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Intervention de François Kalfon

Réunion du 25 janvier 2012 à 17h00
Commission d'enquête relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-france

François Kalfon :

président de la commission des Transports du conseil régional d'Île-de-France. Je pourrais souscrire à bon nombre des propos tenus par M. Karoutchi. Je tiens en outre à remercier la Représentation nationale d'avoir mis en place cette commission d'enquête car, pour changer la donne des transports publics en Île-de-France, il faut intégrer les citoyens dans la concertation, et non pas seulement « les professionnels de la concertation » qui participent d'ailleurs aux comités de ligne. Cela s'inscrit dans le cadre d'une réelle démocratie participative.

Il faut également intégrer les élus locaux et régionaux dans ce qui s'apparente à un véritable combat contre une technostructure qui dispose des meilleurs ingénieurs au monde dans les domaine des transports et a construit des digues de compétence pour éviter de s'adresser à la représentation démocratique. C'est là une réalité que, jeune président de la commission en charge des transports, j'ai vécue à tous les niveaux et avec toutes les entreprises. Les ingénieurs des Ponts issus des mêmes promotions ont une capacité fantastique « à promener les élus » qui les interrogent. Le dossier du tunnel entre Châtelet et Gare du Nord a, en la matière, été mon « bizutage » : les mêmes personnes m'ont expliqué au début de mon mandat que ce projet n'était ni réalisable, ni même intéressant, car il coûterait plusieurs milliards d'euros, et que le problème pouvait être résolu par un nouveau système d'exploitation, puis l'ont inscrit, sous la pression démocratique, parmi les projets à considérer indispensables et devant faire l'objet d'études.

Il faut donc, pour faire avancer le chantier des transports publics, maintenir une pression démocratique constante, et cela d'autant plus que, compte tenu des investissements nécessaires, la sécurisation des financements est un sujet en soi. Le financement du plan de mobilisation des transports représente environ 18 milliards d'euros avant les dépassements de budget évoqués par M. Karoutchi et le financement du réseau du Grand Paris Express est quant à lui de l'ordre de 22 ou 23 milliards d'euros. Voilà, à horizon de quinze ou vingt ans, des ordres de grandeur dont il vous faut tenir compte en votant le budget de la Nation. Il faut également prévoir des réserves de précaution – sans parler du désendettement massif auquel devra procéder le prochain président de la République, quel qu'il soit.

Un paradoxe de la lutte entre la RATP et la SNCF est la « complexification à outrance » de la gouvernance et de l'exploitation des transports en Île-de-France. De fait, la Société du Grand Paris (SGP) ajoute un échelon de gouvernance supplémentaire à un système dont la complexité n'a déjà pas d'équivalent dans les autres régions. La répartition des maîtrises d'ouvrage entre le STIF, la SGP et le réseau du Grand Paris Express tourne souvent « à la discussion de marchands de tapis » et le monstre technocratique que nous voyons sortir de terre est impressionnant !

La capacité à débiter les travaux pose également problème. La France a anticipé la séparation demandée par une directive européenne entre la gestion de l'infrastructure ferroviaire et son exploitation. Elle a créé avec Réseau ferré de France (RFF) une sorte de consortium de la dette. De fait, RFF s'apparente plus à une banque d'investissement qu'à une entreprise, comme je le croyais naïvement, car elle facture des travaux aux cheminots de la SNCF, tandis que les ingénieurs restés à la SNCF reprochent à RFF ses retards et son incapacité à débiter les travaux. À la suite de la mise en place des schémas directeurs et de la convention « Transports » entre l'État et la région la commission des transports du conseil régional, suivie par le préfet de région et le président de région, s'est portée, à l'unanimité, candidate pour suivre concrètement l'avancement des travaux, faisant en cela peut être doublon avec le STIF, mais le rapport entre ce que nous pouvons dépenser en une année et les travaux que la SNCF et RFF peuvent réaliser est de 1 à 5.

Si bénéfique soit-elle, la pression politique n'est cependant saine que jusqu'à un certain point et il faut se garder des foucades. Élu de Noisiel, je ne peux que me réjouir de la mise en service de la rame à deux étages MI09, qui permet une montée et une descente rapides, mais on ne peut augmenter à l'infini le nombre de trains circulant sur la ligne et la mise en place du MI09, décidée très vite par le président de la République, a remis en cause un matériel existant sur la ligne A du RER, utilisable encore pendant quinze ans et dont on ne sait plus quoi faire. Quant au Francilien, que sa mise en place accélérée n'a pas laissé le temps de « déverminer », le matériel a dû être retiré et ce dysfonctionnement est à imputer, cette fois, aux élus.

Autre dysfonctionnement : la SNCF et la RATP se livrent une véritable guerre sur fond d'ingénierie et de développement international et nous sommes soumis de la part des deux entreprises à un lobbying intensif opposant le futur système d'exploitation de la SNCF – NExT – et le système d'exploitation actuel de la RATP, dont une version « 2.0 » sortira prochainement. Cette guerre pourrait coûter plusieurs milliards d'euros.

On constate dans les deux entreprises, et plus particulièrement à la RATP, une absence de séparation comptable des contrats conclus avec la puissance publique qui permet, par un jeu de substitution, de remporter des marchés à l'international. Il y a une réelle hypocrisie dans cette fusion des ingénieries et les entreprises savent jouer du dialogue social dans les entreprises pour refuser, notamment sur les lignes TZen, l'ouverture aux appels d'offre, en faisant monter au créneau les administrateurs de l'entreprise représentant les salariés tout en demandant par ailleurs de se soustraire à ces règles pour ce qui concerne l'exécution des contrats et la transparence des règles comptables liant l'opérateur à l'organisateur de transport.

En matière de bonus et de malus, les discussions entre le STIF et la RATP sont « surréalistes » ! Lorsqu'on met la pression sur les contrats, l'entreprise concernée annonce d'emblée qu'elle en internalisera les coûts par avance. Il est donc assurément souhaitable, monsieur le président Daniel Goldberg, de faire peser une plus grande pression démocratique pour l'exécution des contrats, mais les moyens technocratiques de s'y soustraire sont innombrables.

Sur le terrain, notamment dans les services de maintenance de la RATP en Seine-Saint-Denis, on m'a cependant expliqué le caractère vertueux des contrats pour la maintenance de divers éléments, comme les ascenseurs. Il importe donc de trouver un juste chemin entre des contrats, qui sont souvent un marché de dupes, et l'intégration d'une culture de la performance réellement ressentie comme une pression saine de la part de certains opérateurs.

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