La séance est ouverte à 14 heures 15.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission examine, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Éric Ciotti, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants et qui a fait l'objet d'un vote de rejet par le Sénat (n° 3874).
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 12 octobre dernier, puis rejetée par le Sénat le 25 octobre. La commission mixte paritaire réunie jeudi 10 novembre dernier n'étant pas parvenue à un accord, notre Commission est aujourd'hui saisie du texte que l'Assemblée nationale avait adopté en première lecture.
Ces éléments étant précisés, je ne m'attarderai pas sur les motifs de fond qui ont conduit le Sénat à rejeter la proposition de loi, puisqu'il avait déjà été répondu aux arguments présentés au Sénat au cours du débat à l'Assemblée nationale en première lecture. En particulier, les critiques sur la pertinence du recours à l'EPIDe pour accueillir des mineurs délinquants ne m'apparaissent pas fondées, l'EPIDe ayant, par le passé, apporté la preuve de sa capacité à remobiliser et réinsérer des jeunes en grande difficulté sociale et comportementale.
En revanche, j'insisterai sur la forme qu'a choisie le Sénat pour rejeter ce texte : en adoptant une question préalable présentée par sa rapporteure, le Sénat a refusé d'engager le débat sur cette proposition de loi. Je ne peux que regretter que cette assemblée ait ainsi refusé de débattre, car je pense qu'une position plus constructive aurait pu nous permettre de trouver, sur ce sujet si important, un terrain d'entente et des réponses à apporter à la délinquance des mineurs.
Pour ces raisons, je proposerai donc à la Commission d'adopter la proposition de loi dans le même texte que celui que notre assemblée avait adopté en première lecture.
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger des arguments sur le fond du texte ; je me contenterai donc de deux observations : tout d'abord, j'observe que l'opposition à cette proposition a rencontré au Sénat l'adhésion de certains sénateurs centristes, ce qui rend peu recevable votre critique quant à la forme prise par ce rejet. Ensuite, j'ai une interrogation sur le caractère de cavalier législatif des dispositions de l'article 6 de la proposition relatives à la saisine du tribunal pour enfants et à l'interdiction faite au juge pour enfants qui a instruit le dossier de présider le tribunal pour enfants : c'est un problème difficile, mais nous avons jusqu'au 1er janvier 2013 pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil constitutionnel. Les sénateurs ont proposé une autre solution, celle de garder le même juge, sauf dans les cas où la culpabilité du mineur est contestée. Pour ma part, j'étais favorable à un mécanisme permettant aux parties, procureur de la République ou mineur poursuivi, de demander à être jugé par un autre magistrat. Il faut adapter notre législation aux exigences des droits de l'homme, mais sans perdre le caractère positif et efficace du suivi du mineur par un même juge, tel qu'il est prévu par notre droit. Cela permet de rendre la meilleure décision possible, le magistrat connaissant la personnalité du mineur et pouvant adapter la sanction à celle-ci. Nous nous précipitons pour trouver une solution à un problème qu'il faut certes résoudre ; nous avons tort de ne pas examiner toutes les solutions alternatives.
Pour répondre à ce qui vient d'être dit, je souhaiterais faire remarquer que tout le monde regrette le vote du Sénat, acquis grâce aux sénateurs membres du Modem, qui ne font pas partie de la majorité présidentielle.
Le juge des enfants ayant instruit le dossier connaît sans doute le mieux les mineurs délinquants, mais ce n'est pas l'essentiel du problème qui nous est ici posé : pour les mineurs qui ont notamment commis un deuxième délit, pour lesquels se pose la question d'une peine de prison, une grande majorité des députés pense que la prison ne sert plus à rien, et que les centres de l'EPIDe sont la meilleure solution aujourd'hui. Comme l'a dit M. le rapporteur, les centres de l'EPIDe ont prouvé leur efficacité pour aider les jeunes en perdition, marginalisés. Cette proposition de loi permet de leur tendre la main et de leur offrir une alternative à la prison ; avec l'accord et le suivi du juge, c'est la meilleure des solutions.
La Commission passe ensuite à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er (art. 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'une composition pénale :
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 2 de M. Dominique Raimbourg.
Puis elle adopte l'article 1er sans modification.
Article 2 (art. 24-6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un ajournement de peine :
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 3 de M. Dominique Raimbourg.
Puis elle adopte l'article 2 sans modification.
Article 3 (art. 20-10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve :
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 4 de M. Dominique Raimbourg.
Puis elle adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 (art. L. 130-5 [nouveau] du code du service national) Modalités d'exécution du service citoyen lorsqu'il est effectué sur décision judiciaire :
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 5 de M. Dominique Raimbourg.
La Commission est saisie de l'amendement CL 1 de M. Michel Zumkeller.
Cet amendement a pour objectif de « sacraliser » le moment où le jeune délinquant est informé de sa condamnation, afin qu'il la comprenne bien, en utilisant cet outil existant qu'est le bureau de l'exécution des peines.
Même si je comprends et partage le souci de l'auteur de l'amendement de recourir largement aux bureaux de l'exécution des peines pour les mineurs, la rédaction proposée pose une difficulté en terme de chronologie judiciaire : le dispositif de la proposition de loi prévoit un consentement recueilli par le magistrat avant le prononcé de la mesure, alors que le greffier n'intervient dans le cadre du bureau d'exécution des peines qu'après le prononcé d'une sanction. Pour cette raison, mon avis est défavorable.
La Commission rejette l'amendement CL 1 de M. Michel Zumkeller.
Puis elle adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 (supprimé) : Compensation financière :
La Commission maintient la suppression de l'article.
Article 6 (art. L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire ; art. 8-2, 13 et 24-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Interdiction pour le juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs de présider cette juridiction – Adaptation des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs :
La Commission est saisie de l'amendement CL 6 de M. Dominique Raimbourg, visant à supprimer l'article.
Cet article n'a pas de lien avec les autres articles ; nous avons encore le temps de réfléchir à la solution à mettre en oeuvre pour assurer la conformité de notre droit avec les décisions du Conseil constitutionnel.
Il faut accepter l'expérimentation en matière législative pour des textes aussi importants ; nous aurons par la suite largement le temps de modifier ces dispositions pour les ajuster si nécessaire.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL 6 de M. Dominique Raimbourg.
Puis elle adopte l'article 6 sans modification.
La Commission adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
La séance est levée à 14 heures 30.