COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 1er juillet 2009
La séance est ouverte à dix-huit heures dix.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission)
La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Gérard Cherpion, le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (n° 1628).
Au seuil de l'examen d'un texte particulièrement important, je suis heureux de saluer M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi, Laurent Wauquiez, ainsi que notre rapporteur, Gérard Cherpion, qui a accompli un travail remarquable.
En matière de politique sociale, nous serons confrontés dans les années à venir à deux enjeux essentiels : la sécurisation des parcours professionnels – en particulier pour les salariés les plus modestes – et la formation tout au long de la vie. Si les objectifs de ce projet me semblent largement partagés, leur application n'en sera pas moins délicate : réussira-t-on vraiment à simplifier l'ensemble des dispositifs en vigueur grâce à une meilleure gouvernance mais, également, à accroître la transparence du système, à mieux l'évaluer et à réduire les inégalités ? En effet, si le Gouvernement a amélioré les dispositifs de formation pendant les périodes de chômage partiel, il n'en demeure pas moins difficile de réunir les régions, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) et les organismes collecteurs paritaires agréés (OPCA), chacun restant dans son pré carré. Il ne faudrait pas qu'un tel comportement nuise à l'application de ce texte en lequel j'ai, quant à moi, toute confiance.
Ce projet résulte d'un processus de maturation exemplaire, puisqu'il a été précédé de nombreux rapports de qualité insistant tous sur la nécessité d'une profonde réforme – je pense, notamment, à celui de Mme Françoise Guégot. Il a été également précédé par une délibération sociale dont il traduit d'ailleurs le résultat : l'accord national interprofessionnel du 7 janvier dernier. Si son apport le plus significatif réside dans l'affirmation d'une responsabilité des partenaires sociaux quant à l'accès à la formation des demandeurs d'emploi, il réaffirme également l'objectif d'un accès plus large et plus égal à la formation déjà présent dans l'accord de 2003. Des résultats ont, certes, été obtenus – le taux d'accès des salariés à la formation continue est passé de 34 % à près de 41 % de 2002 à 2006 – mais beaucoup de travail doit être encore accompli, puisque le taux d'accès des cadres et des professions intermédiaires à la formation demeure deux fois plus important que celui des ouvriers, et celui des salariés des entreprises de plus de 2 000 employés quatre fois plus élevé que celui des entreprises de dix à vingt salariés.
Ce texte vise, par ailleurs, deux grandes séries d'objectifs : d'abord, faire de la formation professionnelle un outil efficace de sécurisation des parcours professionnels – notamment en l'orientant mieux encore vers les salariés les moins qualifiés et les plus fragiles, ainsi que vers les demandeurs d'emploi – et, ensuite, rendre l'ensemble du système plus lisible, plus transparent et plus efficace.
S'agissant du premier point, la mesure la plus emblématique du texte est la création d'un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels qui, avec 900 millions d'euros, disposera de trois fois plus de moyens que le fonds unique de péréquation (FUP), actuel instrument de mutualisation entre organismes collecteurs. De la même manière, je salue la possible prise en charge par les organismes paritaires collecteurs agréés du congé individuel de formation (OPACIF), des formations suivies à l'initiative des salariés hors temps de travail, autrement dit les cours du soir, ceci répondant à une demande sociale forte – en particulier dans les PME où il est souvent très difficile d'organiser des formations longues pendant le temps de travail.
Pour ce qui est de l'objectif d'améliorer la gouvernance et la transparence du système, le texte élargit les missions des organismes collecteurs et favorise la réorganisation de leur réseau – laquelle doit également permettre de mieux orienter les moyens vers les très petites et petites entreprises.
Quelque 70 auditions m'ont permis de prendre la mesure d'un certain nombre de préoccupations, que je me suis efforcé de traduire à travers plusieurs amendements. Ainsi, certains points pourtant significatifs de l'accord du 7 janvier dernier n'ont pas été repris dans le projet : je songe, par exemple, au principe selon lequel la formation professionnelle continue doit permettre à chaque salarié de progresser d'au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. D'autres points, dits techniques mais importants, suscitent également des discussions : modalités de répartition du prélèvement finançant le nouveau fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels entre les sommes dues par les entreprises au titre du plan de formation et celles qui le sont au titre des contrats et périodes de professionnalisation ; seuils d'effectifs retenus pour l'application du dispositif de cantonnement de la collecte des organismes paritaires sur les petites entreprises – dispositif visant à éviter des transferts des fonds de la formation professionnelle des petites vers les grandes entreprises. Un certain nombre d'aménagements me semblent donc opportuns.
Par ailleurs, conformément aux propos tenus par le Président de la République le 3 mars à Alixan, je vous proposerai d'affirmer le droit à l'information et à l'orientation professionnelles et d'inscrire, dans la loi, le principe d'un service Internet de première information, ainsi que le souhaitent la commission des affaires économiques et son rapporteur, Jean-Paul Anciaux.
Enfin, la situation très difficile de l'emploi des jeunes implique la mise en place de mesures innovantes, fondées autant que possible sur l'engagement des acteurs et sur l'expérimentation.
En complément des mesures annoncées par le Président de la République le 24 avril, je tiens également à vous soumettre un certain nombre de propositions.
Tout d'abord, je souhaite que l'on engage les entreprises et leurs fédérations professionnelles dans une démarche volontariste, contractualisée avec l'État, visant à renforcer, en leur sein, l'accueil des jeunes en alternance afin d'atteindre, à terme, un seuil de 5 % des effectifs – ce qui représenterait 500 000 jeunes en alternance supplémentaires.
Je propose, en outre, d'expérimenter un cadre juridique pour la conclusion de conventions d'objectifs entre le préfet et les opérateurs privés de placement sur le marché du travail, qui porteraient notamment sur l'identification des offres d'emplois non pourvus et la mutualisation des informations.
Je propose également de généraliser temporairement dans les marchés publics les clauses d'insertion au bénéfice des jeunes pas ou peu qualifiés.
Afin de développer le tutorat dans les entreprises, il devrait être, par ailleurs, possible, à titre expérimental, d'imputer sur l'obligation légale de ces dernières de financer la formation professionnelle continue, une part de la rémunération de leurs salariés tuteurs des jeunes qu'elles viennent d'embaucher, ainsi que les éventuelles gratifications qui leur sont accordées.
Je souhaite aussi que soit expérimentée la possibilité, pour les apprentis ayant achevé leur contrat d'apprentissage sans que celui-ci ait été sanctionné par la validation d'un diplôme ou d'un titre, de demander à bénéficier de la prise en compte de leurs acquis en vue de l'obtention d'un certificat de qualification professionnelle.
