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Intervention de Luc Chatel

Réunion du 5 février 2009 à 9h30
Attribution de fréquences de réseaux mobiles — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Luc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation :

Je suis très heureux d'introduire cette séance de débat parlementaire, qui correspond à la réalisation d'un engagement que j'avais pris devant vous lorsque fut débattue la loi du 3 janvier 2008 sur le développement de la concurrence au service des consommateurs. Ce débat a été promis, il a lieu aujourd'hui, je ne peux donc que m'en réjouir.

Nous sommes maintenant en mesure de décliner concrètement un certain nombre d'annonces faites récemment par M. le Premier ministre concernant les modalités d'attribution des fréquences d'une quatrième licence mobile de troisième génération, et plus généralement l'ensemble des orientations que nous vous proposons pour l'attribution des autres fréquences qui seront prochainement disponibles : il s'agit de la gamme des 2,6 gigahertz d'une part, et de la sous-bande des 800 mégahertz, dite du « dividende numérique », qui sera libérée avec l'extinction de la télévision analogique, d'autre part.

Ces orientations que vous propose le Gouvernement correspondent à une véritable ambition pour le secteur des télécommunications. Nous allons aborder, avec ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet, des questions qui sont certes complexes mais éminemment stratégiques pour l'avenir économique de notre pays.

Il faut avoir en tête que les technologies de l'information et de la communication représentent, sur les dix dernières années, la moitié du différentiel de croissance observé entre les États-Unis et l'Europe. Elles comptent aussi pour 40 % de la hausse de la productivité de notre économie. Le secteur des TIC est donc économiquement déterminant, grâce aux innovations qu'il engendre pour l'ensemble de notre industrie. Celles-ci trouvent des applications dans des secteurs aussi divers que l'automobile, les éco-industries, l'aéronautique, la télémédecine, la formation, le maintien à domicile des personnes âgées, l'industrie des loisirs, etc. Leur impact est évident sur nos modes de vie et la relation des salariés à leur travail : je pense notamment au développement du travail à distance avec les possibilités de visioconférence et de portabilité des données.

Bref, les enjeux sont autant économiques que technologiques et sociaux – je dirai même sociétaux.

Dans cette période de crise économique, la volonté du Gouvernement, vous le savez, est de nous mobiliser pour faire face à l'urgence financière et économique, notamment grâce au plan de relance. Mais nous devons plus que jamais poursuivre les réformes pour préparer la France au monde d'après. La crise est dure, violente ; mais elle prendra bien fin un jour, et ce jour-là nous devrons être prêts à rebondir plus vite que les autres.

Pour cela, il faut dès aujourd'hui identifier des relais de croissance stratégiques et investir.

Les technologies de l'information et de la communication en font évidemment partie. Le Gouvernement dessine donc depuis dix-huit mois une politique très ambitieuse en matière de technologies numériques ; nous avons notamment avancé dans le domaine du développement de la concurrence dans les télécoms.

Ce développement de la concurrence répond à mon sens à plusieurs enjeux. Le premier d'entre eux est industriel et économique : le gain pour les consommateurs ne se fera pas au détriment des investissements ni de la couverture nationale du territoire. La concurrence, on l'a vu sur tous les marchés, est saine ; elle stimule le marché. Les analystes tablent ainsi sur une croissance de 7 % du marché global de la téléphonie mobile. Les investissements engendrés par l'arrivée d'un éventuel nouvel entrant seront importants pour l'économie et pour l'emploi, du fait des investissements nécessaires, d'abord pour la construction d'un réseau nouveau, mais aussi pour la recherche de nouveaux services et la distribution des offres correspondantes. Il faut bien avoir à l'esprit qu'il ne sera pas dans l'intérêt des opérateurs historiques de réduire la voilure, c'est-à-dire les investissements, notamment pour la couverture du territoire – sous peine de perdre en compétitivité. Nous serons très vigilants sur ce point, afin que les engagements pris dans ce domaine soient tenus. L'ARCEP – l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – devra les contrôler. Ses pouvoirs de sanction ont d'ailleurs été renforcés.

Le deuxième enjeu est celui du pouvoir d'achat des consommateurs.

