réduit sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité ». Ce sont les mots même du Président Sarkozy lors du discours de clôture du Grenelle. Il ajoutait à l'adresse de José Manuel Barroso : « Je me battrai pour cela. » En fait, il s'est battu pour obtenir l'inefficace baisse de TVA sur la restauration (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) en sacrifiant la négociation sur la TVA verte !

Autre promesse d'octobre 2007 : « Tous les grands projets publics, toutes les décisions publiques, seront désormais arbitrés en intégrant leur coût pour le climat, leur coût en carbone […] leur coût pour la biodiversité. Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé. » Deux ans et demi après, ce principe n'a toujours pas été mis en oeuvre et les décisions se prennent comme avant. Ainsi, alors même qu'on votait le Grenelle 1 qui réaffirmait ce principe, le Gouvernement a continué à procéder au déménagement du territoire en supprimant les services publics de proximité, les tribunaux, les hôpitaux, La Poste,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

C'est compliqué de justifier le vote contre, n'est-ce pas, monsieur Tourtelier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

…ou en déménageant des casernes sans aucune étude sur les conséquences environnementales, en particulier en termes de transports liés à ces dérives. Je suis en plein dans le sujet, monsieur Pancher, monsieur Jacob.

Vous le voyez, mes chers collègues, la liste des promesses du Grenelle non tenues que j'ai donnée est déjà longue, et elle n'est pas exhaustive ni même, malheureusement, probablement définitive. Une logique purement financière ou politicienne a repris le dessus sur les engagements du Grenelle, ce qui était malheureusement prévisible.

Madame la secrétaire d'État, lorsque le Président de la République vous a demandé de définir une écologie de droite, vous auriez pu lui répondre : » Mission impossible, monsieur le Président. Sauf à changer la droite. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

L'écologie, c'est en effet d'abord le partage équitable des ressources naturelles et de ce qui en est issu, non seulement entre nos concitoyens mais aussi entre les pays et avec les générations futures. Partage, souci du long terme, collectif : ce ne sont pas les références traditionnelles de la droite et on ne voit pas émerger chez elle un nouveau modèle. (Mêmes mouvements.) Les lois du marché et la logique du profit sont antinomiques avec la prévision, l'investissement à long terme, l'intérêt général. (Mêmes mouvements.) Je comprends que mes propos vous fassent réagir, mais c'est toujours une logique à court terme qui vous guide dans vos décisions. Alors qu'on sait depuis le rapport Brundtland que l'on ne résoudra pas les questions écologiques dans un contexte d'injustice sociale. Pour mobiliser nos concitoyens sur des objectifs écologiques, il faut bien sûr s'appuyer sur la responsabilité individuelle, mais aussi s'assurer que chacun a les moyens d'être responsable. Sinon c'est l'échec. Et c'est l'injustice sociale de votre taxe carbone qui explique avant tout le refus dont elle a fait l'objet.

Monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, vous ne liez pas la question écologique et la question sociale parce que cela remettrait en cause vos fondamentaux de droite.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Il ne peut alors qu'y avoir un décalage croissant entre les ambitions du Grenelle 1 et les décisions que vous prenez. Ainsi s'expliquent les reculs constatés du Grenelle 2, reculs sur lesquels non seulement la CMP n'est pas revenue, mais qu'elle a parfois aggravés. Nous ne cautionnerons pas ces renoncements et nous voterons contre le Grenelle 2. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, chers collègues,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président Jacob, je n'ai pas encore commencé mon intervention, permettez-moi de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

J'ai apprécié – partiellement – les tentatives d'élévation de la pensée faites par les rapporteurs, par vous-même, monsieur le président Jacob, et par le ministre d'État. Les uns ont beaucoup parlé de la longue histoire, les autres du gros volume. Un des arguments soutenus en faveur du Grenelle 2, et plus largement de l'ensemble des textes s'y rapportant, c'était qu'il y avait eu beaucoup d'heures de travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

…et que les textes eux-mêmes étaient absolument énormes. Mais est-ce un critère de qualité en soi ? Pas du tout. On peut travailler pendant des centaines, des milliers d'heures, et ne pas faire de très bonnes choses. Le bon critère de qualité, c'est ce qui peut coller au mouvement réel du monde, aussi bien le monde social, le monde économique que le monde naturel, c'est-à-dire écologique. Pour discerner ce critère, il faut avoir des lunettes conceptuelles adaptées à ces réalités. C'est pourquoi je suis réticent par rapport à vos textes : ils ne portent pas encore les bons concepts. Certes, il y a eu des efforts. Depuis 2007, nous avons toujours dit que le Grenelle n'appartient pas à la majorité, mais à tout le monde, y compris à nous…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

..– même si nous y avons participé modérément.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il appartient aussi aux ONG, à toute la population.

En outre, j'ai constaté les différences de qualité entre la loi de 1977 sur l'énergie de M. Jimmy Carter, qui faisait deux pages, et celle préparée par le Président Obama, qui en compte 1 200 : la première était pourtant d'une clarté et d'une ambition remarquables, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Elle n'a pas été votée parce qu'il a été battu aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Certes, mais est-ce que faire plus, c'est faire mieux ? Pas toujours, et le Grenelle 2 en est une illustration.

Par ailleurs, il y a malheureusement dans ce texte, qui est assez varié, deux handicaps.

Le premier, c'est que je ne vois pas, eu égard aux engagements de 2007, des amendements de la majorité qui auraient amélioré le texte dans un sens plus « grenellien », plus environnementaliste, plus écologique. Tous les amendements venant de la majorité qui ont été adoptés visaient à le raboter, à en réduire la portée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Par exemple, les amendements du président Ollier ont visé à restreindre le développement de l'éolien en France, comme l'a très bien démontré M. Tourtelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Ce n'est qu'un exemple parmi des dizaines. Tous les amendements de la majorité n'ont pas été un mieux-disant écologique, mais au contraire un moins-disant. On n'a pas cessé de raboter. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur le président de la commission mixte paritaire, seul M. Cochet a la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, j'espère que, comme au foot, vous pourrez m'accorder deux minutes supplémentaires à cause d'arrêts de jeu inopinés.

Second handicap pour ce projet de loi : certains sujets n'ont pas été traités parce que les concepts, les idées, les principes utilisés pour le rédiger ne sont pas toujours les meilleurs. Je vais en donner quelques exemples : la taxe carbone est abandonnée,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

…l'étiquetage carbone est repoussé ; la taxe poids lourds est reportée ; l'éolien est entravé ; les documents d'urbanisme ne doivent plus que prendre en compte la trame verte et bleue. Si ce n'est pas une régression, je me demande quelle est votre définition de ce terme ! Quant aux enquêtes publiques sur le nucléaire prévues après l'article 94, elles sont en partie abandonnées en raison d'une ambiguïté de formulation entre la « modification notable » et « l'accroissement significatif ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

M. le ministre lui-même avait dit qu'on ne parlait pas du nucléaire, que c'était hors Grenelle. Or le seul qui ait évoqué le sujet, c'est le Gouvernement ! Quelle contradiction… sans doute due au poids extrêmement fort en France du lobby nucléaire.

J'en viens aux erreurs de concept. Par exemple, on va encourager la capture et le stockage du carbone. Or je vous assure que même avec de l'expérimentation, cela ne marchera pas parce que ce n'est pas du tout assuré géologiquement et que c'est contraire au deuxième principe de la thermodynamique : ce sera thermodynamiquement un four.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il en est de même des biocarburants, dont vous-même, monsieur le ministre d'État, et M. Demilly, êtes des promoteurs, avec les 10 % à l'horizon 2020. On nous dit : « D'accord, la première génération, ce n'était pas tout à fait ça, on va donc en faire une deuxième. » Mais cela ne changera rien au problème. Au moins la première génération ne prenait que la graine, là où il y a le plus d'énergie, alors que vous allez prendre la fibre cellulosique, là où il y a le moins d'énergie ! Pensez-vous ainsi améliorer le rendement des biocarburants ? C'est vraiment une bêtise thermodynamique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Jacob

Monsieur Cochet, vous devriez venir en commission, participer aux auditions ! Vous pratiquez la politique de la chaise vide, et c'est dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Non seulement les biocarburants de première génération ne marchent pas, pour les raisons que des collègues, notamment du parti socialiste, ont expliquées, mais en prenant toute la plante, vous allez diminuer l'énergie consommable.

En plus, il y a les problèmes d'équité nord-sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je vais conclure, monsieur le président, mais à condition que M. Jacob me laisse parler. La Hi-Fi placée au premier rang est assez pénible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Même les deux minutes supplémentaires que vous demandiez ont été utilisées, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je termine, monsieur le président.

À l'article 19 bis, le projet de loi fait la promotion de la voiture électrique. Vous devez avoir une bonne équipe, monsieur le ministre d'État, je suis convaincu qu'elle comporte des gens de très haute valeur (« Des noms ! Des noms ! » sur les bancs du groupe SRC), aussi bien parmi les politiques que chez les techniciens ; examinez donc encore le rendement de la filière des voitures électriques : c'est même moins bon que celui de la voiture à moteur thermique – dont nul ne peut prétendre que je sois un défenseur. Il faudra satisfaire plus de demande électrique : en conséquence, vous allez favoriser et développer soit le nucléaire, soit les centrales thermiques, donc des centrales polluantes ; ou bien alors vous allez…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

…reporter la pollution ailleurs. S'agissant des éoliennes et des autres énergies renouvelables, monsieur le rapporteur, j'indique que la production dans tous les pays qui les ont développées, y compris en Espagne, au Danemark et en Allemagne, n'a pas même été suffisante pour rattraper le retard par rapport au surplus de demande d'électricité !

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Si vous ne croyez plus aux éoliennes, monsieur Cochet, c'est la fin de tout ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Je conclus sur un dernier point qui me semble important, un oubli considérable du Grenelle : le texte ne prend pas en compte la déplétion des énergies fossiles. C'est pour moi le problème number one, et dont on va voir dans les années 2010-2020 les conséquences à la fois sociales et économiques. On commence déjà à les percevoir. Ne pas même utiliser les termes « déplétion pétrolière » ou Peak Oil – dans une loi considérée comme un monument de la République est un oubli regrettable.

Pour toutes ces raisons, notamment la dernière, le groupe GDR sera obligé de voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Chers collègues, je vous rappelle que nous ne sommes pas en temps programmé. Merci de veiller à respecter vos temps de parole.

La parole est à M. Michel Piron.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Je suis député de la nation.

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, chers collègues, en CMP ont été adoptées des mesures adaptées concernant l'habitat et l'urbanisme.

Quelques-unes sont simplificatrices car il ne s'agit pas de créer des gisements de contentieux inutiles – comme on en trouve dans certains textes –, mais plutôt des incitations : échange d'informations entre bailleurs et preneurs ; effort pour ménager des transitions s'agissant des documents d'urbanisme ; extension du périmètre d'urbanisation d'une agglomération nouvelle ; mesures sur la publicité et notamment les préenseignes.

Après le rappel de ces mesures de régulation et d'incitation, je voudrais à mon tour souligner l'intelligence tout à fait exceptionnelle que vous avez déployée, monsieur le ministre d'État, lors de l'élaboration de ce texte comme de ceux qui précédaient, en ce qui concerne le fond et peut-être encore plus la forme.

L'association d'un maximum d'interlocuteurs – de locuteurs, pourrais-je même dire – sur des sujets parfois très difficiles et qui étaient loin de faire consensus a été menée de manière particulièrement remarquable depuis les premiers comités opérationnels jusqu'au terme que nous atteignons aujourd'hui. Je tenais à souligner cela.

À l'invitation de quelques-uns de mes prédécesseurs – de notre rapporteur Serge Grouard notamment – j'accepte volontiers de prendre aussi un peu de hauteur. Le sujet, le socle de ce texte est le développement durable, deux mots qui nous invitent à retrouver le sens de la durée et du long terme – dont vous n'avez pas le monopole, monsieur Tourtelier – contre les petits diktats du court terme et la succession parfois insignifiante des instantanés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Développement durable. L'époque nous oblige, semble-t-il, à accoler ces deux termes. Dans les années soixante, ils furent quelques-uns comme Jean Fourastié à réfléchir au développement. Ce dernier n'avait pas besoin d'accoler l'adjectif « durable » au mot « développement », car il nous avait appris à distinguer le développement de la croissance : alors que la croissance ne se mesure qu'en termes quantitatifs, le développement intègre toute la dimension humaine, notamment qualitative.

Le fait qu'à notre époque, il faille ajouter l'adjectif « durable » au substantif « développement » montre à quel point de régression nous en sommes arrivés par rapport à ce que devrait être le développement de la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Piron

Trait d'époque, à l'heure où l'accélération du temps, énoncée et même dénoncée à juste titre par beaucoup, s'accompagne d'une dégradation croissante du triple rapport que l'homme entretient avec le monde, les autres et lui-même.

Comment ne pas percevoir comme un étrange paradoxe, l'attente croissante de sens qui monte de notre société ? Il ne suffit pas de courir pour savoir où l'on va, mais il me semble que le Grenelle nous permet de répondre au moins en partie à cette attente que vous avez si bien perçue, monsieur le ministre d'État.

Nous essaierons, pour notre part, d'y répondre avec vous, grâce à ce texte lucide, volontaire, équilibré et raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Arrivant au terme de l'examen de la loi portant engagement national en faveur de l'environnement, je voudrais rappeler que, dans ce débat, chacun fut à sa place et dans son rôle, la majorité comme l'opposition et qu'il vous revient, monsieur le ministre d'État, le mérite, entre autres, d'avoir initié le processus qui permit de créer une gouvernance à cinq – syndicats, associations, élus, entreprises et administrations – dont l'intérêt fut reconnu par tous.

Vous connaissez les raisons qui nous ont conduits à voter contre ce projet. Elles tiennent autant au texte lui-même qu'à la politique conduite par le Président de la République et le Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été perçu par beaucoup comme l'abandon de l'ambition écologique que le Président de la République avait manifestée à l'occasion de la remise des conclusions du Grenelle, en octobre 2007 : de l'annonce de la construction en janvier 2009 d'un deuxième EPR sans concertation, ni transparence, ni évaluation des besoins énergétiques, à l'abandon de la taxe carbone, en passant par ses déclarations au salon de l'agriculture sur l'environnement.

En revanche, je relèverai et dénoncerai le caractère de plus en plus « grenellement incompatible » de la politique conduite actuellement.

Il est en effet à craindre que la mise en oeuvre des nouvelles dispositions inscrites dans ce texte ne se heurte à la concentration et au regroupement des services de l'État, ainsi qu'à la compression des effectifs de la fonction publique dans le cadre de la RGPP.

De même, il est à craindre que la faiblesse des dépenses de recherche – on a du mal à retrouver la trace du milliard d'euros qui devait y être consacré – constitue un frein.

De même, en l'absence d'informations précises et claires nous continuerons à penser que les moyens financiers directs que l'État y consacrera, ne sont pas suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Launay

C'est la Régression Générale des Politiques Publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Les investissements d'aujourd'hui seront financés par les économies de demain, dites-vous. Nous aimerions vous croire, monsieur le ministre d'État, mais le comportement des banquiers ne nous incite pas à l'optimisme dans ce domaine.

Vous menez aussi une politique de recentralisation au profit d'un État impécunieux et de transfert de charges vers les collectivités territoriales que vous étouffez financièrement.

Le rôle de ces collectivités territoriales n'est pas reconnu, n'est pas inscrit dans ce texte, alors qu'elles sont déjà des acteurs majeurs de la lutte contre le réchauffement climatique, et qu'elles seront bientôt – si je me réfère aux informations qui figurent dans le rapport annuel sur la mise en oeuvre des engagements du Grenelle, remis au Parlement en octobre 2009 – les premiers financeurs sur la période 2009-2020.

En effet, sur un coût estimé de 133 milliards d'euros, nos chères collectivités devront apporter 71 milliards, soit 53 %, alors que l'État ne serait sollicité qu'à hauteur de 27 milliards.

Monsieur le ministre d'État, je ne sais pas si vous vous êtes livré à ce calcul, mais cela représenterait en moyenne 300 millions d'euros par an et par région, pour des budgets de l'ordre du milliard d'euros.

Ainsi, une nouvelle étape vers l'asphyxie de nos collectivités territoriales sera franchie, puisque depuis le vote de la loi de finances pour 2010, celles-ci sont privées de toute autonomie financière et fiscale.

