La robustesse du système de transports dépend aussi des choix d'aménagement qui sont faits. Le fonctionnement est encore nucléaire, organisé autour du noyau de la capitale, et j'espère que le fonctionnement en rocade permettra une désaturation. Les aménageurs privilégient la ville dense au détriment de la Grande couronne et, dans les schémas d'aménagement, ne pensent pas de façon robuste les relations de pôle à pôle. Le réseau du Grand Paris Express ne répond que partiellement à cette préoccupation. Si la Cité Descartes, qui est le pôle des aménageurs et qui comporte l'École des Ponts, n'a pas été oubliée, les liens entre Sénart, Orly, Marne-la-Vallée et Roissy n'intéressent pas les aménageurs. Une ligne de contournement TGV, qui existe déjà, ne coûterait rien, mais il m'a fallu déployer de grands efforts pour obtenir que l'on procède à des études pour utiliser l'existant.
La Grande couronne est le parent pauvre de l'Île-de-France. Sans entrer dans un débat relatif à la suppression des zones de tarification, il me semble que la modernité est du côté des unités de transport : face à la vision très nucléaire qu'expriment les zones, il conviendrait que le paiement se fasse au temps de déplacement. Le « dézonage » procède d'une vision dans laquelle les déplacements se font entre la banlieue et le coeur d'agglomération, et non d'une vision moderne des bassins de vie – Marne-la-Vallée et Roissy sont ainsi, La Défense mise à part, les deux principaux pôles d'activité d'Île-de-France.
En matière d'évaluation des politiques publiques de transport, l'endogamie me paraît malsaine. Cependant, bien que la Cour des comptes suggère le recours à de grands cabinets d'audit, je tiens, pour avoir été naguère chef de bureau dans l'administration centrale, à mettre en garde contre l'évaluation « lolfienne » permanente, qui a enrichi certains de ces cabinets sans assurer pour autant des gains d'efficience. La manière dont les crédits du Fonds social européen (FSE) sont dépensés me semble un assez bon exemple en la matière !
Pour ce qui est du financement, les Franciliens ne paient pas encore le transport au prix qui conviendrait. Compte tenu de la qualité de transport, on paie trop cher en Grande couronne et sans doute pas assez en coeur d'agglomération. La solution est une plus grande relation entre le prix payé et le type de déplacement : il faudrait adopter l'« unité transport », qui suppose de pouvoir enregistrer le transport à l'entrée et à la sortie. Un tel système est faisable et une grande collectivité locale du sud de la France propose déjà de le mettre en oeuvre au moyen des smartphones.
Les coupures de ligne semblent être une solution évidente – je pense notamment à la ligne D du RER, dont le développement en Essonne et Seine-et-Marne multiplie les risques d'exploitation.
La coopération interrégionale renvoie aux questions de gouvernance de la SNCF, de la RATP et du STIF. L'organisation du transport entre Melun et une ville du Loiret ou de l'Yonne distante de 45 kilomètres ou la dynamique des « turbo-cadres » – Tours, Reims ou Le Mans sont moins loin de Paris par TGV que Melun par le RER D – ne sont pas traitées, car elles relèvent de personnes différentes au sein de la SNCF. Il s'agit pourtant d'un problème central. Je n'imagine pas que le STIF puisse prendre en charge prochainement la tarification des TGV pour les trajets de moins d'une heure, mais on peut rêver.
Pour ce qui concerne les contrats, même s'il est possible d'y avoir accès, la complexité technique de leur contenu fait que nous ne sommes pas outillés pour véritablement peser dans la négociation. Cela a cependant été parfois possible dans le cadre du STIF.
Pour conclure sur une note positive : il a fallu vingt ans pour faire admettre ce principe, mais la nouvelle ligne du RER E, l'extension d'Éole à l'Est, recourt désormais à la rupture de charge.