COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA MANIÈRE DONT A ÉTÉ PROGRAMMÉE, EXPLIQUÉE ET GÉRÉE LA CAMPAGNE DE VACCINATION DE LA GRIPPE A (H1N1)
Mardi 6 avril 2010
La séance est ouverte à dix-huit heures dix.
(Présidence de M. Jean-Christophe Lagarde, président de la Commission d'enquête)
La Commission d'enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1) entend M. Thierry Coudert, directeur de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (ÉPRUS).
Nous accueillons M. Thierry Coudert, directeur de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (ÉPRUS), accompagné de M. Claude Avaro.
M. Thierry Coudert prête serment.
La campagne de vaccination contre la grippe H1N1 a été le baptême du feu pour l'établissement que je dirige depuis octobre 2008.
L'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires a été créé par la loi du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, elle-même précisée par le décret du 27 août 2007.
L'ÉPRUS a pour mission, à la demande du ministre chargé de la santé, d'acquérir, de fabriquer, d'importer, de distribuer et d'exporter des produits et services nécessaires à la protection de la population face aux menaces sanitaires graves.
Par un heureux hasard, l'ÉPRUS a eu le statut d'établissement pharmaceutique un mois avant le déclenchement de la campagne sur laquelle enquête votre commission.
L'ÉPRUS est intervenu, à la demande de la ministre de la santé, dans l'approvisionnement et la distribution de produits et services nécessaires à la protection de la population face à la menace de pandémie grippale.
Plus précisément, l'ÉPRUS a procédé à l'acquisition des vaccins et des articles consommables nécessaires à la campagne de vaccination, a assuré la prise en charge des vaccins mis à disposition ou livrés par les fabricants dans des conditions garantissant leur sécurité et a conçu, en liaison avec sa tutelle, un dispositif logistique permettant de les stocker et de les distribuer dans des conditions garantissant à la fois le respect des conditions réglementaires de conservation et de l'impératif de traçabilité, la réactivité nécessaire à un ravitaillement efficace et adapté à la demande, l'adaptation possible de ce schéma logistique à la situation géographique des sites à ravitailler et aux acteurs susceptibles d'entrer en jeu.
L'ÉPRUS a, enfin, procédé aux modifications unilatérales de contrat demandées par le ministère et motivées par l'intérêt général – épisode que je suis en train de dénouer actuellement.
Les premières discussions avec les fabricants de vaccins ont été menées par le ministère. Elles avaient pour objet de déterminer la capacité de ceux-ci à honorer les besoins de l'État dans des délais et conditions satisfaisants. Des lettres d'intention non contractuelles, précisant les volumes et délais souhaités pour les acquisitions envisagées, ont été adressées aux laboratoires consultés.
La ministre de la santé m'a alors demandé d'initier des négociations en vue de l'acquisition de vaccins dirigés contre le virus H1N1 auprès de quatre fabricants : GlaxoSmithKline (GSK), Baxter, Sanofi et Novartis. À sa demande, j'ai associé à ces négociations le directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le président du Comité économique des produits de santé (CEPS).
Par courrier en date du 6 juillet 2009, la ministre de la santé m'a demandé de mener toutes les actions nécessaires en vue de signer des contrats avec ces quatre laboratoires.
Deux procédures ont été mises en oeuvre.
La première a consisté en l'affermissement des tranches conditionnelles prévues dans des marchés publics préexistants conclus avec Sanofi-Pasteur, d'une part, et avec Novartis, d'autre part, dans le cadre du plan pandémie grippale. Ces marchés ont été transférés à l'ÉPRUS en juillet 2009. L'apparition du virus H1N1 et le déclenchement du niveau 5 puis du niveau 6 d'alerte par l'OMS justifiaient la mise en oeuvre de ces deux marchés. À cette fin, l'objet des premières tranches conditionnelles prévues par ces marchés a été précisé pour permettre la fourniture d'un vaccin contre le virus H1N1 dans les meilleurs délais. Les commandes passées ont pris la forme d'avenants aux marchés initiaux : un avenant n° 3 au marché public conclu avec Sanofi-Pasteur, concernant 28 millions de doses à 6,25 euros hors taxe, a été transmis le 8 juillet 2009 ; un avenant n° 4 au marché public conclu avec Novartis, concernant 16 millions de doses à 9,34 euros hors taxe, a été notifié le 29 juillet 2009. Ces commandes fermes étaient assorties de tranches conditionnelles permettant de porter, en cas de besoin, le nombre total de doses commandées de 94 millions à 130 millions.
La seconde procédure a consisté en la conclusion de marchés publics, sur le fondement du 7° de l'article 3 du code des marchés publics, avec le laboratoire GSK – l'accord a été notifié le 15 juillet 2009 pour 50 millions de doses au prix unitaire de 7 euros hors taxe – et avec Baxter pour 50 000 doses au prix de 10 euros hors taxe.
Dans ces deux derniers cas, la ministre m'ayant demandé de recourir aux dispositions du code des marchés publics afin que les approvisionnements de vaccins contre le virus H1N1 s'effectuent dans les conditions élevées de confidentialité, de rapidité et de sécurité qu'exigeait la protection des intérêts essentiels de l'État, j'ai conclu des contrats avec ces laboratoires sur la base des dispositions du 7° de l'article 3 du code des marchés publics, qui instaure une exclusion du champ d'application du code pour les contrats dont l'exécution doit s'accompagner de mesures particulières de sécurité ou pour lesquels la protection des intérêts essentiels de l'État l'exige, et qui autorise à ce titre la conclusion de marché sans publicité ni mise en concurrence.
Les circonstances exceptionnelles dans lesquelles étaient envisagées ces acquisitions m'ont paru justifier pleinement cette forme de marché. En effet, face à l'émergence d'une pandémie grippale dont l'impact prévu sur les populations était redoutable, de très nombreux États ont sollicité dans l'urgence les laboratoires susceptibles de fabriquer un vaccin dirigé contre le virus H1N1. Cette situation conduisait à une mise en concurrence globalisée, chacun des États tentant d'obtenir, dans les meilleures conditions possibles, un stock suffisant de doses de vaccin destiné à sa population.
Par ailleurs, la tension du marché, marqué par une demande supérieure à l'offre, était renforcée par l'imminence de la pandémie grippale en Europe – prévue pour septembre 2009 –, associée aux délais incompressibles de fabrication et de commercialisation des vaccins.
Dans ce contexte, il était impératif pour l'État de garantir une stricte confidentialité des conditions d'exécution des contrats pour préserver la confidentialité des informations relatives aux conditions économiques et aux calendriers de production et assurer la sécurité des approvisionnements, des sites de production, de stockage et de livraison. L'objectif poursuivi était d'éviter que ne surviennent des agissements susceptibles de troubler l'ordre public, ou que des personnes mal intentionnées n'aient accès à des informations sensibles.
La répartition des commandes entre les quatre laboratoires s'est faite selon les capacités de ces derniers, en privilégiant les offres les plus robustes, les prévisions de livraisons de quantités significatives dans les délais les plus courts possibles et les conditions les moins onéreuses pour l'État.
Il fallait également prévoir une vaccination adaptée aux différents types de populations visées : vaccins non adjuvés et adjuvés, culture sur oeuf ou culture cellulaire, multi-doses et mono-dose.
À ce stade, il faut souligner que les laboratoires proposaient tous un schéma vaccinal à deux injections. À partir du moment où l'État avait décidé de couvrir l'ensemble de la population, il devait disposer de suffisamment de doses de vaccins pour vacciner potentiellement 65 millions de personnes, soit 130 millions de doses – cible atteinte par l'ajout de tranches conditionnelles. Les laboratoires proposaient une présentation unique des vaccins en multi-doses – GSK et Baxter – ou comportant en proportion très faible des mono-dose : Sanofi, à hauteur de 300 000 doses, et Novartis, dont l'offre était limitée à 10 % de la commande, soit 1,6 million de doses.
Malgré l'insistance de l'ÉPRUS, aucun des laboratoires ne pouvait, au moment de la signature des contrats, s'engager à offrir une alternative plus importante en mono-dose, compte tenu des incertitudes pesant alors sur leur capacité à produire des volumes aussi importants dans des délais aussi contraints. De fait, seul le laboratoire Novartis a pu proposer en octobre, par un avenant notifié le 13 octobre, une augmentation du pourcentage de mono-dose prévu dans la commande initiale. Au total, ce laboratoire a fourni, entre le 12 novembre et le 7 janvier, 5,8 millions de doses réparties sur neuf livraisons, ces mono-dose étant pour la plupart sous présentation collective, c'est-à-dire dans des boîtes de 10 seringues.
Comme cela était exigé par l'État, les contrats visaient expressément l'acquisition de vaccins autorisés à être mis sur le marché, ces AMM garantissant en particulier l'efficacité et l'innocuité des vaccins. Cette exigence rajoutait aux incertitudes de production du vaccin, des aléas pouvant survenir dans le cadre de l'instruction du dossier d'AMM, et renforçait le caractère indicatif des échéanciers de livraison.
Les livraisons de vaccins ont été dans l'ensemble plus tardives que ce qui était prévu à la signature des contrats.
La première mise à disposition a été effectuée par GSK le 9 octobre : 1,072 million de doses. À la fin du mois d'octobre, le stock détenu par l'ÉPRUS n'était alimenté que par ce laboratoire et atteignait 4,205 millions de doses.
Les premières livraisons des autres fabricants sont intervenues dans la semaine 46, c'est-à-dire du 9 au 15 novembre. Elles concernaient le Panenza – vaccin non adjuvé – de Sanofi pour 1,1 million de multi-doses et 300 000 mono-dose, et le Focetria de Novartis pour un peu plus de 1 million de doses, dont 450 000 en présentation mono-dose. Ce vaccin qui, du fait de son conditionnement par 100 doses ou par 10 doses et sa présentation prête à l'emploi, convenait à des collectivités réduites ou dispersées, a été, dans un premier temps, utilisé pour la vaccination des Français à l'étranger et les besoins de Tahiti et de Nouvelle-Calédonie. Les premières livraisons concernaient également le Celvapan de Baxter. Les 12 000 premières doses de ce vaccin n'ont pu être livrées à l'ÉPRUS que le 12 novembre à la suite d'un retard dans l'obtention de l'AMM. Ce vaccin a été réservé à l'usage exclusivement hospitalier pour les personnes allergiques aux protéines de l'oeuf.
Entre le 9 octobre 2009 et le 18 février 2010, 35 livraisons ont été effectuées sur les sites des dépositaires. Compte tenu de la dispersion de ces derniers, cela a nécessité l'organisation de 45 transports et chaque livraison a été convoyée par une escorte de police ou de gendarmerie.
Pour assurer la conservation des vaccins et la distribution vers les répartiteurs, l'ÉPRUS a passé avec le dépositaire pharmaceutique DEPOLABO un marché permettant d'obtenir à la fois une capacité de stockage en froid suffisante – environ 1 500 palettes –, au sein de sites sécurisés dont le statut de dépositaire pharmaceutique garantit le respect des conditions de conservation et la traçabilité des mouvements de vaccins, un réseau de distribution permettant de ravitailler dans le respect des bonnes pratiques pharmaceutiques les structures en aval – les répartiteurs pharmaceutiques et les établissements de santé – et une répartition territoriale des cinq sites de stockage permettant de ravitailler sous 24 heures les établissements de santé ou de répartition rattachés à la zone desservie.
Ces sites dépositaires ont approvisionné, d'une part, les répartiteurs chargés à leur tour de ravitailler les centres de vaccination et, plus tard, les pharmacies d'officines, ainsi que, d'autre part, les établissements hospitaliers.
Afin d'assurer l'acheminement des vaccins vers les centres de vaccination et, aujourd'hui, vers les officines pharmaceutiques, l'ÉPRUS s'appuie sur le réseau de distribution pharmaceutique des grossistes-répartiteurs.
Pour l'approvisionnement des centres de vaccination, au sein de ce réseau de distribution, 93 agences locales avaient été sélectionnées sur des critères de desserte géographique et de capacité de stockage en chambres froides.
Aujourd'hui, pour le ravitaillement des médecins libéraux via les officines pharmaceutiques, toutes les agences locales – au nombre de 185 – sont concernées.
Ce réseau offre, outre l'intérêt d'un maillage géographique très fin, la garantie d'un fonctionnement dans le strict respect des bonnes pratiques de distribution pharmaceutique.
Il est à noter que les départements d'outre-mer ont bénéficié des mêmes procédures logistiques, adaptées cependant à la situation locale.
En collaboration avec le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, l'ÉPRUS a rattaché chaque centre de vaccination à une agence de répartition. Cette liste établie et validée, l'ÉPRUS a communiqué à chaque responsable d'équipe opérationnelle départementale (EOD) les coordonnées des établissements de répartition pharmaceutique chargés du ravitaillement des centres de vaccination du département. Cette procédure a permis le ravitaillement quotidien de près de 1 200 centres de vaccination auxquels étaient rattachées des équipes mobiles, et assure aujourd'hui le ravitaillement de près de 23 000 officines pharmaceutiques.
Jusqu'à fin janvier 2010, les besoins en vaccins exprimés par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé « dédiés grippe » ont été adressés par mail à l'ÉPRUS, qui les faisait satisfaire directement par le site dépositaire compétent dans le délai maximum de 48 heures.
Du 20 octobre à ce jour, l'ÉPRUS a distribué quelque 13 millions de doses de vaccins, dont 1,5 million dans les établissements de santé, 10 millions dans le circuit des grossistes-répartiteurs pour le ravitaillement des centres de vaccination et, aujourd'hui, des officines, et 1,5 million pour l'approvisionnement de la France d'outre-mer, des Français de l'étranger et les deux cessions consenties – au Qatar pour 300 000 doses et à Monaco pour 80 000 doses.
Le stock actuellement disponible est de 30 millions de doses, dont il faut déduire les 9,4 millions de doses réservées pour le don OMS concernant une vingtaine de pays, qui sont en cours d'enlèvement.
Enfin, la vaccination se poursuit dans les cabinets médicaux et les établissements de santé.
Les marchés publics sont des contrats administratifs et demeurent régis, à ce titre, par le corpus juridique applicable à ce type de contrat.
Les marchés publics conclus avec Sanofi-Pasteur et Novartis étaient notamment fondés sur les dispositions du cahier des charges générales, fournitures courantes et services dans sa version de 1977, qui fixe notamment des règles précises en matière de résiliation, dans son article 24. Celles-ci, le cas échéant, étaient pleinement applicables.
Pour ces marchés ainsi que pour ceux concernant les marchés conclus avec GSK et Baxter, l'État a donc utilisé la jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'État et les règles générales applicables aux contrats administratifs que nous avions évidemment intégrées dans les négociations.
Ainsi, je rappelle qu'en application des règles générales applicables aux contrats administratifs, l'administration dispose, même sans texte et même si ce n'est pas expressément prévu aux clauses du contrat, d'un pouvoir de modification unilatérale de ses contrats pour des motifs d'intérêt général. La personne publique doit seulement pouvoir justifier d'un intérêt public.
En l'espèce, l'intérêt public se justifiait pleinement par le changement du schéma vaccinal – une dose au lieu de deux doses prévues à l'origine – applicable pour la quasi-totalité de la population et validé par l'Agence européenne des médicaments (EMEA) fin novembre 2009.
C'est sur ce fondement que j'ai pu, à la demande de la ministre de la santé, modifier unilatéralement, le 4 janvier 2010, les marchés publics afin de réduire de 50 millions de doses les commandes initialement conclues. Le montant hors taxe de la commande a été ainsi ramené de 675 millions d'euros à 317 millions d'euros.
Les négociations menées depuis ces notifications avec chaque laboratoire ont abouti à un accord transactionnel avec le laboratoire Novartis pour un montant de 10,5 millions d'euros, correspondant à 16 % du montant des doses annulées.
Vendredi dernier, j'ai procédé à la notification d'un dédit au laboratoire Sanofi à hauteur de 2 millions d'euros, qui correspondait également à 16 % du montant des doses annulées.
Quant au laboratoire GSK, je suis encore en discussion avec lui.
Je conclurai mon propos liminaire sur les moyens d'injection et de consommables de vaccination.
Au titre de la préparation à la pandémie aviaire, l'État avait constitué un stock de 30 millions de seringues et de 150 000 collecteurs pour seringues. Ce stock a été complété par l'achat de 50 millions de seringues et de 200 000 collecteurs. Le différentiel entre le nombre de doses et le nombre de seringues tenait à la fourniture par Novartis des moyens d'injection.
Ont été également acquis à cette occasion les consommables nécessaires aux centres de vaccination : antiseptiques, compresses, gants de soins, blouses à usage unique, entre autres. Le montant total de ces acquisitions s'élève à 8,9 millions d'euros TTC, les achats de seringues et de collecteurs représentant 55 % de ce montant, soit 4,9 millions d'euros.
À l'occasion de ce baptême du feu, l'ÉPRUS a pu éprouver des modalités et des flux logistiques qui, compte tenu de sa courte expérience comme opérateur logistique du ministère de la santé, étaient encore au stade de concept au début de l'alerte pandémique. Le dispositif logistique utilisé à cette occasion a montré sa robustesse et sa flexibilité – de la vaccination collective à la vaccination individuelle –, ses capacités d'adaptation à des besoins variant de quelques centaines à plus de 200 000 vaccinations quotidiennes, dans les premières semaines de décembre 2009, ainsi que sa réactivité puisqu'il a été en mesure de satisfaire les urgences sous 24 heures. Les capacités de traitement des demandes par l'ÉPRUS ont également été confirmées puisqu'il y a eu, en moyenne, entre 30 000 et 50 000 mails par mois entre juin et décembre 2009.
Cette campagne de vaccination aura montré l'utilité de l'instrument créé en 2007 et permis de tester un certain nombre de procédures qui nous ont permis d'être aussi réactifs que nous pouvions l'être dans ce genre de situation.
Je vous remercie, monsieur le directeur, pour ce propos liminaire.
Vous avez parlé de baptême du feu, mais l'ÉPRUS date maintenant de deux ans et a déjà eu à faire face à la préparation d'un plan contre la grippe H5N1. Je souhaiterais connaître l'état exact des stocks en Tamiflu, Relenza et en masques de cette période ainsi que leurs délais de péremption.
D'autres laboratoires vous ont-ils répondu en dehors des quatre que vous avez cités ?
J'ai été chargé par le ministère de négocier avec quatre laboratoires.
À mon niveau, non.
La différence de prix des vaccins s'explique-t-elle par la différence de leur mode de fabrication ?
Elle s'explique à la fois par les différents types de procédés utilisés et par le fait que, dans certains cas, il y a un adjuvant ou une seringue. Le vaccin mono-dose était évidemment plus cher que le multi-doses. Les quantités étaient aussi différentes : le prix unitaire des 50 000 doses de Baxter était forcément différent de celui des 50 millions de doses du laboratoire GSK.
Aux États-Unis a été employé un vaccin par voie nasale à partir de virus atténué. S'il n'a pas été utilisé en France, est-ce parce que l'Agence européenne ne l'a pas accepté ?
Je ne sais pas. Mon prédécesseur serait peut-être mieux placé pour vous répondre, bien que le rôle de l'EPRUS soit purement logistique : il fonctionne à partir des instructions données par le ministère pour négocier des contrats.
Est-ce à dire que le ministère a sélectionné seul les quatre laboratoires sans que l'établissement que vous dirigez ait été sollicité pour l'informer des laboratoires susceptibles de répondre à cette forme particulière d'appel d'offres ? D'autres pays ont eu recours à d'autres laboratoires et à d'autres formes de vaccins, avec des délais et des prix différents.
Le rôle de l'ÉPRUS était clairement de négocier avec les quatre laboratoires qui lui avaient été indiqués par le ministère. Dans le contexte de pénurie de vaccins qui régnait alors, notre travail de négociation a été essentiel sur les quantités et sur le calendrier des livraisons.
Je suis incapable de vous répondre sur la phase amont, mais j'imagine que les quatre laboratoires en question étaient les seuls en mesure de faire face à la demande.
À aucun moment votre établissement n'intervient en tant que conseil ou « tête chercheuse » du Gouvernement…
Ce n'est pas le rôle qui a été assigné à l'ÉPRUS.
Pour répondre au rapporteur, je préciserai qu'il nous restait, de la campagne précédente, à peu près 1 milliard de masques chirurgicaux et 700 millions de masques FFP2, dont les durées de validité étaient en moyenne de cinq ans, ainsi que 33 millions de doses d'antiviraux. Je vous ferai parvenir le détail de ces stocks.
Par définition, nous n'avions pas de stocks constitués de vaccins. Mais nous avons activé les tranches conditionnelles des contrats négociés dans le cadre du plan contre le H5N1 avec deux laboratoires.
Les contrats négociés dans le cadre de la campagne contre la grippe aviaire sont toujours valables et le seront, je crois, jusqu'en 2012. Si, l'an prochain, un autre virus apparaissait pour lequel l'OMS ferait à nouveau passer le niveau d'alerte pandémique en phase 6, ces contrats seraient-ils réactivés et la France serait-elle tenue de recevoir la quantité de vaccins prévue dans les options avec Sanofi et Novartis ?
Vous avez indiqué que la commande à GSK a été conclue en juillet. Mais une réservation avait déjà été faite le 14 mai par la ministre de la santé auprès de ce laboratoire pour 50 millions de doses au prix unitaire de 7 euros, avec un versement d'arrhes de 1,50 euro hors taxe par vaccin commandé, soit 75 millions d'euros, ce versement devant être remboursé à l'État si l'OMS ne fournissait pas la souche virale à GSK. Sur quelle base juridique a été faite cette réservation avec versement d'arrhes ?
Vous avez également indiqué que les premiers vaccins ont été livrés le 9 octobre. Était-ce des mono-dose ?
Les premiers vaccins étaient des multi-doses fournies par GSK.
Les premiers vaccins mono-dose ont donc été fournis par Novartis entre novembre et décembre. Dès la première semaine de décembre, quelque 500 000 vaccins mono-dose, de présentation identique à celle des vaccins contre la grippe saisonnière, étaient stockés à l'ÉPRUS. Une partie était destinée aux ambassades et à l'outre-mer, mais l'autre partie aurait pu être distribuée par des médecins généralistes ou des centres de vaccination décentralisés, comme cela s'est fait à partir du 4 janvier !
Ce n'est pas parce qu'une campagne de lutte contre une menace sanitaire cesse que les contrats expirent. En cas de nouvelle pandémie, ils peuvent être affermis et les options à nouveau validées.
J'ai répondu à votre deuxième question.
Par contre, je suis incapable de répondre à la troisième. L'ÉPRUS n'a pas été associé à la stratégie vaccinale. C'est peut-être le côté un peu frustrant du rôle de cet établissement : il n'intervient que sur des questions de logistique, c'est-à-dire qu'il envoie des mono-dose ou des multi-doses là où on lui dit de les envoyer. Cela s'apparente un peu à une fonction d'épicier ou de pharmacien.
Le contrat a été conclu sur le fondement du 7° de l'article 3 du code des marchés publics, c'est-à-dire en dehors du cadre d'un marché public classique.
Les négociations avec GSK ont porté sur des points importants, tels que la clause de responsabilité qui a, d'ailleurs, été ensuite étendue aux autres contrats. Les calendriers de livraison, même s'ils n'étaient qu'indicatifs, revêtaient également une importance majeure.
Vous avez indiqué que le stock de vaccins actuellement disponible est de 30 millions de doses, dont il faut déduire 9,4 millions de doses promises par Mme Bachelot-Narquin à l'Organisation mondiale de la santé. Qu'attend-on pour donner ces doses à l'OMS ? Elles pourraient permettre de vacciner en prévention les populations de l'hémisphère Sud. Attend-on que le virus mute ?
Comme je l'ai indiqué, les 9,4 millions de doses réservées à l'OMS sont en cours d'enlèvement.
Je doute qu'il y ait beaucoup de personnes voulant se faire vacciner en France depuis le 4 janvier. Garder 20 millions de doses en stock d'un vaccin fabriqué à partir d'un virus qui ne peut que muter et alors que 6 millions de personnes en France ont été vaccinées me paraît quelque peu excessif. Pourquoi n'en donnons-nous pas plus à l'OMS ?
Votre question dépasse mes compétences.
Les prix doivent varier en fonction des fabricants, des quantités commandées et des contraintes de livraison. Existe-t-il un benchmark sur les prix payés et les conditions des marchés conclus par les autres grands pays européens et les États-Unis ? À moins de considérer que ces négociations ne relèvent d'un « secret défense sanitaire », il serait intéressant d'avoir ces éléments de comparaison.
Vous avez fait état de difficultés dans les négociations avec GSK pour limiter le montant de l'indemnité à lui verser. Quelle est la nature de ces difficultés, qui font que ce laboratoire soit le dernier avec lequel vous soyez en discussion ?
J'ai associé dès le départ à toutes les négociations M. Renaudin, le président du Comité économique des produits de santé, qui est le spécialiste français en matière de fixation des prix des médicaments et qui dispose lui-même d'éléments de benchmark, afin qu'il puisse me donner des indications en la matière.
Il y avait deux types de prix. Le premier concernait les deux contrats qui ont été affermis et qui reprenaient en fait les prix fixés dans les contrats initiaux. La discussion les concernant a été relativement simple. Le second type concernait les prix sur lesquels nous avons topé. Notre expert en la matière a estimé, en fonction de la différence de nature des produits et des quantités commandées, qu'ils se situaient dans une fourchette « raisonnable ».
Est-il possible d'avoir des informations plus précises ? Les États communiquent-ils sur les conditions dans lesquelles ils ont obtenu des vaccins…
Non !
…ou considèrent-ils que ces informations relèvent d'un « secret défense santé » ?
J'ai toute confiance en M. Renaudin. En tant que président du CEPS, il connaît parfaitement les prix du marché. Toutefois, ce ne sont pas ces derniers qui m'intéressent, mais les prix réellement négociés.
Puisqu'il ressort de votre attitude, monsieur le directeur, que les informations concernant les prix payés par les autres États relèvent du « secret défense », pourriez-vous nous faire parvenir un document précisant les éléments qui vous ont conduit à penser que, eu égard aux différentes typologies, aux différentes présentations des vaccins et aux différentes quantités commandées, vos choix se sont portés sur des produits aux prix « satisfaisants » ?
À l'époque des négociations, il n'y avait aucun échange d'informations entre les différents États – fussent-ils européens – sur les prix. Nous disposons depuis lors d'un certain nombre d'informations, mais elles restent parcellaires. Il n'y a pas eu d'échanges systématiques sur ce sujet.
Nous nous sommes systématiquement appuyés sur la science et les référentiels de M. Renaudin pour déterminer si les prix proposés se situaient dans une fourchette raisonnable.
Je suppose que des commissions s'interrogent également dans les autres pays sur le coût et le déroulement de cette campagne de vaccination. Il devrait être possible de procéder à un véritable benchmarking permettant de nous éclairer sur les conditions du marché et d'éviter, ainsi, des polémiques inutiles.
Cher collègue, votre remarque alourdit la charge de travail de notre rapporteur, puisque nous allons lui demander de rechercher les travaux effectués par les autres pays sur cette question, et oriente sur ce sujet les auditions que nous avons prévues de divers responsables au niveau de l'Union européenne, ce genre d'échanges faisant partie du debriefing nécessaire après une crise.
À l'unité vaccinale, existe-t-il une différence de coût entre la présentation mono-dose et la présentation multi-dose ? Si oui, de quel ordre ?
Il n'y a aucune différence.
J'aimerais que vous reveniez sur les conditions dans lesquelles vous avez négocié les contrats avec les quatre laboratoires. Vous avez indiqué que les premières discussions avaient eu lieu au ministère de la santé et avaient fait l'objet d'éléments non contractuels. Ces éléments liaient-ils l'ÉPRUS avec ces quatre laboratoires ? Auriez-vous pu en écarter certains ?
Pourriez-vous dresser un récapitulatif de tous les coûts supportés par l'ÉPRUS : protocoles transactionnels, vaccins, articles consommables ?
Vous avez indiqué que, au moment des commandes des vaccins, les laboratoires ne proposaient qu'un schéma vaccinal à deux injections. Vous n'avez pas contesté ce schéma. Qu'est-ce qui vous a conduit à accepter une campagne portant sur deux vaccins par personne et les quantités de doses correspondant à une telle campagne ?
L'ÉPRUS s'appuie sur les dossiers d'AMM et ces derniers, au moment de la commande, portaient sur deux injections. Je n'avais pas à prendre parti sur ce sujet mais je n'ai pas eu le sentiment qu'il faisait l'objet de discussions. Lorsque, fin novembre, le schéma de traitement ne s'appuyait plus que sur une injection, cela a fourni à l'État le motif d'intérêt général lui permettant de rompre unilatéralement les contrats.
Concernant le premier point, s'il est vrai que des lettres d'intention non contractuelles posaient un certain nombre de principes généraux, c'est par la négociation que nous sommes parvenus à la signature de contrats avec les quatre laboratoires. L'essentiel de la discussion a porté sur les clauses de responsabilité, les calendriers de livraison et les quantités à livrer. Dans un climat de compétition internationale entre États pour l'approvisionnement en vaccins, notre objectif, au cours de ces négociations, était d'obtenir le calendrier de livraison et les quantités les plus favorables compte tenu du développement supposé de la pandémie.
Pour deux contrats, les prix étaient la reprise de ceux des contrats initiaux sous l'empire du H5N1.
Oui, s'il s'était révélé incapable de produire les quantités que l'on attendait dans des délais raisonnables.
Quand nous avons entamé les négociations, les laboratoires ne disposaient pas encore des souches virales et ne pouvaient donc pas nous donner des informations totalement fiables sur leur calendrier de livraison. Mais, si l'un deux s'était déclaré dans l'incapacité de nous livrer avant les mois de mars ou d'avril de l'année suivante, la négociation se serait arrêtée.
C'était un élément important.
Ils fournissaient un cadre de discussion.
Pour résumer, le cadre des négociations était organisé par le ministère, lequel avait également choisi les laboratoires et avancé les prix. La seule initiative qu'il restait à l'ÉPRUS, dont le rôle est de négocier et d'assurer la logistique, était de ne pas commander à tel ou tel laboratoire si celui-ci n'était pas en mesure de livrer la quantité de vaccins dans les délais prévus. L'ÉPRUS ne vous est-il pas apparu dans une situation de grande faiblesse vis-à-vis des laboratoires dans cette discussion ?
De « grande faiblesse » ? Sous quel angle ?
Dans un climat de tension internationale sur les capacités de production et, donc, de livraison de vaccins, l'essentiel de la discussion était concentré sur l'approvisionnement en vaccins selon les quantités disponibles et dans des délais compatibles avec l'évolution supposée de la pandémie. La situation internationale dictait ce type de négociation.
Concernant les prix, pour deux contrats, ils étaient la reprise de ceux des contrats initiaux et, pour les deux autres, ils se situaient dans une fourchette raisonnable. Ils n'étaient donc pas un élément majeur de la discussion, sur lequel les laboratoires auraient pu tirer la couverture à eux de manière abusive.
Ce n'est pas ce que je voulais dire en parlant de « situation de faiblesse ».
Quels délais supplémentaires étaient demandés par les laboratoires pour passer aux vaccins mono-dose ?
Vous pourrez nous fournir ces informations par écrit ultérieurement si vous le souhaitez.
Il s'établit toujours un rapport de force entre un client et son fournisseur. Ce rapport était manifestement en votre défaveur puisque, tous les États voulant des vaccins en quantités importantes, les laboratoires choisissaient, au gré des négociations, ceux qu'ils allaient servir. C'est ce que j'appelle une situation de grande faiblesse.
Une telle situation était-elle normale ? Nos préréservations du fait de H5N1 n'auraient-elles pas dû inciter les industries concernées à se mettre à faire du mono-dose avant même que la crise n'intervienne ?
N'est-ce pas, finalement, une des leçons à tirer de cet épisode ? Les contrats ou précontrats devraient être beaucoup plus directifs afin d'éviter que nous ne nous retrouvions dans la même situation de faiblesse à chaque pandémie mondiale.
Si nous avions voulu avoir à tout prix du mono-dose, les programmes de livraison auraient été décalés au-delà de la limite supposée de la pandémie, c'est-à-dire au-delà du printemps. Les schémas de vaccination n'auraient alors plus eu grand sens.
Une fois réglée la question de la clause de responsabilité, qui n'a pas été un sujet mineur, toutes les discussions portaient sur les quantités disponibles et les calendriers de livraison.
Il serait intéressant de savoir si un pays a pu être livré en vaccins mono-dose avant le nôtre.
Les délais de livraison étaient effectivement un des éléments majeurs de la discussion. La France s'est-elle trouvée à un moment donné en manque de doses disponibles compte tenu du calendrier de vaccination qu'elle s'était fixée ? Aux environs du 10 novembre, la presse allemande a fait état d'un risque de rupture d'approvisionnement en vaccins en Allemagne. Cela s'est-il produit en France ?
Ma deuxième question concernera le financement de l'ÉPRUS pour cette opération. Nous avons adopté, dans le PLFSS, une disposition prévoyant une contribution, plus ou moins volontaire, des assurances complémentaires santé. Avez-vous une idée de la clé de répartition qui va être choisie : l'assurance maladie sera-t-elle le principal financeur, les complémentaires venant au second rang, ou chacun apportera-t-il sa contribution proportionnellement à ce qui a été prévu dans le PLFSS ? Participez-vous aux discussions relatives au financement ?
L'ÉPRUS n'est pas associé à ce type de discussion.
Nous avons enregistré de petits décalages par rapport au planning de livraison, avec, de temps en temps, des sortes de spasmes, en hausse ou en baisse. Fin novembre et début décembre, il y a eu quelques tiraillements dans la livraison des centres de vaccination mais, entre l'irrégularité des livraisons et l'irrégularité de la fréquentation des centres de vaccination, cela n'a pas posé de gros problèmes.
Quelle est l'objection majeure à la mise à disposition des médecins libéraux de vaccins multi-doses ?
Le multi-dose se prête assez peu à la vaccination en pratique libérale car celle-ci entraîne une perte de produit très importante. En centre de vaccination, cette perte est déjà de l'ordre de 10 %. Dans un système plus éclaté et avec un rythme de vaccination aléatoire, elle aurait été considérable.
Les dates de péremption s'étalent, selon les vaccins, entre fin 2010 et mi 2011. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous donner le détail par produit.
Je vous demanderai en effet, monsieur le directeur, de nous fournir l'état exact des dispositifs médicaux et des vaccins ainsi que leurs dates de péremption.
Le jour du début de la campagne de vaccination grand public, il n'y avait pas de vaccin sans adjuvant disponible pour les femmes enceintes, alors qu'elles avaient reçu, de manière prioritaire, des bons de vaccination. Il me semble que ce vaccin n'a été disponible que quinze jours après. Pouvez-vous, monsieur le directeur, nous préciser la date à laquelle ce vaccin a été disponible et nous expliquer pourquoi il ne l'a pas été auparavant ?
Je fournirai les dates précises au rapporteur.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.