Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 24 juin 2009 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bande
  • délinquance
  • jugement
  • mineur
  • police
  • prévention
  • violence

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (nos 1641, 1734).

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. François de Rugy, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le secrétaire d'État à la justice, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de M. Noël Mamère. Une modification de l'ordre du jour l'a empêché de défendre hier, comme prévu, cette motion de renvoi en commission. Ce soir, il honore des engagements pris depuis longtemps.

Madame la ministre d'État, puisque vous étrennez vos nouvelles fonctions de garde des sceaux, je formulerai un voeu non sur le fond, puisque nous ne défendons pas les mêmes idées, mais sur la forme : celui que vous remettiez un peu d'ordre dans l'administration de la justice. À défaut de l'ordre juste cher à Mme Batho,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…juste un peu d'ordre nous ferait du bien.

Je profite également de l'occasion pour répondre à M. Raoult. Tout à l'heure, ses propos ont pu donner l'impression que seuls les députés d'une partie de l'hémicycle seraient légitimement fondés à parler de sécurité, tandis que les autres ne le seraient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je pense que nous sommes tous fondés à parler de ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Bien sûr, surtout vous, qui êtes un vert modéré, un vert pâle.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je prends cette appréciation comme un éloge, monsieur Raoult, car la modération n'a jamais été un défaut à mes yeux. Quoi qu'il en soit, nous sommes tous des élus du suffrage universel.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Vous avez parlé de majorité et de minorité, mais nous avons tous été élus au scrutin majoritaire dans nos circonscriptions. Et le problème est non de savoir qui remportera les prochaines élections, mais de gagner la bataille de la tranquillité et de la sécurité publiques. Ma conviction est que, sur ce sujet plus que sur tout autre, nous ne pourrons réussir qu'en unissant – au niveau local comme à l'échelon national – les forces de la police, de la justice et des autres administrations de l'État et des collectivités locales : l'éducation nationale, les services sociaux et la protection de l'enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Avant d'aborder les différents problèmes que pose ce texte, je veux revenir sur la politique actuelle de sécurité et de tranquillité publiques.

Pour commencer, il faut poser la question de son efficacité, car c'est sur ce terrain que nous attendent nos concitoyens. Regardons non seulement la réalité de la délinquance, de la violence, de l'insécurité et de tout ce qui peut perturber la tranquillité, mais aussi le sentiment d'insécurité. Si nous sommes honnêtes, nous devons reconnaître que la montée de la violence est durement ressentie par nos concitoyens. Les statistiques viennent nous le confirmer.

C'est pourquoi je crois nécessaire que nous condamnions ensemble tous les actes de violence et de délinquance, quels qu'ils soient. Il faut assurer les victimes de notre soutien et de notre solidarité. Dans la très grande majorité des cas, les jeunes sont les premières victimes des bandes, notamment dans les manifestations, tout comme ils sont, avec les enseignants, les premières victimes des violences commises dans les établissements scolaires. La montée de la violence est grave, ainsi que la tension qu'elle fait naître : le sentiment de la peur empêche de se projeter dans l'avenir, d'envisager celui de ses enfants ou même de vivre tranquillement, où que ce soit, en France.

Certains élus de l'opposition – comme Sandrine Mazetier – se sont demandé avant moi si cette situation gêne vraiment la majorité. Ne représente-t-elle pas sinon un fonds de commerce, du moins une occasion d'ajouter sans cesse de nouveaux épisodes au feuilleton législatif de l'insécurité, qu'elle impose aux assemblées de rédiger indéfiniment ? Dès lors, comment ne pas s'interroger sur l'efficacité de ces textes, notamment de celui que nous examinons ?

Madame la garde des sceaux, quand vous occupiez encore les fonctions de ministre de l'intérieur, vous avez souvent mis en avant ce que vous appeliez les « bons chiffres » de la lutte de la délinquance. Mais, face à la violence et à la peur qu'elle engendre, il faut rester humble. Devant l'important travail qui reste à accomplir, il n'existe pas de solution toute faite.

Pour nous, toute politique de sécurité et de tranquillité publiques doit être encadrée par des principes, auxquels nous devons rester attachés. À défaut, à quoi serviraient les grands discours sur le modèle républicain que le Président de la République a tenus devant le Parlement réuni en Congrès ?

Parmi ces principes figurent, au même titre que le respect des droits et des libertés individuelles, l'efficacité. Les Français ne nous demandent pas de choisir entre la liberté et la sécurité. De tous les peuples du monde, le nôtre est probablement le plus attaché à la tranquillité comme aux libertés individuelles.

L'efficacité d'une politique de sécurité suppose que l'on regarde la réalité en face, sans la nier, ni la déformer à des fins politiciennes comme c'est trop souvent le cas – tel est notre sentiment lorsque nous entendons un certain nombre de discours, y compris ceux tenus ces dernières semaines qui ont abouti à l'examen de cette proposition de loi.

La recherche de l'efficacité suppose que l'on évalue à cette aune chacune des mesures prises. Chacune des mesures que la majorité a fait voter depuis sept ans à l'Assemblée nationale et au Sénat a-t-elle été efficace ? N'est-il pas temps de procéder à leur évaluation approfondie et indépendante avant de poursuivre la fuite en avant législative qui nous conduit à discuter toujours de nouveaux textes, comme nous le faisons encore aujourd'hui ?

J'ajoute que ces nouveaux textes peuvent parfois sembler « anecdotiques » car ils ne traitent jamais successivement que de toutes petites parties du problème. Aujourd'hui, les bandes ; hier, les chiens dangereux : est-ce vraiment sérieux ? Pendant que nous passons des heures à parler de ces sujets nous ne traitons pas de questions autrement plus graves comme la montée de la violence ou la résurgence des violences faites aux femmes, plus particulièrement aux jeunes femmes. Or nous savons bien que l'on constate une recrudescence dans ces domaines. Ne serait-il pas temps de relancer des actions spécifiques dans ces secteurs ? Monsieur Raoult, comme vous, nous sommes élus de terrain, mais, pour notre part, nous constatons sur le terrain que, malheureusement, une association comme le planning familial voit ses crédits baisser alors qu'il faudrait mener de nouvelles actions fortes dans le champ qui est le sien.

Je suis de ceux qui défendent une approche globale de la sécurité : je ne crois pas utile d'opposer la prévention à la sanction. Bien évidemment, aucune règle, aucune loi ne sera jamais effective s'il n'existe pas de sanctions en cas d'infraction. Mais n'est-il pas utile de rechercher les causes des infractions, surtout quand celles-ci se multiplient de façon continue et régulière ? Je crois que cela est particulièrement vrai pour ce qui concerne la montée de la violence. Pour ce qui est de la délinquance, même avec la meilleure prévention du monde – et on peut sans aucun doute beaucoup progresser en la matière dans notre pays – il y aura toujours des personnes qui chercheront à contourner les lois et à profiter de la possibilité qu'elles ont de le faire – profiter s'entend bien sûr en version sonnante et trébuchante. Cela est évidemment vrai dans le domaine des différentes formes de vols quelle qu'en soit la gravité, ce que l'on appelle souvent la petite délinquance. Mais cela est vrai aussi pour les nombreuses autres formes d'infractions.

Je crois utile de m'arrêter quelques instants sur ce point. La condamnation du non-respect de la loi devrait, à mon sens, être la même pour la petite délinquance et la violence que pour toutes les autres formes de délinquance ou d'infractions à la loi.

Il y a quelques années, une action a ainsi été menée – pour ma part, je l'ai toujours saluée – dans le domaine de la sécurité routière, alors que pendant des années nous nous étions accommodés d'un certain laisser-aller quant au respect de la loi. On constate d'ailleurs que cette bataille n'est jamais définitivement gagnée.

Mais qu'en est-il dans d'autres domaines ? Prenons l'exemple du non-respect de la loi en matière de fraude fiscale. Croyez-vous qu'il soit pédagogique de raisonner comme l'ont fait le Gouvernement et la majorité sur le bouclier fiscal ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur de Rugy, vous vous éloignez un peu du sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cela revenait à justifier la fraude fiscale. La ministre de l'économie s'est d'ailleurs adressée depuis l'Assemblée nationale aux fraudeurs et à ceux qui faisaient de l'évasion fiscale depuis des années pour leur proposer de revenir en France où ils pourraient désormais bénéficier du bouclier fiscal. Croyez-vous que cela montre l'exemple du respect dû à la loi ?

Je pourrais évoquer le non-respect de la loi en matière de détournement de fonds car, dans ce domaine, la justice est malheureusement excessivement lente à agir.

Je considère que l'exemple devrait venir d'en haut. Une bonne justice repose aussi sur le sentiment qu'il n'y a pas deux poids et deux mesures. Comment demander à un jeune encore influençable, dont la position dans la société n'est pas encore stabilisée, de respecter scrupuleusement la loi, quel que soit le sujet en jeu – et je pense que nous sommes fondés à lui demander cela –, si, dans le même temps, il peut voir quasiment chaque jour dans les journaux et à la télévision que certaines personnes réussissent à se soustraire à la justice parce qu'elles ont les moyens de se payer des cabinets d'avocats onéreux qui découvrent, comme par hasard, des vices de procédure après des années et des années de manoeuvres de retardement ? Vous savez bien que les exemples sont nombreux, et qu'ils sapent la confiance de nos concitoyens dans la justice.

Je citerai un autre exemple qui me semble extrêmement grave : le non-respect de la loi en matière de travail. Voila bien un domaine dans lequel la délinquance devrait être fermement condamnée ! Mais que penser lorsque, depuis des années, des magasins ouvrent le dimanche dans la plus totale illégalité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; lorsqu'ils font travailler leurs salariés dans la plus totale illégalité, et que des responsables politiques – le secrétaire général de l'UMP pour ne pas le nommer – viennent les saluer pour leur dire : « Ne vous inquiétez pas, nous allons voter un texte qui vous permettra de continuer de détourner la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

C'est totalement hors sujet ! Ce n'est pas à la hauteur de notre débat !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En fait, c'est un encouragement à la délinquance dans le domaine du droit du travail : je trouve que cela est grave.

Parlons aussi du non-respect de la loi dans le secteur de l'environnement. Depuis tant d'années, les représentants de l'État tolèrent que l'application de la loi soit toujours retardée et toujours repoussée dans un certain nombre de domaines, et tout le monde sait très bien de quoi je parle – par exemple d'un sujet aussi grave que la qualité de l'eau.

Il existe même des exemples de violences aux conséquences parfois dramatiques, comme l'incendie du Parlement de Bretagne, pour lesquelles aucun responsable n'a jamais été trouvé ou condamné. Quant au cas, moins dramatique et plutôt symbolique, du saccage du bureau de Dominique Voynet, alors ministre de l'environnement, étrangement, les responsables n'ont jamais été ni poursuivis ni condamnés.

Je ne parle pas de la difficulté à obtenir justice et réparation dans des cas autrement plus tragiques – ainsi, cet après-midi, lors des questions au Gouvernement nous parlions encore des victimes de l'amiante. A ce sujet, le sentiment se développe dans notre pays qu'il y a deux poids et deux mesures. L'amiante a fait des victimes par centaines de milliers – elle continue d'être responsable de trois mille morts par an –, qui ont un mal considérable à obtenir justice et réparation.

