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Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 7 avril 2010 à 15h00
Rénovation du dialogue social et diverses dispositions relatives à la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarisol Touraine :

C'est un article ajouté à la va-vite, à la dernière minute, mais qui fait couler beaucoup d'encre et pousse les infirmiers et infirmières dans la rue.

Cet article est paradoxal au regard du titre même que vous avez souhaité donner à votre réforme – rénovation du dialogue social dans la fonction publique – puisque, s'il est présenté devant nous, c'est purement et simplement parce qu'il résulte de l'échec des discussions engagées avec les partenaires sociaux, tout en reprenant point par point la position du Gouvernement, sans juger utile d'y intégrer la moindre des réserves émises par les organisations syndicales.

Concrètement, ce texte prévoit de tirer les conséquences de l'application aux professionnels de santé du secteur public du dispositif dit « LMD », lequel va leur permettre d'obtenir un classement indiciaire plus intéressant. Il vise en outre à reconnaître, bien que de manière limitée, la qualification des infirmiers à au moins bac + trois. Si j'ai dit « d'une manière limitée », c'est que certains d'entre eux, comme les infirmiers anesthésistes, ont déjà aujourd'hui une qualification et une formation supérieure à bac + trois, sans que le texte de loi, à ce stade, en tire la moindre conséquence.

À nos yeux, le plus choquant, dans ce texte, est l'absence de prise en compte de la pénibilité du travail des infirmiers pour la définition des conditions de leur départ à la retraite. Je comprends que, dans ce système, les infirmières et les infirmiers du secteur public se sentent floués et mal aimés. Pourtant, Nicolas Sarkozy avait déclaré en 2007 : « Malgré les grands services qu'elles rendent à la société, aux patients et à leurs familles, les infirmières et les infirmiers restent, en ville comme à l'hôpital, les oubliés de nos politiques de santé. »

Le caractère admirable du travail qu'ils, et le plus souvent elles, accomplissent n'est pas en cause. Ce n'est pas un hasard si les Français les citent spontanément au rang des professions les plus utiles et les plus aimées. Mais il est urgent de sortir de ce discours compassionnel qui vante le dévouement des infirmiers plutôt que leur compétence, leur engagement plutôt que leur expérience. Nous n'avons plus à faire à des infirmières en cornette, et même si celles-ci méritent toute notre considération et notre soutien, elles ne peuvent à l'évidence plus servir de référence pour une profession qui s'est, depuis, profondément transformée.

Or le texte que vous présentez, sous couvert d'une meilleure reconnaissance du métier à travers la mise en place d'un recrutement à bac + 3 au moins, revient en réalité à le banaliser, à en nier certaines des spécificités, au premier rang desquelles figure la pénibilité du travail accompli, et poursuit en réalité d'autres desseins. Le choix d'en précipiter l'adoption a de quoi laisser perplexe, à quelques mois d'une réforme globale des retraites que l'on annonce décisive. Il est compréhensible que la profession le perçoive comme un geste de défi à son encontre. Un de plus !

Je ne reprendrai pas les caractéristiques, déjà largement évoquées, du texte que vous présentez. Je veux simplement rappeler que les personnels paramédicaux désormais susceptibles d'être classés en catégorie A des fonctions publiques, sont très nombreux : près de 200 000 infirmiers dans la fonction publique hospitalière, 25 000 cadres de santé, moins de 10 000 agents – infirmiers et puéricultrices principalement – dans la fonction publique territoriale et quelques dizaines de professionnels de santé de la pénitentiaire. C'est donc d'abord à l'hôpital public que la réforme proposée va s'appliquer. Aussi est-il naturel que les personnels concernés s'interrogent sur la manière dont l'hôpital public, qui a fait l'objet d'une succession de réformes, a été traité ces dernières années.

Je tiens d'abord à dénoncer une présentation biaisée qui tendrait à faire croire que les infirmiers, s'ils optaient pour la proposition qui leur est faite, bénéficieraient d'une revalorisation égale à 2 000 euros par an, ce qui peut sembler intéressant, voire spectaculaire. La réalité est moins flamboyante et dépend largement du moment de la carrière concerné. Ainsi, un infirmier IDE – infirmier diplômé d'État – classe normale, à seize ans de carrière, n'aura perçu, en 2015, que 35 euros brut d'augmentation,…

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