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La séance

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Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

L'audition commence à dix-huit heures.

La Commission d'enquête entend M. Roger Karoutchi, président de la commission des Finances, et de M. François Kalfon, président de la commission des Transports du conseil régional d'Île-de-France.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Messieurs les présidents, votre audition doit permettre à la commission d'enquête de recueillir vos points de vue sur les sujets qui l'intéressent plus particulièrement et de compléter, s'il en est besoin, l'intervention précédente.

Depuis la réforme de 2005, le Syndicat de transports d'Île-de-France (STIF) a l'entière responsabilité de l'organisation des transports publics en Île-de-France. Encore faut-il que l'État assume sa participation financière à la hauteur des besoins. À cet égard, quelles conclusions tirez-vous de la mise en oeuvre du plan de mobilisation des transports défini par la région en juin 2008 ? De quelle part le RER a-t-il pu bénéficier dans ce cadre pour sa remise à niveau et sa « désaturation » ? Comment vous semble-t-il possible d'améliorer l'évaluation du coût des investissements dans les domaines des infrastructures et des matériels roulants ?

Sur un autre thème, pensez-vous que le STIF devrait augmenter le montant maximal des bonus et malus prévus dans les contrats et accroître la pondération des indicateurs liés à la qualité du service effectivement rendu au public ?

Les conditions de transport vont être améliorées, avec notamment la mise en place des nouvelles lignes à deux étages du type « MI 09 ». Cette solution vous semble-t-elle adaptée au problème de saturation de la ligne A du RER ?

Quels sont, par ailleurs, les projets en cours qui vous semblent prioritaires ?

Ne vous semble-t-il pas, enfin, que le STIF devrait procéder de façon plus systématique à l'évaluation des grands projets d'infrastructures, c'est-à-dire entre trois et cinq ans après leur mise en oeuvre ?

Je vous rappelle, pour conclure cette introduction, que vous déposez dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je demande donc à chacun d'entre vous de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Roger Karoutchi et M. François Kalfon prêtent serment.

PermalienRoger Karoutchi

président de la commission des Finances du conseil régional d'Île-de-France. Les transports publics en Île-de-France représentent un problème constant et permanent.

Depuis que le STIF, longtemps sous la présidence du préfet de région, a été transféré à la région, en 2005, la situation est plus compliquée. Au début des années 2000, j'interpellais déjà la SNCF et la RATP sur leurs responsabilités, d'autant plus grandes que ces deux entreprises publiques et, il faut bien le dire, l'État s'étaient longtemps désintéressés de l'Île-de-France. Durant des années, l'argent des contribuables franciliens a été consacré au TGV ou à des services de recherche de la RATP chargés d'obtenir des contrats en Amérique latine ou encore en Asie, au détriment des investissements nécessaires pour les infrastructures – au point que l'amortissement même du matériel roulant de la SNCF était transféré sur la province, au profit des lignes TGV ou TER. L'Île-de-France a conservé les fameux « petits gris », des trains qui ont désormais quarante ans, et possède des infrastructures usées, qui, elles aussi, remontent à plus de trente ou quarante ans et n'ont été ni rénovées, ni modernisées, ni actualisées entre 1990 et 2004 – ce qui place la droite et la gauche à responsabilité égale. En 2004, le président de la SNCF déclarait lui-même lors d'une audition qu'il n'y avait pas eu d'investissement de la SNCF sur les infrastructures ferroviaires d'Île-de-France depuis dix ans.

L'effort n'est pas nul pour autant. J'ai du reste voté et fait voter le transfert de la compétence à la région, car il vaut mieux que le budget, le contrôle et les travaux soient assumés par des élus responsables.