Alors que le texte Grenelle 2 sera adopté définitivement dans quelques minutes, nous devons vous faire part de nos inquiétudes.

Il nous est difficile d'être aussi enthousiastes et optimistes que vous. D'une part, votre projet n'est pas partagé et porté par toute votre majorité. D'autre part, vous subissez à votre tour la dictature du court terme qui porte le nom de rigueur, de groupes de pression, d'échéances électorales et de profits immédiats.

Nos motifs d'inquiétudes sont nombreux. Notre inquiétude est liée aux engagements non tenus comme le report de la mise en oeuvre de l'éco-redevance poids lourds, ou la non-publication du schéma national des infrastructures de transport.

Elle est aussi alimentée par de futures dispositions législatives peu éco-compatibles et ignorantes des engagements pris, inscrites dans la loi de modernisation agricole, en cours d'examen par l'Assemblée nationale.

Celle-ci prévoit notamment l'élaboration d'un plan régional d'agriculture durable sans contenu et sans intérêt, et la possibilité de créer des élevages de 750 truies ou de 1 000 places d'engraissement, sans autorisation mais sur simple déclaration.

Surtout, elle ne prend pas en compte certaines des orientations arrêtées dans les lois Grenelle, comme celles traitant de l'agriculture biologique, de l'éco-certification et la haute valeur environnementale des exploitations agricoles ou de l'éco-labellisation des produits de la pêche.

Notre inquiétude se nourrit enfin des propos de personnalités politiques importantes de votre majorité, comme Gilles Carrez, le rapporteur général du budget, qui déclarait récemment : « Le Grenelle 2 ne passera pas. On le flinguera lors des décrets d'application. Tout ça, c'est nul et non avenu. »

Demain, monsieur le ministre d'État, vous dont l'engagement est sincère et fort en faveur de l'environnement, vous assumerez d'autres responsabilités. Nous pourrons alors redouter un détricotage du Grenelle, car, comme le rappelle la directrice de la fondation Nicolas Hulot : « Le discours dominant redevient celui d'il y a plusieurs années : la réponse aux défis écologiques est de nouveau systématiquement opposée à la compétitivité économique et à la protection des emplois. » Le rapport sur les pesticides de deux membres de votre majorité le montre d'ailleurs très bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Pendant tous les débats sur ces deux textes, nous avons montré, je le crois, le visage d'une opposition exigeante et constructive. À l'avenir, alors que les tentations d'en réduire leur portée seront grandes, nous devrons nous donner les moyens d'être une opposition particulièrement vigilante.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous arrivons au terme d'une très large et riche discussion sur un texte fondamental pour notre pays, intitulé « engagement national pour l'environnement » et dit Grenelle 2.

Il s'agit bien de concrétiser les engagements législatifs de la loi dite Grenelle 1 en fournissant les outils nécessaires à l'atteinte des objectifs préalablement fixés. Je n'ai pas l'intention de reprendre mes propos précédents ou ceux que d'autres orateurs ont pu tenir en commission ou dans l'hémicycle. Je les résumerai en deux phrases, l'une portant sur la forme, l'autre sur le fond.

S'agissant de la forme, nous arrivons au bout d'un processus d'une exemplarité que je pense pouvoir qualifier de « sans précédent », la concertation ayant été menée à tous les niveaux – professionnel, associatif ou parlementaire.

S'agissant du fond, nous aboutissons à un texte d'une exceptionnelle importance qui place la France au premier rang dans le monde pour une inéluctable entrée dans une nouvelle économie durable, une nouvelle croissance économique, environnementale et sociale, une révolution avez-vous dit, monsieur le ministre d'État.

Co-rapporteur de ce texte pour les parties énergie et agriculture, je me réjouis, monsieur le ministre d'État, madame la secrétaire d'État, des échanges très constructifs que j'ai pu avoir avec vous-mêmes et vos collaborateurs.

Nous avons construit ensemble une loi à la fois volontariste et équilibrée, entre engagement environnemental et compétitivité économique.

En matière d'énergie, vous avez bien voulu partager les orientations que plusieurs groupes de travail, mis en place par le président de notre commission économique, Patrick Ollier, ont apportées en complément de votre projet initial et du texte issu de Sénat. Je veux citer Patrick Ollier lui-même, Franck Reynier, Jean-Claude Lenoir et Michel Havard.

Je dois dire avec satisfaction que nous nous sommes parfaitement accordés avec le Sénat que ce soit sur les différents schémas abordés dans ce projet de loi, sur les contrats de performance énergétique, sur les bilans de gaz à effet de serre ou les certificats d'économie d'énergie, sur le soutien au développement des réseaux de chaleur ou l'injection de biogaz, ou encore sur le développement maîtrisé de l'éolien.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Poignant

En qui concerne la partie agricole, nous avons aussi conclu conjointement sur divers points : la certification haute valeur environnementale ; l'encadrement de vente d'application et de conseil de produits phytopharmaceutiques ; la nécessité d'avoir un avis de l'AFSSA avant toute décision de retrait, en France, de ces produits ; la non-concurrence perverse, idée chère à notre président de la commission de développement durable, Christian Jacob.

Monsieur le ministre d'État, il me reste un regret concernant la partie des préenseignes. Je reste convaincu que la rédaction proposée par notre Assemblée, en liaison avec votre cabinet, eût été de nature à travailler plus efficacement avec les professionnels prêts à s'engager immédiatement et de façon responsable.

Merci, messieurs les présidents des commissions, Christian Jacob et Patrick Ollier. Merci mes chers collègues rapporteurs, Serge Grouard, Bertrand Pancher et Michel Piron, pour la confiance et l'entente réciproque.

Merci, monsieur le ministre d'État, de nous avoir donné l'occasion et le privilège de cheminer avec vous pour aboutir à ce texte de toute première importance, je le répète. Merci pour votre engagement personnel près du Président de la République et avec vos secrétaires d'État tout aussi engagés.

Nous allons maintenant adopter le texte final de ce Grenelle 2, de cet engagement national pour l'environnement qui consacre une exceptionnelle démarche concrète et irréversible. Je partage vos termes, monsieur le ministre d'État, n'en déplaise à nos collègues de l'opposition. Merci, monsieur le ministre d'État, merci madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur le président, je serai très bref, mais au terme d'un processus de cinq textes de loi, je ne peux pas laisser persister des contrevérités.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Ensuite, que chacun assume ses responsabilités. Que vous ayez un embarras tactique,…

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…je le comprends, mais n'essayez pas de le cacher derrière des contrevérités.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Je comprends parfaitement votre situation.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Vous estimiez que la critique d'une forme d'énergie et la détestation des canaux suffisait, au plan symbolique, pour vous présenter comme des défenseurs de la mutation écologique de notre pays, ce qui n'est malheureusement pas vrai.

J'accepte tous les débats et les désaccords, mais les contrevérités me mettent en colère. La première concerne l'écotaxe poids lourds.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Vous deviez avoir un moment d'inattention, monsieur Tourtelier, quand le Parlement l'a votée avec la loi de finances,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Évidemment ! Vous parlez de la loi de finances, non du texte ! Vous avez été éduqué chez les Jésuites, sans doute !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…pour une application le 31 décembre 2011.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Les appels d'offres ont été lancés ; les entreprises sont connues, et leur mission commencera bel et bien le 31 décembre 2011, conformément à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Dites que vous revenez au Grenelle 1, que nous avons voté !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

La deuxième contrevérité, monsieur Tourtelier,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

Si c'est comme la première, nous ne sommes pas rendus !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

…a trait à la trame verte et à la trame bleue. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un groupe de travail a été mandaté pour étudier les conditions d'application d'une avancée historique : la mise en place de couloirs écologiques pour protéger la biodiversité, sans préjuger de ce que décidera le comité opérationnel, présidé par l'éminent et très honorable sénateur Paul Raoult, membre du parti socialiste.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Or, selon ce comité opérationnel, les infrastructures linéaires de l'État et des collectivités locales doivent être cohérentes avec la trame verte, et celle-ci doit être mise en oeuvre de façon raisonnable et organisée, car une trop grande rigidité ferait disparaître tout schéma écologique. Bref, ce que votre assemblée a voté correspond strictement aux préconisations du comité opérationnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tourtelier

C'est faux ! Relisez le texte de la CMP ! Paul Raoult a dit le contraire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur Tourtelier, seul M. le ministre d'État a la parole.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Troisième contrevérité : le Grenelle ne s'est pas occupé du nucléaire ; il a constaté des différences de points de vue. Un accord a été trouvé pour investir au moins un euro dans les énergies renouvelables lorsqu'un euro est investi dans l'électronucléaire ; nous allons d'ailleurs beaucoup plus loin, puisque nous en sommes à deux euros investis dans les énergies renouvelables, sans tenir compte des conditions de leur rachat, pour un euro dans l'électricité nucléaire.

Dans une envolée fort sympathique, vous avez par ailleurs évoqué, monsieur Chassaigne, la place des salariés. Je vous suis sur ce point, mais permettez-moi de vous rappeler qu'aux termes du Grenelle, c'est aux partenaires sociaux qu'il revient d'élaborer les règles en la matière, dans le cadre d'un dialogue. C'est précisément ce que nous avons fait : nous avons saisi les partenaires sociaux, et attendons les avancées du dialogue social, comme cela, je le répète, était convenu dans le Grenelle.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

M. Demilly a appelé notre attention sur un sujet essentiel : la méthanisation et le tarif de rachat obligatoire du gaz, question sur laquelle la France manquait en effet d'outils. Il n'y a pas que la photovoltaïque ; il y a aussi la méthanisation : la boucle sera ainsi bouclée pour les exploitations agricoles. La mesure a été votée dans le cadre du Grenelle ; le tarif de rachat du gaz sera mis en place au 31 juillet par voie réglementaire, ce qui donnera enfin à notre agriculture les moyens de sa méthanisation.

Monsieur Cochet, vous n'aimez pas les voitures électriques.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Cette position est tout à fait respectable. Dans votre tête, qui dit électrique dit carboné – fuel et charbon – ou nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Oui, ce sont les deux sources d'énergie principales !

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Je pense que vous avez fondamentalement tort. Vous sous-estimez deux choses : en premier lieu le développement des énergies renouvelables, qui constitueront un facteur d'alimentation des véhicules électriques français ; en second lieu, le nucléaire, énergie largement décarbonée qui peut en effet être utilisé. Permettez-moi de vous dire que vous êtes très isolé dans le monde.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Toutes les académies des sciences considèrent que les véhicules électriques à la mode française émettent 16 grammes par kilomètre, pour 134 ou 135 grammes en moyenne dans l'ensemble du parc.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Ce sera donc une grande révolution.

Enfin, vous avez évoqué la capture et la séquestration de carbone. Sans doute peut-on avoir des opinions divergentes. Reste que les huit premières académies des sciences du monde ont estimé, en août 2008, que, compte tenu du développement des unités thermiques dans le monde, il existait deux stratégies vitales : les économies d'énergie d'une part ; la capture et la séquestration de carbone de l'autre. On ne peut pas rester enfermé dans son quant-à-soi. Il est clair que, dans un pays qui se concentre sur les énergies renouvelables et le nucléaire, le CSC, le captage et le stockage du CO2, est faible par nature. Mais il est normal que nous participions au débat en Pologne, en Lituanie, en Estonie, en République tchèque, en Hongrie ou en Chine. Nous sommes un grand pays, qui, en ce domaine, doit avoir des compétences et créer des emplois. Je me permets aussi de vous rappeler que le Parlement européen et les État membres de l'Union ont décidé, tous deux à l'unanimité, de débloquer 7 milliards d'euros pour soutenir le développement et la recherche sur les technologies CSC.

Dernier point, qui est au fond le plus important : l'enjeu social. Notre pays a développé son activité sur un modèle industriel aujourd'hui en pleine métamorphose. Au-delà des problèmes de santé et d'environnement, des pollutions lumineuses, de la mutation de notre agriculture ou de l'émergence d'un nouvel urbanisme, ce que le Grenelle met en jeu, ce sont les emplois de demain, avec les dix-huit filières professionnelles liées aux défis du XXIe siècle.

Au fond, ce que j'ai envie de vous dire, amis de l'opposition, c'est que ce texte, loin de se résumer à un problème politique ou tactique, est aussi un message que le Parlement adresse à la nation, à ses acteurs, à ses enfants, ses collégiens, ses lycéens, ses chercheurs, ses industriel et ses syndicalistes. En portant votre loupe sur deux ou trois points pour justifier votre rejet, vous adressez, chers amis de l'opposition, un message de désespoir ; nous adressons, nous, un message d'espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur les amendements dont je suis saisi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie, pour défendre l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l'article 73 bis du projet de loi Grenelle 2. Le Parlement a en effet voté à la quasi-unanimité la proposition de loi d'Yvon Collin visant à interdire, dès après le vote, la commercialisation de biberons contenant du bisphénol A. Or le projet de loi Grenelle 2 prévoyait que cette interdiction ne prendrait effet qu'au 1er janvier 2011. Afin de mettre les deux textes en cohérence, nous proposons de supprimer cette disposition.

Un débat a eu lieu pour savoir s'il convenait, à partir des études de l'AFSSA, de supprimer tous les autres produits à base de bisphénol A. Cela ne nous semble pas judicieux à ce stade, car les produits de substitution ne sont pas encore disponibles et, surtout, nous n'en avons analysé aucun. Nous vous proposons donc une clause de rendez-vous au 1er janvier 2011 pour étudier s'il y a lieu d'étendre l'interdiction.

D'autres pays l'avaient adopté, et l'on en avait longuement débattu en France. Que notre pays l'ait adoptée à son tour est à mes yeux un grand progrès.

(L'amendement n° 3 , accepté par la commission, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 2 .

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

L'amendement porte sur l'article 84 et concerne la responsabilité des maisons mères. Nous proposons d'insérer le mot : « caractérisée » après le mot : « faute ». En clair, la responsabilité de la maison mère pourra être recherchée en cas de « faute caractérisée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Je veux apporter un éclairage sur cet avis, qui est évidemment favorable.

Le Gouvernement souhaite rétablir l'expression « faute caractérisée ». Je rappelle que notre assemblée avait, à sa demande, limité au seul représentant de l'État dans le département la possibilité de saisine du tribunal pour faire établir la faute de la société mère, et ensuite la qualifier de « caractérisée », cette faute ayant eu pour objet d'organiser une insuffisance d'actifs de la filiale.

Cela renvoyait à la notion d'intentionnalité de l'entreprise, et conduisait de fait à restreindre la portée de l'article. Aussi la commission mixte paritaire avait-elle décidé de rétablir le texte du Sénat, qui ne renvoyait qu'à la notion, plus large, de « faute », ce qui conférait au juge des moyens d'application réels et faisait référence au rôle du liquidateur judiciaire ou du ministère public. Ce pouvoir de saisine du liquidateur a été maintenu hier au Sénat, et nous ne pouvons qu'en féliciter nos collègues. Il s'agit simplement d'épargner à l'État et aux collectivités territoriales le coût des éventuelles réparations causées par la filiale si celle-ci n'est pas en mesure de les assumer. Toutefois, le Sénat a accepté hier l'amendement du Gouvernement qui prévoyait que la faute conduisant à mettre en jeu la responsabilité des sociétés mères soit « caractérisée ». Cette solution de compromis paraît acceptable, mais je veux souligner que l'expression « faute caractérisée » peut être d'une valeur juridique incertaine, comme le montre la jurisprudence, et comme je l'avais moi-même estimé lors de nos débats en première lecture.

Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous apporter des éléments pour préciser la définition de cette expression dans le cadre des jurisprudences futures ? Cela, je pense, nous éclairerait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Chanteguet

Nous pensons qu'en ajoutant le terme « caractérisée », le Gouvernement réduit la portée de l'article. Nous voterons donc contre l'amendement.

Debut de section - PermalienChantal Jouanno, secrétaire d'état chargée de l'écologie

L'objectif de cet ajout est de ne retenir que les faits les plus graves. La disposition, d'ailleurs, n'empêchera pas de traiter des cas tels que celui de Metaleurop.

La faute caractérisée est à mi-chemin entre la faute simple et la faute intentionnelle : elle peut être non intentionnelle, mais la gravité des risques auxquels elle expose ne peut être ignorée par l'auteur.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

La faute intentionnelle, puisque le débat porte sur cette notion, est plus réductrice. Mieux vaut dire d'une faute qu'elle est caractérisée, plutôt que d'essayer de déterminer, dans les sociétés anonymes, une intention.

(L'amendement n° 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je constate qu'il n'y a pas de demande d'explication de vote. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements qui viennent d'être adoptés.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l'ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de l'agriculture et de la pêche (nos 2559, 2636, 2581).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures cinquante-huit minutes pour le groupe UMP, neuf heures une minute pour le groupe SRC, quatre heures pour le groupe GDR, trois heures quatorze minutes pour le groupe du Nouveau Centre et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Huguette Bello, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, mes chers collègues, crises sanitaires, aléas climatiques, dérégulation croissante et instabilité des cours : rarement secteur d'activité aura été soumis simultanément à tant de risques et d'incertitudes. Aux difficultés anciennes inhérentes à l'activité agricole s'ajoutent de nouvelles menaces mondiales. La libéralisation est à l'oeuvre sur les marchés agricoles et l'agriculture n'est plus épargnée par une délocalisation désormais massive. Comment qualifier autrement la location et l'achat par la Chine ou par l'Arabie saoudite de millions d'hectares arables en Afrique et en Amérique du Sud ?

Pour tenter d'atténuer les conséquences catastrophiques liées aux évolutions en cours, ce texte propose de réaffirmer ce qui n'aurait jamais dû être oublié, à savoir que la mission première de l'agriculture est d'offrir à tous une alimentation saine. Nous sommes d'accord avec la mise en place d'une politique publique de l'alimentation, tout comme nous approuvons la volonté de maintenir la diversité des produits, des terroirs et des goûts. La question qui se pose est celle de savoir si les différents instruments proposés pour atteindre ces objectifs, notamment la contractualisation, suffiront pour contrecarrer durablement la dérégulation que prônent, en dépit des famines et des crises sanitaires que cette idéologie a pu provoquer, l'Organisation mondiale du commerce et, pour une bonne part, l'Union européenne elle-même.

Ces questions concernent au plus haut point tous les territoires et l'ensemble des agriculteurs, y compris ceux de l'outre-mer. C'est pourquoi il est difficile de comprendre que l'avenir de notre agriculture soit traité, au niveau national, par voie d'ordonnances. On le comprend d'autant moins que les états généraux de l'outre-mer ont permis d'identifier les objectifs et les axes d'intervention, lesquels peuvent d'ores et déjà faire l'objet de dispositions législatives. Bref, nous ne sommes pas dans le cas de figure des dispositifs de sécurité sanitaire prévus à l'article 2, pour lesquels le recours à la procédure des ordonnances est justifié par le fait que les états généraux du sanitaire sont, eux, encore en cours.

Dans les outre-mer, nous savons depuis toujours que l'agriculture, c'est plus que l'agriculture. L'histoire du peuplement, les paysages, la structure socio-économique, tout est là pour rappeler son rôle primordial dans nos sociétés. Plus que jamais, à La Réunion, nous devons à la fois consolider la filière canne-sucre et développer la diversification agricole. Dans les deux cas, les efforts de modernisation sont constants, mais chacun de ces secteurs est confronté à de réelles menaces.

Ainsi, la fin, en 2013, de l'Organisation commune du marché du sucre est-elle une échéance à haut risque. Là encore, les pressions de l'OMC sont fortes. Elles ont déjà provoqué une diminution du prix du sucre de plus de 35 %, actuellement compensée par la France. Mais à quel avenir cet édifice est-il promis ? Quelle sera la position de la France à l'égard de l'Europe ? Quel sera le degré de résistance de l'Union européenne face à l'OMC ? Des réponses à ces questions dépend l'avenir de l'agriculture réunionnaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Bien souvent, en effet, ce sont les revenus garantis liés à la canne qui ont permis aux agriculteurs de s'orienter aussi vers la diversification agricole. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la culture des fruits et légumes, désormais première production agricole de l'île, qui couvre presque les trois quarts de la consommation locale, loin d'être un substitut à la canne, a été rendue possible par les revenus qu'elle assure.

La réalisation de l'objectif, partagé par tous, de l'autonomie alimentaire dépendra, bien sûr, de l'ampleur du grand plan en faveur de la diversification de l'agriculture outre-mer qui a été annoncé par le Président de la République, mais elle sera également conditionnée par le sort qui sera réservé à la canne. Cette dimension doit être d'autant moins négligée dans les futures négociations que les cultures agricoles, du fait des accords de partenariat économique, risquent de subir la concurrence redoutable des pays ACP – Afrique, Caraïbes et Pacifique – qui vont pouvoir exporter à La Réunion, sans taxes ni droits de douane, des produits souvent similaires et très compétitifs.

De plus, la canne, culture traditionnelle s'il en est, contribue de plus en plus à relever le défi moderne du développement durable. En fournissant déjà plus de 10 % de l'électricité de l'île, elle participe, grâce à la bagasse, à l'objectif d'autonomie énergétique.

Développer la canne et parvenir à la sécurité alimentaire, cela nécessite, bien sûr, de préserver et même d'accroître le foncier agricole.

Cela suppose aussi que les agriculteurs puissent vivre de leur activité. L'augmentation rapide du prix des intrants et les catastrophes naturelles à répétition ont entraîné une chute de leurs revenus. Le nombre d'exploitations en difficulté ne cesse de croître. L'accès au crédit bancaire leur est encore plus difficile. La mise en place outre-mer des fonds de garantie est devenue une urgence.

Sauvegarder le pouvoir d'achat des producteurs et le rendre compatible avec celui des consommateurs est l'un des objectifs que vous poursuivez avec raison. Les circuits courts de commercialisation sont l'un des moyens d'y parvenir. C'est pourquoi nous vous demandons de soutenir et d'encourager les initiatives prises en ce sens à La Réunion.

Quand on parle de pouvoir d'achat, comment ne pas songer également aux agriculteurs retraités ? La nécessité de revaloriser les petites pensions agricoles est unanimement reconnue. Après vos récentes déclarations sur ce sujet, les agriculteurs et leurs conjointes attendent la mise en place de solutions rapides. Ils seront particulièrement attentifs, monsieur le ministre, aux suites qui seront données à la décision que vous avez déjà annoncée d'exclure de la reprise sur succession l'ensemble des bâtiments et des terres agricoles.

Un autre volet important de ce texte concerne la pêche. La problématique est toute différente puisqu'il s'agit essentiellement de lever les obstacles d'ordre juridique qui entravent le développement de ce secteur.

En effet, alors qu'elle se situe dans l'océan le plus poissonneux du globe, La Réunion est soumise à la politique commune de pêche élaborée pour l'hémisphère nord où la ressource halieutique est en diminution constante. Ce paradoxe fait qu'il nous est quasiment impossible de pêcher dans une zone maritime pourtant considérable.

Nous souhaitons que la réforme de la politique communautaire de la pêche de 2012 soit l'occasion d'en finir avec une contradiction aussi flagrante et que La Réunion cesse d'être tenue à l'écart de cette activité. L'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne permet, nous le savons tous, l'adaptation des règlements communautaires aux caractéristiques des régions ultrapériphériques, et la nouvelle approche des instances communautaires suggère de mettre plus fortement l'accent sur les atouts de ces régions.

Faut-il rappeler que la France dispose de la deuxième zone économique maritime du monde et que l'outre-mer représente 97 % de cette superficie ? Pourtant, cette puissance maritime continue d'être ignorée, même si la France importe plus de 80 % des produits de la mer qu'elle consomme.

La formation maritime est très peu développée. Le Grenelle de la mer, qui a pris en compte cette réalité, a affirmé la nécessité de valoriser et de rendre attractifs les métiers de la mer. Cet objectif concerne en premier lieu l'outre-mer.

À La Réunion, la ville de Saint-Paul se porte volontiers candidate pour accueillir un lycée des métiers de la mer. J'en ai déjà parlé au ministre de l'écologie et de la mer. Notre ambition est de créer une véritable filière qui allie la formation professionnelle, le cursus universitaire et la recherche. Il y a là, pour La Réunion, un secteur d'activité et une source d'emplois dont ni le sens ni la pertinence n'échapperont à personne.

J'espère, monsieur le ministre, que vous m'avez bien écouté et que vous me répondrez. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je vous remercie, madame Bello, d'avoir parfaitement respecté le temps de parole indiqué par votre groupe.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j'ai reçu une lettre forte, dont je tiens à vous lire quelques lignes :

« Jean, écoutez ce que vous dit un agriculteur de quatre-vingts ans, ayant commencé à travailler à treize ans, en 1943, avec les tickets de rationnement (j'ai vu ma mère pleurer de faim en cachette après nous avoir donné son pain).

« Je taillais dans un verger voisin à Port-Sainte-Marie, avec un ‘‘pépé'' de soixante-douze ans, du lever au coucher du soleil pour 60 centimes de franc la journée, une soupe chaude et un litre de vin que je ne buvais pas.

« J'ai pris ma retraite avec 232 trimestres validés (dont 82 de trop non utilisés). J'ai été salarié partiel jusqu'à l'âge de vingt-sept ans, avant de me lancer à corps perdu dans la révolution de la production de l'après-guerre, avec mes deux frères, Pierre et Guy.

« Après toutes les péripéties du métier, ses évolutions (du travail à la main, avec une vache, à l'informatique de ce jour), les révolutions de ces plus de soixante-cinq ans de progrès continus (progrès que l'on nous vole sans vergogne jusqu'aux bénéfices, jusqu'au crédit...), je crois avoir le droit de parler de ce qui se passe et de crier casse-cou devant les élucubrations actuelles.

« On fait aujourd'hui la plupart du temps l'inverse de cette politique de sagesse et de précaution. Les agriculteurs du monde entier abandonnent, écoeurés par les conditions de vie et de travail qui leur sont faites.

« Ils ne reviendront pas à la terre, leurs enfants s'en seront détournés, il n'y aura pas de génération spontanée...

« Par pure bêtise, irresponsabilité et incurie, on aura détruit l'élément le plus indispensable à la réalisation d'objectifs cruciaux permettant d'éviter de terribles crises alimentaires à l'humanité, peut-être dans un temps plus proche que l'on ne pense. »

Voilà donc un extrait de la lettre que m'a adressée Jacques Sanz, agriculteur du Lot-et-Garonne, il y a deux mois. Ancien président national du syndicat des kiwiculteurs, l'une des plus brillantes réussites professionnelles dans l'arboriculture de la vallée de la Garonne, il se demande, il me demande : qu'avons-nous fait de notre agriculture ? Qu'avons-nous fait à nos agriculteurs, pour qu'au soir de son existence Jacques Sanz jette un regard aussi amer sur ce qui a été la passion de sa vie ?

Au cours des auditions que j'ai organisées chez moi, en Lot-et-Garonne, et à Paris, de tels témoignages se sont multipliés, et ce désespoir n'est pas une illusion. Il est dû à la crise la plus sévère que notre agriculture ait connue depuis la deuxième guerre mondiale.

Cette crise a ébranlé toutes nos filières. L'an dernier, le prix de la tonne de blé est passé de 300 euros à 100 euros. L'an dernier, le prix de la tonne de lait est passé de plus de 400 euros à moins de 230 euros. L'an dernier, le revenu moyen des agriculteurs a baissé dans une proportion incroyable de 34 %, alors qu'il avait déjà baissé de 20 % en 2008. Aucun autre secteur de l'économie n'a été aussi durement touché.

Ce qui explique le désespoir paysan, c'est bien sûr ce terreau économique, mais c'est aussi l'absence injustifiable de reconnaissance par de nombreuses institutions qui leur sont hostiles.

Dans ce contexte, oser une loi de modernisation agricole était forcément dangereux et difficile. Monsieur le ministre, c'est votre honneur que d'avoir pris ce risque politique.

Chacun de nous aborde le projet de loi sur l'agriculture, plus que d'autres textes, en partant de son terroir et de son parcours personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Venant du Lot-et-Garonne, j'ai surtout en tête la violence de la crise des fruits et légumes. Je citerai deux chiffres : à Agen, on a payé au producteur 0,20 euro le kilogramme de pommes « vrac verger » tandis qu'au supermarché d'Agen, en plein bassin de production, le prix payé par le consommateur pour ces mêmes pommes a été 2 euros le kilogramme, soit dix fois plus. De 0,2 euro pour le producteur à 2 euros pour le consommateur : tout est dit dans ces deux chiffres. Le système de production et de distribution, je pèse mes mots, est à bout de souffle. Il est même pourri.

Soyons clairs : ce projet de loi est un texte sérieux porté par un ministre sérieux et compétent, et c'est déjà beaucoup. Il comporte des dispositions que les centristes approuvent.

Tout d'abord, s'agissant de la mise en place d'une nouvelle politique de l'alimentation, le lancement d'un plan national d'alimentation incitera toutes les autorités compétentes en restauration scolaire et universitaire à développer une restauration saine. C'est une bonne nouvelle pour nos agriculteurs.

Ensuite, le projet de lutte contre le gaspillage des terres agricoles est cohérent avec les textes Grenelle 1 et Grenelle 2 sur ce point décisif, et ce n'est pas son moindre mérite. Oui, nous avons gaspillé le foncier agricole au profit d'un étalement urbain débridé. Oui, le rythme est dangereux pour l'aménagement du territoire français avec l'équivalent d'un département – 5 000 kilomètres carrés, 500 000 hectares – qui disparaîtrait tous les six ans. Oui, il est possible d'enrayer cette tendance folle. Dans ce domaine, les Allemands, qui consomment deux fois moins de foncier agricole, nous montrent le chemin vertueux qu'il faut suivre et, pour la première fois, de nouveaux outils font leur apparition dans notre législation pour maîtriser le foncier. Certes, il s'agit de mesures timides, mais cela n'en est pas moins une bonne nouvelle.

En outre, s'agissant de la contractualisation des relations commerciales entre les agriculteurs et leurs clients, le projet de loi entend obliger à une contractualisation entre, d'une part, les producteurs, et, d'autre part, les industriels ou distributeurs, prix et volumes de livraison devant être mentionnés dans le contrat. Même si cela soulève, sur le terrain, des tonnes de scepticisme, la promotion du contrat sur la base d'un contrat-type établi dans les interprofessions va dans la bonne direction.

Par ailleurs, pour renforcer la compétitivité de l'agriculture, le texte assoit définitivement le mécanisme d'assurance récolte contre les risques sanitaires et climatiques. C'est une avancée majeure, même si le caractère facultatif de cette assurance en limitera considérablement l'impact.

Je plaide d'ailleurs pour l'instauration d'un système assurantiel obligatoire. Depuis quelques années, la multiplication des incidents climatiques pose la question de l'efficience de l'actuel système de couverture des risques. Force est de constater que le régime dit des calamités agricoles souffre de nombreuses limites. En effet, la faiblesse des indemnités, la lenteur et la complexité des procédures rendent ce dispositif insuffisant.

Afin de mieux protéger les agriculteurs contre les aléas, la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a renforcé l'assurance récolte en jetant les bases de sa généralisation progressive à l'ensemble de toutes les productions agricoles. Toutefois, le caractère facultatif de cette couverture laisse un grand nombre d'exploitants démunis face aux risques climatiques. Malgré la promotion par les pouvoirs publics de l'assurance multirisque climatique sur récoltes avec un taux de subvention pouvant aller jusqu'à 65 % qui a été un signal fort, certains agriculteurs, souvent les plus fragiles, font encore l'impasse sur leur protection contre les aléas climatiques pour des raisons économiques.

De plus, les perspectives pour la politique agricole commune après 2013 nous conduisent à envisager une extension rapide de l'assurance pour protéger la production agricole française.

Le projet de loi entend mettre en place une assurance récolte couvrant tous les risques climatiques, y compris ceux non assurables aujourd'hui comme le gel, le vent, les problèmes sanitaires. C'est sans doute une vraie réforme structurelle positive pour cette profession si exposée et le principe de solidarité doit naturellement présider aux fondements de cette assurance récolte obligatoire. Cependant, l'assurance récolte prévue par le texte présente un caractère facultatif, ce qui handicapera sans doute longtemps sa montée en puissance.

Enfin, nous tenons à saluer toutes les mesures de renforcement des organisation de producteurs ainsi que leurs bureaux de commercialisation.

Nous sommes également d'accord avec vous, monsieur le ministre, pour dire qu'il ne sert à rien de faire de la surenchère et de la démagogie anti-européenne. L'Europe est là, l'agriculture est d'abord une politique communautaire et nous soutenons vos efforts pour refonder une nouvelle régulation au niveau européen.

Après vous avoir dit notre accord sur la plupart des propositions contenues dans votre texte, pourquoi vous cacher notre déception ?

D'abord nous sommes déçus par la modestie de cette loi de modernisation et par son absence de perspective. Bref, comme je vous l'ai dit en commission, c'est un bateau pour beau temps alors que vous devez affronter, dans la plupart des filières, de violentes tempêtes.

Nous sommes déçus ensuite parce que nos agriculteurs vous attendaient sur deux points précis : la compétitivité par rapport à nos voisins de l'Union européenne et un nouveau partage de la valeur ajoutée entre producteurs, industriels et distributeurs. Entendez, monsieur le ministre, leur cri qui réclame que nous luttions à armes égales avec nos collègues allemands, italiens, hollandais et espagnols, un cri répété sur chaque dossier stratégique, qu'il s'agisse des normes environnementales, notamment les phytosanitaires, de l'eau ou des charges sociales. Nos agriculteurs ne supportent plus que nous voulions en France laver plus blanc que blanc sur leur dos, alors qu'ils sont précisément dos au mur. Nous regrettons que vous n'ayez pas rassemblé dans cette loi tous les facteurs favorisant la compétitivité agricole.

Je commencerai par les normes environnementales, en particulier les phytosanitaires.

Au cours du débat sur le Grenelle, grâce à Christian Jacob et à la commission du développement durable, un compromis raisonnable veillant à mettre notre agriculture à armes égales dans ce domaine décisif a été trouvé. Pendant l'examen du projet de loi de modernisation en commission, les centristes ont soutenu les amendements de Marc Le Fur, sur la base du principe des armes égales au respect duquel, monsieur le ministre, nous vous demandons de veiller dans la suite de nos débats.

Quant à l'eau, elle constitue un facteur de production essentiel dans l'agriculture, surtout dans le sud de la France. L'irrigation est un outil indispensable du développement durable de l'agriculture dans un contexte de raréfaction des ressources en eau. Elle favorise la diversification des cultures au sein d'une exploitation, de meilleurs rendements avec l'assurance d'une régularité de la production, ainsi que l'accès à des cultures à forte valeur ajoutée. Dans ma région, l'Aquitaine, elle permet aussi le maintien d'exploitations agricoles de taille moyenne.

Il est bien beau, disent nos paysans avec raison, de lutter contre le réchauffement climatique, mais il faudrait aussi tout simplement s'y adapter. C'est la voie que nous vous proposerons de suivre au travers d'un amendement établissant un programme stratégique et volontariste de stockage de la ressource hivernale. L'irrigation que nous défendons doit être durable, raisonnée et respectueuse de l'environnement. Stocker l'eau abondante en hiver pour mieux la répartir en été répond tout simplement au bon sens. J'ose espérer que nous serons entendus sur ce point car c'est un enjeu vital pour nos paysans.

J'en viens enfin aux charges sociales, point ultrasensible que j'aborderai à travers l'exemple de la filière des fruits et légumes directement concernée puisque la main d'oeuvre pèse pour 60 % dans les coûts de revient.

Nos paysans subissent, dans ce secteur que je connais le mieux, un handicap de compétitivité terrible par rapport à leurs concurrents européens. Ils doivent composer avec un taux horaire de 9,30 euros pour le travail saisonnier – après la suppression des charges patronales qu'à nouveau, nous saluons – alors que leurs concurrents hollandais, allemands, italiens bénéficient d'un coût horaire de 6 à 7 euros.

Ces distorsions ont été officiellement reconnues par les ministères de l'agriculture, de l'emploi et des affaires européennes, qui ont validé, le 3 juin 2009, les résultats des études l'attestant. C'est à partir de ce constat que le Président de la République a décidé l'exonération des charges patronales sur le travail saisonnier. Il s'agit d'un pas significatif que nous tenons à saluer et il revient à la représentation nationale de prolonger cette avancée. En effet, dans ces conditions, les producteurs de fruits et légumes français ne peuvent pas lutter à armes égales sur le marché et les entreprises de production françaises souffrent d'une crise structurelle de compétitivité que, depuis 2008, elles ne parviennent plus à compenser par des gains de productivité.

Le recul de la production de légumes est d'ailleurs déjà largement amorcé en France. Ainsi au cours des dix dernières années, les surfaces cultivées, à l'exception des légumes secs, ont diminué de 15 % dans notre pays. Durant cette même période, ces surfaces ont progressé de 21 % en Allemagne et de 22 % aux Pays-Bas alors qu'en Belgique et en Espagne, elles se sont maintenues.

Ce mouvement est particulièrement marqué pour certains produits comme les carottes, les oignons, les asperges et les fraises. Si rien n'est fait, seule la production de légumes de niche subsistera en France, ce qui engendrera une situation de dépendance forte à l'égard des légumes d'importation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

On peut établir le même constat pour les fruits. Ainsi, le verger de pommes français a produit 2,3 millions de tonnes de fruits en 2000 contre 1,6 million en 2009, soit un recul de 30 %. Dans le même temps, le verger italien est resté stable.

Ce recul, ce déclin n'est pas acceptable, et je sais que vous pensez la même chose. Il appartient au Gouvernement et non à l'Europe, qui n'est compétente ni en matière fiscale ni en matière sociale, d'agir. Ne nous dites pas que cela est impossible alors que, d'une manière ou d'une autre, vos homologues allemands, hollandais, italiens, espagnols ont trouvé des solutions. Pourquoi serions-nous plus naïfs et moins solidaires qu'eux avec nos agriculteurs ?

Nous vous proposerons des amendements visant à permettre la baisse du coût de la main d'oeuvre agricole par un système d'exonération totale de charges patronales pour l'ensemble des salariés agricoles permanents ou saisonniers. Il est en effet indispensable, en attendant l'harmonisation des charges et des réglementations sociales au niveau européen, de compenser les distorsions de concurrence sur le coût du travail par un plan national pour que les agriculteurs français ne soient plus victimes d'un dumping social qui conduit la distribution à recourir massivement à l'importation.

Vous allez me répondre – et vous aurez raison – qu'en ces temps de déficits publics majeurs, il est difficile de financer une telle mesure. La solution est pourtant simple : la grande distribution doit payer. L'aval, qui dégage des marges considérables sur les fruits et légumes, doit payer pour l'amont. La grande distribution s'en sort bien dans votre texte, trop bien, alors qu'elle est directement responsable de ce partage injuste de la valeur ajoutée très franco-français qui écrase nos arboriculteurs et nos maraîchers.

Vous me direz qu'il n'y a là rien de spécifique à cette production et je vous répondrai, en toute humilité, que vous vous trompez. Il y a bien une spécificité du secteur des fruits et légumes, qui est l'un des seuls où n'intervient aucun intermédiaire entre agriculteurs et distributeurs. Le face-à-face est direct, déséquilibré, asymétrique pour parler en termes économiques : il oppose trois cents offreurs à cinq acheteurs. Cette spécificité aboutit à une marge nette scandaleuse des distributeurs, qui dépasse en général 30 %, avec un produit acheté 0,20 euro aux producteurs et vendu 2 euros au client.

Cette situation n'est plus tenable. Je vous propose de faire preuve d'audace et d'aller au-delà du projet de loi qui nous est soumis ce jour. N'ayez pas peur, monsieur le ministre.

Ce que nous avons fait dans le secteur des télécommunications et de l'audiovisuel où l'aval – les opérateurs – finance l'amont – la création de contenus –, ce que nous avons fait pour le commerce et l'artisanat où l'aval – la grande distribution – finance le petit commerce et l'artisanat à travers le FISAC, pourquoi ne le ferions-nous pas pour les agriculteurs face à la grande distribution ?

Nous avons le devoir d'examiner avec sérieux la proposition audacieuse de Charles de Courson qui vise à supprimer l'impôt sur le foncier non bâti et à intégrer les agriculteurs dans le régime de la nouvelle taxe professionnelle. Nous avons souvent appelé les agriculteurs à se comporter en véritables chefs d'entreprise, alors traduisons cela en matière fiscale. Compte tenu des seuils retenus, ils ne paieront pas, à quelques exceptions près, de contribution à la valeur ajoutée et ne seront imposés que sur le foncier bâti. Ce ne sera que justice.

Reste le partage insolent, inadmissible, de la valeur ajoutée entre producteurs et distributeurs. Je vous le répète, n'ayez pas peur, monsieur le ministre. Nos agriculteurs ont eu le sentiment d'avoir été floués par le coefficient multiplicateur, disposition sur laquelle Daniel Soulage, sénateur de Lot-et-Garonne, et moi-même nous sommes bagarré pendant des jours entiers. Cette affaire a laissé des traces terribles et entamé la confiance en la volonté du Gouvernement d'imposer un nouveau partage, plus juste, de la valeur ajoutée.

Tout ce que nous pouvons faire dans ce domaine doit être fait : valorisation et protection des circuits courts, transformation des produits agricoles par les agriculteurs. Or votre loi est silencieuse sur ces points centraux. Nous reconnaissons qu'il n'est pas facile de concevoir et d'imposer de nouveaux mécanismes de répartition, mais, au minimum, donnons à notre observatoire des prix et des marges le pouvoir de sanctionner les marges exorbitantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Faisons participer l'aval de l'agriculture aux grands chantiers de l'amont. Je pense à l'assurance-récolte, à l'exonération de charges sociales. Pour nous centristes, cet enjeu est essentiel.

Nous croyons au caractère stratégique de notre agriculture. Or elle souffre actuellement, même si elle connaît encore de brillantes réussites sectorielles. Les agriculteurs partent un par un, souvent en silence, parfois de façon dramatique : souvenons-nous des trois cents qui se sont suicidés en 2009.

Le paysage français se transforme silencieusement. Vous qui venez souvent dans la vallée de la Garonne, monsieur le ministre, vous avez pu voir le maïs et les friches remplacer un par un les jardins et les vergers.

Bref, cette situation nous oblige à une grande ambition, que votre texte, même s'il est utile, n'a pas voulu porter. Alors, monsieur le ministre, soutenez les amendements centristes qui vous proposent de réformer avec ambition notre modèle agricole. Pour nous, ces exigences prennent la valeur d'un engagement solennel pour soutenir nos paysans et une certaine idée de l'identité nationale.

Loi de finances pour 2011, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, loi sur les retraites, propositions de loi : notre engagement sera sans faille tant que cette ambition ne se sera pas concrétisée. (Applaudissements sur divers bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chacun est conscient dans cette assemblée de l'importance et de la spécificité du secteur agricole pour notre pays. Au travers de réalités économiques, culturelles et humaines, l'agriculture façonne nos paysages et notre identité. Nous n'avons pourtant plus le choix : le modèle français doit évoluer pour ne pas disparaître.

Première puissance agricole européenne, deuxième mondiale, la France se doit de relever aujourd'hui des défis économiques mais aussi écologiques pour son agriculture. Pour faire perdurer l'indépendance de notre système productif, l'exception agricole française se doit à la fois d'être actrice de l'aménagement et du développement du territoire, mais également compétitive à l'échelon international.

Je tiens d'abord à saluer l'action d'un Gouvernement qui a su prendre la mesure de la crise qui frappe le monde agricole. Rappelons qu'à l'automne dernier, des prêts bancaires à taux réduit d'un montant de 1 milliard ont été débloqués, auxquels sont venus s'ajouter 650 millions d'euros de soutien budgétaire.

Après ces aides d'urgence, il nous faut à présent préparer l'avenir. Le projet de loi qui nous est soumis nous donne l'occasion d'apporter des solutions durables afin de renforcer et de pérenniser le modèle agricole français.

Je me félicite des nombreux enrichissements qui ont été successivement apportés par les sénateurs puis par mes collègues de la commission des affaires économiques, sous l'oeil attentif de son président, Patrick Ollier, et du rapporteur de ce texte, Michel Raison. Je salue également le concours précieux de Louis Guédon, rapporteur du titre IV consacré à la pêche et de Christian Patria, rapporteur pour avis sur le titre III au nom de la commission du développement durable.

Cette loi relève donc les enjeux économiques majeurs que représente ce secteur pour notre pays, mais elle tend aussi à renouveler le lien entre l'agriculture et le citoyen à travers une alimentation de qualité accessible à tous et rémunératrice pour le producteur.

En premier lieu, une agriculture forte doit permettre à la France de garantir son indépendance alimentaire, enjeu de sécurité nationale. « Un pays qui ne peut pas se nourrir lui-même n'est pas un grand pays » soulignait avec raison le Général de Gaulle. Avec 8 milliards d'êtres humains dans le monde à horizon 2025, notre pays se doit d'être au rendez-vous du défi alimentaire. Ce défi quantitatif, nous devons le relever sans pour autant perdre de vue les critères qui sont les nôtres : préservation de l'environnement, qualité et traçabilité de nos productions.

La politique de l'alimentation est le premier enjeu de cette loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

On ne compte plus les études qui mettent en lumière les dérives des comportements alimentaires : réduction du budget destiné à l'alimentation, réduction du temps consacré aux repas et à leur préparation, telles sont les tendances qui affectent la société française. C'est la raison pour laquelle le texte renforce l'information et l'éducation, notamment en faveur des plus jeunes. La façon dont nos concitoyens se nourrissent n'est pas seulement une affaire de goût ; c'est un enjeu de santé publique. Sur ce sujet, j'ai souhaité déposer un amendement visant à formaliser sous la forme d'une charte, les critères relatifs à la qualité nutritionnels des repas proposés par les structures collectives. Il est nécessaire de rendre visibles et intelligibles les efforts menés en la matière. Si nous ne changeons pas nos habitudes, notre pays pourrait compter plus de 20 % de personnes obèses dès 2020.

C'est par la question nutritionnelle que nous ferons le lien entre le monde agricole et les consommateurs. Il n'y a pas de qualité de la production sans vitalité de nos agriculteurs.

Oui, la crise de l'agriculture concerne chaque Français. Même si certains ont le sentiment que les problèmes du monde rural leur sont lointains ou étrangers, c'est pourtant leur santé qui peut être affectée. Il est paradoxal de constater qu'à l'heure où la préoccupation diététique s'installe durablement, les difficultés de nos producteurs n'inquiètent pas plus que cela. II faut briser cette dichotomie fictive entre, d'un côté, les agriculteurs, et, de l'autre, le reste de la société.

Ce texte a le mérite de s'attaquer à la question centrale, celle du revenu des agriculteurs. Les baisses successives de 20 % en 2008 et de 34 % en 2009 ont de terribles conséquences. Derrière les chiffres, il y a la souffrance d'hommes et de femmes qui désespèrent de ne plus pouvoir vivre de leur travail. Au sein de la filière alimentaire, la contractualisation est le seul outil capable d'amortir les chocs et de stabiliser progressivement les revenus de nos agriculteurs.

La mise en place de contrats écrits entre producteurs et distributeurs, précisant les produits et clauses concernées, permettra aux acteurs d'avoir une vraie visibilité. Cela ne pourra qu'améliorer la sérénité et la sécurité dans leurs relations commerciales.

D'une manière plus générale, c'est bien un rééquilibrage du partage de la valeur que nous appelons de nos voeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

La pratique des 3R – remises, rabais, ristournes – responsable de prix anormalement bas dans le secteur des fruits et légumes, était interdite en période de crise dans la version initiale de ce projet de loi. Je me réjouis que les sénateurs l'aient bannie de façon permanente.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Il est en effet indispensable d'instaurer une réelle transparence dans les négociations, même en l'absence de crise.

De plus, en vertu de l'article 5 ter, la non-signature d'un accord sur la modération des marges entraînera pour les distributeurs de fruits et légumes le paiement d'une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Grâce au travail de la commission des affaires économiques, le Parlement aura la possibilité de contrôler la mise en oeuvre de ces accords puisqu'un rapport lui sera transmis.

Sur ces sujets, l'observatoire de la formation des prix et des marges, prévu par l'article 6, est appelé à jouer un rôle majeur. Je me félicite d'ailleurs qu'un rapport annuel soit transmis au Parlement afin de rendre compte de l'action de cet observatoire, qui devra être clairement au service de la revalorisation des revenus agricoles.

Il n'échappe à personne que, pour avoir une agriculture forte, il nous faut des agriculteurs forts et respectés. Les enjeux de préservation du foncier agricole, d'assurance des agriculteurs et, d'une modernisation globale, de la profession, sont aujourd'hui à l'ordre du jour.

Je souhaite appeler votre attention sur la question de la disparition des terres cultivables.

Chaque année, ce sont 75 000 hectares qui disparaissent, soit l'équivalent de la Seine-et-Marne tous les dix ans. L'article 13 du projet de loi met en place un nouvel outil : la taxe sur la spéculation des terres agricoles. Par ailleurs, la création de l'observatoire national de la consommation des terres agricoles témoigne d'un effort sans précédent en matière de protection du foncier.

Le sujet de la couverture des risques agricoles par les assurances mérite également d'être soulevé. L'État est aujourd'hui un soutien pour les agriculteurs face aux risques sanitaires, phytosanitaires et climatiques. Nous savons que, sur le terrain, leurs conséquences peuvent être dramatiques.

Le fonds national de gestion des risques vient, avec ce texte, élargir l'indemnisation des calamités agricoles et le développement des assurances récolte. L'État doit continuer à s'investir dans cette voie, si besoin par une réassurance publique pour soutenir les assurances agricoles. Je me réjouis qu'un amendement adopté en commission oblige le Gouvernement à présenter un bilan de l'impact des seuils de franchise et de perte sur le développement de l'assurance.

Enfin, le projet de loi redéfinit les missions qui incombent aux organisations interprofessionnelles. Celles-ci sont considérablement étendues et renforcées.

Sans une meilleure organisation des éleveurs et producteurs, il sera difficile de faire bouger les lignes et de modifier les rapports de force. Pourtant, face aux industries agroalimentaires et à la grande distribution, la base doit se structurer pour aborder les relations commerciales dans les meilleures conditions possibles. C'est de cette manière que nous devons préparer notre agriculture à la réforme de la PAC à l'échéance de 2013, ainsi que la révision de la politique commune de la pêche en 2012.

Le développement durable des territoires en agriculture et en sylviculture, constitue un pan important de ce projet de loi. Pourtant, il me semble nécessaire d'inscrire la question de l'eau au coeur des objectifs fixés par le titre III.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

L'irrigation doit être durable, raisonnée et respectueuse de l'environnement. Ainsi, un programme stratégique de stockage doit être mis en place dans un souci de préservation de la ressource, d'obtention de meilleurs rendements et d'une plus grande régularité de la production. Cette préoccupation fera l'objet d'un amendement que j'aurai l'occasion de défendre.

Contrairement à ce que beaucoup ont longtemps pensé, le monde agricole français ne vit pas à la marge de la mondialisation. Derrière la vision désuète des bancs de la gauche, se cache la mort programmée de nos agriculteurs. Faire croire aux exploitants que leur profession est exempte des changements contemporains équivaut à les bercer dans l'illusion d'un âge révolu et les conduire à leur perte. Tous les partis socialistes européens l'ont compris. Seuls les socialistes français s'enferment encore dans un modèle sans avenir. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Cher collègue, vous aviez été correct jusqu'à présent !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Cosyns

Vous mesurez ainsi, à travers les éléments que je viens de développer, l'importance de cette loi pour l'avenir de notre agriculture.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, la majorité parlementaire soutient pleinement ce texte, qui fait le pari de la modernité tout en faisant perdurer la singularité d'un modèle auquel nous sommes tous attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le constat alarmant qui a été fait, ni sur le désarroi d'une profession au bord de la faillite. Je préfère vous parler d'avenir, de l'avenir des agriculteurs, de l'avenir de nos territoires et des moyens que le Gouvernement entend mettre en place pour les aider.

Lorsque le chef de l'État a présenté son plan d'aide d'urgence à la fin de l'année dernière, il avait annoncé que la loi de modernisation de l'agriculture devait ouvrir la voie à l'agriculture de demain. On nous parlait d'un texte ambitieux qui traiterait de tous les problèmes sans exception. Or qu'avons-nous aujourd'hui ? Une loi pleine de bonnes intentions, un texte de principe, que vous venez de confirmer, monsieur le ministre, par votre intervention, mais ni les principes ni les intentions ne sauveront les agriculteurs de la faillite.

Bien sûr, nous voulons tous que les Français puissent accéder, dans des conditions économiquement acceptables, à une alimentation sûre, diversifiée et de qualité. Mais concrètement, que proposez-vous ?

Vous proposez d'abord de partager les questions de nutrition entre le ministère de la santé et celui de l'agriculture. Pourtant un ministère habitué à gérer l'alimentation animale est-il compétent pour s'occuper de l'équilibre nutritionnel de nos enfants ? Je ne vois là, pour ma part, qu'une manière détournée d'abandonner certaines prérogatives qui ont fait de notre santé publique l'une des plus performantes du monde. Et si ce n'est pas le cas, vous rajoutez simplement un intervenant dans le domaine de la santé publique.

Sur les questions d'étiquetage, vous avez déclaré en commission vouloir donner une impulsion et non imposer de nouvelles règles. Toutefois cela n'est pas suffisant. Vous n'avez pas souhaité inclure d'obligation sur l'affichage de la présence d'OGM. Pourtant, si l'on se réfère au principe de précaution, il serait souhaitable d'informer les consommateurs de la teneur en OGM des produits qu'ils achètent.

De même, en matière de provenance des produits transformés, vous avez renvoyé le débat à Bruxelles. Puisque l'indication d'origine est déjà obligatoire pour certains produits comme les fruits et légumes, les poissons, les coquillages, la viande de boeuf, le vin, le miel ou l'huile d'olive, pourquoi ne pas prendre l'initiative de la généraliser à l'ensemble des aliments ? Cela n'entraînerait aucun surcoût d'étiquetage, les industriels étant tout à fait capables d'imprimer des textes en tout petit dans un coin d'étiquette. De plus, étant donné la réputation internationale de la gastronomie française, un tel étiquetage ne pourrait qu'être favorable aux ventes.

Toujours s'agissant du titre Ier, la charge représentée par les nouvelles formations en matière de nutrition pèsera sur les régions qui devront les organiser et les financer. Encore une fois le Gouvernement parle et les collectivités locales doivent agir, sans moyens supplémentaires.

Ce texte prévoit pas moins de quarante-huit décrets. Vous me direz qu'une loi de ratification est prévue pour entériner l'ensemble de ces décrets. Néanmoins nous savons tous que les débats d'une loi de ratification sont courts et ne permettent pas d'aller au fond des problèmes. Le Parlement est, une fois de plus, considéré comme une simple chambre d'enregistrement.

Pourquoi devrait-on légiférer dans l'urgence et, au final, produire un texte qui, de toute façon, sera inapplicable parce qu'incomplet ? Je crois qu'il serait plus sensé de prendre le temps de la concertation et de la réflexion. Travailler dans l'urgence pour organiser durablement l'agriculture de demain n'est pas pertinent.

L'article 1er de ce projet de loi pose de grands principes sur les circuits courts mais, au-delà des mots, il n'y a, encore une fois, rien de concret.

Je reprendrai cet exemple donné par mon collègue et ami Germinal Peiro en commission : la collision dans le tunnel de Fourvière à Lyon entre un camion chargé de fraises allemandes à destination du Sud-Ouest et un camion chargé de fraises espagnoles qui se dirigeait vers l'Allemagne. Rien, dans votre texte, ne permet de lutter contre ces aberrations.

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

Vous nous avez dit en commission, monsieur le ministre, que vous aménagerez les textes existants pour permettre enfin à la restauration collective de s'approvisionner en circuit court. Mais quand ? Puisque nous légiférons dans l'urgence, pourquoi ne pas régler cette question tout de suite ?

Nous le savons tous, les collectivités locales ont un rôle indispensable à jouer dans la relocalisation de notre agriculture. Pour que les cantines puissent être approvisionnées par des produits locaux, il faut un aménagement des règles d'appel d'offre des marchés publics.

L'observatoire des prix et des marges aura de nouvelles prérogatives en matière de contrôle sur la formation des prix et des marges. Pourtant, en pratique – cela a été évoqué en commission par l'un de vos collègues de l'UMP – l'application de la loi de modernisation de l'économie s'est traduite par une pression plus forte encore des distributeurs sur les agriculteurs dans la négociation commerciale et cet observatoire ne pourra que constater les dégâts ; la LMA n'y changera rien.

Monsieur le ministre, vous aviez promis l'an dernier aux producteurs de lait que la réorganisation des interprofessions permettrait une plus large représentation des syndicats. Or je ne vois dans ce texte aucune mesure allant dans ce sens, rien d'obligatoire dans la nouvelle configuration. Cela signifie que les interprofessions seront toujours tenues par les syndicats majoritaires et que ceux qui veulent produire autrement ne pourront se faire entendre. J'en veux pour preuve l'amendement de M. Le Fur, qui, sous des prétextes de concurrence européenne, prévoit d'autoriser l'essor d'exploitations porcines extrêmement polluantes dans une région déjà sévèrement touchée par la pollution aux nitrates.

S'agissant de la gestion des risques en agriculture, votre projet va dans le bon sens en obligeant les agriculteurs à prendre une assurance. Cependant pas moins de cinq décrets sont prévus pour la mise en place de ce fonds, sans aucune date butoir ni aucun délai. Cette mesure n'est donc pas prête d'entrer en vigueur.

De plus, votre projet prévoit des allégements de charges qui sont indispensables, j'en conviens, pour la survie d'un grand nombre d'exploitations, mais il est prévu un simple rapport sur les modes de financement alternatifs pour compenser les pertes de la protection sociale agricole. Et bientôt nous aurons un rapport sur le déficit de la MSA.

Chaque seconde, vingt-quatre mètres carrés de terre agricole disparaissent en France et votre loi se contente de mettre en place un observatoire de la consommation de terre agricole dont l'avis sera réputé favorable si aucune décision n'est prise au bout d'un mois. Là encore, rien dans le texte ne définit les moyens de cet observatoire, si bien que, faute de personnel, un grand nombre de projets d'urbanisation, consommateurs d'espace agricole, risquent d'être validés.

Quant à la taxe prévue sur les terrains rendus constructibles, elle sera largement insuffisante pour aider l'installation de jeunes agriculteurs, tant les motifs d'exonération sont multiples.

Pour conclure, il me semble qu'afficher de grands principes écologiques ou proposer des mesures que l'on sait déjà insuffisantes quant aux conditions de ventes, n'est pas suffisant. Attribuer de nouvelles prérogatives en matière de santé publique à un ministère qui n'en a pas les compétences et créer des observatoires sans moyens de coercition relève d'une politique d'affichage. Malheureusement cette loi de modernisation de l'agriculture est faite pour ne pas déranger la toute-puissance des industries agroalimentaires.

Vous auriez pu interdire la vente de produits agricoles en dessous du seuil de rentabilité.

Vous auriez pu engager la France dans une politique de soutien à l'agriculture en Europe avec la régulation des marchés alimentaires et une harmonisation par le haut des règles sociales et environnementales.

Vous auriez pu aller beaucoup plus loin en proposant la création d'une ceinture verte autour des villes pour freiner la disparition des terres agricoles.

Vous auriez pu aller encore plus loin pour favoriser l'installation de jeunes agriculteurs en supprimant la notion de surface minimum d'installation.

Vous auriez pu vous montrer audacieux quant au développement durable en favorisant une utilisation raisonnable des engrais et des pesticides dans toutes les exploitations.

Vous auriez pu donner plus de moyens à l'enseignement agricole au lieu de vous contenter de lui ajouter de nouvelles formations.

Vous auriez pu contenter tous les agriculteurs en clarifiant et en simplifiant la fiscalité agricole.

Au lieu de quoi la LMA se réduit à un inventaire à la Prévert de mesures sans cohésion qui ne régleront pas les difficultés d'une profession aux abois. Chers collègues, il n'y a pas de pays sans paysans. Malheureusement, j'ai bien peur que ces trois lettres, LMA, loi de modernisation de l'agriculture, se traduisent dans nos campagnes par : laissons mourir l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je tiens en préambule à souligner la relativité de l'appréciation par le Gouvernement et la majorité de l'urgence à examiner un texte puisque, si la discussion sur le Grenelle de l'environnement a pris des mois voire des années, on nous contraint à débattre du projet de loi de modernisation de l'agriculture dans des délais très serrés. Nous n'avons obtenu la version papier du texte que la veille de l'ouverture des travaux en commission. Il me semble par conséquent difficile de légiférer dans ces conditions.

Venons-en au fond.

Ce texte présente deux handicaps qui le disqualifient.

Tout d'abord, vous défendez un modèle uniforme de l'agriculture : le projet ne propose pas une vision plurielle ; il ne fait qu'entériner le schéma productiviste mis en place depuis une quarantaine d'années par la FNSEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

On relève ainsi une grande absente : l'agriculture biologique dont nous venons de parler à l'occasion du vote du texte de la CMP sur le Grenelle de l'environnement. L'agriculture biologique a été omise et négligée au prétexte d'un manque de financement. Pourtant, le Grenelle I avait prévu une augmentation de 2 à 6 % de la surface agricole utile en agriculture biologique. Comme nous avons régressé en la matière ces dix dernières années, j'ignore comment nous pourrons atteindre l'objectif de 20 % en 2020.

Votre argument selon lequel on ne peut pas tout convertir atteste d'un manque de volontarisme politique et condamne la France à importer presque la moitié de ses besoins en produits biologiques, là où la demande est de plus en plus forte.

Le second handicap de ce texte est qu'il procède d'une vision économiste, pour ne pas dire « économiciste », de l'alimentation. Certes, il est plutôt heureux qu'un projet de loi sur une politique publique de l'alimentation ait vu le jour, mais une sorte de biais méthodologique vous a empêché de bien aborder la question.

Votre objectif est de « renforcer la compétitivité de l'agriculture française », plus particulièrement par rapport à la compétitivité de l'agriculture allemande. Il est troublant de constater ce mélange des genres entre approvisionnement alimentaire d'un pays et enjeux économiques. On se croirait revenu au temps des grandes lois d'orientation agricole des années soixante où il importait de faire du chiffre, où le rendement – et uniquement le rendement – était le moteur de toute décision publique. Or l'enjeu n'est plus celui-là.

Notre agriculture a connu une diminution d'emplois jamais observée auparavant. Elle est de moins en moins un facteur de dynamisation des territoires et la profession d'agriculteur est confrontée à une terrible détresse humaine et financière. La généralisation de l'assurance récolte contre « certains risques agricoles » est d'autant plus inquiétante.

Dans la mesure où les risques sanitaires et environnementaux et ceux liés aux calamités sont déjà couverts, il s'agit implicitement des risques de baisse des prix agricoles ; de ce fait, cette disposition n'apparaît que comme une tentative d'adaptation – réservée à ceux qui auront les moyens financiers de s'assurer – au fonctionnement erratique des marchés agricoles. Elle signifie clairement une capitulation face à la nécessité de réguler ces marchés agricoles. On nous propose en réalité d'instituer un dispositif néolibéral.

Si c'est cette LMA qui nourrit votre pensée pour les propositions européennes des années 2013-2015, nous avons de quoi être inquiets.

J'en viens à une série de propositions qui ne figurent pas dans le texte.

La première aurait dû vous conduire à orienter le projet vers l'objectif d'assurer des prix équitables à la production comme composante principale du revenu des paysans.

Deuxièmement, le texte aurait dû prévoir que les pouvoirs publics garantissent la maîtrise des volumes produits et la répartition des droits à produire entre paysans.

La troisième négligence cruciale du texte concerne les pollinisateurs. L'absence de référence à la forte mortalité des abeilles constitue un oubli sidérant. Il convient de rappeler le rôle vital de tous les agents pollinisateurs : 35 % du tonnage mondial d'aliments végétaux – fruits, légumes, oléagineux, café, cacao... – et la survie de plus de 80 % des espèces végétales dépendent directement de la pollinisation par les insectes !

On compte en France plus de mille espèces de pollinisateurs. Lorsque nous nous sommes entretenus avec nos amis apiculteurs, nous avons pu constater la surmortalité des pollinisateurs partout dans le monde. Les abeilles sont particulièrement touchées, avec une mortalité annuelle de 30 à 40 %. En vous inspirant des propositions de notre collègue Martial Saddier ou de celles de la fédération des apiculteurs, vous auriez pu prévoir la mise en place d'un plan national de protection des abeilles et de sauvegarde des apiculteurs.

Curieusement, nous évoquons toujours très peu ce qui constitue votre quatrième oubli : préparer l'agriculture française et européenne à l'après pétrole. Or dieu sait si l'agriculture dépend du pétrole et, plus généralement, des énergies fossiles ! Comme je l'avais souligné il y a près de six ans, d'un point de vue énergétique en tout cas, nous « mangeons » du pétrole.