D'après les simulations réalisées par mes services, l'ouverture du marché des mobiles à un nouvel acteur au moins devrait représenter à terme une baisse de 7 % des tarifs. Ces simulations tiennent compte de l'observation de ce qui s'est passé à l'étranger, lors du passage de trois à quatre opérateurs. Cela fait tout simplement 1,2 milliard d'euros de pouvoir d'achat rendu aux Français chaque année, sur un marché qui devrait représenter, en 2015, quelque 21 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Le troisième enjeu est celui de l'innovation. Il est clair que l'entrée de nouveaux acteurs va bousculer les opérateurs historiques et intensifier la course technologique en faveur de nouveaux produits et services. Nous parlons ici de la prochaine génération de services : aujourd'hui, le triple play concilie dans une même offre la télévision, Internet et le téléphone ; demain, l'offre quadruple play ajoutera une nouvelle dimension, car il sera possible de consulter de n'importe quel terminal, chez soi, au bureau ou dans la rue, l'ensemble de ses documents et données personnelles. C'est un nouvel âge de la convergence qui s'ouvre ; c'est un véritable saut en matière d'innovation.

Or, si nos opérateurs nationaux sont bien placés dans cette course technologique, ils n'ont pas pour autant pris une avance irrattrapable sur leurs concurrents européens. Une stimulation saine du marché serait donc à notre sens bienvenue pour mettre toutes les chances de notre côté et répondre à l'ambition fixée à la fois par l'Europe – avec la stratégie de Lisbonne – et par le Président de la République : faire de la France, d'ici 2012, un pays leader en matière de technologies de l'information et de la communication.

Pour comprendre les orientations du Gouvernement sur ce dossier complexe, il faut savoir d'où nous venons.

Souvenons-nous : en 2000 et 2001, dans le contexte de l'emballement financier et économique créé par la bulle Internet, l'État avait fixé un prix de 5 milliards d'euros pour les licences 3G, qui représentaient alors la première étape vers le portable à haut débit. Seuls deux opérateurs avaient répondu à cette offre qui, avec le recul, paraît vertigineuse. Un troisième opérateur, Bouygues, avait renoncé à suivre. Deux éléments ont alors joué : d'abord le dégonflement de la bulle Internet, ensuite la volonté du gouvernement de l'époque d'éviter un duopole qui aurait tué toute concurrence. Il a donc été décidé de baisser les prix. L'État a donc institué une redevance fixe à 619 millions d'euros, plus une redevance variable de 1 % du chiffre d'affaires.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation qui finalement n'est pas si différente : l'appel à candidatures lancé par l'État en 2007 pour l'attribution de nouvelles fréquences n'a pas trouvé preneur auprès de nouveaux acteurs. Il faut donc, comme par le passé, revoir notre offre pour permettre à de nouveaux concurrents de se positionner, tout en garantissant naturellement l'égalité de traitement de l'ensemble des opérateurs. Dans le même temps, l'État doit veiller à soutenir la croissance du secteur, à assurer la couverture du territoire et à valoriser convenablement ces nouvelles fréquences.

Cela représente, pour les finances publiques, de l'argent, beaucoup d'argent. Nous avons donc demandé à l'ARCEP de mener une consultation publique ; celle-ci a été menée au cours de l'été 2008. Je vous livre ici le fruit des réflexions du Gouvernement.

Nous pensons qu'il est souhaitable, afin de rebondir et de répondre à l'infructueux appel d'offres précédent, de diviser le « paquet » de fréquences supplémentaires, comme l'a indiqué récemment le Premier ministre, en trois lots : un lot de deux fois 5 mégahertz réservé à un nouvel entrant, à un tarif qui doit être par définition non discriminatoire par rapport aux offres précédentes, j'y reviendrai dans un instant – lot auquel s'ajoute l'accès à la bande de 900 mégahertz, essentielle pour les enjeux, qui vous préoccupent tout naturellement, de couverture du territoire –, et deux autres lots de deux fois 5 mégahertz chacun, ouverts à tous, pour lesquels tous les opérateurs, y compris les historiques, pourraient postuler.

Comment le nouvel opérateur sera-t-il choisi, et sur quels critères ?

Il ne sera pas choisi sur un critère de prix, puisque nous proposons que celui-ci soit fixé en amont. Nous proposons une règle simple, guidée par un souci d'équité vis-à-vis des opérateurs existants, qui consisterait à fixer un prix correspondant au tiers du prix défini précédemment, puisque nous accorderons à ce nouvel entrant un tiers des fréquences envisagées antérieurement, soit environ 206 millions d'euros – 619 millions divisés par trois. Différents types de raisonnement pourraient justifier de demander plus, ou au contraire moins. Nous proposons la solution qui apparaît, de l'avis de nombreux experts, comme la plus juste et la plus sûre juridiquement, c'est-à-dire le tiers du prix pour le tiers des fréquences.

Si le critère financier est écarté, quels autres critères feront la différence pour l'attribution d'une nouvelle licence ? Nous procéderons à ce qu'on appelle, en termes techniques, une procédure de soumission comparative, ou, en termes plus parlants, un « concours de beauté ». (Sourires.) Il s'agit de voir quels postulants présentent pour l'État les meilleures garanties et proposent les meilleurs engagements, notamment en matière d'ampleur et de rapidité des déploiements ; de cohérence et de crédibilité de l'ensemble du projet ; de capacité à stimuler la concurrence au bénéfice des consommateurs, sujet qui m'est particulièrement cher ; d'environnement ; de qualité de service ; de couverture de l'ensemble du territoire, sujet auquel les élus ici présents sont particulièrement attachés.

Afin de traiter équitablement les opérateurs existants et le nouvel entrant, il paraît souhaitable que les critères retenus en 2009 soient similaires à ceux qui avaient permis d'attribuer les premières licences en 2001 et 2002. Il convient notamment de faire en sorte que le nouvel entrant déploie un réseau sur l'ensemble du territoire, dans le but de favoriser la concurrence, y compris dans les zones rurales. Ainsi, pour le lot réservé, le Gouvernement s'oriente vers la reprise des mêmes obligations minimales de couverture que lors des précédents appels à candidatures.

À ce propos, je tiens à indiquer que la diminution de la quantité de fréquences sur laquelle porte l'appel à candidatures pour la bande de 2,1 gigahertz n'a pas d'impact sur la capacité du nouvel entrant à déployer un réseau sur l'ensemble du territoire : le quatrième opérateur ne doit pas être un opérateur au rabais. C'est en effet à partir de la bande de 900 mégahertz que le nouvel opérateur pourra assurer la couverture des zones peu denses. Il y aura accès afin de bénéficier de conditions tout aussi avantageuses que les opérateurs existants pour la couverture du territoire.

Ainsi, dans cet appel à candidatures, nous ferons jouer la concurrence non pas sur les prix, mais sur la capacité à répondre à des engagements. Le but de cette méthode est d'obtenir des candidats des engagements allant bien au-delà des obligations minimales, notamment en termes de couverture du territoire. Je crois que ces éléments sont de nature à apaiser certaines inquiétudes légitimes. Pour le Gouvernement, l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché doit absolument être compatible avec un objectif ambitieux de couverture du territoire. Je le répète, nous ne souhaitons pas de quatrième opérateur au rabais.

Par ailleurs, afin de faciliter la couverture en téléphonie mobile de troisième génération, la loi de modernisation de l'économie que vous avez adoptée l'été dernier a prévu des dispositions pour imposer la mutualisation des réseaux 3G en zones peu denses. L'ARCEP, chargée de définir les conditions de cette mutualisation des réseaux, devrait nous rendre ses conclusions prochainement. Il faut d'ailleurs avoir à l'esprit que partager les investissements à quatre et non plus à trois peut aussi être un avantage déterminant pour la couverture de l'ensemble du territoire.

Le partage des fréquences disponibles permet, en outre grâce aux deux lots de fréquences restants, de répondre à la demande des opérateurs qui souhaitent des fréquences supplémentaires aujourd'hui et qui se sont manifestés à ce sujet.

Pour ces deux lots, le prix sera, en revanche, un critère déterminant ; c'est en tout cas ce que vous propose le Gouvernement. La loi de modernisation de l'économie a ouvert la possibilité de mettre aux enchères certaines fréquences. Ce pourrait être le meilleur moyen pour l'État de vendre ces deux lots au meilleur prix. Nous nous orientons donc, pour ces fréquences, vers une mise aux enchères ou une procédure de soumission comparative permettant d'envisager, au-delà du critère prix, que les opérateurs existants prennent des engagements de nature à favoriser le dynamisme du marché français. Ils pourraient être incités, par exemple, à s'engager à assouplir les conditions d'accueil des Mobile Virtual Network Operators car on constate aujourd'hui que, malgré leur nombre, les MVNO peinent à se déployer sur le réseau. Cela permettrait de stimuler la concurrence sur le marché.

Concernant la couverture du territoire, il n'y a pas matière à demander aux opérateurs historiques d'aller plus loin que les engagements qui ont déjà été pris. Ce qu'il faut, c'est faire respecter les engagements en la matière, ce qui n'est pas encore pleinement le cas aujourd'hui ; croyez-moi, le Gouvernement y veillera. C'est notamment pour cela que nous avons choisi de renforcer, dans la loi de modernisation de l'économie que vous avez adoptée, les pouvoirs de sanction de l'ARCEP dans ce domaine.

Par ailleurs, je souhaite que l'attribution de ces nouvelles fréquences soit décidée après l'attribution du premier lot de fréquences, c'est-à-dire le lot « réservé » à de nouveaux acteurs. Cela permettrait au lauréat de ce premier lot de se porter candidat, s'il le souhaite, aux autres lots. C'est à la fois, pour lui, une possibilité d'acquérir des fréquences supplémentaires, et, pour l'État, l'opportunité d'obtenir un meilleur prix.

Pour finir sur ce point, je voudrais dire un mot de la numérotation. Les premiers numéros en « 07 » devraient être lancés mi-2010. Il ne reste en effet qu'environ dix millions de numéros disponibles en « 06 ». Pour que le nouvel entrant ne soit pas trop pénalisé par ce changement de numérotation, l'ARCEP a décidé d'en préréserver 3 millions, qui lui seront destinés.

S'agissant des fréquences 3G pour l'Internet mobile à très haut débit, je voudrais insister sur l'importance d'une attribution rapide. Ce choix s'inscrit dans le cadre d'une politique plus large en faveur du développement de l'économie numérique, que Nathalie Kosciusko-Morizet vous présentera dans un instant, et qui passera par l'attribution, dans les années à venir, de nouvelles bandes pour l'Internet mobile à haut débit. Il s'agit, d'une part, de la bande de 2,6 gigahertz, qui devra être libérée par les militaires à partir de 2010, et qui offre de grandes capacités, permettant ainsi une bonne couverture des zones denses. Il s'agit, d'autre part, des fréquences de la bande 790-862 mégahertz, qui seront libérées, dans le cadre du dividende numérique, avec l'extinction de la télévision analogique d'ici au 1er décembre 2011. Cela nous offrira d'excellentes opportunités pour la couverture du territoire.

Une attribution conjointe de ces fréquences permettra de traiter simultanément les problématiques liées aux zones denses et aux zones rurales et de réduire ainsi le risque de constitution d'une fracture numérique pour le très haut débit mobile.

Selon les premières études de la direction générale du Trésor et de la politique économique, l'impact macroéconomique de l'attribution d'une partie du dividende numérique aux communications électroniques pourrait atteindre 0,05 % du produit intérieur brut. La réutilisation proposée permettra ainsi de répondre aux besoins de développement de l'audiovisuel, tout en donnant aux communications électroniques les moyens nécessaires au déploiement de réseaux mobile à très haut débit sur l'ensemble du territoire.

Du point de vue de la structure du marché, la consultation publique que lancera l'ARCEP au mois de février devrait permettre d'étudier le découpage en lots des différentes bandes. De ce découpage dépendra le nombre d'autorisations à attribuer dans chacune de ces bandes.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je tenais à vous dire pour lancer le débat. Notre objectif est de lancer la procédure d'attribution d'ici la fin de l'année, pour une attribution des licences avant fin 2010 et une mise à disposition effective des ressources à partir de 2012, avec l'ouverture commerciale des nouveaux services proposés. Mais je serai intéressé par les différentes propositions que vous pourriez nous soumettre sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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