J'ai également déposé un amendement visant à lever les obstacles juridiques que rencontrent certains jeunes étrangers, lorsqu'ils veulent signer un contrat de formation en alternance.
Les résultats obtenus par les missions locales en matière d'insertion professionnelle, auxquelles Bernard Perrut est profondément attaché, doivent être mesurés, et leur financement conditionné à ces derniers.
Enfin, compte tenu de leurs bons résultats, je souhaite que soit posé le principe d'un déploiement complet et équilibré du réseau des « écoles de la deuxième chance », qui représentent une véritable alternative pour les jeunes qui ont décroché du système scolaire.
J'ai tenu à ce que ce projet essentiel – puisqu'il concerne l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie et mobilisent environ 27 milliards d'euros – soit présenté en première lecture à l'Assemblée nationale. En effet, il s'agit non seulement de maintenir l'emploi de salariés peu qualifiés mais également de permettre aux demandeurs d'emploi de retrouver un travail alors que nous savons tous combien les parcours professionnels seront à l'avenir différents de ceux que nous connaissons aujourd'hui.
La formation professionnelle constitue à la fois une arme fondamentale pour lutter contre la crise que nous traversons et un outil essentiel de réforme de notre politique de l'emploi mais, en la matière, il faut se garder des illusions lyriques : nous devons, avant tout, cibler quelques priorités, plutôt que de songer à bouleverser l'intégralité d'un système très complexe.
Celui-ci est insuffisamment efficace pour plusieurs raisons. Certes, il ne s'agit pas de tout bouleverser en une sorte de « grand soir », mais l'on peut s'efforcer de remédier de façon prioritaire à quelques défauts. Tout d'abord, à un trop grand cloisonnement et à ce raisonnement fallacieux, selon lequel le financement doit être proportionnel à l'argent collecté et non aux besoins réels.
Ensuite, au caractère inégalitaire du système, tant sur le plan professionnel que territorial : c'est en effet l'argent de la formation professionnelle des salariés faiblement qualifiés qui finance la formation des cadres, celui des PME qui finance celle des grands groupes et celui des demandeurs d'emplois qui finance celle des salariés.
Enfin, au manque de transparence et à l'absence d'une culture de l'évaluation.
Ce projet est le fruit d'un travail commun inauguré par le groupe animé par le président d'Alpha, Pierre Ferracci, associant les représentants des régions, l'État et les partenaires sociaux. Ces derniers, le 7 janvier, sont parvenus à un accord unanime qui est loin d'être a minima puisque, s'agissant par exemple de la définition du périmètre du fonds de sécurisation des parcours professionnels, ils sont allés au-delà des attentes gouvernementales. Le Parlement pourra quant à lui jouer pleinement son rôle comme en témoignent d'ores et déjà les remarquables rapports de Jean-Paul Anciaux et Gérard Cherpion ainsi que la plupart des amendements déposés.
Ce texte repose sur un certain nombre de priorités et, en tout premier lieu, une plus grande justice. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels permettra ainsi de mieux orienter les financements, notamment en direction des demandeurs d'emplois, des salariés faiblement qualifiés, des PME et des branches qui ne disposent pas de moyens suffisants pour se développer – emplois verts ou services à la personne par exemple. Ce ne sont ainsi pas moins de 13 % des fonds de la formation qui seront redéployés.
Ensuite, il s'agit d'affirmer le principe selon lequel l'emploi est le seul et unique objectif de la formation professionnelle, à travers notamment le renforcement des contrats en alternance, le financement des formations de type « cours du soir » et, à l'instar des pays scandinaves, la sécurisation du droit individuel à la formation.
Enfin, le bilan d'étape professionnel bénéficie des propositions très intéressantes de Jacques Kossowki, visant à en faire un outil pour l'emploi des seniors.
Pour donner quelques exemples illustrant ces avancées, une personne de plus de cinquante ans pourra bénéficier d'un bilan d'étape lui permettant de gérer les dix années de carrière suivantes – ce qui obligera par la même occasion l'entreprise à avoir une réflexion sur l'emploi des seniors – ; une personne ayant perdu son emploi pourra suivre une préparation opérationnelle à l'emploi – POE – afin de s'orienter vers une profession à laquelle il n'était pas formé initialement mais qui offre des débouchés ; un demandeur d'emploi ayant son certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES) pourra utiliser son droit individuel à la formation afin de le réactualiser et d'intégrer une entreprise de logistique ; une personne pourra bénéficier d'un financement pour devenir aide-soignante grâce aux cours du soir.
Le troisième axe concerne la transparence et l'évaluation. Les organismes collecteurs forment aujourd'hui un maquis totalement incontrôlable. Alors qu'ils sont aujourd'hui une centaine, évalués au mieux tous les trente ans, ces organismes ne seront plus qu'une trentaine et proposeront un vrai service de proximité, rendu au plus près des bassins d'emplois. Une évaluation aura lieu au plus tous les trois ans.
Enfin, il est nécessaire d'obtenir une meilleure coordination des acteurs, au niveau national comme au niveau régional. Dans ce but, une contractualisation du plan régional de développement de la formation professionnelle est mise en place.
Le projet cible donc trois priorités claires, organisant une véritable révolution culturelle dans la manière d'approcher la formation professionnelle. Celle-ci est fondée sur un raisonnement unique : la formation professionnelle est la meilleure arme pour lutter contre les effets de la crise et développer l'emploi.
Les membres de la commission des affaires économiques ont présenté une vingtaine d'amendements sur ce texte, dont six ont été adoptés par la commission.
Je note que les partenaires sociaux ont travaillé vite et bien pour parvenir à l'accord du 7 janvier. Cela permet, et je m'en réjouis, d'examiner le projet de loi avant les vacances parlementaires.
Je tiens à souligner les trois principales avancées de l'accord interprofessionnel. Tout d'abord, la mise en place du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels permettra d'orienter une partie de la collecte en direction de ceux qui en ont le plus besoin, les demandeurs d'emplois. Ensuite, la mission des organismes collecteurs est précisée et leur gestion rendue plus lisible. Enfin, la prise en compte de l'évaluation est renforcée.
Pour ce qui me concerne, je me suis attaché particulièrement au volet concernant l'orientation. Dans ce domaine, nous ne disposons pas de l'outil le plus adapté pour permettre à l'ensemble des publics concernés d'obtenir la meilleure information. Je proposerai des amendements visant à mettre en place un système articulé autour de trois niveaux : droit à être informé, conseillé et accompagné en matière d'orientation ; service national unique de première orientation – un « 112 » de la formation professionnelle, en quelque sorte – assuré en coopération avec les organismes labellisés ; labellisation des services fournis par les principaux organismes d'information.
Je rends hommage à Françoise Guégot, qui a réalisé un rapport excellent sur la formation professionnelle et s'apprête à travailler sur la question de l'orientation. Nous sommes au coeur du sujet, car sur le terrain, il existe un véritable problème de lisibilité, mais aussi de gouvernance : à qui faut-il s'adresser ? Qui répond ? Dans quels délais ?
Le ministre a eu raison de souligner le travail considérable accompli par le rapporteur. Sur le fond du texte, en revanche, nous ne faisons pas tout à fait la même analyse. Alors que le président Sarkozy avait fait de la formation professionnelle la grande affaire de son quinquennat, ce projet n'est pas à la hauteur. On peut également trouver regrettables les conditions de son examen. Certes, l'emploi est un sujet important, mais était-il nécessaire de l'examiner en juillet et de recourir à la procédure accélérée ?
Nous faisons le même constat que vous : le système de formation professionnelle est à bout de souffle, au point qu'il n'y a pas si longtemps, le sénateur Carle avait parlé à son sujet des « trois C » : complexité, cloisonnement, corporatisme. Pour autant, tout n'est pas à jeter. Des choses se sont améliorées.
En raison de la menace brandie par l'État de décider sans eux, les partenaires sociaux ont dû se mettre d'accord dans la précipitation. Pourtant, d'après les syndicats eux-mêmes, il y a une grande différence entre ce qu'ils ont signé et ce que contient le projet de loi.
La différence majeure a trait au retour de l'État dans le dispositif. Cette orientation, que le secrétaire d'État assume, n'était pas forcément justifiée ni demandée par les partenaires sociaux. Les régions avaient pourtant reçu en 2004 une compétence pleine et entière sur la formation professionnelle. Il en est de même en ce qui concerne le Fonds de sécurisation des parcours professionnels : l'État – qui semble juger que les partenaires traditionnels ne sont pas à la hauteur – interviendra d'autorité, si aucune convention cadre n'est signée.
Néanmoins, on peut enregistrer quelques avancées significatives, telles que la portabilité du droit individuel à la formation, le développement des contrats en alternance – même si, sur le terrain, on constate que le nombre de contrats tend à diminuer, sans doute en raison de la crise – ou la volonté de faire bénéficier de la formation professionnelle ceux qui en ont le plus besoin : demandeurs d'emploi, ouvriers, très petites, petites et moyennes entreprises. On ne peut qu'adhérer à de tels principes mais, reste à voir comment tout cela se traduira concrètement. La même observation vaut pour le bilan d'étape professionnel : faire le point tous les cinq ans sur sa situation professionnelle est une bonne chose, même si on peut exprimer certaines réserves.
Mais, nous avons également relevé de très grosses lacunes. L'oubli le plus important, à nos yeux, concerne la formation initiale différée, alors que notre système scolaire laisse sortir, chaque année, 150 000 jeunes sans le moindre diplôme. On aurait pu espérer que ce texte proposerait les moyens de les récupérer, grâce à une formation soutenue, mais nos propositions à ce sujet se sont heurtées à l'article 40.
Il en est de même pour le socle de compétences. Quels savoirs convient-il de maîtriser, aujourd'hui, pour trouver du travail ?
Par ailleurs, le rapporteur a évoqué l'importance de pouvoir gravir un échelon dans sa carrière professionnelle, d'autant que celle-ci dure de plus en plus longtemps.
Enfin, qu'en est-il du service public de l'orientation, élément important du rapport de Françoise Guégot ? Il ne suffit pas de labelliser quelques organismes. Pour les gens ayant des difficultés à s'insérer, ni les centres d'appel ni Internet ne pourront remplacer la présence physique de conseillers.
Le texte ne simplifie pas la gouvernance du système : il se contente d'ajouter l'État aux acteurs existants – régions, partenaires sociaux, organismes collecteurs. Or, nous savons ce que valent les systèmes de copilotage. Soit l'organisation sera encore plus opaque, soit, au final, l'État deviendra le patron de l'ensemble. En tout état de cause, il est regrettable que les régions soient mises au rang de partenaires ordinaires, alors que la loi de 2004 leur avait donné la responsabilité pleine et entière de la formation continue.
Le service public de la formation nous semble également menacé, comme nous l'ont confirmé les syndicats de l'AFPA. C'est le début de la fin pour l'association nationale, dont Pôle emploi va récupérer les conseillers d'orientation. Sa mission commence pourtant dès l'orientation, et non après.
Comme l'a honnêtement reconnu le secrétaire d'État, ce projet de loi n'a pas l'ambition d'être le « grand soir » de la formation professionnelle. Mais, ce n'est pas pour autant un bon texte, notamment parce qu'il permet à l'État de revenir en force au détriment des partenaires sociaux et des régions. Toutefois, nous ne doutons pas que son examen en commission puis en séance publique sera l'occasion de l'améliorer sensiblement.
Ce texte ne peut s'analyser qu'en complément des politiques menées dans le domaine de l'emploi et des moyens qui leur sont consacrés – je pense notamment aux mesures annoncées par M. Wauquiez en matière de contrats d'apprentissage ou de contrats aidés.
Incontestablement, ce projet de loi a pour ambition de rendre plus efficace, plus juste et plus lisible un système de formation professionnelle qui, aujourd'hui, privilégie les plus qualifiés par rapport aux moins qualifiés, et ceux qui sont en activité par rapport à ceux qui ne le sont pas ; un système dont le financement, en outre, reste peu lisible.
Notons que le texte est l'aboutissement d'un accord national interprofessionnel, ce qui montre l'implication des acteurs sociaux.
J'évoquerai en particulier la situation des jeunes, car elle est préoccupante. Aujourd'hui, 600 000 jeunes sont en contrat d'alternance, mais si on appliquait les mêmes ratios qu'en Allemagne, nous pourrions compter 1,1 million d'apprentis. Les mesures incitatives restent donc insuffisantes, et les entreprises ne sont pas encore prêtes à s'impliquer.
Je vois trois priorités en ce qui concerne les jeunes : faciliter la transition entre les études et l'emploi, à tous les niveaux de formation ; accompagner la période de recherche d'emploi après la formation initiale, pour éviter le processus de déqualification ; modifier les représentations des employeurs, qui font trop souvent preuve de défiance à l'égard des jeunes.
