Je parlerai de toute une série d'équilibres qui risquent d'être compromis avec certaines de ces initiatives, sans revenir par ailleurs sur les complications déjà évoquées des « listings » et labels :
• Un équilibre entre réseau et locomotives : c'est la première fois que j'entends parler de réseau et non plus seulement de lauréats ou locomotives. Ce concept de réseau que tirent des locomotives me paraît essentiel. Nous ne sommes pas un grand pays et on ne peut pas se mettre en concurrence les uns avec les autres. Donc, non au nivellement par le bas, mais oui au réseau avec des locomotives fortes. Cela permettra aussi de faire émerger de jeunes équipes, car les niches d'excellence non identifiées comme des pôles leaders sont souvent des équipes assez jeunes et innovantes ;
• Un équilibre entre universités et organismes : l'inconvénient avec tous ces LabEx, EquipEx, etc… c'est que les règles sont devenues un peu technocratiques. Or, la réalité est plus diverse : à certains endroits, on peut centrer les projets autour des universités, à d'autres, historiquement il existe une richesse avec des organismes européens et nationaux, des écoles d'ingénieurs et des universités. Je suis assez pragmatique et ce qui compte, c'est ce qui marche, même si cela ne rentre pas dans le moule prévu par les appels d'offre. On a senti quand même fortement la prégnance d'un moule unique et on a dû se battre contre la culture unique à certains endroits ;
• un équilibre entre la vision projets, qui est dynamique, et la nécessité de disposer de moyens pérennes pour assurer l‘avenir de la recherche fondamentale qui fournira les applications pratiques plus tard, dans un délai et des domaines qui ne sont pas encore connus. On a l'impression d'un déséquilibre en faveur des projets et ce balancier est mauvais : la recherche a besoin d'une vision stable, stabilisée, pour que les chercheurs puissent travailler dans de bonnes conditions ;
• un équilibre entre les entreprise vertueuses et celles qui ne le sont pas : quand on voit qu'un grand groupe pétrolier français fait sa recherche avec des entreprises américaines et asiatiques, bénéficie du crédit impôt-recherche, ne paie pas d'impôts en France, n'utilise absolument pas les laboratoires de recherche français, mais qu'il est qualifié dans beaucoup d'IEED grâce à sa puissance de lobbying, alors que d'autres projets plus vertueux et davantage français ou européens n'ont pas été sélectionnés dans le premier tour, en tant que citoyenne et élue, je ne suis pas d'accord, je m'y oppose absolument ;
• un équilibre entre les jurys et une évaluation sur le terrain : il faudrait croiser les prestations devant le jury avec une appréciation sur le terrain puisqu'on a des outils d'évaluation. Il me semble que ce croisement n'a pas été assez respecté. Il faut aussi un meilleur croisement entre les initiatives locales réussies et les moules imposés par les règlements ;
• il manque aussi une focalisation sur ces « gazelles » que sont les « start-up », et aussi les ETI (entreprises à taille intermédiaire), car ce sont elles qui créent les emplois. On favorise trop les grands groupes. J'ai vu à plusieurs reprises, dans la région grenobloise, des entreprises prometteuses dénoncer des insuffisances de fonds qui ont conduit à leur départ à l'étranger, leur rachat par des entreprises américaines et la fermeture ensuite de centres de recherche en France. N'y a-t-il pas quelque chose à faire au niveau de l'Europe pour disposer de fonds à une échelle pertinente pour ne pas perdre les investissements faits, au départ, par des fonds publics plutôt que de les laisser partir ?