Demain, nous discuterons du projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Or, durant de nombreuses années, ce problème n'a jamais été reconnu – et vous savez de quoi je parle, madame la ministre, puisque vous avez été ministre de la défense pendant cinq ans.

Il y aura donc toujours besoin de dispositifs de sécurité et de justice pour faire respecter la loi, mais il faut le faire dans tous les domaines, et nous ne devons pas, je le répète, laisser s'installer l'idée qu'il peut y avoir deux poids et deux mesures.

Je voudrais aborder la question de la prévention. Évidemment la loi et la peur de la sanction ont un rôle préventif : ils ont, en tout cas, un caractère dissuasif à l'égard de certains actes de délinquance et de violence. Le droit a aussi cette utilité, et c'est tant mieux. Toutefois, nous savons bien qu'une politique de prévention ne peut se résumer à cela. Les politiques sociales ou les politiques éducatives jouent, par exemple, un rôle fondamental. Dans les territoires où nous sommes élus, nous avons tous rencontré des exemples de l'efficacité de la détection des problèmes au plus tôt, du travail en commun des différents services de l'État et des divers intervenants éducatifs, policiers et sociaux, dans les cellules de veille, lorsqu'elles existent. Pourquoi, dans ce cas, ne pas avoir généralisé la prévention ? Pourquoi donner moins de moyens pour cette politique ? Nous avons défendu les RASED, les réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté, que M. Darcos, ministre de l'éducation nationale, a supprimés : voilà un dispositif qui permettait non seulement de détecter les problèmes de certains jeunes qui décrochaient mais surtout de les remettre sur la voie d'une scolarité normale par une action pluridisciplinaire ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il ne s'agissait pas seulement d'une heure de soutien par ci, par là : des psychologues intervenaient qui pouvaient se tourner vers la famille des enfants et agir, en cas de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

C'était tout de même plus adapté qu'une heure occasionnelle de cours de soutien.

Dans tous ces domaines on constate une baisse des crédits et un recul de l'action de l'État : c'est bien dommage !

Je n'ai pas oublié les propos de Nicolas Sarkozy, lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle. Il disait que la politique de la ville ne marchait pas, que le soutien aux associations ne marchait pas : il voulait faire cesser tout cela. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il n'a jamais dit cela ! Vous l'avez mal entendu !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Dans la séance de cet après-midi, Manuel Aeschlimann, que je crois assez proche du Président de la République, ne s'est pas caché de sa pensée sur ce sujet. Il a répété que l'action des associations ne marchait pas, que la politique de la ville ne marchait pas – il a même précisé que cela était vrai, monsieur Raoult, quand vous étiez ministre de la ville. Il a conclu qu'il fallait arrêter cette politique.

Voilà le fond de la pensée de la majorité : selon elle, il faut mener une action uniquement policière, sécuritaire et judiciaire ; la prévention et l'action des associations sont inutiles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Les associations savent de quoi je parle, car elles voient leurs crédits baisser. Quand elles en ont les moyens, les collectivités locales sont obligées de prendre le relais.

On sait qu'il y a des causes à la délinquance, et plus encore à la violence, à chercher du côté des déficiences du système éducatif et social. L'amélioration de ce système permettra aussi de régler un certain nombre de problèmes sur le long terme.

Si nous avons une totale légitimité en étant durs avec la violence et la délinquance, cela serait plus crédible si l'on était aussi dur avec les causes de la violence et de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Mais ce n'est sans doute pas un hasard si vous ne souhaitez pas ouvrir le moindre débat sur ces sujets, et si vous vous perdez votre sang-froid dès que nous les abordons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La moindre velléité de recherche sur les causes de la montée de la violence vous met de mauvaise humeur. (Mêmes mouvements.)

J'ai une hypothèse pour expliquer cette attitude : une telle démarche remet en effet en cause votre modèle de société, celui prôné par Nicolas Sarkozy, aujourd'hui Président de la République, l'idée qu'il faut être dans la compétition permanente, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) la primauté du chacun pour soi (Mêmes mouvements), la croyance que l'on ne s'en tirera que par l'action individuelle, et pas par l'action collective, qu'il faut toujours dénigrer. (Mêmes mouvements.)

Nicolas Sarkozy assume tout cela ; pourquoi ne le faites-vous pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Depuis deux ans, au sommet de l'État, je constate que l'idée selon laquelle une personne a de la valeur parce qu'elle a de l'argent est mise au pinacle.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

On ne valorise plus celui qui aurait de l'argent parce qu'il a travaillé, mais le simple fait d'avoir de l'argent et de l'afficher – et Dieu sait que ces derniers temps nous avons eu droit à des affichages particulièrement voyants puisque M. Séguéla est même allé dire que si l'on ne possédait pas une Rolex à cinquante ans, on n'avait pas réussi sa vie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je répète que ce discours-là crée des tensions.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

N'y a-t-il pas une contradiction à considérer que sont exemplaires celles et ceux qui ont bâti des fortunes rapides n'ayant plus grand lien avec leur travail et leurs actions personnelles, tandis que l'on dénonce celles et ceux qui appliquent, à leur niveau, au bas de l'échelle sociale, ce même « modèle », en tentant par tous les moyens d'avoir accès à l'argent facile ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tous, dans nos villes, dans nos quartiers, nous connaissons des personnes dont le seul objectif est de posséder une belle voiture,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…une voiture plus rutilante que les autres. Ils ne cherchent qu'à montrer des signes extérieurs de réussite et de richesse : ils ne font qu'appliquer au niveau local ce qu'il voit au niveau national. C'est du concret.

Quand la règle du « pas vu, pas pris » prévaut au sommet de la hiérarchie sociale, comment ne pas comprendre que certains l'appliquent au bas de l'échelle sociale ? Évidemment, c'est un facteur de délinquance et de violence dans nos quartiers et dans nos villes, et ce modèle gangrène ainsi notre société à la base.

Après ces réflexions générales, je souhaiterais évoquer quelques aspects de ce texte (« Enfin ! » sur les bancs du groupe UMP), qui est l'exemple même du détournement de l'esprit des lois. La loi devrait en effet fixer les règles du jeu de la vie publique et l'orientation des politiques publiques, permettre les avancées sociales, environnementales, scientifiques et culturelles. Or, depuis quelques années, notre assemblée connaît une dérive permanente, car le Gouvernement et sa majorité transforment tout fait divers en une loi de circonstance. Dans son livre, Un député, ça compte énormément, M. Copé a même tiré de cette évolution une fable à propos d'un accident causé par une tondeuse à gazon.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Une fois de plus, vous tombez dans ce travers, dont cette proposition de loi est, hélas ! l'illustration éclatante.

Depuis 2002, pas moins d'une vingtaine de lois ont été votées sur les mêmes sujets. Cette inflation législative est insupportable et suscite la défiance de la population envers le travail parlementaire, jugé à juste titre inefficace, puisque, selon les dires de nos collègues de la majorité, les problèmes subsistent. La délinquance n'a pas disparu et la violence a même augmenté. Il faut – et nous en discutions encore cet après-midi avec Noël Mamère (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) – arrêter d'indexer le travail législatif sur les titres des journaux télévisés de vingt heures – et il sait de quoi il parle.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

D'ailleurs, il est à Hénin-Beaumont au lieu d'être ici !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En voulant légiférer à propos de tout et de rien, on affadit le contenu des lois et l'on encombre le travail parlementaire, de sorte que l'on ne sait plus de quoi l'on parle et qu'on en oublie même de vérifier les dispositions qui existent déjà dans l'arsenal législatif. Or, ainsi que l'ont démontré des études indépendantes, plus les lois se multiplient et sont votées dans la précipitation, moins elles sont appliquées. Nos concitoyens s'en aperçoivent : ils ne sont pas dupes de cette agitation législative. Ainsi, vous vous souvenez certainement, madame la ministre, de la loi ahurissante sur les chiens méchants, que j'ai évoquée tout à l'heure.

Cette proposition de loi sur les bandes – puisque c'est ainsi que vous la présentez – n'est que le reflet d'une politique de circonstance. Pour le démontrer, il suffit de décrypter le scénario de son élaboration. Un certain nombre d'événements graves, que vous avez rappelés, ont conduit le Président de la République à promettre, en toute urgence, un arsenal législatif, promesse que notre ancien collègue Estrosi s'est empressé de tenir pour assurer sa publicité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Peu importe que la répression d'infractions commises par plusieurs personnes ou l'intrusion dans des établissements scolaires soit déjà amplement prévue dans le code pénal. Ce qui compte, c'est l'annonce d'un nouveau dispositif.

S'inscrivant dans la même logique de surenchère sécuritaire, le ministre de l'éducation nationale, M. Darcos, a multiplié les annonces en pleine campagne pour les élections européennes – mais ce n'était sans doute qu'une simple coïncidence –, allant jusqu'à préconiser l'installation de portiques à l'entrée des écoles. Ceux d'entre nous qui prennent l'avion pour regagner leur circonscription savent ce que c'est que d'attendre en file indienne derrière des portiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Pensez-vous que les Français accepteraient que leurs enfants fassent ainsi la queue devant leur école pour passer sous un portique ? C'est franchement ridicule ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quelques jours plus tard, le 27 mars, paraissaient, dans Le Figaro, des extraits d'un rapport qui établissait le nombre des bandes à 222 sur l'ensemble du territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Reconnaissez que notre pays connaît des problèmes d'insécurité autrement plus importants. S'il était urgent de légiférer dans le domaine de la sécurité, ce n'était certainement pas sur ce sujet. Mais il fallait respecter le scénario de la surenchère perpétuelle écrit à l'Élysée.

Au reste, cette stratégie de la tension, M. Estrosi l'a lui-même ouvertement revendiquée, puisque, à l'issue d'une réunion de la commission des lois, il n'a pas hésité à affirmer : « Il faut toujours avoir une guerre d'avance. » La France serait donc en guerre, une guerre déclenchée par M. Estrosi !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En fait, la guerre qu'il entendait mener, espérant sans doute devenir ainsi ministre de la sécurité – il est aujourd'hui ministre de l'industrie, tâche à laquelle il n'était peut-être pas parfaitement préparé, mais souhaitons-lui tout de même bonne chance –, cette guerre, disais-je, devait être dirigée, non pas contre les inégalités, le chômage et la misère, mais contre un ennemi qui ne dit pas son nom. En effet, on a renoncé – et M. Raoult le reconnaîtra certainement – au fameux plan Marshall que l'on nous avait promis pour les banlieues et dont Mme Fadela Amara devait porter le projet. En tout cas, nous n'en avons pas encore vu la moindre traduction concrète sur le terrain.

Le temps me manque, hélas ! pour évoquer tout ce que masque la stratégie guerrière défendue par M. Estrosi. Je rappellerai simplement que nous payons aujourd'hui au prix fort la suppression de la police de proximité. La politique du résultat, c'est-à-dire du chiffre, qui a été imposée aux policiers, mobilise une part croissante de leur temps de travail et restreint d'autant le temps qu'ils pourraient consacrer à leurs fonctions de contrôle et d'investigation. Car, lorsque l'on mène une longue enquête, on ne remplit pas des tableaux statistiques pour faire plaisir à ses supérieurs hiérarchiques, lesquels veulent eux-mêmes complaire à leur ministre en faisant valoir leurs bons résultats. Au reste, si ceux-ci ne sont pas satisfaisants, ils sont convoqués pour se faire remonter les bretelles. Lorsqu'on les interroge, les policiers le reconnaissent sous couvert de l'anonymat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Il faudrait évoquer également la tension croissante et inquiétante – dont personne, y compris, je l'espère, sur les bancs de la majorité, ne peut se satisfaire – entre les jeunes et la police, qui multiplie les contrôles d'identité inutiles, sans doute, là encore, pour faire du chiffre.

En conclusion, on nous propose un texte qui n'est pas adapté au problème, qui ne répond pas clairement aux attentes de nos concitoyens et qui se superpose à d'autres, comme l'a regretté M. Bénisti en commission. Pour ces raisons, de fond et de forme, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur de Rugy, vous avez évoqué, au début de votre intervention, un problème sérieux. Or, sérieux, votre discours ne le fut pas. Il ne fut pas à la hauteur de la gravité de l'enjeu qui nous réunit. Vous avez en effet mélangé divers sujets dans une caricature générale, évoquant tout à la fois le bouclier fiscal, le problème de l'amiante, le saccage du bureau de Mme Voynet, les grandes fortunes et le repos dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

À la vingt-cinquième minute de votre intervention, nous avons cru que vous en veniez enfin au texte, mais vous vous êtes de nouveau éloigné du sujet. Aussi votre propos ne mérite-t-il aucun commentaire.

Nous sommes là pour faire oeuvre utile. Nous voulons faire avancer notre législation. Oui, ne vous en déplaise, la guerre contre la délinquance – j'assume entièrement cette expression – doit être menée, car celle qui sévit dans certaines zones de notre territoire est inadmissible et nécessite la mobilisation de tous.

En conclusion, je n'ai pas compris, en vous écoutant, les raisons pour lesquelles nous devrions renvoyer ce texte en commission. Je crois, bien au contraire, qu'après une très longue discussion générale de qualité, au cours de laquelle des arguments extrêmement pertinents ont été échangés de part et d'autre, avec la volonté d'adapter sereinement et concrètement notre législation pour la rendre plus efficace et plus utile, il est temps de passer à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'intervention de M. de Rugy avait bien commencé. Sa défense des forces de sécurité a été approuvée par Éric Raoult. Quant à sa définition de la politique de sécurité, elle nous a fait croire un instant à sa rédemption. Hélas ! son intervention a rapidement dérivé. Évoquant tour à tour le bouclier fiscal, les essais nucléaires et le saccage du bureau de Mme Voynet, il fut hors sujet.

Cet acharnement est tout à fait insupportable. Trois motions de procédure ont en effet été défendues, dont l'unique objectif était d'enterrer un texte pourtant indispensable à la sécurité de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Ce sont vos motions de procédure qui sont inefficaces, monsieur Braouezec.

C'est un grand classique. On a d'abord invoqué l'inconstitutionnalité du texte. Or, comme c'est presque à chaque fois le cas depuis 2002, cet argument sera balayé par le Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Souvenons-nous, par exemple, des textes sur la rétention de sûreté ou sur les peines plancher.

Ensuite, on nous a dit que la nouvelle infraction de participation à une bande violente était contraire aux principes fondamentaux du droit pénal : il s'agirait d'un délit collectif et l'élément intentionnel serait présumé. Cet argument, me semble-t-il, ne tient pas non plus. Prenons, par exemple, le délit d'entrave à la liberté du travail, réprimé par l'article 431-1 du code pénal, qui présente une grande similitude avec cette nouvelle infraction. Il n'y a donc là aucune révolution juridique. La seule véritable révolution, c'est que l'impunité ne sera plus de mise.

Non seulement la gauche est responsable de l'explosion de la délinquance chaque fois qu'elle est au pouvoir (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) – cela est démontré statistiquement –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

…mais elle entrave les efforts de la majorité et du Gouvernement pour redresser la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Vous êtes tout de même au pouvoir depuis sept ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

À preuve, elle n'a voté aucun budget ni aucune loi depuis que le président Sarkozy est chef de l'État. Pourtant, ce texte devrait nous rassembler. Que l'on appartienne à l'opposition ou à la majorité, nous avons tous eu, en effet, des expériences douloureuses dans ce domaine – Éric Raoult nous l'a rappelé de manière très émouvante hier soir. Même dans le xve arrondissement, situé dans ma circonscription, à quelques centaines de mètres d'ici, l'affrontement de deux bandes a fait une victime : un jeune tué d'un coup de couteau. Tous les territoires sont concernés.

Cette proposition de loi vise avant tout à éviter que de tels affrontements fassent de nouvelles victimes, notamment les agressions des bandes. Mais je pense également aux membres des bandes eux-mêmes, aux membres des forces de l'ordre, si nombreux à mourir en service et que nous devons soutenir. J'ai ainsi appris, cet après-midi, que, dans la petite couronne, les agressions contre les sapeurs pompiers de la BSPP ont augmenté de 30 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Fabius

Et c'est ce que vous appelez une amélioration de la situation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Je pense aux victimes des trafics et des rackets des bandes, aux victimes des violences scolaires, enseignants ou enfants, qui vont souvent à l'école la peur au ventre : « Il faut briser l'école de la délinquance que sont les bandes », disait l'un de nos collègues. Je pense aux touristes et aux passants, victimes de ventes à la sauvette pratiquées de manière agressive et en groupe, aux manifestants paisibles, attaqués par des casseurs cagoulés, aux victimes de regroupements intempestifs et hostiles dans les halls d'immeubles.

La bande, mes chers collègues, c'est le règne de la loi du plus fort. Terrorisés par ce phénomène, qui n'est pas nouveau, mais dont la violence a gagné en intensité, nos concitoyens veulent des textes et des résultats. À cet égard, la proposition de loi qui nous est soumise est tout à fait adaptée aux circonstances et ne remet pas en cause les libertés. Il faut arrêter de fantasmer sur ce sujet, mes chers collègues, car les Français ne vous suivent pas, tant ils sont exaspérés par ce phénomène qui conduit au vandalisme, au racket et aux agressions.

Cela n'a pas empêché de mettre en oeuvre des politiques de prévention sur lesquelles je n'insisterai pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

La naïveté ne peut pas toujours servir d'alibi, comme l'ont compris quelques-uns des vôtres – qui ne sont malheureusement pas présents ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

C'est finalement la ligne la plus rétrograde, la plus archaïque, la plus irréaliste qui l'a emporté, et je crains que les échecs électoraux que vous avez subis n'aient pas suffi à vous changer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Madame la garde des sceaux, vous avez souhaité un débat serein, mais je crains que vous ne soyez pas entendue par votre majorité. Celle-ci s'est en effet manifestée par des hurlements durant l'intervention de notre collègue de Rugy, qui révèlent sans doute la faiblesse de l'argumentation qui est la vôtre. De façon très démagogique, vous voulez faire croire au bon peuple que les problèmes qui nous préoccupent ce soir peuvent être réglés au moyen de textes de cette nature. La réalité est bien différente.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire, avec tout le respect que je vous dois, que j'ai entendu des propos désobligeants vis-à-vis de notre collègue, des propos ne portant pas sur le fond du message qu'il a voulu faire passer. Il me paraît nécessaire de lever quelques malentendus. Ainsi, M. Raoult nous a dit…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il faut prononcer le « t », cher collègue ! Si cela était permis dans notre hémicycle, je vous proposerais bien de m'appeler par mon prénom. Cela ne me gênerait pas, d'ailleurs, car mon grand-père était communiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Peut-être pourrions-nous revenir à nos explications de vote, mes chers collègues ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cher camarade, je crains que le petit-fils n'ait trahi son grand-père !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous nous avez accusés de nier ou de méconnaître la réalité du phénomène des bandes. Mais nous savons, nous, que les bandes existent depuis la nuit des temps ! Elles ont traversé toute l'histoire de l'humanité, en revêtant évidemment des formes et des expressions différentes en fonction du contexte économique et social. Il ne vous aura d'ailleurs pas échappé que la violence des bandes croît avec celle de la société à l'égard du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

On observe ce phénomène non seulement en France, mais partout ailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le débat n'est pas terminé, il reste des malentendus à lever et j'attends encore des réponses à un certain nombre de questions que j'ai posées au sujet de la matérialité des faits permettant de justifier de nouvelles incriminations. Je pense notamment au délit d'intention, à la présomption d'appartenance à une bande, au délit de mauvaise fréquentation – qui modifie profondément notre droit en y introduisant une notion de responsabilité collective –, ou encore au risque de voir ces dispositions étendues à la contestation sociale.

En l'absence de réponses à toutes ces questions, j'y reviendrai en présentant des amendements de suppression. Nous ne pouvons pas accepter la logique de ce texte. Vous savez bien, monsieur Garraud, que les moyens législatifs existent, mais, pour les mettre en oeuvre, il faut que les moyens consacrés aux services de police et de gendarmerie et à la justice soient présents, ce qui n'est pas le cas.

Sur le fond, si l'on veut résoudre les problèmes d'insécurité urbaine, il faut s'attaquer fermement à l'insécurité sociale : 3 000 chômeurs chez Michelin ! (« Rien à voir ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pour répondre aux problèmes qui nous sont posés et apporter de vraies réponses en matière de prévention, de dissuasion, mais aussi de répression lorsque c'est nécessaire, nous avons besoin de moyens humains. Aujourd'hui, alors que les problèmes croissent, les moyens humains dans les services publics de sécurité et de justice diminuent dans les mêmes proportions. Ce n'est pas comme cela que l'on réglera les problèmes d'insécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le fait que nous ayons changé de rapporteur et de garde des sceaux aurait peut-être dû conduire la commission des lois à reprendre son travail sur ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Cela étant, nous pouvons toujours nous référer aux auditions auxquelles il a été procédé. Pour répondre à la question que m'a posée hier M. Raoult, j'ai ici la note que nous a remise le procureur de la République de Bobigny le 5 mai 2009, comportant la citation à laquelle j'ai fait référence.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Il faut lire tout le texte, pas seulement ce qui vous arrange !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je connais le truc qui consiste à me faire perdre mon temps de parole et me contenterai donc de vous communiquer ce document, monsieur Raoult. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

On voit que cela vous pose un problème de le lire en entier !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

J'ai également la note d'Alain Bauer qui explique que ce texte sera inapplicable, ainsi que la note de l'Union syndicale des magistrats. J'ai la note constituant le cadeau de départ de Mme Dati dont, pour vous faire plaisir, je veux bien vous lire un passage : « Toutefois, les incriminations d'attroupement demeurent un moyen juridique particulièrement intéressant, permettant de contourner la difficulté d'avoir à déterminer, dans le cas de scènes de violence collective, quelle est la responsabilité de chacun des protagonistes. » J'ai, enfin, le compte rendu intégral de toutes les auditions des syndicats de police auxquelles nous avons procédé, dont je peux vous indiquer le jour et l'heure.

