– Présentation d'un premier bilan des opérations réalisées et des opérations restantes, dans le cadre des investissements d'avenir, par MM. Thierry Coulhon, directeur de programme « Centres d'exellence », Claude Girard, directeur de programme « Valorisation de la recherche » au Commissariat général à l'investissement –
C'est pour Claude Girard et moi un honneur de participer à cette audition. Nous ne représentons pas ici le conseil général. Nous essaierons de vous donner des informations à notre niveau, c'est à dire techniques. Nous ne pourrons pas, bien entendu, développer le même point de vue politique de René Ricol.
Nous allons vous présenter des faits généraux sur les investissements d'avenir que vous connaissez peut être, donc nous accélérerons la présentation si vous le souhaitez ; mais il nous est apparu utile de replacer l'enseignement supérieur et la recherche dans un contexte plus global, contexte qui est le leur pour les investissements d'avenir.
Il faut d'emblée vous préciser que Claude Girard s'occupe de valorisation de la recherche ; pour ma part, je m'occupe de trois appels d'offre dans le cadre des centres d'excellence :
• Equipements d'excellence (EquipEx) ;
• Laboratoires d'excellence (LabEx) ;
• Initiatives d'excellence.
Nos deux missions ne couvrent pas l'ensemble de ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche dans les investissements d'avenir. D'abord parce qu'il y a en plus au moins le programme dirigé par Jean-Christophe Dantonel qui concerne les Instituts hospitalo-universitaires (IHU) et les autres actions liées aux biotechnologies et à la santé. D'autre part, un certain nombre de programmes liés aux transports, aux énergies, au développement durable, à l'égalité des chances, touchent directement l'enseignement supérieur et la recherche.
Ce que nous vous proposons c'est de commencer par une présentation de faits globaux, de calendrier, et de procédure sur les investissements d'avenir, ensuite de vous présenter l'histoire des équipements, laboratoires, et Initiatives d'excellence (IdEx), puis vous faire part des leçons que l'on peut partiellement en tirer eu égard au fait que la première vague n'est pas complètement terminée pour les Initiatives d'excellence, et enfin de vous communiquer le calendrier de la seconde vague.
La manière dont on va ajuster, au moins à la marge, tel ou tel aspect de la procédure, notamment le rôle des alliances, tiendra compte des discussions que nous avons eues.
Je renouvelle ce que vient de dire Thierry Coulhon, c'est un honneur pour moi de pouvoir m'exprimer devant vous ce soir.
Je vais commencer par un rapide rappel des procédures concernant les investissements d'avenir :
Le 22 juin 2009, une première décision de principe d'un emprunt national est prise pour financer des investissements stratégiques destinés à préparer la France à passer le cap du XXIème siècle (discours du Président de la République devant le Congrès à Versailles).
Pendant l'été 2009, le 26 Août précisément, la Commission Juppé-Rocard est installée. Elle est chargée d'identifier et d'évaluer les besoins d'investissements d'avenir, dans des secteurs clés : innovation, recherche, industrie et développement durable.
La remise du rapport a eu lieu le 19 novembre 2009. Celui-ci identifie 7 priorités stratégiques et 17 programmes d'actions identifiés ; aucun projet individuel n'est sélectionné mais des recommandations en termes de gouvernance sont faites.
Le 14 décembre 2009, le Président de la République décide de fixer à 35 milliards d'euros le montant de ces investissements ; ce montant est ventilé en 5 priorités stratégiques qui confirment les orientations du rapport Juppé-Rocard.
Le 20 janvier 2010, le Projet de Loi de Finance Rectificative est adopté en Conseil des Ministres. Puis le 22 Janvier 2010 René Ricol est nommé, en Conseil des ministres, Commissaire général et Jean-Luc Tavernier, Commissaire général adjoint
Enfin, en février 2010, les rôles du Commissariat général à l'investissement (CGI) et du Comité de Surveillance, présidé par les membres de la commission Juppé-Rocard, sont confirmés dans la discussion parlementaire.
Voilà pour le calendrier.
Pour ce qui est de la répartition des investissements, les 5 priorités et les montants affectés sont les suivants :
• Enseignement supérieur et formation : 11 milliards d'euros ;
• Recherche : 7,9 milliards d'euros ;
• Filières industrielles et PME : 6,5 milliards d'euros ;
• Développement durable 5,1 milliards d'euros ;
• Le numérique : 4,5 milliards d'euros.
Claude Girard commente alors la planche n°4 de la présentation (cf.Figure 1 -)
Le CGI a choisi une organisation matricielle, avec des pôles d'experts thématiques. Sur la gauche du graphique, figure la thématique des centres d'excellence ; thématique dont Thierry Coulhon est responsable. Cette thématique comprend tout ce qui touche aux équipements, laboratoires, et initiatives d'excellence.
Ensuite la valorisation de la recherche, dont je suis responsable, qui regroupe les sociétés d'accélération de transferts de technologie (SATT), les instituts Carnot, les Instituts de recherche technologiques (IRT), et puis un volet sur les pôles de compétitivité, et un volet sur le financement des entreprises. Ces trois volets là ce sont des volets transverses.
Les thématiques et des pôles d'expertise très ciblés sur des grandes thématiques de filières industrielles sont les suivantes :
• Santé et biotechnologies ;
• Transports ;
• Numérique ;
• Energie ;
• Urbanisme ;
• Egalité des chances et emploi.
J'insiste sur la dimension matricielle car c'est vraiment une équipe qui échange, et ce, malgré les frontières qui ont l'air d'apparaître entre les pôles ; en fait, ces frontières sont assez perméables. Nous travaillons tous dans l'objectif de choisir les investissements qui sont les plus rentables, ceux qui permettront des retours sur investissements.
La méthode appliquée pour sélectionner ces cibles d'investissements est relativement originale car on passe par les opérateurs. Chaque action est ainsi menée par un opérateur (ANR, ADEME, …). La première phase de notre travail a donc consisté à contractualiser entre le CGI (donc l'Etat) et ces opérateurs. Ensuite, dans le dispositif de sélection, ce sont les opérateurs qui vont contractualiser avec les bénéficiaires finaux sélectionnés par des jurys indépendants nationaux ou plus souvent internationaux.
Figure 1 - Organisation la structure de mise en oeuvre des investissements d'avenir
Voilà pour le processus assez original et le rappel historique.
Nous en venons au bilan quantitatif tel qu'on a pu le présenter au comité de surveillance, présidé par MM. Juppé et Rocard.
J'ai oublié de rappeler précédemment que l'on trouve normal de devoir s'expliquer au Parlement ; on le fait notamment devant les deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi à d'autres occasions. C'est la règle du jeu d'expliquer au Parlement où nous en sommes, à savoir 49 appels à projet lancés, 32 clos, et 5 à venir.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, contrairement aux chiffres que je viens de citer, on peut considérer qu'on est au milieu du gué. On a accompli la première vague, qui sera terminée en juillet avec une sélection d'Initiatives d'excellence et la deuxième vient de commencer avec l'ouverture de l'appel à projet Initiative d'excellence 2.
Les jurys internationaux sont la pratique courante pour les appels à projets dans l'enseignement supérieur et la recherche. En revanche, il y a un certain nombre de programmes qui sont gouvernés par des guichets et gérés par les opérateurs. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'échelle des équipements et des Initiatives d'excellence n'est pas la même, le nombre de projets n'est donc lui, non plus, pas le même. Mais même s'y il n'y avait que 17 candidats aux Initiatives d'excellence, ces 17 candidatures permettent de couvrir l'essentiel du potentiel d'enseignement supérieur et de recherche français et évidemment ce sont des projets d'une telle importance que le nombre de dossiers n'est pas la variable la plus significative.
Avec 329 dossiers sélectionnés et 10 milliards d'euros affectés à des projets identifiés, on peut en conclure que la machine est en route d'un point de vue quantitatif.
Les processus allant de la sélection à la contractualisation de ces projets sont complexes étant donné qu'il y avait, sur chacun des grands secteurs, un ministère en charge mais aussi un opérateur. Puisque les investissements d'avenir étaient, par nature, interministériels, il fallait sans doute une instance interministérielle supplémentaire, il s'est agi du CGI. Néanmoins la présence d'un opérateur ayant un coeur de métier proche était nécessaire, d'autant plus qu'il s'agissait d'une volonté du Parlement d'avoir des opérateurs distincts des ministères.
Le travail de la première étape, qui a consisté à l'établissement des conventions et au versement des fonds aux opérateurs (date à partir de laquelle ils rapportent des intérêts), a été un travail long et parfois difficile, mais on peut espérer que ce travail, qui a notamment permis de contourner un certain nombre de difficultés, permettra d'économiser du temps pour les vagues suivantes.
Dans un second temps, sont venus le lancement des appels à projets, le travail de clôture de ces appels à projet et le travail de sélection.
Ensuite, on entre dans le travail de contractualisation avec les porteurs de projets, travail qui est en train d'être expérimenté avec les Equipements d'excellence première vague. Cette contractualisation, qui est faite entre l'ANR et chacun des lauréats, est un travail, lui aussi, difficile d'une part parce qu'il s'agit à nouveau d'établir la première convention type, mais aussi de la mettre en oeuvre, notamment en tenant compte des souhaits émis par le comité de pilotage (ministère et CGI), qui ont été matérialisés par les décisions du Premier ministre dans le cas des EquipEx. Ces décisions prenaient la forme de clauses qui portaient essentiellement sur l'impact socio-économique. Ces clauses étaient très détaillées et, par exemple, énonçaient que tel Equipement d'excellence devait se rapprocher de tel pôle de compétitivité. Cela nous a paru néanmoins une condition essentielle pour ne pas agir comme d'habitude, c'est-à-dire affecter les fonds et partir sans s'engager dans un processus à plus long terme qui puisse faire évoluer les dispositifs.
Enfin, le décaissement : il s'agit d'une étape qui évidemment est une source d'angoisse pour les chercheurs qui se demandent quand les fonds vont arriver. Mais je crois que l'action LabEx va être exemplaire de ce point de vue-là. En effet, pour cette action nous allons utiliser une procédure un peu simplificatrice qui consiste à affecter directement 10% de la somme allouée au projet (total des crédits consomptibles et non consomptibles) avec une contractualisation légère ; la contractualisation définitive interviendra dans un an au moment où les choses se seront stabilisées quant aux Initiatives d'excellences. Finalement, c'est un cas où les laboratoires verront arriver les fonds avant l'étape de contractualisation finale, et ce, rapidement, ce qui leur permettra donc de démarrer les projets plus tôt.
Le travail avec les différents opérateurs et le Parlement a été constructif et a nécessité de nombreux ajustements, notamment du fait que ce type d'action est nouveau. La remontée des comptes rendus d'activité (« reporting ») se fait de notre point de vue convenablement, mais c'est au Parlement d'en juger. Dans ce domaine, des ajustements ont été opérés. En effet, on était parti avec des ambitions un peu démesurées. A la base, le travail de remontée de la part des bénéficiaires finaux devait se faire de façon trimestrielle, mais c'était sans doute trop fin.
La suite de la présentation est un peu générale. Pour plus de détail, il faudrait donc la décliner en fonction de chacun des appels à projets.
Tout d'abord, le recours aux jurys internationaux a été largement accepté ; il faut dire qu'il avait été assez largement demandé par les communautés. Pour présenter le point numéro deux, je vais prendre l'exemple des Laboratoires d'excellence en essayant de décrire les tensions qui sont apparues ; tensions qui n'étaient pas tant entre l'instance jury et l'instance politique que sur le concept lui-même. En effet, le LabEx c'est finalement un objet nouveau qui est à cheval entre une notion projet, qui est classique à l'ANR (Agence nationale de la recherche), et une notion de structure, qui est un peu plus ce que l'on cherchait. Or l'équilibre n'a pas été trouvé immédiatement et il a fallu quelques ajustements que je décrirai tout à l'heure.
Les jurys devaient analyser avec attention si le projet et les sommes consacrées feront la différence par rapport à la situation actuelle. A la vue des faits, je dois moduler cette affirmation, du moins en ce qui concerne mon secteur. Pour un des trois appels d'offre dont j'ai la charge, Initiative d'excellence, on ne sait pas trop comment cela va se passer mais je pense que le jury aura à coeur de réfléchir au volet financier et donc de proposer une fourchette d'enveloppe qui permettra ensuite une négociation. Pour les deux autres appels, le jury n'a pas voulu ou n'a pas pu, pour des raisons de délais, faire l'analyse financière. Dans ces cas, c'est donc le ministère et le CGI qui ont fait ce travail. Nous avons été réticents à appliquer des règles globales de réduction de budget car celles-ci n'auraient eu aucun sens. Ainsi dossier par dossier, l'analyse a visé à ne pas donner plus que nécessaire pour que le projet décolle mais suffisamment pour qu'il le puisse tout de même. Dans les faits, les jurys ont eu plutôt tendance à saturer les enveloppes mais c'est à moduler puisque les situations sur Equipement d'excellence et sur Laboratoires d'excellence ont été assez contrastées de ce point de vue-là ; j'y reviendrai.
Je peux, à ce stade, essayer de tirer les leçons de trois appels à projets : Equipements d'excellence, Laboratoires d'excellence et Initiatives d'excellence.
S'agissant d'EquipEx, la principale surprise concerne le succès de l'appel à projet : 350 soumissions, dont beaucoup de grande qualité. EquipEx vise à financer de l'investissement et de la maintenance pour un montant de l'ordre de 2 à 20 millions d'euros, c'est à dire pour un créneau de besoin de financement mal couvert ; besoin d'un niveau qui est supérieur à la contribution d'un budget d'université, mais aussi inférieur au financement d'un programme européen. 52 projets ont été sélectionnés, ce qui manifeste une volonté du jury de laisser un choix très ouvert au Comité de pilotage, puis au CGI, qui fait la proposition finale au Premier ministre. Le jury a néanmoins classé les projets pour aider à ce choix : 33 A+, et cinq paquets de 9 A. Le CGI a adopté le principe de respecter l'ordre de préférence fixé par le jury, en retenant d'abord les projets A+, ensuite les projets A1 et A2. Mais le Comité de pilotage, comme le CGI, ont rajouté dans la proposition finale d'autres projets classés A, particulièrement en phase avec la stratégie nationale de recherche et d'innovation, ou répondant à des préoccupations d'équilibre géographique, même si le Grand emprunt n'a pas directement un objectif d'aménagement du territoire.
L'appel à projet pour les Laboratoires d'excellence met en avant un concept nouveau, correspondant à l'idée de constituer le noyau de futures Initiatives d'excellence, notamment en valorisant une recherche de visibilité internationale associée à un effort de formation. Cela concerne des projets de recherche se déployant dans un horizon à trois ou quatre ans, mais ouverts sur des perspectives plus pérennes. La sélection opérée par le jury est apparue conservatrice aux yeux de quelques-uns qui critiquent l'avantage accordé à l'excellence établie, mais aussi très innovantes aux yeux de beaucoup d'autres. Elle comportait une liste de 83 projets, plus restreinte que ce qu'il était possible de financer, et comportant de nombreux projets innovants. Le président du jury ayant expliqué au Comité de pilotage qu'il regrettait de n'avoir pu faire une place plus grande à des projets portés par des équipes renommées, le CGI a demandé au jury de nouvelles propositions qui ont permis de rajouter 17 projets à la liste, pour atteindre un total de 100 Laboratoires d'excellence.
La répartition géographique des Laboratoires d'excellence est certes très concentrée sur la région parisienne, les régions Rhône-Alpes, PACA et Aquitaine, mais ce phénomène est atténué si l'on considère les résultats des autres appels à projets, EquipEx, IdEx, IRT (Institut de recherche technologique), IHU. Finalement, chaque région de France est parvenue à faire jouer ses atouts sur un aspect ou un autre du soutien aux centres d'excellence.
En ce qui concerne les Initiatives d'excellence, deux vagues de sélection ont été prévues, une en 2010 et une autre en 2012. Le jury a visé, sur la première vague, la sélection de la moitié du contingent final de 5 à 10 prévu par la loi. Il s'est réservé, au stade intermédiaire de la pré-sélection, un choix au sein d'un effectif double de l'effectif cible. D'où la pré-sélection de 7 projets sur les 17 présentés. Cette démarche restrictive présente l'avantage de laisser toutes leurs chances à d'autres projets sérieux présentés pour la deuxième vague.
On peut identifier trois principaux problèmes dans le soutien aux centres d'excellence. Ceux-ci concernent particulièrement le dispositif phare des Initiatives d'excellence, en raison de l'importance des moyens qui lui sont affectés.
Le premier problème concerne la manière dont sera assuré le suivi des projets sélectionnés sur la période probatoire de quatre ans, mais aussi la définition des critères pour céder ou non la propriété de la dotation au terme de cette période probatoire. Il va falloir en effet assurer une véritable crédibilité de la menace d'un éventuel refus final de cette cession.
Le deuxième problème tient au devenir des entités ad hoc servant de support aux allocations du Grand emprunt : les Laboratoires d'excellence, par exemple, n'ont d'existence ni sur le plan juridique, ni sur le plan budgétaire, même s'ils sont clairement portés par un établissement ou un groupe d'établissements. Quant aux Initiatives d'excellence, ce sont des vecteurs d'incitation, invitant les acteurs à expliquer comment ils pourraient s'organiser s'ils bénéficiaient du soutien de l'Etat, mais sans contours imposé dans le cadre institutionnel actuel de la recherche ; à terme, une mise en concordance législative sera sans doute nécessaire pour les situer dans le paysage universitaire, et prendre en compte des modes d'organisation dont certains seront probablement inédits.
Le troisième problème est la difficulté d'apprécier a priori l'impact à long terme des Initiatives d'excellence, dont les succès et les échecs d'une région à l'autre dépendront de la diversité des contingences locales, avec un impact très structurant sur le devenir d'ensemble de la recherche française.
Une première carte, centrée sur les têtes de réseau, permet de montrer la répartition des lauréats des laboratoires et équipements d'excellence et du secteur santé-biotech. Cette carte est sévère et révèle une concentration assez importante. L'Ouest, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche Comté y sont peu représentés. Nous verrons si ces régions seront mieux traitées dans la deuxième vague de décisions.
Un premier bilan de la valorisation de la recherche indique un niveau d'excellence convenable du système de recherche, mais aussi une difficulté à valoriser les résultats de la recherche.
Plusieurs instruments sont mis en oeuvre dans le cadre des investissements d'avenir : Le fonds national de valorisation, entièrement consomptible, doté d'un milliard d'euros sera affecté sur des opérations concernant France Brevets (50 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 50 millions d'euros apportés par la Caisse des Dépôts), les consortiums de valorisation thématiques (50 millions d'euros) et les sociétés d'accélération du transfert de technologies (900 millions d'euros).
Les Instituts Carnot, dont les crédits sont non consomptibles, sont dotés quant à eux de 500 millions d'euros, soit 17 millions par an avec un taux d'intérêt de 3,41 %. Les Instituts de recherche technologique sont dotés de 2 milliards d'euros, dont 25 % consomptibles. Il en résulte un total de 3 500 millions d'euros pour la valorisation de la recherche dont 1 500 consomptibles.
Parmi ces instruments, France Brevets, société créée en mars 2011, aura pour mission de :
• Gérer un portefeuille de brevets et de droits de propriété intellectuelle, achetés sur le marché, et qui seront regroupés en grappes permettant de mieux les valoriser ;
• Racheter des sociétés françaises disposant de brevets intéressant des fonds étrangers avant qu'ils ne les acquièrent ;
• Servir de facilitateur dans la transmission du capital ;
• Etre un embryon de marché européen, dans un contexte de croissance de la titrisation des droits de propriété intellectuelle.
France Brevets a d'ores et déjà signé trois premiers accords avec Oséo, l'INPI et un institut télécom. Son directeur général est en place et France Brevets commence à réaliser des opérations. C'est une start-up qui est dans une phase probatoire, et dont les premières opérations concernent le secteur des technologies de l'information et les télécommunications.
Aux 2 millions d'euros investis dans la phase probatoire, s'ajoutent 18 millions puis 50 millions d'euros pour finalement atteindre 100 millions. Ces sommes ne sont toutefois pas à l'échelle des montants du marché international si le modèle fonctionne bien.
Je vais maintenant présenter les consortiums de valorisation thématique (CVT) déjà évoqués à l'occasion de l'audition sur les Alliances organisée par l'OPECST avec René Ricol.
A chacune des Alliances correspond un consortium de valorisation thématique. Ainsi il y a un CVT dans les domaines de l'énergie, des sciences et des technologies du numérique, de la santé, de l'environnement ainsi que des sciences humaines et sociales. Ces consortiums visent à compléter la mission de programmation, d'harmonisation et d'optimisation de la recherche, au niveau national, qui est actuellement celle des Alliances, par une mission de valorisation, nationale et internationale, essentiellement de nature stratégique et marketing, et une mission de promotion de l'offre technologique et du dispositif de valorisation associé.
Alors que les sociétés d'accélération du transfert de technologies sont orientées technologies (« technology push »), les consortiums de valorisation thématique permettent une approche orientée vers les marchés (« market pull »). Une autre mission des consortiums de valorisation thématique concerne le diagnostic des forces et faiblesses du dispositif de valorisation de la thématique considérée. Ce diagnostic doit permettre de constituer un panorama de l'offre nationale des brevets et droits de propriété intellectuelle, et ce, afin d'orienter les actions de valorisation des grands organismes nationaux constitutifs des Alliances, ainsi que des sociétés d'accélération du transfert de technologies. L'efficacité de ce dispositif implique donc une étroite collaboration entre des sociétés d'accélération du transfert de technologies, régionales et pluri-thématiques, et des consortiums de valorisation thématique, nationaux et monothématiques. A cette fin, chacun des consortiums devra désigner pour sa thématique un interlocuteur unique vis-à-vis des sociétés d'accélération du transfert de technologies.
Concernant les SATT, dotées à hauteur d'environ 900 millions d'euros, leur mécanisme relativement complexe découle de la multiplicité de leurs missions. Leur mission essentielle, à hauteur de 95% de leur budget, concerne l'accompagnement et le financement des projets de preuve de concept et de maturation. Les sociétés de capital-risque refusent en effet d'investir à ce stade considéré comme trop en amont de l'industrialisation. Une autre mission consiste à fournir des prestations à leurs actionnaires universitaires, principalement en terme de valorisation, voire, à la demande, sur d'autres aspects, comme par exemple la gestion des contrats. Ces sociétés ont également pour objectif d'apporter un minimum de fonds propres. Enfin, elles assurent une mission de contrôle, notamment dans les premières années, compte tenu du changement d'échelle pour le monde universitaire, en terme de valorisation. Les tranches d'investissement triennales, avec une montée en puissance progressive des comptes courants d'actionnaires, sont ainsi systématiquement accompagnées d'un contrôle et d'un audit.
Suite à l'appel à projets, le jury s'est prononcé en faveur de la création des premières sociétés d'accélération du transfert de technologies pour un montant d'environ 300 millions d'euros : Conectus en Alsace, Lutech et Innov en Ile de France, ainsi qu'une société pour la région Midi-Pyrénées et une autre pour la région PACA et la Corse. L'ANR devrait contractualiser avec les bénéficiaires avant la fin septembre 2011.
Pour quatre autres sociétés, Ouest Valorisation, Aquitaine Valorisation, Nord-de-France Valorisation et Languedoc-Roussillon, répondant à une logique d'aménagement et de couverture du territoire, le jury a demandé des améliorations mineures des projets présentés. Après un examen du nouveau dossier par le comité de pilotage, le jury se prononcera, probablement en septembre 2011, sur les corrections apportées, et la contractualisation interviendra en novembre.
Les autres sociétés régionales présentent des difficultés plus importantes. Pour Grand Centre et Grand Est, l'étendue de leur territoire n'a pas permis de constituer un projet cohérent. Ainsi, une organisation adaptée devra être mise en place. Pour Lyon–Saint-Étienne, Grenoble 1 (UJF), Grenoble 2 (INPG) et Saclay, malgré des territoires restreints, les acteurs ne sont pas parvenus à s'entendre. Ainsi, lorsqu'il s'est rendu en région Rhône-Alpes, René Ricol a demandé la création d'une société unique pour Lyon et Grenoble. Le comité de pilotage devra examiner les nouvelles propositions, et ce, avant la décision du jury qui est prévue pour octobre. La contractualisation interviendra ainsi dans le meilleur des cas en décembre.
Les dépenses publiques de recherche sur ces territoires ne sont jamais, y compris en Alsace, inférieures au montant minimum de 300 millions d'euros, initialement fixé pour assurer une base suffisante d'activité aux sociétés d'accélération du transfert de technologies.
Les actions spécifiques des Instituts Carnot participent, elles, aussi à la valorisation. Existant depuis 2005-2006, elles sont renouvelées avec un mécanisme d'abondement fondé sur les recherches partenariales réalisées. Cela représente 17 M€ d'investissement d'avenir par an en plus des 60 M€ d'abondement des Instituts Carnot. S'agissant des investissements d'avenir, le diagnostic fait apparaître une articulation difficile entre les PME et ces instituts et une présence réduite des acteurs à l'international. On a souhaité que les 17 M€ soient donc prioritairement affectés à ces deux secteurs, et que les projets soient revus. Ainsi après clôture des appels à projets, on compte 13 projets déposés, 7 pour l'action spécifique « PME » et 6 pour l'action spécifique « international ». Le retour d'analyse des dossiers par le comité de pilotage des Instituts Carnot est prévu pour le 30 juin prochain et la décision devra être prise pendant l'été. Déjà, on peut constater que ces instituts se sont regroupés entre eux. Néanmoins, on observe aussi que les dossiers sont globalement assez moyens et hétérogènes. L'hypothèse d'un deuxième appel à projet n'est donc pas exclue.
Quant aux Institut de recherche technologique, ils sont dotés de 2 Mds € dont 25% consomptibles. Six projets ont été sélectionnés avec un processus de contractualisation qui devra être finalisé le 1er octobre. Il s'agit de : Nanoelectronique à Grenoble, de M2P (matériau) dans l'Est de la France, Lyonbiotech qui regroupe pour 40% Pasteur Paris et l'IRT santé à Lyon, Aéronautique, espace et systèmes embarqués (AESE) à Toulouse, Railenium (infrastructures ferroviaires) à Valenciennes, Jules Verne, IRT sur les matériaux composites pour l'aéronautique, les transports navals et terrestres à Nantes.
Au-delà de ces six projets, l'absence du secteur numérique a été remarquée. C'est pourquoi deux dossiers pouvant être labellisés, sous réserve d'apporter des modifications importantes avant octobre, ont été retenus. L'objectif est une contractualisation éventuelle en début 2012. Ces deux projets sont SystemX à Saclay et B-Com dans le secteur des communications à Rennes.
Les IRT associant secteur public (50% sur les investissements d'avenir) et secteur privé exigent un véritable engagement de ce dernier secteur de l'ordre de 30%. Cet engagement n'est pas facile et exige une interface publicprivé qui fonctionne avec un règlement financier et nécessite une clarification par la Commission européenne du régime d'exemption des aides d'État.
Voilà pour l'état des lieux que nous pouvions faire à l'heure actuelle sur les investissements d'avenir.
Vos propos ont évoqué une vingtaine d'initiatives, et de sigles, ce qui illustre la complexité du paysage actuel de la recherche. Celui-ci a évolué, mais pas dans le sens de la simplification.
Je souhaiterais vous poser trois questions :
• En premier lieu, vous avez fait état de l'objectif de « conforter les cathédrales ». Or, les plus grands sanctuaires n'ont-ils pas commencé par de petites chapelles ?
• Ensuite, les « business angels » se sont-ils brûlés les ailes au contact des SATT ?
• Enfin, comment les relations avec les investisseurs potentiels sont-elles organisées ?
Il faudra certainement simplifier à l'avenir le paysage de la recherche. Toutefois, les processus mis en oeuvre font apparaître des ensembles dans les grandes métropoles universitaires. A Lyon, ou à Bordeaux, par exemple, on est dans une logique de simplification pour accroître la visibilité internationale. Ainsi, des institutions diverses ont compris l'intérêt de s'abriter derrière une marque commune. La simplification est donc en devenir.
Par ailleurs, des structures comme les Laboratoires d'excellence sont plus visibles et plus stables que les unités mixtes de recherche (UMR).
Dans un paysage compliqué, les investissements d'avenir sont un moment où se dessinent des collaborations qui seront, à terme, simplificatrices.
On observe, enfin, que les chercheurs ne se posent que des questions qu'ils se posaient déjà, mais avec, cette fois, la perspective de disposer de moyens.
L'appel à projet n'a pas eu pour seul objectif de conforter les scientifiques déjà reconnus, il a eu aussi le but de favoriser l'émergence d'équipes d'avenir. Une autre façon de poser cette question consiste à se demander si le système surconcentre les moyens ou s'il en donne à chacun. C'est aussi pour cette raison que le système est complexe : il existe ainsi plusieurs échelles et dimensions à considérer.
S'agissant des appels d'offres Equipements d'excellence et Laboratoires d'excellence, l'adaptation principale pour le deuxième tour portera sur l'intervention des alliances. Lors de la première vague, en raison de délais courts, les porteurs de projet et les jurys ont travaillé dans la précipitation. L'intervention des alliances fut par conséquent tardive. Au deuxième tour, les alliances rencontreront les jurys au début du processus. Elles sont donc maintenant mieux à même qu'auparavant d'exprimer leur vision de la stratégie.
Évidemment, il faut aller vers plus de simplicité, mais il faut mesurer l'efficacité des dispositifs et non leur simplicité. D'ailleurs, sur la valorisation de la recherche, la complexification n'est pas majeure.
Les « business angels » viennent peu d'emblée vers les SATT. En revanche, les SATT peuvent prendre des participations dans des « start-up », au premier tour de table. Elles peuvent également faire des apports en nature, notamment au niveau de la propriété intellectuelle ainsi que du matériel. À partir de là on mesurera l'efficacité des SATT en terme de « deal flow » (flux de dossiers d'investissement qui leur sont présentés) et de qualité de ce « deal flow ». On mesurera aussi l'efficacité des SATT en fonction de l'intérêt des « business angels » pour ces « start-up ». Ce sera tout le travail des futurs patrons des SATT d'aller vendre leur dispositif et les fruits de leur maturation auprès des « business angels ».
Il y a certes des choses positives. J'ai rencontré René Ricol et Thierry Coulhon pendant cette période de grande agitation dans le monde universitaire et dans le monde de la recherche.
Au niveau de la recherche, on souffre de deux maux.
Premièrement, la concentration en termes de moyens financiers sur le territoire. Celle-ci est encore plus frappante que celle qui apparaît sur la carte des équipements et laboratoires que vous avez présentée. Or, il ne faudrait pas que la multiplicité des initiatives prises finisse par remettre en cause des spécialisations régionales de longue date. Retrouvera-t-on in fine un équilibre régional satisfaisant ? Il y a un vrai risque de désertification de certains territoires qu'il faudrait conforter dans leurs avantages plutôt que d'accroître leur marginalisation.
Deuxièmement, l'autre problème, l'héliotropisme, est plus récent. Dans le nord de la France (hors Paris) on a du mal à faire vivre un certain nombre d'universités et de laboratoires de recherche, à faire venir des gens, à avoir une capacité d'attractivité internationale ; ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne. Aussi les universités de Bordeaux, de Montpellier, de Toulouse, d'Aix-Marseille, de Nice sont plus développées que celles de Lille, Rennes, Nantes ou Nancy.
Sans parler d'aménagement du territoire, il faut réussir à mettre des moyens là où il y a de la matière grise, il ne faut pas qu'une multiplicité d'initiatives arrive à revenir sur des stratégies de recherche et d'innovation qui avaient été mises en place sous d'autres formes, par d'autres ministres, avec des organismes qui avaient des stratégies de spécialisation selon les villes universitaires. Par exemple, l'INRA avait mis son pôle forêt-bois au niveau de la région Lorraine. On a l'impression que ces stratégies peuvent être « chamboulées ».
D'où ma première question : va-t-on retrouver un équilibre ?
Il me semble que « la France perd le nord ». Si on n'a pas une stratégie globale pour trouver les points forts de chacun, on va arriver à une désertification de certaines régions.
Mon deuxième point est que l'on a l'impression de refaire une photographie de l'existant. Les endroits qui accueillent des gens à forte notoriété ont plus facilement gagné aux appels d'offre que les endroits où il y a des IUF. C'est-à-dire que la carte des prix Nobel, des médailles d'or du CNRS ou des médailles Fields est meilleure que celle des IUF. Demain, ce ne seront pas forcément des gens confirmés aujourd'hui qui seront à la tête des meilleurs laboratoires. Il faut aussi voir les projets des membres juniors de l'IUF, des jeunes du CNRS, de l'INSERM ou d'un certain nombre d'autres organismes, alors que beaucoup n'ont pas eu leurs projets retenus.
Mon troisième point porte sur la deuxième phase des IdEx. Cette phase sera importante, mais quelle en sera la règle du jeu ? Par exemple, tout s'est tellement mis en place si rapidement pour les IEED qu'on ne savait même pas s'il y aurait une deuxième phase. J'ai cru comprendre qu'il n'y aurait que deux projets retenus. Certains dossiers n'ont pas été présentés à la 1ère phase. Étiez-vous certains qu'il y aurait une deuxième phase ?
Il faut vraiment clarifier les règles du jeu. Il est très important d'avoir cette discussion, notamment sur les IdEx qui sont une sorte d'aménagement du territoire. Il ne faut pas qu'il n'y ait que des universités du sud de la France qui soient retenues.
Je termine par les SATT. Il y a un réel problème de gouvernance. On n'a pas assez tenu compte de ce qui existait dans la catégorie des « business angels ». Il y a des fonds d'amorçage et des fonds de capital-risque. Il y a un certain nombre d'Instituts de participation régionaux qui existent. La nouvelle carte qui apparaît n'est pas forcément en phase avec ce qui s'était fait précédemment sur ces sujets qui sont pourtant majeurs. Si on ne favorise pas le lien entre l'innovation et la matière grise, on n'aura pas de retombées économiques de l'argent qu'on investit dans le grand emprunt.
Je parlerai de toute une série d'équilibres qui risquent d'être compromis avec certaines de ces initiatives, sans revenir par ailleurs sur les complications déjà évoquées des « listings » et labels :
• Un équilibre entre réseau et locomotives : c'est la première fois que j'entends parler de réseau et non plus seulement de lauréats ou locomotives. Ce concept de réseau que tirent des locomotives me paraît essentiel. Nous ne sommes pas un grand pays et on ne peut pas se mettre en concurrence les uns avec les autres. Donc, non au nivellement par le bas, mais oui au réseau avec des locomotives fortes. Cela permettra aussi de faire émerger de jeunes équipes, car les niches d'excellence non identifiées comme des pôles leaders sont souvent des équipes assez jeunes et innovantes ;
• Un équilibre entre universités et organismes : l'inconvénient avec tous ces LabEx, EquipEx, etc… c'est que les règles sont devenues un peu technocratiques. Or, la réalité est plus diverse : à certains endroits, on peut centrer les projets autour des universités, à d'autres, historiquement il existe une richesse avec des organismes européens et nationaux, des écoles d'ingénieurs et des universités. Je suis assez pragmatique et ce qui compte, c'est ce qui marche, même si cela ne rentre pas dans le moule prévu par les appels d'offre. On a senti quand même fortement la prégnance d'un moule unique et on a dû se battre contre la culture unique à certains endroits ;
• un équilibre entre la vision projets, qui est dynamique, et la nécessité de disposer de moyens pérennes pour assurer l‘avenir de la recherche fondamentale qui fournira les applications pratiques plus tard, dans un délai et des domaines qui ne sont pas encore connus. On a l'impression d'un déséquilibre en faveur des projets et ce balancier est mauvais : la recherche a besoin d'une vision stable, stabilisée, pour que les chercheurs puissent travailler dans de bonnes conditions ;
• un équilibre entre les entreprise vertueuses et celles qui ne le sont pas : quand on voit qu'un grand groupe pétrolier français fait sa recherche avec des entreprises américaines et asiatiques, bénéficie du crédit impôt-recherche, ne paie pas d'impôts en France, n'utilise absolument pas les laboratoires de recherche français, mais qu'il est qualifié dans beaucoup d'IEED grâce à sa puissance de lobbying, alors que d'autres projets plus vertueux et davantage français ou européens n'ont pas été sélectionnés dans le premier tour, en tant que citoyenne et élue, je ne suis pas d'accord, je m'y oppose absolument ;
• un équilibre entre les jurys et une évaluation sur le terrain : il faudrait croiser les prestations devant le jury avec une appréciation sur le terrain puisqu'on a des outils d'évaluation. Il me semble que ce croisement n'a pas été assez respecté. Il faut aussi un meilleur croisement entre les initiatives locales réussies et les moules imposés par les règlements ;
• il manque aussi une focalisation sur ces « gazelles » que sont les « start-up », et aussi les ETI (entreprises à taille intermédiaire), car ce sont elles qui créent les emplois. On favorise trop les grands groupes. J'ai vu à plusieurs reprises, dans la région grenobloise, des entreprises prometteuses dénoncer des insuffisances de fonds qui ont conduit à leur départ à l'étranger, leur rachat par des entreprises américaines et la fermeture ensuite de centres de recherche en France. N'y a-t-il pas quelque chose à faire au niveau de l'Europe pour disposer de fonds à une échelle pertinente pour ne pas perdre les investissements faits, au départ, par des fonds publics plutôt que de les laisser partir ?
J'ajoute qu'en 1999, le CNRS avait élaboré un règlement d'application contraire à loi Allègre et que des entreprises créées en France ont pu être rachetées par des Américains, car le règlement fait par le CNRS interdisait au chef d'entreprise d'être actionnaire de la société qu'il avait créé.
Je vais parler d'une question technique : la valorisation. J'ai un souci quant à l'équilibre entre les consortiums de valorisation thématique, les agences des grands organismes thématiques et les dispositifs nouveaux des SATT qui maillent le territoire. Si on donne aux SATT comme mission ce qui coûte fondamentalement de l'argent et est très incertain, alors que dans le même temps on donne à des agences thématiques dynamisées le soin d'identifier les secteurs les plus rentables en termes de valorisation, on crée une situation assez préoccupante. En effet, on crée ainsi un secteur qui aura beaucoup de difficulté à remplir les objectifs de l'appel d'offre, soit au moins l'autosuffisance au bout de dix ans, alors que l'autre secteur sera dans les meilleures conditions pour accumuler de la valeur.
Un effet encore plus pervers et dangereux est à craindre. Dans la plupart des SATT, il existe des représentants des organismes de recherche et des CDT, et on aurait pu penser que les CDT et les Alliances joueraient le rôle de spécialistes contribuant à une action des SATT allant jusqu'aux actions permettant d'accumuler la valeur. Si, selon la présentation qui nous a été faite, on arrête la spécificité des SATT à la preuve de concept et au montage jusqu'au premier tour de table, en confiant par conséquent aux autres agences de valorisation la suite, je considère que l'on risque de mettre en place un système qui pourrait s'avérer non viable, et ce, assez rapidement.
Je relève que je n'ai pas entendu beaucoup de compliments au sujet des initiatives qui ont été prises, hormis le fait de pouvoir bénéficier de crédits supplémentaires.
Outre l'explosion bureaucratique née des dispositifs mis en place et que beaucoup de personnes ont déjà soulignée, je voudrais évoquer trois points :
• Avez-vous prévu, dans la remontée des comptes rendus d'activité, la question des coûts des investissements d'avenir, c'est-à-dire le temps très considérable passé en réunions par les chercheurs à répondre aux appels d'offre et la frustration suscitée par le rejet de 90 % des dossiers ?
En outre, il serait intéressant de confronter les différentes cartes que vous avez présentées à la configuration issue de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU).
On constaterait alors que les investissements d'avenir ont été déterminés dans la totale ignorance de la LRU, les universités n'ayant été ni consultées ni associées à leur mise en oeuvre ;
• Vous avez indiqué que les jurys avaient relevé un manque de « personnes » ayant répondu aux appels à projet institutionnel. La France emprunte tardivement le système des appels à projet, que le monde anglo-saxon a pratiqué durant plusieurs décennies. Or, depuis déjà une dizaine d'années, aux Etats-Unis, c'est aux personnes et non aux institutions que sont versées des sommes importantes pour mener les projets. C'est pourquoi, je crains que lorsqu'un crédit d'un million d'euros par an est attribué à un LabEx qui comprend vingt laboratoires, il ne reste plus grand-chose aux chercheurs pour travailler à leurs projets ;
• Sur quelle légitimité scientifique se fonde l'évaluation des projets qui a conduit à corriger l'enveloppe des appels d'offre, alors que ce sont des scientifiques à la compétence reconnue qui ont formulé les propositions de financement pour mener leurs projets ?
Je partage les observations formulées par Hervé Chneiweiss sur l'investissement en temps considérable, qui a été exigé pour remplir les dossiers. Dans ce contexte des investissements d'avenir, les acteurs publics sont totalement mobilisés.
Pour autant, le bourgeonnement des structures pose le problème de la gouvernance. Je me demande s'il en résultera une entropie accrue ou un système qui fonctionnera de façon cohérente.
Dans votre présentation, je constate que la formation est absente.
Certes, elle figurait dans les appels d'offres. Mais les jurys l'ont-ils prise en compte et considérée comme un critère suffisamment discriminant ?
Par ailleurs, sans mettre en cause le fait que l'enseignement supérieur soit l'objet de beaucoup d'attention, je crains toutefois que, dans quelques mois, en raison de la prolifération des structures, le clivage entre les différents sites ne soit renforcé, alors que, jusqu'à présent, ils avaient pu être proches en termes de compétence.
Je crois beaucoup à la capacité du système à évoluer et à se projeter dans un horizon à 25 ou 30 ans. Mais il faut s'assurer que la capacité et la volonté de transformation sera identifiée et accompagnée.
La plupart des questions que vous nous posez sont des questions que l'on se pose tous les jours. En ce qui concerne les questions de Jean-Yves Le Déaut sur les équilibres, plusieurs problématiques sont à analyser. Tout d'abord l'équilibre ParisProvince. Pour cette question l'image n'est pas la même suivant les appels à projets. Je laisserai Claude Girard parler des IRT pour lesquels il nous a été reproché le fait qu'il n'y en avait pas sur la région parisienne.
Pour les Initiatives d'excellence, il y a deux Initiatives d'excellence parisiennes sur sept. Ça ne préjuge pas du résultat final, mais l'équilibre ParisProvince ne nous parait pas outrageusement différent de la situation telle qu'elle est statistiquement. Mais la question est extrêmement profonde : soit on reproduit l'existant, et dans ce cas on n'aura pas fait grand-chose, soit on le distord violemment et alors que diriez-vous si la Corse, ou la Normandie étaient particulièrement privilégiées ? On est en fait dans un schéma intermédiaire, il reproduit les reliefs qu'on connaissait, et il fait apparaître des choses un peu surprenantes. Par exemple, si on prend la liste des Laboratoires d'excellence, on a quand même:
• Caen, Rouen, Orléans, Tours, Cergy, Paris-Est qui ont quatre laboratoires ;
• Clermont-Ferrand qui en aura 3 ou 4 ;
• La Guyane, Amiens, Compiègne, Limoges qui en auront un ;
• Perpignan qui aura un équipement et un laboratoire d'excellence sur le solaire, ils ont une niche et l'ont ainsi particulièrement bien exploitée.
On ne peut pas en tirer l'image unique d'une hyper concentration, c'est plus compliqué que ça. Mais évidemment, c'est une question qui doit nous tarauder tous les jours. Il est apparu des zones un peu plus blanches que ce que l'on imaginait : il y a le problème de l'ouest (BretagnePays de la Loire, pour des raisons qui n'ont pas été inventées par nous, c'est une situation bien connue). Pour parler plus spécifiquement du projet d'Initiative d'excellence, en BretagnePays de la Loire des personnes ont travaillé ensemble pour la première fois, ont fait un effort remarqué, autour de ces deux régions, ont caractérisés un axe RennesNantes comme dominant et ont su, avec des satellites et un réseau autour, organiser un projet. Il est clair que l'ensemble formé par ces deux régions à dix ans sera visible sur la carte européenne, mais quand on demande à un jury : « Sur qui pouvez-vous parier immédiatement comme étant potentiellement demain un champion national ? » ça n'est pas le projet qui leur vient à l'esprit. Pour autant que BretagnePays de la Loire n'a pas travaillé pour rien. Un IRT y sera présent et l'histoire n'est pas finie. Mais évidemment c'est une question très difficile et profonde que de trouver un équilibre entre la reproduction de l'existant et l'innovation. C'est ce que l'appel d'offre Laboratoire d'excellence semble avoir permis.
La deuxième grande question était sur la transparence. Evidemment, on a fait un certain nombre d'effort, mais, si on met encore plus de procédures, on nous accusera encore plus de bureaucratisation. On a été un peu précipité, car en France on doit faire les choses vite, sans doute un peu comme partout ; c'est en effet une politique d'impulsion qui ne peut pas s'éterniser sur un grand nombre d'années. En revanche, on a appris de la première vague. Pour IdEx 2, on publie la grille détaillée sur laquelle le jury fonde son travail, et on met en ligne les appels à projet, expertises financières et les suggestions faites aux candidats. Le travail est maintenant plus clair, plus transparent, plus abouti. Mais c'est un reproche auquel on doit tous les jours être attentif.
Quelques points complémentaires : on peut croire en regardant la carte que « la France a perdu le Nord », mais « elle n'a pas perdu le Nord » car, quand on regarde en termes de valorisation, on a des IRT dans ces zones. Néanmoins, l'inquiétude que l'on peut avoir c'est que ces IRT doivent être sur un terreau de recherche amont qui soit de qualité. Si on n'a pas des IRT qui se donnent les moyens de développer une recherche amont, on risque d'épuiser le système. C'est la vraie préoccupation. Cela compense la géographie NordSud, mais il faut aussi que le dispositif puisse s'autoalimenter en recherche amont. Une des pistes qu'on peut imaginer c'est le système Carnot. Les nouveaux opérateurs de recherche que seront les IRT, si le dispositif fonctionne, pourront candidater pour être labélisés Carnot, et avoir ainsi un système de ressourcement. C'est une bonne idée qui pourra germer dans l'idée des IRT non-situés sur un terreau riche en recherche amont.
Pour la question de la gouvernance, qui a le dos large, c'est vrai qu'il y a eu sur les SATT des remarques très fortes de la part du jury. Dans les SATT plurirégionales, il y a eu des cas, avec un directeur général localisé dans le nord du territoire et la structure localisée dans le sud, c'est caricatural, et ça ne pouvait pas fonctionner. On ne ciblera pas qui, mais l'autre élément que l'on a eu en retour des jurys est que l'arrogance, en terme de valorisation, ne remplace pas la compétence. Il s'agit d'un retour qui concerne certaines zones à forte concentration. Donc il y a aussi un problème d'organisation et de gouvernance.
A propos de la gestion du réseau. Les appels à projet LabEx caractérisaient trois ensembles possibles qui pouvaient être candidats :
• Un laboratoire positionné sur un site, une discipline, ou un ensemble de disciplines ;
• Des réseaux, et il y a eu des réseaux qui ont été reconnus ;
• Des instituts d'accueil de chercheurs étrangers, à titre exceptionnel.
Dans l'équilibre entre construction de sites universitaires et construction de réseaux nationaux (donc organismes), il est vrai que les Laboratoires d'excellence et les appels d'offres étaient plutôt sur la construction de sites universitaires.
En même temps, sur un certain nombre de thématiques (Robotex, …), le réseau à la bonne échelle a été perçu comme pertinent par le jury, et il a été retenu. Le réseau dont vous parliez, c'était autre chose, c'était le réseau à l'échelle macro, c'est-à-dire « qu'est-ce que l'on fait une fois qu'on a sorti le champion, comment ça entraîne le reste ? » Finalement, c'est la grande crainte du système à deux vitesses avec des zones délaissées. Si on regarde Saint-Etienne, on peut se demander où est sa place ; Saint-Etienne est dans le projet LyonSaint Etienne. Mais on peut aussi discuter sur son ampleur : a-t-il trop d'ampleur ? Les jurys internationaux considèrent souvent que c'est trop grand comme ensemble.
Je me suis permis de dire aux jurys d'Initiatives d'excellence qu'il y a deux choses qu'ils ne pouvaient pas faire ; la première c'était d'oublier l'histoire française qui nous a conduite là où on en est, et la seconde était d'ignorer les étudiants. Saint-Etienne a trouvé son espace de vie dans le PRES LyonSaint-Etienne, Chambéry est heureux au sein du projet Grenoblois. On peut se demander quelle est la place de Pau avec Bordeaux, je n'ai entendu personne à Pau dire que la réussite de Bordeaux leur poserait problème. J'ai piloté une petite chapelle en périphérie parisienne, la pire des choses pour nous, c'était de voir que Paris-centre n'était pas organisé. Si Paris-centre s'organise, les alliances deviennent plus claires. Au fond, la question se posera pour IdEx3, si telle ou telle région ou métropole a échoué pour des raisons contingentes, qu'est qu'on fait dans 5 ans, ou dans 10 ans.
En revanche, il semble que l'échelle à laquelle se sont placées les choses permet de traiter beaucoup de sites qui auraient pu se sentir satellisés. Il n'y a pas de moule dans l'esprit du jury, dans le sens où il y aurait une forme de gouvernance prédéterminée du point de vue juridique. C'est la diversité de l'écosystème français, tout le monde la connaît, et après tout, les alliances n'ont pas été obligatoires. Si on pense à une grande métropole, où les mêmes grands professeurs de physique ont fondé une université, des écoles d'ingénieurs, et ont fait venir un grand organisme national, mais où leurs descendants, finalement, parce que ces structurations partielles ont bien réussi, parce que le CEA à Grenoble c'est un empire, parce que l'UJF a vécu sa vie, et les écoles d'ingénieurs sentent leur force … si ces gens-là, après tout, considèrent qu'à l'échelle européenne ils gagnent à se rapprocher, s'ils veulent se raccrocher à un ensemble plus vaste, ça n'est pas nous qui les y forçons, le jury encore moins. Il faut savoir si ça vole, et si la diversité est productive. Si on prend l'exemple lyonnais, où la diversité est encore plus grande, là aussi on aurait pu imaginer des scénarios complètement différents, où quelques établissement essaient de faire la course tous seuls : ça n'est pas ce qui est sorti, et c'est une réponse à votre première questions sur le réseau.
En ce qui concerne l'équilibre des projets amont et aval, là non plus il n'y avait pas d'injonction. Néanmoins, je rappelle que les sciences humaines et sociales pouvaient candidater pour l'obtention d'EquipEx. Nous avons aussi des exemples de LabEx amont. En fait, il y a un constat qui est à faire sur le dynamisme des communautés pour qu'elles soient plus présentes à l'avenir.
En ce qui concerne l'évaluation, il y une vraie volonté d'évaluation régulière. Mais lorsque l'on veut faire une politique d'impulsion, et j'ai le sentiment que c'était la volonté du parlement, on se place sous un jury international.
Pour en venir aux questions d'Hervé Schneweiss, le coût pour se réunir est une vraie question d'évaluation. L'évaluation du grand emprunt, comme politique publique, c'est finalement les questions que l'on vient de se poser, c'est-à-dire quel sera le retour sur investissement. Il est vrai que les personnes ont passé beaucoup de temps à répondre aux appels à projets, mais à vrai dire, et bien avant les investissements d'avenir, les mêmes personnes ont aussi passé des milliers d'heures à construire ce qu'elles ont construit. De plus, il me semble que les chercheurs se sont posé des questions qu'ils se posaient déjà en termes d'alliance.
D'autre part, au niveau des LabEx, avec un taux de sélectivité de 100 sur 242, on pourrait nous reprocher un taux trop bas pour atteindre l'excellence. Mais il faut souligner qu'un important travail amont a été fait sur les projets. Par exemple, à Saclay, les communautés ont dépassé leurs mésententes pour présélectionner des projets, ce qui leur a permis d'avoir un bon résultat.
Les universités ont-elles été consultées ? Il me semble que les universités se sont engagées très profondément et ont signé les projets. A vrai dire, il s'agit de regroupements, mais certains sont extrêmement intéressants. Par exemple, aurait-on pensé il y a quelques années que l'ENA se regrouperait avec des structures purement universitaires, ou que Science Po serait heureuse au sein d'une structure universitaire créée avant les investissements d'avenir ?
En ce qui concerne la proposition des personnes qui porteraient des projets, après tout, certains grands noms de la science, qui sont sortis dans les laboratoires d'excellence, sont le genre de personnes à qui l'on a envie de dire « allez-y ». Mais les mathématiciens de Paris centre ont procédé à un travail de 15 ans entre les universités Paris VI et Paris VII, avec au sein de Paris VI les UFR de droite et de gauche. Ils ont mis 15 ans à surmonter cette situation pour faire un institut qui est une entreprise collective. Ainsi, il a semblé aux décideurs, qu'après tout, ce n'était pas la fin des projets collectifs en France. Néanmoins c'est une proposition intéressante, en tout cas « décoiffante » que de remettre l'accent sur l'individu.
Pour la formation, bien sûr qu'elle est importante. On a sens cesse crié « excellence : formation, recherche », l'écho nous a renvoyé « excellence : recherche », on a récrié « excellence : formation, recherche » et on continue. Cette attente est bien formalisée dans les appels à projet. On y voit une dimension formation. Mais en tout cas, le jury a trouvé que les projets étaient assez décevants de ce point de vue-là. Il faut sans doute remettre l'accent dessus pour les prochains appels à projets ; c'est la responsabilité du jury de redire qu'il attend des initiatives d'excellence dans ce domaine, et il y en a.
Quelques points complémentaires ; je reviens sur la remarque qui concerne les règles un peu technocratiques du dispositif et la notion de « moule » dans lequel on voudrait faire rentrer les projets.
L'idée qu'il y a derrière, entre autres, c'est qu'avec le Grand emprunt il faut montrer ce que l'on fait de plus par rapport l'existant, que l'existant fonctionne ou ne fonctionne pas. Il faut donc rendre compte et pouvoir mesurer, et je pense que lorsque l'on a un moule à peu près cohérent, même si on apporte de la souplesse dans le dispositif car il faut tenir compte de l'existant, ça permet à la fois de mesurer le progrès par rapport à l'existant, quel que soit le niveau de l'existant, et de comparer les initiatives entre elles. Ça permet donc d'avoir un bon thermomètre. D'autant plus que ça rejoint la question de l'évaluation de terrain qui n'a effectivement pas été faite dans la phase de sélection ; par contre, comme on s'engage toujours sur des phases de trois ans dans les investissements et qu'on a un fléchage sur dix ans, ça sera fait tous les trois ans. Ce sera un contrôle de terrain, avec un audit poussé du dispositif, qui viendra évaluer l'efficacité d'un IRT, l'efficacité d'une SATT. Et donc là on viendra augmenter ou baisser le montant affecté au bout de trois ans, de six ans et de neuf ans.
Sur les « gazelles », bien sûr qu'il y a un manque cruel. On a le fond d'amorçage qui existe et ça peut apporter un plus. Dans le Grand emprunt, 400 millions d'euros qui sont affectés, on pense qu'avec l'effet de levier et avec des fonds privés on arrivera à le monter à 600 ou 700 millions d'euros, René Ricol évoque parfois un milliard. En tout cas, ces crédits donnent un peu de souplesse, un peu de sang neuf au dispositif d'amorçage. Est-ce que ce sera suffisant ou pas, c'est la question que l'on peut se poser.
Sur le sujet des SATT, j'avoue avoir une grande difficulté répondre à la question de savoir si l'association CVTSATT va fonctionner ou non. En tout cas je peux vous dire qu'à titre personnel j'ai souvent des angoisses quand je vois le montant de 900 millions d'euros affecté. Néanmoins, on pourra dire que, pour une fois, on donne plus aux généralistes qu'aux spécialistes, 50 millions aux spécialistes, 900 millions aux généralistes. De là à savoir si cet équilibre va fonctionner, de là à savoir comment cet ensemble va fonctionner … En fait il y a une dimension de pari ; un pari d'autant plus fort selon moi, que aujourd'hui les moyens sont faibles en ce qui concerne la valorisation, alors que beaucoup d'argent va lui être consacré. Ce sera bien évidemment par phase, donc on ira doucement. Mais la véritable question qu'on se pose derrière, c'est celle des compétences ; or, à l'heure actuelle, elles ne sont pas au rendez-vous, en tout cas pas pour injecter 900 millions. Donc il faut y aller progressivement, peut-être y aura-t-il des rééquilibrages à faire, et c'est sur l'efficacité du système et sur la montée en compétence progressive que l'on verra s'il y a des rééquilibrages à faire entre spécialistes et généralistes ; mais à l'heure actuelle, je n'en sais rien.
Concernant les Instituts d'excellence en matière d'énergies décarbonées, on constate effectivement la difficulté de réunir le volume d'engagements nécessaires lorsque le projet est porté par un ensemble d'entreprises de petite taille, et ce, sans le soutien d'un grand groupe ; or, le domaine des nouvelles technologies de l'énergie se caractérise par un déploiement de nombreuses petites entreprises.
S'agissant des Instituts de recherche technologique, le principe est que les industriels mettent eux-mêmes de l'argent sur la table, et s'engagent à hauteur d'au moins 30%. Cela correspond à la volonté de voir les industriels partager l'affectio societatis, en prenant leur part des risques dans la coopération avec la recherche publique. L'évaluation de cette motivation sera un critère essentiel de la vitesse d'engagement des fonds de l'Etat dans les IRT.
L'appel à projet IdEx2 fera-t-il une place plus importante aux universités de technologie, universités qui jouent un rôle très important dans le développement scientifique chez certains de nos voisins ?
Un projet candidat aux Initiatives d'excellence doit être multidisciplinaire, ce qui laisse toute sa place à une éventuelle dimension technologique. Un projet sélectionné a pu ainsi prendre le thème de l'ingénierie comme slogan. Le modèle de germination du MIT partant d'un noyau technologique pour s'étendre à des disciplines fondamentales n'est pas interdit, mais il n'est pas forcément pertinent en France. En tout état de cause, beaucoup d'universités de technologie ont su trouver leur place dans des projets portés par des ensembles plus vastes.
Pour revenir à l'effort d'engagement demandé aux entreprises dans les IEED et IRT, il est d'autant plus justifié que celles-ci disposent, avec le dispositif du crédit d'impôt recherche, d'une forme de couverture du risque pris.
L'importance prise par cet échange sur les investissements d'avenir m'amène à deux conclusions, que le Premier vice-président Bruno Sido partage avec moi : d'une part, la nécessité de faire d'autres réunions de suivi sur la situation des investissements d'avenir ; d'autre part, le renvoi à une autre date de la deuxième partie de notre ordre du jour, qui devait être consacrée à un échange entre l'OPECST et son conseil scientifique sur le bilan des activités de l'année écoulée, et l'identification de pistes futures d'activité, à travers une analyse des perspectives scientifiques et technologiques.
Liste des acronymes utilisés
ADEME : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
ANR : Agence nationale de la recherche
CEA : Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives
CGI : Comissariat general à l'investissement
CVT : Consortium de valorisation thématique
EquipEx : Equipement d'excellence
ETI : Entreprise à taille intermédiaire
IdEx : Initiative d'excellence
IEED : Institut d'excellence énergies décarbonées
IHU : Institut hospital-universitaire
INPI : Institut national de la propriété industrielle
IRT : Instituts de recherche technologique
LabEx : Laboratoire d'excellence
MIT : Massachusetts Institute of Technology
PIA : Programme d'investissements d'avenir
SATT : Société d'accélération du transfert de technologies