Le pétrole et le gaz sont indispensables à l'agriculture moderne, notamment pour faire fonctionner tracteurs et machines. Cependant, autant les automobilistes peuvent se tourner vers les transports en commun – beaucoup plus sobres en pétrole –, les poids lourds peuvent déplacer leurs marchandises par le train, autant les seules options de substitution d'un tracteur ou d'une moissonneuse-batteuse sont un cheval ou un boeuf dont le rendement, vous le savez, n'est plus tout à fait le même.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Alors qu'un tracteur peut labourer huit hectares par jour, deux chevaux ne labourent à peine qu'un hectare. Or, si l'on n'y prend garde, la déplétion de pétrole et les prix élevés du fioul deviendront une question cruciale dans le secteur agricole.

Puisque l'agriculture s'est « artificialisée », j'aurais aimé que le texte inclue sa dépendance extrême en énergies fossiles, directe quant au machinisme agricole et indirecte à travers la consommation croissante d'intrants. En effet, si 10 % de l'énergie consommée en France l'est par l'industrie agroalimentaire et 5 % par l'agriculture, 53 % de l'énergie fossile – pétrole ou gaz – utilisée pour l'agriculture sert à la synthèse des engrais. La synthèse d'une unité d'azote nécessite approximativement un kilo d'équivalent pétrole et la part du coût de l'énergie dans le prix final de l'engrais est de 17 %. La moyenne des dépenses pour les mises en terre des surfaces labourées est de 100 à 150 litres de fioul par hectare pour le maïs et plus de 100 litres pour le blé.

Ces chiffres n'auraient pas autant d'importance si le pétrole était une ressource inépuisable. Malheureusement – ou heureusement, d'une certaine manière – il s'agit d'une ressource non renouvelable. Il existe donc un risque – il s'agit même, dans une certaine mesure, d'une réalité – de décroissance de la production mondiale de pétrole. Par conséquent, nous aurions dû débattre de la question d'une économie agricole inféodée à celle du pétrole. Or on ne trouve pas trace d'un seul mot sur ce modèle agricole pourtant lié de manière cruciale aux énergies fossiles.

Cinquièmement, il faudrait adapter l'agriculture au changement climatique. Même si peu d'études comparatives existent, on sait que l'agriculture intensive émet bien plus de gaz à effet de serre que l'agriculture biologique. En effet, le système agrobiologique interdit l'utilisation d'engrais chimiques azotés, recycle les matières organiques naturelles, valorise les déjections animales par compostage et l'implantation d'engrais verts. Au sein de l'agriculture intensive, la filière de l'élevage hors sol émet beaucoup de gaz à effet de serre à cause du volume de déjections animales – je reviendrai, à l'occasion de l'examen de l'amendement de notre collègue Le Fur, sur les émissions de méthane ou de protoxyde d'azote – et à cause de la production d'aliments d'élevage, très coûteuse en énergie.

Parmi les autres sources d'émissions de gaz à effet de serre émis par l'agriculture, on peut citer les épandages d'engrais azotés et les processus de dégradation dans le sol, le tassement des sols lié au calendrier de travaux chargés et à l'utilisation d'engins agricoles de plus en plus lourds, les productions animales en général, les élevages des ruminants, l'utilisation de l'énergie en agriculture : carburant, chauffage des bâtiments d'élevage…

En somme, l'agriculture dépend fortement des énergies fossiles, donc émet une quantité importante de gaz à effet de serre.

La première solution pour diminuer les émissions de GES consisterait – et nous avons tenté de le faire avec plusieurs de nos collègues – à réduire la consommation de viande, de lait et de produits laitiers puisque leur production provoque d'importantes émissions de GES. Une autre solution serait de développer une véritable agriculture durable et paysanne, biologique, en mettant en place des pratiques agricoles qui réduisent les émissions de GES et permettent un gain financier et environnemental global, en particulier par la qualité de l'eau, la biodiversité, et en minimisant au mieux l'impact sur la productivité. C'est ce que nous proposons dans plusieurs de nos amendements.

Sixième oubli : il faudrait assurer le développement de l'agriculture biologique en l'insérant dans le programme national pour l'alimentation ; mais vous avez passé sous silence la question de l'agrobiologie. Nous pensons que, loin d'être un retour au passé, elle se situe au coeur de la modernité agronomique actuelle. Ainsi, les recherches se développent afin de définir les espèces, végétales et animales, les mieux adaptées aux modes de production biologique, afin d'améliorer les cycles de rotation, de maîtriser le désherbage ou d'apporter des alternatives aux produits de lutte antiparasitaire. Ces pratiques représentent pour les producteurs la recherche d'un mieux, y compris au point de vue sanitaire car les pratiques agricoles productivistes représentent parfois des dangers pour la santé des agriculteurs eux-mêmes. L'agrobiologie est pour eux l'occasion de revaloriser leur métier et de se réapproprier des savoir-faire, de produire du sens. Enfin, elle permet de préserver l'autonomie des producteurs par rapport aux firmes agroalimentaires.

C'est l'un des meilleurs exemples des différences entre l'approche réductionniste de l'agriculture productiviste et l'approche systémique ; entre deux modèles d'agriculture, le productiviste et le biologique. Dans la conception productiviste, le sol n'est considéré que comme une surface qu'on peut amender totalement et artificiellement par le haut. Certains sols sont tellement imparfaits qu'on les remplace parfois par de la laine de roche dans certaines serres. Ces méthodes affectent la qualité des sols : érosion hydrique, réduction de la porosité, acidification par des métaux. L'agriculture biologique, quant à elle, que vous occultez dans ce projet de loi, prend en compte, tout le système air-sol-plantes-eau-animaux.

Septièmement, il aurait fallu assurer un lien de proximité au sein des circuits courts pour permettre la souveraineté alimentaire ou, en tout cas, la tendance à la souveraineté alimentaire des régions. À vrai dire, je pense plus aux « circuits de proximité » qu'aux « circuits courts » car un contrat direct entre un agriculteur vénézuélien et un ensemble de consommateurs parisiens est un circuit court, mais ce n'est pas un circuit de proximité.

Tous les jours, la presse se fait l'écho du lancement de nouveaux circuits de proximité alimentaires : les marchés de producteurs, les magasins à la ferme, la livraison de paniers, les AMAP, c'est-à-dire les associations pour le maintien d'une agriculture paysanne. Rappelons que les AMAP ont pour but de permettre à des consommateurs d'acheter à un prix juste, et fixé à l'avance, des produits d'alimentation de qualité de leur choix, en étant informés de leur origine, et même de la façon dont ils ont été produits.

Nous participons ainsi activement à la sauvegarde et au développement de l'activité agricole locale. Dans le XIVe arrondissement de Paris, je suis membre de l'AMAP des Lapereaux des Thermopyles. Elle regroupe une quarantaine de familles. Les distributions de paniers ont lieu tous les jeudis soirs. Nous avons un contrat avec un agriculteur de la région de Meaux. Nous allons le voir régulièrement, d'ailleurs. Actuellement, nous allons cueillir des fraises, là-bas, des fraises ou des épinards. S'agissant des épinards, d'ailleurs, cela fait beaucoup de semaines qu'il y en a trop, mais c'est ainsi.

Depuis des années, la Commission de Bruxelles, relayée en France par les pouvoirs publics, de droite comme de gauche, pousse à la concentration pour contrebalancer la puissance de la filière de commercialisation. Or celle-ci s'est concentrée encore plus vite, alors que les producteurs sont confrontés au handicap de l'éclatement géographique. Ils ont eu aussi à faire face, sur les volets du coût de la main-d'oeuvre et de l'énergie, à la meilleure compétitivité d'autres producteurs, notamment extracommunautaires.

Au moment où l'on devrait réduire l'utilisation du pétrole, il est aberrant que des produits qu'on pourrait trouver sur place arrivent après avoir parcouru des milliers de kilomètres.

La disparition des terres agricoles en zones périurbaines est aussi un problème grave qui met en cause notre souveraineté alimentaire.

Huitièmement, il faut prendre en compte la détresse, et même la misère, économique, sociale et psychologique des paysans.

La première cause de la diminution de leur nombre est l'insuffisance de leurs revenus. En outre, ils sont considérés, du point de vue de la reconnaissance de leur métier, comme pas grand-chose. J'ose même le dire ici, ils sont considérés comme des ploucs, comme des gens qui n'ont pas de culture, qui ne sont pas ouverts. C'est tout à fait scandaleux. Il faut revaloriser l'image de la paysannerie en France, agir sur les revenus, sur les circuits de production, mais aussi sur la valorisation des paysans eux-mêmes. Le paysan doit être considéré comme le premier producteur, quel que soit le produit, et cela dans tous les pays, en France comme ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Pas pour moi ! J'ai toujours défendu les agriculteurs et les paysans, l'agriculture rurale, l'agriculture familiale et biologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Vous n'en défendez pas beaucoup. Vous défendez seulement 2 % des agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Si vous parlez des gros producteurs céréaliers de la Beauce, c'est autre chose !

En tout cas, il faut revaloriser le métier agricole, à la fois économiquement, socialement et psychologiquement. Permettez-moi, à ce sujet, d'ouvrir une incidente au sujet de ce qu'on appelle les emplois verts.

Mme Jouanno a écrit un rapport à la demande de Xavier Bertrand, secrétaire général de l'UMP. Il fallait théoriser l'écologie de droite. Elle a donc parlé des emplois verts, ceux créés par les technologies dans le secteur des énergies renouvelables. Il convenait manifestement de se placer dans le registre du modernisme technologique. Or les premiers emplois verts, en France comme partout ailleurs, ce sont les paysans !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Or, actuellement, il n'y en a pas assez. On a perdu beaucoup trop de paysans. Il y a eu un exode rural organisé, avec le productivisme, depuis une quarantaine d'années. Ils devraient être plus d'un million, en France ! Ils sont moins de 500 000.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Si, monsieur le rapporteur, ils sont moins de 500 000.

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

S'il y avait plus de paysans, il y aurait moins de chômeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Il y a plus grave encore. Des statistiques sidérantes nous apprennent que le taux de suicide des agriculteurs exploitants est le plus élevé des catégories socioprofessionnelles. Même à France Télécom, il y a moins de suicides. Le taux est de 32 pour 100 000 chez les agriculteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Il faut arrêter de les envoyer au tribunal administratif !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Qu'allez-vous faire pour eux et pour que la plus grande partie de leurs revenus provienne de la production, et non pas des aides ?

Debut de section - PermalienPhoto de William Dumas

C'est ce qu'ils veulent : vivre du fruit de leur travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Bien sûr il faut les aider de temps en temps, mais d'abord, ils doivent percevoir des prix décents pour leur production.

Nous déplorons l'abandon pur et simple de toute volonté de maîtriser l'hémorragie de terres, entre 50 000 et 70 000 hectares par an. Le projet de loi originel apportait des débuts de réponse, mais le retrait de tout objectif chiffré de frein à la consommation de terres agricoles, puis l'abandon de la taxe sur les plus-values énormes réalisées lors de la vente de terrains agricoles devenus constructibles font du texte actuel un texte décevant.

Enfin, il faut revenir sur l'amendement Le Fur. D'ailleurs, en commission, vous étiez contre, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture

Je suis toujours contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Des manifestations ont eu lieu, il y a quelques jours, à Lamballe.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

En effet, il paraît qu'elles ne se sont pas tenues exactement devant la permanence de M. Le Fur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Admettons !

Quoi qu'il en soit, relever le seuil d'autorisation, pour les porcheries, de 450 à 2 000 places, et, pour les poulaillers, de 30 000 à 40 000 places, serait tout à fait catastrophique. On était parvenu à un certain équilibre entre les associations de protection de l'eau – Eau et Rivières de Bretagne, par exemple –, les agriculteurs et la population. Les marées vertes vont recommencer, et les algues bleues vont réapparaître dans l'eau douce. Il va y avoir de l'eutrophisation dans l'air, ou plutôt dans l'eau. Il faut donc supprimer la disposition Le Fur. Nous avons déposé un amendement en ce sens.

J'en viens à ma conclusion.

Ce texte est globalement confiné dans une logique libérale productiviste de court terme, et n'a pas pris l'ampleur requise par l'urgence d'un changement de paradigme du modèle agroalimentaire français. C'est pourquoi nous sommes très réservés. Et si tout se passe mal, comme je le crains, nous voterons contre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Merci, monsieur Cochet, de vous en être tenu au temps de parole indiqué par votre groupe.

La parole est à M. François Sauvadet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Au cours de ces derniers mois, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre, et monsieur Borloo qui venez de nous rejoindre, nous avons traversé une crise agricole sans précédent, qui a frappé l'ensemble des productions. Le groupe Nouveau Centre a interpellé chaque semaine la représentation nationale et le Gouvernement sur la nécessité impérieuse de parvenir à une meilleure régulation des marchés agricoles. En effet si la situation est préoccupante, c'est essentiellement pour une raison : la volatilité des prix, celle que l'on a observée ces dernières années et ces derniers mois, avec des variations de prix considérables, lesquelles ont été autant de chocs pour l'ensemble des producteurs. Ce qui rend d'ailleurs cette crise encore plus préoccupante, c'est justement le fait qu'elle concerne l'ensemble des productions et c'est une grande première.

Je souhaite d'ailleurs, monsieur le ministre, que, à l'occasion de la LMA, vous fassiez le point sur la façon dont les réformes ont été engagées, notamment sur les conséquences qu'elles ont pu avoir dans les zones intermédiaires. Un courant est en train de se développer, celui de la spécialisation d'un certain nombre de territoires. J'y vois l'une des causes de la fragilisation de certains secteurs agricoles qui ne peuvent plus jouer sur une palette de productions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Dans le secteur du lait, certaines exploitations structurées, disposant d'outils de production compétitifs, sont ainsi confrontées au problème du ramassage du lait, faute d'avoir une densité de productions qui en assure, demain, la pérennité.

Dans un pays qui a forgé son destin sur la diversité et la qualité des productions agricoles, cette spécialisation des productions est un élément auquel nous devons être très attentifs. En tout cas, je demande que l'on fasse le bilan des réformes et de leurs conséquences, notamment sur les zones intermédiaires.

En 2009, en moyenne, le revenu de nos agriculteurs a baissé de plus d'un tiers. Je ne sais pas si beaucoup de professions auraient pu supporter un tel choc suite à ces différentes réformes. Nous savons les paysans capables de s'adapter, mais lorsqu'ils traversent la tempête, ils attendent de nous que nous leur donnions les outils pour redresser la barre et, surtout, que nous fixions un cap pour leur avenir, personnel et collectif.

À cet égard, il y a une expression que nous devons mettre en avant dans cet hémicycle : la reconnaissance de leur métier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.) Nous devons en effet reconnaître le talent qu'ils ont dans leur métier. À cet égard j'ai accueilli avec satisfaction la conversion de M. Cochet, lui qui, avec ses amis, a tant de fois désigné les agriculteurs comme étant coupables de tous les maux. Quand je l'entends admettre la nécessité d'une agriculture vivante sur les territoires, j'espère que c'est un premier pas vers une concorde nationale : nous devons être aux côtés de l'économie française et, au sein de celle-ci, aux côtés de l'économie agricole, qui en est l'un des piliers incontournables et qui sera pour elle, demain, une grande chance.

Le constat, monsieur le ministre, vous le connaissez : nos exportations ont diminué de 20 % en 2009 par rapport à 2008, notamment pour le lait et le fromage, mais aussi pour les vins et les céréales ; nos surfaces cultivées de fruits et légumes diminuent quand celles de l'Espagne et des Pays-Bas augmentent ; pour la première fois, la France est déficitaire en termes de production bovine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Elle l'est aussi pour ce qui est de la viande ovine.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Notre production nationale ne produit en effet que 50 % de notre consommation. Il faut en tirer les leçons.

Notre production porcine est restée stable depuis dix ans, alors qu'elle a augmenté de plus de 30 % en Allemagne sur la même période.

Le coût du travail agricole, notamment saisonnier, est bien supérieur à celui de l'Allemagne, malgré les efforts consentis par l'État pour le diminuer. Il n'est donc pas étonnant que l'Allemagne voie son secteur prospérer quand le nôtre se paupérise. L'Allemagne et des puissances agricoles émergentes de l'Europe de l'Est récupèrent les parts de marché que nous perdons.

Nous perdons des places là où nous devrions être un moteur de développement, de développement équilibré.

