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Séance en hémicycle du 7 avril 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

D'importantes inondations ont frappé la ville de Rio, provoquant la mort de plusieurs dizaines de personnes. Au nom de toute l'Assemblée, j'exprime notre profonde sympathie à l'égard des victimes, de leurs familles et du peuple brésilien.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture.

Hier dans l'Essonne, le chef de l'État a présidé une réunion sur les principaux dossiers agricoles, sans pour autant répondre aux préoccupations de la profession, à savoir l'annulation du redéploiement d'une partie des aides européennes, soit un milliard d'euros, dont pouvaient auparavant bénéficier les céréaliers au profit des éleveurs et des agriculteurs de montagne.

Le Président semble dépassé par l'ampleur de la catastrophe qui s'annonce pour le monde agricole, tant la politique menée par son gouvernement s'avère inefficace au regard des contraintes et enjeux européens qui déciment l'agriculture française dans sa globalité.

Un agriculteur sur deux affirme rencontrer de graves difficultés pour accomplir sa mission professionnelle ; 13 % des exploitants envisagent de cesser leur activité au cours des douze prochains mois, invoquant, pour 62 % d'entre eux, de graves problèmes financiers.

Outre-mer, la situation du monde agricole est semblable à celle de la métropole.

Dans ces contextes difficiles, il n'est pas question que l'État n'assume pas pleinement ses responsabilités.

En Guadeloupe, la filière agricole est sinistrée par les aléas climatiques majeurs. Pour la production melonnière, la perte s'évalue à 980 000 euros, pour la banane à 15 millions d'euros, sans compter les dégâts collatéraux dus à l'absence de nos produits sur le marché européen. Les autres activités agricoles connaissent les mêmes avatars. Les cendres rejetées sur la Guadeloupe lors de l'éruption du volcan de Montserrat en février 2010 et la sécheresse qui sévit actuellement sont les causes directes de cette catastrophe.

Allez-vous faire en sorte, monsieur le ministre, d'abonder l'enveloppe de 500 millions d'euros annoncée au mois de mars dernier pour venir en aide, notamment, à ce secteur en crise ? Allez-vous déclarer l'état de calamité agricole en Guadeloupe ? Enfin, solidairement, je vous demande au nom de tous les agriculteurs français (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous remercie, madame la députée.

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Madame la députée, vous m'avez interrogé tout d'abord sur le bilan de santé de la PAC. Chacun sait ici que tous les éleveurs de France ont souffert de l'absence d'aides à l'hectare ; que ce soit dans les zones de montagne ou dans les zones intermédiaires, ils ont des difficultés majeures. C'est la filière de l'élevage dans son ensemble qui était menacée par l'absence de telles aides.

La décision a donc été prise par le Président de la république, par le Premier ministre et par le ministre de l'agriculture de l'époque, Michel Barnier, de réorienter une partie des aides de la PAC, à hauteur de 1,4 milliard d'euros, des grandes cultures vers la filière de l'élevage. C'était une question de justice et de survie pour cette filière.

Par ailleurs, vous savez que les grandes cultures rencontrent aujourd'hui une difficulté majeure liée à l'effondrement du cours des denrées telles que le blé, l'orge ou d'autres productions sur l'ensemble du territoire européen. Hier, le Président de la République s'est rendu dans l'Essonne. Il a annoncé que nous allions réunir le comité de suivi. Je le réunirai dès le 14 avril prochain et nous tirerons toutes les conséquences des conclusions de ce comité qui procédera à l'évaluation des prix dans les grandes cultures jusqu'à la fin de l'année 2010.

Avec Jean-Louis Borloo, nous avons commencé à travailler sur les questions d'environnement, dans le cadre du Grenelle, pour envisager les assouplissements possibles des règles européennes qui peuvent causer aujourd'hui des difficultés aux céréaliers et aux exploitants de grandes cultures.

Cela étant, je me bats depuis plusieurs mois, vous le savez, pour maintenir une régulation européenne sur l'ensemble des filières, notamment celle des grandes cultures.

Enfin, la Guadeloupe rencontre effectivement des difficultés particulières puisqu'elle se trouve en situation de calamité agricole. L'État prendra toutes ses responsabilités en Guadeloupe comme ailleurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Dupont, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Dupont

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. Permettez-moi d'y associer ma collègue Joëlle Ceccaldi-Raynaud.

Tous les jours, treize millions d'élèves se rendent à l'école, globalement sans difficultés. Mais l'école n'est malheureusement plus totalement épargnée par les nouvelles formes de la délinquance, et les établissements scolaires sont parfois le théâtre d'événements très graves : intrusions en bande armée, atteintes à la sécurité, rackets, violences physiques contre les élèves et les professeurs. De telles agressions restent heureusement exceptionnelles, mais il n'est pas question pour autant de les tolérer.

Notre majorité a réagi rapidement et n'a pas attendu les événements de ces derniers mois pour prendre ses responsabilités et lutter contre les phénomènes de violence à l'école. Plusieurs mesures ont ainsi été prises, en étroite collaboration avec le ministre de l'intérieur, M. Brice Hortefeux : adoption de la proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti pour renforcer notre arsenal juridique et mieux lutter contre les bandes violentes qui s'introduisent au sein des établissements scolaires ; mise en place d'un plan de sanctuarisation des établissements scolaires depuis la rentrée 2009. Ce plan, qui apporte une réponse pragmatique et adaptée à chaque établissement, a permis notamment le déploiement des équipes mobiles de sécurité, le renforcement de la formation des équipes de direction et d'encadrement ou encore la mise en place de policiers ou gendarmes référents.

Pour compléter ces différents dispositifs et pour mieux appréhender les problèmes de violence à l'école, vous avez décidé, monsieur le ministre, de mobiliser tous les acteurs en lançant des états généraux de la sécurité à l'école, lesquels se sont ouverts ce matin, à la Sorbonne, pour deux jours. Professionnels de l'éducation, scientifiques, partenaires institutionnels et associations y sont réunis. Pouvez-vous présenter devant la représentation nationale le programme de ces deux journées d'échange et de réflexion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Et donnez-nous le programme du colloque : c'est très important !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, il y a moins de trois mois, la mort du jeune Hakim, ce lycéen du Kremlin-Bicêtre poignardé par un de ses camarades, a bouleversé notre pays. La réponse du Gouvernement face à ce drame ne pouvait être un énième plan pour la sécurité à l'école ou un énième colloque sur le sujet, mais bien une démarche collective et nouvelle…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement

… de l'ensemble des acteurs de la communauté éducative, un travail de fond, mené avec sérénité et hauteur de vue, faisant appel au travail de scientifiques internationaux et associant l'ensemble des acteurs de la communauté éducative.

Tel est l'enjeu des états généraux sur la sécurité à l'école, qui se sont ouverts ce matin et qui permettront de prendre des mesures de court, de moyen et de long terme. Pendant ces deux jours, nous allons parler de toutes les formes de violence et pas uniquement de la violence parfois médiatisée, le soir, au journal télévisé, mais aussi de cette violence silencieuse, quotidienne, parfois sournoise, qui mine la vie de nos enseignants et de nos élèves : cette peur au ventre des enfants, le matin, ou des enseignants, lorsqu'ils doivent venir exercer dans leur établissement. Nous devons aborder tous ces sujets sans aucun tabou. Ce sera l'objet des ateliers de cet après-midi. Nous traiterons ainsi de l'autorité dans la classe, de la prévention, de la formation des enseignants, de la graduation des sanctions. Cessons d'opposer sécurisation et formation, prévention et sanction, protection et responsabilisation. La sécurité de nos enfants vaut mieux qu'un débat idéologique ; elle mérite la mobilisation de l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Ma question porte sur l'organisation des services de santé au travail.

Le travail va mal dans notre pays. Sous la pression des actionnaires, des nouvelles méthodes de management et de la réduction des effectifs, les salariés souffrent. Cette situation ne concerne d'ailleurs pas exclusivement les entreprises privées, mais également la fonction publique, notamment les hôpitaux, dont les salariés subissent la politique dogmatique de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Pour toute réponse, le Gouvernement, qui affirme pourtant depuis deux ans faire de cette question une priorité, se contente de commander des rapports et de suggérer aux grandes entreprises d'engager des négociations sur le stress au travail, sans d'ailleurs aucune sanction pour celles qui s'y refusent.

On connaît l'importance de la médecine du travail pour prévenir et déceler les situations de souffrance. On connaît également les difficultés auxquelles sont confrontés les médecins du travail, difficultés notamment liées au manque de moyens et à leur trop grande dépendance vis-à-vis des employeurs dont ils sont les salariés.

Face à ces problèmes, monsieur le ministre du travail, votre prédécesseur a engagé une réforme dont le contenu, largement dicté par le MEDEF, prévoit de restreindre les missions des médecins du travail et de renforcer leurs liens de dépendance. Les principaux syndicats de salariés, comme les médecins du travail eux-mêmes, se sont très majoritairement exprimés contre ce projet. Envisagez-vous de poursuivre la réforme entamée par votre prédécesseur ou allez-vous engager enfin une véritable concertation sur l'avenir de la médecine du travail, pour former davantage de médecins, élargir leur champ de compétence et assurer leur autonomie vis-à-vis des employeurs ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Madame la députée, je compte évidemment poursuivre la réforme de la médecine du travail entreprise par mon prédécesseur. Je serai très vigilant en ce qui concerne les risques psychiques et physiques que courent les salariés, même si le travail – j'espère que vous en conviendrez avec moi – est d'abord un facteur d'intégration sociale et d'épanouissement. La valeur travail est essentielle dans notre société.

Pour la lutte contre le stress au travail, poursuivant en cela l'action de mon prédécesseur, je vais demander aux entreprises d'engager des négociations en vue de déboucher sur des accords. J'exigerai des entreprises de plus de 1 000 salariés qu'elles fassent figurer dans leur bilan social – nécessaire dès qu'elles emploient plus de 300 salariés – la mention de l'existence ou non de négociations sur le stress au travail.

La médecine du travail – sujet qui m'intéresse tout particulièrement – a, pour moi, beaucoup d'avenir.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Or 70 % des médecins du travail ont plus de cinquante ans, ce qui pose une vraie question, celle du recrutement d'une nouvelle génération.

Quant à ses missions, la médecine du travail ne doit pas se résumer à faire passer des examens, mais doit s'intéresser à toutes les conditions de travail. Dans ce but, les médecins doivent s'entourer d'experts. Il y a peu de temps, alors que je me trouvais dans la Somme, j'ai rencontré des personnes s'occupant de règles du travail, et c'était très intéressant. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Vous étiez d'ailleurs présent, monsieur Gremetz !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Leteurtre

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Nos producteurs de lait sont au bord du gouffre. En 2009, leur revenu a baissé de 54 %. Ils gagnent aujourd'hui 750 euros en moyenne par mois, et certains ne gagnent rien du tout. On estime que près d'un tiers d'entre eux sont en cessation de paiement. La simple vente de la production laitière n'assure plus le quotidien. Ils empruntent pour rembourser leurs dettes et, parfois, doivent même vendre leur capital, qu'il s'agisse de la terre, du matériel ou des troupeaux. Nombre d'agriculteurs sont devenus cette année de nouveaux habitués des Restos du coeur.

Dans cette situation d'angoisse extrême, les suicides sont de plus en plus nombreux. Jamais autant de désespoir n'a atteint le monde paysan.

Un accord a été signé le 30 mars dernier. Il va permettre une revalorisation du prix du lait pour le deuxième trimestre, à une hauteur moyenne de 9 %. C'est une bouffée d'oxygène pour les agriculteurs, puisque certains industriels voulaient remettre en cause le protocole signé le 3 juin 2009, mais cet accord n'a pas résolu pour autant les problèmes du fond, et les négociations doivent reprendre.

Nos producteurs de lait ne veulent qu'une chose : vivre de leur travail et avoir un avenir.

De leur côté, les industriels et les distributeurs doivent jouer la transparence : c'est la condition du respect qu'ils doivent aux producteurs. Ils ne peuvent rester dans une logique qui casse l'outil de production.

Chacun doit aussi s'interroger. Le prix du lait doit-il par exemple être identique sur l'ensemble du territoire ? Les terroirs ne sont pas les mêmes.

À l'heure du désespoir pour les producteurs de lait, le Nouveau Centre vous interroge, monsieur le ministre : quelles initiatives entendez-vous prendre, et selon quel calendrier, pour que producteurs et industriels trouvent un accord qui assure le moyen et le long terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Vous avez raison, monsieur le député : la situation des producteurs de lait suscite le désarroi et la détresse de milliers de producteurs et de leurs familles, chez vous, dans le Calvados, comme dans de nombreuses autres régions, en Bretagne et dans le Sud-Ouest en particulier.

Nous avons parfaitement conscience de cette situation, et nous travaillons sans relâche, avec un seul objectif : garantir un prix et des revenus à tous les producteurs de lait en France dans les mois à venir.

Nous obtenons des résultats depuis plusieurs mois.

Nous avons obtenu de la Commission européenne, qui s'y refusait, qu'elle intervienne pour 300 millions sur le marché, ce qui a permis au prix de remonter en 2010. Il est supérieur de plus de 8 % à ce qu'il était au premier trimestre de l'année 2009.

Lorsque l'interprofession laitière n'est pas arrivée à se mettre d'accord sur un prix du lait pour le deuxième trimestre de l'année 2010, j'ai convoqué l'interprofession dans mon bureau, les producteurs, les coopératives et les industriels, pour leur demander de se mettre d'accord sur un prix plus intéressant pour les producteurs. Au deuxième trimestre de 2010, le prix du lait est supérieur de 10 % à ce qu'il était au deuxième trimestre de 2009. C'est la deuxième augmentation consécutive du prix du lait pour l'année 2010.

Il faut poursuivre sur le même chemin. Il faut faire en sorte que tous les producteurs de lait sachent ce qu'ils vont gagner non pas dans deux jours ou deux semaines, mais sur deux, trois ou cinq ans. C'est l'objectif des contrats qui seront proposés dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, c'est l'objectif du renforcement de l'observatoire des prix et des marges, qui a vocation à renforcer le pouvoir de négociation des producteurs sur les prix, notamment ceux du lait, et c'est l'objectif de la bataille que nous menons avec le Premier ministre et le Président de la République pour la régulation du marché du lait et des marchés agricoles européens en général.

Nous gagnerons cette bataille, comme nous gagnerons celle des prix. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Eckert

Monsieur le ministre du budget, vous étiez hier devant la commission des finances de notre assemblée, et vous avez communiqué les chiffres provisoires des montants perçus par les bénéficiaires du bouclier fiscal (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en 2010 au titre de 2009.

Pour défendre l'indéfendable, vous faites preuve d'une imagination qui atteint le cynisme au regard de la crise sociale qui frappe des millions de salariés.

Vous avez inventé deux notions nouvelles, qui ne résistent à aucune analyse sérieuse.

D'abord, vous vous êtes émerveillé devant les 8 500 foyers fiscaux que vous appelez les bénéficiaires pauvres du bouclier fiscal. Ceux-ci perçoivent en réalité 0,8 % des 585 millions d'euros que coûte votre bouclier, alors que 99 % de cette somme sont versés à ceux qui payent l'ISF. Oui, monsieur le ministre, 99 % du coût du bouclier fiscal vont aux grosses fortunes, qui reçoivent un chèque de 376 000 euros en moyenne.

Votre seconde invention est tout aussi cynique : le Président de la République, son gouvernement et vous tous, chers collègues de l'UMP et du Nouveau Centre, tous complices, vous soutenez le bouclier fiscal pour faire revenir en France les expatriés fiscaux. Échec complet : en 2007, 719 contribuables avaient quitté la France ; en 2008, ils étaient 821. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et vous estimez, sans rougir, que ces gens-là ont besoin de stabilité fiscale pendant au moins un quinquennat pour revenir.

Mes chers collègues de la majorité, vous serez le 20 mai prochain au pied du mur : voterez-vous la proposition de loi du groupe SRC (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP) qui demandera la suppression du bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Franchement, monsieur le député, je ne m'attendais pas à votre question. Cela fait quinze jours que l'on parle du bouclier fiscal…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et ce n'est pas fini !

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

…et j'avais eu la faiblesse d'imaginer pouvoir vous convaincre, y compris hier au sein de la commission des finances. Je le regrette vivement, je ne suis pas parvenu à vous faire entendre raison sur un certain nombre de points. Cela dit, si vous ne retenez pas l'idée de la stabilité fiscale, vous avez déjà bien évolué sur le chemin de la compréhension et de notre dialogue, ce dont témoigne la stabilité de vos questions. Vous ne serez donc pas surpris de la stabilité de ma réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne reviens pas sur les chiffres que je vous ai donnés, mais ils portent sur les années 2008 et 2009. Il est vrai que plus de 50 % des bénéficiaires du bouclier ne paient pas l'ISF. Il est vrai également que l'immense majorité des sommes restituées le sont à des contribuables assujettis à l'ISF, qui, s'ils reçoivent 560 millions, paient près d'un milliard d'impôts.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état

Pour les exilés fiscaux, les chiffres que j'ai donnés portent sur 2008, c'est-à-dire un an après la mise en place du dispositif dans le cadre de l'application de la loi TEPA. C'est dire si nous avons besoin de recul, c'est dire si nous avons besoin d'années pour apprécier l'évolution et établir le solde entre ceux qui partent et ceux qui reviennent. De 2007 à 2008, ceux qui sont partis ont progressé de 15 %, ceux qui sont revenus de 27 %, certes sur un total moindre.

À question stable, réponse stable : stabilité fiscale, vision à l'échelle du quinquennat. Nous aurons l'occasion, je n'en doute pas, d'en reparler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marie Rolland, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Rolland

Monsieur le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, j'ai eu le plaisir de vous accueillir il y a quelques jours dans le département de l'Yonne, pour la clôture du soixante-quatrième congrès du principal syndicat d'exploitants agricoles français.

À cette occasion, vous avez pu constater les difficultés que rencontrent les agriculteurs dans un contexte de crise profonde. Vous avez vu que, dans toutes les campagnes de France, s'installent le doute et le désarroi.

Dans votre intervention, vous avez souligné que la crise agricole nous oblige à inventer ensemble une nouvelle donne agricole, en France comme en Europe. Vous avez dit également que l'alimentation est la chance de notre agriculture : « Elle doit rester la première vocation du travail des agriculteurs. »

Néanmoins, à côté de cette orientation alimentaire bien légitime, il est important, me semble-t-il, d'ouvrir d'autres perspectives. Je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur le développement des filières bio-sourcées, qui non seulement entrent dans la philosophie du Grenelle de l'environnement, car elles nécessitent peu d'intrants, mais sont également créatrices d'emplois.

Dans notre département, le conseil général et la chambre d'agriculture ont déposé un dossier de pôle d'excellence rurale pour la filière chanvre. Cette production permet de remplacer certaines cultures traditionnelles et, en même temps, de créer de l'emploi, notamment dans la filière du bâtiment. Je souhaite connaître votre sentiment sur cette perspective. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Monsieur le député, je vous confirme ce que j'ai dit au congrès de la FNSEA à Auxerre, il y a quelques jours : l'agriculture est et reste l'une des activités stratégiques majeures de la France pour les années à venir…

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

…et nous la défendrons de la même façon.

Les biotechnologies, l'innovation et la recherche sont évidemment l'une des voies d'avenir pour l'agriculture française. Je vous en donne un seul exemple, que nous connaissons bien en Normandie : la filière du lin. Cette filière d'excellence exporte actuellement 85 % de sa production vers la Chine, à des fins de fabrication de textile. Si nous en restons à cette seule activité, il suffira que la Chine décide un jour d'arrêter ses importations, de baisser ses prix ou de trouver d'autres débouchés pour que l'ensemble de la filière du lin en France soit menacée et se retrouve en difficulté.

Nous devons donc impérativement développer de nouveaux débouchés. Dans la filière du lin, il en existe dans les domaines des véhicules électriques, de l'isolation, de la médecine, des fibres de verre pour l'aéronautique, de l'alimentation du bétail, où son usage permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

C'est dans cette direction de l'innovation et de la recherche qu'il faut s'engager si nous voulons offrir de nouveaux débouchés à l'agriculture française et garantir les revenus de tous les paysans français. Entre l'innovation et l'agriculture, il n'y a pas opposition mais bien complémentarité. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a décidé de débloquer 1,3 milliard d'euros du grand emprunt pour l'innovation et la recherche dans l'agriculture. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Aujourd'hui, la France reçoit dans le cadre d'une visite officielle M. Erdogan, Premier ministre turc. Le groupe Nouveau Centre ne peut que se réjouir d'une telle visite et celle-ci doit être l'occasion de renouveler le dialogue entre nos deux pays dans la clarté, notamment à propos de l'Europe, sujet sur lequel nos positions sont divergentes, comme le Président de la République Nicolas Sarkozy l'a toujours déclaré.

Certes, la Turquie manifeste sa volonté d'adhérer à l'Union européenne, mais concrètement cette adhésion n'est envisageable ni à court ni à moyen terme.

La Turquie est un grand pays, elle a une histoire, des intérêts régionaux qui lui sont propres ; le déroulement des négociations le montre, comme les actuelles déclarations bienveillantes des dirigeants turcs à propos de l'Iran. Dès lors, l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne est impossible, car elle serait synonyme de renoncements excessifs de part et d'autre. Nous avons une approche différente de l'Europe et des enjeux politiques au Moyen-Orient, entre autres.

Nous considérons qu'il est temps de reprendre ce dossier sur la base d'un partenariat privilégié, et qu'il nous faut imaginer une autre architecture de l'organisation de cette région du monde. Dans ce cadre, quel contenu pourrait être donné à une telle coopération renforcée ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, la Turquie est un grand pays émergent, ami de la France depuis cinq siècles,…

Debut de section - PermalienPierre Lellouche, secrétaire d'état chargé des affaires européennes

…et M. Erdogan et sa délégation sont les bienvenus en France pour clôturer la Saison de la Turquie et ses 600 événements, qui ont eu un grand succès depuis six mois.

Les relations entre la Turquie et la France reposent sur les trois piliers suivants.

Premier pilier : nous sommes d'accord pour être en désaccord. La Turquie a son projet : l'intégration dans l'Europe des vingt-sept. La France a une autre vision, celle d'une grande Europe de prospérité et de sécurité, dans laquelle l'Europe des vingt-sept serait partenaire de la Russie, de l'Ukraine, de la Turquie.

Deuxième pilier : nous sommes d'accord des deux côtés pour poursuivre la négociation, parce qu'il est de l'intérêt de tous d'avoir une Turquie démocratique et prospère. Simplement, la France réserve cinq chapitres sur trente-cinq, parce qu'ils préjugent de l'adhésion.

Troisième pilier : pendant ce temps, la France et la Turquie ont beaucoup de chemin à faire ensemble. Sur le plan stratégique et politique, nous travaillons ensemble au Moyen-Orient, en Afghanistan, et nous devons travailler ensemble, pour l'énergie, sur l'Iran, au G20 de l'année prochaine. Nous devons également travailler ensemble sur l'économie parce que nos économies sont complémentaires. Nous sommes déjà le deuxième investisseur en Turquie ; plus de 300 de nos entreprises y travaillent.

Mesdames et messieurs les députés, cinq siècles plus tard, malgré des visions communes, la Turquie et la France doivent travailler ensemble pour le bien commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. André Vézinhet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vézinhet

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Hier, au siège de l'Assemblée des départements de France, autour de son président Claudy Lebreton, sept de nos collègues, de gauche comme de droite, ont été l'expression d'une authentique révolte et du cri que lance l'ensemble des collectivités départementales. Les régions, elles aussi, dès les récentes élections, n'avaient pas manqué d'exprimer ici même une semblable inquiétude. Un de nos collègues, Claude Bartolone, président de la Seine-Saint-Denis, s'est engagé dans un bras de fer avec l'État en annonçant qu'il présenterait demain à son assemblée un budget en déséquilibre. Chacun sait ici les risques qu'il encourt. Mais il s'agit de mettre en évidence le non-respect des engagements de l'État à compenser à l'euro près le financement des compétences que celui-ci nous a transférées depuis 2004. Pour le seul département de l'Hérault, que je préside, ce sont 241 millions d'euros qui font défaut. La situation financière des départements est devenue dramatique pour beaucoup ; elle le sera demain pour tous si rien ne change !

Dans le cadre de la clause de compétence générale, dont le Président de la République annonce qu'il entend la supprimer, c'est tout le monde de la culture, du sport, des loisirs, c'est notre engagement à soutenir le développement durable qui sont visés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Vézinhet

Ce sont nos communes rurales qui vont supporter de plein fouet le poids des réformes liées aux lois territoriales, incapables que nous serons de les accompagner. Mes collèguesÉlisabeth Guigou etLaurent Fabius, entre autres, ont déjà dénoncé ces menaces ; pressentant les difficultés d'aujourd'hui, je l'avais fait moi-même.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous vous décider à retirer les projets de loi qui mettent en grand péril non seulement les collectivités territoriales mais, en un mot, la démocratie locale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Monsieur André Vézinhet, chacun sait que les difficultés financières d'un certain nombre de nos départements s'expliquent essentiellement par deux facteurs : le fort dynamisme des dépenses sociales – celles de l'APA ont ainsi augmenté en moyenne de 6 % dans l'année – et la crise, qui a entraîné une chute très importante des droits de mutation – les DMTO –, en baisse de 26 % en 2009.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Face à cette situation, le Gouvernement n'est évidemment pas resté inactif.

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Tout d'abord, il a décidé de reconduire en 2009 et en 2010 le FMDI – le Fonds de mobilisation départemental pour l'insertion –, qui avait été créé en 2006 pour trois ans seulement et dont le montant annuel atteint 500 millions d'euros.

Ensuite, l'État a mis en place l'année dernière un mécanisme de remboursement anticipé du Fonds de compensation de la TVA : quatre-vingt-dix départements sur cent ont signé une convention avec l'État. Pour ce dernier, cela a représenté en 2009 un effort financier supplémentaire de 3,8 milliards d'euros, dont près de 30 % au bénéfice des départements.

Enfin, le Premier ministre a récemment adressé une lettre de mission à un haut fonctionnaire territorial,…

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

…M. Pierre Jamet, directeur général du département du Rhône, pour analyser la situation des finances des départements fragilisés. Celui-ci rendra son rapport dans quelques jours, très précisément le 15 avril, ce qui amènera un certain nombre de prises de décision.

Je rappelle aussi que l'État est désormais tenu de compenser intégralement les transferts de compétences. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Quand le Gouvernement va-t-il payer ses dettes ?

Debut de section - PermalienAlain Marleix, secrétaire d'état à l'intérieur et aux collectivités territoriales

Ce n'était malheureusement pas le cas en 2001 à l'époque du gouvernement Jospin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Votre temps de parole est écoulé, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Madame la ministre de la santé, je tiens d'abord à vous remercier pour votre présence hier, à Montpellier, aux côtés de la communauté médicale. Mon collègueÉlie Aboud et moi-même avons été très sensibles au fait que vous soyez venue aux obsèques de l'anesthésiste décédé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ma question concerne les personnels paramédicaux et la revalorisation de la profession d'infirmière au travers du texte sur la modernisation du dialogue social que l'Assemblée va discuter.

En France, nous avons en du retard dans la revalorisation du métier d'infirmière. Dans la plupart des pays d'Europe, des diplômes universitaires sont exigés pour pouvoir l'exercer, ce qui n'est pas le cas en France. Comme l'avait souhaité le Président de la République, le Gouvernement s'est engagé à ce que les métiers paramédicaux soient revalorisés. Qu'en est-il exactement, madame la ministre ?

Une infirmière aujourd'hui est un personnel de catégorie B. La revalorisation consiste à la faire passer en catégorie A. Cela se traduit par plusieurs éléments : tout d'abord, une revalorisation financière à hauteur d'un mois de salaire supplémentaire et la reconnaissance d'un diplôme de licence, avec en contrepartie, vous l'avez évoqué, un départ à la retraite à soixante ans. (« Et la prise en compte de la pénibilité ? » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) L'élément important de cette réforme pour les personnels qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux français, soit plus de 200 000 personnes, c'est que le Gouvernement a ouvert un droit à option pour qu'ils aient le choix entre rester dans le statut actuel ou bénéficier de la revalorisation. La situation ainsi créée est exceptionnelle. On voit que, sur les bancs de cette assemblée, la polémique est ouverte.

Madame la ministre, dites-nous exactement ce qu'il en est pour que les Français comprenne le bien-fondé de la réforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Jacques Domergue, en préambule à mon propos, j'ai une pensée pour le docteur Cyrille Canetti, actuellement retenu en otage à la prison de la Santé. Il est de l'hôpital Sainte-Anne, et dirige le service médico-psychologique de la Santé. Mme la ministre d'État, ministre de la justice, a créé une cellule interministérielle de crise à laquelle je m'associe. Nous pouvons tous ensemble nous associer à l'émotion de l'équipe médicale de cet établissement pénitentiaire.

La réforme de la profession d'infirmier et d'infirmière était une promesse du Président de la République. Il s'agissait de placer leur diplôme au niveau licence pour en faire un vrai diplôme universitaire.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Avec ma collègue Valérie Pécresse et l'ensemble des organisations syndicales, nous avons mené cette réforme. Promesse tenue. Les infirmiers et les infirmières entrés dans les instituts de formation en 2009 en sortiront en 2012 avec un diplôme au niveau licence. Cela leur permettra une véritable évolution de carrière, avec la possibilité d'aller vers de nouveaux métiers, de valoriser leur parcours professionnel, de s'orienter en particulier vers la recherche en soins infirmiers, domaine particulièrement important.

Vous avez insisté sur les revalorisations salariales. C'est en effet important pour une infirmière généraliste en fin de carrière d'avoir 3 800 euros de plus par an et ce sera 5 000 euros de plus pour un cadre infirmier. Vous le voyez, il s'agit d'augmentations très substantielles. Évidemment, la contrepartie de la catégorie A, c'est qu'on part à la retraite à soixante ans, comme tous les membres de cette catégorie, et c'est tout à fait normal.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Nous aurions pu décider que les infirmiers et les infirmières déjà en poste ne bénéficieraient pas de ces mesures. Après tout, ces personnels n'ont pas le diplôme universitaire requis. Mais nous avons décidé de leur ouvrir le droit à option : ils pourront choisir ce qu'ils veulent, rester en catégorie B ou entrer en catégorie A. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Monsieur le Premier ministre, dans quelques minutes nous allons débattre d'un texte au titre prometteur : rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

Il comporte de belles intentions, si belles que la quasi-totalité des organisations syndicales l'a signé en juin 2008 !

Jusque-là tout allait bien, mais vous avez gâché l'ambiance en introduisant dans la plus grande précipitation – j'allais dire en cachette – une lettre rectificative portant sur le statut des infirmières.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Au détour d'un texte plutôt consensuel, vous apportez du conflit, en passant en force sur le recul de l'âge de la retraite des infirmières, en contrepartie d'un accès à la catégorie A.

Voilà l'exemple type d'un énième diktat du Gouvernement sur un sujet qui méritait un meilleur traitement. Vous ajoutez ce funeste article 30 contre l'avis des partenaires sociaux. Vous l'imposez à quelques mois d'un rendez-vous majeur sur les retraites. Surtout, vous écartez le légitime débat sur la pénibilité que tout le monde reconnaît à ce métier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce sont des méthodes insupportables, alors même que le Président de la République, le 25 janvier 2010 sur TF1, répondait à la question d'une infirmière en disant : « La pénibilité est un sujet extrêmement complexe. On en reparlera avec les organisations syndicales. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Votre manière de procéder aujourd'hui est bien peu respectueuse du dialogue social, à la limite du mépris.

À quelques mois d'un débat essentiel sur les retraites, vous instillez vous-même une défiance qu'il sera bien difficile de faire oublier.

Monsieur le Premier ministre, par respect pour le dialogue social que vous voulez réactiver, faites retraite ! Retirez ce mauvais article 30 et reprenez des négociations sérieuses avec les infirmiers et infirmières de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur Issindou, la réforme du statut des infirmiers et infirmières a donné lieu à près de trois ans de négociations, menées depuis 2007 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et a été l'objet d'un dialogue social extrêmement approfondi.

Nous avons voulu faire profiter immédiatement les infirmiers et infirmières des revalorisations salariales qui leur étaient proposées.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Cela va permettre, après la période d'option de six mois, dès le mois de décembre,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

…aux infirmiers et aux infirmières de toucher les substantielles augmentations de salaire dont je viens de préciser les montants à M. Jacques Domergue. Croyez-moi, les infirmiers et infirmières apprécieront que ces augmentations de salaires leur soient données immédiatement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quant au débat sur la pénibilité, je crains qu'il ne tourne court dans ce domaine. Puis-je rappeler certains chiffres ? L'espérance de vie des infirmiers et infirmières à 55 ans est de 31,6 ans, exactement comme celle de la moyenne des femmes françaises.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Puis-je rappeler que la file active des retraités invalides est de 17 % pour les infirmiers et infirmières, alors qu'elle représente 27 % des effectifs de la fonction publique hospitalière ?

Puis-je rappeler que le taux de ceux qui partent à la retraite avec une invalidité est de 6,7 % dans la totalité de la fonction publique hospitalière et de 4,7 % pour les infirmières ?

Puis-je rappeler que la gravité de l'invalidité ne cesse de baisser pour les infirmières ? De 56 % il y a quinze ans, le taux est passé à 41 % en 2008.

Voilà les chiffres, mesdames et messieurs les députés. Ils vous gênent peut-être, mais ce sont les chiffres de la vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Léonard

Ma question s'adresse à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.

Monsieur le Ministre d'État, la tempête Xynthia s'apprête à frapper une seconde fois. Depuis deux semaines, les communes de Charente-Maritime et de Vendée victimes de la tempête vivent dans l'attente du classement en jaune ou en rouge de leur littoral.

Nous sommes entièrement d'accord avec le Président de la République pour que la priorité soit donnée à la sécurité des habitants. Cependant, la méthode utilisée et son calendrier suscitent de nombreuses interrogations.

La loi Barnier précise que la relocalisation des habitants doit être la dernière solution utilisée. Elle ne doit l'être que lorsque la protection s'avère impossible ou qu'elle engendre un coût très supérieur à cette relocalisation.

Dans leur démarche, les services de l'État n'ont pas évalué ces protections possibles et il apparaît que le classement en zone rouge entraînera de facto l'expulsion de plusieurs milliers d'habitants et la destruction de leurs maisons.

Vouloir traiter de la même manière et dans un temps aussi court des cas aussi différents que La Faute-sur-Mer, Charron, Nieul-sur-Mer, Aytré, Les Boucholeurs, Fouras ou Port-des-Barques peut conduire à des erreurs d'appréciation lourdes de conséquences.

Détruire un lotissement neuf construit en zone submersible ou raser la partie ancienne d'un village de pêcheurs victime du manque d'entretien d'une digue demande une approche bien différente.

Détruire d'anciennes villas au prétexte qu'elles sont sur une presqu'île exposée alors qu'elles n'ont pas eu plus de 50 centimètres d'eau au rez-de-chaussée n'est pas plus raisonnable.

Monsieur le ministre d'État, on risque de créer des drames aux conséquences humaines bien plus graves que celles de la tempête.

Sans nier vos et nos responsabilités pour le futur, pouvez-vous nous assurer que des études complémentaires seront menées, permettant d'évaluer les risques réels et les solutions de protection de ces zones rouges pour chacune des communes où un doute subsiste, avant de décider de raser leurs habitations ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Debut de section - PermalienJean-Louis Borloo, ministre d'état, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat

Monsieur Jean-Louis Léonard, les habitants de Vendée et de Charente-Maritime souffrent d'un manque d'information.

Au bout de cinq semaines, ils ont besoin de connaître réellement les risques qu'ils encourent et le sort qui leur sera réservé ainsi qu'à leur patrimoine et à leurs biens.

La position de principe du Gouvernement est nette : nous ne prendrons aucun risque vital pour les populations. C'est parfaitement clair.

Un travail de cartographie a été fait en cinq semaines sur 16 communes de Charente-Maritime et 4 communes de Vendée, soit 20 communes au total. Il s'agit de désigner les zones jaunes – celles où la protection peut être améliorée et où il n'y a pas de risque vital pour les populations – et les zones noires, où ce risque vital existe.

Nous nous sommes rencontrés ; vous êtes venu au ministère avec l'ensemble des parlementaires concernés ce matin. Un accord existe pour l'ensemble des communes à l'exception de quatre d'entre elles. Bien entendu, nous allons réexaminer ces quatre cas.

Pour le reste, nous mettons en place une procédure exceptionnelle. À partir de la publication de la carte, tout habitant d'une commune où un accord a été trouvé en zone noire va pouvoir faire acquérir immédiatement, à l'amiable, par l'État ou un organisme public, le bien à la valeur des domaines d'avant les incidents, sans tenir compte du risque, qui était inconnu à l'époque.

Voilà pour ce qui concerne la procédure amiable. Un texte de loi nous permettra de le faire, au mois de mai, dans le cadre de Grenelle 2.

Dans tous les cas de figure, c'est douloureux, difficile. Mais c'est le prix de la sécurité et du dédommagement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Monsieur le Premier ministre, depuis 2008, les agriculteurs ont perdu en moyenne plus de 50 % de leurs revenus. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Au-delà des chiffres, dans certains secteurs comme la production laitière, les perspectives sont catastrophiques. Marion Guillou, directrice de l'INRA, a récemment averti qu'avec la fin des quotas, seules 40 000 à 50 000 exploitations survivront. C'est l'annonce de la disparition, en France, d'une exploitation laitière sur deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Germinal Peiro

Le marasme est tel que 13 % des agriculteurs envisagent d'arrêter leur activité dans les douze mois à venir. Plus de 50 000 exploitations peuvent disparaître, et avec elles 200 000 emplois.

Hier, le président Sarkozy a montré son incompréhension du sujet. Il n'a proposé aux céréaliers que de se diversifier en cultivant des arbres fruitiers. Même Le Figaro parle de professionnels médusés par tant de légèreté. En vérité, le Président de la République n'a rien dit, car il n'a strictement rien à dire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Le plan d'urgence que vous avez vanté hier n'est qu'un nouveau plan d'endettement pour des agriculteurs déjà surendettés. La future loi de modernisation agricole est le signe de votre volonté politique : libéralisation et dérégulation. Vous laissez la régulation aux acteurs privés et désengagez l'État. À aucun moment vous ne défendez l'harmonisation sociale et fiscale européenne pour résoudre les problèmes de distorsion de concurrence ; à aucun moment vous ne défendez l'obligation de relocaliser les productions agricoles ; à aucun moment vous ne défendez le développement des agricultures de terroir qui font la richesse et la renommée de la France.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. Pourquoi le Président de la République n'a-t-il rien à dire aux agriculteurs au sujet de leur avenir ? Pourquoi laisse-t-il l'agriculture française dans un tel état d'abandon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Je crains, monsieur Peiro, que l'esprit partisan ne l'ait emporté sur votre profonde connaissance des dossiers agricoles, et tout simplement sur la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La vérité est que le Président de la République et le Premier ministre ont débloqué 1,8 milliard d'euros pour réinjecter de la trésorerie dans les fermes françaises, dont 650 millions de soutien budgétaire direct (« Des prêts ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) ; la vérité est que nous avons mis sur la table un projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, qui porte remède à votre gestion de plusieurs années, au cours desquelles vous n'avez pas été capables de moderniser l'agriculture française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quelle alternative le parti socialiste a-t-il à proposer au contrat agricole, au renforcement de l'observatoire des prix et des marges, au renforcement des dispositifs assurantiels ? (« Rien ! Zéro ! » sur les bancs du groupe UMP. – « Huit ans que vous êtes au pouvoir ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienBruno le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Que propose le parti socialiste pour éviter la perte, dans notre pays, de 200 hectares de terres agricoles par jour ? Rien. (Mêmes mouvements.) Le parti socialiste vit dans l'idée, dépassée, d'une agriculture nationale ; ce n'est pas notre conception de l'agriculture française. La vérité, monsieur Peiro, est que, en 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a demandé le maintien des quotas à Bruxelles et qu'il a été battu (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) ; la vérité est que, en 2009, nous avons demandé la régulation européenne des marchés agricoles, et que nous avons gagné, puisque le commissaire européen Dacian Cioloş proposera un projet de loi de loi européen sur ce sujet. Bref, là où vous avez perdu, nous avons gagné (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR) ; là où vous avez défendu une organisation agricole dépassée, nous défendons une agriculture moderne. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP, dont plusieurs députés se lèvent. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ma question s'adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

L'emploi est et demeure la première préoccupation de nos concitoyens sur le terrain. Vous l'avez d'ailleurs plusieurs fois rappelé, monsieur le secrétaire d'État, la crise ne sera derrière nous que lorsque nous serons parvenus à faire baisser durablement les chiffres du chômage ; je pense en particulier à la question de l'emploi des jeunes, qui, dans notre pays, est un problème largement structurel. Hier encore, vous mobilisiez tous les acteurs pour l'intégration et la professionnalisation des jeunes en entreprise.

Chacun le reconnaît, le Gouvernement s'est mobilisé sur le front de l'emploi, au côté des partenaires sociaux, avec un double objectif : d'une part, tout faire, bien sûr, pour éviter les licenciements, en s'appuyant notamment sur l'activité partielle, qui a bénéficié en 2009 à 400 000 salariés ; d'autre part, aider les salariés qui ont perdu leur travail à rebondir, avec l'extension à quarante bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle.

Mais pour que les salariés puissent rebondir, encore faut-il que les entreprises se remettent à créer de l'emploi, en particulier les entreprises de moins de dix salariés, lesquelles, avec 3 millions d'embauches par an, constituent le premier moteur de l'emploi dans nos villes et nos villages.

Dans le cadre du budget, 410 millions d'euros sont destinés au soutien à l'embauche dans ces très petites entreprises, grâce à une réduction du coût du travail en faveur des emplois les moins qualifiés et les plus fragiles. Cette aide est très utile sur le terrain pour les petites entreprises, dont la rentabilité est souvent fragile. Elle a été prorogée jusqu'au 30 juin 2010. Vous en connaissez, monsieur le secrétaire d'État, l'impact et les évaluations ; pourriez-vous donc nous indiquer si sa prolongation est envisagée au-delà de cette date ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Vous l'avez rappelé, monsieur Perrut, en matière d'emploi, nous avons essayé, avec les partenaires sociaux, d'utiliser tous les leviers possibles en cette période de crise.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

L'actualité médiatique est trop souvent occupée par les grands groupes du CAC 40 ; mais les parlementaires de terrain que vous êtes le savent : la réalité du marché de l'emploi, ce sont les petites entreprises, et notamment les toutes petites entreprises, qui la font.

C'est pour cette raison que Christine Lagarde et moi avons souhaité, pour elles, un dispositif simple et efficace : le dispositif dit zéro charge. Il est simple car il englobe tous les contrats d'embauche, sans paperasse inutile ni règle de droit du travail trop compliquée ; il est efficace est lisible, dans la mesure où toute entreprise qui embauche est aidée via un allégement de toutes les charges au niveau du SMIC.

Au bout d'un an de fonctionnement, ce dispositif a permis 1 million d'embauches dans les entreprises de moins de dix salariés. La question de sa prolongation se pose donc clairement ; elle sera abordée par le Président de la République et le Premier ministre avec les partenaires sociaux lors du sommet de l'emploi. En tout état de cause, en ces temps de crise et dans une situation de l'emploi particulièrement difficile, ce dispositif a été très utile. Il montre aussi que, dans de telles périodes, les allégements de charges, dont un récent rapport de l'inspection générale des finances a encore souligné l'utilité, sont très précieux pour l'emploi, notamment dans le secteur industriel et pour les emplois faiblement qualifiés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

La crise a aujourd'hui des effets terribles sur l'emploi, mais elle n'est pas seule responsable. Les comportements de certaines entreprises sont susceptibles d'aggraver la situation. J'illustrerai mon propos par deux exemples vécus à Brive, dans ma circonscription.

Premier exemple : le groupe américain Kohler, propriétaire de Jacob Delafon, annonce brutalement la fermeture de son usine briviste, mettant au chômage d'ici à trois mois les 160 salariés du site. Le groupe Kohler a préparé de longue date et mis en oeuvre une délocalisation de sa production dans des pays à bas coût de main-d'oeuvre où il vient d'inaugurer une unité de production. Cette délocalisation n'est en rien liée à la crise. Elle se situe dans une stratégie de rachat d'une marque prestigieuse, de son utilisation commerciale et de la délocalisation de ses productions. Le fait lui-même mais aussi la brutalité de la méthode sont choquants.

Deuxième exemple : le groupe Deshors industrie, qui est l'un des premiers sous-traitants aéronautiques de notre pays, a pour premier donneur d'ordres SNECMA. La crise a provoqué une diminution d'activité. La direction a élaboré un plan de formation très ambitieux ; l'État, les collectivités et l'UIMM ont accepté de cofinancer ce plan afin de passer cette période difficile. Il y a quelques semaines, SNECMA, filiale de SAFRAN, dont l'État est actionnaire à plus de 30 %, annonce des annulations de commandes supplémentaires suite à la délocalisation d'une partie de ses productions vers des pays à bas coûts. Par conséquent, il est probable que des licenciements vont être annoncés à Deshors industrie.

Cette situation est inacceptable, choquante. Que fait l'État actionnaire ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nauche

Madame la ministre, quelles actions allez-vous mettre en oeuvre pour la réindustrialisation de notre pays, qui doit d'abord passer par la préservation de l'activité industrielle existante ? Parler de politique industrielle, c'est bien, mais quand passerez-vous de la parole aux actes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le député, vous évoquez deux problèmes concrets sur lesquels je vais m'appuyer pour vous montrer que nous mettons bel et bien en place une politique industrielle dans les faits, et pas seulement dans les discours.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Vous avez d'abord évoqué l'entreprise Jacob Delafon, du secteur des sanitaires, qui appartient au groupe américain Kohler. C'est l'exemple type d'une délocalisation subie. Que faire face à une telle situation ? Dans ce cas particulier, il faut exiger, d'une part, le paiement par l'entreprise de l'obligation de revitalisation du territoire, qui varie entre 2 et 4 SMIC par emploi supprimé ; d'autre part, un plan de sauvegarde de l'emploi musclé, sérieux, solide et prévoyant des reclassements.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous souhaitons aussi participer à la réindustrialisation : certains villages de ces territoires sont éligibles à la prime d'aménagement du territoire. Nous encouragerons leur revitalisation par tous les moyens.

Le groupe Deshors, que vous avez également mentionné, est lui aussi en difficulté. En l'occurrence, le problème est celui de la dépendance de la sous-traitance vis-à-vis d'un donneur d'ordres principal : près des deux tiers du chiffre d'affaires de l'entreprise dépendent des commandes de SAFRAN. En qualité d'actionnaire, l'État sera extrêmement attentif à la façon dont SAFRAN, filiale de SNECMA, va organiser ses commandes : aucune ne doit être annulée pour des motifs qui ne seraient pas parfaitement justifiés, compte tenu des efforts de formation engagés par l'entreprise.

Avec Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie, nous avons désigné hier Jean-Claude Volot médiateur de la sous-traitance : sa tâche principale sera précisément de mettre en place des filières complètes, car il n'est pas acceptable que les sous-traitants soient la variable d'ajustement des grands donneurs d'ordres. Nous serons extrêmement attentifs dans ces deux cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.

Madame la ministre, chaque année, 50 000 à 60 000 de nos concitoyens sont victimes d'accidents cardiaques violents entraînant la mort. Dans notre pays, le taux de survie à ces accidents est de 3 %. Dans certains États, dans certaines villes, à l'étranger, c'est un tiers de la population concernée qui peut traverser cette épreuve sans séquelles. Quelle que soit la qualité des services hospitaliers de cardiologie, quelle que soit la rapidité des services d'urgence, tout se joue en fait dans les premières minutes. Le taux de survie diminue de 10 % par minute perdue.

Dans ces conditions, deux politiques paraissent indispensables. Le Gouvernement a commencé de mettre en oeuvre la première, en favorisant l'installation de défibrillateurs un peu partout sur le territoire. La seconde est l'apprentissage des gestes de premier secours.

D'après des sondages effectués par la Fédération française de cardiologie, deux tiers de la population française sont prêts à suivre ces formations. Des associations bénévoles engagent, sur le terrain, un travail exemplaire pour développer cet apprentissage. Malheureusement, il n'est pas suffisant : les statistiques parlent d'elles-mêmes.

Ma question est donc très simple. Puisque ce risque équivaut très largement, du point de vue médical, à une lourde épidémie, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour favoriser et généraliser l'apprentissage des gestes de premier secours, au travers des réseaux scolaires, de la formation dans les entreprises, en s'appuyant sur les réseaux associatifs et sur les réseaux médicaux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le député, les chiffres que vous venez de rappeler le prouvent, on pourrait sauver entre 2 000 et 3 500 vies chaque année grâce à une intervention précoce en cas de fibrillation ventriculaire. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé une politique massive d'installation de défibrillateurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

En Ardèche, c'est déjà fait ! Ce sont les communes qui ont payé !

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

…d'abord dans les services publics de l'État, ensuite en apportant une subvention de 40 % à toutes les associations sportives qui souhaitent s'équiper de défibrillateurs. En effet, un certain nombre d'accidents de fibrillation surviennent lors des activités sportives.

Les collectivités territoriales se sont également mobilisées pour équiper leurs services en défibrillateurs et je les en remercie. La SNCF en installe dans les gares dans les rames TGV. Le Centre national des monuments historiques, certains centres commerciaux s'en sont dotés. On constate une véritable mobilisation autour des défibrillateurs.

Il faut aller plus loin, au travers de la formation à l'usage du défibrillateur, mais aussi rappeler les trois étapes indispensables : avertir les services de secours, faire du massage cardiaque, faire de la défibrillation automatique. C'est pourquoi j'ai créé, le 6 novembre dernier, un module de formation courte, de moins d'une heure, qui est à la disposition de tous ceux et de toutes celles qui sont intéressés, de toutes les structures qui veulent faire de l'information et de la formation.

Des formations sont également dispensées dans les établissements scolaires : écoles, collèges, lycées. Une campagne d'information a été lancée par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé.

Enfin, je vais publier un arrêté rendant obligatoire la déclaration des défibrillateurs. Cela permettra aux agences régionales de santé d'établir une cartographie. Nous expérimenterons alors un système de géolocalisation. Vous avez raison, la formation et l'information sauveront plusieurs milliers de vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Défibrillateurs et gestes de premier secours

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique (nos 1577, 2329, 2389, 2346).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d'appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d'un temps attribué aux groupes de 15 heures.

Les groupes disposent des temps de parole suivants : pour le groupe UMP, 3 heures 50 ; pour le groupe SRC, 5 heures 40 ; pour le groupe GDR, 3 heures 20 ; pour le groupe du Nouveau Centre, 2 heures 10. Les députés non inscrits disposent d'un temps de 30 minutes.

En conséquence, chacune des interventions des députés, en dehors de celles du rapporteur et du président de la commission saisie au fond, sera décomptée sur le temps du groupe de l'orateur.

Les temps qui figurent sur la feuille jaune ne sont, en tout état de cause, qu'indicatifs.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que nous allons examiner ensemble est décisif pour l'avenir de notre service public. Il ne s'agit pas seulement de rénover le dialogue social dans la fonction publique et de rendre par là celle-ci plus moderne, plus performante et plus innovante ; il s'agit aussi de poursuivre la politique engagée par le Président de la République et mise en oeuvre par le Gouvernement depuis 2007, je veux parler de la modernisation de notre pays.

Si nous voulons relever les défis qui nous attendent, renouer avec la croissance et la compétitivité tout en restant fidèles aux principes fondamentaux de notre modèle social, nous devons pouvoir compter sur l'efficacité de notre administration, sur la qualité de notre service public et sur la réactivité de ses agents au service de l'intérêt général, autant d'enjeux qui nécessitent que le dialogue social dans la fonction publique soit profondément rénové, comme nous l'avons fait en 2008 pour le secteur privé.

Le texte que nous avons l'honneur de vous présenter est profondément novateur dans sa méthode. Tout d'abord, dans son titre Ier, il transpose au niveau législatif un protocole d'accord signé le 2 juin 2008 par le Gouvernement, alors représenté par André Santini et moi-même, et six des huit organisations syndicales de la fonction publique, événement assez rare pour qu'on le souligne.

Je regrette toutefois dès à présent que l'opposition ait choisi de saluer cette volonté d'avancer ensemble par une manoeuvre d'obstruction parlementaire en déposant sur ce texte près de 5 300 amendements, tous des plus intéressants. Nous aurons l'occasion d'apprécier au cours des débats leur très grande qualité.

Venons-en à notre sujet : la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Permettez-moi de rappeler brièvement les grands principes qui structurent ce projet de loi.

Tout d'abord, nous voulons donner au dialogue social toutes les conditions de son efficacité. Du dialogue social dans la fonction publique, on ne retient souvent, en réalité, que les blocages : un peu plus de 940 000 journées perdues en grèves dans les ministères en 2009 ; 1,15 million en 2008 ; 610 000 en 2007 ; 950 000 en 2006. Même sous le gouvernement de Lionel Jospin, période durant laquelle on créait de l'emploi public avec dynamisme,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…les chiffres étaient similaires : 925 000 journées de grève en 2001 ; environ 1,46 million en 2000. Au fond, ce faste n'était salué par personne.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cette constance ne peut évidemment nous satisfaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a voulu rechercher les racines profondes de cette propension à privilégier les conflits, souvent stériles, au détriment d'un dialogue constructif, le conflit n'étant pas un mode de négociation moderne.

Nous avons dressé un constat sans appel : l'organisation même du dialogue social dans la fonction publique concentre les critiques non seulement des employeurs mais aussi des représentants des personnels, les critiques, donc, de tout le monde.

Jusqu'à présent, les instances supérieures de la fonction publique de l'État et celles qui traitaient de la vie des services ou des conditions d'hygiène et de sécurité des agents n'étaient pas élues. Elles étaient composées de façon indirecte, par désignation des représentants par les organisations syndicales à partir des résultats aux élections aux commissions administratives paritaires, les CAP, qui examinent, elles, les décisions individuelles.

Ce système, évidemment, n'est absolument pas satisfaisant. Personne ne le considérait d'ailleurs comme tel. Si les CAP ont, bien sûr, leur légitimité, les agents n'ont cependant pas toujours les mêmes attentes, selon qu'il s'agit de leur situation individuelle ou des enjeux collectifs de leur service.

Par ailleurs, dans ce système, les agents contractuels n'étaient pas du tout consultés, ce qui est un défaut absolument majeur, me semble-t-il, pour des instances qui ont vocation à débattre de la vie et de l'organisation interne des services. Il est curieux d'oublier, dans ces conditions, les agents contractuels.

Nous avons décidé de remédier à cette situation. Les dispositions de ce projet de loi permettront à tous les agents, contractuels comme fonctionnaires, de choisir désormais directement des représentants qui portent pleinement leurs attentes, des représentants légitimes aux yeux, à la fois, des employeurs et des agents.

Jusqu'à présent aussi, ce dialogue social restait marqué par le formalisme, source de confrontation plus que de discussion entre employeurs et représentants des agents. Les syndicats se plaignaient de ne pas voir leur avis suffisamment pris en compte ; l'administration contestait, quant à elle, des stratégies dilatoires ou de surenchère, conduisant inéluctablement, comme je l'ai dit tout à l'heure, à des arrêts de travail.

Il est temps, comme nous y invite désormais ce projet de loi,…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…d'assumer autrement nos responsabilités d'agent ou d'employeur, selon le côté de la table où l'on se trouve. Nous allons moderniser ce régime qui n'est clairement plus adapté aux enjeux actuels du dialogue social dans une administration qui se réforme en profondeur.

Le Gouvernement n'a pas attendu pour agir ; il ne s'est pas non plus précipité. Nous avons pris le temps d'organiser, dès octobre 2007, une conférence sociale avec les partenaires sociaux, pour modifier en profondeur le cadre du dialogue social dans la fonction publique, pour changer les pratiques, pour promouvoir une véritable culture de négociation. Je rends d'ailleurs, à cet égard, un hommage particulier à André Santini qui, alors secrétaire d'État, a été, avec moi et à mes côtés, l'artisan de ces accords.

Nous avons conduit une réforme similaire dans le secteur privé avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi présente un certain parallélisme, mais aussi quelques spécificités très fortes.

Dans cette négociation, le Gouvernement a su faire des compromis – conditions indispensables à la négociation – pour aboutir à des solutions réalistes. Il a entendu, par exemple, les inquiétudes des syndicats sur la très importante question des compétences des CAP, qu'il a accepté de séparer de la négociation.

Comme je vous le disais d'emblée, ce projet de loi est donc la traduction, au niveau législatif, des accords de Bercy du 2 juin 2008, qui marquent l'aboutissement de cette intense phase de négociation de près de neuf mois à laquelle les organisations syndicales ont pris toute leur part.

Ces accords ont été l'objet d'un consensus remarquable : ils ont été signés par six des huit syndicats de la fonction publique – la CGT, la CFDT, FO, l'UNSA, la FSU, la CGC –, représentant plus de 75 % des personnels. C'est d'ailleurs un fait sans précédent dans l'histoire de notre démocratie sociale.

J'aimerais que votre assemblée sache également entendre ce consensus et que nous soyons capables, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, de reconnaître l'innovation et les avancées apportées par ces accords.

Je laisserai à Georges Tron, secrétaire d'État à la fonction publique, le soin de vous présenter plus en détail le contenu de ce projet de loi. Roselyne Bachelot, ministre de la santé, interviendra, pour sa part, sur l'article permettant de revaloriser puissamment les carrières des infirmières et des infirmiers.

Avant de leur céder, dans un instant, la parole, je souhaite revenir sur un point fondamental du dialogue social dans la fonction publique et de sa spécificité, dont nous avons tenu compte, comme nous en tiendrons compte sur d'autres sujets.

Vous n'ignorez pas que les fonctionnaires, du fait de la singularité de leurs missions et des garanties qui doivent leur être apportées, se trouvent, selon la formule de l'article 4 de la loi de 1983 « dans une situation législative et réglementaire ». Il en résulte que leur situation ne peut relever du contrat ou de conventions collectives ; elle relève du statut. Les fonctionnaires bénéficient du droit syndical, mais ce droit doit être organisé « selon une forme compatible avec le souci de sauvegarder le pouvoir de décision des autorités responsables ». Je ne fais là que reprendre les termes de celui qui ouvrit aux fonctionnaires ce droit syndical, qui s'appelait Maurice Thorez.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Vous aimez bien les hommes de gauche quand ils sont morts !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En matière de fonction publique donc, si un accord lie politiquement le Gouvernement et les organisations syndicales qui l'ont signé, en aucun cas une absence d'accord, quelle qu'en soit la forme, n'empêche le Gouvernement d'agir. La puissance publique doit toujours pouvoir agir.

C'est pourquoi le Gouvernement assume pleinement le fait d'avoir ajouté à ce projet de loi un titre II « Dispositions diverses », distinct du titre Ier. Il n'y a donc pas de tromperie, ni de contradiction dans cet ajout. On ne remet pas en cause les accords de Bercy, contrairement à ce que dit, pense ou écrit la gauche. Ce titre II vise très précisément à assumer le pouvoir de décision du Gouvernement sur des sujets qui ont fait l'objet de longues discussions, de longues négociations avec les syndicats.

C'est le cas de la politique que nous développons pour reconnaître l'engagement et le mérite avec sa dimension individuelle, la prime de fonction et de résultats, la PFR. Dans le même temps, nous prenons en compte une dimension collective, avec l'intéressement collectif, au sujet duquel je salue le très remarquable travail de votre collège Michel Diefenbacher.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

C'est le cas des amendements que le Gouvernement a proposés à la commission des lois, afin d'élargir les compétences des comités d'hygiène et de sécurité aux conditions de travail, en application d'un accord portant sur la santé et la sécurité au travail que j'ai signé il y a quatre mois avec sept organisations syndicales sur huit ainsi qu'avec l'ensemble des employeurs territoriaux et hospitaliers.

C'est le cas de la revalorisation de la catégorie A et de la création d'un « grade à accès fonctionnel » dont Georges Tron a présidé la réunion de conclusion et dont il vous dira quelques mots.

C'est enfin le cas de la revalorisation de la carrière des infirmiers et des infirmières, sujet sur lequel tous les gouvernements précédents, notamment socialistes, ont buté depuis plus de quinze ans sans proposer de solution. Nous proposons, nous, une solution juste, équitable et efficace pour cette catégorie importante de la population.

Comme ministre chargé de la fonction publique, mais aussi comme ministre du travail, j'entends promouvoir un dialogue social structuré, moderne, adapté aux enjeux de notre société comme aux attentes des agents de l'État. C'est ainsi que nous pourrons répondre aux besoins de nos concitoyens. L'objectif de ce projet de loi est d'y contribuer. Il y a un temps pour le dialogue et la recherche de compromis ; il y a un temps pour la décision et pour l'action. Je compte sur le soutien de la représentation nationale pour que nous conduisions ensemble cette réforme nécessaire au progrès social dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de présenter, dans cet hémicycle, le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social.

Éric Woerth, Roselyne Bachelot et moi-même partageons la conviction que, sans un dialogue fort et constructif, il ne saurait y avoir de politique, ni de réforme, qui profite directement aux agents. À cet égard, permettez-moi d'évoquer un passé tout récent et significatif : cinq accords ont été signés depuis 2006, ce qui est inédit, deux d'entre eux ayant même réuni plus de 75 % des personnels. Des décrets commencent à paraître pour les mettre en oeuvre ; certains de ces accords ont besoin d'une traduction législative, et c'est la raison pour laquelle nous examinons ce texte aujourd'hui.

Je souhaite me joindre à la mise au point exprimée par Éric Woerth dans la fin de son propos. Si nous sommes attachés à un dialogue social de qualité, nous savons aussi que les négociations peuvent ne pas aboutir. Quand il y a un accord, nous nous y tenons : le projet de loi est une traduction quasiment littérale des accords de Bercy.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Mais quand des désaccords surgissent, nous savons prendre nos responsabilités, et ne pas priver les agents des avancée et des progrès que leur employeur a souhaité mettre sur la table des discussions.

Je reprends ainsi l'exemple de la négociation qui vient de s'achever sur la catégorie A. Le Gouvernement a, vous le savez, proposé de créer un nouveau grade dans les différents corps et cadres d'emploi de cette catégorie, qui aurait permis d'offrir une meilleure carrière aux agents qui ont pris des risques en assumant des postes difficiles ou des responsabilités particulièrement lourdes. C'est ce que l'on appelle le grade à accès fonctionnel.

Les syndicats voulaient, eux, une revalorisation généralisée et mécanique de l'ensemble de la grille. Nous n'avons pas pu trouver d'accord : cela ne rend notre projet ni moins juste ni moins nécessaire, et nous ne l'avons pas retiré. Nous avons donc introduit dans ce projet de loi un article qui nous permettra de faire bénéficier ceux qui le méritent de ce nouveau dispositif.

Les syndicats assumeront leurs responsabilités vis-à-vis de leurs mandants, comme nous-mêmes assumerons les nôtres vis-à-vis des agents publics : c'est aux agents qu'il appartiendra de savoir qui a pris en compte leurs attentes et amélioré leur situation.

Je l'affirme très simplement : notre volonté de dialoguer ne doit jamais faire douter de la détermination du Gouvernement à assumer ses convictions.

Je vais maintenant, ainsi que m'y invitait Éric Woerth, vous montrer comment ce projet de loi met en oeuvre les grands principes de la refondation du dialogue social. Pour simplifier les choses, car le texte peut paraître complexe, je dirai que ce projet de loi repose sur deux piliers : l'élection et la négociation. Ces deux piliers correspondent à des attentes fortes exprimées par les représentants des personnels.

Le premier pilier, l'élection, sera dorénavant le fondement de la représentativité syndicale. Concrètement, cela signifie que tout syndicat légalement constitué pourra se présenter aux élections professionnelles : il ne sera plus nécessaire de démontrer au préalable sa représentativité. C'est un signe d'ouverture fort. Toutes les instances de dialogue social seront composées sur la base d'élections ; les corps de fonctionnaires ne seront plus, via les commissions administratives paritaires, la source quasi exclusive de la représentativité. Enfin, ces élections seront désormais ouvertes à chaque agent, qu'il soit titulaire ou contractuel. C'est un point essentiel : jusqu'à présent les non-titulaires n'y avaient pas accès.

Il y a là une mesure profondément favorable aux syndicats, et qui devrait permettre d'enrayer le lent mais réel déclin de la participation lors des élections aux commissions administratives paritaires, en élargissant à la fois le corps électoral et en augmentant le nombre de syndicats candidats.

Le second pilier, c'est la négociation. Le projet de loi actionne simultanément plusieurs leviers. Sur le fond, il élargit le champ de la négociation au-delà des questions salariales : les conditions de travail, le déroulement des carrières, la formation professionnelle, l'action sociale, l'hygiène et la sécurité, le recrutement des travailleurs handicapés en font dorénavant partie. Le champ de la négociation devient donc extrêmement vaste.

Le projet de loi fixe aussi les conditions dans lesquelles un accord signé sera considéré comme valide. Jusqu'à présent, je veux le rappeler, aucune condition n'était fixée, ce qui fragilisait la valeur des accords.

Jusqu'à la fin de l'année 2013, l'accord devra être approuvé par des syndicats représentant au moins 20 % des voix et ne devra simultanément pas faire l'objet d'une opposition expresse de syndicats représentant plus de la moitié des voix. À terme, c'est-à-dire à partir de 2014, un accord devra être approuvé par des syndicats rassemblant au moins la moitié des voix.

Cette volonté témoigne de l'ambition dont le Gouvernement fait preuve en la matière, même si j'ai conscience, et nous avons tous conscience, de l'importance du pas qu'il nous reste à franchir.

Le projet de loi instaure enfin une nouvelle instance supérieure de négociation commune à l'ensemble de la fonction publique. C'est une novation indispensable : les trois composantes de la fonction publique doivent pouvoir participer pleinement aux discussions qui les concernent sans se cacher derrière un État qui aurait déjà tout décidé par avance. Voyez comme ce gouvernement a su associer, comme le rappelait Éric Woerth, l'ensemble des employeurs publics à la signature d'un accord novateur sur la santé et la sécurité au travail.

Enfin, le texte supprime le formalisme d'un paritarisme numérique. L'État souhaite tourner la page du paritarisme ; seul le vote des organisations syndicales sera désormais recueilli. Il était, en effet, un peu étrange et pour tout dire assez paradoxal de faire voter l'administration sur ses propres projets et de s'assurer par une représentation paritaire de ne jamais être mis en minorité.

Combien de ces instances paritaires pouvait-on évoquer avec les mots de notre regretté président Edgar Faure : « litanies, liturgie, léthargie » ?

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Dans la fonction publique territoriale, du fait de la diversité des employeurs, il peut être souhaitable de permettre la constitution d'un collège employeur. C'est ce qui est prévu pour le Conseil supérieur, et je remercie le rapporteur d'avoir ouvert cette faculté lors de l'examen du texte en commission. Cela avait été demandé par plusieurs d'entre vous.

Enfin, ces changements importants ne doivent pas se faire dans la précipitation, ni conduire à une régression du dialogue social. C'est pourquoi le projet de loi prévoit un régime transitoire qui se terminera au mois de décembre 2013 : cette période permettra aux partenaires du dialogue social d'éprouver la solidité des nouveaux critères de validité des accords et de se préparer au changement des règles d'accès aux élections ainsi que de répartition des sièges aux instances consultatives. Les durées des mandats seront également progressivement harmonisées.

Comme vous le voyez, le Gouvernement a choisi de s'engager avec les partenaires sociaux dans une réforme en profondeur du dialogue social dans la fonction publique et de le faire avec sagesse et prudence. Je tiens, à cet égard, à rendre un hommage appuyé à André Santini, qui a été l'inspirateur de ce mouvement. Les partenaires sociaux savent bien tout cela, puisqu'ils ont apposé leur signature au bas de l'accord que leur a présenté le Gouvernement. Je suis convaincu que l'Assemblée partagera notre ambition.

Conçu dans la concertation, ce projet de loi sera mis en oeuvre dans le même esprit. Des discussions sont déjà engagées sur les projets de décrets d'application et elles s'ouvriront bientôt sur d'autres aspects des accords de Bercy, tels que les moyens alloués aux syndicats ou la réforme des commissions administratives paritaires.

Ce texte, et les accords de Bercy dont il est issu, traduisent l'importance que le Gouvernement et les partenaires sociaux entendent donner au dialogue social dans la modernisation de la fonction publique. Il vous appartient aujourd'hui de répondre à cette ambition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pourquoi examiner cet article 30 dans le cadre d'un projet de loi consacré à la rénovation du dialogue social plutôt que dans celui consacré à la réforme des retraites ?

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Précisément parce qu'il ne s'agit pas d'une réforme des retraites. Il s'agit de la réforme licence-master-doctorat, qui, en transformant les formations initiales et en proposant un ambitieux programme de reclassement, offre une avancée considérable dans la reconnaissance des infirmiers et, plus largement, des professionnels paramédicaux.

Je voudrais revenir en quelques mots sur les grands enjeux de cette réforme historique à tous points de vue. Notre société évolue ; les besoins et les attentes des patients comme des professionnels de santé ne sont plus les mêmes. Pour préserver ses valeurs de justice et de solidarité, pour relever les grands défis de demain, notre système de santé doit se moderniser en profondeur.

Les professionnels hospitaliers, qui sont au coeur de notre système de soins, sont appelés à évoluer avec lui. Les importants progrès scientifiques et technologiques que connaît le monde de la santé se traduisent en effet par des transformations des pratiques et des métiers dont nous devons tenir compte.

La reconnaissance du diplôme infirmier au niveau de la licence est une demande forte des infirmières depuis plus de vingt ans, et c'est une promesse du Président de la République.

Depuis 1992, le diplôme d'État infirmier nécessite trois années d'études, et il n'est pourtant pas reconnu au niveau bac + 3, mais seulement au niveau bac + 2.

Pourtant, indispensables à notre système de soins, les infirmiers et les infirmières sont des professionnels de grande compétence, qui assument des responsabilités de plus en plus importantes. C'est pourquoi, dès mon arrivée au Gouvernement, je me suis saisie de ce dossier essentiel : ce fut l'une de mes toutes premières priorités.

Depuis 2007, j'ai mené une large concertation avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la fonction publique hospitalière. De nombreuses réunions ont permis d'élaborer, puis d'enrichir le dispositif désormais en vigueur. Avec le concours des infirmières elles-mêmes, mais aussi de l'appareil de formation infirmier et du monde universitaire, nous avons réformé en profondeur la formation des étudiants infirmiers, et fait ainsi reconnaître, par le monde universitaire, le diplôme d'État infirmier au grade de licence. Il s'agit là d'une étape majeure dans l'histoire des professions paramédicales.

La rentrée 2009 des étudiants infirmiers a eu lieu selon ce nouveau dispositif. Cette promotion recevra donc, en 2012, pour la première fois, un diplôme reconnu par les universités au grade de licence. Progressivement, cette réforme s'étendra à toutes les professions paramédicales dont la durée des études est d'au moins trois années après le bac. Ainsi, ce sont au total près de quinze professions paramédicales qui verront leur formation ré-ingéniée et qui ont vocation à intégrer le dispositif licence-master-doctorat avec un diplôme reconnu par l'université. Parallèlement, les formations de cadres de santé seront également réformées.

Il s'agit donc d'une réforme ambitieuse qui participe de la modernisation de notre système de santé, qui vise la qualité des soins en nous donnant les moyens d'intégrer les progrès médicaux et de mieux répondre aux besoins de la population. Il s'agit d'une réforme de justice : la réforme LMD permettra aux infirmiers et aux professionnels paramédicaux d'accéder à des formations supérieures et à de nouveaux modes d'exercice.

En disposant d'un diplôme d'État reconnu au grade de licence, ils et elles pourront poursuivre plus facilement un cursus universitaire et développer une plus grande mobilité tout au long de leur vie professionnelle, grâce à des équivalences avec les pays de l'Union européenne. Celles et ceux qui s'intéressent à des prises en charge pointues, à la recherche, pourront construire des parcours professionnels innovants.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

En réponse à ce progrès significatif, l'offre universitaire s'enrichira de nouveaux domaines d'expertise en soins.

D'ores et déjà, en 2009, j'ai voulu que les premiers masters de pratiques infirmières avancées soient créés, sur trois domaines d'expertise infirmière : la gestion des parcours de soins complexes, la gérontologie et la cancérologie.

Le dispositif LMD, enfin, va enfin rendre possible l'émergence de nouveaux métiers de niveau master, au service de notre système de santé. Aujourd'hui, je le disais il y a quelques minutes lors de la séance des questions, il existe un hiatus entre le niveau bac + 3 de nombreux paramédicaux et le niveau bac + 10 en moyenne des médecins. C'est la gradation des soins qui s'en trouve empêchée, et à cela, je veux remédier. Grâce au développement des compétences et des responsabilités de tous les professionnels de santé, nous pourrons mieux reconnaître les paramédicaux « experts », et chacun pourra se recentrer sur son coeur de métier, en participant à la prise en charge sur les aspects qu'il maîtrise le mieux.

Chacun l'aura compris, cette réforme a des conséquences statutaires. Nous avons voulu, sous l'impulsion du Président de la République, que la reconnaissance des diplômes au niveau de la licence entraîne tout naturellement un recrutement en catégorie A, la catégorie la plus élevée de la fonction publique. Je vous rappelle qu'aujourd'hui les infirmiers sont en catégorie B. Demain, ils seront en catégorie A. Ainsi, les étudiants entrés en formation en septembre 2009 achèveront leur scolarité en juin 2012 avec un diplôme reconnu au grade de licence. Celles et ceux qui choisiront d'exercer dans la fonction publique hospitalière y seront donc naturellement et immédiatement recrutés en catégorie A.

Mais, plus largement, j'ai souhaité que les professionnels paramédicaux actuellement titulaires dans la fonction publique hospitalière puissent, eux aussi, bénéficier de cette revalorisation, au même titre que leurs jeunes collègues prochainement diplômés. Bien que n'étant pas titulaires de la licence, les personnels déjà en fonction pourront, s'ils le souhaitent, et seulement s'ils le souhaitent, demander à bénéficier de ces mêmes dispositions. Il m'aurait en effet semblé injuste qu'ils ne bénéficient pas de cette possibilité de reclassement.

À l'issue du travail collectif que nous avons conduit, un protocole d'accord pour la fonction publique hospitalière a été signé le 2 février dernier. Il prévoit un reclassement en catégorie A des infirmiers en janvier 2011, et des autres paramédicaux à partir de septembre 2011. En accord avec les organisations syndicales, ce protocole d'accord a défini un calendrier de mise en oeuvre de la réforme LMD. Ce calendrier, j'entends le respecter. Je veux que, dès le mois de juin 2010, toutes les infirmières qui le souhaitent puissent opter pour le passage en catégorie A, et donc bénéficier immédiatement d'un supplément de rémunération, à savoir dès décembre 2010.

Chaque infirmier décidera de son avenir, individuellement, librement. Il aura six mois pour choisir la réforme que je propose, ou bien rester dans sa position statutaire actuelle. C'est la raison pour laquelle nous avons intégré cette réforme dans la loi de rénovation du dialogue social et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Si nous ne l'avions pas fait, l'ensemble de la réforme aurait été reporté au-delà de 2010. Cela ne correspondait pas à l'engagement fort que j'avais pris.

Dans le cadre de cette réforme, j'ai souhaité que soit mis en place un droit d'option. Les professionnels qui souhaitent conserver leurs droits à un départ à la retraite à cinquante-cinq ans pourront rester dans leur corps actuel. Ils bénéficieront également d'une revalorisation, dans le cadre du reclassement dans le nouvel espace statutaire de la catégorie B. Ceux qui, au contraire, choisiront le nouveau corps y seront reclassés dès le mois de décembre 2010 et percevront donc, dès la fin de cette année, un traitement plus élevé. Cela implique, pour eux, de renoncer individuellement aux conditions dérogatoires en matière de retraite.

Plusieurs corps des personnels paramédicaux de la fonction publique hospitalière sont actuellement classés en « catégorie active ». Puis-je vous rappeler pour mémoire que c'est exactement la démarche qu'a suivie Lionel Jospin quand il a fait passer les instituteurs dans le corps des professeurs et porté la retraite de cinquante-cinq à soixante ans, à la satisfaction générale ? Je suis un peu surprise que Mmes et MM. les députés de la gauche ne s'en rappellent pas.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

La revalorisation proposée est de 82 points d'indice brut pour les infirmiers en fin de carrière : c'est un effort considérable de la nation en faveur des professionnels paramédicaux, un effort que le Gouvernement a décidé d'engager malgré la crise économique que nous traversons, parce qu'il constitue une juste reconnaissance et qu'il accompagne l'amélioration de notre système de soins et de la situation des 310 000 paramédicaux de l'hôpital.

Les grilles salariales seront augmentées deux fois, l'une en 2013, l'autre en 2015. À l'issue de ces deux glissements, les infirmières en milieu de carrière bénéficieront d'une rémunération totale annuelle majorée de 2 500 euros nets en moyenne. Les infirmiers spécialisés et les cadres de santé, qui sont déjà en catégorie A, pourront également intégrer ce nouveau corps à partir de 2012. Un grade spécifique sera créé pour les cadres et l'indice sommital du grade de cadre supérieur, prévu dans le protocole d'accord, est très sensiblement augmenté.

Enfin, les personnels administratifs, techniques et médico-sociaux sont également concernés par ce protocole. Ainsi, au cours des prochaines années, dès qu'une formation paramédicale sera rénovée et reconnue par l'université, un nouveau corps, revalorisé, sera créé. J'insiste sur ce point car il est crucial : de manière générale, cette réforme attribuera aux personnels reconnus au grade de licence l'équivalent d'un treizième mois de salaire tout au long de leur carrière, mais aussi d'un treizième mois de pension tout au long de leur retraite.

Si elle ne relève pas de la réforme des retraites, comme je l'ai dit tout à l'heure, la réforme LMD se traduira bien par une nette revalorisation des retraites pour les professionnels paramédicaux qui auront fait le choix d'une carrière plus longue mais aussi plus riche et plus diversifiée.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Vous l'aurez compris, la réforme LMD marque une avancée majeure dans l'histoire de notre système de santé et des professions paramédicales.

Fondée sur un souci d'équité et de cohésion – autant de valeurs que notre service public a à coeur de défendre –, cette réforme répond aux nouvelles évolutions démographiques.

Qui songerait à nier, en effet, que la démographie et l'exercice paramédical ont considérablement changé depuis 1969, date à laquelle le corps des infirmiers a été classé en « catégorie active » ? L'espérance de vie des infirmières s'allonge, elle est aujourd'hui semblable à celle des autres femmes françaises. L'âge de départ à la retraite recule dans les faits. De nos jours, les infirmiers cessent en moyenne leur activité à cinquante-sept ans, tendant ainsi à s'aligner sur le régime des infirmiers du secteur privé, qui partent en retraite à soixante ans, comme ceux des autres pays de l'Union européenne, quel que soit leur mode d'exercice.

Il s'agit enfin d'une mesure de cohésion et de justice sociale que de faire évoluer le statut de ces personnels vers un meilleur équilibre avec celui de la majorité de nos concitoyens.

Pour l'ensemble des professionnels exerçant à l'hôpital, l'enjeu consiste davantage, aujourd'hui, à penser des conditions de travail « durables », favorables à l'entretien, tout au long de la vie, de leur « capital compétences » et de leur « capital santé » : formation, mobilité, rendez-vous de carrière réguliers. C'est bien l'individualisation des parcours professionnels, la variété des modes d'exercice, la qualité des organisations, des équipements et du fonctionnement des équipes qui sont garants de la qualité de vie au travail, et, au final, de la qualité des soins.

Je le répète, la création de nouveaux corps en catégorie A suite à la reconnaissance universitaire des formations paramédicales constitue, pour toutes et tous, bien plus qu'une revalorisation statutaire. C'est une reconnaissance sans précédent des talents et des potentiels. C'est, en somme, une véritable chance. À chacune et chacun de faire le meilleur choix, en conscience et en liberté, en fonction de ses besoins et de ses projets de vie.

Par ailleurs, je voudrais préciser que j'ai déposé un amendement visant à parfaire l'articulation entre ce projet de loi et les dispositions déjà prévues pour les agences régionales de santé. Les ARS, je le rappelle, rassemblent en leur sein des personnels de l'État et de l'assurance maladie. J'ai tenu à ce que le dialogue social au sein des ARS soit à la fois riche et commun à ces deux catégories de personnels. L'amendement que je vous propose porte sur deux points en particulier.

En premier lieu, il vise à mieux concilier, au sein des ARS, les dispositions respectives des droits public et privé sur les instances représentatives des personnels, de manière à garantir la juste représentation des personnels de l'État et des personnels de l'assurance maladie. Il prévoit ainsi la création de collèges électoraux distincts, la suppression du caractère paritaire des comités d'agence, l'affirmation du principe de l'élection de leurs membres au scrutin de liste, enfin, l'alignement des critères de représentativité sur ceux du code du travail pour l'accès des organisations syndicales à l'élection, que Georges Tron vient excellemment d'exposer.

En second lieu, l'amendement crée un comité national de concertation des ARS. Ce comité permettra d'établir, à l'échelle nationale, une instance de dialogue social commune à tous les agents des ARS, qu'ils soient issus de l'État ou de l'assurance maladie. J'entends garantir, au sein des ARS, un dialogue social qui respecte l'équilibre entre les personnels de l'État et de l'assurance maladie et qui favorise l'émergence d'une communauté de travail intégrée en leur sein. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis constitue la traduction législative des accords dits de Bercy sur le dialogue social. Ces accords, qui ont été signés le 2 juin 2008, représentent une avancée historique : il s'agit du premier accord en matière de dialogue social et il a été signé par une très grande majorité des organisations syndicales de fonctionnaires – six sur huit : la CGT, la CFDT, la FSU, l'UNSA, la CGC et Solidaires. Toutes ces organisations syndicales m'ont demandé d'accélérer la discussion législative. Aujourd'hui, elles sont satisfaites que nous puissions passer à l'examen de ce projet de loi important.

Le projet de loi met en oeuvre les orientations définies dans les accords de Bercy, en suivant trois grandes orientations.

La première orientation consiste à améliorer la représentativité des instances dans lesquelles se déroule le dialogue social : les conseils supérieurs, les commissions administratives paritaires et les comités techniques paritaires.

La composition de ces instances sera désormais strictement proportionnelle au résultat des élections professionnelles. Les membres des comités techniques seront élus et non plus désignés par l'administration sur la base des résultats des élections aux CAP. Le projet de loi supprime l'attribution de « sièges préciputaires » dans les conseils supérieurs aux organisations syndicales considérées comme les plus représentatives, indépendamment de leurs résultats aux élections. Les sièges des conseils supérieurs seront désormais répartis proportionnellement aux résultats obtenus lors des élections des comités techniques, ce qui permettra de représenter tous les agents publics, titulaires et non titulaires.

Dans le même souci d'améliorer la représentativité des membres des instances consultatives, les critères posés par la loi pour présenter des listes aux élections professionnelles sont assouplis. Aujourd'hui, seuls les syndicats déjà considérés comme représentatifs peuvent présenter des listes au premier tour des élections. Désormais, tout syndicat d'agents publics ayant au moins deux ans d'ancienneté pourra présenter une liste. Ces règles s'appliqueront pour l'élection des membres des CAP et des comités techniques.

La deuxième orientation du projet de loi consiste à améliorer le fonctionnement de ces instances consultatives.

Pour assurer un dialogue social plus effectif et moins formel, le projet de loi prévoit la suppression de la composition paritaire des conseils supérieurs et des comités techniques. Les inconvénients du paritarisme sont dénoncés depuis plusieurs années, y compris par les syndicats eux-mêmes : le paritarisme est largement une fiction. Les représentants de l'administration votent de manière monolithique en faveur des projets soumis par l'administration et, pour la plupart, ne prennent même pas part aux discussions. Par conséquent, il suffit qu'un seul représentant syndical s'abstienne pour qu'un projet reçoive un avis favorable, même si tous les autres représentants syndicaux ont voté contre ! C'est une façon plutôt curieuse de consulter les agents. Lors des auditions, j'ai pu constater que la quasi-totalité des organisations syndicales étaient favorables à la suppression du paritarisme dans la fonction publique de l'État.

(M. Marc Le Fur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Désormais, dans les comités techniques, seuls les représentants du personnel voteront sur les projets qui leur sont soumis. Côté administration, les représentants seront choisis en fonction de l'agenda de chaque réunion.

Une exception est cependant prévue dans la fonction publique territoriale, qui présente une certaine spécificité puisque plusieurs employeurs différents peuvent être représentés au comité technique. La commission des lois a prévu que, dans les comités techniques, le collège des représentants des collectivités territoriales pourra voter comme le collège des représentants du personnel.

Dans les conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et hospitalière, les employeurs locaux et hospitaliers resteront représentés, mais ils émettront un avis distinct de celui des représentants du personnel. Ce vote par collèges permettra de distinguer les positions respectives des employeurs et des fonctionnaires, au lieu de les confondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Par ailleurs, le projet de loi crée une instance de consultation commune à l'ensemble de la fonction publique : le Conseil commun de la fonction publique.

Ce conseil commun permettra de discuter conjointement de sujets communs aux trois fonctions publiques, plutôt que de saisir séparément les trois conseils supérieurs. Il sera composé de quatre collèges avec les représentants de l'État, des employeurs territoriaux, des employeurs hospitaliers et des personnels.

Enfin, le projet de loi rationalise l'organisation des élections professionnelles en permettant d'organiser un renouvellement simultané des différentes instances. Il s'agit d'une mesure de simplification importante par rapport à la situation actuelle, où les dates d'élection diffèrent d'un ministère à l'autre, d'un corps à l'autre, voire d'un service à l'autre au sein d'un même ministère. Ce système de campagne électorale permanente représente un coût important pour les syndicats et une charge de travail pour l'administration, notamment pour l'établissement des listes électorales.

La troisième orientation du projet de loi est le renforcement de la place et du poids du dialogue social. Aujourd'hui, le statut général ne prévoit de négociations avec les organisations syndicales qu'en matière salariale, ce qui est totalement déconnecté de la réalité. Ces dernières années, de nombreux accords ont été négociés, par exemple un accord-cadre sur la formation professionnelle en 2006, un accord sur le compte épargne-temps en 2008, un relevé de conclusions sur les politiques sociales en 2008 ou encore un accord sur l'hygiène et la sécurité en 2009.

Le projet de loi étend le champ du dialogue social prévu dans le statut, en mentionnant notamment : l'organisation du travail, le déroulement des carrières, la formation professionnelle, l'action sociale, l'insertion des personnes handicapées et l'égalité entre les hommes et les femmes. La commission des lois y a ajouté le télétravail, qui est de plus en plus répandu dans la fonction publique mais qui n'a pas du tout été abordé jusqu'à présent dans les négociations, alors même qu'il pose de nouvelles questions sur l'organisation et les conditions de travail. Il faut savoir que le télétravail a fait l'objet de dispositions dans le code du travail, il était donc important de l'intégrer dans le statut de la fonction publique.

Dans la fonction publique territoriale, les compétences des comités techniques sont elles aussi détaillées en incluant, par exemple, la gestion prévisionnelle des emplois, la politique indemnitaire et les conditions de travail. Dans les deux autres fonctions publiques, la liste des compétences des comités techniques relève du décret.

Le dialogue social sera mieux reconnu grâce à la consécration de la notion d'accords majoritaires. Aujourd'hui, aucune distinction n'est faite entre les accords, qu'ils soient signés par une minorité ou par une majorité d'organisations syndicales. Le projet de loi définit des critères de validité des accords : dans un premier temps, appelé « période transitoire », seront considérés comme valides les accords signés par des organisations syndicales représentant au moins 20 % des voix, et qui ne font pas l'objet d'une opposition de la part des syndicats majoritaires. Ce système est proche de celui prévu par le code du travail. Dans un second temps, les seuls accords valides seront les accords signés par des organisations syndicales représentant au moins 50 % des voix. Le niveau d'exigence sera donc plus élevé que dans le secteur privé pour reconnaître la validité d'un accord. Cette démarche en deux temps permettra d'établir un bilan de la période transitoire avant de reconnaître les seuls accords majoritaires, conformément à ce que prévoyaient les accords de Bercy.

Toujours dans l'optique de développer les domaines de dialogue social, la commission des lois a adopté plusieurs amendements du Gouvernement instaurant des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans la fonction publique de l'État et la fonction publique territoriale. Cette réforme était prévue par le protocole d'accord sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, qui a été signé le 20 novembre 2009. Elle permettra de porter une plus grande attention aux sujets liés aux conditions de travail et à la santé des fonctionnaires qu'aujourd'hui.

Le projet de loi a été complété le 23 février dernier par une lettre rectificative relative à la réforme statutaire des personnels infirmiers et paramédicaux. Ces personnels font actuellement l'objet d'une réforme statutaire qui se traduit par l'adoption de grilles de rémunération réévaluées et, pour certains d'entre eux, par le passage de la catégorie B vers la catégorie A. En contrepartie, ces personnels ne seront plus classés en « catégorie active » au sens du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce qui leur permettait de liquider leur pension dès l'âge de cinquante-cinq ans et de bénéficier de majorations de durée d'assurance, mais les contraignait à partir en retraite à soixante ans au maximum. Ces règles apparaissent en décalage avec l'évolution des métiers paramédicaux, où la pénibilité s'est réduite. De plus, une part croissante du personnel souhaite prolonger sa carrière pour percevoir une pension plus élevée.

Le projet de loi établit un dispositif de droit d'option : les agents qui souhaitent intégrer les nouveaux corps et cadres d'emplois perdent le bénéfice de la catégorie active, tandis que les autres restent dans leur corps d'origine et conservent le classement en catégorie active.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

Grâce à ce dispositif, aucun agent ne se verra imposer la réforme s'il souhaite continuer à bénéficier des anciennes dispositions législatives. Cet article du projet de loi a fait l'objet d'un rapport pour avis de notre collègue Jacques Domergue, au nom de la commission des affaires sociales.

La commission des lois a également adopté un amendement, présenté par le Gouvernement, qui introduit dans la fonction publique territoriale un suivi médical des agents qui ont été exposés à des substances dangereuses ou toxiques, comme dans les deux autres fonctions publiques. Cette disposition résulte, elle aussi, de l'application du protocole d'accord du 20 novembre 2009 sur la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique.

Enfin, la commission des lois a adopté, sur proposition de nos collègues Bernard Derosier et Jacques Alain Bénisti, un article permettant de prolonger l'expérimentation de l'entretien professionnel dans la fonction publique territoriale. Cette expérimentation, qui avait été prévue par la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, permet de remplacer la notation chiffrée des agents par un entretien d'évaluation, plus qualitatif.

Le texte dans son ensemble apporte, à mon sens, une vision nouvelle de la fonction publique. Je suis convaincu qu'il permettra une évolution moderne de nos trois fonctions publiques pour les fonctionnaires mais également pour l'ensemble des contractuels. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jacques Domergue, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales de notre assemblée s'est saisie pour avis de l'article 30 du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, article introduit dans ledit projet par la lettre rectificative adoptée en conseil des ministres le 23 février dernier.

Cet article 30 est le volet législatif du vaste plan de revalorisation statutaire et salariale de la profession infirmière et d'autres professions paramédicales contenu dans le protocole d'accord présenté aux organisations syndicales par la ministre de la santé et des sports le 2 février dernier. Ce protocole d'accord est l'aboutissement d'un long processus de concertation et de négociation entamé suite à la promesse du Président de la République de reconnaître le niveau licence au diplôme d'infirmier d'État, et d'intégrer le corps des infirmiers dans la catégorie A de la fonction publique, ce qui constitue une demande constante de cette profession depuis vingt ans.

Ainsi, en septembre 2009, pour la première fois, les étudiants en soins infirmiers ont intégré une formation dont le diplôme d'État sera, en 2012, reconnu par les instances universitaires au grade de licence. La prise en compte de la reconnaissance du cursus de formation des professionnels paramédicaux dans le cadre du système LMD était très attendue et ne fait que mettre en conformité la réglementation française avec les pratiques de la plupart des États européens. Nous étions parmi les seuls à ne pas avoir « universitarisé » les professions paramédicales.

Par ailleurs, le protocole d'accord met en oeuvre cette promesse présidentielle en prévoyant la création d'un nouveau corps infirmier, classé en catégorie A et bénéficiant d'une grille indiciaire bien plus favorable. Aujourd'hui en catégorie B, les infirmiers perçoivent des rémunérations qui ne sont pas à la hauteur de leurs qualifications : pour une infirmière diplômée d'État, 1 584 euros nets par mois en début de carrière et 2 499 euros en fin de carrière. La réforme proposée rétablit l'équilibre en attribuant aux personnels l'équivalent d'un treizième mois de salaire tout au long de leur carrière : pour les infirmières généralistes, c'est une augmentation de plus de 2 100 euros annuels en début de carrière et 3 800 euros en fin de carrière. Pour les infirmières spécialisées, des grilles salariales différentes et améliorées sont également proposées.

Bien évidemment, à tout avantage, il y a une contrepartie. La contrepartie de cette revalorisation et de l'accession à la catégorie A est le passage de ce nouveau corps de la catégorie active à la catégorie sédentaire, et par conséquent de l'âge de départ à la retraite de cinquante-cinq ans à soixante ans. Avec le passage en catégorie sédentaire des corps des infirmiers spécialisés et des cadres hospitaliers, plus aucun corps de catégorie A ne sera classé en catégorie active dans la fonction publique hospitalière.

Surtout, et il est essentiel d'insister sur ce point, les personnels concernés auront le choix. Pour les plus de 250 000 infirmières aujourd'hui en fonction dans le secteur public, toutes en catégorie B, le Gouvernement a décidé d'ouvrir une période optionnelle de six mois : du 1er juillet au 31 décembre 2010, elles devront choisir entre le maintien en catégorie B et la possibilité de partir à cinquante-cinq ans, mais avec une revalorisation financière moindre, ou le passage en catégorie A, avec une revalorisation financière conséquente mais un départ à la retraite repoussé à soixante ans. C'est une avancée considérable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Pour mettre en oeuvre ce droit d'option, une disposition législative était nécessaire, d'où la lettre rectificative : il fallait disposer d'un véhicule législatif qui puisse aboutir rapidement. En effet, les infirmiers disposeront de six mois pour exercer leur droit d'option, c'est à dire jusqu'à décembre, ce qui doit leur donner le temps de réfléchir à leur choix.

Je réponds par avance à ceux qui estiment, dans l'opposition, que ce texte aurait dû attendre la réforme des retraites. La ministre y a répondu : ce texte ne concerne pas directement les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Reporter l'adoption de la mesure législative, comme le souhaitait l'opposition, risquait de repousser d'autant une revalorisation salariale qui est depuis longtemps attendue.

L'opposition, qui dénonce cette réforme, a la mémoire courte :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

…nous nous contentons de faire ce que Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, avait fait lors de la création du corps des professeurs d'école.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

On ne parlait pas de pénibilité, à l'époque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Le personnel en place avait alors eu le choix entre rester dans le corps des instituteurs, classé en catégorie B et en catégorie active, ou passer dans le nouveau corps des professeurs d'école de catégorie A avec, je vous le concède, une possibilité de départ à la retraite à cinquante-cinq ans. Or ce texte a été rédigé il y a longtemps et, depuis plus de dix ans, le contexte s'est transformé, et la réforme des retraites va également faire évoluer la durée des cotisations. Il faut aujourd'hui prendre acte de cet état de fait. Pourquoi ce qui était normal il y a dix ans devient scandaleux lorsqu'il concerne les infirmières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

L'âge moyen de départ à la retraite des infirmières est aujourd'hui de 56,7 ans et, concernant la pénibilité de leur métier, puisque vous voulez anticiper,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

…on observe que l'espérance de vie des infirmières, seule donnée objective sur ce point, est similaire à celle des autres femmes françaises.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

De la CNRACL !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'impact financier de cette réforme pour laquelle une montée en charge progressive est anticipée : environ 100 millions d'euros en 2011, puis 200 millions d'euros en 2012, pour atteindre un rythme annuel de 500 millions d'euros en 2015 quand la réforme prendra pleinement effet. A contrario, le passage en catégorie sédentaire aura pour effet de retarder le départ à la retraite des agents et donc de générer des économies importantes pour le régime de retraite de la fonction publique hospitalière, la CNRACL. Bien évidemment, le solde sera en faveur du corps considéré. Dans une hypothèse médiane, l'économie en 2015 devrait être de près de 300 millions d'euros sur les retraites. Avec une dépense de 500 millions, vous pouvez donc constater qu'il s'agit d'un apport substantiel à cette catégorie de personnel. Il s'agit donc d'une réforme généreuse mais financièrement responsable, ce qui est indispensable compte tenu des équilibres financiers.

Pour conclure, j'insiste sur un point qui a été soulevé par les personnels infirmiers : s'ils ne sont pas opposés à un départ à la retraite à soixante ans, ils souhaitent que compte soit tenu de leur désir d'exercer un métier légèrement différent entre cinquante-cinq et soixante ans. Ces évolutions de carrière seront également prises en compte. Il faut comprendre que le service infirmier a différentes valences. Demain, les infirmières, qui pourront postuler à une licence, un master ou un doctorat, pourront s'orienter vers des métiers qui n'existent peut-être pas encore aujourd'hui. Ce sont des perspectives qui intéressent tout le corps des infirmiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Domergue

Il ne faut pas caricaturer la situation, cette réforme est importante et attendue. J'espère qu'elle recevra l'assentiment de tous les bancs de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Bernard Derosier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, s'il est un rendez-vous raté, c'est bien celui qu'on nous propose aujourd'hui. Il est raté, car vous aviez la chance d'avoir obtenu que six organisations syndicales représentatives sur huit signent un protocole d'accord sur une rénovation du dialogue social. Or vous l'avez traduit par un projet de loi marqué par l'idéologie jacobine…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…qui caractérise une partie de la haute administration de l'État.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Tout dans la nuance !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Vingt-huit ans après la décentralisation, madame la ministre, certains n'ont toujours pas abandonné l'idée de mettre les élus locaux sous tutelle.

Raté également, parce que le Livre blanc rédigé à l'issue de la concertation engagée au début de la législature faisait apparaître, malgré beaucoup d'imperfections et d'insuffisances, quelques hypothèses d'amélioration pour les trois volets de la fonction publique.

Le rapporteur avait même reconnu la bonne organisation de la fonction publique territoriale. On aurait pu croire que cela inspirerait le Gouvernement pour faire des propositions constructives.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

À l'inverse, c'est le démantèlement qui est le fil conducteur de votre projet. Il s'agit bien, en réalité, de désorganiser les services publics, qu'ils dépendent de l'État ou des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

En janvier 2002, le conseiller d'État Jacques Fournier rendait un rapport sur le dialogue social dans la fonction publique. Ce rapport a influencé les discussions engagées fin 2007 et qui se sont conclues par les accords de Bercy du 2 juin 2008. L'erreur de ce projet est de partir du diagnostic du rapport Fournier sur les carences du dialogue social dans la fonction publique d'État ; les propositions sur la composition des comités techniques paritaires des services ministériels avaient justement pour objet d'y revivifier la concertation. Les propositions concernant la fonction publique d'État sont intéressantes, mais on ne peut en aucun cas les calquer dans la fonction publique territoriale où la composition paritaire des instances de concertation est plus naturelle.

Rendez-vous raté, enfin, parce que vous avez tellement envie de mettre à mal notre système de protection sociale, et notamment des retraites, que vous introduisez, sous la forme d'un cavalier législatif qui n'a rien à voir avec le dialogue social, un dispositif remettant en question la situation des infirmiers et des infirmières.

Reconnaissons que, depuis la semaine dernière, la fonction publique est revenue sur le devant de la scène politique.

Tout d'abord, sans changer de ministre, elle a changé de ministère à l'occasion d'un remaniement de façade censé répondre au fiasco de la majorité présidentielle et gouvernementale aux élections régionales. Cette décision confirme que la vision du Président de la République est dangereuse pour les valeurs et les principes de la fonction publique, subordonnés depuis 2007 aux choix budgétaires opérés par Bercy, et désormais placés rue de Grenelle dans la même escarcelle que les comptes sociaux en vue de la réforme des retraites !

Par ailleurs, alors que le secrétariat d'État avait été supprimé sans raison au lendemain des élections européennes du mois de juin dernier, voici qu'il réapparaît sans que l'on s'y attende. Il faut sans doute voir là l'humeur changeante du Président de la République à l'issue de chaque scrutin, ou alors l'occasion pour lui de contenir la fronde à l'intérieur de son propre camp. En tout cas, on est en droit de se demander ce qu'il nous réserve pour les mois à venir.

Le Gouvernement nous propose un texte qui, s'il est adopté en l'état, aura pour conséquence de modifier profondément le visage de la fonction publique, notamment dans les collectivités locales.

Sur la forme pour commencer, ce texte pose un problème de méthode. En effet, alors qu'il était dans les oubliettes depuis un an, puisqu'il a été adopté par le conseil des ministres du 1er avril 2009, une accélération inattendue du calendrier a amené à l'inscrire dès la reprise de la session, qui plus est selon la procédure accélérée. Une fois de plus, il est fait peu de cas du travail du Parlement.

Plus grave encore, le Gouvernement a décidé d'utiliser ce projet de loi portant rénovation du dialogue social pour introduire des modifications législatives faisant passer le droit de départ à la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux de cinquante-cinq à soixante ans en échange d'un passage en catégorie A de la fonction publique. Voyant dans ce texte le cavalier législatif adéquat pour amorcer sa réforme des retraites, le Gouvernement s'est opportunément intéressé à ce projet de loi en souffrance pour passer en force des dispositions remettant en cause la pénibilité du travail de ces professionnels…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…malgré l'échec des négociations avec les partenaires sociaux.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous interroger sur le crédit à accorder aux déclarations par lesquelles le Président de la République récusait tout passage en force sur la future réforme des retraites et affirmait sa volonté de faire de la question de la pénibilité le coeur de la réforme.

Tout à l'heure, lors de la réunion de la commission des lois pour examiner les amendements déposés au titre de l'article 88, le rapporteur regrettait que le Gouvernement ait introduit par lettre rectificative ce dispositif complètement nouveau. Je lui ai rendu hommage pour les regrets qu'il exprimait devant ce qu'il a appelé une « pollution » du texte. Comme il ne l'a pas dit en séance publique, sans être son porte-parole, je veux dire que je souscris à son propos. Plusieurs de mes collègues, dont Marisol Touraine en particulier, dénonceront cette pollution dans la discussion générale.

Devant ce mauvais coup porté aux infirmiers et aux infirmières, au système de retraites, au Parlement, puisqu'on utilise une lettre rectificative et la procédure accélérée, nous n'avions pas d'autre moyen que de déposer de nombreux amendements pour marquer à la fois notre résistance et notre opposition à votre initiative, et défendre autant que nous le pourrons les infirmiers et infirmières que vous malmenez par ce dispositif.

Enfin, un article des Echos de ce jour nous apprend que le Gouvernement entend profiter de ce texte pour donner une base législative à l'intéressement dans la fonction publique.

Sous couvert de l'article 88, nous avons eu droit à des propositions du Gouvernement en la matière par amendement, sans que le Parlement ait véritablement eu le temps de délibérer. Je dénonce donc à nouveau cette procédure, et je regrette que le président Accoyer, si attaché à la défense des droits du Parlement, n'ait pu rester parmi nous. En effet, monsieur le président Warsmann, examiner en quinze à vingt minutes plusieurs centaines d'amendements,…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

…et notamment sept amendements du Gouvernement, vous conviendrez que c'est une procédure que nous ne pouvons pas accepter. Je sais que vous la dénoncez et je le fais bien volontiers avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Il y a donc pollution de ce texte non seulement par l'article 30 mais par ces amendements du Gouvernement.

Sur le fond, le texte ne répond pas aux problèmes que soulève la réforme du dialogue social, bien au contraire, et par conséquent, ne donne pas lieu à délibérer.

Malheureusement, le Gouvernement ne veut pas l'entendre. C'est d'autant plus étonnant qu'actuellement le dialogue social dans la fonction publique est sinistré, qu'il s'agisse des aspects statutaires ou des salaires.

Madame et messieurs les ministres, vous qui faites si souvent référence aux déclarations du Président de la République, dites-nous ce qu'il faut penser de celle qu'il a faite devant le congrès des maires de France, en 2008 – en 2009 son emploi du temps ne lui avait pas permis de s'y rendre. Le 27 novembre 2008, il déclarait qu'il fallait mettre un terme à la situation des employeurs territoriaux auxquels on ne demande jamais leur avis. Il ne faut rien en attendre, sans doute, car les promesses n'engagent que ceux qui y croient.

Le Gouvernement n'a pas renoncé à s'attaquer aux fonctionnaires coupables d'être, selon lui, en trop grand nombre dans un service public qui n'en demande pas tant.

L'adoption, en catimini, l'été, de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a d'ailleurs été dictée par la volonté d'accompagner les suppressions d'emploi résultant de la révision générale des politiques publiques, ce virus qui gangrène nos politiques publiques. Cette politique a conduit à la dévalorisation de notre service public et de la fonction publique qui le sert.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

En effet, la réduction drastique des effectifs pose d'ores et déjà des problèmes, comme cela était prévisible. Les personnels soulignent la dégradation des conditions de travail induite par la pression sur les effectifs, ce qui se répercute sur la qualité du service public. En outre, dans l'administration territoriale de l'État, la volonté de réduire les effectifs se traduit fréquemment par la réorganisation du maillage territorial et la remise en cause du service public de proximité.

Pour en revenir au texte, il contient certes des éléments intéressants qui permettent d'adapter le statut de la fonction publique. Ainsi, les instances de dialogue social seront désormais composées sur la base d'élections auxquelles tous les agents pourront prendre part, qu'ils soient titulaires ou contractuels.

Mais par ailleurs, il suscite des interrogations. En effet, d'un côté, on parle d'évolution de la composition des instances paritaires et de modernisation du dialogue social en s'appuyant sur les accords de Bercy et, de l'autre, on limite le rôle des employeurs publics territoriaux dans les comités techniques paritaires locaux qui perdraient ainsi leur « p », ainsi qu'au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Celui-ci ne s'y est pas trompé et a émis un avis défavorable sur ce projet de loi le 19 novembre 2008. J'insiste sur le fait qu'il ne s'est trouvé aucun élu local pour exprimer un avis favorable au sein du collège des employeurs publics locaux.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas un seul !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Ses 21 membres, droite et gauche confondues, ont notamment dénoncé « la volonté de reprise en main forte de l'État », « un néo-jacobinisme », « une recentralisation » et « la défiance de l'État à l'égard des élus locaux ». Le président de l'AMF, Jacques Pélissard, a récemment écrit à qui voulait bien le lire qu'il soutenait la position du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Je veux croire que cette prise de position de l'AMF fera évoluer celle du Gouvernement lorsque je proposerai des amendements sur ce point.

En fait, ce vote traduit une opposition aux dispositifs principaux du texte qui remettent en cause le paritarisme dans la fonction publique territoriale. En effet, dans les collectivités territoriales – communes, départements, régions – le paritarisme est une réalité. Le dialogue social est de grande qualité parce que se retrouvent autour de la table des représentants de l'employeur et des fonctionnaires.

Le dialogue social ne s'entend qu'à partir du moment où les uns et les autres sont réunis pour travailler ensemble. C'est pour cela que nous sommes opposés à la « rénovation » au sens où l'entend le projet de loi. La suppression du paritarisme de la part du Gouvernement constitue donc une remise en question d'un équilibre qui permet aujourd'hui d'avoir une bonne qualité de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs instances paritaires.

Par ailleurs, ce texte remet en cause le paritarisme au niveau du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale – par ailleurs vidé en partie de sa substance – et dénote de ce point de vue une profonde méconnaissance de son fonctionnement. La suppression du paritarisme, si elle peut se comprendre pour la fonction publique d'État qui ne compte qu'un employeur, est totalement inadaptée aux caractéristiques propres et à l'histoire de la fonction publique territoriale qui en compte plus de 56 000.

Au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, instance paritaire nationale qui doit obligatoirement rendre un avis sur tous les projets de textes législatifs et réglementaires, le paritarisme fonctionne bien. Au sein de ses formations spécialisées, une véritable expertise et une réelle force de proposition permettent de compléter le travail des ministères.

Grâce au droit d'amendement, et à la possibilité qu'il a de s'autosaisir afin de réaliser des études et des rapports, le Conseil fait progresser le droit statutaire, avec le souci de contribuer à la production de textes clairs, facilement applicables sur le terrain, et qui améliorent la situation des agents, tout en tenant compte des contraintes des différents employeurs locaux.

Un rapport réalisé à l'initiative du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale n'est pas un rapport de plus. C'est le résultat de plusieurs mois de travail paritaire qui aboutit à un avis négocié sur des sujets délicats et d'importance. Dans plusieurs domaines, le Conseil a ainsi produit des rapports remarqués, notamment sur la validation des acquis et la reconnaissance de l'expérience professionnelle, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'action sociale ou les cadres dirigeants. Plusieurs rapports concernent aussi la réforme de divers pans du statut comme les filières, les concours ou les examens professionnels.

J'ajoute que la diversité du résultat des votes atteste que le Conseil est un lieu de parole libre et d'élaboration de points de vue majoritaires, voire unanimes.

Alors, venir dire aujourd'hui aux employeurs publics qu'ils ne pourront plus voter en même temps que les agents, je considère que c'est un retour en arrière, voire une forme d'humiliation !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Les 56 000 exécutifs des collectivités et établissements publics locaux ne peuvent accepter d'être des intermittents du dialogue et de la démocratie sociale des collectivités territoriales de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Une nouvelle fois, pour résoudre ses propres problèmes d'employeur, l'État casse ce qui marche bien ailleurs et il ne veut plus voir qu'une seule tête.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Pour ces différentes raisons, la suppression du paritarisme serait une remise en question du bon fonctionnement des collectivités territoriales et des instances de la fonction publique territoriale.

On se demande d'ailleurs pourquoi le Gouvernement cherche à casser cette dynamique. Car, sous couvert de rénovation du dialogue social, celui-ci entend bien limiter le rôle des employeurs publics locaux dans le dialogue paritaire. À aucun moment, il n'a expliqué et motivé cette réforme pourtant contraire à la loi du 19 février 2007 qui a reconnu aux représentants des collectivités locales siégeant au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale une fonction de représentation collective des employeurs publics locaux. Par ailleurs, cette réforme s'oppose aussi à la jurisprudence constante qui veut que l'avis d'un organe consultatif soit obligatoirement collégial.

D'autres chantiers sont évoqués dans ce texte, comme la création d'un « super Conseil supérieur de la fonction publique ». Il s'agirait d'une nouvelle instance de dialogue commune aux trois fonctions publiques, au sein de laquelle le vote ne se ferait pas de manière collégiale. Elle condamnerait le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale à jouer les seconds rôles et viendrait limiter le rôle des employeurs de la fonction publique territoriale, ce qui est inacceptable. Si les modalités de création du Conseil dit parfois « supra » devaient être maintenues, cela confirmerait l'existence d'un néo-jacobinisme qui n'est pas de mise et d'une défiance vis-à-vis des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Pourtant, la création d'une instance commune de concertation aux trois conseils supérieurs est indispensable pour traiter les questions transversales aux trois volets de la fonction publique et pour s'interroger sur leurs relations. Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale s'est ainsi prononcé pour réclamer la création d'une instance commune où tous les agents publics et tous les employeurs pourront être représentés à égalité. À cet égard, je me réjouis que la commission des lois ait bien voulu adopter à l'unanimité, après que son rapporteur a émis un avis favorable, le vocable de « conseil commun » que j'avais proposé.

Le projet de loi prévoit que les élections aux instances de dialogue social auront désormais lieu tous les quatre ans, comme c'est déjà le cas dans la fonction publique hospitalière. Actuellement, cette périodicité est de six ans pour les élections dans la fonction publique territoriale et de trois ans dans la fonction publique d'État. Cette modification doit permettre la tenue d'élections professionnelles simultanées dans toute la fonction publique. Seulement, dans la fonction publique territoriale, la durée du mandat des représentants du personnel correspond à celle des représentants des collectivités territoriales, puisque les élections des conseils municipaux, généraux et régionaux ont lieu tous les six ans. Ainsi, chaque composante tire sa légitimité des élections, ce qui n'est pas le cas dans les instances de la fonction publique de l'État où les représentants de l'administration ne sont pas élus mais désignés.

Outre que cette disposition déconnecterait le mandat et le programme des représentants du personnel de ceux des élus des collectivités, elle renchérirait de manière non négligeable le coût des élections professionnelles puisqu'en douze ans, les collectivités territoriales auraient à procéder à trois élections au lieu de deux actuellement. Je suis surpris que le ministre qui, hier encore, était chargé du budget et des comptes publics n'ait pas été attentif à cette disposition qui va augmenter le coût des élections pour les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Alors que l'État désigne les dépenses publiques locales comme la source des déficits publics, un tel changement, représentant une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales en termes de coût et de moyens à mobiliser, ne s'impose absolument pas, d'autant qu'il est rejeté par l'ensemble des employeurs locaux qui souhaitent maintenir le statu quo.

Je comprends les fonctionnaires, notamment ceux de l'État, qui souhaitent qu'un rendez-vous électoral se tienne tous les quatre ans – il s'agit d'ailleurs d'un des éléments de l'accord syndical du 2 juin 2008 –, mais les collectivités territoriales ont un autre rythme, et il me semble légitime que le Gouvernement le respecte.

Les élus locaux ont apporté de longue date la preuve de leur attachement au dialogue social, que ce soit au niveau national ou au niveau local. Nier cette spécificité constitue à la fois un retour en arrière et, surtout, le signe d'une volonté forte de reprise en main par l'État d'un pan essentiel de la gestion publique locale.

C'est grave et c'est faire un contresens, car le paritarisme n'est pas un effet d'annonce. C'est une contrepartie au fait que les fonctionnaires sont placés dans une situation statutaire régie par la loi et le pouvoir réglementaire. Ils ne sont pas en mesure de négocier un contrat de travail et de se référer à une convention collective, fruit du dialogue social. C'est la raison pour laquelle, depuis 1946, les partenaires sociaux et les employeurs publics sont consultés pour avis, en amont de la publication des textes législatifs et réglementaires relatifs au statut.

Monsieur le ministre, vous avez cité Maurice Thorez pour nous rappeler que le paritarisme a été introduit pour la première fois en France par la loi du 19 octobre 1946 relative au statut de la fonction publique. Cette loi s'est accompagnée de la mise en place d'instances paritaires de concertation, dont la création constituait une réponse à l'exigence des fonctionnaires de se voir reconnaître des droits, comme tous les salariés. En effet, les missions et les obligations des agents publics sont définies par la loi et des décrets, et non par un contrat dont chaque agent pourrait négocier les termes à son embauche. Le paritarisme est alors l'outil qui leur est reconnu pour qu'ils soient consultés sur leur carrière mais aussi sur l'organisation et le fonctionnement des services. C'est dire combien il est un principe de base de notre fonction publique ; il a d'ailleurs été réaffirmé en 1983 et 1984 en ce qui concerne la fonction publique territoriale.

J'ajoute également que si les accords de Bercy prévoyaient une évolution de la composition paritaire des instances consultatives, en aucun cas la suppression de ce principe républicain n'avait été envisagée dans cette négociation.

Pour la réforme de la fonction publique d'État, bien que le statut et le fonctionnement de la fonction publique territoriale aient été qualifiés d'exemplaires et considérés comme des modèles par les ministres Éric Woerth et André Santini – je m'associe volontiers à l'hommage qui a été rendu au secrétaire d'État, d'autant qu'il est redevenu, du fait de son départ du Gouvernement, l'un de mes sympathiques collègues –, nous assistons à une offensive grave et sans précédent contre le fonctionnement du dialogue social dans les collectivités territoriales et contre les instances paritaires qui en sont le moteur.

C'est pourquoi je crois que cette réforme cherche à atteindre des buts autres que ceux affichés : je pense notamment au contournement de certaines réalités électorales dans les villes, les départements et les régions. En effet, sauf à vouloir étouffer l'émergence d'une représentation collective des employeurs publics locaux, qui vient à peine d'être reconnue par la loi de février 2007, on ne voit pas l'intérêt d'écarter les élus locaux de la concertation paritaire alors qu'ils ont la légitimité naturelle pour assurer cette fonction. D'autant que cette mise à l'écart est contraire au principe constitutionnel selon lequel les collectivités territoriales s'administrent librement.

Priver de droit de vote une des parties représentatives, ce n'est pas « rénover » le dialogue social, c'est revenir en arrière en limitant le dialogue à un seul acteur, l'État, au mépris des quelque 56 000 employeurs publics locaux, qui sont les acteurs de la démocratie sociale dans les collectivités territoriales de notre pays. Au contraire, une rénovation pertinente du dialogue social consisterait à renforcer la représentation collective des employeurs publics locaux, qui n'est pas suffisante ni suffisamment reconnue par le Gouvernement.

Pour conclure, je rappelle que le résultat clair et massif des scrutins des élections régionales des 14 et 21 mars derniers constitue incontestablement un rejet sans appel des réformes engagées par la droite, qui remettent en question la décentralisation et tentent de placer les collectivités territoriales sous la tutelle de l'État, ou plutôt directement sous celle du Président de la République et du Gouvernement.

Il en va de même avec le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui, car dans la fonction publique territoriale, la suppression du paritarisme est un déni et une dénaturation du dialogue social et non une rénovation ou une amélioration, alors même que ce dernier fonctionne.

Mes chers collègues, il y a une incohérence notoire de la part du Gouvernement à vouloir supprimer le paritarisme dans le cadre d'une loi sur le dialogue social. Avouez tout de même qu'il y a antinomie entre les deux ! On va aboutir, si les choses se poursuivent et restent en l'état, à un dialogue social dénaturé et qui n'augure guère de ce fameux dialogue social qui nous tient à coeur dans nos collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Derosier

Le projet du Gouvernement est en totale contradiction avec le pacte et les principes républicains. Il n'apporte pas la démonstration qu'il favorisera le fonctionnement des instances consultatives et qu'il permettra une amélioration de notre fonction publique et du service public.

Il est clair cependant que la modernisation du service public passe avant tout par une réelle rénovation du dialogue social dans la fonction publique, véritable priorité qui doit être un préalable à toute autre réforme concertée et partagée.

En conséquence, mes chers collègues, je vous invite à adopter cette motion de rejet préalable qui permettra à la représentation nationale de protéger nos règles fondamentales. Votre responsabilité est grande ; ne pas voter cette motion de rejet préalable aboutirait à remettre en question dans notre pays tant la République que les libertés fondamentales des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le problème de M. Derosier, c'est qu'il n'aime pas l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'État est votre ennemi. D'ailleurs, à chaque fois que l'on parle de l'État, dans les rangs socialistes, on constate la même chose : vous ne l'aimez pas ! (Mêmes mouvements.) L'État est l'ennemi, et les collectivités locales sont une sorte de paradis, une plage avec des cocotiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Nous craignons surtout ceux qui en ont aujourd'hui la charge !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous nous parlez d'une tutelle de l'État, mais je ne vois rien de tel dans ce projet de loi. J'ai pourtant bien cherché.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Woerth

Monsieur Derosier, vous ne parlez pas de ce texte mais d'un autre, virtuel. Il n'y a pas de tutelle de l'État dans ce projet de loi.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

À ce sujet, il est tout de même paradoxal de constater que les mêmes qui dénoncent une tutelle demandent, dans le même temps, plus d'argent à l'État.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ils veulent plus d'autonomie et réclament que l'État leur donne de l'argent. Monsieur Derosier, je vous l'avoue : c'est assez compliqué de vous suivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Sur ce dossier vous n'avez qu'une idée fixe : la fin du paritarisme. Mais ce n'est pas avec des idées fixes que l'on fait avancer un pays. D'autant plus que ce projet de loi n'est pas la fin du paritarisme ; je me demande bien où vous avez vu cela.

En fait, aujourd'hui, le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État est un peu une mascarade de paritarisme. C'est ce que nous avons voulu dénoncer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

C'est sympathique pour ceux qui y participent !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Au fond, cela ne sert à rien. L'État et le Gouvernement défendent des textes devant les organisations syndicales dans une enceinte où l'on a pour principal souci de voter avec l'assurance que la parité numérique sera respectée et où l'on délègue des fonctionnaires selon les besoins. Mais est-ce cela la réalité d'un dialogue social moderne ? Pas du tout.

Ce qui est naturel, c'est que le Gouvernement vienne avec son texte et le présente aux organisations syndicales. Ensuite, un dialogue s'instaure, en toute responsabilité, puis le vote intervient. Du reste, cette manière de travailler influe sur le comportement des organisations syndicales. Je ne crois pas que l'on doive privilégier l'apparence dans la négociation sociale. Il n'y a rien de pire : un dialogue social moderne ne se fonde pas sur l'apparence.

Dans la fonction publique territoriale, c'est un peu différent. Vous qui êtes président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, monsieur Derosier, vous savez comment cela se passe. En réalité, dès que le Gouvernement présente un texte, vous en faites un texte totalement politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Parce que vous, vous ne faites pas de politique ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et vous tentez de liguer le collège des employeurs et celui des syndicats dans le but ultime que ce texte apparaisse comme n'ayant pas été voté. Ce n'est pas du tout la bonne manière d'envisager le dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Pourquoi Pélissard dit-il la même chose que nous ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous, nous vous disons, monsieur Derosier, que vous allez garder le collège des employeurs au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Nous garderons également le collège syndical, bien entendu. Chacun pourra s'exprimer, les syndicats donneront leur avis et les employeurs le leur, mais ils ne voteront pas ensemble. Il me semble assez naturel de procéder ainsi, et je ne comprends pas du tout les reproches que vous adressez à ce texte.

Je les comprends d'autant moins que celui-ci a été signé par la quasi-totalité des organisations syndicales.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce texte n'émane pas de l'État ; il est l'aboutissement de la négociation sociale entre celui-ci et les organisations syndicales. En réalité, vous êtes très gênés, car, au fond, vous n'êtes pas d'accord avec elles.

Quant à la pollution du texte que vous avez évoquée, elle provient des 5 000 amendements totalement ridicules que le groupe socialiste a déposés ; il sera du reste très intéressant de vous entendre les défendre. Je n'ai en effet jamais vu d'amendements aussi peu créatifs et aussi indignes de la qualité et de la hauteur de vue du texte. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je vous le dis sérieusement : vous n'avez pas abordé ce texte avec la hauteur de vue suffisante. Vous l'avez examiné par le petit bout de la lorgnette et vous avez suivi une idée fixe qui ne correspond en rien au projet de loi.

Nous modernisons fondamentalement le dialogue social. Ce texte est historique pour la fonction publique : il y fait entrer le dialogue social. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Le parti socialiste a peut-être d'autres idées. Toujours est-il qu'il ne l'a pas vu, et c'est dommage. Vous auriez pu rendre hommage à ce texte et saluer le travail approfondi que nous avons mené avec les organisations syndicales, puis, dans un deuxième temps, dénoncer – car vous ne pouvez pas faire autrement – certains points de détail. Mais vous rejetez tout en bloc. Quelle drôle d'idée !

Par ailleurs, vous jugez épouvantable que la fonction publique soit rattachée au ministère du travail…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et vous regrettez qu'un secrétaire d'État à la fonction publique ait été nommé. Mais, auparavant, vous vous plaigniez que la fonction publique soit rattachée à Bercy et vous vous offusquiez qu'il n'y ait pas de secrétaire d'État à la fonction publique. Je ne sais donc pas très bien ce qu'il faut faire.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En tout cas, je constate que le ministère de la fonction publique est extrêmement vivant. Nous avons en effet signé un nombre d'accords tout à fait considérable – que ce soit dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail ou dans celui des négociations salariales – ; nous avons organisé une multilatérale sur l'agenda social, qui a permis de mener un travail extrêmement approfondi avec l'ensemble des organisations syndicales ;…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…nous avons travaillé sur l'évolution des grilles, et j'en passe. Bref, nous avons travaillé sur l'ensemble des domaines de la fonction publique comme cela n'avait jamais été fait.

J'ajoute, monsieur Derosier, que les employeurs sont systématiquement invités, ce qui n'était absolument pas le cas auparavant. Alors, exprimez-vous, donnez votre opinion d'employeur avec la hauteur de vue nécessaire, au lieu de faire systématiquement de la politique de bas étage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n'avons aucune leçon de méthode à recevoir, ni sur la forme ni sur le fond.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je pense notamment aux éléments que nous avons ajoutés aux accords de Bercy : le Gouvernement est tout de même libre de décider du contenu du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Et le peuple est libre de sanctionner le Gouvernement comme il l'a fait !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Il respecte totalement l'esprit des accords de Bercy, ainsi que nous l'avons dit aux organisations syndicales. Et je remercie les parlementaires, le rapporteur et le président de la commission de les avoir également respectés. Ces accords ont été signés avec les organisations syndicales…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et ils feront considérablement évoluer la façon de traiter le dialogue social dans la fonction publique.

Par ailleurs, nous avons d'autres textes, que vous ne dénoncez pas ; je pense à l'application de l'accord sur la sécurité au travail. Sur le texte relatif à l'intéressement collectif, qui a fait l'objet d'une longue négociation avec les syndicats, nous n'avons pas pu aboutir à un accord : le Gouvernement assume sa responsabilité d'employeur et soumet ce texte au vote de la représentation nationale.

Quant aux infirmiers et aux infirmières, ce sont bien des fonctionnaires, non ? Ils appartiennent bien à la fonction publique hospitalière…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…et ils ont bien le droit, à un moment donné, de trouver refuge dans un texte de loi qui fait évoluer leur statut, comme ils l'attendent depuis bien longtemps. Ce statut, qui a été négocié pendant deux ou trois années par la ministre de la santé, a fait l'objet d'un travail considérable.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cela fait des années que les infirmières attendaient la revalorisation de leur statut ; elles l'ont obtenue.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

On ne peut pas toujours avoir le beurre et l'argent du beurre, monsieur Derosier. Ce n'est pas ainsi qu'un responsable politique doit se comporter. Vous devez faire preuve de plus d'esprit de responsabilité : vous serez davantage entendus.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Pour ces différentes raisons et pour toutes celles que je n'ai pas citées, je vous demande de voter contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morel-A-L'Huissier

J'ai dit, en commission – et vous ne l'avez pas précisé –, que je soutenais, sur le fond, l'article 30. Simplement, vous vous focalisez sur cet article et, ce faisant, vous polluez quelque peu le travail que j'ai pu faire avec les syndicats. Je tenais à être très clair vis-à-vis de ces derniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Pascal Terrasse, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Le groupe SRC votera la motion de rejet préalable défendue par notre collègue Bernard Derosier.

S'il est vrai que le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique a suscité de nombreuses interrogations, je suis au moins d'accord avec M. le ministre sur un point : l'accord de Bercy a été signé par six organisations syndicales au mois de mai 2008 et il est censé ouvrir une nouvelle ère de la démocratie sociale dans la fonction publique. Toutefois, seuls les syndicats de la fonction publique d'État y ont participé : les organisations syndicales de la fonction publique territoriale et celles de la fonction publique hospitalière n'ont pas signé l'ensemble de ces accords. Il ne s'agit donc pas d'accords de confédérations, mais d'accords d'organisations syndicales de la fonction publique d'État.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce sont bien des syndicats de la fonction publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Leçon d'instruction civique : il existe trois fonctions publiques, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Faut-il rappeler, monsieur Woerth, que le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, dans lequel siègent des membres de la majorité et de l'opposition, a émis, sur ces propositions, des avis très divergents. On ne peut pas les balayer d'un revers de main.

Par ailleurs, je comprends que l'État souhaite retrouver un point d'appui pour l'organisation du dialogue social, car il est réputé unique dans son dialogue avec les organisations syndicales. Mais il n'en va pas tout à fait de même pour les collectivités territoriales. Il existe en effet plus de 50 000 employeurs locaux. Dès lors, organiser le dialogue social dans le cadre du paritarisme tel que vous nous le présentez revient en réalité à mettre les élus locaux sous tutelle, ainsi que l'indiquait tout à l'heure Bernard Derosier.

J'ajoute qu'en matière de dialogue social, l'article 30 du projet de loi, portant réforme du statut des infirmières, n'est pas de nature à nous rassurer. Nous avons en effet le sentiment qu'avec cet article, vous préparez petit à petit les esprits à la réforme des retraites à venir. Soyons clairs ! Je veux bien que nous échangions des arguments, mais il est pour le moins cavalier d'introduire dans le texte un article qui, à lui seul, vient modifier profondément le statut des infirmières, lesquelles, je le rappelle, travaillent non seulement dans la fonction publique hospitalière, mais aussi dans la fonction publique territoriale, lorsqu'elles sont employées dans des maisons de retraite qui ont le statut de CCAS. Sur ce sujet, il eût été préférable qu'un débat ait lieu avec les organisations syndicales : il se serait alors agi de dialogue social.

En réalité, vous transposez en droit français une directive européenne qui vous obligeait à faire en sorte que le diplôme d'infirmière soit reconnu au niveau de la licence.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Dès lors, je ne vois pas ce que vient faire la problématique des retraites dans ce texte. Que le problème de la pénibilité de la profession soit posé lors du débat sur la réforme des retraites, pourquoi pas ? Mais, en l'état actuel des choses, l'article 30 vient polluer l'ensemble du projet de loi qui nous est présenté et l'accord qui a été validé par les organisations syndicales en 2008.

Vos propos, monsieur le ministre, m'ont paru péremptoires, voire scolastiques, dans un cadre qui suscite des interrogations, étant donné que cet article est examiné après les élections. Je crains que l'on ne nous annonce encore de mauvaises nouvelles et que vous ne soyez en train de désorganiser peu à peu le dialogue social. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera la motion de rejet préalable.

En conclusion, je veux dire à notre rapporteur que je m'étonne de la manière dont, ce matin, nous avons examiné les amendements au titre de l'article 88. En effet, l'opposition était majoritaire et la quasi-totalité des amendements n'ont pas été votés. Si vous considérez que cela ne pose pas de problème… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Mes chers collègues, le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, s'il souffre de manques et d'insuffisances, contient néanmoins des avancées, qui sont le fruit du dialogue et de l'accord des partenaires sociaux. Nous aurions donc pu l'accueillir positivement.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'eût été étonnant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Mais vous avez décidé, par une lettre rectificative adoptée le 23 février dernier en conseil des ministres, d'introduire dans ce texte l'article 30. On a parlé à ce propos d'une « pollution du texte » : c'est le moins que l'on puisse dire, compte tenu de l'offensive en cours. Bien entendu, nous ne pouvons absolument pas accepter l'introduction de cet article 30,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Nous nous y opposerons donc de toutes nos forces. La motion de rejet préalable me paraît ainsi tout à fait justifiée et, dans ce contexte, nous la soutiendrons. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Mes chers collègues, je me suis efforcé, comme vous, de suivre Bernard Derosier dans son développement. J'avoue ne pas y être toujours parvenu, car il me semble que sa démonstration présente un certain nombre de contradictions ; j'en vois au moins deux.

La première concerne les délais. D'un côté, il reproche au Gouvernement d'avoir trop attendu – l'accord de Bercy a pratiquement deux ans –, de l'autre, il lui reproche de ne pas avoir attendu que la négociation aille jusqu'à son terme sur l'article 30 et les différents sujets abordés dans les amendements gouvernementaux.

C'est une contradiction évidente. Soyons clairs : si nous donnons la priorité à la négociation et nous efforçons d'aboutir à un accord avec les représentants du personnel, il vient toujours un moment où le Gouvernement doit décider. Lorsque la négociation s'enlise, c'est à lui qu'il revient de trancher. C'est ce qu'il nous propose de faire, et nous pourrons dire, lors du débat qui va avoir lieu, dans quelles conditions nous le suivons dans cette démarche.

L'accusation qui nous est faite de succomber à la « tentation jacobine » est une deuxième contradiction. Car, au fond, que nous est-il reproché, si ce n'est de légiférer ? Je rappelle que le statut général de la fonction publique territoriale ne peut être fixé que par la loi, c'est-à-dire par le législateur. C'est là un effet de la décentralisation : le premier statut général de la fonction publique territoriale a bien été adopté sous une majorité de gauche, afin d'assurer aux fonctionnaires territoriaux l'égalité sur l'ensemble du territoire national, ainsi que la possibilité de mobilité.

Quant au contenu de la loi, le texte qui nous est soumis fixe un certain nombre de règles, applicables en particulier à la fonction publique territoriale. Pour autant, en ce qui concerne la prime de fonction et de résultat ou l'intéressement, le texte n'impose aucune obligation aux collectivités territoriales. Il crée des droits, notamment le droit pour les fonctionnaires territoriaux de bénéficier de dispositifs déjà applicables – ou ayant vocation à l'être prochainement – à la fonction publique de l'État. Aucune contrainte n'est imposée aux collectivités territoriales, et l'on ne présume pas le contenu des accords qui interviendront entre les employeurs territoriaux et les agents.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur le paritarisme, mais je pense que nous aurons l'occasion d'y revenir. Je suis frappé par le contraste entre l'attitude de l'opposition et le sens des responsabilités dont ont fait preuve les organisations syndicales en portant un regard très concret sur la manière dont les choses se passent, d'une part en maintenant le paritarisme là où il fonctionne bien, c'est-à-dire au sein des commissions administratives paritaires, là où l'on examine les situations individuelles ; d'autre part, en tirant les conséquences du fait que, pour ce qui est de l'organisation et du fonctionnement des services, le paritarisme ne fonctionne pas. Dans cette deuxième situation, il faut trouver une autre façon de s'assurer que les différentes sensibilités existant au sein des organisations syndicales puissent s'exprimer en toute liberté.

J'ajoute que la commission des lois a voté un amendement permettant, d'une certaine manière, le rétablissement du paritarisme dans ce domaine pour les collectivités territoriales qui le souhaitent, ce qui constitue de notre part une marque supplémentaire de respect de leur libre administration.

C'est un texte important qui nous est soumis. Je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit, comme le disent certains, d'un texte historique, puisque c'est effectivement le premier texte de cette nature traitant du dialogue social depuis le statut général de la fonction publique de 1946. M. Derosier évoquait la chance qui est la nôtre de disposer d'un accord majoritaire des syndicats. Ce n'est pas une chance, mais simplement la constatation d'analyses convergentes, dont nous nous félicitons. Vous auriez sans doute préféré que ce texte de loi soit proposé par une autre majorité, mais vous voudrez bien nous permettre de nous intéresser à la fonction publique territoriale, à la fonction publique de l'État et à la fonction publique hospitalière avec autant d'attention et de bienveillance que vous. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous avons terminé les explications de vote.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. De justesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la fonction publique constitue aujourd'hui, à en croire toute l'attention qui lui est portée, un grand sujet de préoccupation pour le Gouvernement : celui-ci intervient en effet dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de la modernisation de la fonction publique, de la révision générale des politiques publiques ou, maintenant, de la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

Il est vrai qu'à entendre le Gouvernement, on pourrait croire que derrière ces mots et à la suite de chacune de ces annonces se bâtit une nouvelle ère, faite de dynamisme et de modernité pour la fonction publique. Mais il ne faut pas se laisser bercer par la magie des mots, car les faits sont tout autres. Il y a d'abord votre décision de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant en retraite,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…ce qui conduit à une réduction drastique et très préjudiciable des effectifs, dont les effets se font sentir quotidiennement auprès de nos concitoyens, mais aussi dans les conditions de travail des fonctionnaires.

Il y a ensuite le mépris que vous affichez à leur égard, par des pratiques inqualifiables qui illustrent d'ailleurs davantage votre faiblesse que votre détermination. Certes, nous nous réjouissons des avancées importantes obtenues par les syndicats lors de la négociation des accords de Bercy et qui sont, pour l'essentiel, retranscrites dans le présent projet de loi.

La place reconnue à la puissance publique en France a toujours justifié la prédominance du principe hiérarchique dans son organisation et le contenu du statut des fonctionnaires, dont les missions sont spécifiques. Les règles du dialogue social ont été conçues comme un compromis visant à contrebalancer une subordination statutaire rigide par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires.

Ce choix, qui a ses avantages, notamment en matière de carrière, d'égalité de traitement et de stabilité de l'emploi, a malheureusement empêché le développement dans le secteur public d'une véritable culture de négociation sur les conditions de travail, lesquelles, avec votre politique dogmatique de réduction des effectifs et la maigreur des moyens alloués à la formation et au renouvellement des outils de travail, se sont profondément dégradées.

Si des accords partenariaux existent, ils ne sont, à ce jour, pas véritablement opposables par les fonctionnaires, dont la situation relève du règlement. Cela entraîne, comme le soulignait le rapport Chertier en 2006, une « conflictualité devenue éruptive » et pèse sur les relations sociales dans tout le pays. Il est donc impératif d'aller plus loin, en créant les conditions d'une meilleure maîtrise par les fonctionnaires de leurs conditions de travail, à l'image de ce qui s'est fait dans d'autres secteurs.

De ce point de vue, nous apprécions, par exemple, que vous entendiez généraliser la logique de l'élection aux organisations syndicales de fonctionnaires. Les élections aux comités techniques associeront l'ensemble des personnels titulaires et contractuels. Leurs résultats serviront de base au calcul de la représentativité syndicale, pour que la voix de chacune et chacun soit prise en compte à tous les niveaux.

Prévue dans le statut de 1983, mais supprimée par une majorité parlementaire semblable à celle d'aujourd'hui, la création d'une instance de dialogue social commune aux trois fonctions publiques, longtemps attendue, constitue également un progrès appréciable. Les trois versants de la fonction publique étaient auparavant déconnectés au moment des négociations, alors qu'ils faisaient face aux mêmes enjeux. Il était donc indispensable qu'une instance les réunissant leur permette de dialoguer autour de la même table.

Il faut aussi saluer la reconnaissance des compétences acquises dans l'exercice d'un mandat syndical au titre des acquis de l'expérience professionnelle. Les formations reçues et les actions menées dans le cadre des activités syndicales constituent indubitablement des savoir-faire et des connaissances susceptibles d'être un « plus » pour les pratiques professionnelles. Elles s'inscrivent donc désormais dans l'évolution des carrières et auront pour effet de les conforter, ce qui, je l'espère, encouragera l'engagement des agents dans la vie syndicale et dans le mouvement social.

Cependant, ces avancées ne sauraient faire oublier une régression importante : un pas en avant, deux pas en arrière. Le relevé de décisions des accords de Bercy parlait d'une évolution du paritarisme. Or cette évolution s'est transformée en une suppression totale, tout à fait dommageable, de celui-ci,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…ce que les syndicats n'ont évidemment pas approuvé. En effet, au travers de ce texte, le Gouvernement supprime le paritarisme au niveau des comités techniques paritaires, des conseils supérieurs, ainsi que dans l'instance commune à ces trois conseils supérieurs.

La rénovation du dialogue social dans la fonction publique risque donc de commencer par un dialogue de sourds, ce qui est bien dommage. L'exposé des motifs du projet de loi parle de « tournant historique » de « consensus sans précédent », de « modernisation profonde », d'une « nouvelle ère de la démocratie sociale », autant d'envolées verbales qui cachent mal la réalité de votre acharnement à démanteler la fonction publique, à dévaloriser et à mépriser ses agents, comme en témoigne l'introduction, au dernier moment, de la lettre rectificative.

Avec le texte ratifié le 2 juin 2008 par la majorité des syndicats, vous auriez pu vous féliciter d'avoir obtenu sinon l'unanimité, au moins un large soutien sur les bancs de cet hémicycle. Vous avez fait un autre choix, celui d'utiliser ce véhicule législatif en anticipant à la fois sur la réforme des retraites et sur le dossier de la pénibilité, afin de porter atteinte aux droits des personnels des établissements publics de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Bien évidemment, ceci remet en cause l'économie globale du projet de loi, ainsi que l'approche que nous en avions.

Par lettre rectificative du Premier ministre, adoptée en conseil des ministres le 23 février dernier, un article 30 a été ajouté à ce projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique. Cet article est hors sujet. Que viennent faire des dispositions statutaires concernant les professions paramédicales dans un texte qui organise le dialogue social dans la fonction publique ? Cet article est également « hors sol », si je puis dire : pourquoi ne pas attendre les négociations sur la pénibilité et sur les retraites, menées pour l'ensemble des salariés, qui devront de toute façon déboucher sur des textes de loi ? Pourquoi exclure certaines professions du dispositif – les infirmières scolaires, par exemple – et traiter séparément, avec tant de précipitation, le cas d'autres corps de la fonction publique hospitalière ? Pourquoi ne pas mener une réflexion plus globale à partir des conclusions à venir du rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la formation des auxiliaires médicaux ?

La réponse est simple : vous voulez imposer les mesures injustes sur lesquelles vous savez que vous n'obtiendrez pas d'accord par le dialogue social. Et pour cause : l'article 30, intitulé « Dispositions diverses relatives à la fonction publique », est présenté comme la traduction législative du protocole d'accord « Négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière » du 2 février dernier, sous-entendant que ce protocole aurait été validé par les syndicats. Or toutes les organisations représentatives – je dis bien toutes – se sont prononcées contre son volet salarial. Ce protocole n'a été signé dans son intégralité que par le Syndicat national des cadres hospitaliers, un syndicat ultra-minoritaire que vous avez pris soin « d'inviter » aux négociations et qui, en tant qu'invité, a pris part au vote – un vote qui, comme par hasard, est le seul dont vous tenez compte !

Cet article 30 est une véritable provocation, car non seulement il constitue un déni de la réalité des négociations, mais il entre en parfaite contradiction avec le texte dans lequel il a été inséré. Je rappelle que celui-ci consacre le principe majoritaire, principe selon lequel, pour être valable, un accord doit être signé par 50 % au moins des organisations syndicales représentatives.

Le groupe GDR a reçu, il y a peu, des représentants des professionnels concernés. Le mouvement qu'ils ont entamé est profond, large et soutenu par les usagers. Cependant, vous refusez toujours de les entendre. Tous ont insisté sur le mépris avec lequel ils sont traités au sujet de ce dossier.

Obligation d'adhérer à un ordre professionnel qu'ils rejettent, non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, dégradation des conditions de travail et, à présent, remise en cause des droits acquis en matière de retraite : l'exaspération est à son comble chez les professionnels, et je les comprends.

Dans un tel contexte, il n'est pas étonnant d'assister à une crise des vocations dans les corps de métiers concernés. Infirmières et infirmiers spécialisés, aides-soignants, rééducateurs, diététiciens, masseurs kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens : toute la filière soignante et de rééducation – c'est-à-dire le personnel non médical des hôpitaux – relève actuellement de différents corps appartenant à la catégorie B de la fonction publique. Il est clair que le niveau actuel de leur rémunération est très insuffisant compte tenu à la fois de leurs diplômes – bac + 3, voire + 5 et + 6 pour les plus spécialisés –, de leurs qualifications, du caractère hautement technique de certaines de leurs missions et des responsabilités qu'ils assument et qui pèsent sur eux.

Ainsi, une infirmière diplômée d'État gagne 1 584 euros nets par mois en début de carrière et 2 499 euros en fin de carrière, soit un salaire supérieur au SMIC de 11 % contre 24 % en 1986... C'est dire à quel point la revalorisation de ces métiers est nécessaire et juste !

Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était candidat à la présidence de la République, s'était adressé en ces termes aux infirmières, dans un courrier daté du 2 mai 2007 : « Je mesure la pénibilité croissante de vos conditions de travail, en ville comme à l'hôpital, de même que la contribution irremplaçable des infirmières et infirmiers au bon fonctionnement de notre système de santé et à la permanence des soins. »

Vous-même, madame la ministre, avez déclaré il y a peu : « Les compétences que les personnels ont en propre et les responsabilités qui leur incombent tout au long de leur carrière méritent d'être pleinement reconnues, tout comme leur place au coeur de notre édifice de soins »,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

… avant d'annoncer une revalorisation « d'une ampleur inégalée ».

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Mais que reste-t-il de tous ces beaux discours sur le dévouement et le professionnalisme des salariés lorsqu'on analyse vos actes de plus près ?

Le protocole d'accord prévoit la création d'un nouveau corps des infirmiers, classé en catégorie A, et bénéficiant d'une nouvelle grille indiciaire. Nous y sommes bien sûr favorables : c'est légitime compte tenu des éléments que je viens d'évoquer. La revalorisation salariale liée au changement de statut de la catégorie B à la catégorie A est prévue pour janvier 2011.

Mais que dire des chiffres annoncés en commission des affaires sociales concernant l'augmentation effective des salaires ? Erreur ? Tromperie ? En tout cas, ils sont d'ores et déjà contestés par les premiers intéressés. À partir de 2015, les infirmières devraient être augmentées « de 2 000 euros nets par an en début de carrière, et de près de 4 000 euros en fin de carrière », dites-vous. Mais il n'a pas été précisé que ces sommes correspondent à la création de trois nouveaux échelons que personne n'aura sans doute atteints en 2015... Ainsi, dans cinq ans, il faudra encore attendre neuf ans pour espérer obtenir l'augmentation promise. En résumé, vous dites aux professionnels concernés et à leurs familles que dans quatorze ans, peut-être, ils bénéficieront d'une augmentation de revenus correspondant à leur niveau de diplôme et de qualification.

Et je ne parle pas des inégalités entre les différentes spécialités. Pourquoi ceux qui ont fait la formation la plus longue seront-ils moins augmentés que les autres ? C'est par exemple le cas des puéricultrices ou des infirmiers anesthésistes. Ces derniers cumulent d'ailleurs les injustices : avec un niveau d'étude à bac + 5, ils sont reconnus au niveau d'une licence au lieu d'un master. Déjà classés en catégorie A, vous leur proposez, pour seule évolution, la perte de leurs acquis relatifs à l'exercice en catégorie active et une revalorisation inférieure à celle des autres professions.

À ces chiffres fantaisistes, qui ne trompent pas les professionnels, s'ajoute l'inadmissible et dégradant chantage auquel vous vous livrez. Vous exigez en effet une contrepartie à cette juste revalorisation : le passage de ce nouveau corps de la catégorie « active » – avec possibilité de départ à la retraite à 55 ans – à la catégorie « sédentaire » – avec départ à la retraite à 60 ans et une limite d'âge portée à 65 ans.

Les nouveaux fonctionnaires qui obtiendront leurs diplômes à partir de 2012 passeront automatiquement en catégorie A et seront directement soumis à ce régime.

Pour les personnels en poste, un droit d'option sera ouvert. Ils devront choisir entre le maintien dans l'ancien corps, ce qui revient à renoncer à la revalorisation qui leur est due, et l'intégration dans le nouveau corps, ce qui revient à renoncer aux droits qu'ils ont acquis au cours de leur carrière en travaillant auprès des patients.

Exit alors la possibilité de bénéficier du départ en retraite à 55 ans, pour 15 ans en catégorie active ou parce qu'ils ont exercé dans un corps dont l'âge de départ était de 55 ans.

Exit la majoration de durée d'assurance d'une année par période de dix ans passée en catégorie active prévue par la loi Fillon de 2003.

De surcroît, ils seront sommés de réfléchir vite puisqu'ils n'auront que six mois pour choisir entre la peste et le choléra. C'est du jamais vu ! Lorsqu'il a été proposé aux instituteurs de devenir professeurs des écoles, ils ont pu bénéficier d'un droit d'option ouvert à vie.

Ce n'est pas seulement un marché de dupe : c'est un chantage qui ne vous honore pas et qui laisse entrevoir à tous les agents la manière dont vous appréhendez la pénibilité, voire la souffrance, qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur profession. À l'aube d'une réforme globale des retraites, cette conception nous paraît inquiétante.

Tout se passe comme si le passage en catégorie A faisait disparaître la pénibilité reconnue lors de l'exercice en catégorie B ! On croit rêver !

Vous considérez par ailleurs que l'on peut compenser la fatigue et les effets néfastes de conditions de travail difficiles par de l'argent. Mais c'est faux. Aucune revalorisation salariale ne peut effacer les préjudices de santé liés au travail.

Comment peut-on justifier une telle mesure lorsque l'on sait que, selon les données de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une infirmière sur quatre est en invalidité au moment de son départ à la retraite et 30 % des aides-soignantes sont en invalidité autour de l'âge de 48 ans ?

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce n'est pas vrai ! Comment pouvez-vous dire une chose pareille ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Apparemment, nous n'avons pas les mêmes chiffres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Et nous ne rencontrons pas les mêmes salariés.

Ne pas reconnaître le caractère pénible de ces professions qui doivent assurer un service continu, de jour et de nuit, avec de surcroît des conditions d'exercice qui se dégradent tous les jours, est complètement irresponsable. Non seulement les services sont en sous-effectif permanent et les personnels en congé ne sont pas remplacés, ce qui augmente la charge de travail, mais on demande aux personnels non médicaux de faire des gestes nouveaux dans des domaines parfois très pointus, comme l'anesthésie, sans formation spécifique et à la limite de la légalité, sans bien sûr la rémunération qui en découle.

Avez-vous déjà entendu parler du burn out, dans les services ? Connaissez-vous les situations d'épuisement émotionnel, jointes au faible sentiment de compétence et de reconnaissance de l'effort accompli dans le travail ? Nous en doutons.

Toutes ces décisions concernant les fonctionnaires sont graves pour eux et ont un impact sur la qualité des soins. À l'hôpital Trousseau par exemple, le manque d'effectifs et le rythme effréné imposé aux personnels empêchent l'accueil personnalisé des familles dont les jeunes enfants souffrent de maladies très graves mettant en jeu le pronostic vital. Un professeur me disait récemment que cela déshumanisait la prise en charge. Que deviendra l'excellence de l'AP-HP avec 4 000 postes en moins comme vous tentez de l'orchestrer ?

Lorsque vous attaquez les agents de la fonction publique, c'est le service public que vous mettez en cause en dégradant les conditions d'accueil et la prise en charge des patients, au risque de porter atteinte à l'accès aux soins pour tous, et donc à l'intérêt général.

En outre, avec les mesures que vous préconisez, vous prenez à ces personnes ce qui leur reste après la vie professionnelle. La moyenne d'âge du départ en retraite chez les infirmières est actuellement de 56,7 ans. Compte tenu de la pénibilité, qui s'accentue, beaucoup ne pourront atteindre l'âge ouvrant droit à une retraite à taux plein. Le montant de leur pension en sera abaissé d'autant.

Enfin, s'ils ne sont pas tout à fait convaincus de votre cynisme, je conseille aux citoyens et professionnels de regarder attentivement l'étude d'impact qui accompagne ce texte. Selon cette étude fournie par le Gouvernement, l'impact financier de la réforme indiciaire et du classement en catégorie A serait de 100 millions d'euros en 2011 et de 200 millions en 2012. Quant aux « effets retraite » de cette réforme, les économies attendues pour la CNRACL seraient de 90 millions en 2011, de l84 millions en 2012 et de 439 millions en 2015. Autrement dit, la remise en cause de la pénibilité financera la revalorisation salariale annoncée. Les fonctionnaires payeront eux-mêmes leur augmentation de salaire par la baisse de leur pension de retraite !

Je ne suis pas une adepte des excès de langage, mais je dois dire qu'avec cet article 30, vous atteignez le paroxysme du mépris, tant sur la forme que sur le fond. C'est une honte. Ce sentiment est très largement partagé par la profession si j'en juge par les milliers de pétitions que nous avons recueillies et que nous sommes chargés de vous remettre. Vous devez mesurer à quel point ces salariés sont outrés par le marché de dupe qui leur est proposé et la façon dont il a été introduit dans le présent texte.

Vous dites, madame la ministre, que vous négociez depuis plusieurs années et que vous vous félicitez de l'approbation de la profession. Nous ne devons pas voir les mêmes professionnels : ceux que nous avons rencontrés non seulement ne sont pas d'accord, mais sont outrés par vos propositions.

La manipulation et la remise en cause des acquis des personnels non médicaux n'ont rien à faire, en tout état de cause, dans un texte sur le dialogue social dans la fonction publique.

C'est donc pour supprimer l'article 30 que nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je ne vais pas répéter à Mme Fraysse l'argumentation que j'ai largement développée dans mon intervention liminaire. Je voudrais simplement lui donner les chiffres de la CNRACL. Il faut arrêter les querelles et les polémiques car ces chiffres sont parfaitement clairs.

Premièrement, l'espérance de vie des infirmières – puisque c'est un des premiers éléments, même si ce n'est pas le seul, permettant d'évaluer la pénibilité d'une profession – est tout à fait similaire à celle de l'ensemble des femmes françaises.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'invalidité dans la fonction publique hospitalière, le pourcentage de départs en invalidité pour les infirmières et infirmiers de la fonction publique hospitalière est en très forte diminution depuis quinze ans : il est passé de 7,8 % en 1993 à 4,1 % en 2008, soit une diminution de moitié. Par ailleurs, ce taux est toujours très nettement inférieur – et le constat s'est confirmé ces dernières années, entre 2006 et 2008 – à celui que l'on observe en moyenne dans la fonction publique hospitalière, qui est de 6,3 %, ainsi dans la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale.

Je le répète, il s'agit là des données officielles de la CNRACL. Je tenais à rétablir la vérité pour éviter toute polémique. Il est évidemment préférable, pour que nous ayons un débat de bonne tenue, que les chiffres soient intégralement vérifiés par un opérateur extérieur. Ne nous envoyons donc pas de chiffres à la figure : ceux que je vous ai donnés sont les bons !

Bien entendu, mesdames et messieurs les députés, pour les raisons que j'ai exposées tout à l'heure, je ne vous invite pas à voter la motion de renvoi en commission défendue par Mme Fraysse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État – et je n'oublie pas M. le ministre Woerth, qui doit lui aussi prêter une oreille attentive à ce que nous disons –,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Et même les deux, monsieur Roy !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…j'ai, comme mes collègues, bien écouté les explications des uns et des autres, notamment celles de la majorité. J'ai entendu dire qu'il s'agissait d'un texte historique, d'une immense conquête sociale, d'un projet pour ainsi dire fondateur d'un nouveau dialogue social. Fichtre ! Pourtant, lorsque l'on regarde la réalité de ce qui est écrit, on se rend compte qu'une fois de plus, elle est bien loin de l'emphase d'une majorité qui a été désavouée par le peuple il y a quelques jours à peine.

D'ailleurs, je pense que ce désaveu cinglant des électeurs français n'a pas été entendu par tous les membres de la majorité. Certains s'en émeuvent et s'en inquiètent – ils ont en effet de quoi – mais ce n'est pas le cas pour d'autres, à l'image de M. Woerth dont nous entendions tout à l'heure les explications. J'ai toujours scrupule à parler d'un absent, mais il aura évidemment connaissance de mes paroles.

Finalement, ce ministre a changé de ministère, mais pas de ton : il est toujours aussi hautain et méprisant envers l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il nous dit en quelque sorte : « Vous n'avez rien compris à ma belle politique », alors que les Français eux-mêmes l'ont désavouée. (Bruits sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, veuillez laisser M. Roy s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce texte montre une fois de plus que votre gouvernement cherche à remettre en cause le service public. C'est chez vous une obsession de vouloir supprimer tout ce qui marche bien collectivement, tout ce qui fait la force de la France républicaine. Ce texte trouve son origine dans votre dogmatisme : rarement on a vu un gouvernement aussi idéologique que le vôtre. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez une volonté affichée et vous vous y cramponnez, comme celui qui, tombant d'une falaise, s'accroche à la liane qui le retient à la vie. Dans votre cas, c'est le dogme de la suppression d'un fonctionnaire sur deux.

Par ailleurs, ce texte est une trahison, un coup bas, un coup de poignard,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ne l'excitez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

… celui qui est porté au moyen d'un article : l'article 30. Vous avez raison d'évoquer Ravaillac : vous avez dégainé une arme qui remet en cause la retraite statutaire des infirmières. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cet article, qui n'a d'ailleurs rien à voir avec l'objet du texte, vous permettra, discrètement – certainement dans la nuit de jeudi à vendredi, et de toute façon à un moment vous permettant de bénéficier d'une certaine confidentialité –, de faire passer une disposition essentielle dans le dos des infirmières. Elles se le rappelleront, je peux vous le dire ! Dès aujourd'hui, elles s'élèvent et s'offusquent. Cela n'augure pas vraiment d'un bel avenir pour ce fameux dialogue social que vous voulez instaurer sur les retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Gilard

Et Martine Aubry, elle a pratiqué le dialogue social pour les 35 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce gouvernement voudrait, en fait, avoir le beurre, l'argent du beurre et l'infirmière qui va avec… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Nous sommes profondément désolés de son attitude.

Mon excellent collègue Bernard Derosier disait qu'avec ce texte vous alliez aussi supprimer le paritarisme et transformer les 56 000 employeurs en « intermittents du dialogue social ». Voilà une trouvaille digne de son talent oratoire, et qui permet de bien résumer l'essence de votre texte.

Je vous invite donc évidemment à voter cette belle motion,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…défendue avec talent, avec brio et avec coeur par Mme Fraysse. On comprenait, en l'entendant, qu'elle était vraiment sensible au sort annoncé des infirmières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Et la brosse à reluire, ça va ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il y a un point sur lequel je pourrais volontiers, en ce qui me concerne, suivre Mme Fraysse. Elle a dit que la réduction des effectifs, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, est une épreuve pour les administrations. Je crois que c'est là une évidence.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mais ça ne concerne pas les infirmières !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

C'est une épreuve pour les ministres (Sourires) ; c'est une épreuve pour les directeurs ; c'est une épreuve pour l'ensemble des fonctionnaires. Mais il y a là – malheureusement, dirais-je – une nécessité, une contrainte budgétaire que ce gouvernement n'est d'ailleurs pas le premier à découvrir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Si ma mémoire est bonne, le premier gouvernement à avoir évoqué cette possibilité était celui du regretté Pierre Bérégovoy. Et à l'époque, la question n'était pas de savoir si on le ferait ou non, mais si c'était un fonctionnaire sur deux partant à la retraite que l'on ne remplacerait pas, ou bien deux sur trois !

Par conséquent, confrontés à cette nécessité, à cette contrainte, nous devons essayer de trouver les meilleurs moyens permettant à l'administration de faire face à la difficulté. Et quel meilleur moyen y a-t-il que le dialogue social ? C'est bien pour cette raison que les négociations de Bercy avaient été engagées ; c'est bien pour cette raison que nous sommes aujourd'hui réunis pour faire entrer dans la législation ce qui a été accepté par les partenaires sociaux. Et par conséquent, je ne vois pas qu'il puisse y avoir là motif à renvoyer ce texte devant la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Je voudrais dire également quelques mots sur l'article 30.

Il est évident que nous aurions tous préféré qu'il y ait un accord majoritaire avec les organisations syndicales. Cela n'a malheureusement pas été possible,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…et il faut en tirer les conclusions. Si l'article 30 ne figurait pas dans ce texte, quelles conséquences en résulterait-il pour les infirmiers et infirmières du secteur hospitalier public ? Elles porteraient sur trois aspects : d'abord, sur la revalorisation indiciaire ; ensuite, sur le statut – actif ou sédentaire – ; enfin, sur les personnels, non pas les entrants, mais ceux qui sont déjà en poste.

Pourrait-on accepter de ne pas procéder à la revalorisation, alors que les études d'infirmière ont été rénovées, que le diplôme est délivré à bac + trois, que toutes les conditions sont réunies pour que les infirmiers et infirmières soient désormais classés en catégorie A ? Sincèrement, ce serait inadmissible.

À propos de la différence entre personnel actif et personnel sédentaire, je voudrais m'élever contre le terme de « chantage » qui a été utilisé tout à l'heure et qui me paraît singulièrement déplacé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Les explications qui ont été données par Mme la ministre sont tout à fait objectives : on ne classe pas un corps dans la catégorie « actif » en utilisant pour s'orienter la technique du doigt mouillé !

Debut de section - PermalienPhoto de Régis Juanico

Vous avez pourtant voté ce classement en 2003 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Cela se fait en fonction d'éléments objectifs, précis, et les informations qui nous ont été données à l'instant établissent très clairement que ces éléments objectifs, malheureusement, n'existent pas. Dès lors, il faut en tirer les conséquences, mais sans porter atteinte à la situation des personnels qui sont actuellement dans ce cas.

Cela me conduit au troisième aspect que j'évoquais, qui montre à quel point le terme de « chantage » est déplacé : on ne fait pression sur personne. Il est du pouvoir du législateur et de l'administration de fixer le cadre statutaire dans lequel sont recrutés et travaillent les agents publics. Par conséquent, c'est ce que nous faisons. Mais ce que nous faisons également pour les personnels en place, c'est leur offrir un droit d'option. Nous ne revenons en aucun cas sur le statut qui est actuellement celui des infirmiers et infirmières. Par conséquent, aucun chantage n'est exercé sur ces fonctionnaires.

Et puisque la gauche prétend avoir un souci aigu de l'équité entre les différentes catégories d'agents – en particulier entre agents publics et agents privés –, je rappellerai qu'il y a, dans le système que nous connaissons actuellement, une inégalité profonde entre les infirmières hospitalières et celles des cliniques privées : elles ont les mêmes diplômes, la même qualification, exercent le même métier, mais elles n'ont pas les mêmes droits en matière d'accès à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Et cela également, c'est une inégalité que le Gouvernement corrige à travers le texte qu'il nous propose : nous faisons un pas vers une plus grande équité.

Pour toutes ces raisons, il n'y a, à mon sens, aucune raison de renvoyer ce texte en commission et le groupe UMP rejettera la motion présentée par Mme Fraysse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marisol Touraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'article 30 du projet de loi. (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et quittent l'hémicycle.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Mes chers collègues, par égard pour notre collègue qui s'exprime, ayez la gentillesse de nous quitter en silence !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

C'est un article ajouté à la va-vite, à la dernière minute, mais qui fait couler beaucoup d'encre et pousse les infirmiers et infirmières dans la rue.

Cet article est paradoxal au regard du titre même que vous avez souhaité donner à votre réforme – rénovation du dialogue social dans la fonction publique – puisque, s'il est présenté devant nous, c'est purement et simplement parce qu'il résulte de l'échec des discussions engagées avec les partenaires sociaux, tout en reprenant point par point la position du Gouvernement, sans juger utile d'y intégrer la moindre des réserves émises par les organisations syndicales.

Concrètement, ce texte prévoit de tirer les conséquences de l'application aux professionnels de santé du secteur public du dispositif dit « LMD », lequel va leur permettre d'obtenir un classement indiciaire plus intéressant. Il vise en outre à reconnaître, bien que de manière limitée, la qualification des infirmiers à au moins bac + trois. Si j'ai dit « d'une manière limitée », c'est que certains d'entre eux, comme les infirmiers anesthésistes, ont déjà aujourd'hui une qualification et une formation supérieure à bac + trois, sans que le texte de loi, à ce stade, en tire la moindre conséquence.

À nos yeux, le plus choquant, dans ce texte, est l'absence de prise en compte de la pénibilité du travail des infirmiers pour la définition des conditions de leur départ à la retraite. Je comprends que, dans ce système, les infirmières et les infirmiers du secteur public se sentent floués et mal aimés. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait déclaré en 2007 : « Malgré les grands services qu'elles rendent à la société, aux patients et à leurs familles, les infirmières et les infirmiers restent, en ville comme à l'hôpital, les oubliés de nos politiques de santé. »

Le caractère admirable du travail qu'ils, et le plus souvent elles, accomplissent n'est pas en cause. Ce n'est pas un hasard si les Français les citent spontanément au rang des professions les plus utiles et les plus aimées. Mais il est urgent de sortir de ce discours compassionnel qui vante le dévouement des infirmiers plutôt que leur compétence, leur engagement plutôt que leur expérience. Nous n'avons plus à faire à des infirmières en cornette, et même si celles-ci méritent toute notre considération et notre soutien, elles ne peuvent à l'évidence plus servir de référence pour une profession qui s'est, depuis, profondément transformée.

Or le texte que vous présentez, sous couvert d'une meilleure reconnaissance du métier à travers la mise en place d'un recrutement à bac + 3 au moins, revient en réalité à le banaliser, à en nier certaines des spécificités, au premier rang desquelles figure la pénibilité du travail accompli, et poursuit en réalité d'autres desseins. Le choix d'en précipiter l'adoption a de quoi laisser perplexe, à quelques mois d'une réforme globale des retraites que l'on annonce décisive. Il est compréhensible que la profession le perçoive comme un geste de défi à son encontre. Un de plus !

Je ne reprendrai pas les caractéristiques, déjà largement évoquées, du texte que vous présentez. Je veux simplement rappeler que les personnels paramédicaux désormais susceptibles d'être classés en catégorie A des fonctions publiques, sont très nombreux : près de 200 000 infirmiers dans la fonction publique hospitalière, 25 000 cadres de santé, moins de 10 000 agents – infirmiers et puéricultrices principalement – dans la fonction publique territoriale et quelques dizaines de professionnels de santé de la pénitentiaire. C'est donc d'abord à l'hôpital public que la réforme proposée va s'appliquer. Aussi est-il naturel que les personnels concernés s'interrogent sur la manière dont l'hôpital public, qui a fait l'objet d'une succession de réformes, a été traité ces dernières années.

Je tiens d'abord à dénoncer une présentation biaisée qui tendrait à faire croire que les infirmiers, s'ils optaient pour la proposition qui leur est faite, bénéficieraient d'une revalorisation égale à 2 000 euros par an, ce qui peut sembler intéressant, voire spectaculaire. La réalité est moins flamboyante et dépend largement du moment de la carrière concerné. Ainsi, un infirmier IDE – infirmier diplômé d'État – classe normale, à seize ans de carrière, n'aura perçu, en 2015, que 35 euros brut d'augmentation,…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…et 49 euros pour vingt ans d'exercice, cela en supposant qu'il fasse le choix de partir à soixante ans. Autrement dit, on ne parle d'une revalorisation de 2000 euros que pour les dernières années de la carrière, et donc, sur une période limitée. En réalité, seuls les échelons 9 à 11 toucheront une augmentation substantielle.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce n'est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Tout cela paraît bien faible au regard des contreparties que vous exigez des personnels.

Il faut bien parler de conflit, compte tenu des multiples courriers que nous recevons et du nombre d'infirmiers qui sont descendus dans la rue la semaine dernière. J'en viens au fond de ce conflit. Cette revalorisation suppose que les personnels de santé concernés acceptent en « échange » de partir à la retraite cinq ans plus tard et, surtout, renoncent à la majoration de durée d'assurance qui leur était accordée depuis la loi Fillon de 2003 en reconnaissance de la pénibilité de leur emploi : pour dix années cotisées, une année supplémentaire se trouvait validée.

Le rapport présenté à la commission des affaires sociales est très clair : la reconnaissance du métier d'infirmier ou de kiné dans le secteur public, qui passe par le recrutement à bac + 3, promesse longtemps attendue et qui satisfait la grande majorité des professionnels, a été l'occasion d'engager des économies pour les régimes de retraite concernés. Selon que 25, 50 ou 75 % des infirmiers susceptibles de liquider leur retraite au cours des dix prochaines années le feront en choisissant la proposition du Gouvernement – soit la revalorisation en catégorie A en échange d'un report de l'âge légal de départ à la retraite et de la suppression de la majoration de durée d'assurance – les économies réalisées par leurs régimes de retraite iraient de 120 à 360 millions d'euros.

Le Président de la République lui-même a expliqué, dans ses voeux aux professionnels de santé, que cette réforme, qui représentait une reconnaissance de ces métiers, avait un coût de 500 millions d'euros. Il s'est bien gardé d'ajouter qu'elle était censée en rapporter près du double ! À l'évidence, les enjeux affichés ne sont pas ceux recherchés. C'est sans doute cette ambiguïté, ou plutôt ce tour de passe-passe, qui provoque une réelle inquiétude sur l'impact de la réforme annoncée et des interrogations sur le nombre de personnes qui partiront à la retraite. Car nous risquons de voir se reproduire, madame la ministre, le même scénario qu'en 2003 et en 2004. Les Français ont eu si peur de se voir appliquer des règles beaucoup plus strictes qu'ils ont été bien plus nombreux à souhaiter partir à la retraite dès lors qu'ils disposaient des droits pour ce faire.

On peut penser que les infirmières et les infirmiers seront si préoccupés des conditions qui leur seront réservées que les plus proches de l'âge possible de départ à la retraite préfèreront partir à cinquante-cinq ans plutôt que de travailler plus longtemps dans des conditions aussi difficiles. Car, à ces cinq ans supplémentaires, s'ajoute la suppression de la majoration de la durée d'assurance. On peut penser que l'objectif affiché de permettre aux infirmières de rester plus longtemps pour faire face au trou démographique auquel l'hôpital public va être confronté ne sera pas atteint.

Trois raisons nous amènent à nous opposer à ce texte et à demander la suppression de l'article 30 : d'abord, le mépris affiché à cette occasion pour les partenaires sociaux ; ensuite, l'inutilité de ces mesures à quelques mois d'une réforme globale des retraites ; enfin, la suppression de toute prise en compte de la pénibilité.

Le Gouvernement parle beaucoup de rénovation du dialogue social, mais là encore la réalité est moins flamboyante. Un rapide retour sur le calendrier des discussions est éclairant : c'est à la fin 2008 que s'est ouverte une concertation sur l'adaptation des études au format LMD. Le 31 juillet 2009, l'arrêté réformant les études d'infirmier est publié sous votre signature, madame la ministre. S'engagent alors des négociations dans la fonction publique hospitalière mais, dès la fin du mois de novembre, vous choisissez d'interrompre les négociations collectives au profit de négociations bilatérales avec chaque syndicat. Cette manoeuvre de division ne suffit pourtant pas et les syndicats quittent la table des négociations le 14 décembre 2009, après un semestre de tentatives de négociation. Cela ne vous empêche pas de poursuivre et de proposer un texte d'accord qui ne sera signé, le 2 février suivant, que par le seul Syndicat national des cadres hospitaliers : la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l'UNSA, Sud, la Fédération française de la santé, de la médecine et de l'action sociale ainsi que le SNPI le rejettent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

C'est néanmoins ce texte qui est présenté au Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière le 12 février suivant, boycotté pour cette raison par la quasi-totalité des organisations syndicales. Dès le 23 février, ce texte est examiné en conseil des ministres, puis déposé et débattu en commission à l'Assemblée nationale le même jour !

Cette rapide chronologie n'a qu'un but : montrer l'incroyable précipitation gouvernementale. Le 25 janvier, dans l'émission Paroles de Français, que vous avez sans doute suivie avec attention, madame la ministre, Nicolas Sarkozy a reconnu…

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je suppose que vous l'avez écouté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Bien sûr ! J'écoute le Président de la République pour savoir ce qu'il a l'intention de faire.

Il a reconnu la pénibilité du travail des infirmières et assuré que ce sujet serait discuté avec les syndicats. Il a déclaré, je le cite : « La pénibilité, on en reparlera avec les syndicats, c'est un problème complexe. » Le sujet était en effet si complexe qu'il fallait attendre un peu avant de rouvrir la discussion. À l'issue du sommet social du 15 février dernier, il indiquait ne pas vouloir passer en force sur la question des retraites. On voit ce qu'il reste de ces belles déclarations : rien, absolument rien ! Cela laisse mal augurer de la suite des discussions sur la réforme des retraites ! Autant expliquer d'emblée que les consultations syndicales ne seront que de façade et n'ont pas pour objectif de rechercher un accord, mais seulement d'afficher de très théoriques consultations.

Je voudrais dire à tous ceux qui demandent à la gauche, et en particulier aux socialistes, de jouer la carte du consensus national sur le dossier des retraites, que la recherche du consensus, ce n'est pas demander aux autres d'abdiquer leurs positions pour se ranger sans transiger derrière celles du Gouvernement ! Je voudrais leur dire que la culture du compromis, ce n'est pas de ne pas bouger une seule virgule aux accords proposés, qui sont en fait des accords imposés ! On ne peut pas, d'un côté, tenir un discours sur l'appel à l'union nationale, la volonté que l'ensemble des partis de gouvernement puisse se retrouver sur un certain nombre de mesures et faire en sorte que les mesures proposées le soient pour solde de tout compte.

Je sais parfaitement qu'en cas d'échec des négociations, il est de la responsabilité du législateur d'intervenir. Mais la rapidité de la saisine du Parlement a de quoi surprendre au regard d'exemples passés. Et ce n'est pas un hasard si je prends celui de la négociation sur la pénibilité du travail et sa prise en compte dans les conditions de départ en retraite. Les négociations prévues par la loi d'août 2003, dite loi Fillon, ne se sont engagées qu'en mars 2005. Leur échec a été reconnu en juillet 2008. Au mois de septembre 2008, Xavier Bertrand, alors ministre, annonce, au nom du Gouvernement, un texte de loi pour les prochaines semaines. Nous attendons toujours ce texte. Comment est-il possible d'aller si vite dans un tel domaine – alors que la mesure envisagée revient uniquement à réaliser des économies sur le dos d'un certain nombre de salariés – et de mettre tant de temps à s'engager quand il s'agit de prendre en compte les conditions de travail ? Cette précipitation est d'autant plus suspecte à nos yeux que la réforme des retraites s'annonce et que le calendrier, même s'il n'est pas définitivement fixé, semble se préciser. On nous annonce en effet que la réforme proposée par le Gouvernement pourrait être débattue dès l'ouverture de la session extraordinaire au mois de septembre prochain. Il était donc parfaitement envisageable, sans reporter les réformes aux calendes grecques, d'intégrer la question de la retraite des infirmiers dans un cadre plus général, à moins qu'il ne s'agisse d'annoncer que cette réforme se limitera à un processus d'économies. À tous ceux qui en douteraient, je dirai que le déséquilibre des comptes sociaux et, en particulier, celui des régimes de retraite, appelle, cela va de soi, des mesures énergiques. Ce n'est pas douteux et on se contentera d'observer d'ailleurs que ce constat marque l'échec de la réforme Fillon de 2003, qui devait être définitive et que nous sommes contraints de revoir aujourd'hui. Toutefois, le constat d'un déséquilibre financier ne dicte pas en lui-même la nature des choix à effectuer dans le cadre d'une réforme des retraites. Aucune réforme, que ce soit pour la profession d'infirmier ou pour d'autres professions, ne peut s'engager hors sol, de manière simplement paramétrique. La retraite est l'aboutissement, le prolongement du monde du travail. Parler de la retraite, c'est aussi évoquer les conditions de travail, les conditions de vie, la pénibilité, le stress, mais aussi l'utilité sociale du travail, de sa reconnaissance, de sa nécessité pour construire un parcours personnel et professionnel. Ces éléments doivent être mis en avant. De la même manière, nous devrons nous assurer qu'un financement équilibré et juste sera proposé, question centrale lors de nos prochains débats.

Enfin, il ne peut y avoir de réforme sans prise en compte de l'espérance de vie et de la pénibilité des professions concernées. Or c'est bien là que le bât blesse. Pour ce qui est des infirmières et des infirmiers, cette pénibilité a été prise en compte à deux époques et de deux manières différentes : tout d'abord, par le classement en catégorie active, permettant l'ouverture anticipée des droits, ensuite, très récemment, par le biais d'une majoration de durée d'assurance. C'est en effet seulement depuis le 1er janvier 2008 qu'en application de la loi d'août 2003 une majoration de durée d'assurance égale à un dixième de la période de service a été accordée. À peine deux ans plus tard, vous proposez purement et simplement de revenir totalement sur la prise en compte de la pénibilité de la profession d'infirmier du secteur public, alors que les études disponibles montrent que les cas d'invalidité au moment de la retraite sont plus importants chez les infirmières que dans la population féminine en général. À titre d'exemple, 35 % des infirmiers du secteur public travaillent régulièrement de nuit. Or les effets nocifs du travail de nuit sur la santé, comme l'OMS l'a démontré, favoriseraient le développement d'un certain nombre de cancers, en particulier du cancer du sein. À l'évidence, on ne peut se satisfaire de cette situation et, si la mise en oeuvre d'une politique résolue de prévention est indispensable, elle ne saurait suffire. Certains ont essayé de nous faire comprendre que la remise en cause de la prise en compte de la pénibilité serait juridiquement contrainte, et que le passage en catégorie A imposerait par lui-même la suppression de toute prise en compte de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Cette analyse ne nous convient absolument pas. Rien n'interdisait en effet au Gouvernement, qui a décidé de placer les infirmières en catégorie A, de maintenir le dispositif de majoration de durée d'assurance, voire de le remplacer par un autre plus intéressant. On ne peut considérer que le fait d'accéder à la catégorie A de la fonction publique serait une garantie de non-pénibilité de l'emploi ! On le voit, la question de la pénibilité appelle une réponse forte. La majoration de durée d'assurance dans l'exercice de certains métiers est sans doute la voie la plus simple et la plus juste. La situation des infirmiers du secteur public – et je vise ici la majoration de la durée d'assurance – représentait une avancée réelle dans ce débat. La porte que vous leur claquez au nez se referme, par avance, sur tous les salariés qui espèrent que la prochaine réforme permettra la prise en compte de la pénibilité de leur métier.

Cette réforme passe d'autant plus mal à l'hôpital public que celui-ci connaît une situation de très grande tension. La liste des brimades est longue. La loi HPST revendique haut et fort la transformation de l'hôpital en entreprise de soins, au point que le mot même d'hôpital public n'y figure plus ! Elle a choisi non seulement de braquer les médecins, mais l'ensemble de la communauté soignante. La succession de mouvements que l'on enregistre à l'hôpital public depuis plus d'un an en est évidemment la preuve. Vous n'avez eu de cesse d'expliquer que le rôle de la communauté soignante était second par rapport à celui de la direction gestionnaire.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

N'importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Le fait que vous ayez également traité par le mépris les médecins libéraux, qui commencent à se rebeller – notamment les médecins généralistes – ne justifie pas la manière dont le pouvoir traite celles et ceux qui travaillent souvent à la limite de leurs possibilités dans les hôpitaux publics. Or la pression ne fait que s'accentuer du fait de l'accélération de la diminution de postes : plus de 4000 suppressions d'emplois sont annoncées à l'AP-HP après des centaines et des centaines déjà effectives dans la région parisienne, puis dans les autres régions ! Des médecins se sont déclarés prêts à démissionner de leurs responsabilités administratives. Mais, pour les infirmiers, la pression se fait insupportable au sens strict : ils ne parviennent pas à prendre leurs congés tant le travail est intense. Ce que l'on appelle les « présences exceptionnelles », l'équivalent des heures supplémentaires, et le recours aux infirmières en stage préprofessionnel est devenu la norme. Ainsi, 81 % des infirmiers déclarent travailler au-delà de la durée habituelle, presque à égalité avec les cadres de direction et les médecins ; 60 % des infirmiers déclarent aussi régulièrement ne pas pouvoir faire face à la quantité de travail demandée dans les délais impartis. À un moment où le Gouvernement affirme se préoccuper du stress au travail et de la prévention des risques psychosociaux dans le monde professionnel, il est absolument nécessaire de tenir compte de ces éléments.

Face à la liste des contraintes qui pèsent à l'hôpital public sur l'ensemble des professionnels, il paraît incompréhensible de remettre en cause la pénibilité du travail des infirmières, sans doute une des rares professions pour lesquelles un effort significatif avait été accompli et une démarche originale proposée. Les infirmiers ne comprennent pas les mesures et contraintes qui leur sont imposées, indépendamment de celles inhérentes à leur activité professionnelle quotidienne. Je ne peux pas ne pas évoquer l'obligation d'adhérer à l'ordre professionnel des infirmiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

C'est la goutte d'eau supplémentaire dans un vase déjà extrêmement plein pour ces professionnels. Je ne vous connaissais d'ailleurs pas, madame la ministre, un tel enthousiasme et une telle admiration pour les ordres professionnels des médecins, des infirmiers, des kinésithérapeutes… Nous, socialistes, avons en tout cas dit notre opposition à ce type de système, car nous avons le sentiment qu'il ne correspond absolument pas à l'exercice moderne des professions de santé. Nous nous y sommes opposés lors de la création de cet ordre. Vos prédécesseurs avaient alors juré leurs grands dieux que la cotisation serait très limitée : de l'ordre de 5 à 10 euros ! C'était évidemment méconnaître une réalité juridique extrêmement simple : lorsque l'on crée un ordre professionnel, celui-ci a ensuite toute latitude pour définir le montant de la cotisation.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

On ne peut créer un ordre professionnel et lui imposer son mode de fonctionnement, d'organisation, et le montant de sa cotisation.

Tous ceux qui affirment aujourd'hui que l'on va demander à l'ordre des infirmières de faire preuve de quelque retenue, sont, passez-moi l'expression, à côté du droit, à côté de la plaque juridique, puisqu'ils n'ont absolument pas les moyens d'imposer quoi que ce soit ! Les récentes déclarations de la présidente de l'ordre des infirmiers, y compris après son audition par la commission des affaires sociales, montre qu'elle n'a pas la moindre intention d'écouter quelque recommandation que ce soit. Elle a décidé que la cotisation s'élèverait à 75 euros et 75 euros ce sera ! La marge de manoeuvre dont nous disposons est extrêmement limitée. Il me semble donc que l'affiliation obligatoire des infirmiers et infirmières du secteur public – je pourrais aussi citer les kinésithérapeutes, les podologues et toutes les professions paramédicales – à l'ordre qui leur est imparti pour exercer apparaît totalement injustifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Jusqu'à maintenant, les infirmières et infirmiers n'avaient pas d'ordre. Les décisions étaient prises au niveau de l'hôpital ou au niveau des services de l'État et, que je sache, elles n'étaient pas en totale contradiction avec des principes de déontologie partagés par la communauté. Il ne me semble pas que les cas d'infirmières incapables d'exercer, et qui l'auraient tout de même fait, se soient multipliés. On ne nous a pas non plus communiqué de listes impressionnantes de scandales auxquels il aurait fallu faire face. Ainsi, la création de l'ordre revendiquée par une minorité apparaît totalement incongrue.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Si les infirmiers libéraux souhaitent absolument maintenir ce dispositif, ce qui ne nous paraît pas totalement convaincant, on peut en discuter, mais pour ce qui est des personnels exerçant dans des établissements de soins privés ou publics, la démarche apparaît totalement injustifiée. Il serait souhaitable, madame la ministre, pour éviter que la liste des contentieux s'allonge inutilement et excessivement, que vous reveniez en arrière sur ce point…

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…et que vous fassiez enfin un geste en direction des personnels infirmiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en moins de trente ans, l'administration française aura connu trois bouleversements majeurs : la décentralisation, qui a profondément renouvelé le paysage institutionnel d'un pays traditionnellement jacobin ; le recours à la performance pour gérer non seulement les carrières mais aussi les rémunérations des agents et les moyens des services ; la flexibilité des effectifs, à la hausse dans les collectivités territoriales et les hôpitaux, mais à la baisse dans les services de l'État.

En transférant aux collectivités territoriales de nombreuses activités et, en particulier, les activités les plus opérationnelles, la décentralisation a emporté trois conséquences. Elle a rompu le monopole dont disposait depuis toujours la fonction publique de l'État. Elle a fait émerger une fonction publique nouvelle, – la fonction publique territoriale – jeune par ses agents, dynamique par ses métiers et attractive par ses carrières. Elle a, enfin, recentré la fonction publique de l'État sur ses activités originelles, la réglementation et le contrôle, ce qui explique probablement le recul de l'esprit pionnier qui l'avait animée au moment de la Libération, puis des Trente Glorieuses.

L'idée de mettre la performance au coeur des services publics n'est pas nouvelle. Elle avait été clairement affirmée lors de la discussion du premier projet de statut général de la fonction publique de 1946. Elle a été reprise à la fin des années 1960 dans ce qu'on appelait alors la rationalisation des choix budgétaires, puis expérimentée dans les années 1980, dans le cadre des cercles de qualité. Mais ce n'est qu'en 2001 avec le vote de la LOLF que l'on est passé de la pétition de principe et de l'expérimentation ponctuelle à une pratique systématique, s'appliquant à tous les services de l'État et à toutes leurs activités.

Quant à la diminution des effectifs de l'État, elle marque l'inversion d'une évolution multiséculaire, entraînant, il faut le reconnaître, bien des interrogations, à la fois chez les fonctionnaires et dans l'opinion publique.

Ces évolutions sont difficiles, mais elles sont inévitables et, je le crois, profondément salutaires. La décentralisation allait dans le sens de l'histoire, la modernisation des modes de gestion s'impose partout dans le monde. C'est en maîtrisant ses coûts, en adaptant ses structures, en dynamisant ses méthodes, que la fonction publique française acquerra durablement, comme ses homologues européennes, ce dont elle a le plus besoin, la reconnaissance de l'opinion publique.

Mais plus une mutation est profonde et exigeante, plus il est indispensable qu'elle fasse l'objet d'un projet partagé. C'est tout l'enjeu du dialogue social, que le texte dont nous commençons à débattre vise à rénover en profondeur.

Le projet émane du Gouvernement, mais il exprime une ambition partagée par l'État et les syndicats. Il s'agit en effet de traduire dans la législation un accord intervenu en juin 2008 entre le ministre de la fonction publique et six des huit principales organisations syndicales.

On a pu parler d'un accord historique. Ce qualificatif est fort, je ne crois pas qu'il soit excessif, car il s'agit du premier accord de cette nature intervenu dans la fonction publique depuis sa fondation en 1946.

Cet accord vise à instaurer dans les services de l'État, dans les collectivités territoriales et dans les hôpitaux une véritable démocratie sociale, en rendant totalement objectives les conditions de la représentativité des syndicats, en généralisant la pratique des élections, en assurant la représentation de tous les agents publics, et pas seulement des fonctionnaires titulaires, en ouvrant très largement le champ de la négociation collective, en posant, à terme, le principe du fait majoritaire pour la validité des accords, en revisitant ce qui avait fait jusqu'à présent le socle de la démocratie sociale : le paritarisme.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de ces points, je souhaiterais simplement m'arrêter un instant sur le paritarisme.

Le paritarisme fonctionne bien lorsqu'il s'agit de statuer sur des situations individuelles, mais il n'a jamais fonctionné lorsqu'il s'est agi de traiter de l'organisation et du fonctionnement des services.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Le Livre blanc sur le dialogue social avait clairement mis en lumière en 2002 le formalisme des comités techniques paritaires et les déviations qui s'y sont attachées : la pauvreté du dialogue, car les représentants statutaires de l'administration étaient rarement les vrais responsables en charge des dossiers débattus en séance, et le caractère tronqué des avis, qui faisaient apparaître le rapport de force entre l'État et les syndicats, mais ne rendaient pas compte avec suffisamment de précision des différences, pourtant si enrichissantes, qui peuvent exister dans les positions exprimées par les différents représentants des personnels.

Il n'a sûrement pas été facile pour les syndicats de remettre en cause un tel monument. Le paritarisme n'avait-il pas été regardé en 1946 comme le fondement, dans les administrations publiques comme dans les organismes gestionnaires des régimes de protection sociale, d'une nouvelle démocratie sociale ? Pourtant, ils ont su faire preuve d'une remarquable objectivité et d'un remarquable courage, affirmant ainsi la primauté du réalisme sur l'idéologie : oui au paritarisme là où il fonctionne, dans les commissions administratives chargées d'examiner les situations individuelles, non au paritarisme là où il ne fonctionne pas, dans les comités techniques chargés de traiter de l'organisation et du fonctionnement.

Ce qui est important dans un comité technique, ce n'est pas que l'administration et les syndicats y soient représentés à égalité, c'est que les personnels y soient équitablement représentés et que les positions prises par les uns et par les autres soient précisément et fidèlement retranscrites.

L'accord que les syndicats ont su donner est la marque des changements profonds qui sont en train de se produire dans la fonction publique et qui donnent un nouvel espoir à tous ceux qui croient au rôle éminent revenant dans nos sociétés, aujourd'hui comme hier, à la sphère publique. Si la loi dont nous débattons aujourd'hui a un caractère historique, c'est aussi, et peut-être surtout, parce que les partenaires sociaux ont su faire passer la volonté du dialogue avant la culture de l'affrontement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

J'espère que l'enjeu qui s'attache à ce texte et l'exemple que nous donnent les syndicats conduiront les parlementaires que nous sommes à engager un débat serein, tourné exclusivement vers la prise en compte de l'intérêt général, aussi éloigné que possible des polémiques stériles et des vindictes inutiles.

Reste la question la plus sensible, les ajouts au texte initial : l'article 30 sur les infirmières et infirmiers, ainsi que les amendements gouvernementaux sur la prime de fonctions et de résultats, l'intéressement collectif et le grade fonctionnel.

Sur tous ces points, nous aurions tous, je crois, préféré avoir un peu plus de temps…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

…et arriver, conformément à la philosophie même du texte, à un très large accord syndical, mais il nous faut une nouvelle fois constater que le temps de la négociation n'est malheureusement pas toujours celui de l'action politique et que rechercher un consensus, ce n'est pas toujours y parvenir.

Devant les obstacles et les délais de la négociation, le Gouvernement aurait pu renoncer, mais il nous faut alors mesurer les conséquences qui auraient résulté pour les infirmières et les infirmiers d'un tel renoncement. Il y en a quatre.

Première conséquence : bien que désormais recrutés au niveau de la licence, les infirmières et infirmiers entrant dans la fonction publique hospitalière n'auraient pas bénéficié d'un classement en catégorie A et des revalorisations de rémunération qui en résultent. On ne peut pas, me semble-t-il, réclamer cette revalorisation et refuser a priori l'article 30.

Deuxième conséquence : les infirmiers et infirmières nouvellement recrutés auraient eu, comme leurs prédécesseurs, un statut de personnel actif et non pas sédentaire, c'est-à-dire un départ à la retraite plus tôt, mais aussi, en conséquence, des pensions de retraite plus basses, alors que toutes les enquêtes réalisées par le ministère auprès du personnel montrent que, dans leur immense majorité, ils sont demandeurs du nouveau dispositif.

Troisième conséquence : on aurait laissé se perpétuer une inégalité majeure entre les infirmiers des hôpitaux et ceux des cliniques, puisque les infirmières et les infirmiers privés, qui ont la même formation, font le même métier, ont les mêmes charges, n'ont pas le statut d'actif et ne partent pas à la retraite à cinquante-cinq ans.

Quatrième conséquence : les personnels en fonction dans les hôpitaux n'auraient pas bénéficié d'un droit d'option. Il faut souligner que personne n'oblige les infirmières et infirmiers qui travaillent aujourd'hui dans les hôpitaux à changer de statut. Leurs droits sont sur ce point intégralement préservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il faut bien sûr regretter que, sur ces différents points, la négociation ne soit pas allée jusqu'à son terme. Fallait-il pour autant que le Gouvernement renonce à une réforme qui crée des droits pour les nouveaux fonctionnaires, qui donne aux 200 000 fonctionnaires en poste la possibilité de choisir entre ces droits nouveaux et le maintien de leur situation actuelle, et qui, de surcroît, met un terme à une inégalité choquante entre les salariés du public et ceux du privé ?

Poser ces questions, c'est, je crois, y répondre, et y répondre comme nous y invite le Gouvernement, ce n'est nullement considérer que le dialogue social, en dépit de tout ce qui est écrit dans les vingt-neuf premiers articles du texte, serait en définitive secondaire.

Le dialogue social est fondamental mais, s'il ne conduit pas à un accord, cela ne saurait exonérer le Gouvernement de son obligation de décider, et lorsqu'il s'agit de légiférer, il est des rendez-vous que l'on n'a pas le droit de manquer. Les véhicules législatifs ne passent pas tous les jours. Si nous n'avions pas saisi celui que représente le texte dont nous débattons aujourd'hui, les revalorisations de salaire des infirmières et infirmiers recrutés au niveau de la licence n'auraient pas pu être appliquées en temps voulu.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Diefenbacher

Il fallait choisir. Le Gouvernement l'a fait. La majorité présidentielle est derrière lui.

Faut-il attendre ? Faut-il agir ? La gauche, une fois encore, choisit l'attentisme et nous, une fois encore, nous choisissons l'action. On ne se refait pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

Dans l'exposé des motifs, il est écrit que ces accords constituent un tournant historique pour la fonction publique, et cela a été souligné plusieurs fois ce soir. Certes, et, même si ces termes paraissent quelque peu excessifs, on ne peut que se féliciter de cette volonté partagée de conforter la légitimité des organisations syndicales, de promouvoir la place de la négociation, de renforcer le rôle et d'améliorer le fonctionnement des organismes consultatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Qui ne souscrirait à un tel programme, parsemé de si louables intentions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Ce texte aurait pu recueillir notre assentiment, à l'exception peut-être de l'abandon du paritarisme, mais vous avez gâché la fête avec la lettre rectificative n° 2329 concernant le statut des infirmiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Finalement, tout tourne autour de cela ce soir. Vous aviez un texte acceptable, madame, monsieur les ministres, vous l'avez rendu inacceptable.

Rappelons les faits. Un protocole d'accord prévoit que les infirmiers déjà en poste pourront accéder à la catégorie A dès décembre 2010 dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme LMD, licence-master-doctorat. Ceux qui, en juin 2011, n'auront pas fait le choix d'être reclassés en catégorie A resteront en catégorie B et continueront à bénéficier de la retraite à cinquante-cinq ans. Ce protocole n'a pas fait l'unanimité, loin s'en faut. Seul un syndicat, le syndicat national des cadres hospitaliers, très minoritaire, en a signé les six volets. L'UNSA, la CFTC et la CFE-CGC en ont rejeté trois, la CFDT, SUD et la CGT l'ont rejeté en bloc. En dépit de ce refus quasi unanime, vous passez en force. Voilà une parfaite illustration de la rénovation du dialogue social dans la fonction publique précisé dans les vingt-neuf articles précédents !

La lettre rectificative a été examinée en conseil des ministres le 23 février dernier, et Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, en a inscrit ce même mardi l'examen à l'ordre du jour de la commission, dans la précipitation quasi habituelle. Grâce à notre protestation, nous avons immédiatement obtenu le projet de loi et l'étude d'impact. Il s'agit là d'un coup de force, peu respectueux des droits du Parlement et, surtout, de l'avis des organisations syndicales.

Le 12 février, ces dernières ont décidé de boycotter le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière convoqué en urgence. Elles ont qualifié de provocation cette décision de précipiter les choses à quelques mois seulement d'un débat majeur sur l'avenir des retraites.

Les organisations syndicales attendaient des avancées sur les frais de transport depuis plusieurs mois, elles ont eu en quelques jours un diktat sur le changement de statut de plus de 300 000 infirmiers, tout cela après l'obligation d'adhérer à un ordre dont ils ne veulent pas. Cela fait beaucoup en peu de temps pour le même corps.

À travers cette manière de procéder du Gouvernement, on ne peut que redouter le pire quant à la méthode des négociations à venir sur les retraites.

Pourquoi imposer votre volonté alors même que les organisations syndicales souhaitaient un vrai débat sur l'organisation et les conditions de travail de la profession ?

Pourquoi cette précipitation alors que, dans quelques mois, seront évoqués en profondeur les droits d'accès à la retraite de l'ensemble de nos concitoyens ?

On a bien quelques éléments de réponse, et c'est ce qui nous inquiète aujourd'hui. Il était effectivement tentant d'introduire dans l'urgence, au détour d'un texte sur la rénovation du dialogue social, un article 30 dont on pouvait espérer qu'il serait noyé dans l'ensemble d'un texte plutôt positif. C'est malheureusement raté, et cet article 30 va forcément gâcher la vision plutôt positive sur les vingt-neuf premiers. Comment peut-on, en effet, dans le même projet, se flatter de rénover le dialogue social et passer en force pour imposer à toute une profession une modification substantielle de son avenir avant toute négociation sérieuse ?

Ce que redoute la profession, c'est que, si elle passe au droit commun de la retraite à soixante ans avant le débat de l'automne, les soixante ans risquent de n'être qu'un passage éclair vers des horizons de passage à la retraite plus lointains. Soixante et un, soixante-deux ? On verra bien dans quelques mois ce que votre projet de loi nous réserve.

Autre déception, avec cette lettre rectificative et l'article 30, c'est la négation du débat sur la pénibilité du travail des infirmiers. Cela a été beaucoup dit ce soir mais il faut encore une fois le répéter. En passant de cinquante-cinq à soixante ans, même avec le changement en catégorie A et quelques euros en plus, on n'efface pas d'un trait la pénibilité de ce difficile métier, composé de travail de nuit, d'horaires décalés en permanence, de contacts psychologiquement difficiles avec des êtres humains par définition le plus souvent malades.

La pénibilité devra être au coeur des négociations à venir sur les retraites. Les atermoiements du MEDEF n'ont pas permis, après de longues années de négociations, de 2005 à 2008, de trouver les bons ajustements pour tenir compte de la pénibilité du travail. Quant au Gouvernement, souvent prompt à se substituer aux partenaires sociaux, étonnamment il n'a pas bougé, renvoyant le problème de la pénibilité au débat sur les retraites. On voit qu'il y a deux poids et deux mesures.

Tout cela aurait dû inciter le Gouvernement à plus de prudence avec une profession qui entre bien dans le champ de la discussion sur la pénibilité. Pour preuve, je le rappelle, le Président de la République – c'est pourtant une référence pour vous –, il n'y a pas longtemps, dans l'émission Paroles de Français, sur TF1, le 25 janvier dernier, a répondu à l'interpellation d'une infirmière sur la dégradation des conditions de travail : « On en reparlera avec les syndicats parce que la pénibilité est un sujet extrêmement complexe. » C'est la parole du Président de la République ; on voit ce qu'il en reste quelque deux mois plus tard : tellement complexe que vous passez en force sans en parler du tout !

La position du groupe socialiste est claire. Nous demandons tout simplement la suppression de ce très malvenu article 30 parce qu'il passe outre aux positions des partenaires sociaux. Tout cela n'est qu'un mauvais coup porté au dialogue social, qui augure bien mal du débat sur les retraites du mois de septembre. Il est des signes qui instillent la défiance entre partenaires ; celui-là en est un qu'il sera difficile de faire oublier.

Il est encore temps de se rattraper, monsieur le secrétaire d'État, en acceptant le retrait de cette lettre rectificative, dans quelques heures ou quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un texte portant sur la rénovation du dialogue social que nous aurions pu en grande partie voter s'il n'y avait eu l'introduction d'un véritable cheval de Troie législatif.

Ce texte devait être l'acte I de la mise en oeuvre des accords de Bercy signés le 2 juin 2008 par six organisations syndicales représentatives des salariés : la CGT, la CFDT, la CFE-CGC, la FSU, l'UNSA, Solidaires.

Or, aujourd'hui, nichée dans ce texte, a été ajoutée à la hâte, de façon furtive, une lettre rectificative, l'une des mesures les plus abruptement régressives qu'on puisse trouver sur le départ en retraite des infirmières. Cette disposition inscrite à l'article 30 annihile purement et simplement le reste du texte tant il lui cause préjudice. Il constitue un affront aux syndicats signataires de l'accord, qui ont du reste condamné la manipulation de la genèse intéressante de ce projet de loi.

Cette façon de procéder, ces manipulations obscures et malsaines, si elles choquent les syndicats, ne surprennent plus. Lors du débat sur la réforme de la Constitution, on promettait monts et merveilles à l'opposition, des droits renforcés, la coproduction législative. Que sont ces promesses devenues ? Il n'est, pour se convaincre de leur futilité, que d'assister aux journées réservées aux propositions de loi des groupes d'opposition, ou de constater, comme la semaine dernière, les manoeuvres dilatoires du Gouvernement pour retarder les votes au sein de cet hémicycle, lors de l'examen du projet de loi sur les jeux en ligne, afin de pouvoir battre le rappel des troupes et obtenir un vote favorable au texte.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Ce ne sont pas les socialistes qui feraient ce genre de choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Martinel

Ce sont certes des victoires pour la majorité, mais des victoires à la Pyrrhus, remportées au mépris des droits les plus élémentaires de l'opposition et menaçant la vitalité de notre démocratie.

Ces pratiques manquent singulièrement de la hauteur de vue revendiquée tout à l'heure par M. le ministre Woerth, qui nous appelait à moins de médiocrité, à plus de réflexion de fond, et qui a tout de même fait de la publicité subliminale pour le parti socialiste, qu'il a cité de nombreuses fois.

« Donner c'est donner, reprendre c'est voler », chantonnent les enfants. On a l'impression que le Gouvernement a fondé la réécriture de ce texte sur ce principe fondateur un peu sommaire. Les syndicats ne s'y sont pas trompés, et l'on peut comprendre la colère des organisations signataires des accords de Bercy devant ce marché de dupes. Comment oser parler de rénovation du dialogue social, du fait et du droit syndicaux en faisant passer un texte de manière brutale et autoritaire au mépris d'une réelle concertation ?

Vous ne pouvez pas décemment vous prévaloir de la signature du seul Syndicat national des cadres hospitaliers pour entériner ce protocole d'accord. L'ensemble des syndicats signataires de Bercy, plus les deux centrales non signataires, FO et la CFTC, ont protesté en boycottant le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière chargé d'émettre un avis sur le texte modifiant le statut des infirmiers dans le cadre de la réforme licence-master-doctorat.

Ils ont parlé de « provocation » et de « chantage » pour qualifier cette décision qui détourne le projet de loi pour modifier l'âge de départ à la retraite du personnel infirmier et paramédical.

Ce que vous présentiez tout à l'heure, madame la ministre, comme une offre providentielle se résume à un chantage indigne – indigne de vous, ai-je envie de dire. Les agents bénéficient certes de la catégorie A et d'une augmentation de salaire, mais ils le payent lourdement, leur âge de départ à la retraite étant revu à la hausse. C'est faire fi de la pénibilité du travail infirmier, des débuts de carrière précoces, des responsabilités très lourdes, avec un engagement pour le mieux-être des patients que nous connaissons tous et dont on ne cesse de parler de tous bords.

C'est aussi, malheureusement, la concrétisation de la loi HPST, qui entérine – et on le mesure dans nos départements et nos régions – la notion d'hôpital-entreprise et accentue d'autant la pression sur les personnels, qui voient leurs conditions de travail se dégrader grandement.

Nous connaissons tous des hommes et, en majorité, des femmes qui ont choisi d'embrasser la profession infirmière. Est-il décent, alors que chacun reconnaît la pénibilité physique et morale de leur tâche, la souffrance au travail, qu'il s'agisse des horaires ou des nuits et week-ends de garde, de demander à ces professionnels de prolonger la durée de leur travail pour faire valoir leurs droits à la retraite ?

Mon collègue Gaëtan Gorce a évoqué, lors de l'explication de vote sur le projet de loi relatif aux jeux en ligne, « la République de l'indécence ». Il serait temps de revenir, dans notre république, à la « décence ordinaire » chère à George Orwell. La décence, madame la ministre, commande aujourd'hui de retirer cet article 30 si nous voulons restaurer le dialogue social et réfléchir ensemble sur les retraites à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Alain Bénisti

Monsieur le secrétaire d'État, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd'hui n'est rien d'autre que la mise en oeuvre des engagements contenus dans les accords de Bercy conclus le 2 juin 2008 entre André Santini, votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'État, et six des huit organisations syndicales représentatives : la CGT, la CFDT, la FSU, l'UNSA, Solidaires et la CGC, dont je tiens à saluer certains des représentants.

Il fait suite au texte de modernisation de la fonction publique de 2008 et au texte de mobilité de 2009, que j'ai eu l'honneur de rapporter dans cet hémicycle.

Ce texte affiche aussi la volonté de moderniser en profondeur le dialogue social et de promouvoir bien en amont la négociation dans la discussion syndicats-employeurs. Il permet ainsi des avancée évidentes, notamment par le développement du champ des négociations, qui ne sera plus limité aux seuls salaires.

Cependant, permettez-moi, en tant que président de la Fédération nationale des centres de gestion et président du plus grand centre de gestion de France – qui avait d'ailleurs déjà signé en 2008, en précurseur, des accords historiques sur le droit syndical avec les huit organisations syndicales –, de faire quelques remarques rapides qui concerneront plus particulièrement l'évolution des instances paritaires, l'harmonisation des cycles électoraux, et le droit et les garanties syndicales.

En ce qui concerne le paritarisme, je suis satisfait des modifications apportées en commission, notamment concernant le collège des employeurs, qui a été réintégré. Le système de vote par les collèges me satisfait tout à fait, même si leurs décisions ne sont que des avis. Que ces élections soient effectuées par collège ne m'émeut pas, car les élus se retrouvent souvent minoritaires devant des décisions quelquefois très importantes pour les collectivités. Cela dit, il faut quand même qu'il y ait des votes, au sein de ces différents collèges, parmi les élus et parmi les syndicats.

J'en viens à l'harmonisation des cycles électoraux. Le projet de loi prévoit que les élections professionnelles se dérouleront le même jour dans les trois fonctions publiques, tous les quatre ans. Si, dans la fonction publique d'État, cela ne pose pas véritablement problème, dans la fonction publique territoriale cela pourrait s'avérer problématique pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, cette périodicité n'est pas cohérente avec les élections locales. La durée du mandat des représentants du personnel se doit d'être en cohérence avec celle des représentants des employeurs, dont la légitimité est assise sur des élections qui se déroulent, elles, tous les six ans. Ce cycle de quatre ans entraînera inévitablement un investissement humain conséquent et une charge financière supplémentaire considérable pour les centres de gestion. L'organisation des élections professionnelles pour, par exemple, le CIG de la Petite Couronne que je préside concerne 90 000 électeurs, induisant un coût substantiel de mise sous pli, de colisage, de reprographie, sans parler de la mobilisation et de l'implication des personnels.

Ensuite, l'organisation de ces élections en cours de mandat conduira inévitablement à des modifications des rapports de force entre organisations syndicales ainsi que des changements d'interlocuteurs qui nuiront à la continuité et à la fluidité du dialogue social au sein des centres de gestion.

C'est pourquoi je pense qu'il serait important de revenir sur ce point et de maintenir le calendrier actuel pour la fonction publique territoriale afin de maintenir la cohérence du cycle de six ans avec les mandats locaux. Penser aux syndicats c'est bien, mais penser aux élus bénévoles qui siègent dans ces instances est également important.

Pour terminer, je souhaiterais dire un mot sur la modernisation du droit syndical. Si la philosophie du texte est louable – nous ne pouvons que souhaiter une modernisation en la matière –, il ne faut pas pour autant oublier qu'il risque là aussi d'induire un coût financier important pour les centres de gestion.

En effet, ces établissements publics remboursent aux collectivités affiliées les heures syndicales. En 2004, la proportion du remboursement du droit syndical sur la cotisation obligatoire était, pour les centres de gestion de moins de 10 000 fonctionnaires, de 17 % en moyenne et, pour les centres de plus de 10 000 fonctionnaires, de 7,5 % en moyenne. Une enquête menée en 2008 par la Fédération nationale des centres de gestion montre que l'évolution de l'impact budgétaire des décharges d'activité est en augmentation de 30 % et peut aller, dans certains centres, jusqu'à 76 % de leur budget !

Si le texte était adopté en l'état, il en résulterait une augmentation pour le moins significative des charges des centres de gestion afin d'instituer les mêmes modes de gestion pour les décharges d'activité de service et les autorisations spéciales d'absence.

De surcroît, le barème prévu à l'article 18 du décret du 3 avril 1985 fait régulièrement l'objet de critiques, notamment pour la tranche de 5 001 à 25 000 agents : les centres qui atteignent cette tranche subissent un effet de seuil qui leur impose de rembourser le même volume d'heures de décharge d'activité de service qu'un établissement employant 25 000 agents, mais sans en avoir les ressources financières. Il serait pourtant simple de créer une tranche supplémentaire pour atténuer cet effet de seuil, et de plafonner le remboursement de ces heures à hauteur de 25 % du coût salarial des décharges d'activité de service. Ce serait une mesure importante.

Vous le voyez, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, à quelques réserves près que je viens de vous présenter brièvement et sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir plus longuement au cours de nos débats, je considère que ce projet de loi contient des avancées notables et je tiens à saluer la qualité du travail accompli par le Gouvernement, en parfaite osmose avec les syndicats représentatifs de la fonction publique ; je ne doute pas que nos débats enrichiront encore davantage ce texte que certains qualifient déjà d'historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vais commencer par citer une phrase dont je pourrais assumer le contenu, au mot près : « Notre fonction publique est l'une des plus remarquables du monde par la qualité de ceux qui s'y engagent,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

C'est vrai ! Raison de plus pour ne pas la casser !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…« par leur haut niveau de qualification, par leur moralité et par leur professionnalisme. En France, le service public, ce n'est pas seulement une profession, ce n'est pas seulement un métier, c'est une vocation. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

De qui sont ces mots ? Les reconnaissez-vous, madame la ministre ? Ce sont ceux du président Sarkozy qui, lors d'une allocution en septembre 2007 – peut-être même a-t-il récidivé en septembre 2009 – devant des fonctionnaires, car il avait choisi son public, définissait les nouvelles pistes de sa politique concernant la fonction publique. Ce discours, qui commençait donc par un éloge du service public, expliquait ensuite les raisons pour lesquelles cette vision d'après-guerre ainsi que la réforme de 1984 étaient dépassées. Pour lui, depuis cette époque, le monde avait beaucoup changé. La société s'était transformée. Et les besoins n'étaient plus du tout les mêmes. Pour cette raison, il en appelait à un changement total de notre fonction publique.

Nous, à gauche, avons accepté dans un premier temps de participer à la discussion, de participer au dialogue social que l'on nous proposait. Mais malheureusement, comme à son habitude – je ne reviens sur ce qu'ont dit à ce sujet certains de mes prédécesseurs – et comme à celle de sa majorité, il en a été différemment. Et comme à votre habitude, madame la ministre, votre empressement, votre excès que je déplore et votre regard par trop dogmatique vous ont rendue quelque peu aveugle, excessive et politiquement à la limite de l'indécence. Je le dis souvent : la politique n'est pas la réponse à des faits divers, à des émotions d'un jour, ni même le moyen de rendre service à des amis, fussent-ils chers, à une catégorie ou à une caste. C'est pourtant à quoi nous assistons sans cesse aujourd'hui. La politique, particulièrement la production législative, doit s'inscrire dans une vision à long terme et ne pas être à la solde de l'actualité.

Depuis 2007, les choses ont évolué et les regards sur notre fonction publique ne sont plus négatifs car ils ne peuvent plus l'être. En effet, la crise financière a démontré le rôle d'amortisseur social du service public existant en France, tant en raison de la masse de pouvoir d'achat que détiennent les cinq ou six millions de fonctionnaires – en fait sept millions de salariés au total oeuvrent dans des missions de service public, soit environ le quart de la population active –, qu'en raison de la préservation de leur emploi. Malgré votre désir frénétique de ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, il n'y a pas eu de plans sociaux dans la fonction publique. Ainsi, nous avons pu traverser à peu près les soubresauts de cette crise dont le Gouvernement nous dit qu'il l'a subjuguée, au moins dans ses effets les plus négatifs.

J'en reviens à votre empressement à mettre en place cette loi. Je pense que votre souhait de démanteler nos services publics pour les laisser aux mains du privé reste, j'en ai peur, une priorité du Gouvernement. C'est la réalité, je le ressens profondément. Je ne fais pas de politique en disant cela, je n'affirme rien, je ne fais que constater, tout en regrettant et en déplorant qu'il en soit ainsi. Je crains que ce soit votre obsession ultime : casser tout ce qui est service public pour le verser dans le secteur privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Voilà le but qui est le vôtre ! Cette obsession transpire de tous les textes que vous prônez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

En tout cas ce que je dis provoque quelques remous.

Quant à votre rupture par rapport à la droite ancienne, selon le discours du Président de la République, elle n'est qu'un leurre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs les députés de la majorité. Vous êtes et vous resterez les pourfendeurs du service public.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Eh si ! Vous demeurerez les protecteurs des intérêts privés de quelques-uns.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Y en a marre de se faire insulter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

La fonction publique d'État était une exception française dont nous avions le droit d'être fiers – je crains de ne pouvoir qu'utiliser l'imparfait. Je le répète : notre modèle social et notre fonction publique sont des exemples, qui ont montré leur efficacité par-delà les soubresauts de l'histoire. Pour quelles raisons alors remettre en cause le paritarisme de la fonction publique ? Pour quelles raisons vouloir contractualiser nos titulaires ? Enfin, pour quelles raisons vouloir inscrire dans ce texte les modalités de la retraite des infirmières ? Une fois de plus, on ne peut y voir que la patte du néolibéralisme qui vous conduit, mes chers collègues de la majorité, droit dans le mur, dans un marasme dont vous ne soupçonnez pas aujourd'hui les dégâts.

En modifiant comme vous tentez de le faire le régime de retraite des infirmières, outre le fait que ce sujet devait être traité dans le cadre global de la réforme des retraites, vous cassez une fois encore les derniers remparts de notre modèle social. Vous les cassez sans évoquer la pénibilité du travail ni la reconnaissance des diplômes. Sans respecter ni écouter les justes observations des professionnels et des syndicats, vous tentez le coup une fois encore. Vous essayez de passer en force, vous provoquez. C'est ce que je déplore le plus.

Votre gouvernement, qui prétend apporter des réponses en matière de dialogue social, ne sait même plus ce que signifie véritablement le terme « dialogue ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Ce projet de loi avait été discuté avec les partenaires sociaux ; vous n'avez retenu aucune de leurs préoccupations en ce qui concerne les infirmières. Les professionnels, les syndicats et l'opposition vous demandent de revoir votre copie, de revoir l'article 30.

Je conclus en soulignant qu'il est temps d'écouter l'expression de la volonté générale. Il est temps de reconsidérer votre attitude. Il est temps de lutter contre une contractualisation croissante et une marchandisation des rapports sociaux. Les salariés ont besoin d'être rassurés et d'être considérés. Ils n'en peuvent plus de constater que leurs droits sont sans cesse érodés.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Oh là là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je déplore ce qu'ils subissent. C'est la raison pour laquelle je vous demande de faire preuve de beaucoup plus d'humanité et d'humanisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma