La séance est ouverte à 11 h 45.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission examine le rapport de la mission d'information sur les nouvelles régulations de l'économie concernant les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux et des opérateurs de marché (M. Philippe Houillon, rapporteur).
Je vais m'efforcer de faire une présentation aussi synthétique et fidèle que possible du document que la mission d'information a adopté ce matin même.
La crise financière qui frappe aujourd'hui le monde entier, la plus grave depuis la grande dépression de 1929, marque un tournant dans la conception de l'économie de marché. Le capitalisme, s'il reste le seul système capable de créer de la richesse et de dynamiser des pays en attente de développement, est victime de soubresauts montrant qu'il est également vulnérable.
D'ores et déjà, au sein du G 20, les principaux pays développés et en voie de développement réfléchissent sur le nouveau visage à donner à l'économie de marché, à travers l'élaboration de règles tout à la fois adaptées et efficaces.
La commission des Lois de notre Assemblée, traditionnellement très impliquée sur les sujets relatifs aux régulations économiques, ne pouvait rester à l'écart des débats en cours. Afin d'apporter son concours par des propositions susceptibles de nourrir des initiatives sur le plan national, européen ou même international, elle a mis en place, le 16 décembre 2008, une mission d'information sur le sujet.
Le rapport d'information que j'ai l'honneur de vous présenter, qui retrace le résultat des travaux menés sur le premier volet des réflexions de la mission d'information, porte plus spécifiquement sur les rémunérations des dirigeants des grandes sociétés cotées et des opérateurs des marchés financiers.
Le sujet n'est assurément pas nouveau. Il a pris néanmoins une résonance particulière avec la révélation, jusque le week-end dernier, d'émoluments aux montants exorbitants consentis dans des sociétés et des établissements financiers mis à mal par des erreurs stratégiques de leur management.
Je vous ferai grâce de l'énoncé, pour le moins long et fastidieux, des cas qui ont défrayé la chronique, en France comme à l'étranger cette seule dernière décennie, lesquels concernaient le plus souvent des indemnités de départ et des retraites supplémentaires à prestations définies versées aux frais des entreprises ainsi que des bonus alloués aux traders des établissements de crédit indépendamment de leurs résultats de moyen-long terme. Le rapport, je pense, dresse un constat sans appel à cet égard.
Je me bornerai ici à observer que ces cas dénoncés le plus souvent comme particuliers ont jeté une forme de discrédit et de malaise, y compris parmi les dirigeants de PME dont la rémunération annuelle moyenne est plus proche de 50 000 euros que des 4,7 millions d'euros, stock-options incluses, mis en évidence par Proxinvest au sujet des dirigeants de sociétés du CAC 40, au titre de l'exercice 2007.
Certes, tant les organisations représentatives des entreprises que le législateur ont bien cherché à remédier aux abus. L'expérience montre, hélas, que leurs initiatives n'ont pas produit les résultats escomptés.
Ainsi, dans le prolongement des rapports Viénot, en 1995 et 1999, et Bouton, en 2002, un code de bonne gouvernance rassemblant des principes éthiques et des règles de contrôle interne a été élaboré dès 2003 par le MEDEF et l'AFEP. Il a été complété à deux reprises sur le seul volet des rémunérations : en janvier 2007, tout d'abord, puis le 6 octobre 2008, à la demande insistante des pouvoirs publics.
Cette succession de révisions à échéances rapprochées ainsi que la persistance des abus sous l'empire de la précédente version de ce code de bonnes pratiques conduisent immanquablement à s'interroger sur les effets de la dernière mouture. Le trouble est d'ailleurs d'autant plus grand que les responsables des organisations professionnelles qui ont rédigé ce document déclarent ni pouvoir vérifier sa mise en oeuvre, ni vouloir être en mesure de le faire.
Le Parlement, lui-même, a adopté pas moins de cinq lois entre 2001 et 2007 puis plusieurs dispositions spécifiques en lois de financement de la sécurité sociale et en lois de finances, entre 2007 et 2009 ; là aussi, avec des effets plus ou moins convaincants.
Il s'est agi, en l'espèce, de soumettre les exécutifs des sociétés à une exigence de transparence sur leur rémunérations, de lier l'octroi de stock-options à la diffusion des actions gratuites ainsi que des primes de participation ou d'intéressement au sein des entreprises, de soumettre l'attribution de parachutes dorés à des critères de performance et, plus récemment, de mieux fiscaliser les éléments de rémunération variable ou exceptionnelle tout en interdisant, le temps de la crise, les rémunérations variables des dirigeants mandataires sociaux d'entreprises aidées par l'État.
De l'aveu général, ces aménagements législatifs n'ont apporté qu'une réponse partielle aux excès.
Le statu quo n'étant pas envisageable, j'ai soumis à la mission d'information un ensemble de propositions, de nature législative mais pas uniquement, qui visent à apporter des réponses réalistes, pragmatiques et, je le crois, utiles.
Tout d'abord, il me semble essentiel que les discussions internationales en cours, que ce soit au niveau du G 20 ou de l'Union européenne, trouvent une traduction juridique plus contraignante qu'actuellement. Il est en effet nécessaire que les points d'accord mis à jour au sujet de la régulation du capitalisme mondial engagent durablement les États, de manière à éviter que certains ne profitent de la reprise pour réitérer les comportements déviants antérieurs.
Ensuite, je ne suis pas partisan d'un encadrement trop contraignant des rémunérations allouées aux dirigeants mandataires sociaux et aux opérateurs des marchés financiers. Pour cette raison, je souhaite laisser sa chance au comité des sages récemment mis en place autour de M. Claude Bébéar, sous plusieurs conditions toutefois.
Je suggère en effet que cette instance, actuellement dénuée de base juridique, soit transformée en véritable observatoire des rémunérations des dirigeants mandataires sociaux. Dans ce cadre, elle verrait sa composition élargie à des éléments extérieurs au monde patronal et sa saisine ouverte aux actionnaires minoritaires ainsi qu'aux pouvoirs publics. De même, elle rendrait des avis publics, notamment en cas de plan social de 1 000 salariés et plus, et effectuerait un suivi annuel pour le compte du Gouvernement et du Parlement.
Parallèlement, pour que l'autorégulation devienne plus crédible, deux initiatives législatives me paraissent devoir être prises afin de responsabiliser davantage les intéressés et, de la sorte, les inciter à faire preuve de plus de modération dans les avantages consentis.
La première de ces initiatives consiste à soumettre à l'impôt sur les sociétés le montant des rémunérations et des avantages de toutes natures des mandataires sociaux excédant 1 million d'euros. Rien n'interdira aux grandes sociétés cotées d'accorder davantage, mais dans ce cas les conseils devront apporter aux actionnaires des justifications sur leur choix, notamment en cas de contre-performances des intéressés.
La seconde initiative consiste à donner force de loi au principe énoncé par le MEDEF et l'AFEP, selon lequel la rémunération des dirigeants mandataires sociaux doit correspondre à l'intérêt général de l'entreprise. Les auditions ont montré en effet que le juge ne donnerait pas nécessairement droit aux actions engagées par des actionnaires, et aux sanctions subséquentes, sur le fondement de l'irrespect du code AFEP-MEDEF sur ce point. Je pense donc qu'il est nécessaire d'y remédier par la loi afin d'impliquer plus directement les conseils d'administration ou de surveillance vis-à-vis de cette exigence.
En complément de ces mesures structurelles, un certain nombre d'aménagements seraient les bienvenus s'agissant de la gouvernance des sociétés cotées. Afin de ne pas être trop long, je citerai, entre autres :
– l'institutionnalisation des comités des rémunérations, présents actuellement dans seulement 73 % des sociétés cotées, de manière à éclairer utilement les choix des conseils d'administration et de surveillance ;
– la consultation systématique, par une résolution spécifique, des assemblées générales d'actionnaires sur les rémunérations et les avantages de toutes natures – clauses de non concurrence incluses – attribués aux dirigeants mandataires sociaux, via une extension du régime des conventions réglementées, proposition assez voisine et sans doute plus pertinente que le mécanisme récemment suggéré par le groupe Nouveau Centre dans une proposition de loi soumise au vote de l'Assemblée nationale le 25 juin dernier ;
– la limitation plus stricte des mandats sociaux pour enrayer la consanguinité des conseils d'administration et de surveillance des sociétés du SBF 250, tout en maintenant l'état actuel du droit pour les dirigeants de PME ayant le statut de société commerciale ;
– la suppression des retraites chapeaux, les dirigeants mandataires sociaux ne pouvant plus bénéficier, à l'avenir, que d'un système de retraite par capitalisation, ce qui présente d'ailleurs une dimension d'équité certaine dans la mesure où les intéressés auront l'assurance de percevoir une retraite à raison de leurs cotisations personnelles ;
– la suppression des jetons de présence attribués aux dirigeants mandataires sociaux sur les deniers de la société qu'ils dirigent ;
– l'aménagement du régime des stock-options, afin de lisser les modalités de calcul du prix d'attribution et de supprimer, pour les seuls dirigeants mandataires sociaux, la décote de 20 % par rapport à la moyenne des cours des vingt séances précédentes, ce dernier principe reprenant une recommandation du MEDEF et de l'AFEP rarement appliquée jusqu'à présent ;
– enfin une plus grande transparence sur les émoluments versés aux professionnels des marchés financiers.
Toutes ces propositions n'ont d'autre but que de participer activement à l'entreprise de moralisation et de refondation du capitalisme qui se dessine. Pour ma part, j'ai conscience que la loi, par définition générale, ne peut pas trop entrer dans le détail sous peine de se révéler inadaptée à des profils d'entreprises par définition multiples. La règle doit néanmoins évoluer, afin de poser de nouveaux principes.
Il en va de la crédibilité des équilibres nécessaires à la solidité de notre pacte social. Il en va aussi, dans une large mesure, de l'efficience économique grâce à la restauration d'une valeur un peu trop oubliée ces dernières décennies par les grands dirigeants et banquiers, en dépit de son rôle essentiel dans le système capitaliste, à savoir : l'éthique de responsabilité.
Le groupe SRC a participé activement aux travaux de la mission d'information et a souhaité compléter le rapport en y joignant une contribution.
C'est un travail très utile qui a été mené, ayant pour objectif de mettre fin aux rémunérations indécentes de certains dirigeants, et tout particulièrement ceux des grandes entreprises du CAC 40. À cet égard, il est important de ne pas faire d'amalgame avec la rémunération des dirigeants des PME, qui n'a rien de comparable.
Le constat accablant, partagé par tous, est celui d'une explosion des inégalités de revenus. Le taux de croissance des salaires des 3 500 ménages les plus aisés est 16 fois plus important que celui des salaires de la grande majorité de la population ; les dirigeants du CAC 40 ont une rémunération qui représente en moyenne 300 fois le SMIC, et 100 fois la rémunération des patrons de PME.
Les tentatives de moralisation sont trop succinctes et l'autorégulation est insuffisante et peu efficace.
Alors que le Président de la République, dans son discours de Toulon en septembre 2008, n'a pas eu de mots assez durs pour stigmatiser certains dirigeants d'entreprises, la position du Gouvernement, et notamment de Madame Christine Lagarde que nous avons auditionnée, est très en retrait.
Pourtant, la Cour des comptes, dans son dernier rapport relatif aux concours publics aux établissements de crédit, estime que « le dispositif encadrant la rémunération des dirigeants des établissements bancaires est peu lisible et complexe ». De plus, « les conventions qui lient chaque banque à l'État sont toujours en attente de révision pour intégrer les dispositions de la loi et du décret du 20 avril ». Elle ajoute que « les dispositions interdisant les retraites-chapeaux résultant du décret du 20 avril 2009 resteront largement sans effet. […] Les politiques de rémunération doivent être intégrées dans le contrôle des risques et le traitement fiscal et social de l'ensemble des éléments de rémunération (bonus, retraites-chapeaux, parachutes dorés) doit être réexaminé ».
Il n'y a pas de fiscalisation suffisante de ces rémunérations, cette insuffisance étant encore accrue par l'instauration du système du bouclier fiscal.
Enfin l'autorégulation prônée par le MEDEF et l'AFEP est une sorte d'incantation. Elle ne change pas grand-chose dans la mesure où elle n'a pas de contrepartie.
Les propositions de la mission sont limitées et répondent imparfaitement à la nécessité de mettre un terme au scandale des rémunérations indécentes. Au nombre de seize, elles traduisent des avancées, mais nous semblent caractérisées par une trop grande retenue.
Les propositions nos 1 et 2 sont un rappel utile de la nécessité d'agir au niveau européen et international.
La proposition n° 3, prévoyant de plafonner à 1 million d'euros la déductibilité des rémunérations et avantages de toute natures consentis aux dirigeants de sociétés de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, signifie que le plafond de la seule rémunération se situerait aux alentours de 800 000 euros par an, puisqu'un dispositif de plafond des avantages de toutes natures de 200 000 euros a été adopté en loi de finances pour 2009. Ce montant est bien trop élevé et nous proposons d'aller nettement plus loin, en limitant la plus haute rémunération à 25 fois le montant de la plus faible rémunération à temps plein, après cotisations sociales, en vigueur dans l'entreprise lorsque la société en question est aidée par l'État, soit environ 300 000 euros par an.
Afin d'éviter toute ambiguïté, je tiens à préciser sur ce dernier point que la proposition formulée par le rapport de la mission d'information ne consiste pas à plafonner à 1 million d'euros les rémunérations et avantages de toutes natures des dirigeants mandataires sociaux. Il s'agit de plafonner à ce même montant la déductibilité fiscale des émoluments attribués vis-à-vis de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'exclut nullement que les conseils d'administration ou de surveillance puissent consentir des rémunérations au-delà de cette somme.
En ce qui concerne la proposition n° 4, liant la rémunération des dirigeants à l'intérêt général de l'entreprise, nous préférerions, sur le modèle de ce qui s'est fait en Allemagne, qu'il soit indiqué clairement que la responsabilité des organes dirigeants peut être engagée si les rémunérations se révèlent inopportunes ou contraires à l'intérêt général de l'entreprise. Même s'il appartiendra au juge d'apprécier l'intérêt général, la rédaction proposée par la mission n'est pas suffisamment forte.
La proposition n° 5 est clairement en retrait. Il doit s'agir non pas de mesurer l'écart ou de le constater, mais de le réduire ou de l'encadrer.
La proposition n° 6 est pertinente. À ce titre, il est important d'accorder un droit de vote aux deux représentants des salariés présents au sein des comités des rémunérations.
La proposition n° 7 prend tout son sens uniquement si l'assemblée générale des actionnaires se prononce par un vote.
Les propositions nos 8 et 9, relatives au problème du cumul des mandats sociaux, recueillent notre accord.
La proposition n° 10 ne recueille pas notre approbation. Le système de la retraite par capitalisation n'est pas une réponse satisfaisante. Il convient de prévoir un mécanisme qui s'inscrive dans une réforme plus générale des régimes de retraite.
Les propositions nos 11 à 15 se résument enfin au titre de leur chapitre : « mettre un terme aux abus les plus criants ». Vous ne vous attaquez en effet qu'aux abus les plus criants, alors qu'il conviendrait d'aller nettement plus loin, notamment sur le plan fiscal. Les grands dirigeants d'entreprises bénéficieront du bouclier fiscal. Or, c'est la tare essentielle de ce rapport que de ne pas aborder cette question. Si l'on conserve le mécanisme du bouclier fiscal, certaines propositions n'auront que peu d'efficacité.
Je rappellerai enfin que le groupe SRC a défendu au mois d'avril une proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité, portant sur ce sujet.
En conclusion, j'ai envie de dire : « chiche, allons-y ! ». Un certain nombre de propositions du rapport méritent de se concrétiser en proposition de loi et d'être discutées par notre assemblée.
Je suis d'accord avec cette dernière proposition de notre collègue. Je me réjouis de ce rapport, qui comporte des propositions intéressantes, poil à gratter pour certaines, plus modérées pour d'autres. Je ne suis pas pour l'économie administrée mais pour la liberté, qui ne va pas sans responsabilité. Dans certains cas, c'est à la loi de fixer le cadre de cette responsabilité. Un tel travail, dans le contexte actuel, honore notre commission.
Je souhaite en premier lieu relever l'utilité du travail accompli par la mission d'information. Bien peu d'entre nous auraient pu préjuger au début de nos travaux de l'ampleur des conclusions auxquelles le rapport aboutit. Ce travail a permis de mettre en lumière l'ensemble des dysfonctionnements du système de rémunérations, là où le retentissement médiatique s'arrête aux plus scandaleux d'entre eux. Les multiples auditions auxquelles nous avons procédé nous ont en effet offert un éclairage sur l'ensemble du dispositif. Nous avons ainsi abouti à une prise de conscience partagée des limites des systèmes de rémunération des dirigeants d'entreprises, allant bien au-delà des failles des recommandations de l'AFEP et du MEDEF ou des imperfections du comité des sages. L'ampleur de nos conclusions va répondre bien plus efficacement aux inquiétudes de l'opinion publique.
Notre mission a mis en évidence le fait que l'absence de modification de la réglementation en la matière laisserait perdurer les pratiques antérieures. Une loi est nécessaire, j'en veux pour preuve les déclarations ici même de M. Claude Bébéar qui a estimé qu'un dirigeant d'entreprise digne de ce nom n'avait pas besoin de plus de quelques semaines pour faire des membres du comité des rémunérations de la société ses alliés.
S'agissant des propositions faites, je rejoins notre collègue Philippe Vuilque : des avancées notables sont proposées, mais des imperfections demeurent. Je ne citerai que trois exemples. J'estime tout d'abord que la responsabilité des dirigeants fautifs n'est pas assez réaffirmée. Nous estimons que son principe doit être posé dans la loi, à des fins essentiellement préventives, à l'image de ce qui a été fait en matière de PEA et qui a permis la moralisation des pratiques. Une telle inscription doit permettre de modifier les comportements, sans même qu'il soit besoin de faire intervenir un juge. Nous rejoindrions ainsi l'exemple allemand.
Deuxième manque, la place des représentants des personnels dans le dispositif de contrôle des rémunérations des dirigeants n'est pas précisée.
Enfin, nous regrettons qu'en matière de fiscalité, les sanctions proposées pénalisent davantage les actionnaires, et notamment les petits actionnaires – car la non-déductibilité des rémunérations des dirigeants s'assimile à un impôt supplémentaire frappant l'entreprise et donc minorant les dividendes –, alors qu'il conviendrait de sanctionner davantage des dirigeants eux-mêmes. Mais alors que le système de l'avoir fiscal permettait de sanctionner in fine le dirigeant, la proposition faite ne le permet pas, ce que nous regrettons.
Au total, nous pensons que légiférer est une nécessité et que le rapport constitue un excellent travail préparatoire à la future loi que nous appelons de nos voeux.
Je rejoins ce qui a été dit par mes collègues et ne ferai donc que quelques remarques rapides. Ce rapport constitue une avancée bienvenue, que nous saluons. Toutefois, je veux insister sur la nécessité d'en tirer des conséquences en matière fiscale.
Sans doute doit-on sortir en la matière de la logique selon laquelle il ne faudrait pas augmenter les impôts, car le cas des dirigeants d'entreprises justifie une hausse ciblée de la fiscalité. Sans doute faudrait-il tout d'abord créer une tranche supplémentaire au barème de l'impôt sur le revenu. Le Royaume-Uni venant de faire de même, nous n'encourrions pas le risque d'une concurrence fiscale.
Mais ensuite, il conviendrait aussi de réfléchir à une meilleure articulation avec le bouclier fiscal. Je prends acte des déclarations faites par le ministre du budget et des comptes publics, qui a indiqué que quelque 10 000 personnes aux revenus modestes, mais au patrimoine important, bénéficient de la mesure, ce qui peut justifier son maintien dans ce cas de figure. En revanche, s'agissant des hautes rémunérations, il conviendrait de supprimer ce bouclier qui n'a pas de justification.
Je me réjouis de l'unanimité de notre commission sur le fait que les propositions formulées dans le rapport de la mission d'information constituent une avancée. Je prends également acte de certaines réserves émises et souhaiterais y apporter quelques éléments de réponse.
Pour ce qui concerne la notion d'intérêt général de l'entreprise, j'observe qu'elle figure expressément dans les recommandations du MEDEF et de l'AFEP. Le président de l'Autorité des marchés financiers, M. Jean-Pierre Jouyet, a estimé pour sa part que les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux doivent correspondre à l'utilité collective. Quand au Bundestag, il vient d'exiger l'octroi de rémunérations appropriées. Vous conviendrez tous avec moi que, au-delà des termes retenus, toutes ces notions relèvent de la même épure.
S'agissant des sanctions de l'irrespect de l'intérêt général de l'entreprise, je me bornerai à rappeler que l'affirmation d'un principe dans la loi ouvre nécessairement la voie à des sanctions, civiles ou pénales, lorsque ceux à qui ce principe s'impose ne s'y conforment pas. On ne peut ainsi exclure qu'une juridiction constatant qu'un conseil d'administration ou de surveillance a consenti des rémunérations manifestement excessives et contraires à l'intérêt de l'entreprise serait fondée à examiner dans quelle mesure il y a eu ou non abus de bien social.
La proposition consistant à soumettre à l'assemblée générale des actionnaires l'appréciation de l'ensemble des rémunérations et avantages de toutes natures consentis aux dirigeants mandataires sociaux implique naturellement, quant à elle, une consultation expresse et un vote.
Au fond, l'essentiel des divergences porte sur les mesures fiscales préconisées. Il s'agit de la traduction de visions différentes de notre société, la majorité considérant que les contribuables les plus fortunés ont aussi le droit à conserver une partie des revenus qu'ils tirent de leur activité, tandis que l'opposition souhaite une fiscalisation plus large de ces revenus. En tout état de cause, cette divergence transcende l'objet du rapport.
J'ajoute, pour conclure, que l'argument selon lequel les actionnaires seront les principaux pénalisés par la limitation des revenus des dirigeants mandataires sociaux déductibles de l'impôt sur les sociétés n'est que facialement exact. Une telle mesure vise surtout à responsabiliser les actionnaires, qui auront leur mot à dire dorénavant.
Conformément à l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, la Commission autorise le dépôt du rapport de la mission d'information en vue de sa publication.
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