COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE A(H1N1)
Mardi 1er juin 2010
(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la commission d'enquête)
La Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) entend Mme Viviane Defrance, secrétaire générale adjointe du Syndicat des infirmières conseillères de santé (SNICS-FSU).
La séance est ouverte à seize heures vingt.
Nous accueillons Mme Viviane Defrance, secrétaire générale adjointe du Syndicat national des infirmières conseillères de santé (SNICS - FSU).
Mme Viviane Defrance prête serment.
Madame, le syndicat que vous représentez a souhaité être entendu par notre commission d'enquête. Nous comprenons votre demande et l'avons donc acceptée. Elle nous donne l'occasion d'aborder la question de l'organisation de la vaccination dans les établissements scolaires.
Les infirmières de l'éducation nationale, que le SNICS représente à 62 %, ont été fortement mises à contribution pour cette campagne de vaccination, aussi bien dans les centres de vaccination que dans les établissements scolaires.
Par leurs missions spécifiques – accueil, soins, écoute, aide, réponse à l'urgence, orientation – les infirmières scolaires participent à la réussite scolaire des élèves. Elles sont identifiées par la communauté éducative comme des référents santé de premier recours. Tout au long de cette campagne, leur souci permanent a donc été de concilier les responsabilités inhérentes à leur profession avec cette mission supplémentaire de vaccination.
La menace de pandémie de grippe A(H1N1) a eu des effets positifs sur le respect des règles et les équipements d'hygiène dans les établissements scolaires. Nous déplorons cependant un certain nombre de dysfonctionnements.
Tout d'abord, les infirmières scolaires n'ont pas été associées, notamment par leur ministère de tutelle, à la réflexion sur la mise en oeuvre de cette campagne, alors qu'elles étaient particulièrement concernées.
S'agissant de leurs missions spécifiques, nous déplorons que la priorité à donner au maintien de l'offre de soins n'ait pas été respectée. L'utilisation abusive par les préfets du temps de travail des infirmières de l'éducation nationale a eu pour conséquence la fermeture de ces lieux d'accueil et de confidentialité que sont les infirmeries scolaires, où l'on enregistre chaque année 14 millions de consultations. Mme Marie Choquet, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, note dans son rapport que les infirmières scolaires sont, après les médecins traitants, le personnel de santé le plus consulté par les adolescents.
En outre, toutes les actions de prévention programmées en fonction des besoins recensés ont dû être annulées, alors qu'elles contribuent à aider les élèves à adopter un comportement autonome et responsable.
D'une manière générale, nous avons déploré l'absence d'anticipation, faute de constitution d'un corps de réserve sanitaire, pourtant rendu obligatoire par la loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur.
L'éducation nationale a confié la gestion de cette campagne aux infirmières et aux médecins conseillers techniques des inspecteurs d'académie. Cette organisation a été mise en place sans concertation avec les chefs d'établissement, qui sont pourtant les supérieurs hiérarchiques directs des infirmières et qui ont dû pallier leur absence au pied levé.
Au cours de cette période, notre syndicat a été assailli d'appels téléphoniques de collègues totalement désemparées d'apprendre leur réquisition. Le principe initial de volontariat, pourtant inscrit dans les circulaires interministérielles, n'a pas été respecté : dans de nombreux départements, l'infirmier conseiller technique de l'inspecteur d'académie a fourni au préfet la liste complète des infirmiers de l'éducation nationale du département à la place de la liste de volontaires.
Par ailleurs, alors qu'elles n'étaient qu'en sixième position dans l'ordre des réquisitions, les infirmières de l'éducation nationale ont souvent été réquisitionnées prioritairement pour vacciner dans les centres de vaccination, alors que des infirmières retraitées qui s'étaient portées volontaires nous ont dit ne jamais avoir été sollicitées.
Les arrêtés de réquisition n'étaient pas réguliers. En effet, la plupart ne mentionnaient pas précisément le lieu, ni les horaires, ni les jours de réquisition, pas plus que les tâches à accomplir. Dans certains centres de vaccination, la liste des infirmières réquisitionnées était affichée avec leur adresse personnelle. Des infirmières et médecins conseillers techniques des inspecteurs d'académie annonçaient par téléphone ou par courriel que telle infirmière devait quitter son lieu de travail pour se rendre le lendemain dans tel centre de vaccination.
Les circulaires précisaient que dans les établissements du second degré, les infirmières étaient appelées à participer à la vaccination des élèves dans leur établissement d'affectation. Quant aux élèves du premier degré, ils devaient, accompagnés de leurs parents, se rendre dans les centres de vaccination. Cela nous a paru logique et cohérent, mais des disparités et des dysfonctionnements ont été constatés. Ainsi dans certains départements, des infirmières scolaires ont dû fermer leur infirmerie pour aller vacciner des élèves d'établissements privés dont l'infirmière était présente et continuait à remplir ses missions. Dans d'autres départements, des infirmières scolaires se sont insurgées contre la demande de l'inspection académique d'établir pour la direction départementale des affaires sanitaires et sociales un tableau de signalement nominatif des élèves atteints de symptômes grippaux, au mépris des règles de secret professionnel inscrites à l'article R. 4312-5 du code de la santé publique.
L'équipe de vaccination était souvent composée d'un médecin scolaire, de deux infirmières scolaires, de deux agents administratifs, quelquefois d'un pompier, le chef d'établissement devenant « chef de centre ».
Cette campagne a eu un coût très élevé pour les établissements scolaires –information par courrier de tous les parents, mise à disposition et préparation des locaux, mobilisation de personnels – au regard du peu d'élèves volontaires pour la vaccination. Un exemple : dans un lycée, elle a représenté 5 000 photocopies, 850 enveloppes, 500 timbres et la mobilisation de deux infirmières, d'un médecin et de deux agents administratifs pendant deux jours, tout cela pour sept vaccinations.
Enfin, les personnels de l'éducation nationale n'ont pas pu se faire vacciner en même temps que les élèves. Ils ont été invités à le faire dans certains établissements scolaires de leur département à partir du mois de janvier.
En tant que professionnels de santé, nous avons signalé plusieurs problèmes : celui des aiguilles serties, le risque de non-respect de la chaîne du froid – certains vaccins ont été transportés dans une glacière de camping, dans une voiture particulière – et celui du lieu d'installation de certains centres de vaccination, parfois dépourvus de point d'eau. Des infirmières nous ont dit avoir été choquées de voir dans les centres de vaccination des personnes présentant des pathologies lourdes, par exemple des malades qui venaient de subir une chimiothérapie et qui n'avaient pu se faire vacciner à l'hôpital.
Pour éviter que ces dysfonctionnements ne se reproduisent, le SNICS souhaite la constitution d'un réel corps de réserve sanitaire ; il souhaite également une réflexion en amont sur la mise en oeuvre d'une telle campagne, associant l'ensemble des professionnels par l'intermédiaire de leurs représentants ; il demande enfin que l'offre de soins et les missions des infirmières de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur soient respectées. Si des réquisitions complémentaires sont nécessaires après l'affectation des volontaires du corps de réserve, il préconise une « proratisation » en fonction du nombre de professionnels de santé dans les différents lieux d'exercice de la profession infirmière. Je rappelle que les 8 000 infirmières scolaires que compte notre pays représentent 5 % des infirmières fonctionnaires et 3 % du total des infirmières en activité.
Le fait que des infirmières des collèges et des lycées aient été réquisitionnées veut-il bien dire que des élèves souhaitant se présenter à l'infirmerie pour une demande importante, par exemple une contraception d'urgence, ne trouvaient personne pour y répondre ?
La situation était différente selon les départements, mais c'est arrivé, et parfois pendant plusieurs semaines.
Connaissez-vous le pourcentage des élèves qui ont été vaccinés au sein des collèges et dans les lycées ? Quelle a été votre attitude face aux élèves de plus de seize ans qui, bien que leurs parents aient souhaité leur vaccination, ont refusé de s'y soumettre ?
Le pourcentage des élèves vaccinés avoisine 10 %, collèges et lycées confondus.
Quant aux élèves qui refusaient de se faire vacciner en dépit de la volonté de leurs parents – qui d'ailleurs parfois n'étaient pas d'accord entre eux –, nous avons toujours respecté leur choix, tout en parlant avec eux.
Les infirmières qui ont poursuivi leur activité au sein de leur établissement ont-elles été interrogées par les élèves sur la vaccination ?
Là encore, cela dépend des départements. Il y a eu une formation et des circulaires, mais comme les informations commençaient par transiter par l'administration, les infirmières ont dû souvent se documenter par elles-mêmes. Il fallait qu'elles puissent savoir si tel élève souffrant présentait ou non des symptômes grippaux – en particulier en zone rurale, où elles sont les premières sollicitées du fait du faible nombre de médecins.
Si certaines de vos critiques sont justifiées, d'autres me paraissent l'être moins. J'aimerais donc savoir à quel moment vous les avez formulées. Je veux parler tout d'abord de vos interrogations sur les effets secondaires du vaccin – car sur ce sujet, nous avons eu très vite les réponses.
Par ailleurs, dans un communiqué de presse de votre syndicat, j'ai lu que de nombreux personnels infirmiers, considérant que cette vaccination était injustifiée, ne se sont pas fait vacciner. Savez-vous combien d'infirmières ont été dans ce cas ? Enfin, toujours dans le même document, vous dites que les élèves « ne font pas partie de la population à risque » : En êtes-vous sûre ?
Sur vos critiques qui semblent justifiées, j'aimerais avoir quelques précisions.
Ainsi, vous regrettez de ne pas avoir été suffisamment associées par le ministère de tutelle. Mais qui a contacté les infirmières scolaires et leur a donné des directives, et à quelle date ? Des indemnisations ont-elles été prévues pour celles qui sont sorties du cadre scolaire pour travailler dans un centre de vaccination ou qui ont augmenté leur temps de travail ?
Quant au corps de réserve sanitaire, les décrets d'application de la loi du 5 mars 2007 – qui a institué l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires – en précisent la composition : les infirmières scolaires en font partie.
Le SNICS ne s'est jamais prononcé contre la vaccination, bien au contraire.
Votre communiqué de presse dit pourtant ceci : « De très nombreux infirmiers partagent les réserves émises par une grande partie des autres professionnels de santé concernant l'intérêt de cette vaccination et refusent de se faire vacciner ».
Je ne sais pas de quel document il s'agit. Peut-être avons-nous mal communiqué, mais nous n'avons jamais émis la moindre objection à la vaccination, et de toute façon nous n'étions pas habilitées, en tant de fonctionnaires, à nous opposer à des décisions prises au niveau national. Nous avons eu quelques interrogations au début de la campagne, dues au manque d'information, mais nous n'avons jamais incité les élèves à ne pas se faire vacciner.
Certes. Néanmoins je lis aussi dans ce communiqué de presse : « La campagne de vaccination contre la grippe A ne doit pas être organisée au détriment de l'offre de soins en faveur des élèves ».
Vous ajoutiez : « Les effets secondaires du vaccin ne sont pas connus à ce jour ». Et ensuite, comme je le disais : « De très nombreux infirmiers partagent les réserves émises par une grande partie des autres professionnels de santé concernant l'intérêt de cette vaccination et refusent de se faire vacciner ». Enfin, vous évoquiez les élèves « qui ne font pas partie de la population à risque ».
Ce document, dont je n'ai pas souvenir, doit dater du tout début de la campagne. La position du SNICS a beaucoup évolué depuis.
Mais dire cela au début, c'est un déni du risque car à l'époque, nous ne savions pas précisément à quel virus nous avions affaire. La stratégie de vaccination de masse a été définie à la fin du printemps, et ce n'est qu'au mois d'août que nous avons su qu'il était bénin…
Il est paradoxal d'émettre un doute sur l'intérêt d'une vaccination alors que nous ne connaissions pas la virulence du virus. Remettre en question l'utilité du vaccin aurait été plus compréhensible en décembre qu'en septembre, avant le lancement de la campagne de vaccination. Ce qui me choque le plus, à titre personnel, c'est qu'un syndicat écrive ceci : « Comment envisager de vacciner des élèves qui ne font pas partie de la population à risque quand on a choisi de ne pas se faire vacciner soi-même ? ». Une personne qui choisit de ne pas utiliser pour elle-même de pilule abortive devrait-elle donc refuser d'en délivrer à une élève ? Cela me paraît très choquant.
Monsieur le président, notre commission d'enquête a-t-elle pour sujet la mise en oeuvre de la vaccination ou l'attitude des infirmières ?
Il est très intéressant de connaître, d'une part, la position des infirmières scolaires sur la manière dont l'État a géré la campagne de vaccination et, d'autre part, la façon dont elles-mêmes ont reçu et répercuté les informations.
Dans notre pays, chacun est libre d'avoir une opinion. Ce n'est pas parce qu'une personne a fait un choix personnel qu'elle n'est pas disposée à appliquer des directives. Vos assimilations sont excessives, monsieur le président. Ce raisonnement par analogie ne me convient pas, et je tiens à ce que cela figure au procès-verbal.
Oui, bien entendu, chacun est libre de son opinion ; mais celle que formule un syndicat ne doit pas être une opinion personnelle. Qu'une personne représentant un syndicat décide de ne pas vacciner quelqu'un sous prétexte qu'elle a choisi pour elle-même de ne pas se faire vacciner me pose problème. Je sais votre sensibilité, monsieur Jean-Pierre Dufau, car vous aviez suggéré cette audition, mais nous avons posé le même type de questions aux syndicats du corps médical.
Disposons-nous d'éléments permettant de dire que certains professionnels ont refusé de vacciner ?
Non, mais le document que nous avons cité montre qu'un syndicat s'est interrogé sur l'opportunité, pour un professionnel de santé qui aurait choisi de ne pas se faire vacciner, de vacciner des élèves.
Les infirmières que nous sommes exécutent les ordres qu'elles reçoivent, mais elles le font en se posant des questions. Nous n'avons jamais influencé les élèves en leur faisant part de notre opinion ; néanmoins nous nous sentions responsables – même si nous savions qu'en cas de problème, l'État serait seul responsable dès lors que nous n'aurions commis aucune faute professionnelle.
Je ne conteste aucunement cette attitude. Ce qui me pose problème, c'est le mélange entre le choix personnel et l'exercice professionnel.
Monsieur Jean-Pierre Dufau, nous avons posé les mêmes questions aux représentants de toutes les professions médicales…
S'agissant de la position de votre syndicat, madame, j'ai parlé d'observations peu justifiées à mes yeux, notamment sur le risque d'effets secondaires du vaccin – je vous demandais d'ailleurs à quelle date cette crainte avait été formulée –, sur l'intérêt de la vaccination – je souhaiterais savoir maintenant quel est le pourcentage d'infirmiers qui ont refusé de se faire vacciner –, enfin sur le fait que des élèves ne feraient pas partie de la population à risque, alors que l'on a toujours dit que les jeunes en faisaient partie.
Je découvre que la date du communiqué de presse que j'ai sous les yeux est le 23 octobre 2009 : nous étions donc au début de la campagne de vaccination, même si nous savions que la virulence du virus était moindre que prévu initialement. J'aimerais cependant savoir si ce texte exprime un point de vue personnel ou collectif.
Quant à celles de vos observations qui me paraissent justifiées, elles concernent tout d'abord l'organisation. Par qui avez-vous été prévenues ? Comment les choses ont-elles été organisées ? Des indemnisations ont-elles été prévues ?
Nous avons d'abord été informées par la presse. Puis nous avons demandé à être reçues dans les ministères, qui nous ont apporté un commencement de réponse. Ensuite, les informations sont arrivées chez les chefs d'établissement, soit directement du ministère, soit en provenance des rectorats et des inspections académiques, ou encore des préfectures et de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES). En tant que conseillères techniques, nous avons aidé les chefs d'établissement à clarifier cette masse d'informations reçues, afin de pouvoir les répercuter sur les élèves.
Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas eu, de la part de l'Éducation nationale, d'information ciblée en direction des infirmières scolaires ?
Il y a eu des circulaires générales sur le rôle des professionnels de santé. Un certain nombre de rectorats ont réuni des comités d'hygiène et de sécurité, mais très tardivement. Au départ, nous étions dans le flou.
Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez bien informées, mais en réalité on ne vous a pas informées…
Pas au départ. Nous sommes allées à la pêche aux informations. Nous avons demandé des audiences et écrit à plusieurs reprises aux ministres, pour demander des renseignements ainsi que le matériel de protection.
Au départ, les masques étaient stockés dans les rectorats. Ensuite ils devaient transiter par les inspections académiques. Rien n'était simple.
Je voudrais insister sur un point. Des médecins et des infirmiers, comme beaucoup de Français, ont pu être contre la vaccination à titre personnel ; pour autant, il ne faut pas en tirer des conclusions sur le comportement du corps médical. Le choix que l'on fait pour soi et pour sa famille et les doutes que l'on peut avoir sur l'efficacité de la vaccination n'empêchent pas d'obéir aux consignes.
Madame, pourriez-vous préciser ce que vous disiez tout à l'heure sur le problème de la réquisition et du volontariat, ainsi que sur la diversité de situation entre les départements ?
Monsieur Jean-Pierre Dufau, il est évident qu'un professionnel de santé peut faire un choix personnel tout en respectant sa mission de santé publique, mais ce n'est pas ce qui est écrit dans le communiqué de presse que nous évoquons. Je m'étonne qu'un syndicat écrive : « Comment envisager de vacciner des élèves qui ne font pas partie de la population à risque quand on a choisi de ne pas se faire vacciner soi-même ? Il est incontestable que la mise à disposition autoritaire des professionnels de santé de l'éducation nationale pour vacciner soulève des problèmes d'éthique inédits ». Mais tel n'est pas l'objet principal de cette audition…
Les premières circulaires étaient claires : dans un premier temps, la participation aux opérations de vaccination devait se faire sur la base du volontariat. Il nous a paru très logique de demander aux infirmières des établissements secondaires d'être disponibles pour vacciner les élèves de leur établissement d'affectation. En ce qui concerne les élèves du primaire, il nous a également paru très logique que les parents puissent accompagner leur jeune enfant dans un centre de vaccination.
Mais – je ne sais si c'est par souci de simplification – dans certains départements, la liste des infirmières scolaires ayant été communiquée, des collègues ont été réquisitionnées pour aller vacciner dans les centres.
Dans les départements dont je parle, elles ont été réquisitionnées de façon arbitraire par le préfet.
Est-ce à dire que l'administration de l'Éducation nationale, à aucun de ses échelons jusqu'au chef d'établissement, n'avait interrogé les 8 000 infirmières scolaires pour savoir si elles étaient volontaires ?
Pas dans ces départements. La situation était très hétérogène.
Vraisemblablement, donc, le ministère n'a pas adressé de circulaire aux rectorats pour leur demander d'interroger toutes les infirmières scolaires.
Les circulaires ministérielles étaient claires, mais leur application par les inspections académiques a laissé à désirer.
La situation est très variable selon les départements. Rares sont ceux où elles n'ont pas été sollicitées hors de leur établissement d'affectation. Il en est un certain nombre où elles l'ont toutes été. On leur demandait de se tenir à la disposition du préfet pendant une période donnée, qui s'étalait sur plusieurs mois.
Dans les départements où on leur a demandé si elles étaient volontaires, a-t-on tenu compte de leur réponse ? Autrement dit, a-t-on réquisitionné des infirmières qui n'étaient pas volontaires ?
Oui, bien sûr, des non-volontaires on été réquisitionnées. Dans certains départements, cela n'a fait aucune différence d'être volontaire ou de ne pas l'être.
Quelles sont les informations que vous avez été obligées d'aller chercher dans la presse ?
Nous n'avons pas reçu d'information spécifique en tant que professionnelles de santé, et cela nous a manqué.
Généralement, le chef d'établissement reçoit la documentation et la communique aux personnels concernés.
Là encore, la situation a été inégale. Les circulaires parlaient de formation spécifique, et dans de nombreux départements les urgentistes sont venus nous expliquer, notamment, que la population jeune était à risque ; mais cela ne s'est pas fait partout.
Je suis quand même rassurée de savoir que vous avez eu d'autres moyens d'information que la presse…
Oui, mais encore une fois, l'information a été trop tardive, et très inégale sur l'ensemble du territoire.
La documentation fournie à l'ensemble des établissements scolaires était néanmoins copieuse.
Ils ont eu la même formation que nous auprès des médecins urgentistes.
À l'avenir, ne serait-il pas de bon sens qu'au moins dans un premier temps – en tout cas dans le second degré et dans l'enseignement supérieur, la vaccination des enfants du premier degré se faisant logiquement avec leur famille –, on demande aux infirmières de l'Éducation nationale d'oeuvrer dans leur établissement d'affectation, où se trouvent les élèves – population considérée comme à risque – plutôt qu'ailleurs ? Cela leur permettrait en outre de ne pas déserter les infirmeries.
Tel est bien notre souhait, afin de maintenir l'offre de soins. Il est paradoxal de fermer des infirmeries susceptibles d'accueillir des élèves présentant les symptômes de la grippe…
Les infirmières scolaires sont très peu présentes dans les écoles primaires et maternelles, où leur intervention relève de la prévention, et non des soins d'urgence. Celles qui y travaillent peuvent donc être disponibles pour des opérations de vaccination. Quant aux infirmières des collèges et lycées, j'aimerais savoir si leur travail se répartit entre plusieurs établissements.
Une infirmière est affectée à temps plein au lycée ; au collège, normalement, elle est sur un poste mixte, couvrant également le secteur primaire de recrutement – ce qui est cohérent, la même infirmière restant ainsi le référent santé de l'élève pendant toute cette partie de sa scolarité. Mais dans la réalité, même si nous avons bénéficié de créations de poste, il n'y a pas une infirmière dans chaque collège.
Normalement, elle devrait y passer entre 50 et 70 % de son temps.
Il nous faut essayer de tirer les leçons de ce qui s'est passé.
D'une part, avec un corps de 8 000 infirmières scolaires, la vaccination des élèves et des enseignants in situ ne devrait pas poser de problème. Cela n'a pas été le cas cette fois-ci ; on se demande pourquoi, alors que les professionnels de santé, et même leurs familles, ont pu se faire vacciner dans les hôpitaux, les enseignants n'ont pas pu être vaccinés avant le mois de janvier…
Le problème était le même pour les infirmières scolaires !
D'autre part, il faudrait que, si l'on constate que le nombre des vaccinations au sein de l'établissement scolaire est très limité, il soit possible d'envoyer l'infirmière certains jours dans un centre de vaccination. Cela me paraît être la meilleure utilisation possible des ressources humaines.
Le fait d'utiliser les infirmières de l'Éducation nationale plutôt que les réservistes volontaires est un déni de leurs missions.
C'est un autre sujet. Il reste que je ne conçois pas de laisser les infirmières dans leur établissement pour vacciner sept élèves et exercer leur rôle de conseil habituel – et utile – s'il faut faire face à une urgence sanitaire. Je suis favorable à une gradation dans l'urgence : si cela s'avère nécessaire, les infirmières doivent sortir des établissements scolaires.
Cela signifie qu'à vos yeux, nos missions sont secondaires…
Pas du tout, mais elles le deviennent face à une pandémie mortelle. De la même façon, on a sorti des centaines d'internes des services hospitaliers, où on sait à quel point ils sont indispensables.
Je ne partage pas votre raisonnement, monsieur le président. Dans un collège de 1 600 élèves, c'est tous les jours que l'infirmière est confrontée à des urgences – demande de contraception d'urgence, actes de violence, tentative de viol… Moi qui suis parent d'élève, je ne pense pas que beaucoup d'infirmières puissent se permettre de sortir de leur établissement.
Par ailleurs, si les infirmières ont exprimé des craintes au sujet des effets indésirables du vaccin, c'est peut-être en raison du traumatisme causé par les vaccinations massives contre l'hépatite B, dans les années 1994 à 1997, qui avaient entraîné beaucoup de troubles neuromusculaires.
En effet, et nous y avons fait allusion lorsque nous avons été reçues au ministère de la santé. Nous n'avons pas été les seules à nous poser des questions. Mais nous ne nous sommes jamais permis de peser sur le libre arbitre de chacun.
Les infirmières scolaires, volontaires ou non, qui ont rejoint les centres de vaccination ont-elles été indemnisées ?
Les indemnisations transitent par les rectorats et commencent seulement à être versées. C'est assez long à venir.
Malheureusement, c'est un problème habituel dans l'Éducation nationale. Les surveillants recrutés en septembre ne sont généralement pas payés avant le mois de janvier…
Madame Catherine Lemorton, je n'ai pas dit que les infirmières n'avaient rien à faire. Mais pour avoir eu la chance de travailler au sein de l'Éducation nationale, je peux vous assurer que dans un établissement de 1 600 élèves, il n'y a pas une urgence par jour.
Merci, madame la secrétaire générale adjointe, d'avoir répondu à notre convocation.
La séance est levée à dix-sept heures vingt.