Je m'associe pleinement aux amendements du rapporteur, notamment s'agissant des objectifs assignés aux missions locales, chargées d'accompagner les jeunes sans emploi et souvent sans qualification, et de leur évaluation régulière en fonction des besoins de chaque territoire. Peut-être, pourrait-on aller plus loin dans la gouvernance nationale plutôt que de s'en remettre aux initiatives locales.
De même, en évoquant les conventions d'objectifs entre l'État et les entreprises, le rapporteur répond à un vrai besoin. Si, récemment, certaines entreprises ont signé, avec le Conseil national des missions locales, des accords sur l'embauche de jeunes, ces derniers n'étaient pas assortis d'engagements clairement chiffrés. L'État doit donc accompagner ces engagements de véritables conventions d'objectifs et y consacrer les moyens nécessaires.
Un amendement me laisse toutefois songeur : celui prévoyant des clauses d'insertion dans les marchés publics pour laisser la place aux produits ou investissements réalisés par des jeunes. Une telle disposition me paraît difficile à mettre en place, même si elle a la vertu de mettre en valeur la nécessaire insertion des jeunes dans le marché de l'emploi.
En revanche, il me paraît très intéressant de permettre que la rémunération des salariés tuteurs entre dans le cadre de l'obligation légale de formation professionnelle. De nombreuses entreprises réussissent en effet à insérer des jeunes en ayant recours à ces tuteurs.
Le rapporteur propose également de prendre en compte les acquis des jeunes sortant du système de l'apprentissage sans avoir réussi leurs examens. C'est essentiel pour leur permettre de rebondir, dans leur profession ou dans une autre.
La question, qui se pose désormais, est de savoir si cette loi apportera une réponse à tous ces jeunes en difficulté dont nous recueillons les témoignages, et qui « galèrent » de petit boulot en petit boulot. De même, nous devons nous demander si elle va changer les choses du côté de l'entreprise, car c'est cette dernière qui crée l'emploi. Va-t-elle faciliter l'action de l'entrepreneur en matière de formation ?
Reste enfin la question de la gouvernance. Comme beaucoup d'entre vous, je me demande parfois si, en matière de formation professionnelle, il y a un pilote dans l'avion. La Cour des comptes se pose la question dans un de ses rapports. Les régions sont-elles en mesure de maîtriser la politique de formation professionnelle ? Comment mieux organiser la gouvernance ? Et surtout, comment obtenir une meilleure adéquation entre la formation et les emplois offerts sur un territoire ? Les plans régionaux de développement et de formation devraient être le moyen de développer une vision d'avenir et d'adapter la formation aux besoins du terrain.
À mon tour, je salue le rapporteur pour son travail et pour son sens de l'écoute.
Ce texte était très attendu. Les critiques ont fleuri ces dernières années à l'égard du système de formation professionnelle, jugé notamment opaque, injuste, peu efficace. Une réforme était donc d'autant plus nécessaire, qu'il peut se passer beaucoup de temps entre l'adoption d'une loi et son application sur le terrain – je pense notamment au droit individuel à la formation.
Rappelons en outre que le Président de la République et le Gouvernement ont placé la formation professionnelle parmi les premiers outils permettant de mieux résister aux effets de la crise, d'une part parce que la progression en qualification permettra d'affronter la concurrence au moment de la reprise, et d'autre part parce que l'accès à une formation peut permettre la reconversion professionnelle des salariés d'entreprises connaissant des difficultés.
Enfin, la troisième raison de présenter ce texte, c'est que les partenaires sociaux, que l'on a pressés de parvenir à un accord, étaient impatients de voir traduites dans la loi les dispositions qu'ils ont adoptées.
Je m'attacherai plus précisément à trois aspects du projet de loi. En premier lieu, le Nouveau Centre est sensible à l'exigence de qualité, qu'il s'agisse des organismes de formation ou des formations elles-mêmes. Le texte prévoit certaines mesures à ce sujet – mieux faire circuler l'information, mieux évaluer la formation, conforter la qualité des certificats de qualification professionnelle –, mais nous devons aller plus loin. Nous devons ainsi créer un label de qualité pour les organismes de formation, mais aussi pour les formations elles-mêmes, soit par l'inscription obligatoire des certificats de qualification professionnelle au Registre national de la certification professionnelle, soit en créant une banque de données regroupant les informations sur les formations et, peut-être, les appréciations des utilisateurs.
Le deuxième aspect concerne la formation comme outil de sécurisation des parcours professionnels. Avancée importante de l'accord interprofessionnel, le nouveau fonds paritaire, qui s'adresse aux publics ayant le moins accès à la formation, devrait également, selon nous, s'adresser aux salariés à temps partiel et aux bénéficiaires du contrat unique d'insertion des parcours professionnels, dont la situation est généralement précaire. La préparation opérationnelle à l'emploi, qui permet de mobiliser 400 heures, nous semble également une bonne idée.
Quant à la portabilité du droit individuel à la formation, nous pensons qu'elle ne doit pas s'appliquer aux seules ruptures de contrat à durée indéterminée, mais aussi aux temps partiels et aux contrats à durée déterminée – à tous les salariés, en fait : il faudrait attacher le droit à la personne plutôt qu'au contrat de travail. Peut-être, est-il trop tôt pour aller vers cette portabilité, mais nous proposerons tout de même des amendements en ce sens.
J'en viens à la question du pilotage, qui est moins bien traitée que les deux premières. Personne ne sait aujourd'hui qui pilote quoi et il est extrêmement compliqué de trouver des financeurs pour les personnes les plus en difficulté. Or, je discerne mal l'instance de coordination que doit mettre en place le texte. Le ministre et le rapporteur sont hostiles aux propositions que j'ai faites dans ce domaine, mais je reste convaincu qu'il faut une plus grande proximité des acteurs.
Cela suppose une déclinaison régionale certes, mais aussi territoriale. Or, le texte opère plutôt une reconcentration vers l'État. Peut-être est-ce nécessaire du point de vue de l'équité nationale, mais il ne faut pas en oublier l'équité territoriale. Dans toutes les régions, les bassins d'emplois, industriels et ruraux, ont des besoins de formation très différents et je ne suis pas sûr que tous soient traités au mieux au niveau régional – d'autant que de très nombreuses instances s'occupent de formation professionnelle à cet échelon, du conseil économique et social régional au comité de coordination régional de l'emploi en passant par le conseil régional de l'emploi ou les maisons de l'emploi. Tout le monde parle de formation professionnelle mais personne ne prend la décision finale.
Ce texte est-il important parce qu'il pèserait 27 milliards d'euros, ou parce qu'il pose véritablement la question de la cohérence des dispositifs, de l'efficience de l'argent consacré à la formation professionnelle et du ciblage des personnes qui en ont le plus besoin ? En tout cas, la crainte est forte, aujourd'hui, qu'il soit le signe que l'État lorgne sur ces 27 milliards, et la représentation nationale doit faire en sorte que cette crainte soit levée après nos débats.
L'injonction donnée aux partenaires sociaux de conclure dans des délais très rapides a, aussi, été mal ressentie. L'accord national interprofessionnel de 2003 avait mûri plus longtemps et le Gouvernement s'était targué de le retranscrire dans la loi sans aucune modification parlementaire. Cette année en revanche, le Gouvernement se prétend fidèle à « l'esprit » de l'accord mais explique que certaines de ses dispositions devront être retranscrites par décret. Les partenaires sociaux acceptent mal cet argument et nos débats devront éclaircir ce point.
En tout cas, une volonté d'amender ce texte s'est manifestée sur tous les bancs et nous en profiterons pour voir jusqu'où ira l'ouverture à nos propositions.
L'une des questions les plus importantes du projet est celle de l'AFPA. Lors d'un précédent texte, nous en avions contesté la décentralisation, qui augmentait l'inégalité entre les territoires. Nous craignions que la démarche globale de formation qu'elle adoptait, avec un ensemble de services qui couvraient autant l'hébergement du bénéficiaire que son ressenti psychologique de la formation, en soit compromise. Nous avions raison et l'intersyndicale de l'association nous a tous alertés sur la dernière partie du texte.
Un autre sujet me tient à coeur : les missions locales, qui se sont émues de recevoir l'injonction de communiquer à des sociétés privées la liste des personnes pour lesquelles elles travaillent. On sous-estime la qualité du travail des missions locales, qui restent irremplaçables. Et je sais que ce texte ne répond pas à leurs attentes. Il ne faut pas évacuer ce sujet : le rôle des missions locales ne peut pas être banalisé.
Je voudrais saluer à mon tour le travail de Gérard Cherpion, aussi clair et précis qu'à son habitude. Mais que de sigles dans ce rapport. Pensons aux lecteurs novices en ce domaine !
La formation professionnelle est un investissement pour l'avenir et nous partageons tous ici les objectifs et certaines dispositions de ce texte. Mais, je voudrais me concentrer sur l'idée de sécurisation des parcours professionnels.
Il n'est pas question de rechercher un « grand soir » de la formation professionnelle, mais de mettre en place une réforme suffisamment significative pour passer de droits attachés au statut à des droits attachés à la personne. Or, avec ce texte, nous restons au milieu du gué. Il reste en effet des ruptures importantes dans les parcours professionnels. Pour le début du parcours par exemple, le texte ne comporte aucune avancée quant au dispositif d'orientation, dont tout le monde considère qu'il est totalement opaque et ne répond pas aux attentes – s'il y a un constat unanime au sein de la commission Hirsch, c'est bien celui-là – ni sur la création d'un droit à la formation initiale différée. Le Gouvernement insiste sur le fait que son projet découle directement de l'accord national et sur la place essentielle que tiennent les partenaires sociaux dans la formation professionnelle, mais la création de ce droit était justement une de leurs grandes attentes !
Il faut un système qui offre aux personnes d'autant plus de droits différés qu'elles ont eu peu de formation initiale : il ne doit pas se contenter de reporter la formation qu'elles n'ont pas eue au départ, mais doit leur ouvrir des droits complémentaires. Il est regrettable que le texte ne comporte pas d'avancée sur ces points.
Quant à la création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, le principe est naturellement excellent. Reste à savoir ce qu'il va couvrir. Des parcours sécurisés sont une garantie sociale, mais aussi de bonne insertion professionnelle. Les expérimentations, qui sont en cours sur les groupements d'activité à Saint-Nazaire et bientôt en Indre-et-Loire, en sont un bon exemple : il s'agit de structures associatives qui embauchent des chômeurs au besoin de formation important, dans la perspective d'emplois bien identifiés – les entreprises, sans s'engager à embaucher, ont fait connaître le type de compétences dont elles auraient besoin si elles devaient recruter dans les mois à venir. L'idée est que le recrutement en contrat à durée indéterminée et l'accompagnement de ces personnes leur garantira une bien meilleure insertion professionnelle.
Pourtant, les contrats courts ne sont pas concernés par le dispositif du fonds – ni donc les personnes qui ont le plus besoin de sécurisation, notamment les jeunes.
Je n'insisterai pas sur la question des contrats de professionnalisation, dont la généralisation serait une bonne réponse à la crise actuelle. Ces contrats sont en fait la version de crise de la sécurisation des parcours professionnels, et ce texte était l'occasion ou jamais de la consacrer. Par ailleurs, si nous nous réjouissons de la création du fonds, nous conservons quelques interrogations sur son fonctionnement, l'opacité de ses règles de financement et sa gouvernance. Il faudra apporter des garanties sur ce point.
Enfin, je regrette, moi aussi, la recentralisation de l'ensemble du dispositif. Cette propension du Gouvernement, qui se remarque sur de nombreux textes, est étonnante. On peut se demander quelle en est la cause, et pourquoi, à l'inverse, les régions se voient confier la responsabilité de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes qu'elles n'avaient pas demandée.
Je voudrais moi aussi féliciter Gérard Cherpion pour son magnifique travail, et insister sur l'importance de l'apprentissage. La faiblesse de ce type de formation chez nous n'est pas due seulement aux employeurs, mais aussi au fait que les jeunes peuvent avoir peur d'entrer en entreprise. Il est donc primordial de développer les stages en entreprise au niveau scolaire, ainsi que de favoriser l'apprentissage dans la fonction publique, qui compte des gens aussi qualifiés que dans le privé. Il faut aussi assouplir quelque peu les règles du travail : dans le secteur du bâtiment par exemple, si un jeune apprenti n'a pas le droit de monter à une échelle ou de tenir un marteau-piqueur, il finit par se lasser et à s'en aller.
La validation des acquis de l'expérience est un autre sujet essentiel. Nous allons avoir besoin de beaucoup de personnel dans le secteur de la santé par exemple. Or, nombre de gens, qui font très bien leur travail dans les établissements hospitaliers et médicosociaux sont incapables de passer un examen. La validation des acquis de l'expérience sera un outil formidable pour remplir les postes dont nous aurons besoin pour les personnes âgées.
Enfin, je suis heureuse que ce texte étende le contrat de transition professionnelle, dont je suis une fervente partisane, aux personnes les plus fragiles, en particulier les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et les personnes handicapées. C'est une excellente loi, que je voterai avec conviction.
Il faut noter, à propos du contrat de transition professionnelle, que nombre de salariés appartiennent sans le savoir à des groupes de plus de mille employés. Plus de la moitié des salariés ne peuvent donc pas bénéficier de ce type de contrat !
Je souhaite moi aussi féliciter Gérard Cherpion, que j'assure de notre soutien pour ce projet, et aussi remercier M. Wauquiez pour le sens de l'écoute dont il a fait preuve.
La création du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui devrait permettre de cibler les publics prioritaires, est un enjeu essentiel du projet de loi. Je pense que la mutualisation financière, qui était très attendue, rendra le système plus efficace. Nous pouvons, par voie d'amendement, améliorer son fonctionnement et mieux diriger ses actions vers les plus mal lotis, notamment ceux qui sont en situation d'échec à la sortie de leur formation initiale.
Je me félicite aussi de la volonté de simplification du système. Les processus d'orientation et de formation sont très compliqués – songez que le principe de la formation tout au long de la vie a été évoqué dès 1946 ! Nous avons vu le temps qu'il a fallu pour mettre en place le droit individuel à la formation, élément essentiel de la loi de 2004 sur la formation professionnelle. Nos propositions ne doivent pas viser à réinventer l'eau chaude à chaque fois, mais à apporter des contributions modestes et efficaces. La portabilité du droit individuel, l'adaptation du passeport formation, la place faite aux contrats en alternance ou le renforcement de l'accompagnement pour la validation des acquis de l'expérience sont autant de dispositions qui vont vers une simplification.
L'orientation professionnelle, qui est au coeur du dispositif, se décompose en trois phases très différentes : l'accueil et l'information, qui supposent une connaissance des métiers et des besoins ; le conseil, qui doit aider à la construction du parcours professionnel – cette fameuse sécurisation ; et enfin l'accompagnement, qui s'inscrit dans une durée plus longue et implique des spécialistes et des financements ciblés. Ces trois phases sont essentielles, mais elles ont des objectifs et nécessitent des moyens très différents. La qualité de ce cheminement est essentielle dans le processus de formation tout au long de la vie. Il faut donc simplifier les outils et rendre les dispositifs d'orientation plus lisibles. Dans le cadre de la mission d'information qui m'a été confiée, j'espère que nous pourrons continuer à avancer sur la mise en place des dispositifs de labellisation que Francis Vercamer a évoqués, en sachant qu'ils ne seront pas tous forcément d'ordre législatif.
Enfin, et contrairement à nos collègues socialistes, je pense que l'amélioration de la coordination et du contrôle des politiques de formation professionnelle est une nécessité. L'objectif de ce projet n'est pas de redonner tout pouvoir à l'État, mais de faciliter l'indispensable concertation. Les expérimentations en cours sont aussi diverses que les situations des régions. Pour y répondre en évitant de créer des dispositifs trop lourds, l'idée de contraindre l'ensemble des acteurs à avancer ensemble vers des objectifs communs me semble très positive. Cette contractualisation, notamment entre les régions et l'État, va dans la bonne direction.
La formation professionnelle souffre aujourd'hui d'un manque d'efficacité et de transparence, de cloisonnement, d'inégalités, de l'absence d'un pilote. Nous sommes tous d'accord sur ce diagnostic, mais ce texte, que l'on peut vraiment qualifier de « petite loi », n'y changera rien. Il y a un décalage frappant entre les objectifs visés et les possibilités de mise en oeuvre sur le terrain.
Il est presque touchant d'observer à quel point ce gouvernement cherche à tout recentraliser. On peut se demander si ce n'est pas un aveu de faiblesse, ou de manque de confiance dans les acteurs locaux. Cette recentralisation est si importante, à l'égard des régions certes, mais aussi des partenaires sociaux, qu'elle ne peut être qu'inefficace. Il n'est qu'à voir l'exemple, même si vous me direz qu'il est prématuré, de Pôle emploi – qui doit tout faire, y compris la formation des demandeurs d'emploi et des salariés. Il est le coeur du système. Tout repose sur lui. Et l'on constate tous les jours avec quelle efficacité il rend le service qu'on attend de lui. La crise n'est pas la seule explication à la situation !
Cette loi débouchera également sur une redondance des dispositifs et une gabegie d'argent public. Exactement comme Pôle emploi, qui intervient aujourd'hui dans la formation sans avoir défini de politique claire en la matière, auprès de tous les publics et au moyen de tous les dispositifs, en s'ajoutant à tout ce qui existe déjà.
Par ailleurs, et même s'il est beaucoup question ici de démocratie sociale, la transcription qui a été faite de l'accord national interprofessionnel n'en montre pas un respect bien fidèle. J'en veux pour preuve le nombre de propositions d'amendements qui nous ont été envoyées par les partenaires sociaux, toutes tendances confondues. Si l'accord avait été transposé comme prévu, on n'en serait pas là !
Je ne retrouve non plus, dans ce texte, aucune trace des termes définissant la mission du rapport de Françoise Guégot, ni de la prétendue concertation menée par le groupe de M. Ferracci. Nous avons perdu notre temps.
Nous sommes évidemment d'accord sur la portabilité du droit individuel à la formation, mais il faudrait nous demander pourquoi ce dispositif fonctionne mal – car il ne fonctionne pas plus que la validation des acquis de l'expérience. Ne serait-ce pas par abus de centralisation ?
Faute de déclinaison du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, douze régions ont pris l'initiative de réunir les organismes collecteurs, l'État et les partenaires sociaux pour créer un fonds destiné à la formation des personnes en situation de chômage partiel. Une telle mesure est donc possible, pour autant que l'État n'impose pas, à l'échelle nationale, des mesures empêchant les acteurs locaux de s'organiser entre eux – ce qui est précisément le problème que pose ce projet de loi.
La préparation à l'emploi est certes une bonne chose, mais il est choquant que l'entreprise qui bénéficie d'une formation sur mesure en vue de rendre employable un demandeur d'emploi n'ait aucune obligation de le recruter à la fin de celle-ci.
La contractualisation du plan régional de développement des formations professionnelles et la coordination de son pilotage seront source de dysfonctionnements et de mésentente entre les acteurs locaux. Il est faux, au demeurant, d'affirmer que les plans régionaux n'ont pas donné lieu à concertation.
Enfin, si l'évaluation des politiques des régions est nécessaire, celle des politiques de l'État et des partenaires sociaux ne l'est pas moins.
Je ne me ferai pas faute de féliciter, comme tous mes collègues, notre rapporteur, dont j'attends avec impatience les amendements.
Alors qu'une réforme devrait indiquer un cap, le texte qui nous est soumis n'exprime pas une stratégie claire en matière de formation et ne se rattache pas même aux grandes stratégies existantes, comme celle de Lisbonne, qui vise à une économie européenne de la connaissance. Il ne fait pas davantage avancer le droit à la formation tout au long de la vie. Quant à la sécurisation des parcours professionnels, le nouveau fonds paritaire est, malgré le nom que les partenaires sociaux ont obtenu à grand-peine, une manière de recréer une enveloppe destinée aux demandeurs d'emploi et salariés les moins qualifiés, qui sera mise à disposition de Pôle emploi : cela revient à réintroduire le financement des stages non rattachés à un contrat de formation, que la loi Borloo avait supprimés.
Il conviendrait également de régler, avant la fin de l'année, la question de la transposition en droit français de la directive « services » dans le domaine de la formation professionnelle. L'avenir de l'AFPA devrait également être clarifié, car l'impression qui prévaut est aujourd'hui celle d'une déconstruction.
Si, comme le souligne le ministre, la crise oblige à se recentrer sur l'emploi, cela ne signifie pas que la formation se limite à l'emploi. Or, le texte ne présente qu'un patchwork de mesures certes intéressantes, mais qui n'ont pas été conçues pour répondre à la crise et ne sont pas à la hauteur des besoins.
Une réflexion est engagée sur le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé, deux dispositifs que le Président de la République a proposé de rapprocher. Il en va de même sur l'articulation entre formation et chômage partiel. Les mesures pour les jeunes, quant à elles, sont traitées dans le cadre du Fonds d'investissement social (FISO).
En matière d'orientation, le texte apporte peu. Alors que la commission Hirsch formule des propositions en la matière et que Françoise Guégot travaille à l'élaboration d'un rapport, n'y aurait-il pas cependant matière à une loi sur le fond ?
Au lieu de clarifier et de simplifier le financement et la gouvernance de la formation professionnelle, le texte complique encore un financement déjà complexe et, en matière de gouvernance, freine la décentralisation. La seule ligne directrice qu'on y voit est celle d'une reprise en main par l'État.
La répartition des rôles n'est même pas réglée, et on ignore quel sera le lieu de la coordination. La question essentielle du rôle de l'Éducation nationale et de Pôle emploi est à peine évoquée. Au fond, le texte trahit l'accord national en refusant de poser le principe simple de la formation initiale différée et celui de la possibilité offerte à chacun, dans sa vie professionnelle, d'augmenter d'un cran sa qualification. Ce sont des questions que nous devrons nous poser dès l'examen de l'article premier.
Je tiens moi aussi à féliciter le rapporteur.
Le dispositif de validation des acquis de l'expérience doit être amélioré. En effet, des cas concrets montrent que dans certains domaines – comme celui des soins, du sport ou de la formation à la conduite de véhicules tout-terrain – les professionnels participant aux jurys chargés de cette validation donnent parfois le sentiment de jalouser les candidats et rechignant à cette reconnaissance d'une expérience acquise sur le tas. Il faut de la transparence, de l'évaluation et une meilleure coordination entre les différents acteurs.
J'adresse à mon tour mes félicitations au rapporteur.
La sécurisation des parcours professionnels par la création d'un fonds paritaire et d'un dispositif de préparation professionnelle à l'emploi répond à une volonté des syndicats et permettra de former 500 000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200 000 demandeurs d'emploi de plus qu'aujourd'hui. L'objectif est donc clairement atteint et je regrette que mes collègues socialistes ne le reconnaissent pas davantage.
Les contrats d'alternance, qui sont une réussite, me semblent un peu oubliés dans ce texte, qui leur fixe une durée maximale bien inférieure à celle de 36 mois que les professionnels jugent souhaitable. C'est mon seul regret à propos de cet excellent projet de loi.
J'observe une grande convergence quant aux félicitations décernées à notre rapporteur, aux objectifs et au diagnostic.
Deux grandes interrogations se dégagent aussi. La première porte sur la centralisation qui, si elle a été largement évoquée au niveau de l'État, est souvent subie aussi de la part des régions, voire des départements.
L'autre interrogation porte sur le pilotage et la gouvernance et je souhaiterais que M. le secrétaire d'État, qui est aussi maire du Puy-en-Velay, nous dise comment il mettra concrètement cette loi en pratique et nous indique comment nous pourrons le faire dans nos bassins d'emploi respectifs.
Je répondrai brièvement à tous les intervenants.
La proposition sur l'article 3 formulée par Jean-Paul Anciaux est intéressante. Je rappelle par ailleurs que plusieurs réflexions sont en cours sur ces questions, comme celles de Françoise Guégot, de M. Sabeg ou de M. Hirsch, et qu'il faut parvenir à des synergies pour faire progresser ce texte.
Mieux vaut, Michel Issindou, examiner le texte maintenant que de le laisser dans un tiroir. La lettre de mission de juillet 2008 prévoyait un délai de six mois pour que les partenaires sociaux parviennent à un accord et nous suivons le même tempo. Du reste, si le texte n'est pas adopté rapidement, les négociations qui doivent suivre seront différées et la loi ne pourra pas entrer en application en 2010.
L'État a toute sa place dans le dispositif et il me semble que son rôle est plutôt de coordination que de centralisation, pour autant que l'on mette en place un vrai partenariat. La participation financière des différents partenaires – 42 % pour les entreprises, 28 % pour l'État, 14 % pour les régions et le solde pour Pôle emploi, les conseils généraux et autres acteurs – manifeste l'importance du rôle de l'État, qui doit, en outre, assurer une certaine équité sur l'ensemble du territoire national.
La portabilité du droit individuel à la formation, les contrats en alternance et les bilans d'étape professionnels ont été soulignés comme des points positifs et je vous en remercie.
Des oublis ont été relevés. Compte tenu notamment de l'article 40 de la Constitution, il ne nous est pas possible de réintroduire dans le texte la formation initiale différée, qui se trouvait pourtant dans l'accord de 2003 et figure à nouveau dans l'accord de 2009. Face au problème des jeunes qui « décrochent », nous devrons, à terme, assurer la continuité du parcours, quel que soit le moment où le jeune l'a quitté.
Le socle de compétences, en revanche, si nécessaire soit-il, ne relève pas vraiment de ce texte et ce problème se pose en amont de la formation professionnelle continue.
La possibilité de gravir un échelon supplémentaire, qui figurait dans l'exposé des motifs, sera réintroduite dans le texte. C'est bien le minimum qu'on puisse attendre et j'espère bien que cette loi permettra de gravir plusieurs échelons.
L'AFPA, dont l'affaiblissement a été évoqué à plusieurs reprises, est confrontée, à cause notamment de la décentralisation de 2004, à un environnement concurrentiel, qui rend nécessaire de séparer le prescripteur et le dispensateur de formations. J'espère surtout que le dispositif proposé contribuera à développer le système avec Pôle emploi. Elle est, je le répète, un excellent organisme de formation, dont nous ne devons pas nous priver.
Je tiens à saluer avec Bernard Perrut la politique globale de M. Wauquiez, qui comporte des mesures tant structurelles que conjoncturelles. Les passerelles entre les différents systèmes sont importantes et nous devons veiller à la lisibilité des parcours.
L'accompagnement de l'accès à l'emploi, qui vise à éviter la déqualification, doit être rapide et réactif et nous proposerons des amendements en ce sens.
Il n'est pas question, Roland Muzeau, de remettre en cause les missions locales, mais de nous donner des objectifs pour leur évolution, en définissant des critères de qualité.
Pour ce qui est des clauses d'insertion dans les marchés publics, nous ciblerons les catégories de marchés pour lesquelles ce mécanisme sera possible.
En matière de gouvernance, il est évident que les régions ont un rôle à jouer et le plan régional de développement des formations professionnelles reste de leur compétence. Un travail en réseau est cependant nécessaire avec l'ensemble des partenaires.
Je répondrai au cours des débats aux questions de Francis Vercamer, notamment pour ce qui concerne la portabilité du droit individuel à la formation, la préparation opérationnelle à l'emploi et l'équité territoriale – laquelle suppose le nécessaire équilibre entre tous les acteurs et partenaires, y compris les collectivités locales.
Roland Muzeau, un budget de 27 milliards est certes très important, mais ce qui compte avant tout, ce sont la cohérence et l'efficience du dispositif. Ces fonds doivent servir à accompagner jeunes et moins jeunes. L'objectif de la loi est précisément de passer de la prise en compte du statut à celle de l'individu et nous disposons des moyens d'y parvenir.
Marisol Touraine, vous relevez à juste titre le foisonnement des sigles dans le rapport – j'avais d'ailleurs songé à faire figurer un glossaire à la fin de celui-ci pour en faciliter la lecture. Le Président de la République a rappelé, lundi dernier à Versailles, que la formation était un investissement pour l'avenir. Merci de le dire vous aussi. La sécurisation des parcours professionnels est le fondement même du système et je souscris pleinement aux observations formulées en ce sens. J'espère que nous ferons progresser le système de l'orientation, dont l'opacité a été justement relevée, pour disposer à terme d'un véritable système d'information répondant aux besoins de tous. Pour ce qui concerne le droit à la formation initiale différée, les personnes contraintes de quitter un emploi, et pour lesquelles il n'existe pas de possibilité de reclassement, comme les salariés du textile dans les Vosges, doivent pouvoir, lorsqu'elles s'orientent vers des formations longues, bénéficier du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. J'ai déposé un amendement en ce sens.
L'expérimentation, que nous avons notamment appliquée aux contrats de transition professionnelle, a montré son efficacité et son intérêt, en termes tant de sécurisation financière que d'adaptation et de reclassement.
Les contrats courts ne sont pas oubliés, car l'article 9, alinéa 22, permet l'utilisation des ressources du nouveau fonds paritaire en faveur des « salariés alternant fréquemment périodes de travail et de chômage ».
Cécile Gallez a évoqué, à très juste titre, l'importance de l'apprentissage, notamment dans les fonctions publiques. Des possibilités existent dans ce domaine, malgré certaines rigidités du code de travail – mais il importe de conserver des règles strictes, en particulier pour les métiers dangereux. La validation des acquis de l'expérience est un parcours difficile, du fait notamment des délais liés à la constitution de jurys. Le texte prévoit des améliorations du fonctionnement des jurys, qui devraient permettre une réponse plus rapide et une plus grande ouverture.
Françoise Guégot a rappelé l'intérêt du texte en matière d'orientation et nous attendons ses conclusions pour enrichir ce débat. La concertation entre l'État et les régions ne procède pas, selon moi, d'une recentralisation de la part de l'État. Le succès tient à l'ensemble que constituent l'État, les réseaux, les collectivités – régions et conseils généraux – et les partenaires sociaux.
Monique Iborra, il me semble que nous sommes tous d'accord sur le diagnostic. Je ne souscris pas, en revanche, à votre analyse selon laquelle une recentralisation serait à l'oeuvre. Par ailleurs, je suis convaincu que c'est par erreur que vous avez suggéré que Pôle emploi, qui est seulement prescripteur, dispensait de la formation.
Le rapport Ferracci, loin d'avoir été inutile, a fourni nombre d'éléments de la négociation sociale et du texte que nous examinons. L'initiative des régions pour la formation des personnes au chômage partiel est une bonne expérimentation. En revanche, peut-être l'État a-t-il un rôle régulateur à jouer face à l'inégalité qui existe entre les territoires.
La stratégie qui sous-tend ce texte, Jean-Patrick Gille, consiste à passer, en matière de formation professionnelle, de la prise en compte du statut à celle de l'individu. Savoir si l'accord national a été bien ou mal transcrite est une question qui a donné lieu à des jugements contrastés. Le texte est consacré à la formation professionnelle et n'est pas seulement destiné à répondre à la crise, après laquelle il a vocation à continuer à s'appliquer. Nous aurons certainement à le faire évoluer en fonction de la situation.
Dominique Tian, sans doute vouliez-vous évoquer les contrats de professionnalisation, d'une durée plus courte que les contrats d'apprentissage, mais il me semble que les dérogations permettant de conclure des contrats de 24 mois devraient répondre aux besoins des entreprises – sauf peut-être dans certains secteurs. En outre, une fois le salarié entré dans l'entreprise, d'autres mesures permettent d'accompagner sa formation ultérieure.
La séance est levée à vingt heures cinq.