Autre phénomène nouveau, les consommateurs, qui désignaient hier les producteurs comme étant les principaux responsables du niveau des prix, des problèmes environnementaux, des problèmes concernant l'eau, sont très attentifs, aujourd'hui, à ce qui se passe dans le monde agricole. De grandes associations de consommateurs commencent à se joindre aux agriculteurs pour préserver l'aménagement du territoire, la diversité et la qualité des productions, qui sont une marque de fabrique française.

Au cours des dernières années, lorsque les prix payés au producteur ont augmenté, les prix à la consommation ont également progressé, dans les mêmes proportions. Cependant lorsque les prix baissaient aussi fortement à la production, ils ne diminuaient pas à la consommation. Les consommateurs doivent aujourd'hui savoir qu'il leur faut être les meilleurs alliés de l'agriculture s'ils veulent, demain, bénéficier d'une stabilité des prix en même temps que d'une diversité et d'une qualité des productions.

L'enjeu de cette loi est d'importance et la régulation européenne, que vous avez commencé à engager, doit être la priorité des priorités, parce que c'est là que se situe l'essentiel de la réponse qui doit être apportée au drame que vit notre agriculture. Cette régulation est incontournable.

Mes chers collègues, toutes les chances sont réunies pour notre secteur agricole. Présent sur tous les territoires, il est d'abord le socle de l'aménagement du territoire. Sans la présence des agriculteurs, des paysages entiers changeraient de visage.

Nous avons aussi des surfaces disponibles encore importantes, même s'il faut être vigilant dans les espaces périurbains.

Nous avons une compétence technique. L'un de nos collègues, lors de la séance des questions au Gouvernement, a d'ailleurs souligné la qualité de notre enseignement agricole. C'est l'un des premiers à avoir travaillé sur l'alternance, sur la découverte d'un métier, sur le tutorat, autant de méthodes d'enseignement qu'il nous faut privilégier dans d'autres secteurs.

Nous avons un climat qui assure un bon niveau de rendements.

Nous avons, enfin, un savoir-faire reconnu.

Les agriculteurs veulent être reconnus pour toutes ces qualités.

Dans ce contexte, ce projet de loi propose incontestablement un certain nombre de mesures concrètes d'organisation, par exemple, la contractualisation – oui, elle est nécessaire – ou le renforcement des filières : oui, il est nécessaire. Celui des organisations de producteurs l'est aussi, face à une distribution qui s'est concentrée. Nous avons également à faire aujourd'hui, par exemple dans le secteur de la viande bovine, à une concentration des circuits d'abattage.

Chacun sent donc bien la nécessité d'organiser le secteur de la production tout en préservant ce qui fonde le modèle d'agriculture français, une forme d'organisation préservant la liberté et la capacité individuelles. C'est ce chemin que nous devons emprunter ensemble ; vous nous l'avez proposé et nous sommes prêts à le suivre mais, je le répète, ces instruments, à eux seuls, ne sont pas à la hauteur des défis que l'agriculture doit relever sur les marchés mondiaux et européens. S'il est indispensable de passer par cette étape, il faut aussi aller au-delà.

Notre but, dans ce débat qui s'ouvre aujourd'hui, est de renforcer les outils que vous proposez, monsieur le ministre, et de tracer de nouvelles perspectives pour l'agriculture. J'évoquerai trois axes de réflexion.

Premier axe, il faut rendre effectif le pouvoir d'action de l'observatoire de la formation des prix et des marges.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Le Nouveau Centre, et précédemment l'UDF, le demande depuis des années. Pour nous, il n'est pas question que cet observatoire connaisse le même sort que l'observatoire des distorsions de concurrence, qui n'a finalement rien apporté puisque l'opacité persiste sur la répartition des marges ou la situation exacte sur les marchés. Il faut rapprocher l'observatoire de la formation des prix et des marges de l'autorité de la concurrence afin de s'assurer qu'il joue bien son rôle d'éclairage sur la répartition des marges dans le secteur. C'est un facteur d'équilibre dans les filières.

On sait bien comment fonctionnent les interprofessions. Même si on renforce leur rôle, chacun, au sein de l'interprofession, doit avoir les éléments pour appréhender la discussion. Or certains acteurs sinon refusent, en tout cas ne souhaitent pas apporter leur part des éléments contribuant à la clarification des marchés. C'est pourquoi, afin que tous les acteurs de la chaîne alimentaire participent à ce travail de veille et d'analyse, il faudra doter l'observatoire de pouvoirs de sanctions et d'amendes, même s'il en use avec mesure. On ne peut pas laisser des secteurs entiers s'abstraire de la nécessité d'y voir clair dans les filières. Nous avons déposé un amendement dans ce sens. Les distributeurs, mais aussi les industriels, doivent jouer la transparence : c'est la condition du respect qu'ils doivent aux producteurs.

Deuxième axe, une des conditions de la compétitivité de notre agriculture, qui est soumise au marché international, réside dans l'organisation de ses marchés et de ses filières. Avant tout, il faut cesser d'ajouter à la norme de nouvelles règlementations qui pèsent sur les exploitations. Tous les agriculteurs vous le diront : ils vivent l'enfer de la réglementation. Sur ce point, nous devons travailler à une convergence européenne. Il ne s'agit pas de faire moins mais de s'assurer, dans la mise à niveau de compétitivité entre les différents pays, que les normes imposées à nos agriculteurs soient généralement répandues. Souvenez-vous de la taxe carbone : nous y avons toujours été favorables, mais à l'échelon européen pour ne pas pénaliser des secteurs d'activité économiques. C'est ce que nous demandons également pour l'agriculture.

Sans désarmer sur les ambitions que nous avons en partage – ministre de l'agriculture et ministre de l'écologie côte à côte comme ce soir forment un bon voisinage –, arrêtons de rajouter des couches aux normes. Cela devient insupportable et est extrêmement pénalisant pour la compétitivité de notre agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Au Nouveau Centre, nous sommes partisans, dans beaucoup de secteurs, de la convergence économique et de la convergence des charges, y compris sociales.

Si nous avons à travailler sur l'agro-industrie – je serais d'ailleurs intéressé de savoir comment vous envisagez le développement de nouveaux métiers industriels liés à l'agriculture, car ils représentent une perspective pour celle-ci –, il faut, dernier axe, vraiment bousculer l'immobilisme de l'Europe. Or, sur ce sujet, malgré la détermination du Gouvernement et du Président de la République, le texte n'a que peu de poids. Pour le Nouveau Centre, il est indispensable de mettre la même détermination à obtenir de nos partenaires une régulation économique des marchés européens que celle que nous avons mise à obtenir une régulation financière. C'est tout aussi important, car les enjeux stratégiques de l'alimentation de demain seront capitaux dans l'ordre du monde, y compris pour la paix.

L'article 33 du traité de Lisbonne a défini quelques points de la politique agricole commune : accroître la productivité de l'agriculture ; assurer un niveau de vie équitable de la population agricole ; stabiliser les marchés ; garantir la sécurité des approvisionnements ; assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Je dis chiche ! La France doit être très engagée sur ce chapitre.

Dans un contexte mondial de plus en plus instable et très concurrentiel, outre des outils de stabilisation, nous devons avoir une veille stratégique d'orientation de nos productions agricoles, en particulier dans la voie du développement durable. J'en ai déjà parlé.

Monsieur le ministre, renforçons les outils pour permettre la compétitivité, travaillons à une convergence sur les normes, réfléchissons à une stratégie d'accompagnement de l'agro-industrie qui apportera une garantie aux producteurs. Intéressons-nous aux circuits courts, astucieusement qualifiés par M. Cochet de circuits de proximité, mais pas seulement du point de vue de l'accès aux marchés publics des collectivités locales. C'est aussi une question d'organisation des producteurs pour assurer dans la durée les conditions d'approvisionnement de ces collectivités.

La crédibilité de la démarche que vous avez engagée se fondera non seulement sur la boîte à outil, nécessaire, mais aussi sur ce que vous obtiendrez dans le cadre des renégociations de la future PAC. Disons-le clairement, il faudra vous montrer déterminé. Vous pourrez compter sur notre engagement total à vos côtés, quitte à faire, dans le cadre du travail parlementaire, avec d'autres parlements nationaux, avec nos députés européens, oeuvre d'explication. Aujourd'hui, les tenants du libéralisme à tous crins doivent revoir leur copie à la lumière de ce qui s'est passé et des résultats des grands pays agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Quelle formidable évolution ! Cela fait plaisir à entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il n'y a pas que M. Cochet qui a droit à son chemin de Damas !

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Ce n'est pas la première fois que vous l'entendez. Et s'agissant de chemin, nous en avons un à tracer ensemble, en dépit des divergences. La situation de l'agriculture est telle aujourd'hui que nous devons chercher des voies de convergence plutôt que de divergence.

Debut de section - PermalienPhoto de François Sauvadet

Le groupe du Nouveau Centre sera très engagé pour soutenir le Gouvernement dans la voie de la régulation, et il y mettra tous ses moyens, modestes, il est vrai, mais nous n'aspirons qu'à grandir ! (Sourires.) C'est un enjeu vital pour nos territoires, pour l'agriculture, pour les familles agricoles, pour les femmes aussi. N'abandonnons pas ce beau secteur, plein d'avenir, j'en suis sûr, pour peu que nous ayons la volonté de faire changer les choses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, de ce projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, je n'aborderai ce soir que le volet pêche au titre de porte-parole de l'UMP sur ce sujet et non parce que je me désintéresse des questions agricoles ; les amendements que j'ai déposés en témoignent.

Si la pêche est peu représentative dans l'économie française, elle est essentielle pour le littoral français, le plus long d'Europe, et pour nos économies locales. Vous avez pu, monsieur le ministre, vous en rendre compte hier, à l'occasion de votre déplacement à Boulogne-sur-mer et à Étaples. Je tiens d'ailleurs à vous remercier pour votre écoute, votre disponibilité et votre parler vrai qui a plu aux marins pêcheurs d'Étaples.

Notre pêche est aujourd'hui en crise, tant économique que de confiance dans les institutions, en particulier européennes, auxquelles nos marins pêcheurs ne croient plus. Plus que jamais, ils ont besoin d'écoute et d'espoir. Vous l'avez ressenti hier. Ils veulent aller de l'avant et recherchent avec nous les voies d'un nouvel avenir pour la pêche française. À cet égard, votre projet de loi est très attendu. Il répond en grande partie aux demandes de la profession, sans doute parce qu'il a été conçu dans la concertation et le dialogue avec les représentants des marins pêcheurs français, ce qu'ils n'ont pas manqué de souligner lundi.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

C'est la marque « Le Maire » !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Le projet de loi doit aussi être éclairé par l'arrière-plan européen.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Encore une marque « Le Maire » !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Nous avons effectivement la chance d'avoir un ministre qui, non seulement connaît bien notre voisin allemand, mais qui s'implique beaucoup dans les questions européennes et a su faire bouger les lignes, alors que ce n'était pas évident, sur ces questions essentielles pour la France.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Exceptionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Fasquelle

Parallèlement à la réforme de la PAC se prépare une réforme de la politique commune des pêches qui doit éclairer nos débats. Le groupe UMP apportera son soutien au volet pêche de la LMAP au regard des avancées réelles du texte, qui a d'ailleurs été enrichi, lors des travaux en commission, par plusieurs amendements. À n'en pas douter, d'autres s'y ajouteront au cours du débat dans l'hémicycle.

Je concentrerai mon propos sur quatre points essentiels.

La première question à laquelle le projet de loi apporte une réponse est celle de la gestion de la ressource et des quotas. Aujourd'hui, c'est une source de préoccupation majeure pour nos marins pêcheurs, et pour cause ! Il y a un décalage considérable entre ce qu'ils constatent dans leur quotidien et les constats des scientifiques. Le fossé s'est creusé entre la politique commune des pêches, qui repose sur ces constats scientifiques, et les marins pêcheurs.

Comment dépasser cette incompréhension, comment construire une politique commune des pêches qui repose sur des bases solides ? En montrant l'exemple, comme le fait le projet de loi, en créant un comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et d'aquaculture. Au sein de ce comité, marins pêcheurs et scientifiques pourront dialoguer, construire un constat partagé, et, fort de ce constat partagé, monsieur le ministre, vous pourrez négocier à Bruxelles des quotas mieux compris et mieux acceptés.

Le projet de loi va également dans la bonne direction en associant les marins pêcheurs, notamment les organisations de producteurs, à la gestion de la ressource. À cet égard, la politique commune des pêches s'oriente vers une plus grande régionalisation, et le projet de loi la prépare. Cette politique commune nouvelle devrait permettre une plus grande flexibilité dans l'élaboration des quotas et dans leur gestion, ce que vous souhaitez également à travers le texte.

Par contre, il faudra être particulièrement attentif au sujet des quotas individuels transférables que la commissaire souhaite faire adopter. Un tel système irait tout à fait à l'encontre de ce que le projet de loi entend mettre en place. On sait très bien que ces quotas individuels transférables seront revendus, ce qui aboutirait à une concentration de la pêche en France et en Europe et à une disparition de la pêche artisanale et des emplois qui y sont attachés. Ce n'est absolument pas souhaitable.

En renforçant la représentativité de la pêche française vis-à-vis des pouvoirs publics tant français qu'européens, le projet de loi va aussi dans le bon sens. Toutefois, les professionnels soulèvent deux questions et attendent des réponses : quid du financement du système alors qu'on met fin au paritarisme ? Quel statut pour l'élu ? En effet, les professionnels qui se consacrent à la représentation de la profession ne font pas, pendant ce temps, tourner leurs entreprises. Il est donc nécessaire de prendre cette question à bras-le-corps.

Les quotas et la gestion de la ressource sont aujourd'hui au coeur des préoccupations des marins-pêcheurs. Le projet de loi apporte les premières réponses et donne surtout une impulsion, dont nous espérons qu'elle sera suivie par les institutions européennes.

Le deuxième point que je veux aborder concerne la valorisation et la transformation des produits de la pêche.

Comme vous avez pu le constater à plusieurs reprises, il existe un écart considérable entre le prix auquel le poisson est vendu par le marin-pêcheur, une fois pêché et ramené à quai – 1,5 – et le prix auquel le poisson est revendu au consommateur : 8. Cet écart de 1,5 à 8 n'est absolument pas justifié. Il faut trouver une réponse, afin qu'un meilleur partage de la valeur s'établisse.

Chacun sait aussi que les intermédiaires et les transformateurs organisent parfois une concurrence déloyale entre les produits français et les produits importés. Une réponse doit être également apportée.

Dans le projet de loi figure une double réponse : il faut d'abord mieux observer et comprendre ce qui se passe en ce qui concerne les marges. Ce sera le rôle de l'observatoire des prix et marges que nous mettons en place ; il convient ensuite de mieux maîtriser le processus de vente et de donner plus de pouvoirs aux marins-pêcheurs dans la négociation avec les intermédiaires et ceux qui transforment leurs produits.

Le projet de loi leur offre des outils. Vous avez fixé un cap qu'il faudra atteindre : la création d'une interprofessionnalité de la pêche d'ici à la fin de l'année 2010. Les marins-pêcheurs doivent comprendre qu'ils seront plus forts ensemble et qu'ils pourront ainsi peser sur les transformateurs, sur la grande distribution, pour une meilleure valorisation de leurs produits et un meilleur partage de la richesse.

Le troisième point concerne les dépenses de carburants. Je sais que vous vous intéressez à ce problème qui pèse sur les marins-pêcheurs. C'est un sujet majeur pour les années à venir. Il faut savoir que, dans le prix de certains poissons, plus de 50 % représentent le prix du carburant. C'est excessif.

Un certain nombre de contraintes vont peser sur les marins-pêcheurs. Pourront-ils pêcher dans les parcs naturels marins, qui seront créés ? Il faudra également éviter que les parcs éoliens off shore soient créés dans des zones propices à la pêche et faire en sorte qu'une partie du produit de la taxe revienne à la pêche, tout particulièrement aux marins-pêcheurs qui sont localement touchés par la création de ces parcs éoliens.

Comme l'agriculture, la pêche a besoin d'être régulée. Le projet de loi que vous portez, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Il doit permettre – c'est important – de rétablir un véritable rapport de confiance entre les pouvoirs publics français, européens et nos marins-pêcheurs.

Ce texte ne réglera certainement pas tous les problèmes de la pêche française, mais il va sans aucun doute dans le bon sens. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP vous assure de son entier soutien et votera votre texte pour la partie agricole et pour la partie pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je vais donner la parole à M. Jean Gaubert. Après quoi nous lèverons la séance.

Vous avez la parole, mon cher collègue

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Monsieur le président, apparemment, je suis le dernier orateur ; c'est une bonne nouvelle car nous pourrons ensuite aller dormir. Nous l'aurons bien mérité, tant M. le ministre que M. le rapporteur qui a beaucoup travaillé sur ce texte et qui va continuer dans les jours à venir.

Monsieur le ministre, l'une des expressions que vous avez employées dans votre intervention m'a frappée : « Le monde tel qu'il est et non pas tel qu'on le voudrait. » Je crois que nous pouvons partager cette opinion, même s'il ne faut pas que cette affirmation soit le prétexte à une démission face aux situations que nous connaissons, car il est vrai que le monde agricole et économique en général est devenu une vaste zone de libre échange, où les règles ne sont pas les mêmes partout, mais où il est très difficile de faire valoir les points de vue que nous évoquons, malgré les quelques différences qui nous séparent.

Nous savons que le monde agricole reste dominé par les États-Unis. Les Américains sont assez paradoxaux, car ils aiment tellement le libéralisme qu'ils préfèrent l'exporter et ne pas le garder pour eux.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Ils comptent parfois sur notre naïveté et pensent que nous écouterons les sirènes de leurs idéaux et que nous nous retrouverons dans des situations tout à fait désagréables. Je n'évoquerai pas les moyens de financement de l'agriculture dont les Américains disposent, mais nous devons éviter toute naïveté.

Le monde agricole est également dominé par les puissances économiques émergentes. C'est vrai pour le Brésil, vous l'avez cité. Un ogre économique se prépare et il est déjà présent. Cette montée en puissance a certes des conséquences sur l'Europe, mais aussi sur les pays en voie de développement. Les productions brésiliennes, qui bénéficient d'apports financiers américains – la boucle est bouclée – gagnent des parts de marchés, au détriment de leurs productions locales vers l'Europe.

Nous ne devons pas oublier que nous avons perdu, dans des périodes récentes, des parts de compétitivité à l'export à cause de l'euro fort. J'ai entendu des gens se lamenter car l'euro était descendu à 1,20 dollar. Si je ne souhaite pas qu'il descende à 1 ou 0,80, je reconnais que lorsqu'il était à 1,50, il était difficile pour nos entreprises d'exporter sur un certain nombre de marchés, mais, plus grave, il devenait très facile à nos concurrents de venir sur les nôtres.

Il ne faut pas oublier les effets du désastreux accord de Blair House, qui a conduit l'Europe à démanteler un certain nombre de ses barrières tarifaires et à accepter en plus de limiter ses ambitions en matière de cultures protéagineuses et d'autres ambitions encore sur lesquelles je ne reviendrai pas compte tenu de l'heure et du peu de temps dont je dispose.

Le différentiel de prix de revient, particulièrement sur la main-d'oeuvre, procure des avantages au Brésil, à la Thaïlande, à la Malaisie, etc. Sommes-nous armés ? Devons-nous nous lancer dans la course à la baisse du coût du travail ? Nous avons la réponse ; vous l'avez indiqué, monsieur le ministre : nous ne pouvons pas et nous ne devons pas, aujourd'hui, nous battre sur le sujet. Cela signifie aussi que nous ne devons pas davantage, parce que l'agriculture est très concernée par les décisions prises par l'OMC, désarmer nos barrières tarifaires. Nous devons être très vigilants sur les conditions sanitaires des produits importés. Les mêmes règles doivent s'imposer aux produits qui entrent dans l'Union européenne, comme à nos producteurs.

Nous avons beaucoup insisté – c'est la nouvelle mode – sur le différentiel avec l'Allemagne. Il existe, il ne faut pas le nier.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'agriculture

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Il est lié, ne l'oublions pas, à la main-d'oeuvre, sans doute mais un peu moins qu'on ne le dit. On a parlé d'une main-d'oeuvre à 6 ou à 12 euros de l'heure, mais cela ne concerne souvent que la main-d'oeuvre marginale, pour 30 ou 40 % maximum. C'est lourd mais il faut prendre garde à ne pas schématiser.

N'oublions pas l'élément lié aux effets de l'accord de Luxembourg avec la subsidiarité. Les Allemands ont choisi un autre mode de découplage qui a défavorisé les céréales, mais favorisé d'autres productions. La ferme allemande s'est réorganisée différemment. J'avais déjà dénoncé ce fait dès 2003, devant l'un de vos prédécesseurs, Hervé Gaymard. Les fruits de ce redécouplage différent sont venus fausser la concurrence, ce qui a beaucoup joué dans l'envahissement par les produits de maraîchages allemands des marchés alsaciens. À cette époque, il ne s'agissait pas des coûts de la main-d'oeuvre. Nous devons toujours avoir présente à l'esprit la règle : « À marché unique, règle unique ».

Nous pouvons aborder le sujet de l'Espagne, dont les pratiques environnementales sont contestables sur un certain nombre de sujets. Elles ont été déjà évoquées.

Les Pays-Bas et le Danemark ont des conceptions de l'agriculture totalement différentes des nôtres. Si l'on schématise, aux Pays-Bas, une ferme c'est un tuyau provenant du port de Rotterdam, un tuyau qui part à la laiterie et un autre qui va à la station de traitement du lisier et, au milieu, sont les vaches. Ce n'est en aucun cas notre conception. Nous devons comprendre qu'il convient de composer avec les uns et les autres. Obtenir des accords avec des pays dont les conceptions sont aussi différentes n'est pas simple ; nous le reconnaissions déjà lorsque nous étions dans la majorité.

Nous sommes dans une situation de crise, de réajustement. Nous avons moins de surproduction qu'à certaines époques ; ce sont les conséquences de la fin de la gestion de marchés. C'était la nouveauté de la décennie 1995-2005. Beaucoup ont cru, pas simplement à droite, qu'il suffisait de donner des primes à l'hectare pour que les choses se règlent. On a oublié que, pour maintenir le revenu des agriculteurs, le système le moins coûteux était le soutien des marchés. Nous devons avoir cette réflexion, car l'idée qui a traversé tous les groupes politiques, à divers moments, est aujourd'hui battue en brèche par la situation que connaissent nos agriculteurs. Si l'on devait soutenir le revenu au niveau où il était par l'intervention sur les marchés, il faudrait débourser plus d'argent qu'à cette époque-là.

On peut s'interroger : le système différent mis en place a-t-il apporté un avantage au consommateur ? En effet pendant toute cette période, il n'y a pas eu de baisse des prix agricoles à la consommation. Une idée a été avancée : il suffisait que les prix à la consommation baissent pour obtenir du pouvoir d'achat en France. C'était oublier l'organisation dans notre pays, comme dans d'autres. La GMS en tout état de cause a prouvé qu'elle n'était pas moteur dans la restitution du pouvoir d'achat, ni aux producteurs ni aux consommateurs. Pourtant, nous savons bien que les marges importantes ne se font pas dans la majorité des entreprises de transformation. Les IAA bretonnes affichent depuis quelques années seulement 0,5 % de marge nette. Ce n'est pas là que nous trouverons ce qui est nécessaire pour reconstituer le revenu des paysans.

Vous nous proposez la contractualisation. Je n'y suis pas complètement opposé. Je crois qu'il n'est pas idiot de considérer qu'il est normal que l'industriel ou la coopérative puisse connaître les quantités à mettre sur le marché ; de la même façon le producteur doit connaître les possibilités sur lesquelles il s'est engagé. Les aléas climatiques, sanitaires peuvent modifier considérablement les périodes et les quantités mises en vente.

Il faudra être très attentif à l'équilibre entre les producteurs et les industriels, les producteurs et leurs grosses coopératives parfois ; certains l'ont dit. Le texte y veille pour le moment, mais nous ne connaissons pas les dérives qui peuvent en résulter pour l'avenir. Il faut veiller à ce que cet équilibre soit rompu, mais non plus au détriment du producteur, car nous savons qu'un certain nombre d'industriels espèrent qu'ils pourront rapidement disposer des droits à produire pour les répartir parmi les agriculteurs les plus compétitifs et parfois les plus proches des circuits de collecte ; je pense au lait et à d'autres productions.

Il faut pouvoir préserver la liberté des producteurs. Des questions ne sont pas résolues et un certain nombre de producteurs sont inquiets. Cette contractualisation va-t-elle augmenter le prix payé aux producteurs ? Permettez-moi d'en douter, et je ne suis pas le seul dans ce cas. Cela peut jouer sur la fluidité des marchés. Ainsi nous avons connu, en Bretagne en particulier, l'expérience des groupements de producteurs, dans les années soixante-dix, quatre-vingts. Cependant je ne me souviens pas – j'étais paysan à l'époque – que cela ait eu une grosse influence sur le prix payé aux producteurs. Nous avions pourtant tous des contrats avec ces groupements. Pourquoi ? Parce que la loi du marché prévaut.

Si les industriels ou les coopératives devaient payer un produit plus cher sur le long terme, ils seraient rapidement concurrencés – sur la vente à la GMS, en particulier, en tous les cas aux distributeurs – par les pays de l'Union européenne dans la mesure où ils n'appliqueraient pas les mêmes règles. Cela nous renvoie à la situation européenne et aux négociations que vous évoquiez, monsieur le ministre. Vous auriez obtenu un accord avec les Allemands et nous n'avons pas de raison d'en douter car nous sommes conscients des efforts que vous avez consentis, mais nous savons aussi qu'il faudra convaincre les vingt-cinq autres.

À ma connaissance, il n'y a guère que la Hongrie qui semble être d'accord avec les positions françaises. Ce n'est pas le cas des autres pays, y compris l'autre grand pays agricole qu'est la Pologne dont la situation est particulière : d'un côté, une grande zone comprenant de très grandes exploitations et, de l'autre, une zone de petites exploitations vouées à une restructuration rapide car on a fait le pari que les enfants des agriculteurs ne reprendraient pas l'exploitation de leurs parents.

Quant à la régulation, elle a été enterrée entre 2003 et 2006. Certes, cela ne relève pas de votre responsabilité personnelle, mais de celle des ministres qui se sont succédé, mais, en tout état de cause, il est toujours difficile de revenir sur ce genre de mesure.

L'Europe veut-elle encore une agriculture fondée sur le modèle français ? Voilà la vraie question. Je parle à dessein de notre modèle car la France est le plus grand pays agricole du point de vue tant quantitatif que spatial. Nous ne pouvons pas avoir les mêmes attitudes que les Pays-Bas qui ont une conception très industrialisée de l'agriculture.

La contractualisation n'est pas la panacée et il faut s'interroger sur les écarts de compétitivité. Je ne reviendrai pas sur la comparaison avec l'Allemagne. Je commence à être un vieux paysan et j'ai toujours vu l'agriculture française vivre au rythme de peurs pas toujours justifiées : quand j'étais jeune, c'était les Anglais qui nous faisaient peur ; or il y a longtemps qu'ils ne sont plus sur le marché. Ensuite, ce fut le tour des Hollandais, des Danois, des Suédois…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

…des Espagnols et puis des Brésiliens. La différence avec le Brésil, c'est que les responsables agricoles avaient l'occasion de faire un voyage lointain qu'ils pouvaient raconter à leur retour dans les assemblées de coopératives, ce qui n'était pas du plus bel effet pour ceux qui se demandaient comment trouver les quelques sous qui leur manquaient pour tenir jusqu'à la fin du mois.

Pour autant, nous devons nous interroger sur nos écarts de compétitivité. Pourquoi, avec la même production, y a-t-il des écarts de revenus importants ? On ne peut pas évacuer cette question, même à 1 heure 30 du matin, et considérer que tout le monde serait au même niveau. Ce serait faire preuve de démagogie.

Quant aux méthodes, lesquelles choisir ? L'intensive ou l'extensive ? Cette opposition justifie-t-elle les écarts que nous connaissons ? Non ! De petites exploitations peuvent être très rentables alors que de grandes exploitations ne le sont pas, et l'inverse est vrai. En Bretagne, de très grandes exploitations sont ainsi aujourd'hui en situation de dépôt de bilan alors que de petites et moyennes exploitations tirent leur épingle du jeu.

La réalité n'est pas là, mais dans la valeur ajoutée qui est dégagée, y compris dans le même type de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Les écarts sont également dus aux erreurs d'investissement, il faut le dire. Dans beaucoup d'exploitations, les frais de mécanisation sont trop élevés et disproportionnés par rapport à la taille de l'exploitation. On a oublié l'agriculture en commun, les CUMA, les coopératives d'utilisation de matériel agricole. On a oublié que l'on pouvait aussi choisir de recourir à l'entreprise agricole pour effectuer certains travaux qui ne justifient pas d'être propriétaire de son matériel.

Le projet de loi n'aborde pas le problème de la fiscalité, ces questions étant discutées en loi de finances. Pour autant, monsieur le ministre, est-il toujours pertinent de favoriser la fiscalité sur les achats de matériel plutôt que celle sur la rénovation des bâtiments agricoles en particulier ? Nous devons nous poser cette question.

Au moment de l'euphorie sur le lait, on a vu des agriculteurs demandant aux marchands de matériels de leur vendre n'importe quoi pour ne pas à avoir payer d'impôt. Voilà à quelles extrémités nous arrivons. Il est donc nécessaire d'avoir cette réflexion, car il s'agit d'un élément important pour la compétitivité de l'agriculture.

Dans le débat sur l'agriculture productiviste, je préfère pour ma part parler d'agriculture productive. Aucun secteur économique ne peut éviter de parler de productivité, mais la productivité, c'est la manière de gérer une exploitation pour obtenir les coûts de revient les plus bas. Est-ce systématiquement la main d'oeuvre qui est en cause ? On n'a pas parlé des coûts de la mécanisation, souvent plus élevés. Lorsque j'étais agriculteur, les coûts de main d'oeuvre représentaient 9 %. Qu'est-ce que vous pouvez gagner sur 9 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Vous gagnez un ou deux points, mais les coûts de l'alimentation du bétail représentaient 45 %. Là, on peut gagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Or dans ce pays, on cible systématiquement sur la main d'oeuvre.

En conclusion, je souhaite, monsieur le ministre, évoquer une piste qui n'a pas été explorée.

Nous avons un système de déductions fiscales individuel. Je suis, pour ma part, favorable à la prise en compte des aléas économiques. Je ne pense pas que l'Union européenne puisse être opposée à la création de caisses de péréquation collective à partir du moment où il n'y a pas d'intervention de fonds publics. Il faudrait explorer cette piste notamment pour les jeunes. On sait très bien que, dans les premières années de leur installation, ils ne peuvent pas faire de déductions pour aléas. Or ils ont bien besoin d'avoir ce système de production.

Le projet de loi nous est présenté comme un grand chantier. C'est plutôt une occasion ratée due non à un manque de volonté politique, mais à un manque de moyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

…même si l'on peut malgré tout déceler un certain manque de volonté.

La représentation syndicale ne vous coûtait pas très cher, monsieur le ministre. Il suffisait de reconnaître, puisqu'il y a plusieurs types d'agricultures et d'agriculteurs, qu'il était légitime d'avoir plusieurs représentants agricoles. J'ai fait valoir au président Jean-Michel Lemétayer qu'il aurait sans doute été très choqué que l'on ne reconnaisse que la CGT, dans le monde ouvrier, au motif qu'elle était le plus grand syndicat national. Or c'est ce que l'on fait pour le monde agricole dans la mesure où l'on ne reconnaît qu'un seul syndicat. C'est dommage.

La contractualisation serait mieux acceptée si elle avait comme corollaire la participation à la gestion de l'ensemble des syndicats représentatifs en France, en tout cas, ceux qui participent aux élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Gaubert

Un dernier mot en réponse à l'intervention de mon collègue Daniel Fasquelle.

S'agissant de la pêche, il y a certes eu le plan Mellick, mais il a été imposé par l'Union européenne et il y a eu, ensuite, d'autres plans. Inutile donc de se jeter ce genre de propos à la figure, qui ne règlent pas le problème.

Restent les questions posées autour de Natura 2000, des parcs éoliens, des parcs naturels marins. Les pêcheurs sont extrêmement inquiets et ils ont raison de l'être car les jurisprudences qui nous viennent de Bruxelles ne vont pas dans le sens qu'ils souhaitent.

Beaucoup disent que ce projet de loi vise à redonner espoir aux paysans, j'en doute. Pour ma part, il s'agit d'une loi pour faire patienter au moins jusqu'à mai 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées ;

Vote solennel sur la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées ;

Suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 30 juin 2010, à une heure quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma