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Séance en hémicycle du 5 février 2009 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur l'attribution de fréquences de réseaux mobiles et le débat sur cette déclaration.

La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Je suis très heureux d'introduire cette séance de débat parlementaire, qui correspond à la réalisation d'un engagement que j'avais pris devant vous lorsque fut débattue la loi du 3 janvier 2008 sur le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce débat a été promis, il a lieu aujourd'hui, je ne peux donc que m'en réjouir.

Nous sommes maintenant en mesure de décliner concrètement un certain nombre d'annonces faites récemment par M. le Premier ministre concernant les modalités d'attribution des fréquences d'une quatrième licence mobile de troisième génération, et plus généralement l'ensemble des orientations que nous vous proposons pour l'attribution des autres fréquences qui seront prochainement disponibles : il s'agit de la gamme des 2,6 gigahertz d'une part, et de la sous-bande des 800 mégahertz, dite du « dividende numérique », qui sera libérée avec l'extinction de la télévision analogique, d'autre part.

Ces orientations que vous propose le Gouvernement correspondent à une véritable ambition pour le secteur des télécommunications. Nous allons aborder, avec ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, des questions qui sont certes complexes mais éminemment stratégiques pour l'avenir économique de notre pays.

Il faut avoir en tête que les technologies de l'information et de la communication représentent, sur les dix dernières années, la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l'Europe. Elles comptent aussi pour 40 % de la hausse de la productivité de notre économie. Le secteur des TIC est donc économiquement déterminant, grâce aux innovations qu'il engendre pour l'ensemble de notre industrie. Celles-ci trouvent des applications dans des secteurs aussi divers que l'automobile, les éco-industries, l'aéronautique, la télémédecine, la formation, le maintien à domicile des personnes âgées, l'industrie des loisirs, etc. Leur impact est évident sur nos modes de vie et la relation des salariés à leur travail : je pense notamment au développement du travail à distance avec les possibilités de visioconférence et de portabilité des données.

Bref, les enjeux sont autant économiques que technologiques et sociaux – je dirai même sociétaux.

Dans cette période de crise économique, la volonté du Gouvernement, vous le savez, est de nous mobiliser pour faire face à l'urgence financière et économique, notamment grâce au plan de relance. Mais nous devons plus que jamais poursuivre les réformes pour préparer la France au monde d'après. La crise est dure, violente ; mais elle prendra bien fin un jour, et ce jour-là nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres.

Pour cela, il faut dès aujourd'hui identifier des relais de croissance stratégiques et investir.

Les technologies de l'information et de la communication en font évidemment partie. Le Gouvernement dessine donc depuis dix-huit mois une politique très ambitieuse en matière de technologies numériques ; nous avons notamment avancé dans le domaine du développement de la concurrence dans les télécoms.

Ce développement de la concurrence répond à mon sens à plusieurs enjeux. Le premier d'entre eux est industriel et économique : le gain pour les consommateurs ne se fera pas au détriment des investissements ni de la couverture nationale du territoire. La concurrence, on l'a vu sur tous les marchés, est saine ; elle stimule le marché. Les analystes tablent ainsi sur une croissance de 7 % du marché global de la téléphonie mobile. Les investissements engendrés par l'arrivée d'un éventuel nouvel entrant seront importants pour l'économie et pour l'emploi, du fait des investissements nécessaires, d'abord pour la construction d'un réseau nouveau, mais aussi pour la recherche de nouveaux services et la distribution des offres correspondantes. Il faut bien avoir à l'esprit qu'il ne sera pas dans l'intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure, c'est-à-dire les investissements, notamment pour la couverture du territoire – sous peine de perdre en compétitivité. Nous serons très vigilants sur ce point, afin que les engagements pris dans ce domaine soient tenus. L'ARCEP – l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – devra les contrôler. Ses pouvoirs de sanction ont d'ailleurs été renforcés.

Le deuxième enjeu est celui du pouvoir d'achat des consommateurs.

D'après les simulations réalisées par mes services, l'ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur au moins devrait représenter à terme une baisse de 7 % des tarifs. Ces simulations tiennent compte de l'observation de ce qui s'est passé à l'étranger, lors du passage de trois à quatre opérateurs. Cela fait tout simplement 1,2 milliard d'euros de pouvoir d'achat rendu aux Français chaque année, sur un marché qui devrait représenter, en 2015, quelque 21 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Le troisième enjeu est celui de l'innovation. Il est clair que l'entrée de nouveaux acteurs va bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Nous parlons ici de la prochaine génération de services : aujourd'hui, le triple play concilie dans une même offre la télévision, Internet et le téléphone ; demain, l'offre quadruple play ajoutera une nouvelle dimension, car il sera possible de consulter de n'importe quel terminal, chez soi, au bureau ou dans la rue, l'ensemble de ses documents et données personnelles. C'est un nouvel âge de la convergence qui s'ouvre ; c'est un véritable saut en matière d'innovation.

Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils n'ont pas pour autant pris une avance irrattrapable sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait donc à notre sens bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l'ambition fixée à la fois par l'Europe – avec la stratégie de Lisbonne – et par le Président de la République : faire de la France, d'ici 2012, un pays leader en matière de technologies de l'information et de la communication.

Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut savoir d'où nous venons.

Souvenons-nous : en 2000 et 2001, dans le contexte de l'emballement financier et économique créé par la bulle Internet, l'État avait fixé un prix de 5 milliards d'euros pour les licences 3G, qui représentaient alors la première étape vers le portable à haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre qui, avec le recul, paraît vertigineuse. Un troisième opérateur, Bouygues, avait renoncé à suivre. Deux éléments ont alors joué : d'abord le dégonflement de la bulle Internet, ensuite la volonté du gouvernement de l'époque d'éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser les prix. L'État a donc institué une redevance fixe à 619 millions d'euros, plus une redevance variable de 1 % du chiffre d'affaires.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation qui finalement n'est pas si différente : l'appel à candidatures lancé par l'État en 2007 pour l'attribution de nouvelles fréquences n'a pas trouvé preneur auprès de nouveaux acteurs. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner, tout en garantissant naturellement l'égalité de traitement de l'ensemble des opérateurs. Dans le même temps, l'État doit veiller à soutenir la croissance du secteur, à assurer la couverture du territoire et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences.

Cela représente, pour les finances publiques, de l'argent, beaucoup d'argent. Nous avons donc demandé à l'ARCEP de mener une consultation publique ; celle-ci a été menée au cours de l'été 2008. Je vous livre ici le fruit des réflexions du Gouvernement.

Nous pensons qu'il est souhaitable, afin de rebondir et de répondre à l'infructueux appel d'offres précédent, de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires, comme l'a indiqué récemment le Premier ministre, en trois lots : un lot de deux fois 5 mégahertz réservé à un nouvel entrant, à un tarif qui doit être par définition non discriminatoire par rapport aux offres précédentes, j'y reviendrai dans un instant – lot auquel s'ajoute l'accès à la bande de 900 mégahertz, essentielle pour les enjeux, qui vous préoccupent tout naturellement, de couverture du territoire –, et deux autres lots de deux fois 5 mégahertz chacun, ouverts à tous, pour lesquels tous les opérateurs, y compris les historiques, pourraient postuler.

Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, et sur quels critères ?

Il ne sera pas choisi sur un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont. Nous proposons une règle simple, guidée par un souci d'équité vis-à-vis des opérateurs existants, qui consisterait à fixer un prix correspondant au tiers du prix défini précédemment, puisque nous accorderons à ce nouvel entrant un tiers des fréquences envisagées antérieurement, soit environ 206 millions d'euros – 619 millions divisés par trois. Différents types de raisonnement pourraient justifier de demander plus, ou au contraire moins. Nous proposons la solution qui apparaît, de l'avis de nombreux experts, comme la plus juste et la plus sûre juridiquement, c'est-à-dire le tiers du prix pour le tiers des fréquences.

Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence pour l'attribution d'une nouvelle licence ? Nous procéderons à ce qu'on appelle, en termes techniques, une procédure de soumission comparative, ou, en termes plus parlants, un « concours de beauté ». (Sourires.) Il s'agit de voir quels postulants présentent pour l'État les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière d'ampleur et de rapidité des déploiements ; de cohérence et de crédibilité de l'ensemble du projet ; de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice des consommateurs, sujet qui m'est particulièrement cher ; d'environnement ; de qualité de service ; de couverture de l'ensemble du territoire, sujet auquel les élus ici présents sont particulièrement attachés.

Afin de traiter équitablement les opérateurs existants et le nouvel entrant, il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d'attribuer les premières licences en 2001 et 2002. Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l'ensemble du territoire, dans le but de favoriser la concurrence, y compris dans les zones rurales. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s'oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que lors des précédents appels à candidatures.

À ce propos, je tiens à indiquer que la diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l'appel à candidatures pour la bande de 2,1 gigahertz n'a pas d'impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer un réseau sur l'ensemble du territoire : le quatrième opérateur ne doit pas être un opérateur au rabais. C'est en effet à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions tout aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.

Ainsi, dans cet appel à candidatures, nous ferons jouer la concurrence non pas sur les prix, mais sur la capacité à répondre à des engagements. Le but de cette méthode est d'obtenir des candidats des engagements allant bien au-delà des obligations minimales, notamment en termes de couverture du territoire. Je crois que ces éléments sont de nature à apaiser certaines inquiétudes légitimes. Pour le Gouvernement, l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché doit absolument être compatible avec un objectif ambitieux de couverture du territoire. Je le répète, nous ne souhaitons pas de quatrième opérateur au rabais.

Par ailleurs, afin de faciliter la couverture en téléphonie mobile de troisième génération, la loi de modernisation de l'économie que vous avez adoptée l'été dernier a prévu des dispositions pour imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L'ARCEP, chargée de définir les conditions de cette mutualisation des réseaux, devrait nous rendre ses conclusions prochainement. Il faut d'ailleurs avoir à l'esprit que partager les investissements à quatre et non plus à trois peut aussi être un avantage déterminant pour la couverture de l'ensemble du territoire.

Le partage des fréquences disponibles permet, en outre grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires aujourd'hui et qui se sont manifestés à ce sujet.

Pour ces deux lots, le prix sera, en revanche, un critère déterminant ; c'est en tout cas ce que vous propose le Gouvernement. La loi de modernisation de l'économie a ouvert la possibilité de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l'État de vendre ces deux lots au meilleur prix. Nous nous orientons donc, pour ces fréquences, vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d'envisager, au-delà du critère prix, que les opérateurs existants prennent des engagements de nature à favoriser le dynamisme du marché français. Ils pourraient être incités, par exemple, à s'engager à assouplir les conditions d'accueil des Mobile Virtual Network Operators car on constate aujourd'hui que, malgré leur nombre, les MVNO peinent à se déployer sur le réseau. Cela permettrait de stimuler la concurrence sur le marché.

Concernant la couverture du territoire, il n'y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d'aller plus loin que les engagements qui ont déjà été pris. Ce qu'il faut, c'est faire respecter les engagements en la matière, ce qui n'est pas encore pleinement le cas aujourd'hui ; croyez-moi, le Gouvernement y veillera. C'est notamment pour cela que nous avons choisi de renforcer, dans la loi de modernisation de l'économie que vous avez adoptée, les pouvoirs de sanction de l'ARCEP dans ce domaine.

Par ailleurs, je souhaite que l'attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après l'attribution du premier lot de fréquences, c'est-à-dire le lot « réservé » à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat de ce premier lot de se porter candidat, s'il le souhaite, aux autres lots. C'est à la fois, pour lui, une possibilité d'acquérir des fréquences supplémentaires, et, pour l'État, l'opportunité d'obtenir un meilleur prix.

Pour finir sur ce point, je voudrais dire un mot de la numérotation. Les premiers numéros en « 07 » devraient être lancés mi-2010. Il ne reste en effet qu'environ dix millions de numéros disponibles en « 06 ». Pour que le nouvel entrant ne soit pas trop pénalisé par ce changement de numérotation, l'ARCEP a décidé d'en préréserver 3 millions, qui lui seront destinés.

S'agissant des fréquences 3G pour l'Internet mobile à très haut débit, je voudrais insister sur l'importance d'une attribution rapide. Ce choix s'inscrit dans le cadre d'une politique plus large en faveur du développement de l'économie numérique, que Nathalie Kosciusko-Morizet vous présentera dans un instant, et qui passera par l'attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l'Internet mobile à haut débit. Il s'agit, d'une part, de la bande de 2,6 gigahertz, qui devra être libérée par les militaires à partir de 2010, et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses. Il s'agit, d'autre part, des fréquences de la bande 790-862 mégahertz, qui seront libérées, dans le cadre du dividende numérique, avec l'extinction de la télévision analogique d'ici au 1er décembre 2011. Cela nous offrira d'excellentes opportunités pour la couverture du territoire.

Une attribution conjointe de ces fréquences permettra de traiter simultanément les problématiques liées aux zones denses et aux zones rurales et de réduire ainsi le risque de constitution d'une fracture numérique pour le très haut débit mobile.

Selon les premières études de la direction générale du Trésor et de la politique économique, l'impact macroéconomique de l'attribution d'une partie du dividende numérique aux communications électroniques pourrait atteindre 0,05 % du produit intérieur brut. La réutilisation proposée permettra ainsi de répondre aux besoins de développement de l'audiovisuel, tout en donnant aux communications électroniques les moyens nécessaires au déploiement de réseaux mobile à très haut débit sur l'ensemble du territoire.

Du point de vue de la structure du marché, la consultation publique que lancera l'ARCEP au mois de février devrait permettre d'étudier le découpage en lots des différentes bandes. De ce découpage dépendra le nombre d'autorisations à attribuer dans chacune de ces bandes.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je tenais à vous dire pour lancer le débat. Notre objectif est de lancer la procédure d'attribution d'ici la fin de l'année, pour une attribution des licences avant fin 2010 et une mise à disposition effective des ressources à partir de 2012, avec l'ouverture commerciale des nouveaux services proposés. Mais je serai intéressé par les différentes propositions que vous pourriez nous soumettre sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Je voulais intervenir en début de séance sur le déroulement de nos travaux – mais il était important aussi d'entendre M. le ministre – non pas pour regretter les propos de M. Fillon qui, à l'époque, reprochait à M. Jospin de ne pas vendre assez cher les licences UMTS, car là n'est pas le sujet, mais pour critiquer la méthode retenue par le Gouvernement.

Nous avons entendu hier en commission des affaires économiques, sous l'égide du président Patrick Ollier, M. Mallet, président de l'autorité de régulation. Nous avons eu un débat extrêmement intéressant, en présence de nombreux députés qui ont tous exprimé les réticences tant sur la méthode et sur les modalités que sur l'opportunité de la mise en oeuvre de cette quatrième licence. Cette audition s'inscrivait dans une logique, inscrite dans la loi à l'initiative des parlementaires eux-mêmes : celle d'une consultation préalable du Parlement avant toute décision du Gouvernement.

Nous avons, hier, interrogé M. Mallet sur le prix de la licence en question. Il nous a dit qu'il ne lui appartenait pas de nous répondre sur ce point, et qu'il revenait au Gouvernement de le faire au cours du débat de ce matin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Brottes

Nous avons parfaitement compris ses propos, puisque c'est bien le Gouvernement qui, sur ce sujet, est à la manoeuvre, et non pas l'autorité de régulation.

Or, madame la présidente, chacun a pu observer que la presse de ce matin, qu'il s'agisse du Figaro ou du Monde, fait état d'un certain montant, avant même que les parlementaires n'en soient informés. Je voulais dénoncer cet état de fait.

Pourquoi donner des rendez-vous aux parlementaires et organiser des débats si, de toute façon, la presse est informée avant eux ? Nous avons tous de multiples occupations, y compris vous, madame la présidente, et je trouve extrêmement choquant – je le dis avec un peu de véhémence, mais je crois que l'ensemble de mes collègues partagent cette appréciation – de nous réunir pour nous lire le journal – et ce d'autant plus que le président de l'autorité de régulation a, lui, respecté le cadre de sa fonction et de sa mission. Une fois de plus, le Parlement compte pour du beurre, et c'est bien dommage, madame la présidente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, l'économie numérique représente, comme mon collègue Luc Chatel vient de le rappeler, le secteur le plus dynamique de l'économie mondiale. Dans la plupart des pays développés, son taux de croissance est le double de celui de l'économie globale. Elle représente désormais plus de 25 % de la croissance mondiale, et elle en représentera sans doute 30 % avant cinq ans. Les investissements dans l'économie numérique sont des plus productifs, car ils accroissent la compétitivité de l'ensemble des autres secteurs de l'économie. En outre, les emplois de l'économie numérique sont peu délocalisables.

Développer l'économie numérique peut donc nous permettre d'apporter une partie de la réponse à la crise économique actuelle, en transformant l'innovation en croissance pour maintenir et créer des emplois qualifiés.

Mes priorités pour le numérique se structurent autour de trois chantiers.

Le premier chantier sera celui des réseaux, avec le haut débit fixe et mobile pour tous les Français d'ici à 2012, et bientôt la fibre optique.

Le second chantier sera celui des technologies. Il s'agit de transformer toute l'innovation venue de la recherche et du développement en outil de croissance.

Le dernier chantier sera celui des usages numériques, qui doivent être développés au bénéfice du citoyen. Toutes les initiatives facilitant l'adoption de ces nouvelles technologies seront soutenues : la carte nationale d'identité électronique, le télétravail, la télémédecine, ou encore l'administration électronique.

Le débat d'aujourd'hui nous permet d'exposer la vision stratégique de notre pays non seulement en matière de fréquences, mais aussi en matière d'économie numérique. Luc Chatel vous a présenté la politique du Gouvernement pour les fréquences à 2,1 gigahertz et notre souhait de voir émerger un nouvel opérateur mobile au bénéfice des Français.

Je souhaite, pour ma part, exposer brièvement quelques-uns des enjeux de l'économie numérique qui sont au coeur des projets territoriaux qui vous sont chers. J'évoquerai à ce titre le dividende numérique, le passage à la télévision « tout numérique », la télévision mobile personnelle et plus généralement, l'aménagement numérique des territoires.

S'agissant du dividende numérique, la France connaît une chance historique, celle de la disponibilité de fréquences dites « en or ». En effet, le passage à la télévision tout numérique va libérer des fréquences, permettant de dégager ce qui est communément appelé le « dividende numérique » et de réduire considérablement le coût du déploiement des réseaux mobiles dans les zones peu denses.

Le dividende numérique, à l'image du GSM, est une occasion unique pour notre pays et pour l'Europe de définir une politique ambitieuse dans le domaine du numérique. Il contribuera à l'aménagement du territoire et au développement social en développant sur l'ensemble du territoire l'Internet à très haut débit, grâce à l'affectation aux services de communication électronique de la sous-bande 790-862 mégahertz. La procédure d'attribution de ces fréquences sera lancée d'ici à la fin de 2009 selon plusieurs critères : valorisation du patrimoine immatériel de l'État, couverture du territoire et concurrence.

Le dividende numérique contribuera également au développement des nouveaux services de télévision – télévision haute définition, télévision mobile personnelle ; au développement grâce à la réaffectation des fréquences libérées en bande III, des nouveaux services de radio numérique, offrant une meilleure qualité de son et l'affichage d'informations sur des écrans – météo, état du trafic, identification des musiques et programmes, jeux interactifs ; à la croissance économique grâce aux nouvelles infrastructures qui seront déployées avec ces fréquences.

Quelles seront les étapes suivantes ? Des travaux sont menés avec les partenaires européens de la France pour que l'Europe toute entière bénéficie de ce dividende. Le Royaume-Uni vient ainsi de prendre une décision identique à celle du gouvernement français, et l'Allemagne devrait en faire autant dans les prochaines semaines. Dès lors, d'ici à quelques mois, le dividende numérique sera devenu une réalité européenne.

J'en viens au passage à la télévision tout numérique. Le dividende numérique ne sera perçu que si nous réussissons le déploiement sur l'ensemble du territoire national des dix-huit chaînes de télévision gratuite en qualité numérique…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…et l'arrêt de la diffusion des chaînes analogiques avant le 30 novembre 2011. C'est l'une de nos priorités.

La TNT offre davantage de choix pour le téléspectateur, plus d'information, plus de culture, plus d'ouverture sur le monde, en un mot : plus de qualité. La TNT, enfin, présente l'avantage de n'avoir pas à changer de téléviseur.

Les réseaux de TNT couvriront 95 % de la population, et les 5 % de foyers restants pourront s'équiper de paraboles satellites pour recevoir gratuitement les dix-huit chaînes nationales de la TNT.

Mais, pour réussir le passage au tout numérique, il faut s'assurer que tous les foyers reçoivent effectivement la TNT sur leurs postes de télévision. Il s'agit là, à mon avis, du défi le plus ambitieux.

J'observe que, trois ans après le lancement du déploiement de la TNT, et malgré un taux de couverture de la population qui approche désormais 89 %, seuls 57,8 % des foyers sont aujourd'hui équipés d'au moins un poste capable de recevoir la TNT, et 29,9 % seulement des foyers ont équipé l'ensemble de leurs postes de télévision. Il faut donc, dès maintenant, accélérer le rythme d'équipement des foyers. Tel est l'objectif du dispositif national d'accompagnement du public présenté le 6 novembre dernier, et qui sera complètement mis en place au 31 mai 2009.

L'accompagnement des publics sensibles, tels que les personnes âgées ou handicapées, particulièrement vulnérables face au changement technique, sera encouragé financièrement par l'État. De leur côté, les ménages à faibles revenus seront eux aussi aidés pour l'acquisition et l'installation du matériel de réception.

Une opération pilote s'est achevée hier à Coulommiers. Cette ville et neuf communes alentour sont passées au tout numérique, de façon très satisfaisante grâce à la forte mobilisation de la municipalité, des associations et de bénévoles. C'est d'ailleurs sans doute le premier enseignement de cette opération : la mobilisation des élus et du tissu associatif est l'une des clés pour assurer la réussite du projet. Cela dit, les conditions de l'assistance financière doivent encore être simplifiées. De plus, un effort accru d'information reste à faire, notamment pour expliquer les problèmes techniques auxquels ont dû faire face les habitants de Coulommiers et des neuf communes environnantes.

Un second site pilote sera mis en oeuvre à Kaysersberg, en Alsace, à partir du 14 avril et jusqu'au 27 mai 2009, avant le lancement, en juin, de la plaque du Nord-Cotentin, en vue d'une extinction de l'analogique au 18 novembre. À la fin de l'année seront lancés les processus d'extinction pour l'Alsace et la Basse-Normandie. La Lorraine, Champagne-Ardenne, puis la Franche-Comté, la Bretagne et les Pays de la Loire suivront en 2010.

Je réunirai, le 12 février prochain, le comité stratégique pour le numérique afin de finaliser rapidement l'ensemble du dispositif national d'accompagnement du public vers la télévision numérique et de publier l'ensemble du calendrier de l'opération avant la fin du mois de mai 2009.

S'agissant de la télévision mobile personnelle, le dividende numérique permettra l'émergence de nouveaux services audiovisuels. Ainsi, la TMP représente une évolution majeure des modes de consommation télévisuels, de la même façon que le transistor a transformé l'utilisation de la radio.

La dynamique mondiale de la TMP se met en place et il est important pour la France de s'y engager. Derrière les pays pionniers tels que la Corée ou le Japon, les marchés de la TMP tendent à se multiplier, notamment en Europe – Italie, Autriche, Suisse. Pourtant, en France, nous marquons légèrement le pas, car la définition du modèle économique de la TMP est compliquée. Sera-t-elle gratuite ou sur abonnement ? Quel sera le mode de rémunération des distributeurs ?

Je lancerai donc dans les prochains jours une mission de médiation, qui durera jusqu'à la fin du mois de mars, entre les différents éditeurs et distributeurs de services, en y associant le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il s'agit d'examiner la possibilité de lancer les travaux d'investissement sur un réseau pilote de TMP, grâce à un « noyau dur » d'acteurs – principaux opérateurs de télécommunications et chaînes de télévision – afin de permettre à la chaîne de valeur de se construire.

J'évoquerai, enfin, l'aménagement numérique des territoires. Si le numérique est porteur d'innovation, de croissance et de nouveaux usages, il doit avant tout permettre aux territoires de se développer.

L'implication budgétaire de l'État est constante dans le domaine de l'aménagement numérique des territoires. Ainsi, les investissements sur les réseaux d'initiative publique depuis 2002 sont estimés à 2,5 milliards d'euros, pris en charge pour près de la moitié par les investisseurs privés et pour le tiers par les collectivités territoriales.

L'État et l'Europe, au moyen des fonds européens – 220 millions d'euros – et des contrats de plan État-régions – 220 autres millions–, ont assumé 16 % de ce financement. Sur la période 2007-2013, 300 millions d'euros seront consacrés par l'État à l'aménagement numérique des territoires.

Mes priorités dans ce domaine sont d'assurer le haut débit fixe et mobile pour tous les Français avant 2012 et de soutenir les collectivités dans leur rôle d'aménageur du territoire.

L'Internet à haut débit constitue aujourd'hui, comme l'eau ou l'électricité, une commodité essentielle. Les différents réseaux d'accès laissent non desservis, selon les données des opérateurs eux-mêmes, près de 2 % de la population française, répartis sur une fraction significative du territoire. En d'autres termes, 1 à 2 millions de Français sont exclus de la société de l'information.

Un appel à manifestation d'intérêt a ainsi été lancé le 12 janvier dernier afin d'identifier des opérateurs universels du haut débit fixe. Chaque Français, où qu'il habite, bénéficiera ainsi d'un droit, opposable à ces opérateurs labellisés, à disposer d'un accès à l'Internet à haut débit – soit plus de 512 kilo-octets par seconde – à un tarif abordable – moins de 35 euros par mois, matériel compris. Le label sera mis en place avant la fin de l'année et plusieurs opérateurs se sont déjà portés candidats.

Par ailleurs, grâce aux dispositions de la loi de modernisation de l'économie, un réseau rural mobile de troisième génération, mutualisant les équipements entre opérateurs, permettra d'assurer à tous les Français, d'ici à 2012, un accès au haut débit mobile. Je lancerai des expérimentations sur cette mutualisation dans les prochaines semaines.

Les collectivités locales sont fortement impliquées dans cette révolution numérique. Elles ont contribué à l'émergence de plus de cent réseaux d'initiative publique en investissant plusieurs centaines de millions d'euros pour le désenclavement numérique des territoires. Elles doivent être soutenues.

Ainsi, une circulaire mettra bientôt en place des instances de coordination État-collectivités, afin notamment de définir des schémas directeurs numériques. Une aide financière sera fournie par l'État pour la définition de ces schémas.

Par ailleurs, deux décrets qui seront publiés prochainement permettront d'accélérer l'aménagement numérique des territoires. Le premier porte sur le droit à la connaissance des réseaux, instauré par la LME ; le second favorisera une meilleure connaissance de la couverture des services.

Enfin, doter les collectivités locales d'un outil réglementaire supplémentaire, comme par exemple l'investissement minoritaire dans des gestionnaires neutres d'infrastructures, pourrait faciliter leur intervention dans le très haut débit. J'ai donc lancé, avec la Caisse des dépôts et consignations, une étude sur ce sujet et, plus généralement, sur la place des réseaux neutres et de l'investissement public pour le très haut débit. Je souhaite pouvoir donner rapidement suite aux conclusions de cette étude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous débattons aujourd'hui de l'attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile de troisième génération. Nous en connaissons les grandes lignes.

L'attribution de cette quatrième licence doit s'inscrire dans une réflexion globale d'utilisation de l'ensemble des fréquences dont nous disposons avec, comme axe central, le développement des nouveaux usages pour tous et sur tout le territoire.

L'aménagement du territoire, la capacité d'investissement des opérateurs, l'innovation et l'impact économique sur l'ensemble de la filière doivent être au coeur de notre réflexion sur le numérique.

Ce sont là nos priorités sur ce dossier. Permettez-moi de vous demander, madame et monsieur les secrétaires d'État, quelles sont les vôtres, car nous ne connaissons que les grandes lignes des modalités d'attribution de cette quatrième licence, même si nous avons eu un peu plus de détails par la presse de ce matin, et nous intervenons aujourd'hui sans connaître ni les données précises de l'appel d'offre ni surtout l'objectif exact visé.

C'est donc sur la foi d'éléments assez vagues que nous sommes appelés à débattre ce matin, alors que nous avons besoin de savoir exactement quels sont les objectifs poursuivis et selon quel ordre de priorité. Cela m'amène à exprimer deux sources d'inquiétude.

Inquiétude en termes d'aménagement du territoire, d'abord. Vous dites faire de l'aménagement du territoire et de la baisse des prix payés par le consommateur le coeur des enjeux de l'ouverture du spectre. Cependant, au regard des conditions de mise en oeuvre de l'attribution de la quatrième licence, il est permis d'avoir des doutes sur la priorité qui sera accordée à un déploiement réel sur l'ensemble du territoire.

Un des trois lots sera automatiquement accordé à un nouvel opérateur. Et il semble se confirmer – mais pouvait-on en douter ? – qu'un seul opérateur, celui-là même auquel la licence avait été refusée en 2007, sera candidat pour l'attribution de la bande de fréquence. On ne peut guère parler de mise en concurrence. Cela ressemble plutôt, force est d'en convenir, à une offre faite sur mesure pour un opérateur qui n'a pas voulu effectuer la mise de fonds initiale correspondant à une bande de 15 mégahertz et l'investissement nécessaire au déploiement d'une telle bande.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Exactement.

Dans ces conditions, plusieurs questions se posent. Comment le nouvel opérateur sera-t-il en mesure d'assurer cette mission de service public que représente la couverture de l'ensemble de la population ? Y a-t-il d'ailleurs vraiment intérêt ? Cela correspond-il à son modèle économique ? Quelles seront, concrètement, les garanties que vous lui demanderez en termes de déploiement du réseau sur le territoire ? Surtout, quels moyens de contrôle développerez-vous par la suite ? Sur ces points, nous attendons des réponses précises.

Sans doute l'arrivée d'un nouvel opérateur peut-elle constituer un progrès pour les consommateurs. Nous ne le nions pas. Encore faut-il qu'il apporte un service là où il n'y en a pas aujourd'hui. Est-ce le but que vous poursuivez ? Je n'en suis pas si sûre.

De plus, il convient que le nouvel entrant soit soumis aux mêmes obligations que ses concurrents en termes d'aménagement du territoire, de taux de couverture et d'investissement. Or le principal opérateur en lice, qui se répand en déclarations à la presse, a d'ores et déjà annoncé qu'il consacrerait un milliard d'euros au déploiement du réseau, somme que chacun des trois opérateurs historiques a dépensée annuellement depuis qu'il dispose des bandes. Par la suite, le nouvel opérateur pourra-t-il assurer cet investissement chaque année ? S'il n'y parvient pas, ce sera un réel handicap pour les consommateurs – qui vous sont si chers, monsieur le secrétaire d'État –, du moins pour ceux d'entre eux qui seront privés des prétendus bienfaits de l'extension de la concurrence. On se demande comment vous comptez assurer un développement équitable sur l'ensemble du territoire avec cette quatrième licence.

En janvier 2009, 477 communes sont encore en zone blanche de téléphonie mobile. Les habitants des zones à faible densité, comme ceux de certaines banlieues, doivent avoir accès aux mêmes services que ceux des grandes agglomérations urbaines. Or, ce n'est absolument pas le cas aujourd'hui. La téléphonie mobile constitue pourtant un service universel et, à ce titre, toute la population doit pouvoir en bénéficier.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

C'est le rôle de l'État de s'en assurer, mais, dans les faits, ce sont souvent les collectivités locales qui l'assument.

Ces derniers temps, la régulation des mécanismes de marché paraît faire l'unanimité. Mais le marché ne peut pas tout, il est nécessaire de le réglementer. Le Président de la République l'a d'ailleurs répété à de nombreuses reprises, comme nous le faisons depuis fort longtemps. Pourtant, ce n'est pas le choix que vous semblez faire. Et l'attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile à un nouvel entrant, dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui, ne permettra pas d'assurer cette mission de service public. Par conséquent, ne vaudrait-il pas mieux achever au plus vite ce qui reste à faire avec les trois opérateurs existants, s'assurer qu'ils respectent leurs engagements et lever les obstacles techniques ?

Notre deuxième source d'inquiétude, dont nous avons fait part hier lors de la réunion de la commission des affaires économiques, concerne l'équilibre du marché. Sur ce point, vous ne nous avez pas répondu, madame et monsieur les secrétaires d'État.

Vous nous parlez de baisse des prix, mais les conséquences macroéconomiques ont-elles seulement été évaluées ? Hier, aucune donnée ne nous a été fournie sur le sujet. Dans le contexte économique actuel, y a-t-il réellement place pour un quatrième opérateur ? La question mérite d'être posée en termes économiques, car la réponse ne va pas de soi.

Favoriser le développement de la concurrence peut être bénéfique aux consommateurs, mais à condition que cela n'ait pas de conséquences négatives pour l'économie et surtout pour l'emploi. Au reste, les prix en France ne sont pas systématiquement plus élevés que dans les autres pays européens : ils le sont moins qu'au Royaume-Uni, par exemple, qui compte pourtant cinq opérateurs. Une fois de plus, il faut faire attention aux raccourcis sur les prétendus bienfaits de la concurrence. Celle-ci peut être une bonne chose, mais à condition que les règles du jeu soient respectées.

La recherche de la baisse des prix, que vous appelez de vos voeux, n'est pas un mauvais objectif en soi. Nul ne saurait s'y opposer. Cependant, la course à la baisse des prix peut avoir à terme des effets néfastes pour l'économie : diminution des salaires, délocalisations, pressurage des sous-traitants – nous en savons quelque chose dans mon secteur – et donc de l'économie locale. Le low cost est-il un modèle d'avenir ? Je vous laisse juges, mes chers collègues.

La recherche des prix les plus bas peut aussi conduire, dans un objectif de rationalisation des coûts, à la diminution de l'offre de services : service après-vente, assistance à domicile ou gratuité de certains services. Dans le contexte actuel, on peut se demander quels seront les effets, par exemple, sur le suivi des infrastructures.

Par ailleurs, avez-vous mesuré l'impact d'un nouvel entrant sur la santé économique des trois autres opérateurs ? Hier, notre demande d'information à ce sujet est restée sans réponse. C'est pourtant un point important en ces temps d'incertitude.

Les trois opérateurs atteignent tout juste l'équilibre économique, du fait des investissements qu'ils ont réalisés pour le déploiement du réseau. Or l'arrivée d'un nouvel entrant comprimera de fait un marché qui n'est pas extensible et qui va se concentrer sur les zones les plus rentables. Dès lors, les opérateurs ne risquent-ils pas de réduire les investissements destinés à achever la couverture du territoire – puisque la rentabilité diminuera – et à se reporter sur d'autres segments comme les fréquences offertes par le dividende numérique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Le risque d'un coup de frein est réel. M. Brottes l'a répété hier : en l'absence d'étude d'impact, nous ne pouvons qu'émettre des réserves sur ce projet.

Est-ce vraiment le moment de procéder à une opération que vous semblez vouloir inscrire – à tort, selon nous – dans le plan de relance économique ? Le risque d'effets pervers est manifeste. Vous avez rappelé, madame la secrétaire d'État, que l'économie numérique représentait un nombre considérable d'emplois. Il faut par conséquent rester très vigilant en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Erhel

Si vous attribuez ces fréquences, quelles contreparties précises demanderez-vous aux opérateurs, en particulier au nouvel entrant, en termes de couverture du territoire et d'investissement ? Autant de précisions élémentaires qu'il eût été utile de connaître avant notre débat.

Dans la conjoncture actuelle, nous émettons d'autant plus de réserves sur l'attribution d'une bande de fréquences à un nouvel opérateur, que l'opération manque de transparence : c'est par la presse que nous avons appris les données qui nous sont indispensables pour délibérer. Nous ne prêtons pas au marché toutes les vertus que vous semblez lui accorder, et les garanties, en termes de déploiement du réseau sur l'ensemble du territoire et de niveau d'investissement, ne sont pas suffisantes à nos yeux pour que nous puissions nous prononcer sur l'attribution de la quatrième licence.

L'objectif ne devrait-il pas plutôt être d'obtenir une couverture parfaite du territoire – y compris les zones de montagne et de banlieue, où l'accès à la téléphonie mobile n'est pas assuré partout – par les trois opérateurs existants et de ne pas hypothéquer les capacités d'investissements pour les enjeux à venir – 4G et LTE ?

Faute de garanties en termes d'aménagement du territoire et de protection des consommateurs, et en l'absence de toute étude d'impact sérieuse, il nous semble imprudent de décider dès aujourd'hui de l'attribution de la quatrième licence. C'est pourquoi nous vous demandons de procéder aux évaluations qui s'imposent et de les communiquer aux parlementaires avant qu'ils ne les lisent dans la presse. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Monsieur le président, madame et monsieur les secrétaires d'État, chers collègues, le Gouvernement ayant décidé en janvier d'attribuer les fréquences d'une quatrième licence de téléphonie mobile et de réserver un premier lot à un nouvel entrant, il nous convie aujourd'hui à débattre des modalités de l'opération. Mais débattre est un bien grand mot : chacun sait que le calendrier est bouclé, les décisions prises, et qu'il ne s'agit pour lui que d'informer la représentation nationale – après les médias – des décisions de l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

S'il n'avait rien proposé, vous lui auriez reproché de ne rien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Ainsi, l'ARCEP lance un appel à candidatures expirant à la mi-mars pour le futur quatrième opérateur mobile, afin d'attribuer les fréquences à l'été, sachant qu'un autre appel à candidatures pour les deux lots restants interviendra dans la foulée, dans le but d'attribuer les fréquences correspondantes avant la fin de l'année.

Nous contestons pour notre part l'opportunité d'ouvrir encore davantage à la concurrence le secteur de la téléphonie mobile. Tout indique que le scénario a été écrit pour Free qui, jusqu'à présent, est le seul candidat officiel à la quatrième licence. Le calendrier comme les conditions financières d'attribution sont favorables à l'opérateur malheureux, dont la candidature avait été rejetée en 2007.

Jusqu'à présent, Free conditionnait son offre à la baisse du prix de la licence ou à l'étalement de son paiement. En proposant de diviser les fréquences en trois lots et en réservant l'un d'entre eux à un nouvel entrant, pour un prix fixe d'environ 200 millions d'euros, le Gouvernement est visiblement décidé à faire un cadeau à cet opérateur. Un tel montant paraît en effet dérisoire, lorsqu'on sait qu'il représente à peine la moitié du budget publicitaire annuel d'un groupe tel que SFR. Le Gouvernement a beau se défendre de brader le patrimoine immatériel de l'État, la manoeuvre ressemble fort à une opération de solde ou de liquidation, à laquelle manque le préalable de l'inventaire. J'y reviendrai.

Le Gouvernement se retranche derrière l'argument selon lequel l'arrivée d'un nouvel opérateur améliorera l'offre des opérateurs, et laisse entendre que la modestie du prix d'attribution permet de mettre l'accent sur d'autres critères, comme les engagements en matière de couverture du territoire. Il est vrai que le directeur de Free, qui ne cache pas son enthousiasme, affiche l'objectif de faire baisser de 1 000 euros la facture annuelle moyenne par foyer, soulignant ainsi – à juste titre – les abus constatés aujourd'hui, que dénoncent du reste les associations de défense des droits des consommateurs. Le coût de production d'une minute de communication est en effet compris entre un et trois centimes d'euros. Or, elle est actuellement facturée trente-quatre centimes au-delà des forfaits, lesquels sont au demeurant très élevés en France par rapport à certains pays voisins.

Par ailleurs, Free a confirmé que ses objectifs étaient nationaux. « Notre projet », souligne la direction de l'entreprise, « c'est clairement une couverture nationale. Nous n'allons pas exclure les zones de faible densité. Au contraire, l'arrivée d'un quatrième opérateur, cela veut dire plus d'argent pour réduire les zones blanches, si les autres opérateurs sont volontaires. »

Outre que, pour parvenir à ses fins, Free devra investir au moins un milliard d'euros dans des infrastructures, nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de ce raisonnement, que le Gouvernement semble avoir fait sien. On se demande bien pourquoi l'arrivée d'un nouvel opérateur aurait pour effet mécanique d'améliorer l'offre et la couverture territoriale. Nous sommes au contraire fondés à penser, à l'instar des organisations syndicales du secteur, que l'arrivée d'un nouvel opérateur, surtout en pleine crise économique, risque de créer nombre d'effets pervers.

En premier lieu, il y a fort à parier que le nouvel arrivant concentrera ses investissements là où il pourra gagner des clients, c'est-à-dire dans les zones à forte densité. Les « zones blanches », que voudraient desservir les champions de l'aménagement du territoire, seront-elles mieux couvertes ? Rien ne permet de le penser.

La France compte seulement cent habitants au kilomètre carré, la plus faible densité d'Europe, avec, qui plus est, de très fortes disparités territoriales, que l'on retrouve de façon éclatante sur la carte de la couverture par l'ADSL. Free est il disponible en Lozère ? Non. Seul l'opérateur historique, France Télécom, couvre l'ensemble du territoire national au tarif unique imposé par l'ARCEP, et supérieur à celui pratiqué par tous ses concurrents. De ce fait, sa part de marché est inférieure à 20 % dans les villes, mais elle est de 80 % ailleurs, à l'inverse des opérateurs concurrents. Veut-on que le téléphone mobile soit bon marché pour les citadins et coûteux pour les ruraux, fût-ce par le truchement des impôts locaux ? On serait loin de la péréquation républicaine telle qu'elle existe pour le timbre ou le téléphone fixe.

L'arrivée d'un nouvel opérateur risque en outre d'accroître sensiblement le coût d'acquisition du client pour l'ensemble des acteurs, notamment du fait de l'augmentation des dépenses publicitaires.

Dès lors, on a peine à croire à une baisse durable du prix pour l'ensemble des consommateurs, à moins que les salariés du secteur n'en fassent une fois de plus les frais à coups de licenciements, de restructurations et de délocalisations. Le secteur vit d'ailleurs depuis des années au rythme des restructurations, avec de très nombreuses suppressions d'emplois ces trois dernières années : 22 000 pour le seul groupe France Télécom, 1 900 chez SFR, 1 500 chez Alcatel, près de 1 400 chez Noos-Numéricable, un millier chez Neuf-Cegetel.

Les consommateurs, qui seront, selon vous, les principaux bénéficiaires de l'élargissement de la concurrence, en font aussi les frais et sont unanimes à se plaindre de la baisse continue de la qualité de service. Les abonnés à Noos et autres opérateurs savent de quoi je parle.

On le voit, les vertus dont vous parez la concurrence sont loin d'être vérifiées. De fait, aucun bilan n'a jamais été tiré de l'ouverture à la concurrence du secteur de la téléphonie. Cela fait plusieurs années que Daniel Paul et moi-même demandons l'évaluation précise et l'examen critique des conséquences de la mise en concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des transports ferroviaires et, bien sûr, des postes et télécommunications.

En dépit des évolutions inquiétantes observées dans tous ces secteurs, évolutions qui mettent à mal les principes constitutifs du service public définis par le Conseil d'État et font douter des bénéfices qu'usagers et citoyens devraient, selon les partisans de l'ouverture à la concurrence, tirer de celle-ci, rien n'a jamais été entrepris en ce sens.

On peut pourtant s'interroger sur le bien-fondé de cette vaste entreprise de dérégulation des services publics. On constate en effet une hausse généralisée des tarifs, qui compromet le principe d'égalité, par exemple pour les tarifs de l'abonnement au téléphone fixe ou pour les prix de l'électricité et du gaz. Cette hausse tarifaire s'accompagne d'une différenciation des prix, notamment dans le secteur postal, au mépris du principe de péréquation. La qualité des réseaux s'est également dégradée. La fermeture de lignes de fret et de bureaux postaux de plein exercice dans les zones les moins peuplées, l'inégal accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, viennent directement remettre en cause les principes d'égalité et d'adaptabilité du service public.

Outre ces entorses aux principes définis par le Conseil d'État, on constate une dégradation de l'emploi, un développement des emplois précaires et un investissement moindre dans la recherche. C'est l'équilibre économique et social de notre démocratie qui est ainsi en cause.

Du reste, nombre de chercheurs travaillant sur les industries de réseau s'interrogent sur la pertinence, tant économique que sociale, de l'ouverture de ces secteurs publics à la concurrence.

Alors même que la construction européenne pourrait s'appuyer sur des secteurs publics rénovés dans chaque pays et les inciter à coopérer, voire susciter la constitution de services publics à l'échelle européenne, tout témoigne au contraire, et votre décision nous le confirme, de la volonté de poursuivre dans la voie de la dérégulation à marche forcée.

Rien ne permet pourtant de penser que remettre à l'ordre du jour la notion de service public ou confier à l'opérateur historique le soin de garantir le respect des missions de service public soit un frein à l'innovation et au développement des nouveaux moyens de communication qui, tels Internet ou la téléphonie mobile, représentent aujourd'hui un enjeu économique, culturel et social fondamental.

Nous pensons en revanche que la concentration sans cesse accrue du secteur, aux mains d'un nombre très limité d'acteurs, parmi lesquels Free, et que l'UFC-Que choisir nomme très significativement le « cartel » des opérateurs privés, n'offre pas toutes les garanties de qualité de service aux usagers, dans le respect des principes républicains.

C'est pourquoi, nous sommes résolument hostiles à votre décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Effectivement, on n'applaudira peut-être pas après…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur, madame les secrétaires d'État, mes chers collègues, l'économie numérique est devenue un département ministériel depuis près de deux ans. Cela donne enfin une visibilité et une cohérence à l'action publique dans ce domaine stratégique. Nous en sommes très satisfaits.

À titre personnel, je suis également très satisfait de travailler sur ce sujet à la fois avec Luc Chatel, dont l'engagement et la compétence sur les enjeux de consommation ne sont plus à démontrer, et avec Nathalie Kosciusko-Morizet, qui, j'en suis sûr, fera dans ce secteur le même travail de fond qu'elle a fait dans le domaine de l'environnement, et qui a été salué par tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La « loi Chatel » du 3 janvier 2008 est revenue sur le montant prévu de la licence pour la gestion d'un réseau de téléphonie mobile, soit 619 millions d'euros à l'époque, et a donné compétence au Gouvernement pour fixer un nouveau prix par voie réglementaire, après débat au Parlement.

Le 12 janvier, le Premier ministre a annoncé, au terme d'une procédure de consultation publique gérée par l'ARCEP, une stratégie globale d'attribution des fréquences pour les réseaux mobiles. L'État divisera la ressource existante en trois lots de deux fois 5 mégahertz. Un de ces trois lots sera attribué à un nouvel entrant.

Le Parlement, en janvier 2008, a accepté – ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux – de se dessaisir de son pouvoir de fixation du montant de la licence, en contrepartie de l'organisation d'un débat. C'est ce débat que nous avons aujourd'hui. Je n'aime pas les débats sans vote, qui sont assez humiliants pour le Parlement. À tout le moins faut-il plus de transparence sur les points sensibles, comme le montant de la quatrième licence ; il y a un peu plus de transparence depuis ce matin, et je vous serai reconnaissant, madame et monsieur les secrétaires d'État, d'être particulièrement précis à ce sujet dans vos réponses à mes questions.

Il nous paraît en effet légitime de nous interroger sur l'apparition d'un nouvel entrant dans le marché de la téléphonie mobile.

Nous avons, nous centristes, une tradition libérale qui nous fait considérer la concurrence – une concurrence libre et non faussée, nationale et européenne, encadrée et contrôlée par un régulateur fort – comme un des outils les plus puissants au service des consommateurs. Nous abordons donc ce débat avec un a priori positif.

Mais l'important, ce n'est pas l'idéologie, c'est la recherche pragmatique de l'optimum du point de vue de l'intérêt général, c'est-à-dire de meilleurs prix et services pour les consommateurs, et la saine gestion du patrimoine de l'État, en ce qui concerne l'aliénation de son domaine public.

À cet égard, je poserai trois questions.

Tout d'abord, quel est l'état du marché de la téléphonie mobile en France ? A-t-il besoin d'une activation de la concurrence ?

Ensuite, cette activation doit-elle se faire, si tel est le cas, en accordant une plus grande part du marché aux MVNO ou en déployant un quatrième réseau physique ?

Enfin, s'il doit y avoir un quatrième réseau physique – ainsi qu'en a décidé le Premier ministre –, comment devra-t-il se déployer pour assurer au consommateur un meilleur rapport qualité-prix et à l'État des recettes patrimoniales correspondant à la valeur du bien vendu ?

S'agissant du premier point, il s'agit à l'évidence d'un marché mature : fin 2007, il y avait 55,4 millions d'abonnés et un taux de pénétration de 85,6 % chez les actifs ; les trois opérateurs majeurs cumulent 95 % du marché et les opérateurs de réseau mobile virtuel, les MVNO, seulement 5 %.

Il est assez difficile d'évaluer l'intensité de la concurrence entre ces opérateurs, la transparence n'étant pas absolue. Je m'y suis essayé depuis quelques jours. On peut souligner quelques grands traits. Les opérateurs actuels ont fait face à la formidable croissance du marché français, en assurant un bon niveau de service et, pour autant qu'on puisse le savoir, un prix qui se situe globalement dans la moyenne européenne. Mais le taux de pénétration du téléphone mobile en France est encore inférieur à la moyenne européenne, et l'évolution des prix est moins favorable au consommateur que sur certains marchés étrangers.

Les parts de marché respectives des trois opérateurs majeurs sont stables, soit 45 % pour Orange, 35 % pour SFR et 15 % pour Bouygues. Le seul effet de stock ne suffit pas à expliquer cette stabilité. Il est de fait que les trois sociétés constituant cet oligopole ont eu, dans un passé récent, des pratiques n'allant pas franchement dans le sens d'une concurrence efficace, puisqu'elles ont été condamnées en 2007 pour entente. Cette condamnation, historique par l'ampleur du montant des amendes infligées, n'a pas eu de conséquence particulièrement visible par la suite. En effet, pour des raisons qui restent à déterminer, le marché de la téléphonie mobile reste bloqué. On le voit bien : les innovations existent, mais, comme chacun copie l'autre, l'offre reste similaire et les consommateurs ne peuvent donc en tirer qu'un faible bénéfice réel. De plus, le prix des SMS ne baisse pas de façon sensible, malgré une croissance exponentielle.

Oui, ce marché a besoin d'une forte stimulation concurrentielle, et c'est le mérite de l'initiative gouvernementale que d'ouvrir ce chantier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Pour activer le marché, faut-il faire plus de place aux MVNO ou déployer un quatrième réseau physique ?

Mes chers collègues, je sais que vous êtes nombreux à penser que la messe est dite puisque le Premier ministre a tranché, et qu'il y aura déploiement d'un quatrième réseau physique.

Pour nous, centristes, le débat n'est pas tranché, et il faut le mener à son terme. La véritable activation de la concurrence doit faire appel simultanément à un développement beaucoup plus significatif des MVNO et au déploiement d'un quatrième réseau physique.

Partons d'abord d'un constat : les MVNO ne pèsent que 5 % du marché de la téléphonie mobile dans notre pays, contre 25 % en Allemagne et 15 % au Royaume-Uni. Personne, en France, n'a connu un succès équivalent à celui de Virgin Mobile en Angleterre avec ses 5 millions d'abonnés.

Pourquoi cet échec ? Présentés il y a quelques années comme la solution alternative pour renforcer la concurrence sur ce marché, les MVNO n'ont pas rempli leur mission. Et leur part dans le chiffre d'affaires généré par les offres de téléphonie mobile n'est que de 2,4 %, puisque leurs offres restent concentrées sur les cartes prépayées et les forfaits de faible durée, pour lesquels les recettes moyennes par utilisateur sont faibles.

Le plan « France numérique 2012 » est particulièrement intéressant sur ce point : « De fait, les MVNO n'exercent pas de concurrence frontale sur le coeur de l'offre des trois opérateurs de réseau, constitué de forfaits avec engagement de 12 ou 24 mois permettant d'appeler de façon illimitée certains numéros.

« Le 30 juillet 2008, le Conseil de la concurrence a relevé que des conditions contractuelles particulièrement contraignantes ont été accordées par les opérateurs de réseaux aux MVNO :

« Les tarifs négociés pour l'utilisation des réseaux permettent aux opérateurs de réseau de contrôler la pression concurrentielle par les prix susceptible d'être exercée par les MVNO.

« Les opérateurs hébergés ne maîtrisent aucun élément de réseau et sont contraints de transmettre des informations commerciales clés.

« La combinaison des clauses d'exclusivité souvent très longues – allant parfois jusqu'à dix ans –, des durées des contrats et des droits de priorité accordés par l'opérateur hôte, empêche les MVNO de renégocier ces conditions d'hébergement en faisant jouer la concurrence entre opérateurs de réseau.

« Les contrats contiennent également des clauses limitant les possibilités de valorisation de l'activité d'opérateur virtuel et donc les incitations à l'investissement ou à la consolidation des acteurs dans cette activité.

« Dès lors, le Conseil de la concurrence préconise d'une part de renforcer la concurrence sur le marché de gros de l'hébergement et, d'autre part, de "déverrouiller" les contraintes contractuelles qui pèsent sur les opérateurs virtuels.

« Il semble ainsi nécessaire de créer de nouvelles incitations concurrentielles pour améliorer les conditions dans lesquelles les MVNO peuvent être hébergés par leurs opérateurs hôtes.

« Ces conditions pourraient venir du marché lui-même grâce à l'évolution des offres des opérateurs hôtes.

« Par ailleurs, l'arrivée de nouveaux acteurs – on retrouve la question de l'attribution d'une quatrième licence –, à l'occasion de futurs appels d'offres en matière de fréquences, serait susceptible de profiter aux MVNO.

« Néanmoins, le législateur pourrait être amené à intervenir au cas où le marché échouerait à créer les incitations recherchées. Ainsi, il conviendrait de supprimer les clauses d'exclusivité, de la durée des contrats et des droits de priorité. »

Mes chers collègues, je pourrais poursuivre cette lecture, mais tout est dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

En effet, avant de parler d'un quatrième réseau physique, il faudrait que nous traitions d'abord des MVNO. Voilà le véritable sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous avons perdu beaucoup de temps, en effet.

Le plan « France numérique 2012 » est particulièrement lucide. La vraie réponse à l'activation de la concurrence sur le marché de la téléphonie mobile, ce n'est pas un quatrième réseau physique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…c'est d'abord de rendre possible la concurrence entre MVNO et opérateurs dominants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

La véritable réponse est là, car nous sommes dans une économie de réseau. Même si je ne suis pas souvent d'accord avec lui sur les questions économiques, Patrick Braouezec a raison sur ce point. (« Ah ! » sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mes chers collègues, puisque ce débat est un exercice formel, il nous appartient de l'animer un peu ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Une économie de réseau est une économie à tendance monopolistique. En effet, le coût de déploiement du réseau est très élevé – chacun des trois opérateurs a investi plus de 3 milliards d'euros dans son réseau – et l'optimum économique pousse à l'utilisation partagée des réseaux plutôt qu'à leur duplication. La solution du partage a d'ailleurs été adoptée dans toute l'Union européenne et dans tous les secteurs : l'électricité, le rail, la poste, Internet… Et en France, on voudrait nous faire croire que le quatrième réseau résoudra tous nos problèmes !

« D'abord les MVNO », tel est notre premier message à l'attention du Gouvernement. Chère Nathalie, cher Luc, faites un quatrième réseau physique si vous le souhaitez, mais commencez par les MVNO !

L'échec des MVNO est d'ailleurs un échec collectif. Il s'agit d'un échec de l'ARCEP. Un premier rapport a été transmis à l'Union européenne, qui le lui a d'abord renvoyé, et le processus s'est poursuivi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il s'agit aussi d'un échec des opérateurs majeurs. Qu'ils ne viennent pas pleurer aujourd'hui sur le quatrième réseau physique ! S'ils avaient joué plus franchement le jeu sur les MVNO, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui. Il s'agit enfin d'un échec du Gouvernement. Chacun a sa part de responsabilité.

Il est urgent d'appliquer les recommandations du plan « France Numérique 2012 ». Madame la secrétaire d'État, vous héritez d'un bon document. Vous avez la responsabilité de le mettre en oeuvre, il vous faut la saisir et avoir la volonté d'aller jusqu'à légiférer si le marché ne réagit toujours pas positivement au nouveau cadre réglementaire censé favoriser l'émergence des MVNO.

J'aborderai maintenant un troisième point. Le sort en est jeté : nous aurons un quatrième réseau physique. Puisqu'il en est ainsi, autant que les conditions du déploiement permettent d'obtenir à la fois des avantages pour les consommateurs – et je sais, monsieur le secrétaire d'État, que vous y êtes attaché – et, pour l'État, des recettes patrimoniales qui correspondent à la valeur du bien vendu.

Le Premier ministre a décidé, comme la loi l'y autorise, qu'il y aurait un quatrième entrant. Dont acte. Les journaux nous apprennent même qu'il s'agira de Free. Il l'a fait au terme d'une consultation publique, et en suivant les recommandations de l'ARCEP qui estime qu'une telle arrivée serait profitable aux consommateurs tant en termes de services et de prix que de couverture territoriale, et cela sans mettre en danger les finances publiques nationales. Nous le répétons : nous sommes favorables à l'activation de la concurrence sur ce marché. Mais, selon nous, cela passe d'abord par les MVNO, et nous ne cachons pas notre scepticisme et nos inquiétudes concernant une quatrième licence.

Certes, avec trois opérateurs, la France, tout comme le Portugal, la Belgique et la Finlande, fait figure d'exception en Europe : les autres pays en ont quatre. Mais, en matière de concurrence, il est très différent de créer un marché avec deux, trois ou quatre opérateurs apparaissant simultanément, ou d'étendre progressivement le marché avec l'arrivée d'un troisième opérateur un an après les deux premiers, puis d'un quatrième sept ans après le troisième. En effet, l'entrée d'un nouvel opérateur n'implique pas automatiquement une activation de la concurrence. Il faut rappeler, par exemple, que Bouygues, troisième opérateur, arrivé sur le marché un an et demi après les deux premiers, a été condamné, quelques années plus tard, pour entente avec ces derniers. L'échec économique de l'espagnol Yoigo montre aussi que la multiplication des opérateurs n'est pas une garantie de succès et que l'aventure n'est ni facile, ni évidente.

Alors, madame et monsieur les secrétaires d'État, comment vous assurerez-vous de la mise en place d'une concurrence effective ? Il faudra d'abord que le quatrième opérateur développe son propre réseau. Le fera-t-il ? Monsieur Chatel, vous nous répondrez que le cahier des charges est drastique et que le rôle de l'ARCEP consiste à s'assurer que le nouvel entrant respectera ses obligations, identiques à celles imposées aux trois premiers opérateurs. Vous avez raison, mais nous, élus locaux qui, dans ce domaine, avons déjà payé, nous demandons à voir.... Pour l'instant, nous sommes sceptiques et, dans ce domaine, nous ne nous contenterons pas de bonnes paroles.

Pour comprendre notre scepticisme, il faut en revenir aux fondamentaux et réfléchir sur ce qu'est un réseau et sur le fonctionnement d'une économie de réseau. Un réseau est un maillage de points hauts réceptionnant un signal et d'antennes-relais qui transmettent ce message jusqu'à ses destinataires. L'enjeu, pour les opérateurs, aujourd'hui, est donc de disposer de ce maillage. Cela a clairement fait défaut à l'opérateur espagnol Yoigo, et notre quatrième opérateur ne devra pas pouvoir s'affranchir de ses obligations en la matière. En effet, sans réseau, pas de couverture, et sans couverture, à terme, pas d'abonnés.

Nous demandons à voir, parce que le déploiement d'un réseau national coûte cher : …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…entre 1,5 et 2 milliards d'euros. Est-ce avec ses 124 millions d'euros de cash annuel que Free financera ce réseau ? En examinant les comptes de ce futur opérateur, je reste sceptique.

Au début, tout se passera bien. Notre quatrième opérateur développera son réseau à Paris et dans les zones urbaines de grande densité. Il atteindra ainsi les 25 % initiaux de couverture lui donnant accès à une clause d'itinérance sur le reste du territoire, pendant six ans. Mais ensuite ?

Pensez-vous vraiment que notre quatrième opérateur développera ensuite son réseau sur des régions de moindre densité démographique et donc de moindre rentabilité ? Ce serait agir contre toute logique, et contre tous les enseignements tirés de l'étude des économies de réseau, qui poussent à la mutualisation des réseaux existants plutôt qu'à leur duplication.

Pensez-vous vraiment qu'il développera son réseau de points hauts et d'antennes-relais dans un contexte où l'opinion publique est de plus en plus hostile à leur prolifération ? Nous ne le pensons pas, et la décision récente de la cour d'appel de Versailles condamnant Bouygues à démonter ses installations d'émission-réception d'une antenne-relais dans le Rhône est une première en France. La cour d'appel invoque l'incertitude relative à un éventuel impact sur la santé des riverains – sujet que vous connaissez bien, madame la secrétaire d'État. Cette décision illustre les difficultés que rencontra le quatrième opérateur pour développer son réseau dans un contexte d'hostilité sociale.

En conséquence, nous pensons, pour des raisons économiques et environnementales, que vous n'éviterez pas le retour à une mutualisation maximale des réseaux installés. Aujourd'hui le PDG de Free fait le beau dans la presse, mais je lui donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour faire le bilan du développement de son réseau physique sur l'ensemble du territoire national. Je suis certain que nous reviendrons à la mutualisation des antennes-relais et des sites hauts.

Certes, la loi rend obligatoire cette mutualisation sur tous les sites UMTS, c'est-à-dire sur ceux mis en place depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie. Bien sûr, nous nous en félicitons : sur ce point, le législateur a été inspiré. Mais quid des sites anciens ? Seront-ils mutualisés ou non ? L'ARCEP réfléchit à ce problème, mais il faut qu'elle le fasse rapidement. La question est essentielle, car sans contrainte sur les anciens sites, je vois mal les opérateurs historiques accueillir le nouvel entrant rien que pour ses beaux yeux. Vous l'avez compris, la construction massive de nouvelles antennes va se heurter à de grandes difficultés.

Nous ne couperons pas à la mutualisation, et cela d'autant moins que s'ajoute le problème de la multiplication de l'itinérance. Prenons la petite commune de Saint-Caprais-de-Lerm, peuplée de quelques centaines d'habitants. Située à moins de quinze kilomètres d'Agen, elle se trouve aujourd'hui en zone blanche. Comment être sûr que, demain, un habitant qui choisira Free recevra messages et appels durant les premiers mois ou les premières années de son abonnement – le temps pour ce nouvel entrant de construire entièrement son réseau ? Et si des aménagements sont d'ores et déjà prévus, pour une période initiale, dans le cadre des obligations imposées aux trois opérateurs historiques, que se passera-il ensuite ?

Bref, nous pensons que l'économie et l'environnement amèneront le quatrième opérateur à utiliser le réseau des trois autres sur une grande partie du territoire national. Cela nous promet de beaux contentieux et de sacrées négociations, mais cela se terminera sans doute ainsi.

Madame et monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez que cela marche, ne commencez pas, de grâce, par favoriser un contentieux fondateur qui risque d'empoisonner durablement les relations entre les opérateurs existants et le quatrième opérateur ! Permettez aux centristes, qui ont toujours porté une attention particulière à l'équilibre de nos finances publiques, d'être en quelque sorte les gardiens du temple.

Les opérateurs majeurs ont payé chacun 619 millions d'euros. Il est à peu près établi que si l'État leur avait vendu, en bon père de famille, les 15 mégahertz restants, cela lui aurait rapporté entre 600 et 700 millions d'euros. Or, selon la presse, le prix fixé pour la quatrième licence serait de 210 millions d'euros ! Inutile de vous justifier par le recours à la règle de trois : nous avons fait assez de physique pour savoir qu'en l'espèce un tel calcul ne serait pas pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Pour les finances publiques comme pour la paix des ménages entre les quatre sociétés qui seront condamnées à travailler ensemble – Free ne développera pas seul un réseau physique sur tout le territoire, je n'y crois pas une seconde –, imposer plus d'équité, au moyen d'un prix notablement plus élevé, serait de bonne administration.

Mes chers collègues, le téléphone mobile sera le couteau suisse du XXIe siècle. (Sourires.) Les conditions de son développement dans notre pays sont donc un enjeu majeur. Nous n'avons pas le droit de nous tromper. Nous espérons que la contribution des centristes aidera à faire, dans ce domaine stratégique, les choix d'avenir pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, je serai un peu plus positif que mon prédécesseur à cette tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

En ces temps de crise mondiale sans précédent, il nous faut relancer notre activité pour préserver l'emploi. Il nous faut améliorer la compétitivité de notre économie pour mieux rebondir le moment venu. Il nous faut redonner du pouvoir d'achat aux Françaises et au Français pour les aider à passer ce cap difficile.

L'attribution de fréquences de réseau mobile répond à ce triple objectif. En effet, dans un marché mature, où l'infrastructure est amortie, l'ouverture à la concurrence provoquera une baisse des prix d'autant plus importante que les MVNO, que le système actuel bride, seront sans doute favorisés par le nouvel entrant qui souhaitera faire du chiffre. De plus, l'innovation sera de mise en matière de services, comme ce fut le cas dans la décennie 2000 avec le développement de l'accès fixe à haut débit ADSL, des box, du triple play ou de la télévision sur ADSL. Une telle innovation stimulera le marché et créera de la valeur pour l'ensemble des acteurs.

Le choix du Gouvernement de scinder en trois lots les fréquences encore disponibles est judicieux. Il permettra aux opérateurs anciens de bénéficier de fréquences supplémentaires – ce qu'ils souhaitaient – et au quatrième opérateur de se développer sur l'ensemble du territoire. Ce sera pour lui une obligation commerciale, et pour nous, élus ruraux, une satisfaction, car cette fameuse couverture n'est toujours pas au rendez-vous, notamment dans les zones à faible densité.

J'ai deux téléphones portables,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

…et je n'ai aucun réseau sur plusieurs kilomètres carrés de ma circonscription. Je ne suis d'ailleurs pas certain qu'un abonnement supplémentaire auprès du troisième opérateur me permettrait de couvrir la totalité de ma circonscription…

Et je ne parle pas, monsieur le président de la commission, de l'autoroute A13, entre Rouen et Paris, dont un tronçon de plus de dix kilomètres n'est couvert par aucun opérateur,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Tant mieux pour la sécurité routière ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Trassy-Paillogues

…ni des trains, où il faut être masochiste pour décrocher son téléphone mobile !

Il faudra, à cet égard, que l'ARCEP exerce un contrôle plus fin, mieux adapté à une population dispersée, qu'elle accélère la mutualisation des réseaux 3G et qu'elle impose aux opérateurs le respect de leurs obligations, notamment en matière d'entretien et de maintenance des équipements, car cet entretien fait bien souvent défaut et dégrade la qualité du service.

Le dispositif équilibré que vous proposez, madame et monsieur les secrétaires d'État, est un accélérateur de croissance – un de plus. De surcroît, il préfigure une stratégie plus globale vers le très haut débit mobile, qui modifiera de fond en comble nos modes de vie, de fonctionnement et de gestion. C'est un défi. Je souhaite qu'il soit relevé le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout a été dit ; je serai donc bref. En préambule, je veux rappeler que si ce débat a lieu, c'est grâce à l'adoption d'un amendement déposé par M. Raison et sous-amendé par M. Brottes, du groupe SRC, à la loi de modernisation de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Néanmoins, je m'interroge sur l'opportunité d'un tel débat en séance publique, dans la mesure où nous avons auditionné hier M. Mallet, président de l'ARCEP, au cours d'une réunion de la commission à laquelle étaient présents plus de cinquante députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Sur ce point, je pense que nous pourrons trouver une solution avec le Gouvernement.

Au demeurant, ce débat est extrêmement important, car il doit nous permettre de définir un certain nombre de principes sur le fondement desquels le Gouvernement et le Parlement – la majorité, bien entendu, mais aussi l'opposition, dont les observations doivent être prises en compte – pourront progresser ensemble vers des solutions. À ce propos, je me dois d'indiquer, en tant que président de la commission, qu'il n'est pas acceptable que nous découvrions, dans la presse de ce matin, des annonces qui prennent notre commission à contre-pied. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Hier, en effet, nous avons interrogé M. Mallet sur le prix de la licence. Or il n'a pas pu dissiper le mystère qui entourait cette question, ce qui est normal, compte tenu de sa fonction. Si j'avais su, j'aurais organisé son audition après la parution du Figaro !

En tout état de cause, un tel épisode ne doit pas se reproduire. Pour que le partenariat entre le Parlement et le Gouvernement fonctionne, il ne faut pas que vous agissiez de la sorte envers votre majorité, qui vous est fidèle et loyale. Sinon, nous serons obligés de joindre nos voix à celles de l'opposition pour protester contre des fuites qu'il vous revient d'empêcher. Mais passons…

Je souhaiterais me faire l'écho des principales préoccupations qui se sont exprimées lors de l'audition du président de l'ARCEP par notre commission. Sur le fond, nous sommes incontestablement d'accord avec le Gouvernement, dont nous soutenons la position concernant le prix. La solution retenue nous paraît en effet intelligente. Mais si les décisions du Gouvernement ne nous posent pas de problème, de fortes interrogations, en revanche, portent sur l'existant.

Nous souhaitons que l'on commence par assurer le bon fonctionnement de ce qui existe, avant de faire peut-être mieux ou plus, ou – si vous êtes capables de l'imposer, madame et monsieur les secrétaires d'État – que l'on améliore ce qui existe, tout en faisant plus. À ce propos, j'ai lancé, hier, auprès de tous les membres de la commission, une enquête, qui sera suivie par M. Trassy-Paillogues, sur la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile. Lors de nos nombreux déplacements, nous nous sommes aperçus qu'à l'étranger nos communications étaient souvent de très bonne qualité, même au fin fond de la Chine ou du désert australien. En revanche, entre Rueil-Malmaison, ma ville, et l'Assemblée, mes communications sont coupées à trois reprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Vous êtes en butte à une inimitié personnelle ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Manifestement, les engagements des opérateurs en matière de couverture du territoire n'ont pas été respectés. Or ces engagements sont, pour nous, aussi importants que l'ensemble du processus,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

…même si, je le répète, les décisions du Gouvernement sont intelligentes sur le plan économique. La commission insiste donc fortement pour que des efforts importants soient entrepris dans ce domaine, avant de créer des réseaux supplémentaires.

On peut d'ailleurs se demander si l'attribution de la quatrième licence ne risque pas d'aggraver ces inégalités de couverture. Le Gouvernement doit nous rassurer sur ce point. À quelles obligations en la matière sera soumis le nouvel entrant ? Ne serait-il pas opportun de mutualiser au maximum – tous mes collègues en sont d'accord – les équipements existants, afin d'orienter les investissements du nouvel opérateur sur les zones les moins bien couvertes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

S'agissant du prix, j'ai dit ce que j'avais à dire sur la méthode ; n'y revenons pas.

Comment comptez-vous proposer des modalités attractives pour le nouvel entrant, tout en garantissant l'égalité de traitement entre celui-ci et les opérateurs en place ? L'exercice est certes difficile, mais nous aimerions que vous nous répondiez sur ce point au cours du débat.

S'agissant des MVNO, qui ont été évoqués par plusieurs orateurs, les clauses d'exclusivité nous préoccupent beaucoup. En effet, comment parvenir à libérer la concurrence, comme vous le souhaitez et nous aussi, en maintenant de telles clauses ? Si nous voulons obtenir une véritable baisse des tarifs, ne faut-il pas prendre des décisions à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Elles peuvent porter notamment sur la licence. Peut-être l'intervention de la loi est-elle nécessaire. Toujours est-il qu'il faut faire mieux jouer la concurrence dans ce domaine.

Par ailleurs, je souhaiterais obtenir quelques précisions sur le montant minimum des investissements nécessaires pour qu'un nouvel opérateur déploie son réseau. Comment garantir que ces investissements seront bien réalisés ? Un échéancier sera-t-il fixé ? Une clause de rendez-vous permettra-t-elle de vérifier le respect du calendrier ? Ces investissements seront-ils suffisants pour que le bilan de l'attribution d'une quatrième licence soit positif pour l'économie française ?

Vous nous dites que les tarifs baisseront de 7 %. Bravo ! Nous sommes mille fois d'accord. Mais on s'aperçoit qu'en Allemagne, pays qui compte déjà quatre opérateurs, les tarifs sont supérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Je souhaite que l'on fasse jouer la concurrence, mais comment celle-ci peut-elle fonctionner différemment dans deux pays différents ? Certes, les conditions et le développement du secteur ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre de la frontière, mais la question mérite d'être posée.

Enfin, quels sont les éléments qui permettent de penser que l'entrée d'un quatrième opérateur apportera un « surplus social », comme l'a dit le président de l'ARCEP hier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Ollier

Nous souhaitons obtenir, à l'issue de ce débat, des réponses précises à ces questions précises. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, ce débat important – car la téléphonie mobile est devenue une commodité essentielle – doit permettre à la représentation nationale de vous faire part de ses attentes en la matière et de ses réflexions concernant la quatrième licence.

Le 12 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé sa décision de lancer, avant l'été, un appel d'offres pour l'affectation de deux fois 5 mégahertz de la bande GSM 3G restant disponibles. Il a également précisé que cet appel d'offres serait effectué en trois lots de 5 mégahertz et qu'un des lots serait réservé à un nouvel entrant. Il est en effet nécessaire d'affecter la bande restant disponible, afin d'assurer une affectation complète du spectre, qui permettra de gérer celui-ci au mieux. Nous sommes donc favorables à cette décision.

Nous sommes tous conscients de l'intérêt que présente, pour le consommateur, l'entrée d'un nouvel acteur – je ne dis pas encore : de réseau ou de services mobiles. Baisse des tarifs, innovation, apport de nouveaux services, diversification par la qualité : elle représente une attente forte des 38 millions d'abonnés français et des nombreux utilisateurs de cartes prépayées – 17 millions par an en moyenne.

Le marché des mobiles est bien particulier, puisque les parts de marché respectives des trois opérateurs de réseau sont restées quasiment identiques entre 1999-2000 et 2006. Certes, quelques petits MVNO sont venus troubler cet équilibre – je n'ose dire cette entente – mais, en dépit de leur dynamisme, ils représentent aujourd'hui, à eux tous, moins de 5 % du marché. Une telle stabilité sur un marché en concurrence est plutôt rare et me conforte dans l'idée que l'entrée d'un quatrième acteur peut être un réel facteur de baisse des prix. C'est un élément important, car les produits télécoms sont devenus une dépense incompressible des ménages. En prenant cette décision, le Gouvernement favorise donc le pouvoir d'achat des Français.

Mais cette décision, si juste soit-elle, suscite craintes et réflexions, que je souhaiterais partager avec vous. S'agissant, tout d'abord, de l'affectation des fréquences, le Gouvernement a décidé en octobre 2008, dans sa grande sagesse, d'affecter une partie des fréquences libérées par l'extinction de la télévision analogique aux acteurs des télécommunications. Ainsi, 72 mégahertz dans des fréquences inférieures à 900 mégahertz, donc excellentes pour la couverture du territoire, seront affectés au développement des services de télécommunications. Je salue à nouveau cette décision, qui permettra d'apporter une solution au problème de l'accès au très haut débit mobile, notamment dans les zones rurales. Il faut maintenant que le Gouvernement décide prochainement des modalités d'affectation de ces fréquences, afin que les opérateurs retenus puissent commencer à investir afin de préparer le déploiement des réseaux 4G ou LTE.

Par ailleurs, 72 mégahertz, cela représente, au mieux, deux opérateurs de réseau à très haut débit. Le choix du quatrième opérateur 3G aura lieu sans doute quelques mois avant le choix des deux futurs opérateurs 4G ou LTE. Comment coordonner ces décisions de façon à apporter aux acteurs économiques la plus grande visibilité possible, tout en stimulant leurs investissements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Quant aux MVNO, j'aimerais comprendre pourquoi ils ne se sont pas développés en France et pourquoi ces entreprises, souvent des start-up, qui auraient pu être un facteur d'innovation et de dynamique concurrentielle, n'ont pas pu exprimer leurs talents. Oui, il était urgent de stimuler la concurrence par le développement des MVNO, au bénéfice de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

J'ai engagé, il y a dix-huit mois – deux de vos conseillers m'en sont témoins – des démarches tendant à faire progresser le développement de la concurrence dans les services mobiles auprès des MVNO.

Le dernier sujet de réflexion que je souhaite aborder n'est pas le moindre : il s'agit de la couverture numérique du territoire. Bon nombre de nos concitoyens – je pense notamment aux habitants du Perche eurélien ou de la Beauce – ne comprennent pas pourquoi ils bénéficient d'une meilleure couverture quand ils font du tourisme en Allemagne ou en Suisse.

J'ai la crainte que l'attribution d'une quatrième licence ne favorise pas la couverture en zone non dense. Le programme « zones blanches » a été une bonne démarche, toutefois insuffisante quand on sait que la mesure de la couverture se fait devant la mairie – les personnes habitant à cent mètres de cette zone ne bénéficient pas forcément de la même couverture.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

J'ai la crainte que le Gouvernement n'entende pas cet appel incessant de nos concitoyens sur la couverture mobile. J'ai la crainte que le nouvel entrant ne tienne pas ses obligations.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

J'ai la crainte que les opérateurs 3G existants ne tiennent pas leurs engagements de couverture à l'été 2009. J'ai aussi la crainte que l'ARCEP constate le défaut de couverture et n'applique pas les sanctions prévues, pour des raisons certes souvent compréhensibles, mais qui rendent inopérantes les obligations associées à l'attribution de la licence.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure de La Raudière

Aujourd'hui, mes craintes sont presque des convictions, même si j'aimerais tant que l'avenir me donne tort !

Madame la secrétaire d'État vous devriez être sensible à ma demande : j'appelle de mes voeux la création d'un Grenelle de la couverture en téléphonie numérique mobile de notre territoire, pour que nous trouvions des solutions à cette attente des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le principe de ce débat auquel nous participons aujourd'hui en nombre… (Sourires)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

…a été décidé à la suite d'un amendement que j'avais proposé lors de la commission mixte paritaire sur ce texte, enrichi par notre collègue François Brottes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Le Parlement n'est pas une simple chambre d'enregistrement des textes proposés par le Gouvernement. Il n'est pas là pour voter des lois les unes après les autres et s'en désintéresser ensuite. Un tel débat – qui pourrait d'ailleurs avoir lieu en commission – doit conforter notre action et nous permettre de suivre l'application des mesures que nous avons votées, d'en assurer le « service après vente » – à condition, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement ne confonde pas la tribune de notre hémicycle avec une tribune au Figaro !

Débattre sur l'attribution de fréquences de réseaux mobiles est un sujet à la fois technique, financier et hautement politique – au sens noble du terme. En effet, au-delà des termes techniques, l'attribution des fréquences de réseaux mobiles a forcément des conséquences sur le pouvoir d'achat et, plus encore, sur l'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Aujourd'hui, 80 % de la population française utilise un téléphone mobile grâce aux trois réseaux existants. Afin de stimuler la concurrence, la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel, a prévu la possibilité d'accorder à un nouvel opérateur une licence de téléphonie mobile. Ce nouvel opérateur sera choisi au terme d'un appel à candidature.

Pour que le choix de ce nouvel opérateur conduise à une véritable amélioration – globale, et pas seulement financière – pour le consommateur, un certain nombre de critères doivent être retenus.

Premièrement, les investissements à réaliser sont considérables pour déployer un réseau de qualité. Les trois opérateurs actuellement présents ont investi chacun plusieurs milliards d'euros pour les équipements, la licence ayant par ailleurs coûté la modique somme de 619 millions d'euros. La loi donne compétence au Gouvernement pour fixer le prix de la licence. Ce prix ne doit pas être symbolique : il est hors de question de brader le patrimoine immatériel de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Tout comme notre collègue Dionis du Séjour, je maintiens que l'application d'une simple règle de trois ne saurait être satisfaisante, car elle pourrait entraîner une mauvaise qualité de service, en particulier en matière de débit, au cas où le nombre d'abonnés deviendrait suffisamment important.

Le candidat retenu doit donc avoir des capacités et des garanties financières solides, a fortiori en cette période de crise financière et économique. Il ne faudrait pas que le quatrième opérateur français connaisse le même sort que le quatrième opérateur espagnol : cela pourrait avoir des conséquences négatives sur l'ensemble du secteur.

Deuxièmement, afin de développer une concurrence loyale entre les opérateurs de téléphonie mobile, le candidat retenu devra évidemment respecter les mêmes obligations que les autres : obligations envers ses clients en termes de sécurité et de qualité du réseau, obligations légales envers notre institution judiciaire, respect des dispositions de la loi Chatel relatives à la portabilité du numéro, aux délais d'engagement et à la gratuité du temps d'attente.

Enfin, je suis particulièrement attaché aux obligations en termes de couverture du territoire. Le plan de développement de l'économie numérique « France numérique 2012 », présenté le 20 octobre dernier par votre prédécesseur, madame la secrétaire d'État, prévoit que la couverture du territoire par les réseaux doit constituer un critère de base pour l'affectation de fréquences.

Depuis 2003 – époque à laquelle je travaillais déjà sur la question avec Jean-Paul Delevoye –, l'État a lancé un plan ambitieux, en deux phases, afin de mettre fin aux zones blanches. Dieu sait combien de temps nous avons passé – et nous passons encore – sur ce dossier ! Si le visiteur de passage n'y voit souvent qu'une anecdote prêtant à sourire, les zones blanches sont dramatiques pour les habitants, les entreprises, les touristes et surtout les professionnels de santé. Le désenclavement du territoire, souvent évoqué, n'est pas que routier, ferroviaire ou fluvial : il doit également passer par le développement des réseaux de communication téléphonique.

Ce plan a permis de couvrir 2 774 communes qui étaient en zones blanches, ce que l'on peut considérer comme un succès. Je tiens à saluer la collaboration de l'État et des collectivités territoriales – conseils généraux et régionaux. Cependant, il reste encore, en théorie, 364 communes à couvrir. Je fais confiance au secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ainsi qu'à vous-même, madame la secrétaire d'État, pour que cette situation se trouve réglée au plus vite.

Pour cela, il faut espérer que nous n'aurons pas, tous les deux jours, une décision émanant de telle ou telle cour d'appel ordonnant le démontage d'une antenne ! De multiples décisions avaient déjà été rendues en ce sens en première instance, mais il y a quelques jours, la condamnation prononcée par une cour d'appel à l'encontre d'un opérateur a constitué une première fort préoccupante pour la progression de la couverture de notre territoire – d'autant plus qu'en la matière, la charge de la preuve est désormais renversée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

J'ai pratiquement terminé, madame la présidente.

Le nouvel opérateur devra donc avoir la capacité de déployer un réseau sur l'ensemble du territoire et non uniquement dans les grandes villes, les centres touristiques majeurs ou sur les grands axes de transport – ce qui serait au détriment, une fois de plus, des territoires les moins peuplés. De plus, cela doit pouvoir se faire à brève échéance : il faut fixer des dates butoirs.

Il est indispensable que l'État et l'ARCEP s'assurent de l'intention réelle et sérieuse du candidat d'investir dans un réseau homogène afin d'être un opérateur mobile crédible – souvenons-nous des situations que nous avons connues au début.

Pour conclure, je citerai Alexis de Tocqueville : « Lorsque le passé n'éclaire plus l'avenir, le présent marche dans les ténèbres. » Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, nous comptons sur vous pour que le présent marche dans la lumière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Excellent !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'espère que nous aurons un autre débat sur l'ensemble de l'excellent plan « France numérique 2012 ». Même si le sujet est plus restreint aujourd'hui, je me réjouis tout de même de la tenue de ce premier débat à l'Assemblée nationale avec la participation du membre du Gouvernement chargé du numérique.

Lors d'une récente rencontre, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, je vous avais posé un certain nombre de questions. Je vous remercie d'y avoir largement répondu tous les deux, mais je souhaite cependant revenir, dans le cadre de cette courte intervention, sur certains points qui me tiennent à coeur.

La question essentielle à mes yeux consiste à se demander si l'arrivée d'un quatrième opérateur va réellement permettre d'abaisser les coûts pour les consommateurs et d'améliorer la couverture. Je ne suis pas certain que la comparaison que vous avez établie tout à l'heure avec les pays étrangers, monsieur le secrétaire d'État, soit tout à fait adaptée. Le coût de réseau en France est en effet beaucoup plus important que dans d'autres pays comparables. Ainsi, il faut 16 000 sites pour assurer la couverture de l'ensemble de la population en France, contre seulement 8 000 en Grande-Bretagne. Si, dans certains pays, il est possible de concentrer l'effort sur la baisse des tarifs – ce à quoi la concurrence contribue largement –, en France, cet effort doit être réparti entre l'investissement créateur de réseaux et la baisse des tarifs.

Les pouvoirs publics accordent-ils la même importance à l'amélioration de la couverture qu'à la baisse des coûts ? Si ce n'est pas le cas, quelle en est la raison ? L'effort consenti sur les tarifs ne prive-t-il pas les trois opérateurs actuels d'une partie des moyens qu'ils auraient pu consacrer à l'amélioration de la couverture ? Comment le quatrième opérateur pourra-t-il à la fois donner l'exemple en matière de baisse des coûts – un exemple dont l'expérience a montré qu'il pouvait être incitatif – et trouver les moyens d'investir dans le réseau, ne pouvant compter sur le roaming ou la mutualisation avant un certain seuil de couverture ? Enfin, quelles obligations d'investir seront imposées au quatrième opérateur pour couvrir le territoire ?

Mon deuxième sujet d'interrogation consiste à se demander comment il pourrait être possible, dans le cas d'une crise comme celle que connaît notre pays suite à la tempête survenue dans le Sud-Ouest, d'instaurer un certain partage du réseau pour maintenir un service minimum de télécommunication.

Les interrogations en matière de santé et leurs répercussions sur l'implantation des émetteurs constituent le thème de ma troisième série de questions. Que compte faire le Gouvernement pour améliorer la transparence de l'information sur les conséquences de la téléphonie mobile en matière de santé publique ? Comment donner à l'information scientifique toute l'audience qu'elle mérite face à des campagnes jouant sur la peur ? Comme je le constate moi-même dans mon département du Loir-et-Cher, la couverture du territoire se trouve menacée par la difficulté d'implanter des émetteurs. Ce n'est pas au niveau du maire que les décisions sur ces questions doivent être prises : le sujet doit être définitivement réglé au niveau national.

Quatrièmement, quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre dans le domaine du numérique, dans le cadre du plan de relance qui, sauf erreur de ma part, en est actuellement dépourvu ?

Enfin, alors que nous sommes en passe de régler le problème des zones blanches, comment faire en sorte que l'effort indispensable en matière de troisième génération – à la fois sur le plan des tarifs et sur celui des investissements pour les réseaux – ne se traduise pas par l'abandon de tout effort en direction des nombreuses zones grises du téléphone mobile de deuxième génération ? Dans la mesure où les opérateurs peuvent considérer qu'il n'y a plus de raison d'investir dans la deuxième génération, comment faire en sorte, là où cette technologie n'assure qu'une zone grise, que nos concitoyens ne soient pas obligés d'attendre l'arrivée de la troisième génération, autrement dit plusieurs années, pour bénéficier enfin d'un service équivalent à celui fourni sur le reste du territoire ?

Je remercie le Gouvernement de bien vouloir nous éclairer sur ces points. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je souhaite intervenir un peu en marge du débat qui nous réunit, en évoquant la multiplication des antennes-relais de téléphonie mobile que pourrait entraîner l'attribution d'une quatrième licence. Cela ne sera pas forcément le cas – nous aurons, sans aucun doute, l'occasion d'en débattre –, mais je trouve symbolique que nous discutions sur ce thème au moment même où la presse se fait l'écho de la récente condamnation d'un opérateur de téléphonie mobile par la cour d'appel de Versailles à démonter une antenne-relais – confirmant la décision de première instance –, dans le cadre d'une action engagée par des riverains alléguant de problèmes de santé.

Il existe donc désormais une jurisprudence, et les plaintes risquent de se multiplier ainsi que les condamnations.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Nous en reparlerons, on peut toujours vivre d'espoir… Ce n'est pas le premier domaine dans lequel la justice se substitue au politique, et nous ferions donc bien de nous préoccuper davantage des problèmes de santé liés à l'installation de ces antennes relais.

On compte aujourd'hui quelque 50 000 antennes relais de téléphonie mobile implantées dans notre pays et 52 millions de téléphones portables. Or plusieurs publications scientifiques – parfois contestées, je l'admets – laissent penser que des risques existent. Un rapport en ce sens a été reconnu par l'Agence européenne de l'environnement et le Parlement européen en août 2007.

Le 4 septembre 2008, le Parlement européen a voté une résolution, dans l'article 22 de laquelle il « constate que les limites d'exposition aux champs électromagnétiques fixées pour le public sont obsolètes ». À l'article 23, il demande donc au Conseil « de fixer des valeurs limites d'exposition plus exigeantes pour l'ensemble des équipements émetteurs d'ondes électromagnétiques ».

Les normes françaises sont actuellement les plus lâches d'Europe. J'ai moi-même déposé en 2007 une proposition de loi faisant suite à une première proposition de 2004 et visant à les aligner sur les normes autrichiennes, qui fixent la limite d'exposition à 0,6 volts par mètre au lieu des 41 volts en vigueur chez nous. Il me semblerait pertinent de ne pas balayer d'un revers de main cette proposition que j'avais d'ailleurs déclinée sous forme d'amendements au projet de loi consacré au Grenelle de l'environnement.

Se pose également la question du périmètre d'exposition. Il est en France dix fois inférieur aux périmètres belge ou italien. Est-ce à dire que nous serions les seuls à détenir la vérité, et que nos voisins de l'Union européenne auraient des pratiques absurdes ?

Les opérateurs jurent certes leurs grands dieux qu'il n'y a aucun souci, mais ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à des certitudes de cette nature ; le principe de précaution que nous avons inscrit dans la Constitution mériterait ici de s'appliquer – c'est d'ailleurs sur le fondement de ce même principe que le tribunal de Versailles a confirmé hier en appel la condamnation de l'opérateur mobile.

Je reformule donc mon souhait de voir certains principes clairement affirmés dans notre droit : un niveau d'exposition limité à 0,6 volts par mètre ; un permis de construire obligatoire pour les antennes, et non une simple déclaration de travaux – il y a quelques années, celle-ci n'était même pas nécessaire, au point que l'on disait qu'il était moins compliqué d'installer une antenne qu'un abri de jardin ; la mise en place enfin d'un périmètre de protection pour les habitations et les établissements sensibles, particulièrement ceux qui accueillent des enfants. Voici, madame la secrétaire d'État, quelques-unes des questions qui préoccupent les Français et sur lesquelles j'attends vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Lionel Tardy, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, madame et monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, notre débat se tient aujourd'hui, conformément à ce que prévoit l'article 22 de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, que nous avons examinée il y a un peu plus d'un an.

J'ai encore en mémoire les débats d'alors, d'autant que j'avais eu l'occasion de défendre un certain nombre d'amendements, destinés notamment à promouvoir une concurrence loyale entre différents acteurs économiques d'un même secteur : à l'époque, il s'agissait surtout de la grande distribution.

Nous ne faisons aujourd'hui que poursuivre ce débat sur notre système concurrentiel, et je souhaite en profiter pour attirer l'attention du Gouvernement, tout autant que la vôtre, mes chers collègues, sur un certain nombre d'écueils, voire d'idées reçues, sur la quatrième licence de téléphonie mobile.

Il n'est pas évident de faire entendre un autre son de cloche dans le tintamarre ambiant visant à nous persuader qu'à coup sûr l'entrée d'un nouvel acteur, quel qu'il soit – il semble d'ailleurs qu'il soit déjà choisi et on pourrait aussi s'interroger sur ce choix –, développera la concurrence et obligera les opérateurs mobiles actuels à revoir leurs tarifs et à libérer du pouvoir d'achat pour leurs clients.

Cette équation part du postulat que plus il y a d'acteurs sur un marché, plus les prix baissent, avec à la clé une amélioration des services rendus : c'est presque trop simple pour que nous y souscrivions les yeux fermés. Pour illustrer mon propos, je prendrai simplement l'exemple du coût moyen de la « minute voix » en France qui est de 30 % inférieur à ce qu'il est en Allemagne où 4 opérateurs se partagent le marché.

Le secteur de la téléphonie mobile en France est animé, vous le savez, par trois acteurs principaux, opérateurs de réseaux, détenteurs de fréquences. Il est aussi animé, depuis quatre ans, par une douzaine d'opérateurs et une trentaine de marques qui peinent à se développer. On les appelle les MVNO ou opérateurs de réseau mobile virtuel ; ils fournissent 5 % des clients en France. Beaucoup de questions se posent d'ailleurs concernant le développement de ces MVNO. Je pense que la renonciation de réguler le marché de gros des offres pour MVNO a été une erreur, qui a fait perdre quatre ans au développement de la concurrence. Il y a là, à mon sens, une voie de substitution à la création d'une quatrième licence mobile.

Mais permettez-moi d'aborder le sujet qui me tiens le plus à coeur, à savoir les conséquences de l'arrivée d'un nouvel opérateur sur la couverture mobile et par conséquent sur l'aménagement de notre territoire. Il ne faut pas oublier que notre pays, un des territoires les plus vastes d'Europe, est marqué par une densité relativement faible de la population, caractéristique qui impose aux opérateurs français des investissements supérieurs à ceux de leurs concurrents européens : un opérateur français doit, pour toucher le même nombre d'abonnés qu'un opérateur allemand ou italien, couvrir un territoire deux fois plus important.

Cela explique que chaque opérateur de réseau consacre aujourd'hui près d'un milliard d'euros chaque année à l'amélioration de la couverture, alors que le candidat déclaré ne prévoit d'investir en tout et pour tout qu'un seul milliard d'euros pour la totalité de son réseau !

Pouvez-vous, madame et monsieur les secrétaires d'État, nous garantir que l'investissement des opérateurs existants et l'amélioration indispensable de la couverture mobile ne feront pas les frais de l'arrivée d'un quatrième opérateur ?

En effet, le candidat « attendu » pour cette nouvelle licence souhaite visiblement, vu les investissements limités qu'il annonce, ne prendre que des obligations de couverture extrêmement limitées et prévoit surtout de bénéficier de ce que l'on appelle le roaming, en français l'itinérance, c'est-à-dire la faculté pour ses clients d'utiliser le réseau de ses concurrents.

Il serait donc en l'espèce inéquitable que le nouvel opérateur se contente de remplir des obligations de couverture minimales, en pratique 25 % de la population, celle des seuls bassins les plus denses et donc les plus rentables, laissant aux concurrents les endroits les plus isolés. Cela ne manquerait pas de décourager ces derniers à investir dans les zones blanches et grises et conduirait certainement à une chute de leurs investissements tout à fait dommageable. « Rien ne sert d'arroser les zones déjà mouillées », disait hier matin François Brottes, en commission.

Les licences 3G actuelles comportent quatorze obligations. Elles doivent toutes s'imposer au quatrième opérateur. Pour éviter les mésaventures qu'a subies le Wimax, l'ARCEP doit donc exiger des candidats un business plan crédible sur dix ans, assorti d'un engagement des actionnaires et des banques, avec les montants d'investissements prévus.

Il doit aussi exiger, à l'ouverture et avant de donner l'accès au réseau des concurrents, une qualité de couverture sur les 25 % de la population équivalente à celle proposée par ses concurrents et qu'il lui appartiendrait de contrôler.

L'opérateur devra enfin fournir la preuve du financement des investissements nécessaires pour assurer la couverture nationale, soit une garantie effective des actionnaires et un financement bancaire irrévocable ayant fait l'objet d'une syndication.

Enfin, il y a un dernier élément à prendre en compte et d'une portée bien plus importante que notre débat de ce matin : je veux parler de la condamnation en appel d'un opérateur, hier après-midi, par la Cour d'appel de Versailles qui a confirmé l'existence d'un trouble anormal de voisinage du fait de l'angoisse subie et créée pour les riverains, et donc ordonné le démontage de ladite antenne.

Cette décision ne tient pas compte des avis des autorités sanitaires nationales et internationales, lesquelles ne retiennent pas l'hypothèse d'un risque à vivre à proximité des antennes, et l'arrêt est par ailleurs en contradiction avec la jurisprudence du Conseil d'État et de quatre précédents arrêts de cours d'appel. Il remet néanmoins en cause l'existence et le développement de l'ensemble des réseaux de téléphonie, de radio et de télévision, qui fonctionnent en France depuis plus de cinquante ans sans danger pour la santé.

Il faut que les pouvoirs publics prennent au plus vite leurs responsabilités, pour que les opérateurs puissent être en mesure de satisfaire leurs obligations réglementaires : couvrir au minimum 99 % de la population française avec 90 % de taux de réussite à l'intérieur et à l'extérieur des bâtiments. À défaut, les opérateurs se trouveront confrontés à l'impossibilité d'exploiter les fréquences attribuées par l'État sur l'ensemble du territoire, et ce malgré un strict respect de la réglementation.

Comme vous le voyez, madame et monsieur les secrétaires d'État, je crois que tous ces éléments doivent nous inciter à prendre le temps nécessaire pour examiner l'ensemble des conséquences d'une telle décision, et non à nous précipiter sur des recettes, certes immédiates, mais ponctuelles et qui pourraient se révéler in fine néfastes à l'investissement durable, mais également à l'emploi, sujet que je n'ai pu développer, compte tenu du temps qui m'était imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d'abord vous remercier pour la qualité de vos interventions. Je me réjouis que nos débats aient permis de montrer l'importance des enjeux dont nous discutons aujourd'hui.

Nous sommes là pour répondre aux inquiétudes exprimées par des autorités comme le Conseil de la concurrence ou la Commission européenne, laquelle a pointé à plusieurs reprises l'insuffisance de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile en France.

Je rappelle que le taux de pénétration de la téléphonie mobile est de l'ordre de 85 % dans notre pays, là où il avoisine les 110 % dans de nombreux pays d'Europe. Je rappelle également qu'en mars 2008 la Commission européenne a indiqué que le « petit panier », c'est-à-dire le coût de la téléphonie mobile pour de petits utilisateurs, est en France de dix-huit euros par mois contre douze euros en moyenne en Europe. Je rappelle enfin que le revenu moyen par abonné, critère comparatif utilisé par les observateurs et les opérateurs européens, est plus élevé en France que dans les autres grands pays européens. Nous sommes donc la pour permettre d'apporter, grâce à la concurrence, des réponses économiques et industrielles favorables au consommateur.

Vous avez été nombreux, Trassy-Paillogues, madame de la Raudière, monsieur Raison, monsieur. Dionis du Séjour, à exprimer des inquiétudes concernant la couverture du territoire en téléphonie mobile.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Je sais votre attachement à ce sujet, monsieur le président, vous l'avez manifesté à plusieurs reprises. Je tiens donc à vous redire que l'ouverture d'une quatrième licence ne remet nullement en cause les engagements pris par les opérateurs existants.

Je souhaite d'abord rappeler quelques chiffres au sujet de la couverture du territoire français par les réseaux mobiles. Aujourd'hui, les réseaux mobiles de deuxième génération couvrent 99 % de la population française. Un plan de couverture des zones blanches de la téléphonie mobile auquel sont associés les opérateurs, l'ARCEP, les collectivités locales et l'État doit permettre d'achever la couverture de tous les centres-bourgs d'ici à 2011. La couverture des réseaux 3G est aujourd'hui de 70 % et les opérateurs ont pris des engagements ambitieux allant jusqu'à plus de 99 % de la population. Cela étant, je suis aussi pragmatique et, en tant qu'élu local d'une circonscription qui comporte de nombreuses zones blanches, je serai très attentif. En tout état de cause, je peux vous assurer qu'un travail de vérification de la fiabilité des cartes de couverture est actuellement mené par l'ARCEP, attestant d'une prise en compte sérieuse de la problématique de la couverture des territoires.

Quelles sont les obligations minimales de couverture pour le nouvel entrant ? Son réseau devra couvrir 25 % de la population en deux ans, puis 80 % en huit ans.

Le quatrième opérateur ne sera pas, pour reprendre les termes de M. Dionis du Séjour, un « opérateur-coucou ».

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Les obligations minimales de couverture pour le nouvel entrant seront identiques à celles contenues dans les appels à candidatures précédents.

La diminution de la quantité de fréquences à un lot de deux fois cinq mégahertz n'aura pas d'impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer son réseau sur l'ensemble du territoire : c'est à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses.

Enfin, il est prévu que le nouvel opérateur bénéficiera pour une période de six ans d'une prestation d'itinérance sur les réseaux 2G des autres opérateurs dès lors que son réseau couvrira plus de 25 % de la population. Cette prestation lui permettra d'offrir à ses clients un service complet dès l'ouverture commerciale du réseau pour activer la concurrence : c'est indispensable pour le placer dans des conditions équitables face aux opérateurs existants.

Ce dispositif, rappelons-le, n'est que temporaire. Le nouvel entrant aura tout intérêt à intensifier rapidement la couverture de son réseau afin de disposer d'une offre de services compétitive au-delà des six premières années. Par ailleurs, monsieur le président Ollier, madame de La Raudière, les opérateurs existants seront tenus de respecter leurs engagements.

Des dispositions ont été récemment prises pour faciliter les déploiements. Les opérateurs, qui l'ont souhaité, ont ainsi été autorisés à réutiliser leurs fréquences 2G, dont les propriétés physiques les rendent plus intéressantes pour la couverture du territoire, pour faire de la 3G.

Pour faciliter la couverture en téléphonie mobile 3G, la loi de modernisation de l'économie a chargé l'ARCEP de définir les conditions de mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

L'ARCEP doit rendre ses conclusions prochainement. Par ailleurs, partager les investissements à quatre et non plus à trois, c'est un atout compétitif important pour couvrir davantage le territoire. À cet égard, monsieur Martin-Lalande, la mutualisation est indiscutablement une réponse à la spécificité française compte tenu, comme vous l'avez fait remarquer, de la densité de la population française par rapport à celle des autres pays européens, qui nécessite des investissements supérieurs de la part des opérateurs pour obtenir une couverture équivalente.

Le Gouvernement et l'ARCEP contrôleront les engagements pris, et ce ne sont pas, monsieur le président, que des paroles ! La loi de modernisation de l'économie a renforcé les pouvoirs de sanction de l'ARCEP et les a rendus plus effectifs. Elle prévoit en particulier la possibilité de sanctions pécuniaires proportionnées au regard du nombre d'habitants ou de kilomètres carrés non couverts ou de sites non ouverts.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Par ailleurs, l'entrée d'un nouvel opérateur, en augmentant la concurrence sur le marché, devrait inciter les opérateurs à améliorer leur offre de service, nous l'avons constaté sur tous les marchés où nous avons intensifié la concurrence.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Vous avez été nombreux – je pense à Mme de La Raudière, mais également au plaidoyer de M. Dionis du Séjour – à évoquer les MVNO…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…et à être, depuis plusieurs mois, actifs sur ce sujet. Eh bien, mesdames et messieurs les députés, l'entrée d'un nouvel opérateur et le développement des MVNO ne sont pas incompatibles, bien au contraire ! Si nous débattons aujourd'hui d'un quatrième opérateur, c'est parce que nous n'avons pas donné la possibilité aux MVNO d'activer la concurrence et de proposer une offre plus concurrentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

C'est vrai ; il faut en passer par là, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Nous allons dans ce sens. Quant à l'idée de diviser les trois lots de fréquence, en réservant un lot à un nouvel entrant et en ouvrant les deux autres à l'ensemble des opérateurs doit permettre d'offrir davantage de garanties et de moyens aux MVNO pour leur diffusion en renforçant l'intensité concurrentielle.

M. Raison m'a interrogé sur la nécessité de tenir compte de la solidité financière d'un nouvel opérateur. Il me paraît tout à fait indispensable de ne pas retenir de quatrième opérateur dont la capacité d'investissement serait limitée. Mme Erhel a même parlé de fausse concurrence s'agissant de l'ouverture à une quatrième licence. Ce n'est pas le cas, madame Erhel. Contrairement au jeu de mots de M. Braouezec, il ne s'agit pas d'une offre de « Freequence », autrement dit d'une offre sur mesure pour un opérateur.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Lors de la consultation publique de l'ARCEP, plusieurs opérateurs potentiels se sont manifestés : le groupe Bolloré, Altitude Télécom, Kertel, Free et d'autres groupes depuis.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Nous allons lancer l'appel d'offres prochainement et nous verrons bien !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Il n'y a donc pas qu'un seul acteur !

Mme de La Raudière et Mme Erhel ont souhaité obtenir des éléments sur l'impact attendu d'un nouvel entrant sur le marché.

En termes d'impact sur les prix – la comparaison européenne n'est pas forcément raison, mais elle est un bon indicateur compte tenu de l'écart sur les petits paniers – les simulations réalisées tablent sur une baisse des prix de l'ordre de 7 % pour les consommateurs, ce qui nous laisse une marge de manoeuvre. Cette estimation résulte d'un modèle de fonctionnement du marché de la téléphonie mobile prenant en compte les parts de marché actuelles des opérateurs mobiles. D'autres analyses avancent même le chiffre de 10 % de réduction au bénéfice des consommateurs.

Pour ce qui est de l'impact sur les opérateurs existants et, plus largement sur le secteur des télécommunications, un nouvel entrant ne devrait pas nuire à l'investissement mais au contraire le favoriser et le stimuler.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

En premier lieu, le déploiement d'un nouveau réseau de couverture nationale nécessitera un investissement vraisemblablement supérieur à un milliard d'euros sur huit ans, ce qui, en période de difficultés économiques, est important. Ensuite, l'intensification de la concurrence sur le marché devrait inciter les opérateurs à améliorer leurs services pour la 3G, mais aussi, à plus long terme, pour le très haut débit mobile. Ces travaux devraient se traduire par des investissements complémentaires et, donc, des opportunités de croissance pour le secteur des télécommunications.

Bien sûr, l'entrée d'un nouvel opérateur devrait diminuer la rente d'oligopole des opérateurs existants, vous avez été nombreux à le dénoncer. Cette diminution devrait être largement compensée par la hausse du surplus des consommateurs, le taux de pénétration étant nettement inférieur dans notre pays par rapport à nos voisins européens. Les services du ministère prévoient ainsi que le passage d'un oligopole composé de trois opérateurs à une structure de marché à quatre opérateurs doit se traduire par un gain de surplus de l'ordre de 373 millions d'euros par an.

Monsieur le président Ollier, vous avez, à juste titre, demandé des précisions sur la détermination des modalités financières, notamment le prix de la licence.

Depuis à la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service du consommateur, le Gouvernement fixe les modalités financières d'attribution de la licence par décret. Il était important d'entendre la représentation nationale sur ce sujet. Nous ne voulons pas créer de discrimination envers les autres opérateurs, tout en tenant compte de la réduction de la quantité de fréquence réservée au nouvel entrant et de l'évolution du contexte économique ; nous étions partis de cinq milliards d'euros dans un contexte économique radicalement différent. Pour l'attribution du lot réservé, la prise en compte de critères tels que la cohérence et la crédibilité du projet ou encore l'ampleur et la rapidité du déploiement du réseau est primordiale. Le critère financier devrait donc être écarté et c'est bien le Gouvernement qui détermine les conditions financières d'attribution du réseau.

De façon plus précise, il est proposé d'appliquer les conditions de redevances suivantes que j'ai rappelées tout à l'heure ; il ne s'agit pas d'une simple règle de trois.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

J'ai bien compris que certains souhaitaient davantage et que d'autres s'inquiètent sur la capacité financière des industriels qui pourraient répondre à cet appel d'offres.

Je rappelle donc les conditions de redevances. Pour les 5 mégahertz duplex de la bande 2,1 gigahertz : une part fixe de l'ordre de 206 millions d'euros et une part variable d'un montant égal à 1 % du chiffre d'affaires annuel réalisé sur cette bande. Pour les 5 mégahertz duplex associés dans la bande 900 mégahertz : une part fixe de 5,34 millions d'euros par an et une par variable d'un montant égal à 1 % du chiffre d'affaires annuel réalisé sur cette bande.

La part fixe envisagée pour les fréquences de la bande 2,1 gigahertz est respectueuse du principe d'équité vis-à-vis des opérateurs existants qui ont payé 619 millions d'euros en 2001 et 2002. Une redevance est toujours attachée à l'utilisation de fréquences et l'application d'un principe de proportionnalité est donc naturelle.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

En outre, une réduction de la quantité de fréquence ne réduit pas les coûts fixes de déploiement du réseau et limite à long terme les perspectives de valorisation déterminées par la capacité des bandes. Le nouvel entrant pourra et devra vraisemblablement s'appuyer sur des ressources spectrales supplémentaires pour assurer son développement à long terme.

Monsieur Luca et monsieur Tardy, vous avez souhaité appeler notre attention sur la question de l'impact sur la santé des émissions radioélectriques, c'est un sujet cher également à ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet. J'ai bien entendu les inquiétudes des uns et des autres, notamment après le jugement du tribunal de Versailles d'hier.

Sur ce point, je tiens à rappeler que l'expertise nationale et internationale, publiée dans les revues scientifiques, est convergente : en l'état actuel des connaissances scientifiques, l'hypothèse d'un risque pour la santé des populations vivant à proximité des stations de base ne peut être retenue.

Pour autant, le Gouvernement ne se désintéresse pas du sujet et de nombreuses mesures ont, d'ores et déjà, été adoptées en vue de limiter l'exposition du public aux champs électromagnétiques et de renforcer la concertation avec les élus et les riverains lors de l'implantation des antennes. Nous sommes prêts à travailler avec le Parlement sur ce sujet.

Monsieur Braouezec, avec d'autres, vous avez évoqué la question de l'impact sur l'emploi. Nous pensons que le quatrième opérateur devra investir massivement – plus d'un milliard d'euros – pour couvrir le territoire et être compétitif face aux trois opérateurs actuels. Cet investissement se traduira par la création d'un grand nombre d'emplois dans le secteur des télécom. Par ailleurs, l'entrée d'un nouvel opérateur va accroître le marché global des télécommunications d'au moins 7 % selon nos analyses, davantage selon d'autres hypothèses. Cet impact économique aura forcément des répercussions sur l'emploi dans le secteur des télécommunications.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Enfin, M. Martin-Lalande, évoquant la récente tempête, a soulevé la question du service minimum universel en cas de difficultés. Je tiens tout d'abord à rendre hommage aux équipes de France Télécom pour la grande efficacité dont elles ont fait preuve lors de cette tempête. Vous le savez, l'obligation de service universel qui incombe aux opérateurs leur impose de réparer les lignes téléphoniques endommagées à 85 % dans les vingt-quatre heures.

Nous savons tous – et l'expérience nous le confirme – que les tempêtes peuvent constituer un cas de force majeure…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…auquel les dispositions réglementaires que nous avons récemment prises, monsieur Martin-Lalande, me semblent apporter un élément de réponse. En effet, par un décret du 12 janvier 2009, le Gouvernement a permis au ministre chargé des télécommunications électroniques de demander aux opérateurs de téléphonie mobile, en cas de défaillance d'un réseau, d'acheminer tous les appels d'urgence, y compris ceux des abonnés d'un autre opérateur.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Il s'agit à nos yeux d'une réponse ponctuelle à des situations d'urgence analogues à la tempête survenue dans le Sud-Ouest.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je voulais vous dire en réponse aux différentes questions soulevées aujourd'hui. Je vous remercie à nouveau de votre contribution à la discussion. Le débat reste ouvert, et le Gouvernement demeurera attentif aux propositions que vous formulerez à propos de l'ouverture de cette quatrième licence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, Luc Chatel ayant répondu avec précision à l'essentiel des questions posées ce matin, je me contenterai, avec votre accord, de quelques compléments.

Luc Chatel l'a souligné, l'arrivée d'un quatrième opérateur ne remet pas en cause l'engagement relatif à la couverture mobile par la troisième génération. Mais, avant même cette dernière question, tous se posent celle de la couverture des zones blanches, soulevée par de nombreux parlementaires – le président de la commission d'abord, mais aussi M. Trassy-Paillogues, M. Raison, Mme de La Raudière, M. Martin-Lalande, M. Tardy, M. Braouezec et Mme Erhel.

Sur ce sujet, bien des choses ont été dites. J'apporterai simplement une précision : nous voulons ouvrir une réflexion afin de rapprocher les points de vue des consommateurs et des élus de celui des opérateurs – exprimé par les statistiques en matière de couverture –, qui ne convergent pas toujours, pour des raisons simples liées aux critères.

J'en donnerai deux exemples. Tout d'abord, le critère de couverture d'une commune – qui est considérée comme couverte dès lors que le centre bourg l'est – ne satisfait évidemment pas entièrement les consommateurs. La couverture des axes de transport prioritaires semble poser des problèmes analogues. Vous le savez, l'État, l'ARCEP et les opérateurs avaient conclu en 2007 un accord…

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

…à la suite duquel les axes de transport prioritaires ont été couverts en téléphonie mobile ; mais le témoignage fourni tout à l'heure par M. Trassy-Paillogues montre que la définition de ces axes, quelque peu restrictive, mériterait d'être discutée. Elle englobe aujourd'hui les autoroutes, les axes routiers principaux – un axe par liaison – reliant au sein de chaque département le chef-lieu de département aux chefs-lieux d'arrondissements, et les tronçons de route sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Peut-être cette définition pourrait-elle être rapprochée du point de vue de l'usager.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

J'aimerais apporter un bref élément de réponse à M. Braouezec, outre ce qui a déjà été dit par Luc Chatel, à propos du bilan des onze années d'ouverture à la concurrence et de son effet sur la qualité de service. Je rappelle que le bilan de l'ouverture à la concurrence dressé par l'ARCEP à l'occasion de ses dix ans, en 2007, concluait à une hausse de dix milliards d'euros du surplus pour nos concitoyens, en économies et en nouveaux services. Naturellement, ces travaux se poursuivent, l'ARCEP tenant à jour un observatoire de la qualité de service, qui se fonde sur des indicateurs précis. L'Autorité peut également rappeler à l'ordre et sanctionner les opérateurs.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Il n'est pas seulement comptable.

Mme Erhel a raison : les moyens de contrôle doivent être activés. L'échéance du mois d'août 2009 en matière d'objectifs de couverture nous en fournira l'occasion, et permettra, si nécessaire, d'activer les procédures de sanction prévues.

Monsieur Dionis du Séjour, vous m'avez interrogée sur l'application du plan « France numérique 2012 ». Je vous assure qu'il sera appliqué, et que son application sera même accélérée afin de contribuer à la relance.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Je ne reviens pas sur les MVNO, dont a parlé Luc Chatel.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

En effet.

M. Trassy-Paillogues a caressé le thème de la recherche et du développement en matière de très haut débit mobile. J'aimerais faire brièvement le point sur ce sujet. J'ai récemment inauguré un laboratoire commun à l'institut Télécom et Alcatel-Lucent sur les usages du très haut débit mobile. Celui-ci, qui implique des emplois qualifiés, de l'innovation et de la croissance, fait partie de nos priorités. L'année 2009 sera marquée par de nouvelles expérimentations dans ce domaine, pourvoyeur d'emplois en recherche et développement.

Un mot sur les antennes relais. Nombre d'entre vous, en particulier MM. Martin-Lalande, Luca et Dionis du Séjour, ont évoqué leur mutualisation, ainsi que leurs effets sur la santé. Sur ce dernier point, il est vrai que l'actualité médiatique vient de se faire l'écho d'une décision de justice. Je vous propose de travailler à une table ronde, une sorte de Grenelle des antennes, visant à trouver des solutions et à rapprocher les points de vue et réunissant tous les acteurs – opérateurs, associations, élus, parlementaires et scientifiques. Cela permettrait de répondre aux attentes manifestement croissantes de nos concitoyens en la matière.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Plusieurs pistes existent ; Lionnel Luca a évoqué les propositions relatives aux niveaux d'émission acceptables, à l'évolution des procédures et à l'instauration d'un périmètre de protection. Il a surtout soulevé la question de la pertinence et de l'exactitude de l'information scientifique en matière de santé, d'environnement et de fréquence. Autour de cette table ronde, nous pourrions notamment discuter de la manière de renforcer les moyens et l'indépendance de la fondation santé et radiofréquences, afin d'améliorer la qualité et la validité de cette information.

Mais il me semble également nécessaire de nous intéresser à ce qui se passe chez nos voisins européens et, le cas échéant, de procéder à une étude au niveau européen, comme le demandait Lionnel Luca, afin d'identifier les meilleures pratiques en vigueur à l'étranger. En effet, la diversité des normes d'un pays européen à l'autre mérite d'être étudiée.

Enfin, la mutualisation des équipements, là où elle est possible, peut également faire partie des solutions proposées à nos concitoyens.

Quant au plan de relance, le numérique contribue déjà à la relance de l'économie, à travers le développement des réseaux de haut débit mobile, qui fait partie des enjeux de notre débat, ou à travers la récente publication en rafale – si vous me permettez l'expression – de décrets découlant de la LME et fournissant un cadre complet au développement des réseaux de fibre optique, qui correspond à des investissements de plusieurs milliards d'euros.

Il est également présent à travers diverses commandes publiques, par exemple une étude, que je lance aujourd'hui avec la Caisse des dépôts et consignations, sur la manière de mobiliser l'investissement public au profit du très haut débit ; à travers des projets comme la télévision mobile personnelle ou la médiation qui sera lancée d'ici à la fin du moins de mars pour se mettre d'accord sur un modèle économique ; enfin, à travers des moyens sonnants et trébuchants, puisque le Gouvernement a décidé de débloquer 59 millions d'euros supplémentaires pour le passage à la TNT, afin que les fréquences libérées par l'arrêt de la télévision analogique soient disponibles le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Très bien ! Il faut aussi donner de l'argent à la télévision.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique

Les nouveaux services ainsi déployés contribueront à créer des emplois.

Enfin, vous le savez, le Gouvernement vient également de débloquer 50 millions d'euros pour équiper en classes numériques plusieurs milliers d'écoles dans vos circonscriptions, mesdames et messieurs les députés. Vous voyez que le numérique est bien au coeur de la relance de notre économie ; bien entendu, ce mouvement continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n°s 1384, 1413).

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ces deux derniers jours ont été marqués par l'adoption définitive par le Parlement de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. J'ai eu l'occasion de le rappeler devant vous, cette loi a été largement enrichie par les amendements et les débats parlementaires – puisqu'elle a fait l'objet d'un véritable débat. C'est en particulier le cas des dispositions relatives à la procédure de nomination des présidents des sociétés nationales de programme.

L'examen du projet de loi organique que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui constitue l'ultime étape législative de la réforme du secteur public de l'audiovisuel. En effet, la modernisation des sociétés nationales de programme est l'un des objectifs les plus importants de la réforme : elle est porteuse d'un nouveau modèle de gouvernance qui conduit l'État actionnaire à assumer la responsabilité de la nomination des présidents de ces sociétés. Par ailleurs, l'État actionnaire garantit les ressources publiques et fixe les missions de l'audiovisuel public, dans un paysage audiovisuel particulièrement divers, dense et caractérisé par des pratiques qui ont beaucoup changé au cours des dernières années : désormais, on passe volontiers d'une chaîne à l'autre et l'on navigue facilement entre Internet et télévision.

Afin de garantir le respect de l'indépendance des sociétés concernées, le pouvoir de nomination du Président de la République est encadré de telle sorte qu'il n'en est pas le seul détenteur. Combiné avec l'article 8 de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, le projet de loi organique institue un système de décision partagée. Désormais, trois autorités distinctes, au lieu d'une seule, interviennent dans le processus de décision. Ainsi,'il appartient certes à l'État de pressentir et de retenir la meilleure candidature, celle-ci doit ensuite avoir l'aval de deux autorités : le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui rend un avis conforme, désormais à la majorité de ses membres, ce qui représente une garantie supplémentaire…

Debut de section - PermalienChristine Albanel, ministre de la culture et de la communication

… et le Parlement, qui peut naturellement s'opposer à cette nomination dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Nous sommes donc allés au-delà du dispositif constitutionnel nouveau de l'été dernier.

Il me semble que la transparence de la procédure est renforcée : la compétence sera le critère central de choix, et l'intervention tout à fait légitime du CSA et des commissions parlementaires compétentes dans ce choix favorisera cette transparence. Chaque nomination donnera lieu, à n'en pas douter, à un vaste débat public, que concrétisera notamment l'audition publique par les commissions parlementaires – autre avancée – de la personnalité pressentie, ainsi amenée à exposer clairement son projet. Cette disposition de la loi organique contribue donc à renforcer la publicité de cette nomination ; elle constitue une garantie supplémentaire du respect du principe d'indépendance du secteur public de l'audiovisuel.

En conclusion, en adoptant aujourd'hui le projet de loi organique qui vous est soumis, vous allez donner à l'État actionnaire les moyens de réformer encore davantage le paysage audiovisuel public. Cette disposition obéit à une véritable cohérence, à une logique de responsabilité et de liberté : il s'agit de sceller un pacte de confiance entre l'État et les présidents nommés des sociétés de l'audiovisuel public, étant entendu que les mandats des présidents actuellement en place iront jusqu'à leur terme, comme le prévoit la loi ordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Christian Kert, rapporteur de la commission spéciale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission spéciale, mes chers collègues, inutile de rappeler que la disposition unique de ce projet de loi organique …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

M. Copé manque toujours beaucoup à M. Roy. Mais nous lui en ferons part…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

M. Copé n'est pas là parce qu'il n'a rien à dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

M. Roy s'assied, il écoute, et que M. Brard n'aille pas le relayer, il n'en a pas besoin !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

…prévoit de soumettre à une procédure d'avis des commissions parlementaires compétentes la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public, conformément à ce que prévoit, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Cette procédure pourra permettre de bloquer la nomination envisagée en cas d'avis négatif recueillant une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Par ailleurs, il convient de souligner que le projet de loi organique s'inscrit dans le cadre d'une réforme d'ensemble de l'administration des sociétés de l'audiovisuel public, les autres dispositions de cette réforme figurant dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision qui a fait l'objet hier au Sénat d'une adoption définitive, avec une majorité confortable.

Dans la mesure où la procédure instituée par le présent projet de loi organique est rendue possible par l'article 8 du projet de loi ordinaire qui confie au Président de la République la compétence pour procéder à la nomination du président de la société France Télévisions et du président de la société Radio France, l'adoption définitive du projet de loi organique intervient, de manière tout à fait logique, postérieurement à l'adoption définitive du projet de loi ordinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, l'article unique du projet de loi organique a été complété, conformément à la proposition de la commission spéciale, afin de préciser que chaque nomination à la tête d'une société de l'audiovisuel public intervient après que l'avis rendu par la commission parlementaire compétente de chaque assemblée a été publié au Journal officiel.

Parallèlement, l'Assemblée nationale a modifié l'article 8 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle afin de préciser que l'avis des commissions parlementaires est postérieur à l'avis conforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur les propositions de nomination.

Le Sénat a ensuite apporté deux modifications à l'article unique du projet de loi organique.

Il a d'abord transféré de la loi organique à la loi ordinaire la mention des commissions des affaires culturelles comme commissions compétentes pour donner un avis sur les nominations afin de prendre en compte la toute récente décision du Conseil constitutionnel, du 8 janvier 2009, dans laquelle celui-ci a déclassé une disposition équivalente figurant dans la loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution.

Il a ensuite ajouté que chaque commission parlementaire « se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée ».

La suppression par le Sénat de la détermination en loi organique des commissions compétentes ne soulève aucune objection et va dans le sens des observations que nous avions nous-mêmes formulées dès la première lecture à l'Assemblée nationale, alors que nous ne disposions pas encore de la décision du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Toutefois, l'introduction dans la loi organique de l'obligation de procéder à une audition publique de la personne dont la nomination est envisagée appelle deux remarques, même si elle constitue un gage certain de transparence et la garantie d'une publicité maximale du processus de nomination.

Tout d'abord, le caractère organique d'une telle disposition, au regard de la rédaction de l'article 13 de la Constitution, n'est guère assuré. Les règles de publicité des auditions des commissions permanentes, dans le cadre de la procédure de nomination prévue par l'article 13 de la Constitution, relèveraient plus naturellement du domaine du règlement intérieur de chacune des deux assemblées que du domaine législatif.

Par ailleurs, le fait de prévoir une publicité obligatoire de l'audition de la personne pressentie pourrait, dans certains cas, se heurter à la volonté d'une commission de l'une ou l'autre assemblée de déroger ponctuellement au principe de la publicité des auditions.

Néanmoins, la commission spéciale, dans l'esprit de consensus qui a présidé à l'élaboration de cette loi,… (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

vous propose de n'apporter aucune modification au texte issu des travaux du Sénat,…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

… afin de permettre – ennf ! –– l'adoption rapide du présent projet de loi organique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

...texte indissociable du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle que l'Assemblée nationale, dans un bel élan, a approuvé il y a deux jours et le Sénat hier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Pour finir, madame la ministre, permettez-moi de vous remercier de nous avoir présenté ce projet de loi qui, semble-t-il, reçoit l'assentiment des téléspectateurs français depuis la mise en oeuvre de la suppression de la publicité, le 5 janvier dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Madame la présidente, je m'étonne de la façon dont nous abordons ce débat. Ce matin, il était prévu de réunir la commission au titre de l'article 88 de notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

M. Copé a refusé de le faire alors même que le texte fait l'objet d'un amendement de suppression, comme le montre la feuille jaune.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Je vous demande donc, madame la présidente, de bien vouloir suspendre la séance afin de laisser à M. Copé le temps de venir nous expliquer pourquoi il n'a pas réuni la commission alors qu'il y était contraint.

Rappel au règlement

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Kert

Sachez, monsieur Mathus, que le président Copé était bien évidemment navré de n'avoir pu réunir la commission au titre de l'article 88, mais il se trouve qu'il n'y avait aucun amendement à examiner puisque l'amendement de suppression auquel vous faites référence a déjà été débattu dans le cadre de la réunion de la commission du mercredi 28 janvier. Il nous a donc paru inutile d'y revenir.

Du reste, nous comptions sur l'imagination de nos collègues du groupe socialiste pour déposer d'autres amendements. Force est de constater que tel n'a pas été le cas ; la réunion n'était donc pas nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici donc revenus à la case départ ! Deux mois après nos vifs échanges, nous reprenons nos débats comme si de rien n'était, comme s'il n'y avait aucune mobilisation des parlementaires ou des professionnels de l'audiovisuel public et du cinéma. De fait, ce projet de loi pourrait très bien se passer de nous dans la mesure où la publicité a été sacrifiée sur l'autel des urgences dictées par l'Élysée.

Mais revenons au projet de loi organique qui nous occupe ce matin et qui concerne précisément l'autre axe de cette réforme.

Le principe instauré par cet article unique ne concerne rien d'autre que la nomination et la révocation des présidents des entreprises de l'audiovisuel public que sont France télévision, Radio France et la société nationale en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, trois structures qui dessinent l'intégralité du paysage audiovisuel public français, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…trois structures que vous entendez sacrifier aux intérêts des chaînes privées qui, à vous entendre, ne font pas assez de bénéfices, trois structures qui voient leur mode d'organisation, de fonctionnement et de travail modifié à coup de plans sociaux en cours ou à venir, de serrage de vis rédactionnel et politique pour répondre cette fois-ci aux intérêts très particuliers d'un seul et unique homme, le Président de la République, qui gouverne et légifère dans une pure logique de court terme, loin, très loin, de répondre à l'intérêt général.

Nous étions déjà intervenus en mai dernier lors de la réforme constitutionnelle sur la révision de l'article 13 de la Constitution qui entend élargir le champ des nominations du président de la République aux emplois civils. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nous n'étions pas a priori opposés au principe de cadrage parlementaire que supposaient ces dispositions. Mais, à peine la porte de nouveaux droits pour le Parlement était-elle ouverte que déjà elle se refermait avec l'instauration du principe de l'addition des votes négatifs, qui devaient représenter au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Cette disposition rendait nulle et non avenue tout contre-pouvoir parlementaire ; le nouveau droit que vous prétendiez octroyer à l'opposition était donc mort-né.

Sur la question de la révocation, les sénateurs avaient opté pour le principe des trois cinquièmes des votes positifs dans chaque commission. Il s'agissait d'une réelle avancée qui, même si elle était loin d'être révolutionnaire, pouvait être qualifiée de majeure car elle rééquilibrait un texte où l'arbitraire avait le dernier mot. Il faut bien voir que l'indépendance d'un dirigeant dépend plus de son mode de révocation que de son mode de nomination : nommé, on ne l'est qu'une fois, révocable, on l'est à tout moment.

Ce pouvoir ainsi constitué relève du fait du prince et s'apparente clairement à un pouvoir de sanction dirigé contre des responsables dont l'allégeance serait jugée insuffisante. Qui plus est, comme si cela ne suffisait pas, le contrat d'objectifs et de moyens de ces entreprises publiques sera renouvelé lors de chaque nouvelle nomination. Non seulement ces entreprises publiques qui n'ont rien d'ordinaire seront dirigées par un président ayant constamment une épée de Damoclès au-dessus de la tête en matière politique, rédactionnelle et financière …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

…mais, comme si cela ne suffisait pas à rendre impossible toute bonne gouvernance, ces objectifs et ces moyens pourront être constamment revus à la hausse ou plus probablement à la baisse. Comment, dans ces conditions, diriger une entreprise publique, quelle qu'elle soit d'ailleurs, à moins de devenir complètement schizophrène ou d'être à la botte de l'exécutif en place ? Ce n'est cependant plus un problème après le vote intervenu hier au Sénat.

Revenons donc aux dispositions de cet article unique qui ne constituent rien d'autre qu'un énorme recul des libertés publiques. On a certes souvent critiqué le CSA qui s'est comporté à de trop nombreuses reprises comme un paravent du pouvoir en place, mais fallait-il vraiment se prévaloir de son manque d'indépendance pour justifier une telle reprise en main ? Une réforme de cette instance est nécessaire, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire : en faire enfin une autorité vraiment indépendante, à l'instar de celles qui existent dans les grandes démocraties européennes, serait un bel objectif.

En attendant, le PDG de la première chaîne privée est un des plus proches amis du Président de la République actuel quand celui des chaînes publiques sera nommé par lui-même. Belle avancée démocratique !

Pourtant, le 14 janvier 2007, M. Sarkozy, alors candidat à l'élection présidentielle, affirmait à la Porte de Versailles que dans une démocratie irréprochable, les nominations se décident non en fonction des connivences et des amitiés, mais en fonction des compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est exactement ce que l'on veut faire pour l'audiovisuel public !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Or dans les actes, le Président, aujourd'hui élu, fait tout le contraire. La schizophrénie de Nicolas Sarkozy est en train d'atteindre des sommets.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

D'un côté, il dit préférer les compétences aux connivences et aux amitiés, tandis que, de l'autre, il fait réintroduire dans la décision des nominations le fait majoritaire dans toute sa puissance.

Une chose est certaine : ce projet de loi organique nous éloigne considérablement du respect du principe de séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et médiatique, principe qui, mes chers collègues, garantit l'impossibilité qu'une seule personne ou un groupe restreint de personnes concentrent excessivement en leurs mains tous les pouvoirs de l'État.

Et, pour reprendre L'Esprit des lois de Montesquieu, cher à Jean-Pierre Brard...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

..« C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. »

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Les limites, mes chers collègues, c'est nous, les parlementaires, ce sont aussi les autorités indépendantes, les contre-pouvoirs, la presse. Or ces limites, le Président Sarkozy les balaye, les unes après les autres, d'un coup de talonnette, sous couvert d'en finir avec l'hypocrisie du système en place.

Or, si l'on en croit l'article 20 de notre Constitution, c'est au Gouvernement de déterminer et de conduire la politique de la nation, c'est lui et lui seul qui est responsable devant le Parlement. Encore faudrait-il, pour cela, que l'exécutif lui laisse une marge de manoeuvre.

Mais ce non-respect de la séparation des pouvoirs est encore plus pernicieux quand l'élément économique s'intègre au débat. On entre alors dans une relation incestueuse intenable. Or cet élément était constamment présent : dans l'origine du projet de loi avec le Livre blanc de TF1 qui préconisait, pour faire face à la réduction de ses bénéfices de supprimer la publicité sur France Télévisions, dans les à-côtés du débat, dans le lobbying récurrent des grandes chaînes privées, des opérateurs de télécom. Il en est devenu un élément essentiel voire le chef d'orchestre via des porte-parole, y compris dans cet hémicycle.

Car nous ne leurrons pas : c'est bien le Livre blanc de TF1 qui a donné le la de ce texte. Alors que le marché publicitaire, et en particulier celui de la télévision, ne cessait de décroître, la suppression de cette part importante de revenus pour France Télévisions n'a qu'un seul objet : répondre aux intérêts des télévisions privées, bien plus que de favoriser le service public audiovisuel dans sa capacité de production, de création et de diffusion. Et ce en sacrifiant cet outil qui, même au milieu des centaines de chaînes qui dessinent notre paysage audiovisuel, parvient encore à faire montre d'innovation, de diversité culturelle et artistique, de programmation audacieuse, bien plus, en tout cas, que de nombreuses chaînes privées aux exigences financières intransigeantes, incapables de se remettre en question, de se réinventer, de se confronter au réel autrement qu'en termes de rentabilité immédiate et d'audimat.

Je reprendrai à mon compte l'expression désormais fameuse de mon collègue sénateur, Jack Ralite : « Quant à la politique de création, il faut la libérer de l'esprit des affaires, qui l'emporte aujourd'hui sur les affaires de l'esprit. »

Le projet de loi ordinaire que vous avez voté hier organisait la dépendance économique et éditoriale de l'audiovisuel public. Avec le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd'hui, c'est la dépendance politique vis-à-vis du pouvoir exécutif que vous introduisez.

Pour reprendre les termes de l'universitaire Serge Regourd, nous sommes en plein étatisme et affairisme. Cette formule dit tout. Ce violent mélange de genres décrit à la perfection la logique de ce que vous donnez à lire : étatisme, car le contrôle de l'État devient presque totalitaire et met sous tutelle le premier média audiovisuel public français ; affairisme, car cette mesure ne fait que répondre aux appétits de grands groupes privés. Comme le disait Victor Hugo dans Ruy Blas : « Bon appétit, messieurs ! »

Personne, sur ces bancs ou à France Télévisions, ne conteste la nécessité d'une réforme, mais pas de cette manière, et en aucune façon pour répondre aux seules injonctions du Président qui, dans l'unique but de faire une grande annonce politique lors des voeux de 2008 à la presse et par égard pour ses amis financiers, a décidé, sans prévenir, impunément et contrairement à toutes les attentes, y compris la vôtre, madame la ministre, de supprimer la publicité sur France Télévisions et de nommer directement le PDG de France télévisions. Pourquoi imposer la fin avant de réfléchir aux moyens indispensables à l'autonomie de ce média public ? Pourquoi mettre la charrue avant les boeufs ? Avez-vous oublié que le temps est l'allié de toute démocratie qui se respecte ?

En tout état de cause, cette disposition nous mène tout droit vers la télévision publique que nous avons décriée à maintes reprises lors de la première lecture, à savoir une télévision d'État – je ne reprendrai pas le terme d'ORTS qui avait déjà été brandi sur ces bancs.

Madame la ministre, parce que le groupe GDR pense que ce projet de loi ne respecte pas les fondements mêmes de nos principes républicains, à savoir le principe de séparation des pouvoirs, nous espérons que cette exception d'irrecevabilité sera votée. Il ne peut en être autrement si nous tenons à ce que tous les citoyens français puissent disposer d'un service public de l'audiovisuel indépendant, autonome politiquement et financièrement, ayant les moyens de promouvoir des programmes de qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Nous avions jusqu'à présent la chance de vivre dans une vraie République, dans une vraie démocratie, c'est-à-dire dans un pays où les élections sont libres – je continue à penser qu'elles le sont en France – mais également dans un pays où, une fois l'élection passée, la liberté, la démocratie et la République ne s'arrêtent pas et où l'on continue à respecter l'opposition, qu'elle soit politique ou syndicale, et les divergences d'opinion.

Or j'ai le sentiment que nous sommes entrés dans une période de dérives du pouvoir – sentiment partagé par mes collègues de l'opposition ainsi que par nombre de nos concitoyens inquiets pour l'avenir de notre pays ; j'en veux pour preuve que, le soir même de son élection, le Président de la République fêtait sa victoire au Fouquet's, entouré des amis qu'il fallait récompenser.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Bien d'autres éléments ont heurté cette conception que l'on peut avoir de la démocratie. Ainsi cette déclaration publique du Président Sarkozy lors d'un congrès ou d'un meeting : « Dorénavant, quand il y a des grèves en France, on ne s'en aperçoit plus. » Quel camouflet pour la vie syndicale ! Et que dire de cet événement que nous avons vécu ici même il y a quelques semaines, à savoir la restriction, sur ordre, du droit d'amendement et du temps de parole, ou encore de l'annonce de la réforme, très inquiétante, du juge d'instruction ?

J'en viens maintenant à l'objet de la motion de procédure que vient de défendre Patrick Braouezec...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

..et qui concerne la nomination-révocation par le seul Président de la République des dirigeants des télévisions publiques...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

..même si elle comporte un habillage parlementaire dont on voit bien les limites. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous vous offusquez mais, au fond de vous-mêmes, vous savez bien qu'il s'agit d'un vrai retour en arrière qu'on ne connaît dans aucune démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous qui aimez les sondages, vous n'en avez pas fait sur cette question car vous savez bien que la majorité des Français sont hostiles à la décision que vous avez prise.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La télévision n'est pas une entreprise ordinaire, elle fait de l'information, de la création, ce qui la rend différente d'une entreprise publique. Les médias vont être orientés – le pouvoir actuel en a déjà la mainmise par le copinage que j'ai dénoncé avec ce fameux repas du Fouquet's.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce n'est un secret pour personne !

Enfin, dans la période de crise financière que nous traversons, était-il franchement utile de soumettre ce texte en urgence ? Les Français le demandaient-ils, eux qui souffrent chaque jour à cause de cette crise et qui s'offusquent devant l'intransigeance de ceux qui nous ont conduits dans cette situation et qui refusent de débourser le moindre centime – on continue à distribuer des stock options, des parachutes dorés ou encore des salaires indécents ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ce texte est le cadeau qu'il fallait rendre aux télévisions privées. Non seulement il fallait supprimer la publicité, mais la nomination et la révocation des présidents de l'audiovisuel public par le Président de la République aidera à en faire un secteur peu performant, laissant du coup le monopole à la télévision privée.

En conclusion, nous voterons avec enthousiasme cette belle motion de procédure défendue par Patrick Braouezec. Et si vous écoutez votre conscience, vous la voterez avec nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Mes chers collègues, nous avons longuement débattu des dispositions de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Or, Il est tout de même consternant, après tant de semaines de débat sur un projet de cette nature, d'entendre nos collègues de l'opposition répéter inlassablement les mêmes choses...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Ce n'est pas vrai ! On nous a même interdits de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

..et d'avancer des arguments qui n'ont strictement rien à voir avec l'objet de notre débat.

Comme nous avons largement débattu de ce sujet, j'épargnerai à mes collègues, au risque de les décevoir fortement, une explication longue et détaillée des raisons qui nous conduisent clairement, au nom du groupe UMP, à rejeter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, vous avez entendu, comme moi, les belles références culturelles et historiques de notre collègue Patrick Braouezec. Avec votre loi, tout cela disparaîtra de la télévision publique, puisque vous n'avez plus besoin que d'une télévision d'endormissement.

Je comprends bien que nos collègues de l'UMP s'impatientent car il faut faire vite. Depuis des semaines, vous subissez les projecteurs que nous avons braqués sur vous (Rires sur les bancs du groupe UMP)...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

..et qui visent à éclairer l'opinion publique sur les coups tordus que vous perpétrez contre nos libertés.

M. Herbillon s'indigne que nous nous répétions. Mais s'il fallait s'indigner de quelque chose, ce serait de votre surdité persistante et de votre autisme indécrottable !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Et nous, nous nous indignons contre l'illisibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il ne faut jamais cesser de défendre les libertés, il faut toujours argumenter et défendre ce qu'il y a de plus précieux : la liberté d'expression.

La preuve que vous n'en avez cure : le texte supprimant la publicité n'était pas voté que déjà vous imposiez les nouvelles règles.

Or, comme Patrick Braouezec l'a souligné, il ne s'agit que de répondre aux exigences d'un homme « unique » – j'entends cet adjectif non pas au sens d'exceptionnel, comme certains ont pu le mériter au cours de notre histoire nationale, mais au regard du coup définitif porté au socle de nos libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous bafouez nos traditions de libertés qui émanent des profondeurs de notre histoire bien avant la révolution : rappelez-vous les propos de Beaumarchais.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Ce n'est qu'un début, continuons le combat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Nos collègues sénateurs, y compris ceux de droite dont l'échine est moins souple que la vôtre, chers collègues de l'UMP, ont ainsi proposé que pour révoquer un président, il soit nécessaire de rassembler une majorité des trois cinquièmes. Mais vous, vous vous soumettez. Ce n'est même plus de la docilité, c'est un comportement d'invertébrés !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Souple ou pas, on a une échine ou on est des invertébrés ? Il faudrait savoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Notre ambition est que les présidents puissent travailler dans la sérénité tout en ayant une vision de l'audiovisuel public. Vous, vous cherchez des laquais habités par l'esprit de servitude ; mais n'oubliez jamais que l'esprit de servitude déshonore moins les laquais que ceux qui organisent la servitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne suis pas dans la nuance mais dans la pédagogie, monsieur Kert. Je vous ai connu, sur des sujets importants comme la restauration des oeuvres d'art, partageant des opinions plus avisées que celles que vous soutenez aujourd'hui.

Les présidents qui seront désignés seront bien différents de ceux qu'on souhaiterait. Il a été question des amis du président : chacun connaît la différence qu'il y a entre un ami et un obligé. Un obligé obéit parce qu'il doit quelque chose ; à un ami, on ne refuse rien, parce qu'on l'aime tendrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Or parmi les personnes qu'aime tendrement le Président de la République, se trouvent MM. Bouygues, Bolloré et Lagardère – famille où la volonté d'asservir les médias demeure identique à chaque changement de génération.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Il y avait aussi Doumeng ! Comment cela se passait avec lui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous le comprendrez aisément, nous ne cesserons de nous battre et ce n'est pas parce que le débat est clos aujourd'hui qu'il s'interrompra : la bataille durera tant que nous n'aurons pas réduit à néant les dispositions liberticides que vous voulez instaurer.

C'est donc avec enthousiasme que nous voterons l'exception d'irrecevabilité brillamment défendue par Patrick Braouezec et soutenue, avec talent, par Patrick Roy. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marty

Bravo ! Un grand moment, assurément !

(L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous l'attendiez avec gourmandise, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Martin-Lalande

Oui, quand c'est un vrai débat. Mais c'est plus rare.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous écoutons toujours avec grand intérêt nos collègues débattre, monsieur Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Surtout quand c'est l'opposition, madame la présidente : elle au moins a quelque chose à dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je serai bref, car beaucoup de choses ont déjà été dites sur le sujet qui nous occupe ou, plutôt, nous préoccupe. Toutefois, dans la mesure où les dispositions qu'instaure cet article unique touche aux fondements même de notre démocratie, le sujet demeure vaste. Il résonne de plus belle aujourd'hui en raison de plusieurs événements qui se sont produits sur une période trop rapprochée. Le concert de ces divergences effraie les bancs de l'opposition mais également, de plus en plus, ceux de la majorité. J'y reviendrai au cours de la discussion générale.

Cet article unique constitue le coeur de la réforme de l'audiovisuel – on peut dire que c'est l'oeil du cyclone, ou la cerise sur le gâteau –, puisqu'il vise à conférer définitivement au Président de la République le droit de nommer par décret les présidents de l'audiovisuel public : ni plus, ni moins – et ce, dans le silence assourdissant d'une partie de la majorité !

Nous avons déjà beaucoup parlé de cette disposition symbolique tant elle écorne notre démocratie. Aucune des démocraties voisines – Jean-Pierre Brard l'a rappelé – n'a accordé ce pouvoir au chef de l'exécutif, ni en Grande-Bretagne, ni en Allemagne, ni même dans l'Italie de Berlusconi ! Cette anomalie démocratique détonne durement.

Revenons à ce qui autorise le Président de la République à nommer les PDG des entreprises de l'audiovisuel public : il certes a légalement le droit de prendre une telle décision puisqu'il a été élu et qu'il le demande. Encore faudrait-il savoir si c'est utile et nécessaire, et si c'est légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je vous démontrerai au contraire que la réponse est non, dans la mesure précisément où certaines décisions en la matière ne respectent pas l'intérêt général.

Concernant la nomination du président de France télévisions, nous entrons dans le domaine de l'information et des médias. Or pour ce type très particulier de biens publics, les nominations doivent reposer sur des principes d'impartialité que seules des autorités pleinement indépendantes peuvent garantir.

Certes, l'élection à la majorité confère sa légitimité à celui qui est élu car c'est le seul principe qui puisse être accepté par tous. Il n'en continue pas moins d'exister une, voire plusieurs oppositions avec lesquelles vous devez compter et composer un minimum afin de ne pas laisser de côté une partie de la population. M. Sarkozy s'est targué d'être le Président de tous les Français, tout en considérant, il est vrai, qu'il était toujours un chef politique. Or être président de tous les Français implique qu'on respecte l'intérêt général. Nous ne débattons pas actuellement de la politique fiscale ou de tout autre sujet politique mais de biens publics. Or je considère que l'indépendance politique du service public de l'audiovisuel relève des domaines qui ne doivent pas être traités en termes partisans, polémiques et politiciens.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Ce domaine fait partie des fondements de notre république : il est, ou plutôt, devrait être un des piliers de l'indépendance des médias et de la liberté de la presse dans notre pays.

L'intérêt général concerné par ce domaine ne saurait donc être réduit à l'expression majoritaire. Sinon, vous dérivez. Or ce projet de loi organique vous propose clairement, mes chers collègues de la majorité, d'accepter une très claire dérive, doucement totalitaire, en même temps qu'il organise un accablant retour en arrière.

Assurément, le choix du Président de la République sera soumis à l'avis du CSA et une commission parlementaire devra valider les choix effectués. Mais, au bout du compte, ces deux instruments faussement déguisés en contrôle de validation et de concertation ne feront, de par leur appartenance au fait majoritaire, qu'entériner des choix effectués par l'exécutif. Arrêtez de nous leurrer avec ces deux dispositions !

Il aurait été intéressant de discuter réellement, d'échanger, de débattre et d'entendre vos contre arguments mais nous avons constamment l'impression d'être face à un mur qui, tout majoritaire qu'il soit, en demeure un, puisque vous n'entendez pas et refusez de vous éloigner d'un texte qu'on vous a imposé d'adopter au plus vite afin de satisfaire les intérêts, très particuliers, pour ne pas dire amicaux – certains l'ont noté –, du Président de la République. C'est la réalité : nous avons été confrontés à votre silence, madame la ministre, mais également à celui de la majorité qui a refusé le débat.

Ce silence de la majorité en dit long, du reste, sur le malaise qui entoure ce texte et que chacun perçoit, quels que soient les bancs sur lesquels il siège dans cet hémicycle. L'ancien garde des sceaux et président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter, disait récemment, à juste titre, que « cette affaire [de nomination] conforte l'idée que nous vivons actuellement dans une monocratie. Notre système institutionnel se résume au pouvoir d'un seul, indiscutablement élu par le peuple. Où sont annoncées les lois à venir ? Sur le perron de l'Élysée, à la Cour de cassation, en conférence de presse. Quand j'entends la parole élyséenne, je sais ce que sera la loi. Et cela me rappelle l'axiome de l'ancien droit : "Si veut le Roi, si fait la loi. " ». Robert Badinter a malheureusement raison.

Plusieurs solutions respectueuses de nos fondements républicains auraient pu être discutées.

Le seul compromis acceptable, compte tenu de la marge de manoeuvre que vous vous laissez à vous-mêmes, était de céder sur la majorité des trois cinquièmes, en replaçant l'opposition au coeur du dispositif. Vous auriez ainsi concrétisé l'adage désormais fameux du Gouvernement selon lequel notre chambre aurait vu ses pouvoirs réellement renforcés alors que nous ne constatons aucun renforcement de nos pouvoirs ni aucune reconnaissance de l'opposition dans l'hémicycle.

En ce qui concerne la réforme du CSA, que, contrairement à ce que certains prétendent – je tiens à le rappeler –, nous avons appelée de nos voeux à plusieurs reprises, il est intéressant de noter que, selon que cela vous arrange, soit le CSA ne sert à rien, et vous l'enjambez pour mettre fin à ce que vous appelez une « hypocrisie », soit il redevient une barrière démocratique qui cautionne le pseudo-cadrage que vous proposez. En attendant le CSA n'a pas bougé d'un iota : il est le même dans son organisation comme dans ses missions et sa composition. C'est la raison pour laquelle il devra faire l'objet d'une réforme.

En effet, c'était cette autorité qu'il fallait réformer afin qu'elle devienne véritablement indépendante et qu'elle participe d'un processus de nomination affranchi du pouvoir exécutif et émancipé de toute autre pression.

Nous aurions ainsi pu réfléchir à un choix portant sur des candidats sélectionnés après des auditions publiques alors que nous devrons nous prononcer sur un seul candidat proposé par le Président de la République.

La seule réforme valable et respectueuse de la garantie d'indépendance de l'audiovisuel public français, réforme que nous vous avons proposée au travers d'amendements que vous avez balayés d'un revers de main, aurait dû être centrée sur la réorganisation et le fonctionnement du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Vous auriez très bien pu suivre le modèle italien de nomination du président de la RAI, nommé par son conseil d'administration dans le cadre de propositions émises par une commission parlementaire audiovisuelle de vigilance. Excusez du peu ! Quelle différence entre un tel mode de nomination et celui que vous nous proposez ! Cette solution a le mérite de garantir une autonomie totale du pouvoir exécutif et de prendre en considération les enjeux audiovisuels auxquels nous sommes actuellement confrontés.

Les propositions alternatives ne manquaient pas : elles vont toutes dans le sens de la démocratie. Vous avez choisi, consciemment et délibérément, de les laisser de côté sans débattre. Qu'à cela ne tienne ! Le ton est donné pour les années à venir, que ce soit en matière de débats parlementaires ou de télévision publique !

La question du groupe GDR est simple, madame la ministre : même si le Président de la République a effectivement le droit d'effectuer de telles nominations et révocations, en a-t-il pour autant la légitimité ? Pour toutes les raisons que j'ai d'évoquées, nous pensons non seulement que le Président de la République n'a pas cette légitimité mais également que si vous, membres de la majorité, l'autorisez à effectuer ces nominations et ces révocations, nous lui donnerons les pouvoirs d'outrepasser ses missions. Vous lui offrirez les moyens de ne pas respecter les fondements républicains de notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Madame la présidente, alors que nous arrivons au terme d'un débat de plus de deux mois, je tiens à rappeler que ce texte est au coeur de ce qui a motivé la résistance des députés de gauche. Quand il s'agit de la démocratie et des libertés publiques, monsieur Herbillon, le Parlement n'en fera jamais assez. Croyez que ce débat n'est pas prêt de s'éteindre.

Je tiens à rappeler l'argument qui a servi de prétexte à une mesure que personne n'avait appelée de ses voeux, que ce soit dans les milieux professionnels ou au sein de la commission Copé, où ce sujet avait été évoqué dans l'atelier dédié à la gouvernance : l'idée avait été aussitôt écartée, jugée parfaitement saugrenue et indéfendable par tous, y compris par nos collègues de la majorité. Cette mesure, imposée par le Président de la République, est donc particulièrement déplacée. L'argument, servant à justifier le recul des libertés publiques qui nous est proposé, serait le caractère hypocrite de la nomination par le CSA des présidents de l'audiovisuel public. On reste confondu devant un argument aussi vertigineux, qu'on peut appliquer à un grand nombre de domaines, dont la justice. Pourquoi, en effet, demander à des tribunaux de rendre la justice alors que les procureurs sont aux ordres de la chancellerie ? Cessons cette hypocrisie ! Faisons que désormais le Président de la République rende la justice sous un chêne – je ne dis pas comme un gland…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

La plaisanterie avait été inventée pour Arpaillange, garde des sceaux socialiste…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

De même, à quoi sert le Gouvernement puisque, chacun le sait, les ministres ne sont là que pour la décoration ? Les véritables décisions se prennent à l'Élysée avec les conseillers du Président. Cessons donc cette hypocrisie et supprimons le Gouvernement ! Quant au Parlement, compte tenu du fait indiscutable que la majorité est majoritaire, la présente discussion n'est au fond, elle aussi, qu'une hypocrisie. Supprimons donc également le Parlement et laissons le Président de la République légiférer par décret !

Votre argument est donc particulièrement stupide puisqu'on peut le décliner à l'infini. Seulement, il remet en cause tout l'équilibre des pouvoirs.

Argument suivant : celui des deux verrous du pouvoir de nomination. L'avis du CSA constituerait une garantie, une sécurité avec M. Boyon, chef des gilets rayés…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

…l'homme qui ne mérite ni estime ni considération compte tenu de sa responsabilité dans l'abaissement de l'organisme qu'il préside.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Voilà que les députés socialistes se lancent dans les attaques ad hominem !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Nous savons fort bien que ce verrou n'en est pas un.

Second verrou, la possibilité pour les commissions compétentes de bloquer une nomination à la majorité des trois cinquièmes. Examinons méthodiquement l'histoire de la Cinquième République depuis 1958 : jamais il n'eût été possible de réunir une majorité des trois cinquièmespour s'opposer à une telle disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Les socialistes sont donc contre les droits du Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Le seul verrou digne de ce nom, le Sénat l'avait proposé en inversant la charge de la preuve, la révocation devant être approuvée par les trois cinquièmes, ce qui changeait tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Malheureusement, dans ce régime où se mêlent courtisanerie et intimidation, quelques places sur les listes pour les élections européennes ont eu raison des réticences des centristes et le Sénat s'est finalement couché – c'est un peu triste pour nos collègues sénateurs.

La situation a quelque peu évolué depuis le début de cette discussion, au début du mois de novembre. Les traits du régime se sont accusés. Lorsque, par exemple, un manifestant a le malheur de brandir une pancarte sur laquelle on peut lire : « Casse-toi pauv' con ! » – ce sont pourtant les mots mêmes du Président de la République –, le procureur, dépendant de la chancellerie, réclame 1 000 euros d'amende !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

Lorsque le Président est importuné au cours d'une réunion à la préfecture de Saint-Lô dans la Manche, parce qu'il entend des sifflets, le préfet et le directeur de la police sont révoqués dans les quinze jours !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mathus

À ce rythme, on se demande s'il y aura encore beaucoup de préfets dans quelque temps…

Le présent dispositif s'inscrit donc dans une dérive du pouvoir personnel. On ne parle d'ailleurs même plus d'omni-président mais, désormais, d'ego-présidence. Ce mélange de fatuité et de volonté d'imposer son pouvoir personnel dans tous les domaines de la vie publique est insupportable, mes chers collègues. Nous savons bien qu'au fond de vous-mêmes vous ne l'approuvez pas ; vous l'avez même publiquement réprouvé par avance dans la commission Copé – je m'adresse en particulier à ceux qui en étaient membres.

Voter un tel texte constituerait un déni de votre part, ce ne serait pas à votre honneur et j'en appelle à votre conscience pour voter la motion de procédure défendue par notre collègue Braouezec. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Mathus, je ne vous ai pas interrompu, mais je tiens à vous rappeler qu'il n'est toutefois pas d'usage dans notre assemblée de jeter en pâture comme vous l'avez fait le représentant de l'une de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Bloche

Dans quel monde vivons-nous ? Il faut lire les provocations de M. Boyon dans Le Figaro de l'autre jour !

Debut de section - PermalienPhoto de François Loncle

M. Boyon est un laquais !

(La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi organique sur la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public ;

Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma