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Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 29 juin 2010 à 21h45
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

On peut établir le même constat pour les fruits. Ainsi, le verger de pommes français a produit 2,3 millions de tonnes de fruits en 2000 contre 1,6 million en 2009, soit un recul de 30 %. Dans le même temps, le verger italien est resté stable.

Ce recul, ce déclin n'est pas acceptable, et je sais que vous pensez la même chose. Il appartient au Gouvernement et non à l'Europe, qui n'est compétente ni en matière fiscale ni en matière sociale, d'agir. Ne nous dites pas que cela est impossible alors que, d'une manière ou d'une autre, vos homologues allemands, hollandais, italiens, espagnols ont trouvé des solutions. Pourquoi serions-nous plus naïfs et moins solidaires qu'eux avec nos agriculteurs ?

Nous vous proposerons des amendements visant à permettre la baisse du coût de la main d'oeuvre agricole par un système d'exonération totale de charges patronales pour l'ensemble des salariés agricoles permanents ou saisonniers. Il est en effet indispensable, en attendant l'harmonisation des charges et des réglementations sociales au niveau européen, de compenser les distorsions de concurrence sur le coût du travail par un plan national pour que les agriculteurs français ne soient plus victimes d'un dumping social qui conduit la distribution à recourir massivement à l'importation.

Vous allez me répondre – et vous aurez raison – qu'en ces temps de déficits publics majeurs, il est difficile de financer une telle mesure. La solution est pourtant simple : la grande distribution doit payer. L'aval, qui dégage des marges considérables sur les fruits et légumes, doit payer pour l'amont. La grande distribution s'en sort bien dans votre texte, trop bien, alors qu'elle est directement responsable de ce partage injuste de la valeur ajoutée très franco-français qui écrase nos arboriculteurs et nos maraîchers.

Vous me direz qu'il n'y a là rien de spécifique à cette production et je vous répondrai, en toute humilité, que vous vous trompez. Il y a bien une spécificité du secteur des fruits et légumes, qui est l'un des seuls où n'intervient aucun intermédiaire entre agriculteurs et distributeurs. Le face-à-face est direct, déséquilibré, asymétrique pour parler en termes économiques : il oppose trois cents offreurs à cinq acheteurs. Cette spécificité aboutit à une marge nette scandaleuse des distributeurs, qui dépasse en général 30 %, avec un produit acheté 0,20 euro aux producteurs et vendu 2 euros au client.

Cette situation n'est plus tenable. Je vous propose de faire preuve d'audace et d'aller au-delà du projet de loi qui nous est soumis ce jour. N'ayez pas peur, monsieur le ministre.

Ce que nous avons fait dans le secteur des télécommunications et de l'audiovisuel où l'aval – les opérateurs – finance l'amont – la création de contenus –, ce que nous avons fait pour le commerce et l'artisanat où l'aval – la grande distribution – finance le petit commerce et l'artisanat à travers le FISAC, pourquoi ne le ferions-nous pas pour les agriculteurs face à la grande distribution ?

Nous avons le devoir d'examiner avec sérieux la proposition audacieuse de Charles de Courson qui vise à supprimer l'impôt sur le foncier non bâti et à intégrer les agriculteurs dans le régime de la nouvelle taxe professionnelle. Nous avons souvent appelé les agriculteurs à se comporter en véritables chefs d'entreprise, alors traduisons cela en matière fiscale. Compte tenu des seuils retenus, ils ne paieront pas, à quelques exceptions près, de contribution à la valeur ajoutée et ne seront imposés que sur le foncier bâti. Ce ne sera que justice.

Reste le partage insolent, inadmissible, de la valeur ajoutée entre producteurs et distributeurs. Je vous le répète, n'ayez pas peur, monsieur le ministre. Nos agriculteurs ont eu le sentiment d'avoir été floués par le coefficient multiplicateur, disposition sur laquelle Daniel Soulage, sénateur de Lot-et-Garonne, et moi-même nous sommes bagarré pendant des jours entiers. Cette affaire a laissé des traces terribles et entamé la confiance en la volonté du Gouvernement d'imposer un nouveau partage, plus juste, de la valeur ajoutée.

Tout ce que nous pouvons faire dans ce domaine doit être fait : valorisation et protection des circuits courts, transformation des produits agricoles par les agriculteurs. Or votre loi est silencieuse sur ces points centraux. Nous reconnaissons qu'il n'est pas facile de concevoir et d'imposer de nouveaux mécanismes de répartition, mais, au minimum, donnons à notre observatoire des prix et des marges le pouvoir de sanctionner les marges exorbitantes.

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