Entre 1997 et 2005, rien n'a été fait sur le RER A : on s'est contenté d'enregistrer, d'année en année, la hausse de fréquentation – passée de 500 000 voyageurs par jour au début des années 1990 à 1 million, puis 1,1 million – sans modifier les infrastructures. Pis encore, on a commis l'erreur monumentale d'allonger les lignes indéfiniment sans pour autant prévoir de centres de retournement intermédiaires, qu'on aurait pourtant pu prévoir en souterrain à Paris sur certaines portions : sur toutes les lignes, un accident a pour effet de bloquer toute la ligne ! Or, on compte aujourd'hui près de 4 millions d'usagers chaque jour sur l'ensemble des lignes du RER.

En 2003, j'interpellais la RATP et la SNCF en montrant qu'il était irresponsable et coûteux de ne pas mettre en place une gestion unifiée du RER en Île-de-France. Il a fallu quatre ans pour faire comprendre qu'il était aberrant d'arrêter le RER à la gare du Nord pour procéder à un changement d'équipe entre la SNCF et la RATP. Les technostructures des deux entreprises ont du reste trouvé mille bonnes raisons pour se renvoyer mutuellement la responsabilité. Dans un centre de surveillance de la RATP que je visitais, on m'a répondu que la coordination avec le centre de surveillance de la SNCF se faisait en échangeant des coups de téléphone – c'était « farcesque » ! Voilà où l'on en était lorsque les incidents lourds survenus à La Défense ont fini par entraîner une réaction, faisant apparaître – miracle ! – l'utilité d'un centre de surveillance commun sur l'ensemble d'une ligne RER. Sur certaines lignes de la SNCF, il est impossible de faire circuler les rames les plus anciennes de la RATP, de sorte que l'interaction est impossible. De même, les lignes RER sont toutes saturées.

Depuis le transfert du STIF à la région, en 2005, certains schémas directeurs ont été adoptés – celui de la ligne A ne le sera cependant que dans les mois prochains – et des travaux sont prévus dans certaines gares, mais on est encore loin du compte. Il n'y a pas assez d'argent sur la table, mais y en aurait-il que l'on ne pourrait pas pour autant rattraper rapidement quinze ans de retard dans les investissements. En effet, les infrastructures sont usées et le matériel à bout de souffle : il faudrait tout remplacer d'un coup et, au-delà des questions financières, les entreprises partenaires ne sont pas en mesure de fournir le matériel à un rythme soutenu, tandis que la rénovation des infrastructures ne peut se faire que la nuit.

Des mesures sont prises et les travaux démarrent, mais l'argent manque et les projets sont le plus souvent sous-évalués. Ainsi, tous les travaux entamés depuis dix ans connaissent des surcoûts représentant de 20% à 40% du montant des programmes, du fait de la concurrence à laquelle se livrent la SNCF et la RATP pour obtenir les contrats de la région et qui les pousse à sous-évaluer leurs projets. Ce problème s'atténue cependant depuis que le STIF a pris l'initiative de procéder lui-même à certaines évaluations.

Je continue de penser que la coexistence en Île-de-France de deux entreprises de transport public est une erreur et je suis favorable, depuis des années, à la création par la RATP et la SNCF d'une entreprise unifiée de transports publics dans cette région. Alors que la rareté de l'argent public plaide pour l'unification, les deux entreprises se font aujourd'hui concurrence sur des lignes parallèles. À Nanterre-Préfecture, par exemple, on trouve de part et d'autre du même quai le RER et le train. De même, alors que le projet Métrophérique de la RATP – devenu depuis lors le projet du Grand Paris modifié – couvrait huit à dix kilomètres autour de Paris, il existait un projet de la SCNF couvrant un rayon de quinze kilomètres et les deux entreprises ont consacré parallèlement d'importants moyens aux études relatives à ces projets et à l'obtention de l'accord des pouvoirs publics ou du STIF. Si l'on veut unifier les matériels pour réduire les coûts, uniformiser la gestion et la sécurité et disposer de services plus opérationnels, pourquoi ne pas adopter une gestion unifiée des RER ? Le tronçonnage de lignes entre les deux entreprises n'a pas de sens. Il faut opter pour une répartition par lignes entières ou pour une gestion unifiée de l'ensemble du système du RER. La concurrence qui prévaut aujourd'hui est coûteuse. Il convient d'y mettre un terme.

Les élus – quelle que soit leur orientation politique – portent cependant une part de responsabilité dans cette situation, car tout maire d'une commune tant soit peu éloignée de Paris veut qu'elle soit desservie par le RER, ce qui pousse à prolonger les lignes à l'excès. Lorsqu'une ligne est longue de plus de 150 kilomètres et ne comporte pas de pôle de retournement, il est inévitable que le moindre accident ralentisse l'ensemble des trains. Le niveau d'irrégularité est anormal – il était de 5% voilà moins de dix ans et atteint aujourd'hui au moins 20% selon les chiffres officiels de la SNCF et de la RATP, voire 50% selon le « ressenti » des usagers.

Par ailleurs, comment la saturation du réseau diminuerait-elle, dès lors que les logements sont à l'Est et les activités à l'Ouest ? L'élu des Hauts-de-Seine que je suis ne voit certes aucun mal à ce que le pôle de La Défense continue de se développer – car ce n'est pas en tuant les moteurs qu'on créera de l'activité, mais en créant d'autres moteurs. Ce développement va cependant continuer à attirer des actifs de l'Est, accentuant la saturation. L'automatisation de la ligne 1 et la prolongation d'Éole jusqu'à La Défense afin d'alléger la charge du RER A sont peut-être des solutions. Toutefois, ce dernier projet ne verra le jour qu'à l'horizon 2020. Le dédoublement de la ligne 1 a été envisagé, mais le coût en serait colossal. Quant au tunnel entre Châtelet-Les-Halles et Gare du Nord, le Syndicat des transports parisiens (STP) – devenu depuis le STIF –, que j'ai interpellé à ce sujet voilà des années, m'a répondu qu'il était impossible. Il a fallu qu'un chef de ligne du RER me révèle qu'on m'avait menti et que le projet, bien que coûteux, était réalisable, pour qu'on en arrive à lancer des études. Si l'on veut plus de régularité sur les lignes B et D, il faudra bien dédoubler ce goulot d'étranglement.

La collectivité régionale, le STIF et les entreprises consacrent aujourd'hui plus d'argent à l'Île-de-France qu'elle n'en a reçu entre 1990 et 2005. Le processus sera cependant très long. Pour le seul RER A, une première tranche est prévue jusqu'à 2014 et une deuxième jusqu'à 2017, et il faudra au moins dix à douze ans pour disposer de matériels modernes et performants sur les autres lignes. Aura-t-on les moyens de poursuivre régulièrement l'investissement sur une telle durée ?

Le plan d'urgence – que j'ai voté – est cher et ce ne sont certainement pas les ressources dont dispose aujourd'hui la région qui permettent de le financer. Les 250 millions d'euros par an que pourrait dégager, au maximum, l'augmentation du versement transport (VT) serait loin de couvrir les 500 à 600 millions d'euros supplémentaires qui seraient nécessaires chaque année pour maintenir le système. Il est certes légitime, compte tenu de l'insatisfaction des usagers, de vouloir moderniser l'existant, mais on ne prévoit pas suffisamment la suite. Face à l'accroissement des déplacements et à la politique de Paris et de la région visant à dissuader le recours à la voiture, la « double boucle » prévue au titre du Grand Paris ne suffit pas. Il faut consacrer beaucoup plus de moyens aux transports publics.

J'ai déjà proposé, à plusieurs reprises, que la région se concentre sur ses activités essentielles, notamment sur les transports publics – ce qui supposerait qu'elle abandonne certaines de ses autres politiques, économisant ainsi 200 ou 300 millions d'euros. Une politique globale d'aménagement du territoire est nécessaire, englobant les routes et les voies ferrées et définissant la répartition du financement entre les entreprises, les collectivités et l'État. Actuellement, les tables rondes ne sont ni cohérentes, ni suffisantes : on limite le désastre, mais on ne l'empêchera pas. Faute de mettre en place d'ici trois ou quatre ans une entreprise unifiée et une politique conventionnelle avec l'État beaucoup plus lourde et plus responsabilisée, les mêmes problèmes se poseront à nouveau.

Je le répète, je suis très inquiet face à l'état des transports publics. Nous avons pris quinze ans de retard. Nous sommes incapables de rattraper ce retard d'un coup ! Les usagers sont exaspérés. Ils ne comprendront pas que, tout en montrant qu'on a pris en considération leur exaspération, on n'ait pas de solution plus rapide.

PermalienFrançois Kalfon

président de la commission des Transports du conseil régional d'Île-de-France. Je pourrais souscrire à bon nombre des propos tenus par M. Karoutchi. Je tiens en outre à remercier la Représentation nationale d'avoir mis en place cette commission d'enquête car, pour changer la donne des transports publics en Île-de-France, il faut intégrer les citoyens dans la concertation, et non pas seulement « les professionnels de la concertation » qui participent d'ailleurs aux comités de ligne. Cela s'inscrit dans le cadre d'une réelle démocratie participative.

Il faut également intégrer les élus locaux et régionaux dans ce qui s'apparente à un véritable combat contre une technostructure qui dispose des meilleurs ingénieurs au monde dans les domaine des transports et a construit des digues de compétence pour éviter de s'adresser à la représentation démocratique. C'est là une réalité que, jeune président de la commission en charge des transports, j'ai vécue à tous les niveaux et avec toutes les entreprises. Les ingénieurs des Ponts issus des mêmes promotions ont une capacité fantastique « à promener les élus » qui les interrogent. Le dossier du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord a, en la matière, été mon « bizutage » : les mêmes personnes m'ont expliqué au début de mon mandat que ce projet n'était ni réalisable, ni même intéressant, car il coûterait plusieurs milliards d'euros, et que le problème pouvait être résolu par un nouveau système d'exploitation, puis l'ont inscrit, sous la pression démocratique, parmi les projets à considérer indispensables et devant faire l'objet d'études.

Il faut donc, pour faire avancer le chantier des transports publics, maintenir une pression démocratique constante, et cela d'autant plus que, compte tenu des investissements nécessaires, la sécurisation des financements est un sujet en soi. Le financement du plan de mobilisation des transports représente environ 18 milliards d'euros avant les dépassements de budget évoqués par M. Karoutchi et le financement du réseau du Grand Paris Express est quant à lui de l'ordre de 22 ou 23 milliards d'euros. Voilà, à horizon de quinze ou vingt ans, des ordres de grandeur dont il vous faut tenir compte en votant le budget de la Nation. Il faut également prévoir des réserves de précaution – sans parler du désendettement massif auquel devra procéder le prochain président de la République, quel qu'il soit.

Un paradoxe de la lutte entre la RATP et la SNCF est la « complexification à outrance » de la gouvernance et de l'exploitation des transports en Île-de-France. De fait, la Société du Grand Paris (SGP) ajoute un échelon de gouvernance supplémentaire à un système dont la complexité n'a déjà pas d'équivalent dans les autres régions. La répartition des maîtrises d'ouvrage entre le STIF, la SGP et le réseau du Grand Paris Express tourne souvent « à la discussion de marchands de tapis » et le monstre technocratique que nous voyons sortir de terre est impressionnant !

La capacité à débiter les travaux pose également problème. La France a anticipé la séparation demandée par une directive européenne entre la gestion de l'infrastructure ferroviaire et son exploitation. Elle a créé avec Réseau ferré de France (RFF) une sorte de consortium de la dette. De fait, RFF s'apparente plus à une banque d'investissement qu'à une entreprise, comme je le croyais naïvement, car elle facture des travaux aux cheminots de la SNCF, tandis que les ingénieurs restés à la SNCF reprochent à RFF ses retards et son incapacité à débiter les travaux. À la suite de la mise en place des schémas directeurs et de la convention « Transports » entre l'État et la région la commission des transports du conseil régional, suivie par le préfet de région et le président de région, s'est portée, à l'unanimité, candidate pour suivre concrètement l'avancement des travaux, faisant en cela peut être doublon avec le STIF, mais le rapport entre ce que nous pouvons dépenser en une année et les travaux que la SNCF et RFF peuvent réaliser est de 1 à 5.

Si bénéfique soit-elle, la pression politique n'est cependant saine que jusqu'à un certain point et il faut se garder des foucades. Élu de Noisiel, je ne peux que me réjouir de la mise en service de la rame à deux étages MI09, qui permet une montée et une descente rapides, mais on ne peut augmenter à l'infini le nombre de trains circulant sur la ligne et la mise en place du MI09, décidée très vite par le président de la République, a remis en cause un matériel existant sur la ligne A du RER, utilisable encore pendant quinze ans et dont on ne sait plus quoi faire. Quant au Francilien, que sa mise en place accélérée n'a pas laissé le temps de « déverminer », le matériel a dû être retiré et ce dysfonctionnement est à imputer, cette fois, aux élus.

Autre dysfonctionnement : la SNCF et la RATP se livrent une véritable guerre sur fond d'ingénierie et de développement international et nous sommes soumis de la part des deux entreprises à un lobbying intensif opposant le futur système d'exploitation de la SNCF – NExT – et le système d'exploitation actuel de la RATP, dont une version « 2.0 » sortira prochainement. Cette guerre pourrait coûter plusieurs milliards d'euros.

On constate dans les deux entreprises, et plus particulièrement à la RATP, une absence de séparation comptable des contrats conclus avec la puissance publique qui permet, par un jeu de substitution, de remporter des marchés à l'international. Il y a une réelle hypocrisie dans cette fusion des ingénieries et les entreprises savent jouer du dialogue social dans les entreprises pour refuser, notamment sur les lignes TZen, l'ouverture aux appels d'offre, en faisant monter au créneau les administrateurs de l'entreprise représentant les salariés tout en demandant par ailleurs de se soustraire à ces règles pour ce qui concerne l'exécution des contrats et la transparence des règles comptables liant l'opérateur à l'organisateur de transport.

En matière de bonus et de malus, les discussions entre le STIF et la RATP sont « surréalistes » ! Lorsqu'on met la pression sur les contrats, l'entreprise concernée annonce d'emblée qu'elle en internalisera les coûts par avance. Il est donc assurément souhaitable, monsieur le président Daniel Goldberg, de faire peser une plus grande pression démocratique pour l'exécution des contrats, mais les moyens technocratiques de s'y soustraire sont innombrables.

Sur le terrain, notamment dans les services de maintenance de la RATP en Seine-Saint-Denis, on m'a cependant expliqué le caractère vertueux des contrats pour la maintenance de divers éléments, comme les ascenseurs. Il importe donc de trouver un juste chemin entre des contrats, qui sont souvent un marché de dupes, et l'intégration d'une culture de la performance réellement ressentie comme une pression saine de la part de certains opérateurs.

PermalienRoger Karoutchi

Nous ne sommes pas en guerre avec la RATP et la SNCF, mais le fonctionnement des transports publics en Île-de-France, qui était encore normal voilà une vingtaine d'années, ne l'est plus du tout et il se pose un vrai problème de gestion.

Quant aux bonus et malus, puisqu'il s'agit ici d'entreprises publiques, ils sont payés au bout du compte par l'usager ou par les collectivités sous forme de subventions d'équilibre. Qu'on augmente les malus ou bien qu'on les réduise, c'est vous qui paierez !

PermalienPhoto de Pierre Morange

Merci Messieurs pour ce langage de vérité. Il importe effectivement de mettre les usagers au centre du système, dans un cadre démocratique, car ils sont le meilleur aiguillon pour la rationalisation des moyens.

Dans la perspective d'un transporteur unique pour l'Île-de-France, suggérée par M. Karoutchi, et compte tenu du fait que les lignes C, D, E du RER sont exploitées par la seule SNCF, l'attribution des lignes A et B vous semblerait-il être une première étape raisonnable ?

Par ailleurs, le STIF possède-t-il les capacités nécessaires pour procéder aux évaluations et au suivi ou faut-il, comme l'envisage la Cour des comptes, faire appel à une expertise extérieure, éventuellement étrangère ?

Enfin, quelles réflexions vous inspire le fait, également souligné par la Cour des comptes, que la participation financière versée par les usagers franciliens soit inférieure à la moyenne européenne ?

PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Je souscris à l'idée d'une unicité de gestion des lignes A et B.

Monsieur Kalfon, à l'horizon 2000-2025, le Grand Paris sera réalisé et nous disposerons de rocades. L'interconnexion connaît aujourd'hui des limites. Au lieu d'un tunnel, ne pourrait-on pas revenir à des solutions « robustes » qui économiseraient des coûts de l'ordre de 2 à 4 milliards d'euros.

Il manque, par ailleurs, une expertise technique et financière indépendante, portant aussi bien sur l'ingénierie et sur les contrôles financiers des coûts et de l'exécution.

Quelle est, en outre, la part consacrée au RER dans l'investissement de la région ?

Quant aux relations interrégionales, il est étonnant que la région cofinance sans contrepartie les études et les travaux de la liaison entre la Picardie et Roissy, alors que nombre d'habitants de la Picardie sont des Franciliens exilés par la difficulté de se loger. L'arrêt de TER dans la Grande couronne serait une compensation appropriée des cofinancements.

PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Que pensez-vous du projet de modification ou de disparition du zonage de la carte Navigo ? Dans ma commune, située sur les zones 3 et 4, la facture de transport des usagers peut sensiblement varier, selon la gare qu'ils utilisent.

Il semble du reste que la Cour des comptes elle-même, dont certains de ses membres siègent ou ont pourtant siégé dans les conseils d'administration de la RATP et de la SNCF, ait des difficultés à avoir accès aux contrats. La gouvernance de ces entreprises est assez atypique dans un pays démocratique.

Par ailleurs, la lutte contre la fraude ne serait-elle pas une manière de faire rentrer de l'argent permettant la modernisation des transports ?

Enfin, vous avez évoqué le fait que les retournements n'aient pas été prévus. De fait, il s'en est fallu de peu que ce soit le cas sur la ligne T4 entre Bondy Aulnay et les élus ont obtenu avec difficulté l'installation d'une « baïonnette » à Livry Gargan.

PermalienPhoto de François Pupponi

Combien de temps faut-il pour réaliser le tunnel entre Châtelet et Gare du Nord et quel en sera le coût ?

PermalienFrançois Kalfon

La robustesse du système de transports dépend aussi des choix d'aménagement qui sont faits. Le fonctionnement est encore nucléaire, organisé autour du noyau de la capitale, et j'espère que le fonctionnement en rocade permettra une désaturation. Les aménageurs privilégient la ville dense au détriment de la Grande couronne et, dans les schémas d'aménagement, ne pensent pas de façon robuste les relations de pôle à pôle. Le réseau du Grand Paris Express ne répond que partiellement à cette préoccupation. Si la Cité Descartes, qui est le pôle des aménageurs et qui comporte l'École des Ponts, n'a pas été oubliée, les liens entre Sénart, Orly, Marne-la-Vallée et Roissy n'intéressent pas les aménageurs. Une ligne de contournement TGV, qui existe déjà, ne coûterait rien, mais il m'a fallu déployer de grands efforts pour obtenir que l'on procède à des études pour utiliser l'existant.

La Grande couronne est le parent pauvre de l'Île-de-France. Sans entrer dans un débat relatif à la suppression des zones de tarification, il me semble que la modernité est du côté des unités de transport : face à la vision très nucléaire qu'expriment les zones, il conviendrait que le paiement se fasse au temps de déplacement. Le « dézonage » procède d'une vision dans laquelle les déplacements se font entre la banlieue et le coeur d'agglomération, et non d'une vision moderne des bassins de vie – Marne-la-Vallée et Roissy sont ainsi, La Défense mise à part, les deux principaux pôles d'activité d'Île-de-France.

En matière d'évaluation des politiques publiques de transport, l'endogamie me paraît malsaine. Cependant, bien que la Cour des comptes suggère le recours à de grands cabinets d'audit, je tiens, pour avoir été naguère chef de bureau dans l'administration centrale, à mettre en garde contre l'évaluation « lolfienne » permanente, qui a enrichi certains de ces cabinets sans assurer pour autant des gains d'efficience. La manière dont les crédits du Fonds social européen (FSE) sont dépensés me semble un assez bon exemple en la matière !

Pour ce qui est du financement, les Franciliens ne paient pas encore le transport au prix qui conviendrait. Compte tenu de la qualité de transport, on paie trop cher en Grande couronne et sans doute pas assez en coeur d'agglomération. La solution est une plus grande relation entre le prix payé et le type de déplacement : il faudrait adopter l'« unité transport », qui suppose de pouvoir enregistrer le transport à l'entrée et à la sortie. Un tel système est faisable et une grande collectivité locale du sud de la France propose déjà de le mettre en oeuvre au moyen des smartphones.

Les coupures de ligne semblent être une solution évidente – je pense notamment à la ligne D du RER, dont le développement en Essonne et Seine-et-Marne multiplie les risques d'exploitation.

La coopération interrégionale renvoie aux questions de gouvernance de la SNCF, de la RATP et du STIF. L'organisation du transport entre Melun et une ville du Loiret ou de l'Yonne distante de 45 kilomètres ou la dynamique des « turbo-cadres » – Tours, Reims ou Le Mans sont moins loin de Paris par TGV que Melun par le RER D – ne sont pas traitées, car elles relèvent de personnes différentes au sein de la SNCF. Il s'agit pourtant d'un problème central. Je n'imagine pas que le STIF puisse prendre en charge prochainement la tarification des TGV pour les trajets de moins d'une heure, mais on peut rêver.

Pour ce qui concerne les contrats, même s'il est possible d'y avoir accès, la complexité technique de leur contenu fait que nous ne sommes pas outillés pour véritablement peser dans la négociation. Cela a cependant été parfois possible dans le cadre du STIF.

Pour conclure sur une note positive : il a fallu vingt ans pour faire admettre ce principe, mais la nouvelle ligne du RER E, l'extension d'Éole à l'Est, recourt désormais à la rupture de charge.

PermalienRoger Karoutchi

Je reste sceptique quant à l'opportunité d'une répartition des lignes du RER entre opérateurs. Une gestion unifiée me semble préférable. A cet égard, un accord me semble à tout le moins un préalable nécessaire. La RATP ferait mieux de se concentrer sur Paris et la proche banlieue, de sorte que la gestion unifiée du RER gagnerait peut-être à dépendre plutôt de la SNCF.

À ce propos, nous avons eu durant des années de grandes difficultés à obtenir de la SNCF le budget propre à l'Île-de-France, que l'entreprise a longtemps refusé de distinguer de son budget global. Si, dans le dossier qu'il nous a transmis, le président de la SNCF interprète comme un signe positif le fait que la totalité de l'amortissement en Île-de-France et des paiements à RFF restent désormais dans la région, cela signifie que, jusqu'à présent, l'argent allait ailleurs !

Pour ce qui est de la contribution des usagers, tout débat à l'Assemblée nationale ou au Sénat sur le versement transport (VT) donnera lieu à une lutte avec les provinciaux, qui ne voudront pas payer pour les transports des Franciliens. En réalité, la province ne paierait rien, car l'augmentation du versement transport serait financée par les entreprises franciliennes.

Au demeurant, l'Île-de-France ne saurait être comparée avec les autres régions. Les Franciliens paient déjà assez en fatigue, en usure et au travers d'un éloignement lié à l'impossibilité de se loger au coeur de l'agglomération : on ne peut séparer le transport des autres aspects de la vie quotidienne, comme le logement. Compte tenu en outre de la qualité du service, des trains et des réseaux, la vie quotidienne en Île-de-France ne se compare pas avec la vie en province. Dans ces conditions, il serait « cocasse » de devoir payer davantage. Je suis hostile à toute gratuité des transports, mais la réflexion dans ce domaine doit s'inscrire dans un raisonnement global.

Les missions d'expertise et les services d'analyse du STIF, bien que renforcés, restent faibles. Ils n'atteignent sans doute pas le dixième de ce dont disposent la RATP et la SNCF en la matière, de telle sorte que nous restons très dépendants des services d'analyse et de contrôle des deux entreprises. Quant à recourir à un système externe, il conviendrait d'abord d'en étudier soigneusement le coût.

Le STIF a un budget de 7 milliards d'euros et reçoit environ 600 millions d'euros de contributions de la région, indépendamment de celles de l'État. Bien que je fasse partie de ceux qui préconisent de supprimer certains financements de la région pour lui permettre de consacrer davantage aux transports publics, les sommes qu'elle consacre à ce poste sont déjà conséquentes.

La liaison avec les régions proches est depuis toujours un scandale permanent. La SNCF nous fait payer la desserte des villes périphériques à l'Île-de-France, les régions voisines refusant de payer au motif que l'essentiel de la ligne se situe en Île-de-France et que, somme toute, c'est cette dernière qui bénéficie du travail de leurs actifs.

Ayant été promoteur jadis de la Carte Orange à tarif unique, je reste partisan d'une réforme du Pass Navigo qui simplifierait le système inadapté des zones. Cependant, je ne souscris pas au vote par lequel la région prévoit la mise en place, au 1er janvier 2013, d'une contribution qu'elle ne peut pas financer et pour laquelle elle sollicite du Parlement l'augmentation du versement transport. Le dispositif envisagé est, je le répète, une solution à terme, mais le financement doit être bien étudié.

Le problème de l'accès aux contrats a déjà été évoqué. Quant aux fraudes, elles représentent, selon les analyses, entre 2% et 5% du total. Le renforcement de la lutte contre la fraude est l'un des objectifs de la RATP et de la SNCF, mais je ne suis pas certain qu'elle soit encore très efficace.

La question du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord est liée au fait que, comme je l'ai déjà souligné, il n'a pas été prévu de zones de retournement pour les trains dans Paris et qu'il serait aujourd'hui aussi coûteux d'en créer que de dédoubler le tunnel existant : il faut donc faire ce tunnel, qui permettra au moins de fluidifier les lignes B et D du RER.

PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Messieurs les présidents, je vous remercie de vos analyses concrètes et directes

PermalienPhoto de Pierre Morange

Je rappelle qu'une commission d'enquête dispose de pouvoirs spécifiques, notamment de contrôle sur pièces et sur place. Je pourrais donc, le cas échéant, être en mesure d'obtenir, en ma qualité de rapporteur, des documents budgétaires que la région aurait demandés sans succès.

L'audition se termine à dix-neuf heures cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France

Réunion du mercredi 25 janvier 2012 à 18 heures

Présents. - M. Jacques Alain Bénisti, Mme Françoise Briand, M. Olivier Dosne, M. Gérard Gaudron, M. Daniel Goldberg, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Pierre Morange, M. Yanick Paternotte, M. Axel Poniatowski, M. François Pupponi