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Intervention de Michel Issindou

Réunion du 7 avril 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Issindou :

Finalement, tout tourne autour de cela ce soir. Vous aviez un texte acceptable, madame, monsieur les ministres, vous l'avez rendu inacceptable.

Rappelons les faits. Un protocole d'accord prévoit que les infirmiers déjà en poste pourront accéder à la catégorie A dès décembre 2010 dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme LMD, licence-master-doctorat. Ceux qui, en juin 2011, n'auront pas fait le choix d'être reclassés en catégorie A resteront en catégorie B et continueront à bénéficier de la retraite à cinquante-cinq ans. Ce protocole n'a pas fait l'unanimité, loin s'en faut. Seul un syndicat, le syndicat national des cadres hospitaliers, très minoritaire, en a signé les six volets. L'UNSA, la CFTC et la CFE-CGC en ont rejeté trois, la CFDT, SUD et la CGT l'ont rejeté en bloc. En dépit de ce refus quasi unanime, vous passez en force. Voilà une parfaite illustration de la rénovation du dialogue social dans la fonction publique précisé dans les vingt-neuf articles précédents !

La lettre rectificative a été examinée en conseil des ministres le 23 février dernier, et Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, en a inscrit ce même mardi l'examen à l'ordre du jour de la commission, dans la précipitation quasi habituelle. Grâce à notre protestation, nous avons immédiatement obtenu le projet de loi et l'étude d'impact. Il s'agit là d'un coup de force, peu respectueux des droits du Parlement et, surtout, de l'avis des organisations syndicales.

Le 12 février, ces dernières ont décidé de boycotter le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière convoqué en urgence. Elles ont qualifié de provocation cette décision de précipiter les choses à quelques mois seulement d'un débat majeur sur l'avenir des retraites.

Les organisations syndicales attendaient des avancées sur les frais de transport depuis plusieurs mois, elles ont eu en quelques jours un diktat sur le changement de statut de plus de 300 000 infirmiers, tout cela après l'obligation d'adhérer à un ordre dont ils ne veulent pas. Cela fait beaucoup en peu de temps pour le même corps.

À travers cette manière de procéder du Gouvernement, on ne peut que redouter le pire quant à la méthode des négociations à venir sur les retraites.

Pourquoi imposer votre volonté alors même que les organisations syndicales souhaitaient un vrai débat sur l'organisation et les conditions de travail de la profession ?

Pourquoi cette précipitation alors que, dans quelques mois, seront évoqués en profondeur les droits d'accès à la retraite de l'ensemble de nos concitoyens ?

On a bien quelques éléments de réponse, et c'est ce qui nous inquiète aujourd'hui. Il était effectivement tentant d'introduire dans l'urgence, au détour d'un texte sur la rénovation du dialogue social, un article 30 dont on pouvait espérer qu'il serait noyé dans l'ensemble d'un texte plutôt positif. C'est malheureusement raté, et cet article 30 va forcément gâcher la vision plutôt positive sur les vingt-neuf premiers. Comment peut-on, en effet, dans le même projet, se flatter de rénover le dialogue social et passer en force pour imposer à toute une profession une modification substantielle de son avenir avant toute négociation sérieuse ?

Ce que redoute la profession, c'est que, si elle passe au droit commun de la retraite à soixante ans avant le débat de l'automne, les soixante ans risquent de n'être qu'un passage éclair vers des horizons de passage à la retraite plus lointains. Soixante et un, soixante-deux ? On verra bien dans quelques mois ce que votre projet de loi nous réserve.

Autre déception, avec cette lettre rectificative et l'article 30, c'est la négation du débat sur la pénibilité du travail des infirmiers. Cela a été beaucoup dit ce soir mais il faut encore une fois le répéter. En passant de cinquante-cinq à soixante ans, même avec le changement en catégorie A et quelques euros en plus, on n'efface pas d'un trait la pénibilité de ce difficile métier, composé de travail de nuit, d'horaires décalés en permanence, de contacts psychologiquement difficiles avec des êtres humains par définition le plus souvent malades.

La pénibilité devra être au coeur des négociations à venir sur les retraites. Les atermoiements du MEDEF n'ont pas permis, après de longues années de négociations, de 2005 à 2008, de trouver les bons ajustements pour tenir compte de la pénibilité du travail. Quant au Gouvernement, souvent prompt à se substituer aux partenaires sociaux, étonnamment il n'a pas bougé, renvoyant le problème de la pénibilité au débat sur les retraites. On voit qu'il y a deux poids et deux mesures.

Tout cela aurait dû inciter le Gouvernement à plus de prudence avec une profession qui entre bien dans le champ de la discussion sur la pénibilité. Pour preuve, je le rappelle, le Président de la République – c'est pourtant une référence pour vous –, il n'y a pas longtemps, dans l'émission Paroles de Français, sur TF1, le 25 janvier dernier, a répondu à l'interpellation d'une infirmière sur la dégradation des conditions de travail : « On en reparlera avec les syndicats parce que la pénibilité est un sujet extrêmement complexe. » C'est la parole du Président de la République ; on voit ce qu'il en reste quelque deux mois plus tard : tellement complexe que vous passez en force sans en parler du tout !

La position du groupe socialiste est claire. Nous demandons tout simplement la suppression de ce très malvenu article 30 parce qu'il passe outre aux positions des partenaires sociaux. Tout cela n'est qu'un mauvais coup porté au dialogue social, qui augure bien mal du débat sur les retraites du mois de septembre. Il est des signes qui instillent la défiance entre partenaires ; celui-là en est un qu'il sera difficile de faire oublier.

Il est encore temps de se rattraper, monsieur le secrétaire d'État, en acceptant le retrait de cette lettre rectificative, dans quelques heures ou quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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