La Commission entend M. Christian Barbusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur un rapport d'enquête demandé à la Cour des comptes, en application du 2° de l'article 58 de la LOLF, concernant les modalités de mise en place de l'Autorité de contrôle prudentiel instituée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobe 2010 de régulation bancaire et financière.
Nous avons le plaisir de retrouver M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, accompagné de magistrats ayant participé à l'élaboration du rapport réalisé par la Cour à notre demande.
Il y a près d'un an, Jérôme Chartier, qui avait été rapporteur de la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, a proposé que la Cour se penche sur les modalités de mise en place de 1'Autorité de contrôle prudentiel (ACP).
Chacun se souvient que cette nouvelle autorité est destinée à renforcer la supervision sur les marchés. Ses pouvoirs sont sensiblement plus étendus que ceux des quatre organismes dont elle a pris la suite, en particulier les deux autorités de supervision prudentielle : la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l'ACAM. L'ACP est donc un organisme de taille imposante, « adossé » à la Banque de France, mais aussi une autorité administrative indépendante dont le rôle est particulièrement éminent dans la période de crise financière que nous traversons.
Même s'il est sans doute un peu tôt pour dresser un état complet de la situation, l'enquête de la Cour des comptes devrait nous être très utile sur cet aspect particulier, mais stratégique, de l'application de la loi. La semaine prochaine, nous entendrons Mme Danielle Nouy, secrétaire générale de l'ACP. Nous lui demanderons quelles leçons l'Autorité tire des constats et des recommandations de la Cour.
Je remercie votre commission d'avoir posé à la Cour cette question de la supervision, dont chaque jour montre un peu plus le caractère crucial, et de nous avoir invités aujourd'hui à présenter notre rapport.
La mise en place, en mars 2010, de l'Autorité de contrôle prudentiel a répondu à la crise financière et bancaire survenue à partir de l'été 2007. Elle est le produit de la fusion de quatre autorités indépendantes, principalement la Commission bancaire et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM). Le rapport que votre commission avait demandé à la Cour portait sur la mise en place de cette nouvelle institution et non pas sur l'exercice même de ses missions.
J'aborderai naturellement les questions traditionnelles liées à une fusion, telles que les frais généraux, la rationalisation des fonctions de support, les effectifs, etc. Cependant, compte tenu de l'actualité et même s'il n'entrait pas dans le champ de l'enquête de la Cour d'apprécier la qualité de la supervision exercée par l'ACP, j'évoquerai en premier lieu ce qui, dans le rapport, concerne la supervision prudentielle.
Dans le contexte actuel de profonde instabilité financière, une supervision prudentielle efficace est fondamentale. En effet, les moyens dont dispose l'État pour réguler le secteur financier sont devenus très limités, la réglementation étant pour l'essentiel élaborée au niveau européen, voire international. Il est d'autant plus important que les quelques moyens que conserve l'autorité nationale de supervision prudentielle soient à la hauteur des enjeux actuels. La Cour avait souligné cela dès janvier 2008 dans des référés au Premier ministre sur la Commission bancaire et l'ACAM.
Vous trouverez dans le rapport un certain nombre d'éléments à ce sujet. La Cour y décrit les premières réalisations de l'ACP et les progrès par rapport à la situation antérieure, mais elle relève aussi trois sujets de préoccupation.
Tout d'abord, pour être en mesure de faire face à la situation actuelle de crise, la consolidation de l'Autorité devrait être accélérée.
Le collège de l'Autorité a fixé pour la fin 2012 une cible d'effectifs de près de 1 150 personnes, contre un peu moins de 900 en mars 2010. À la date de notre enquête, en août et septembre, la possibilité d'atteindre cet objectif n'était pas assurée. L'ACP procède à des recrutements importants sur le marché du travail et en provenance de la Banque de France. Elle a dû faire face à un nombre très significatif de retours vers la Banque de France de personnels de l'ancienne Commission bancaire. Elle doit également gérer les conséquences de l'intégration du corps des contrôleurs des assurances dans celui des ingénieurs des mines, réforme statutaire qui incitera bon nombre de commissaires contrôleurs à quitter l'ACP pour d'autres missions. Or, l'ACP doit atteindre le plus rapidement possible son effectif cible afin d'assurer pleinement le contrôle prudentiel.
En deuxième lieu, le nombre des contrôles sur place des établissements, et les moyens qui y sont consacrés devraient être accrus. La Cour a relevé que ce nombre était resté stable depuis les enquêtes qu'elle a menées sur la Commission bancaire et l'ACAM en 2007-2008. Or, le resserrement nécessaire de la vigilance sur la situation des établissements bancaires et d'assurance impose un accroissement du nombre et des moyens du contrôle sur place.
Certes, l'ACP a mis l'accent sur le renforcement des effectifs des contrôleurs du secteur de l'assurance en prévoyant dans son objectif une augmentation de 75 %, eu égard à la situation héritée de l'ancienne ACAM et à l'augmentation des tâches dans ce domaine. Cependant, nous avons également relevé que l'ACP augmentait fortement les effectifs des fonctions de support à l'horizon 2012, alors que ces fonctions représentaient déjà, en mars 2010, 15 % de ses effectifs. Cette proportion nous semble élevée : une fusion doit être l'occasion de gagner sur les fonctions support pour donner la priorité à l'effectif opérationnel. L'adossement de l'ACP à la logistique de la Banque de France et les synergies liées à la fusion des deux anciennes autorités doivent être des facteurs de productivité, de manière à accroître le nombre et l'efficacité des contrôles sur place.
Enfin, pour être pleinement efficace, la supervision prudentielle nécessite un réel usage des pouvoirs de sanction que le législateur a conférés à l'Autorité.
C'était un enjeu important de la réforme, dans la ligne de ce que la Cour des comptes avait préconisé : alors que ce dispositif n'existait ni à la Commission bancaire ni à l'ACAM, une commission des sanctions a été créée au sein de l'Autorité de contrôle prudentiel, à l'instar de celle de l'Autorité des marchés financiers.
L'ACP a choisi d'agir de manière préventive en utilisant prioritairement ses pouvoirs de recommandation et de police administrative. Sans doute était-il justifié, dans les premiers mois, de procéder ainsi, mais aucune prévention n'est efficace si elle n'est accompagnée de mesures de sanctions. Or, loin d'augmenter, le nombre des sanctions a encore fléchi depuis la création de l'Autorité. L'ACP dispose pourtant de tous les pouvoirs et modalités pertinents pour qu'une politique de sanctions soit effectivement mise en oeuvre. La Cour n'a pas relevé de difficultés quant aux pouvoirs théoriques que le législateur lui a confiés.
En résumé, un message commun se dégage des trois points que je viens de présenter : la nécessité d'accélérer le déploiement de l'ACP. L'ordonnance créant cette autorité a été publiée près de trois ans après le début de la crise à l'été 2007. Il ne faudrait pas attendre encore deux ans pour que l'ACP fonctionne pleinement.
Je souhaite maintenant évoquer les deux autres missions confiées à cette autorité : la protection des clients et l'action internationale.
Nous connaissons l'intérêt que M. le député Chartier et nombre de membres de votre commission portent à la protection des consommateurs et des épargnants. Dans la situation antérieure, l'ACAM avait, comme l'AMF, des attributions dans ce domaine. En revanche, la Commission bancaire n'intervenait ni dans les relations commerciales ni dans la protection des usagers du système bancaire. La Cour des comptes avait préconisé que l'AMF, qui avait une expérience en la matière, se voie confier l'ensemble de la protection des citoyens dans ces domaines financiers. L'ordonnance du 21 janvier 2010 a choisi une autre voie : elle a également conféré à l'ACP un rôle de protection des usagers et, puisque deux autorités disposent désormais de ce type de pouvoirs, elle a prévu la création d'un pôle commun pour assurer la coordination de l'ensemble.
Le pôle commun s'est mis en place, mais il doit encore faire ses preuves. S'agissant des modalités à mettre en oeuvre, il doit développer des contrôles conjoints significatifs sur les pratiques commerciales des intermédiaires financiers. Le pôle ne saurait être un simple outil de coordination entre les deux autorités sur des domaines limités. Il existe aujourd'hui une pluralité d'intervenants en matière de protection des consommateurs de produits financiers : non seulement l'AMF et l'ACP, mais aussi le Comité consultatif du secteur financier et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). C'est pourquoi le pôle devrait devenir rapidement le lieu d'une action concertée globale, faute de quoi cette pluralité d'intervenants devrait être réexaminée. Enfin, il est souhaitable que l'ACP, qui privilégie aujourd'hui le contrôle réglementaire des professionnels, porte une plus grande attention aux préoccupations des consommateurs et des épargnants. Elle pourrait ainsi enrichir les activités du pôle commun.
La contribution aux autorités européennes et internationales de régulation financière était également un objectif important fixé par le législateur. La présence de l'ACP dans les enceintes européennes et internationales se heurte à une insuffisance de moyens : il faut agir sur tous les fronts, notamment pour la poursuite des travaux sur la réglementation prudentielle et au sein des nouvelles autorités européennes. Il conviendrait donc que l'Autorité, mais aussi la Banque de France dont vient une partie de ses effectifs, mettent en oeuvre les modalités concrètes de gestion des ressources humaines, avec à la fois des recrutements externes de haut niveau et des redéploiements, pour créer des perspectives de carrière à l'international.
J'en viens à la gestion interne de l'Autorité. En matière d'effectifs, il existe deux objectifs prioritaires : l'un, quantitatif, atteindre la taille cible le plus rapidement possible ; l'autre, qualitatif, adapter les recrutements externes aux compétences dont l'ACP a besoin et de maintenir, pour le contrôle des assurances, un haut niveau d'expertise dans un contexte de fortes sollicitations pour la mise en oeuvre de la réforme de Solvabilité II. À cet égard, l'intégration des personnels de l'ancienne ACAM dans les statuts des agents de la Banque de France a fait l'objet d'actions adéquates. L'impact de la disparition du corps des commissaires contrôleurs des assurances, ainsi que la compensation des départs, appellent néanmoins une attention particulière.
S'agissant du budget, l'exercice 2010 a été légèrement excédentaire et l'ACP dispose d'un « matelas » de trésorerie issu de l'ancienne ACAM.
Deux sujets seraient cependant à examiner. Le premier concerne le législateur. À court terme va se poser la question de la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au fonctionnement de l'ACP. La commission de surveillance ayant confié à l'ACP l'examen du respect de la réglementation bancaire et financière par la Caisse, cette dernière devra, d'une manière ou d'une autre, contribuer au fonctionnement de l'Autorité.
Le deuxième sujet est de plus long terme, compte tenu de la réserve dont dispose l'ACP, mais il faudra bien y venir un jour : un rééquilibrage des contributions respectives des deux secteurs concernés, banques et assurances, sera certainement nécessaire.
S'agissant enfin des frais de fonctionnement, il conviendrait de réduire certains coûts tout en poursuivant la rationalisation des fonctions de support que j'évoquais tout à l'heure. Trois postes ont attiré notre attention : les frais de mission et la gestion de la flotte automobile ; le budget immobilier, qui est le troisième poste de dépenses de l'ACP ; l'organigramme même de l'ACP, où certaines rationalisations restent à faire : nous avons ainsi relevé que la direction générale comprend cinq secrétaires généraux adjoints.
En conclusion, je soulignerai que l'ACP assume de lourdes responsabilités sur l'ensemble du secteur financier. Notre enquête nous a convaincus qu'elle est déterminée à les exercer. Cependant, dans le contexte actuel, notre dispositif prudentiel est confronté à un enjeu majeur que la Cour avait déjà identifié dans son référé adressé au Premier ministre en janvier 2008 : celui de prévenir et d'anticiper les crises financières. « La supervision bancaire, écrivions-nous, doit être constamment exercée dans la perspective d'un éventuel retournement des cycles économiques et de la survenance d'une crise de confiance qui peut avoir une origine internationale. » Cette phrase conserve son actualité, et la demande de votre commission est intervenue à un moment particulièrement opportun.
Les deux priorités soulignées dans le rapport que nous vous avons remis tiennent en quelques mots : accélérer l'arrivée à l'organisation cible de l'Autorité ; donner à celle-ci la pleine dimension de l'exercice de ses pouvoirs, telle que le législateur l'avait souhaitée.
Cette enquête nous fournit un point de situation très précis et très utile sur l'Autorité de contrôle prudentiel. Le rapport met en exergue trois « points à perfectionner », que je qualifierais pour ma part de manquements, dans l'exercice actuel des missions de l'ACP.
D'abord, le nombre de contrôles sur place n'a pas augmenté par rapport à celui qu'avait constaté la Cour dans ses enquêtes sur la Commission bancaire et l'ACAM avant la crise financière de 2008. Pourtant, au moment où la Cour achevait cette nouvelle enquête en septembre dernier, de nombreux signes annonçaient la « seconde crise ». De plus, une des missions assignées à l'ACP était précisément d'accroître les contrôles sur place tant dans le secteur bancaire que dans le secteur de l'assurance.
Ensuite, le fonctionnement du pôle de protection des consommateurs, commun à l'Autorité des marchés financiers et à l'Autorité de contrôle prudentiel. Le sujet avait été au coeur des débats sur la loi de régulation bancaire et financière, chacune des autorités estimant qu'il devait faire partie de ses prérogatives. Or, la mise en place de ce pôle semble se heurter à des difficultés.
Enfin, la création de l'ACP ne s'est pas accompagnée d'un accroissement de l'influence française dans les instances européennes et internationales travaillant à la définition des normes. On sait pourtant les difficultés que connaît la France dans l'application de Solvabilité II.
Je note par ailleurs que le contrôle de la Caisse des dépôts et consignations fait partie du périmètre de l'ACP mais que les modalités de contribution de la Caisse au fonctionnement de cet organisme restent à définir.
Nous interrogerons la semaine prochaine Mme Danielle Nouy sur la façon dont l'ACP entend donner suite à ce rapport. D'ores et déjà, permettez-moi de poser trois questions.
Premièrement, le rapport souligne que les saisines de la commission des sanctions sont peu nombreuses et que les sanctions prononcées sont faibles. Que recommandez-vous à l'ACP ou, le cas échéant, au législateur pour que le dispositif de sanctions voté dans le cadre de la loi de régulation bancaire et financière soit réellement appliqué ?
Deuxièmement, il semble que l'ACP n'ait l'intention de recruter que du personnel sous statut de la Banque de France. Or, comme vous l'avez justement remarqué, il serait utile – au regard notamment des discussions internationales et des négociations relatives aux nouvelles normes – de procéder au recrutement ès qualités, en dehors du cadre de la Banque de France, de personnes très compétentes et performantes dans ces domaines. Est-ce là une recommandation que vous faites à l'ACP ?
Troisièmement, pour que le pôle commun fonctionne réellement et pour qu'il ait une identité forte auprès des consommateurs, de sorte que chaque Français sache que sa saisine est possible, faut-il que l'ACP lui détache du personnel ? Ou pensez-vous que le fonctionnement sera toujours difficile et qu'il vaut mieux en rester à la concertation, auquel cas l'AMF et l'ACP devront renforcer leur communication auprès des consommateurs ?
Pourriez-vous préciser la notion de « droit souple » évoquée dans le rapport et qui est, probablement une transposition de la notion de soft law ? S'agit-il, contrairement à ce que l'expression pourrait laisser croire, de recommandations renforcées ? Ces bonnes pratiques sont-elles opposables devant la justice ? Pourquoi l'ACP n'utilise-t-elle pas un système de sanctions plus classique ?
Bien que l'enquête menée par la Cour porte sur les modalités de mise en place de la nouvelle Autorité et non sur la qualité du contrôle, peut-on déjà porter une première appréciation sur ses actions en matière prudentielle ? Lors de la présentation du projet de loi, la ministre de l'économie avait indiqué que l'ACP devrait contrôler les agences de notation. Nous l'avions interrogée sur les moyens que l'Autorité consacrerait à ce contrôle. À ma connaissance, ces moyens n'existent toujours pas. Cela signifie-t-il que l'on a transféré le contrôle à l'AMF, auquel cas nous attendrons que la Cour consacre une enquête à cette instance pour nous assurer de la mise en place desdits moyens ?
La stagnation du nombre des contrôles sur place tient sans doute à des hésitations consécutives à la fusion, mais aussi au départ d'un nombre non négligeable d'agents retournant à la Banque de France et de commissaires contrôleurs. Malgré l'impulsion que les responsables de l'Autorité ont cherché à donner, ces mouvements de personnel ont certainement perturbé l'activité. De plus, l'ACP doit faire face simultanément à de très nombreuses tâches, notamment la mise en oeuvre des nouvelles règles prudentielles applicables aux assurances et aux banques. Pour ses premiers recrutements, elle a cherché à développer les effectifs dans le secteur des assurances et à mettre en place une cellule consacrée à la protection des consommateurs afin de contribuer au pôle commun avec l'AMF. Il est nécessaire de passer désormais à la phase suivante en affirmant clairement l'objectif d'une augmentation des contrôles sur place.
S'agissant du pôle commun, l'Autorité des marchés financiers exerce depuis longtemps une activité de protection des épargnants. Les représentants des associations d'épargnants ou de consommateurs que nous avons auditionnés se sont d'ailleurs dits satisfaits des conditions de travail avec l'AMF. Pour sa part, l'ACP a dû mettre en place une nouvelle structure d'une vingtaine de personnes dont la mission de protection des usagers des services bancaires est fort différente de celles que remplit un organisme surveillant les grandes entités des secteurs de la banque et de l'assurance. De l'avis même des personnes que nous avons auditionnées, cette entité doit développer son action. Le pôle commun ne peut fonctionner que s'il marche sur ses deux jambes, ce qui n'est pas encore le cas. Il sera sans doute opportun de refaire le point dans un an, le temps qu'il fasse ses preuves.
La réflexion sur la contribution de la Caisse des dépôts est en cours. Le président de la commission de surveillance, M. Michel Bouvard ici présent, aura certainement des observations à formuler sur ce point.
Pour ce qui est du nombre de saisines de la commission des sanctions et du nombre de sanctions qu'elle prononce, la Cour formule plusieurs recommandations.
En premier lieu, lorsqu'un contrôle sur place a eu lieu, il faut ensuite assurer un suivi rapproché afin de vérifier que les recommandations ou observations ont été prises en compte. En cas de manquement, la saisine de la commission des sanctions est nécessaire.
En second lieu, la complexité de l'activité de supervision implique que le secrétariat général, qui mène ces contrôles, informe le collège de l'ACP de manière plus systématique. Le collège pourra ainsi se prononcer en toute responsabilité sur la saisine de la commission des sanctions.
En troisième lieu, l'ACP doit préciser sa doctrine en matière de saisine de la commission des sanctions.
Le « droit souple », monsieur le président Cahuzac, est bien une traduction malhabile de l'expression anglo-saxonne soft law. Cela étant, le texte en vigueur ouvre effectivement à l'ACP une série de modalités d'action – code de bonne conduite, recommandations, etc. – relevant de ce soft law qui me semble indispensable dans ces domaines et que l'ACAM avait déjà mis en oeuvre, souvent avec succès malgré les débats que cela a soulevés avec le secteur des assurances. Tout ne peut pas reposer sur la loi ou le règlement : il faut être à même d'agir vite et le « droit souple » est un des éléments de cette réactivité. Mais il faut aussi éviter une complexité excessive des différents instruments et de leur articulation. Les acteurs des secteurs concernés nous ont dit qu'il y avait trop de catégories de « droit souple » et qu'il était difficile de distinguer ce qui relève de la recommandation et ce qui a une véritable portée réglementaire, d'autant que telle ou telle recommandation peut être approuvée, et donc rendue obligatoire, par le ministre lui-même.
Bref, le « droit souple » est une bonne idée, mais il sera souhaitable de faire le point, après un certain délai, sur les résultats de l'utilisation de cet ensemble d'instruments et de procéder le cas échéant à une clarification et à une simplification.
J'en viens à votre question sur le contrôle les agences de notation, qui relevait jusqu'au 1er juillet de la compétence de l'AMF. Depuis cette date, c'est l'ESMA – European Securities and Markets Authority – qui assure ce contrôle au niveau européen.
Compte tenu des fonctions que j'ai exercées par le passé, vous comprendrez que, par déontologie, je m'astreigne à limiter mes questions.
La Cour insiste beaucoup sur la nature, la fréquence et les suites du contrôle sur place. Mais, le contrôle le plus habituel est le contrôle sur pièces, à partir des documents comptables et de suivi transmis par l'établissement. Or, ce contrôle manque d'exhaustivité. La faiblesse du reporting en matière d'opérations de court terme et de gestion de trésorerie au quotidien a pu donner le sentiment que les autorités de contrôle prudentiel n'avaient pas la capacité, en personnel et en moyens techniques, d'apporter des réponses efficaces. Alors que le suivi des opérations quotidiennes devient de plus en plus complexe, la Cour estime-t-elle que le personnel actuellement affecté au contrôle sur pièces est suffisant ?
Par ailleurs, si nous regrettons qu'aucune véritable autorité de contrôle prudentiel européenne ne se fasse jour, les échanges bilatéraux entre autorités nationales permettent un contrôle international de fait. Quel regard la Cour porte-t-elle sur l'efficacité de cette coordination, notamment avec les autres autorités européennes et avec la Fed ?
Enfin, que peut-on attendre d'une autorité de contrôle prudentiel ? Quel est son véritable pouvoir de régulation au regard de l'intérêt public ? En tant que rapporteur spécial pour la mission budgétaire Engagements financiers de l'État, j'ai été très frappé d'apprendre par l'Agence France Trésor que les premiers opérateurs à s'être désengagés de la dette publique française après l'appréciation négative d'une agence étaient de grandes compagnies françaises d'assurance ou d'investissement bancaire. Dans son fonctionnement actuel, l'ACP ne peut que découvrir le phénomène a posteriori, sans être capable d'agir ex ante. Une vraie régulation ne suppose-t-elle pas des échanges avec les investisseurs institutionnels ? La Cour ne pense-t-elle pas que des progrès soient possibles en matière de régulation ex ante ?
S'agissant de la Caisse des dépôts et consignations, l'intervention de l'ACP se fait dans un cadre précis. La Caisse n'est pas soumise à l'ACP. Conformément aux dispositions de la loi, c'est la commission de surveillance qui arrête le modèle prudentiel et le niveau des fonds propres, à partir des propositions de la direction générale et d'une contribution de l'ACP. Le champ du contrôle de l'Autorité est donc différent de celui qui existe pour un établissement financier de droit commun. En effet, la Caisse a un statut particulier qui la place sous le contrôle du Parlement. Comme investisseur de long terme, elle doit jouer un rôle contracyclique nécessitant une adaptation des normes prudentielles.
Le législateur n'a pas prévu, à ce jour, de contribution financière de la Caisse. C'est pourquoi, nous avons décidé, avec le directeur général, de ne pas donner suite pour le moment à la facture de 6 millions d'euros que l'ACP nous a présentée, et qui correspond à un montant de 10 millions d'euros en année pleine.
Il ne paraît pas illogique que la Caisse contribue au travail effectué par l'ACP en son sein. Ce travail étant différent de celui que l'Autorité accomplit dans d'autres établissements, il conviendra que nous déterminions des modalités calculées sur une base équitable. Si, pour les fonds d'épargne et la section générale, les choses sont relativement claires, certaines entités de la Caisse relèvent déjà du contrôle de l'ACP, à commencer par CNP Assurances.
Mais, en l'absence d'une disposition législative – à laquelle nous avons le temps de travailler –, il ne peut y avoir de contribution. On notera cependant que la Caisse est un établissement public qui contribue chaque année aux recettes de l'État et que, par ailleurs, l'ACP dispose d'un « matelas ». En attendant l'intervention du législateur, il paraît donc normal que la question soit traitée dans le cadre des relations financières entre l'État et l'ACP.
Je suis très inquiet. On parle d'une évolution de l'ACP sur des mois, voire des années, alors que les opérations financières se mesurent de plus en plus en jours, voire en secondes ou en nanosecondes. Au vu des événements récents et des errements auxquels ils ont donné lieu, la Cour a raison d'insister sur l'urgence d'accélérer les choses. Cela dit, quelle que soit sa capacité, l'ACP ne pourra pallier les défauts du travail du législateur.
L'activité de contrôle est de plus en plus difficile en raison de l'énormité des flux et de la rapidité de leur circulation. Il est prioritaire de multiplier les contrôles sur place, en particulier dans les salles de marché, et de recruter ou de former les personnels pour les effectuer. La Cour pose à juste titre la question des statuts. Les agents de la Banque de France ne sont pas malheureux, mais leur rémunération est sans commune mesure avec celle des agents qu'ils contrôlent. On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre... Or, il faut des personnels capables de suivre des opérations de plus en plus complexes et changeantes. La Cour mentionne le retour à la Banque de France de certains agents de l'ancienne Commission bancaire ou de l'ACP, mais je puis vous assurer que d'autres s'en vont dans le secteur privé.
Quoi qu'il en soit, ces difficultés ne doivent pas occulter la responsabilité du législateur face à des pratiques qu'il se doit d'interdire ou de limiter. Il faut bien entendu interdire, faute de pouvoir les contrôler, les CDS – credit default swaps – ou la spéculation haute fréquence.
La Cour constate le demi-échec de l'ACP. Elle est fondée à l'expliquer, entre autres, par le temps de réponse qui a accompagné la fusion. Mais cette fusion intervient au plus mauvais moment, et il est de toute façon indispensable que le législateur interdise certaines pratiques bancaires ou financières.
Enfin, la nécessité d'internationaliser l'action des régulateurs, au niveau européen ou au-delà, ne doit pas servir de prétexte pour se défausser en matière de contrôle. Même si l'affaire est antérieure à la création de l'ACP, il est inacceptable qu'un ministre affirme que le contrôle de Dexia n'était pas du ressort de l'autorité de régulation française parce que le siège de la holding était en Belgique. Le contrôle prudentiel doit s'exercer aussi bien sur l'activité des banques étrangères en France que sur celle des banques françaises à l'étranger. J'ai demandé à Mme Nouy le nombre de contrôles effectués par l'ACP dans les agences des banques françaises au Luxembourg. J'attends toujours la réponse, même si je la connais !
Les recommandations formulées par la Cour permettraient-elles d'éviter une affaire comme celle de Groupama ?
Le rapport de la Cour ne met pas en cause la qualité du contrôle sur pièces. Pour compléter ce contrôle dont vous soulignez à juste titre les limites, monsieur Baert, l'ACP a mis en place un dispositif d'entretiens approfondis avec les banques. Mais, à notre sens, rien ne peut remplacer le contrôle sur place.
S'agissant de la détention de dettes souveraines, il faut distinguer la responsabilité du superviseur, qui vérifie l'application des règles, et la responsabilité des autorités qui fixent ces règles, notamment en matière de répartition des risques. À la vérité, il existe aussi un troisième aspect, celui de l'autorité politique et des relations qu'elle entretient avec le secteur des banques et de l'assurance. En l'occurrence, je crois que la question posée ne relève pas de l'Autorité de contrôle prudentiel.
La Cour n'a pas mené de vérifications spécifiques au sujet des contacts bilatéraux et du fonctionnement européen : ce n'était pas l'objet de son enquête. Mais, de l'avis général des acteurs du système et de l'ACP elle-même, la marge de progrès est grande en matière de collaboration entre les autorités de supervision en Europe.
En ce qui concerne la Caisse des dépôts, le président Bouvard a fort bien resitué la question. Au demeurant, nous avons rappelé la spécificité de la Caisse et souligné que c'est elle qui a choisi de recourir à l'ACP. Il faudra cependant traiter ce sujet, même s'il n'y a pas d'urgence absolue. Comme ce point concerne le législateur, il m'a paru utile de le mentionner.
Par ailleurs, le recrutement de personnels sur le marché du travail pose en effet un problème. Pour l'instant, les agents qui ne sont pas sous statut de la Banque de France sont une petite minorité. Il est évident que cette situation devra évoluer pour que l'ACP dispose de toutes les compétences nécessaires – sans se couper pour autant du vivier de grande qualité que représente la Banque de France. La gestion des ressources humaines est un enjeu majeur pour la nouvelle Autorité.
De nombreuses questions concernent telle ou telle entité du secteur de l'assurance ou du secteur bancaire et n'entrent pas dans le cadre de l'enquête qui nous a été demandée. Je confirme néanmoins que l'ACP a le pouvoir de contrôler les filiales françaises de groupes internationaux, même si ce contrôle est par nature plus complexe.
Lors de l'examen du budget, je m'étais étonnée que les départs de personnel de catégorie C et D de la Banque de France se transforment en recrutement massif de cadres A et A+. Je n'avais pas obtenu de réponse, mais ce mouvement semble pouvoir s'expliquer par les recrutements que la Cour décrit dans son rapport.
Les missions de contrôle et d'investigation s'accroissent et les missions d'exécution diminuent, en effet.
Monsieur le président Babusiaux, je vous remercie pour cette présentation.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 23 novembre 2011 à 9 h 45
Présents. - M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. Claude Bartolone, M. Jean-Marie Binetruy, M. Michel Bouvard, Mme Chantal Brunel, M. Jérôme Cahuzac, M. Bernard Carayon, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Alain Claeys, M. Jean-Yves Cousin, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Richard Dell'Agnola, M. Michel Diefenbacher, M. Christian Eckert, M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Flory, M. Marc Francina, M. Georges Ginesta, M. Marc Goua, M. François Goulard, Mme Arlette Grosskost, Mme Pascale Gruny, M. David Habib, M. Laurent Hénart, M. François Hollande, M. Patrick Lemasle, M. Jean-François Mancel, M. Patrice Martin-Lalande, M. Jean-Claude Mathis, M. Pierre-Alain Muet, M. Alain Rodet, M. Michel Sapin, M. François Scellier
Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Censi, Mme Annick Girardin, M. Louis Giscard d'Estaing, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Launay, M. Marc Le Fur, M. Victorin Lurel, M. Richard Mallié, M. Hervé Novelli, M. Gaël Yanno
Assistaient également à la réunion. - Mme Muriel Marland-Militello, M ; Pascal Terrasse
COMMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ECONOMIE GENERALE ET DU CONTROLE BUDGETAIRE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE
(ARTICLE 58-2° DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU 1ER AOUT 2001 ET L 132-4 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIERES)
LES MODALITES DE MISE EN PLACE DE L'AUTORITE DE CONTROLE PRUDENTIEL – OCTOBRE 2011
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