Vous êtes dans une démarche idéologique, et non pragmatique. Vous n'écoutez pas ce que vous disent ceux qui se trouvent sur le terrain. Ce faisant, vous vous enfermez dans le même déni de réalité, le même refus d'entendre que celui dont vous avez si souvent accusé les gouvernements précédents.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ce qui rend le débat si difficile est votre volonté de rester arc-boutés sur la défense d'une politique qui ne marche pas – non pas parce que vous êtes intimement convaincus qu'elle donne de bons résultats, mais parce que vous êtes conscients qu'en la matière, la responsabilité et l'autorité du Président de la République se trouvent directement mises en cause (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La deuxième raison de renvoyer ce texte en commission est que M. le rapporteur ne s'est référé, dans le débat d'hier soir, qu'au seul exemple de M. Signolet, des services de la préfecture de police de Paris – un fonctionnaire extrêmement compétent, je tiens à le souligner. M. Signolet a précisément défendu l'idée, lorsqu'il a été auditionné, qu'il fallait instaurer une responsabilité pénale collective. Je remercie M. Garraud d'avoir eu l'honnêteté de dire que le vrai débat portait sur ce point, en cohérence avec la proposition de loi qu'il avait déposée en novembre 2005, visant à rétablir la loi anti-casseurs de 1970.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Au fond, c'est bien ce que vous voulez : voter un texte qui n'est pas conforme à la Constitution. C'est une grave erreur que de vouloir instaurer une responsabilité collective, non seulement au regard des principes, mais aussi en pratique. En effet, il importe de faire comprendre aux mineurs et aux jeunes majeurs délinquants qu'ils sont responsables personnellement et individuellement de leurs actes, qu'il n'y a pas d'excuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il est incohérent d'affirmer d'un côté qu'il n'y a pas d'excuse sociale, tandis que de l'autre côté, on s'apprête à diluer la responsabilité individuelle dans une forme de responsabilité collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Puisque vous avez dit, madame la ministre, être ouverte à certaines de nos propositions, je veux vous indiquer celles qui revêtent, à nos yeux, un caractère déterminant. Nous ne proposons pas simplement quelques amendements, mais un vrai changement de la politique de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Qu'est-ce que cela vient faire dans une explication de vote ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Notre première exigence est celle de l'efficacité. Nous serons donc particulièrement attentifs au sort qui sera réservé à nos amendements sur la police de quartier – amendement n° 78 –, sur la sanction précoce – amendements n° 51 , 49 et 50 –, sur la prévention précoce – amendement n° 45 –, sur la lutte contre les phénomènes de violences scolaires – amendements no 74 sur les tuteurs référents, n° 60 sur les stages de citoyenneté et n° 66 sur la création d'un corps de surveillants des établissements scolaires.

Pour conclure, je veux insister sur deux problèmes que nous estimons déterminants. Le premier est que ce texte se trompe de cible dans certaines de ses dispositions – je pense notamment aux articles 2 et 7, et par conséquent à nos amendements nos 40 et 68 . Le second est la constitutionnalité de ce texte, avec tout le débat suscité par l'article 1er. Compte tenu de l'ensemble des arguments que nous avons avancés au sujet des problèmes de constitutionnalité du texte, et puisque celui-ci a échappé au contrôle du Conseil d'État, le mieux serait d'adopter cette motion de renvoi en commission, afin que la commission des lois remette l'ouvrage sur le métier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Avant de commenter les propos de M. de Rugy, je voudrais vous dire, madame Batho, qu'il aurait sans doute été utile d'entendre, lors des auditions auxquelles vous avez procédé, des associations d'aide aux victimes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Quelle association le Nouveau centre a-t-il auditionnée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Les milliers de personnes qui se trouvent dans les quartiers, notamment les femmes seules, les personnes âgées et isolées, qui sont confrontées quotidiennement aux bandes violentes, auraient sans doute nourri utilement votre réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur de Rugy, votre discours m'a donné l'impression que vous vous cherchiez à conserver une certaine modération – ce qui nous change de Noël Mamère, qui aurait dû s'exprimer hier soir et qui n'est guère adepte de la modération. J'ai entendu, dans la première partie de votre intervention, certains propos qui m'ont séduit et ont même pu me faire penser que vous étiez en train de vous rapprocher des positions de la majorité sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Je vous cite : « Je défends une approche globale de la sécurité. Nous sommes fondés à demander aux jeunes de respecter la loi. Il y a toujours besoin d'une société de sécurité ». Il semble donc qu'en votre qualité d'élu de terrain vous ayez compris qu'il y avait matière à améliorer le texte qui nous est proposé.

La seconde partie de votre intervention m'a nettement moins convaincu. Vous avez évoqué des problématiques liées aux réseaux associatifs, à la société qui gangrène, à une théorie assez particulière selon laquelle l'exemple des riches nourrirait la violence des bandes – une idée qui paraît difficile à comprendre et à admettre quand on sait que les trafiquants de stupéfiants prospèrent au milieu des bandes violentes qui les protègent.

Enfin, sur le fond politique, je comprends mieux, après vous avoir écouté, pourquoi les Verts ont fait un aussi bon score aux élections européennes. Aujourd'hui, vous êtes une famille politique qui compte, et je me félicite de constater que sur des sujets tels que celui de la sécurité, vous finissez par vous rallier à la majorité actuelle.

En revanche, je n'ai pas entendu grand-chose de votre part sur la nécessité de renvoyer ce texte en commission. Peut-être avez-vous été pris par le temps, occupé que vous étiez à tenir des propos qui auraient davantage eu leur place dans la discussion générale – comme c'est, malheureusement, souvent le cas lors de la défense des motions de procédure. En tout état de cause, le groupe Nouveau centre n'a pas été convaincu et ne votera donc pas cette motion de renvoi en commission. Compte tenu des éléments que je viens de fournir, il ne pourra pas vous suivre tant votre explication a été courte sur le fond. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 44 visant à modifier l'intitulé du chapitre Ier.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le chapitre Ier actuellement intitulé « Dispositions renforçant la lutte contre les bandes violentes » fait référence à une notion que chacun peut comprendre dans le langage courant mais qui ne correspond pas aux définitions actuelles du droit pénal. Nous proposons donc, après le mot « bandes », de rédiger ainsi la fin de l'intitulé du chapitre Ier : « organisées violentes et les attroupements violents. ». Nous reprenons ainsi les deux dénominations exactes.

Tous ceux qui sont sur le terrain le constatent, il y a deux types de phénomènes de bandes. Le premier concerne les bandes structurées et relativement organisées autour de l'économie souterraine. Le dispositif pénal relatif aux bandes organisées ou aux associations de malfaiteurs est alors tout à fait approprié. D'ailleurs, une importante opération a été conduite récemment à Pierrefitte. La commission rogatoire du magistrat, avec une intervention assez lourde de la police judiciaire sur un réseau d'économie souterraine, était fondée sur la notion d'association de malfaiteurs.

Le second concerne des mouvements plus spontanés, plus sporadiques. Une logique d'embrouilles, d'affrontements avec les forces de l'ordre conduit à la formation de groupes qui peuvent se livrer à un certain nombre d'actes de violence. C'est ce qui s'est produit à la gare du Nord, à la gare de Lyon. Ce sont les articles du code pénal sur les attroupements qui permettent d'avoir une action préventive dans ce cadre-là. Mme Dati l'a d'ailleurs rappelé dans la note qu'elle a bien voulu communiquer au président de la commission des lois.

Voilà les raisons pour lesquelles nous proposons de modifier le titre du chapitre Ier.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Avis défavorable à cet amendement. Je crois que vous commettez une confusion, madame Batho. Il faut être précis sur les mots. Il ne peut y avoir d'amalgame entre la bande organisée, qui est définie à l'article 132-71 du code pénal, et les groupements violents qui sont qualifiés de bandes mais uniquement dans le langage courant. Le chapitre Ier traite, en son article 1er, de groupements violents et, en son article 2, d'attroupements armés.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis que la commission. Madame Batho, des textes régissent en effet certaines configurations. Mais il s'agit précisément ici de prendre en compte une réalité qui n'est pas traitée dans les textes actuels.

(L'amendement n° 44 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'une série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement n° 47 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Cet amendement est le fruit de l'expérience. Pour avoir une politique efficace de suivi et d'opérationnalité sur les territoires où sévissent les bandes, il faut que les quatre ou cinq personnes chargées du problème dans une ville soient obligés de se parler, d'analyser et d'agir.

Il est précisément possible de constituer un groupe opérationnel dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Cet amendement tend à rendre obligatoire la constitution de tels groupes car il ne faut pas attendre que surviennent des événements ou des drames pour commencer à discuter de ce phénomène. Je le répète, c'est le fruit de l'expérience qui nous a conduits à déposer cet amendement.

À Sarcelles, nous n'avions pas mis en place un tel dispositif lorsque nous avons été confrontés pour la première fois au problème. Avec le commissaire, le préfet et le procureur, nous avons compris qu'il fallait se rencontrer régulièrement. Nous avons donc institutionnalisé ces rencontres tous les deux mois. Et, en cas de crise – actions des bandes ou règlements de comptes entre bandes – la réunion était quasiment quotidienne. Nous avons pu déterminer ainsi une cartographie assez précise des bandes sur un territoire communal, sans pour autant tomber dans la constitution de fichiers. Le suivi était assuré et nous étions capables de faire remonter l'information dès que le moindre événement pouvant déboucher sur des règlements de comptes entre ces bandes survenait.

Cet amendement obligera en quelque sorte les gens à se parler. Trop de responsables ou d'élus pensent qu'ils ne seront pas concernés par ces phénomènes de bandes. Ils s'imaginent que cela n'arrivera pas chez eux. Nous sommes malheureusement convaincus que cela risque d'arriver aussi dans ces villes où l'on n'a pas conscience que c'est possible.

Notre amendement prévoit de mettre autour d'une même table le préfet, le procureur de la République, le commissaire de police ou, le cas échéant, le chef de gendarmerie, l'inspecteur d'académie – ou leurs représentants – et le maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans ce cas, je vais redonner la parole à M. Pupponi afin qu'il présente l'amendement n° 48 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Cet amendement élargit la nécessité de mettre en place le groupe opérationnel auquel j'ai fait allusion au niveau intercommunal car les bandes n'ont pas de frontières. Elles se déplacent souvent sur plusieurs communes d'un même territoire régional et les conflits peuvent donc concerner deux ou trois communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Sur le fond, monsieur Pupponi, on ne peut qu'être d'accord avec votre argumentation. Oui, il est utile, pertinent et même indispensable de se parler et de mettre en place les groupes que vous évoquez. Nous partageons votre préoccupation. Les actions de prévention de la délinquance sont importantes et nous y sommes particulièrement attachés.

Mais vos amendements sont d'ores et déjà satisfaits puisque la législation actuelle permet la réunion de ces groupes. Vous en avez d'ailleurs vous-même donné la preuve puisque vous avez pu en constituer un. L'article L.2211 du code général des collectivités territoriales, pour les CSLPD, et l'article L.5211-59, pour les CISPD, prévoient très expressément qu'il est possible de réunir des groupes. Voici les termes de l'article concerné : « Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance peut constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique ».

Vos amendements sont donc satisfaits. Sur le fond, nous sommes totalement en harmonie. La législation prévoit ces dispositions. Il reste, j'en conviens, à les mettre en place beaucoup plus fréquemment. C'est le cas des CSLPD de façon générale. C'est vrai qu'on note un certain retard en la matière. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé un projet de loi extrêmement important sur la prévention de la délinquance à la rentrée.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je rejoins le rapporteur et je précise à M. Pupponi qu'il y a quelques jours j'ai envoyé aux préfets une instruction visant, dans le cadre des CLSPD, à réactiver un certain nombre de réunions. Pourquoi les autres ne pourraient-ils prendre la même initiative que vous, monsieur le député ? Dès lors que la loi le permet, votre préoccupation est satisfaite. Il faut que les préfets jouent leur rôle. Peut-être faut-il parler aussi davantage des réussites obtenues grâce à ce type d'initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La loi autorise mais n'oblige pas. Il est dommage que M. Bockel se soit absenté car je voulais décrire le dispositif qu'il a mis en place à Mulhouse. C'est exactement ce que disait M. Pupponi. Lorsque des cellules de veille ou des groupes opérationnels ont été créés dans des communes ou des communautés de communes dans le cadre des contrats locaux de sécurité, le principal problème auquel on se heurte est celui de la participation réelle des différents services publics, et en premier lieu de la justice, donc du substitut du procureur de la République.

L'amendement de M. Pupponi prévoit précisément que le représentant du préfet, celui du procureur, du commissaire, de l'inspecteur d'académie doivent siéger dans ces groupes opérationnels.

Des chiffres publiés récemment ont montré que le développement des logiques partenariales sur le terrain marquait un coup d'arrêt, que très peu de CLSPD avait été signé depuis la loi de 2007 et qu'il fallait remettre l'ouvrage sur le métier. Pourquoi attendre ? Nous avons là une proposition concrète, immédiate, opérationnelle et qui fait consensus parmi les élus locaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Pupponi, madame Batho, après avoir demandé aux préfets de réactiver les CLSPD, je vais écrire très prochainement aux procureurs. Votre demande figurera dans cette circulaire. Sur le fond, votre préoccupation est satisfaite. Sur la forme, domaines législatif et réglementaire sont respectés.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Madame la ministre, je vous remercie pour ces deux circulaires. Je serais par ailleurs tenté de demander à M. Pupponi et à Mme Batho d'envoyer un courrier à certains maires. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, de nombreux maires ont en effet reçu des demandes de leurs voisins – je pense par exemple aux villes du Raincy et de Clichy-sous-Bois, de Livry-Gargan et de Pavillons-sous-Bois – visant à créer, dans le cadre de bassins de population, ces contrats intercommunaux. Or nous n'avons toujours pas reçu de réponse de la part de certains maires. Je leur donnerai notamment les noms et coordonnées des maires de Clichy-sous-Bois et de Livry-Gargan.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Sous forme de boutade, M. Raoult ne fait que confirmer qu'il est important d'obliger les élus à constituer ces groupes. Il faudrait faire une étude sur les derniers phénomènes de bandes survenus dans un certain nombre de communes, en particulier en Seine-Saint-Denis. Je suis convaincu que le groupe opérationnel n'existait pas dans les communes concernées.

C'est précisément parce que j'ai été confronté au même problème que je pense qu'il faut obliger certains maires – pas forcément les préfets et les procureurs – à constituer ces groupes et à analyser dès maintenant la situation. Je suis persuadé que des bandes sont d'ores et déjà constituées dans des villes où pourtant ont été mis en place des CLSPD. Les élus pensent toujours que les choses ne peuvent pas déraper chez eux, que cela n'arrive qu'aux autres. Pour protéger tout le monde, obligeons les gens à se parler.

Madame la ministre, vous allez adresser une circulaire aux procureurs. Mais quid des maires ? Il faut voter mes amendements y compris pour les protéger contre leur propre naïveté – il m'arrive d'employer ce mot.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je me félicite de votre décision, madame la ministre, d'adresser aux préfets une recommandation…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pour les préfets, je l'ai déjà fait. Je vais prochainement m'adresser aux procureurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Pour les avoir moi-même expérimentés pendant plusieurs années, je peux témoigner de l'efficacité de ces groupes de prévention dans un travail mené au minimum à trois : procureur, commissaire de police et maire. En fonction des circonstances, le représentant de l'inspection académique ou d'une autre catégorie de citoyens pourra se joindre au groupe. Malheureusement, madame la ministre, vous allez être confrontée à un problème : celui des moyens. Les procureurs qui participent à ce travail mobilisent en effet une énergie considérable et ils ne seront pas assez nombreux pour satisfaire les demandes de mise en place de groupes de prévention de la délinquance.

D'autant que pour être efficaces ils doivent être au plus près du terrain. Cela fait de la commune le territoire le plus approprié, car la connaissance des problèmes y est plus fine et les moyens d'y répondre mieux adaptés. Reste que ce type de réponse pose le problème du manque de moyens humains dont souffrent la justice et la police, ce qui nuit à leur efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Je ne comprends pas l'obligation que veut imposer cet amendement. Je pars en effet du principe que les maires, les élus locaux, les commissaires et les préfets peuvent les uns et les autres demander la tenue de réunions d'information, qu'il s'agisse des CLSPD ou des GLTD – je participe d'ailleurs moi-même à un GLTD demain matin. Pourquoi donc rendre obligatoires des procédures inutiles, alors que tout fonctionne très bien si chacun, le préfet, le commissaire ou le maire, est responsable sur son territoire, ce qui n'exclut pas, pourvu qu'on les demande, les concertations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Pourquoi cette proposition de loi, si tout va bien ?

(L'amendement n° 47 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 48 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 21 .

La parole est à M. Christian Vanneste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Madame la ministre, vous avez insisté cet après-midi sur le fait que la lutte contre la délinquance était une chaîne, dont les premiers maillons étaient les UTEQ et les derniers les instances judiciaires. C'est sur ces maillons judiciaires que je souhaite appeler votre attention.

Si nous voulons que la chaîne soit cohérente, il faut évidemment que les peines soient cohérentes. Or celles proposées par ce texte ne le sont pas ; elles sont trop lourdes et mal ciblées. Instaurer de nouvelles peines d'incarcération dans un contexte de saturation des prisons – on sait fort bien que les 5 000 places supplémentaires promises par le Président de la République sont bien en deçà des besoins réels – est parfaitement irréaliste. Quant à l'amende, elle est, elle aussi, surévaluée.

On peut en revanche imaginer des peines proportionnées et efficaces : les travaux d'intérêt général, qui me semblent parfaitement adaptés au type de délinquance visé et dont vous avez vous-même indiqué qu'ils sont en augmentation de 22 %. Les TIG ont deux avantages. D'abord, ils redonnent à ceux qui les subissent le sens de l'utilité sociale ; ensuite, ils contribuent à détruire l'aura dont bénéficient certains caïds, amenés à accomplir des tâches banales – pas humiliantes mais banales. On sait fort bien qu'au contraire le séjour en prison est considéré comme un rite de passage, qui confère à celui qui en sort un « grade » supplémentaire. Le travail d'intérêt général ramène, lui, la punition à ce qu'elle est : une sanction socialement utile.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que le travail d'intérêt général figure désormais dans la loi comme une peine autonome, toujours subordonnée à l'accord du condamné, puisque c'est une exigence constitutionnelle. La Suisse – un modèle en matière de sécurité – a adopté une loi qui fait du travail d'intérêt général une peine autonome et non plus une simple formule de substitution laissée au bon vouloir du juge.

Je propose aussi, pour que la peine soit proportionnée, de la porter, comme en Suisse, à sept cent vingt heures de travaux d'intérêt général, au lieu des deux cent dix heures actuelles. Cet amendement modifie le code pénal en ce sens. J'ai par ailleurs déposé deux amendements à l'article 1er, faisant du TIG une peine autonome qui puisse facilement remplacer la prison ou l'amende, celle-ci n'ayant pas grand sens dès lors qu'elle cible des populations insolvables.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Sur le fond, monsieur Vanneste, j'entends vos arguments, qui semblent recueillir l'approbation sur l'ensemble de ces bancs. Je préside moi-même un conseil général, qui a proposé aux tribunaux de grande instance de Nice et de Grasse d'accueillir des jeunes délinquants en TIG dans nos services – les routes ou les brigades vertes –, et je m'apprête à signer dans quelques jours une convention dans ce sens.

Là où je m'éloigne de votre raisonnement, c'est sur le volume horaire que vous proposez. Sept cent vingt heures correspondent à plus de cinq mois et me paraissent une durée excessive, en tout cas inapplicable dans les faits, les structures d'encadrement existantes ne permettant pas aujourd'hui de faire face à un tel volume. Une augmentation de l'amplitude horaire des TIG jusqu'à quatre cent vingt heures avait d'ailleurs déjà été envisagée dans le cadre des travaux préparatoires à la loi pénitentiaire, mais l'idée en a finalement été rejetée, car jugée irréaliste par les juges de l'application des peines.

Pour ces motifs, je vous demanderai de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

L'utilité de ce type de peine a en effet été reconnue, et j'ai rappelé qu'entre 2001 et 2007 le nombre de TIG ou de sursis-TIG avait considérablement augmenté pour atteindre 25 000.

Mais Éric Ciotti a fort justement insisté sur ce qui est faisable et ce qui ne l'est pas. Il n'y a rien de pire en effet que de fixer des règles législatives que l'on n'est pas capable de mettre en oeuvre, car cela contribue à dévaluer la loi.

Nous aborderons de nouveau la question des TIG lors de l'examen de la loi pénitentiaire. Je ne suis pas contre le fait d'en augmenter le volume horaire, mais je préférerais qu'avant que la loi, déjà passée au Sénat, arrive en lecture à l'Assemblée, nous évaluions réellement nos capacités d'accroissement des TIG, notamment à travers l'extension des catégories d'organismes au sein desquels ils peuvent être exécutés. C'est la raison pour laquelle, monsieur Vanneste, je rejoins Éric Ciotti pour vous demander de retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Je ne retire pas mon amendement pour la bonne et simple raison que vos arguments et les miens sont un jeu à somme nulle. Je prétends que vous manquez de prisons pour accueillir les futurs prisonniers ; vous me répondez que vous manquez de moyens pour appliquer les TIG. Il me semble pourtant qu'il est plus facile et plus rapide de passer des contrats avec des entreprises ou des organismes publics qui pourront accueillir des TIG que de construire des prisons.

En ce qui concerne la durée de ces TIG, qui n'excéderait pas cinq ou six mois, elle demeure bien inférieure aux trois ans de prison que vous proposez. Je pense donc sincèrement ma proposition beaucoup plus réaliste que celle qui figure dans le texte.

Si nous décidons ce soir de porter les TIG à sept cent vingt heures, nous amorcerons un mouvement qu'il conviendra ensuite d'organiser. Si nous décidons en revanche de condamner les coupables à des peines de prison, fort bien, mais les prisons nécessaires pour les accueillir n'auront pas été construites pour autant ! Faudra-t-il alors, le 14 juillet, remettre en liberté les délinquants dont on ne sait que faire ? Ce n'est pas une solution plus sérieuse.

Quant aux sept cent vingt heures, elle correspondent à ce qu'applique la Suisse, qui n'est pas franchement un pays extrémiste ou peu raisonnable…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement est très novateur, dans la mesure où il fait des TIG une peine principale et non plus une peine de substitution. C'est sortir de la logique qui fait de la prison un mal nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

La discussion porte par ailleurs sur la durée de ces TIG. Sept cent vingt heures sont une durée maximale. C'est certes long pour le service accueillant, voire pour l'intéressé, qui travaille à titre gracieux, mais cela reste préférable à une longue peine d'emprisonnement.

Nous sommes donc favorables à cet amendement et nous le voterons.

(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 46 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il s'agit d'un amendement « heure de vérité ». En effet, à Nice, lors d'une table ronde sur la sécurité, le Président de la République a suggéré que les victimes de violence puissent s'entretenir dans les plus brefs délais avec un avocat, comme les suspects placés en garde à vue. Ce faisant, il reprenait à son compte la proposition 55 du pacte présidentiel de Ségolène Royal, tout comme vous avez repris l'expression de « sécurité durable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Puisque nous sommes d'accord sur l'idée qu'une victime ayant subi des violences physiques doit pouvoir rencontrer rapidement un avocat, cet amendement propose tout simplement de l'écrire dans le code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Madame Batho, vous avez bien lu le discours du Président de la République. Il a en effet émis le voeu, qui recueille l'adhésion unanime, que chaque victime puisse très rapidement entrer en contact avec un avocat, et que cette mise à disposition soit inscrite dans nos procédures, ce qui constituerait une avancée importante.

Je rappelle cependant qu'un amendement similaire déposé par M. Estrosi sur la proposition de loi de Marie-Louise Fort concernant les victimes de l'inceste avait été adopté par la commission, mais jugé ensuite irrecevable au titre de l'article 40. Il appartiendra donc au Gouvernement de mettre en oeuvre ce dispositif, dans le plan annoncé par le Président de la République, puisque nous ne sommes pas en mesure de le faire ce soir.

Reste que votre amendement est intéressant, même si ce que vous proposez est beaucoup plus modeste que ce qui a déjà été proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

On ne va pas nous reprocher d'exaucer les voeux du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Je vous rappelle que les victimes sont déjà informées par les OPJ de leurs droits. Elles reçoivent des brochures et des propositions de contact avec les associations d'aide aux victimes. Ce que vous proposez non seulement ne relève pas de la loi, mais est déjà en application.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Madame Batho, votre amendement est déjà satisfait, d'une part, par l'article 53-1 du code de procédure pénale ; d'autre part, par un document d'information que je fais distribuer dans chaque gendarmerie et chaque commissariat pour indiquer aux victimes où elles doivent s'adresser dans leur ressort géographique. C'est ce que j'ai rappelé il y a un peu plus d'une semaine, lors de la synthèse des forums qui ont eu lieu dans toute la France. Ce que vous proposez existe donc déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Madame la garde des sceaux, nous allons avoir le plaisir de parler de droit avec vous. Vous allez devoir, comme nous tous, sacrifier à l'exigence de regarder ce que dit le code. L'article 53-1 évoque les renseignements que fournit l'OPJ à la victime, mais il ne fait mention de l'avocat qu'en parallèle au souhait de celle-ci de se constituer partie civile. Je cite : « D'être, si elles souhaitent se constituer partie civile, assistées d'un avocat qu'elles pourront choisir ou qui, à leur demande, sera désigné par le bâtonnier… ».

La proposition qui vous est faite, que vous semblez tous considérer comme pertinente et qui pourrait immédiatement entrer dans le droit positif sans attendre de réformes supplémentaires, c'est qu'un avocat puisse être sollicité dans le commissariat au profit de la victime. Nous formulons simplement un principe qui, dans un premier temps, ne concernerait que les barreaux, en attendant que vous construisiez un dispositif d'accès par l'aide juridictionnelle. Du reste, c'est déjà une possibilité qui existe puisque les barreaux peuvent bénéficier actuellement de dotations supplémentaires lorsqu'ils assistent des victimes dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

Aujourd'hui, nous proposons de faire entrer concrètement l'avocat dans le commissariat au profit également de la victime. Est-ce critiquable ? Non, je pense que c'est un souhait que nous partageons tous. Nous vous proposons non pas d'attendre les réformes ultérieures, mais de le faire immédiatement. Ce signal que vous voulez donner – et nous aussi – de prise en compte de la souffrance de la victime peut être envoyé en garantissant la présence d'un avocat au commissariat, qui sera comprise par la victime comme un premier geste d'accompagnement. C'est pourquoi cette formule est bonne.

Puisque nous semblons tous partager cette idée, introduisons-la immédiatement dans le droit positif, quitte à en améliorer ensuite les modalités, notamment avec les barreaux. Madame la garde des sceaux, rien n'empêche qu'on applique aujourd'hui ce dispositif, qui constitue une avancée notoire. Que l'avocat soit dans le commissariat aux côtés de la victime aussi, c'est un principe que tout le monde devrait retenir.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce que j'ai indiqué, monsieur le député, c'est qu'en application et en extension du code de procédure pénale, dans les commissariats et dans les gendarmeries, les victimes sont aujourd'hui informées…

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non, elles sont directement informées de l'endroit où elles pourront se procurer la liste de toutes les associations de soutien aux victimes et des avocats du ressort géographique, avec toutes les indications sur la consultation juridique gratuite organisée par un certain nombre de barreaux.

C'est la raison pour laquelle je dis que l'amendement de Mme Batho, tel qu'il est rédigé, est totalement satisfait par la pratique.

(L'amendement n° 46 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements, nos 20 rectifié et 49 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 20 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Cet amendement traite du problème récurrent du délai des jugements eu égard à l'âge des personnes poursuivies et éventuellement condamnées. Lorsqu'il y a un trop grand décalage entre le rythme psychologique des personnes et l'intervention du jugement, ce dernier n'a aucune efficacité, tout simplement parce qu'il frappe une personne qui n'est plus celle qui a commis l'acte, parce que cette personne a pu offrir à son entourage le spectacle de l'impunité, c'est-à-dire l'exact contraire de l'établissement de l'ordre et de la loi, et parce que cette personne aura pu entre-temps commettre de nouveaux actes délictueux.

Autrement dit, plus une personne est jeune, plus le jugement doit intervenir rapidement. C'est seulement dans cette mesure qu'il peut avoir un sens à la fois pédagogique pour la personne condamnée et d'utilité sociale pour son entourage. C'est la raison pour laquelle je demande que quand le prévenu, notamment lorsqu'il n'a pas encore fait l'objet d'une condamnation, est mineur au moment des faits, le jugement soit prononcé dans un délai de trois mois à compter de l'imputation de l'infraction.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 49 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il s'agit quasiment du même amendement que celui de M. Vanneste. Je ne cache pas que satisfaire à cette nécessité de juger rapidement pose quelques difficultés d'écriture : le jugement doit-il intervenir rapidement après la commission des faits ou la clôture de l'enquête ? Ni la rédaction de M. Vanneste ni celle que nous proposons ne sont parfaites au regard du point de départ du délai de trois mois. Il me semble que ce dernier pourrait être la réception du dossier d'enquête par le parquet. C'est à compter de la clôture du dossier que le jugement devrait intervenir dans un délai de trois mois. Ni la formule « imputation de l'infraction » ni celle de « après l'audience » ne sont satisfaisantes – ce n'est qu'après avoir écrit qu'on se rend compte des imperfections.

Dans ce genre de dossier, il est important que les décisions soient rapides, tant pour l'auteur des faits que pour la victime, et aussi pour le corps social qui doit constater une réaction de la société à des faits qui troublent gravement l'ordre public. Même s'il y a une petite rectification à apporter à cet amendement, je pense qu'il est nécessaire de le voter.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Là encore, je partage la préoccupation de M. Vanneste et de M. Raimbourg quant à la nécessité de juger rapidement. C'est un point essentiel sur lequel Mme la ministre sera sans doute amenée à se prononcer, et qui mérite un débat plus ample que celui qui nous réunit ce soir.

Je souligne que la commission, à l'invitation du président Warsmann, s'est penchée sur ces questions, notamment sur l'exécution des décisions de justice pénale. Étienne Blanc, qui travaille sur les délinquants majeurs, doit nous rendre son rapport le 8 juillet, tandis que Michèle Tabarot, qui traite des mineurs, remettra ses travaux à la commission à l'automne.

Il est indéniable que l'effectivité et la célérité de la sanction sont indispensables à la prévention de la récidive : nous en sommes tous d'accord. Je vous propose d'attendre le dépôt puis l'examen par la commission de ces deux rapports, le Gouvernement travaillant de son côté. La prochaine refonte de l'ordonnance de 1945 constituera un cadre plus adapté à une réflexion sur les délais de la justice pénale des mineurs. Je crois que l'amendement n° 51 rectifié , qui traite plus spécifiquement des délais de jugement des mineurs, comporte des propositions qui devraient vous sembler constructives.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que vient de dire le rapporteur.

La proposition d'amélioration de la rédaction me paraît tout à fait raisonnable. Par ailleurs, je crois que c'est en restreignant la situation aux mineurs que l'on peut atteindre un dispositif à la fois efficace et réalisable. C'est d'autant plus important pour les mineurs qu'on sait que les jeunes n'ont pas exactement la même notion du temps que nous, et que plus le temps passe, plus ils oublient. Je suis favorable à ce que l'on contracte le délai entre la commission des faits et la sanction, à condition toutefois d'être raisonnable. Rien ne serait pire que d'avoir une décision qu'on ne serait pas capable de mettre en oeuvre. Qui plus est, quel recours faudrait-il envisager si le jugement n'est pas intervenu dans les trois mois ?

Ensemble, nous devrions réussir à trouver une solution, à condition de la limiter aux mineurs et de déterminer le bon point de départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il existe déjà un rapport Tabarot sur l'exécution des peines concernant les mineurs, et j'en suis co-auteure. Ce rapport met en évidence un énorme problème dans la réponse apportée aux primo-délinquants mineurs. Il y a notamment usurpation du fameux taux de réponse pénale. Les parquets disent répondre à la délinquance des mineurs à 85 ou 90 %. Or ces chiffres, pour l'essentiel, ne recouvrent que de simples rappels à la loi. En réalité, quand un mineur passe à l'acte une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, il ne reçoit pour toute réponse que des rappels à la loi. Une fois qu'il est installé dans des actes de délinquance grave, il ne reste plus que la prison comme solution.

La logique que nous proposons est autre, c'est celle de la sanction précoce, avec un prononcé de jugement le plus rapide possible après la commission de l'infraction et avec des prises en charge alternatives à la prison.

À ce stade du débat, vous ne pouvez pas, sur chaque amendement, nous dire : « c'est une bonne idée, nous sommes d'accord, vous avez raison, mais il est urgent d'attendre » ! Il est d'autant moins urgent d'attendre que cet amendement, déposé par M. Raimbourg et moi-même, que M. Vanneste a réécrit pour essayer de l'améliorer après le débat que nous avons eu en commission, je l'avais moi-même déjà déposé au mois de juillet 2007 à l'occasion du texte sur les peines planchers. Or il avait déjà suscité les mêmes commentaires qu'aujourd'hui : bonne idée, mais il est urgent d'attendre !

Je suis désolée, mais ce soir nous ne pouvons pas accepter, alors que ce débat a été ouvert il y a deux ans, de nous entendre dire qu'il faut encore attendre deux ans. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il ne s'agit pas d'attendre deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je voudrais, à mon tour, soutenir cet amendement. Pour les mineurs primo-délinquants, ce sont le plus souvent des mesures d'assistance éducative qui sont prises. Il est essentiel qu'elles interviennent le plus tôt possible pour engager ces mineurs dans un processus positif.

C'est la raison pour laquelle le délai de trois mois me paraît adapté : ne nous en éloignons pas. Je souhaite donc que notre assemblée, qui – argument supplémentaire – semble s'accorder sur cette analyse, retienne cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Un problème de rédaction se pose, comme il a déjà été indiqué : il peut en effet ne pas être possible de rendre un jugement dans les trois mois qui suivent l'infraction, par exemple lorsque l'enquête dure plus longtemps ou pour d'autres motifs.

S'y ajoute un problème d'ordre juridique : M. Raimbourg indiquait que le point de départ de ce délai pourrait être la clôture de l'enquête. Rappelons qu'à la clôture de l'enquête, le procureur de la République en reçoit les procès-verbaux, sur la base desquels il décide de la suite à donner à la procédure. Chacun s'imagine des faits simples qui entraînent un jugement rapide, mais il peut se produire des faits moins simples, par exemple dans le cas d'une affaire qui concerne des majeurs et des mineurs. Dès lors, le procureur peut très bien ne pas choisir la voie de la citation directe devant un tribunal correctionnel, pour saisir un juge d'instruction qui lancera à son tour une instruction pouvant durer bien plus longtemps.

Ce problème n'a pas été évoqué dans la discussion sur ces deux amendements. Or il me semble interdire leur adoption, même si chacun s'accorde sur les vertus d'un jugement rapide après la commission des faits. En l'occurrence, l'impossibilité juridique de leur adoption tient au fait que le parquet dispose de la liberté du choix procédural et que la procédure peut donc se prolonger bien au-delà de trois mois.

Se posent enfin des problèmes d'audiencement, qui ne sont pas neutres dans les juridictions. Ce n'est qu'un détail d'ordre pratique, et il suffirait certes d'améliorer les choses. Mais le problème juridique, lui, est réel.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je propose que ces deux amendements soient retirés ou, à défaut, rejetés. En revanche, je propose l'adoption de l'amendement n° 51 rectifié , dont l'esprit est identique mais l'application plus aisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Pour la cohérence du débat, je propose à M. Raimbourg de défendre dès maintenant l'amendement n° 51 rectifié , auquel Mme la ministre vient de faire référence.

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

L'amendement n° 51 rectifié défend la même idée que les deux précédents, mais son application est restreinte aux mineurs. Il importe en effet de donner la priorité aux mineurs pour les faire passer en jugement, même si nous n'ignorons pas les problèmes d'audiencement. En l'occurrence, l'objection de M. Garraud n'a plus lieu d'être, puisque le juge des enfants est aussi juge d'instruction. Dès lors, quelle que soit la voie procédurale choisie, le juge des enfants est compétent et doit prendre une décision dans un délai de trois mois. Voilà qui nous ôtera tout souci, pourvu qu'une rectification précise que ce délai court à compter de la réception du dossier d'enquête.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non, à compter du jugement !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

En effet, la deuxième rectification à l'amendement qui m'est soumise précise que ce délai court « à compter du jugement ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Pourtant, une fois le jugement prononcé, la procédure est terminée !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il s'agit de l'exécution de la sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

De la sanction éducative ? Soit. Dans ce cas, néanmoins, nulle date butoir ne sera plus fixée pour le jugement : voilà la difficulté. On m'indique – je donne ces informations sous réserve de leur vérification – que certains des émeutiers de novembre 2005 ne sont pas encore jugés. Un système de butoir est donc indispensable afin que la procédure soit close dans un délai de trois ou quatre mois. Ne mentionner que la seule sanction éducative sans disposer du jugement nous mettrait dans une situation délicate.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il s'agit tout de même d'un butoir important : un jugement peut en effet être prononcé sans que l'exécution en soit faite avant longtemps. C'est donc un progrès considérable. Par conséquent, j'accepterai l'amendement à condition qu'il fasse l'objet de cette deuxième rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

L'ennui, c'est que ces amendements n'ont pas tous la même vocation. Les deux premiers, de M. Vanneste et du groupe SRC, qui ont trait à l'article 462 du code de procédure pénale, portent sur le jugement des délits, conformément à l'intitulé du titre II du livre II dudit code, et non sur d'autres hypothèses.

D'autre part, ces deux amendements ont trait aux cas où le « prévenu n'a pas encore fait l'objet d'une condamnation et notamment s'il est mineur » au moment des faits. Il s'agit donc de primo-délinquants qui n'ont jamais été condamnés, ou de mineurs. L'objectif est alors de raccourcir le temps qui sépare l'imputation du jugement, de telle sorte qu'il existe un lien, notamment pour les mineurs, entre l'acte commis et le processus enclenché. Si les prévenus comparaissent devant le juge huit ou dix mois après la commission des faits, comme nous l'observons chaque jour, alors le décrochage est total.

À ce titre, comme je viens d'en faire part à mon groupe, je trouve l'amendement de M. Vanneste plus pertinent, car il fait mention de l'imputation des faits – ce qui, incidemment, monsieur Garraud, règle votre problème, puisque l'imputation des faits n'a lieu que lorsqu'il existe une allégation suffisante à l'égard de l'individu pour justifier un renvoi devant le tribunal ou une comparution immédiate, la procédure de reconnaissance de culpabilité étant offerte. L'imputation est le moment précis ou l'on entre dans le processus de condamnation. Or, l'amendement en question entraîne l'accélération du dispositif dans les trois mois pour les primo-délinquants et les mineurs. L'imputation, encore une fois, consiste à présenter des charges par le biais du processus d'accusation, qui entraîneront le jugement de la personne. Cet amendement me semble donc pertinent.

En revanche, madame la garde des sceaux, l'observation portant sur l'ensemble du processus de l'ordonnance de 1945 – qui, je crois, nous occupera beaucoup dans quelques mois – a trait au processus de la sanction dans un environnement éducatif. Dès lors, votre évocation du problème de l'exécution est tout à fait pertinente, puisqu'il nous ferait perdre le sens éducatif que l'on veut donner à la sanction.

Pour ma part, je préfère donc retenir l'amendement de M. Vanneste, qui me paraît plus précis au regard de l'objectif recherché par l'article 462 du code de procédure pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Le débat a largement eu lieu. Nous allons voter, en commençant par l'amendement n° 20 rectifié , présenté par M. Vanneste, puis l'amendement n° 49 , présenté par le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Pourquoi toujours suivre l'exécutif ? Nous sommes libres !

(L'amendement n° 20 rectifié n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 49 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous en venons au vote sur l'amendement n° 51 deuxième rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous n'avons pas le texte de cette deuxième rectification !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Mme la garde des sceaux l'a présentée au cours de la discussion avec M. Raimbourg. L'amendement est donc ainsi rédigé : « Au premier alinéa de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, après le mot : “ motivée ”, sont insérés les mots : “ , et dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter du jugement ”. »

(L'amendement n° 51 deuxième rectification est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je constate que ce dernier amendement est adopté à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Soit : il est adopté à l'unanimité moins une voix.

Nous en venons à l'amendement n° 50 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Cet amendement est lié à l'amendement n° 51 deuxième rectification, lequel n'aurait plus grand sens sans ce nécessaire complément. Il s'agit de préciser que le service compétent pour les mineurs et les jeunes majeurs délinquants désigne immédiatement, en cas de sanction éducative, un tuteur référent qui est chargé de suivre l'exécution de ladite sanction.

Dans mon intervention liminaire, je faisais référence à la pratique en vigueur au Canada, et notamment au Québec. Le plan d'intervention québécois contre les gangs de rue, que voici, fait mention de ce système de sanction précoce et d'une prise en charge ferme, continue et intensive des primo-délinquants. Le gouvernement du Québec a décidé de reproduire ce dispositif mis en place à Boston avec d'excellents résultats. Tel est également l'objet de l'amendement n° 50 .

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis : il s'agit d'un problème de pratique, qui relève au mieux du domaine réglementaire, mais sûrement pas de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Braouezec

Je vous remercie, madame la présidente, de me permette d'intervenir aussi sur les amendements précédents : les deux discussions sont liées. Il va de soi que je soutiens le présent amendement qui, pour nous, va dans le bon sens : éviter à tout prix ce que M. Vanneste constatait tout à l'heure, je veux dire l'engorgement des prisons, mais aussi, avant même celui des prisons, l'engorgement des tribunaux.

Si je voulais intervenir avant le vote sur les amendements précédents, madame la présidente, c'était pour souligner combien le débat était virtuel, et même surréaliste ! M. Raoult sait très bien que si nous devions appliquer le seul amendement n° 51 , qui vient d'être rectifié et adopté, il faudrait doubler, tripler, quadrupler même – voire, dans notre département, quintupler – les moyens consacrés à sa mise en oeuvre. A fortiori pour les deux autres, puisqu'il s'agit de s'assurer qu'un jugement soit prononcé dans les trois mois qui suivent la commission d'un acte. Nous avons tous ici une approche pragmatique de ces actes de violence ; nous souhaitons tous que la sanction ait du sens et intervienne au plus vite, pourvu qu'elle soit adaptée, afin que l'accusé prenne conscience de son acte. Mais enfin, pourquoi n'est-ce pas déjà le cas ? Parce que nous n'en avons pas les moyens, voilà tout !

Pardonnez-moi donc de le répéter, mais le débat est virtuel ! Il montre d'ailleurs combien cette proposition de loi n'est qu'un affichage, parce qu'elle ne sera pas applicable, y compris pour ce qui est de ses mesures les plus néfastes – et je m'en réjouis, car je ne peux faire miens plusieurs termes qui ont été employés. De surcroît, les moyens ne suivront pas. Mme la ministre aurait presque dû invoquer l'article 40 !

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai bien écouté le propos de M. Braouezec : ce n'est pas la proposition de loi telle qu'elle vous est présentée qui est inapplicable dans la situation actuelle mais, dans plusieurs cas, les amendements que vous proposez ! C'est bien différent !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Que faire si vous considérez pourtant que ces amendements sont bons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je tiens à dénoncer le caractère sommaire de l'argument qui nous a été opposé. Pourquoi la proposition contenue dans cet amendement ne relève-t-elle pas du domaine de la loi ? C'est pourtant la loi qui régit l'exécution des peines. On ne peut se contenter, comme le Président de la République l'a fait lundi à Versailles, de souligner l'énorme problème d'exécution des peines en constatant que tant de milliers d'entre elles ne sont pas appliquées. Nous proposons là une mesure qui vise à personnaliser l'exécution des peines et des politiques publiques.

S'agissant des mineurs, le problème, c'est qu'ils sont renvoyés de référent en référent, de service en service. Or il faudrait une personne unique chargée de suivre l'exécution de la sanction.

Je me souviens que, lors du débat sur l'audiovisuel, le groupe UMP avait fait réaliser un clip vidéo de nos débats. Je suggère que le parti socialiste fasse de même et qu'en face de chacune de nos propositions – un avocat pour les victimes, le tuteur référent pour les mineurs délinquants, etc. – nous indiquions que la majorité a voté contre. Il faudra bien alors que vous vous expliquiez !

(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 45 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La loi du 5 mars 2007 a créé au sein de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, destiné au financement d'actions de prévention. Or la plus grande partie de cet argent a été utilisée pour financer le raccordement des installations de vidéosurveillance des communes aux commissariats de police. Certes, on peut toujours avoir un débat sur la vidéosurveillance, mais tel n'est pas le propos de ce soir.

Je tiens seulement à faire observer que l'on ne peut priver les associations de l'argent qui leur avait été promis après les émeutes de 2005. Tout le monde avait, à l'époque, semblé redécouvrir la vertu des acteurs de terrain, des associations de parents, et salué l'action de femmes, de mères de famille qui se relayaient la nuit pour tenter de ramener le calme dans les quartiers. En fait, les subventions n'ont pas été rétablies et les fonds destinés à la prévention de la délinquance servent au financement de la vidéosurveillance. C'est pourquoi nous proposons que cet argent serve en priorité aux actions de prévention précoce des violences juvéniles, et seulement à cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Avis défavorable car cet amendement introduit une hiérarchisation. Or la prévention des violences juvéniles doit être une priorité située sur le même plan que la prévention de toutes les formes de délinquance.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Avis défavorable. La prévention relève d'actions multiples. La vidéoprotection est l'un des éléments de la prévention, dont on mesure du reste les résultats.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Quelle que soit la couleur politique des municipalités, j'observe que les demandes d'équipements en vidéoprotection sont très nombreuses. Si ce procédé n'était pas efficace, tel ne serait pas le cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous ne sommes pas d'accord, madame la garde des sceaux. Le sujet de ce soir concerne les phénomènes de bandes. Croyez-vous vraiment que la présence de caméras de vidéosurveillance incitera les mineurs à respecter les règles ? (« Oui » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Pensez-vous vraiment que cette présence les empêchera de traîner dans les rues le soir et d'avoir de mauvaises fréquentations ? (« Oui » sur les bancs du groupe UMP.) Croyez-vous que grâce à cette vidéosurveillance, ils échapperont à l'influence des caïds, à l'économie souterraine, aux dealers ? (« Oui » sur les bancs du groupe UMP.)

Non, mes chers collègues. Ce qu'il leur faut, ce sont des éducateurs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Pas du tout ! Les éducateurs ne sortent pas de leurs bureaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le débat ne porte pas sur la prévention situationnelle et la vidéosurveillance. Vous mentez au pays. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous prétendez faire de la prévention alors que tel n'est pas le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

En matière de lutte contre l'insécurité et la délinquance, notamment les violences juvéniles, les Canadiens ont créé un centre national stratégique de prévention précoce. Ils ont mis en oeuvre un système fondé sur le pragmatisme : les actions de terrain qui donnent des résultats sont généralisées, celles qui échouent sont abandonnées.

(L'amendement n° 45 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 78 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Cet amendement, également essentiel, renvoie au débat sur la présence territoriale de la police nationale. Nous souhaitons remédier à une situation d'inégalité et mettre fin à un système de sécurité à deux vitesses. Dans certaines zones dites de non-droit, les forces de police sont, en effet, insuffisamment présentes. C'est pourquoi nous souhaitons que l'État procède, à effectifs constants, à une organisation territoriale des forces de police et qu'il s'engage vis-à-vis des maires des communes classées en zone urbaine sensible en les aidant à mettre en place une police de quartier. Nous proposons à cette fin qu'une convention entre l'État et les maires de ces communes précise l'organisation territoriale des services de police et désigne les effectifs affectés à chacune des missions de renseignement, de sécurité publique et d'investigation judiciaire.

L'enjeu est de taille car, derrière le phénomène des bandes, se profilent les zones de non-droit et l'insuffisante lutte contre l'économie souterraine.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Vous venez de soulever un problème de fond, madame Batho. Cela étant, l'avis de la commission est défavorable car l'organisation des forces de sécurité ne peut dépendre d'une convention entre le maire et l'État. C'est à l'État qu'il revient de décider l'implantation, la répartition, l'organisation des forces de sécurité.

Nous avons tout à l'heure évoqué des cadres de dialogue sur les questions de la prévention de la délinquance. Ces organes de débat et d'information qui associent les principaux acteurs de la sécurité sont utiles, légitimes, pertinents, et peuvent offrir aux maires l'occasion de formuler des propositions. Mais c'est à l'État qu'il appartient d'organiser la répartition des forces de sécurité sur le territoire de la République.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai un doute sur la constitutionnalité de cet amendement parce que l'État ne saurait partager l'exercice de ses missions de souveraineté.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Par ailleurs, cet amendement est inutile. Il existe déjà des conventions lorsque les polices municipales dépassent un certain effectif. En outre, les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance prévoient des actions communes.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

De grâce, pas de réponses à géométrie variable !

Depuis longtemps, on a décidé que les maires devaient être au coeur des dispositifs de sécurité, dans le cadre des contrats locaux de sécurité ou des conseils locaux. Pour ce faire, on a même vu des propositions de loi tendant à renforcer leurs prérogatives. Bref, force est de reconnaître que, dans le domaine de la sécurité, il y a un partage des tâches et vous avez rappelé, madame la garde des sceaux, que des conventions sont régulièrement signées.

Vous avez également fait remarquer que l'État ne peut pas déléguer, en vertu de ses missions régaliennes, un certain nombre de compétences.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non : j'ai dit qu'il ne peut pas se lier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Mais quelle est la position de l'État lorsqu'une commune veut construire un nouveau commissariat ? Son représentant, le préfet, répond au maire que si elle veut un nouveau commissariat, elle devra le payer !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Cela dépend où ! (« Oh ! Quel aveu ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Quel aveu, en effet ! L'État reconnaît clairement, monsieur Raoult, ne plus pouvoir assumer le coût des commissariats. C'est aux communes qu'il revient de les payer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Pas seulement ! Je souhaite en tout cas que les propos de M. Raoult figurent au Journal officiel et soient communiqués, dès demain, au préfet du Val-d'Oise !

L'État nous demande de payer les commissariats, monsieur Raoult ; la région Île-de-France finance les siens à hauteur de 70 %. Ce sont les collectivités locales qui paient aujourd'hui les commissariats !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On va vous communiquer l'adresse du préfet du Val-d'Oise, monsieur Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

On ne peut, à la fois, demander aux élus de payer les locaux qui accueillent la police et refuser des conventions pour l'organisation territoriale des forces de sécurité. Il va de soi que le maire ne doit pas se substituer au préfet. Cela étant, il serait normal d'organiser qu'ils organisent ensemble la répartition des forces de sécurité sur le territoire pour assurer une certaine cohérence.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cela existe déjà !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Certes, mais nous voulons aller plus loin. Dans la mesure où les collectivités locales sont sollicitées pour financer les équipements, il serait normal qu'elles aient leur mot à dire.

(L'amendement n° 78 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 79 rectifié .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il convient que chaque officier et agent de police judiciaire dispose d'un guide de l'action publique relatif à la lutte contre les bandes organisées. Les auditions de syndicats de policiers et de magistrats auxquelles nous avons assisté nous ont conduits à proposer un tel amendement. Leurs représentants ont en effet fait valoir que les procédures étaient rédigées de manière hâtive et qu'il convenait d'y remédier. Ce constat, du reste, a été confirmé par un courrier, daté du 23 juin, que Mme Dati a fait parvenir au président de la commission, Jean-Luc Warsman. Permettez-moi de vous en citer un extrait : « De ce fait, la qualité de la rédaction par les officiers de police judiciaire des procès-verbaux de contestation est primordiale car ceux-ci doivent faire état de chacun des éléments constitutifs des délits d'attroupement. »

Je note que notre rapporteur ne s'est pas attardé sur la productivité des avancées législatives qu'il vantait. S'agissant du fameux délit d'embuscade, créé par la loi du 5 mars 2007, il n'y a eu que quatre condamnations si j'en crois les statistiques de la chancellerie : cela prouve qu'il pourrait être mieux utilisé. Par ailleurs, j'ai relu une étude réalisée par la chancellerie sur l'usage par les magistrats du NATINF, répertoire mis à la disposition des parquets. Sur les 12 000 infractions qui existent dans notre droit positif, très peu sont utilisées : soixante incriminations – celles qui concernent le vol, la conduite en état alcoolique, l'usage de stupéfiants et les violences – fondent 90 % des condamnations. Il serait donc utile que les officiers de police judiciaire connaissent mieux les dispositions du droit pénal et de procédure pénale.

Nous avons emprunté cette idée à Dominique Perben qui, lorsqu'il était garde des sceaux en 2003, avait annoncé à la suite d'une réunion du Conseil national d'aide aux victimes la création d'un guide de l'action publique ayant pour but de formaliser les modalités concrètes et précises des instructions diffusées au parquet en matière de lutte contre les violences au sein des couples. Ce guide, édité par la direction des affaires criminelles et des grâces, est à notre connaissance fort utile aux officiers de police judiciaire.

Nous proposons simplement de nous inspirer de cette excellente initiative en créant un guide de l'action publique en matière de lutte contre les bandes.

Debut de section - PermalienMichèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Certes, cet amendement ne relève pas du domaine législatif mais il est bon d'avoir un tel débat. Il est vrai que les procédures n'aboutissent pas : j'ai pu faire le même constat que vous, de l'autre côté de la barrière, si je puis dire. Un tel guide serait donc extrêmement utile. Un groupe de travail réunissant les services du ministère de la justice, du ministère de l'intérieur et du ministère de la défense a d'ailleurs été constitué afin de permettre aux OPJ d'avoir une plus grande connaissance des procédures, et donc une plus grande efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Absolument pas ! Si nous voulons améliorer la qualité des procédures, sans doute faut-il débattre de l'opportunité de remettre en place des procéduriers dans les commissariats de police, mais sans doute faut-il aussi éviter de modifier sans cesse le droit pénal. Pensez-vous aux tonnes de circulaires qui viennent s'accumuler sur les bureaux des policiers du fait des nouveaux délits que vous inscrivez dans le code pénal ? Ce nouveau délit d'appartenance à une bande, vous espérez que les journaux télévisés y verront la preuve que le Gouvernement lutte efficacement contre les bandes. Il en est allé de même pour le délit d'occupation des halls d'immeubles. Mais, en réalité, vous ne faites que compliquer l'application du droit pénal et rendre plus difficile la tâche des officiers et des agents de police judiciaire sur le terrain.

Dans ce débat, nous défendons l'idée que l'arsenal juridique actuel suffit presque entièrement pour lutter contre le phénomène des bandes. La solution est donc d'envoyer à chaque officier de police judiciaire de ce pays un guide pratique lui indiquant comment appliquer la procédure d'interpellation, la procédure relative aux attroupements ou la procédure relative aux bandes organisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous regrettons que vous considériez qu'une disposition pratique et simple comme celle-ci n'ait pas sa place dans ce débat.

(L'amendement n° 79 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, jeudi 25 juin, à neuf heures trente :

Proposition de loi visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement ;

Projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français ;

Proposition de loi visant à démocratiser le mode de fixation des rémunérations des mandataires sociaux dans les sociétés anonymes.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma