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Intervention de Thierry Coulhon -

Réunion du 15 juin 2011
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Thierry Coulhon - :

Nous en venons au bilan quantitatif tel qu'on a pu le présenter au comité de surveillance, présidé par MM. Juppé et Rocard.

J'ai oublié de rappeler précédemment que l'on trouve normal de devoir s'expliquer au Parlement ; on le fait notamment devant les deux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi à d'autres occasions. C'est la règle du jeu d'expliquer au Parlement où nous en sommes, à savoir 49 appels à projet lancés, 32 clos, et 5 à venir.

En ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche, contrairement aux chiffres que je viens de citer, on peut considérer qu'on est au milieu du gué. On a accompli la première vague, qui sera terminée en juillet avec une sélection d'Initiatives d'excellence et la deuxième vient de commencer avec l'ouverture de l'appel à projet Initiative d'excellence 2.

Les jurys internationaux sont la pratique courante pour les appels à projets dans l'enseignement supérieur et la recherche. En revanche, il y a un certain nombre de programmes qui sont gouvernés par des guichets et gérés par les opérateurs. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'échelle des équipements et des Initiatives d'excellence n'est pas la même, le nombre de projets n'est donc lui, non plus, pas le même. Mais même s'y il n'y avait que 17 candidats aux Initiatives d'excellence, ces 17 candidatures permettent de couvrir l'essentiel du potentiel d'enseignement supérieur et de recherche français et évidemment ce sont des projets d'une telle importance que le nombre de dossiers n'est pas la variable la plus significative.

Avec 329 dossiers sélectionnés et 10 milliards d'euros affectés à des projets identifiés, on peut en conclure que la machine est en route d'un point de vue quantitatif.

Les processus allant de la sélection à la contractualisation de ces projets sont complexes étant donné qu'il y avait, sur chacun des grands secteurs, un ministère en charge mais aussi un opérateur. Puisque les investissements d'avenir étaient, par nature, interministériels, il fallait sans doute une instance interministérielle supplémentaire, il s'est agi du CGI. Néanmoins la présence d'un opérateur ayant un coeur de métier proche était nécessaire, d'autant plus qu'il s'agissait d'une volonté du Parlement d'avoir des opérateurs distincts des ministères.

Le travail de la première étape, qui a consisté à l'établissement des conventions et au versement des fonds aux opérateurs (date à partir de laquelle ils rapportent des intérêts), a été un travail long et parfois difficile, mais on peut espérer que ce travail, qui a notamment permis de contourner un certain nombre de difficultés, permettra d'économiser du temps pour les vagues suivantes.

Dans un second temps, sont venus le lancement des appels à projets, le travail de clôture de ces appels à projet et le travail de sélection.

Ensuite, on entre dans le travail de contractualisation avec les porteurs de projets, travail qui est en train d'être expérimenté avec les Equipements d'excellence première vague. Cette contractualisation, qui est faite entre l'ANR et chacun des lauréats, est un travail, lui aussi, difficile d'une part parce qu'il s'agit à nouveau d'établir la première convention type, mais aussi de la mettre en oeuvre, notamment en tenant compte des souhaits émis par le comité de pilotage (ministère et CGI), qui ont été matérialisés par les décisions du Premier ministre dans le cas des EquipEx. Ces décisions prenaient la forme de clauses qui portaient essentiellement sur l'impact socio-économique. Ces clauses étaient très détaillées et, par exemple, énonçaient que tel Equipement d'excellence devait se rapprocher de tel pôle de compétitivité. Cela nous a paru néanmoins une condition essentielle pour ne pas agir comme d'habitude, c'est-à-dire affecter les fonds et partir sans s'engager dans un processus à plus long terme qui puisse faire évoluer les dispositifs.

Enfin, le décaissement : il s'agit d'une étape qui évidemment est une source d'angoisse pour les chercheurs qui se demandent quand les fonds vont arriver. Mais je crois que l'action LabEx va être exemplaire de ce point de vue-là. En effet, pour cette action nous allons utiliser une procédure un peu simplificatrice qui consiste à affecter directement 10% de la somme allouée au projet (total des crédits consomptibles et non consomptibles) avec une contractualisation légère ; la contractualisation définitive interviendra dans un an au moment où les choses se seront stabilisées quant aux Initiatives d'excellences. Finalement, c'est un cas où les laboratoires verront arriver les fonds avant l'étape de contractualisation finale, et ce, rapidement, ce qui leur permettra donc de démarrer les projets plus tôt.

Le travail avec les différents opérateurs et le Parlement a été constructif et a nécessité de nombreux ajustements, notamment du fait que ce type d'action est nouveau. La remontée des comptes rendus d'activité (« reporting ») se fait de notre point de vue convenablement, mais c'est au Parlement d'en juger. Dans ce domaine, des ajustements ont été opérés. En effet, on était parti avec des ambitions un peu démesurées. A la base, le travail de remontée de la part des bénéficiaires finaux devait se faire de façon trimestrielle, mais c'était sans doute trop fin.

La suite de la présentation est un peu générale. Pour plus de détail, il faudrait donc la décliner en fonction de chacun des appels à projets.

Tout d'abord, le recours aux jurys internationaux a été largement accepté ; il faut dire qu'il avait été assez largement demandé par les communautés. Pour présenter le point numéro deux, je vais prendre l'exemple des Laboratoires d'excellence en essayant de décrire les tensions qui sont apparues ; tensions qui n'étaient pas tant entre l'instance jury et l'instance politique que sur le concept lui-même. En effet, le LabEx c'est finalement un objet nouveau qui est à cheval entre une notion projet, qui est classique à l'ANR (Agence nationale de la recherche), et une notion de structure, qui est un peu plus ce que l'on cherchait. Or l'équilibre n'a pas été trouvé immédiatement et il a fallu quelques ajustements que je décrirai tout à l'heure.

Les jurys devaient analyser avec attention si le projet et les sommes consacrées feront la différence par rapport à la situation actuelle. A la vue des faits, je dois moduler cette affirmation, du moins en ce qui concerne mon secteur. Pour un des trois appels d'offre dont j'ai la charge, Initiative d'excellence, on ne sait pas trop comment cela va se passer mais je pense que le jury aura à coeur de réfléchir au volet financier et donc de proposer une fourchette d'enveloppe qui permettra ensuite une négociation. Pour les deux autres appels, le jury n'a pas voulu ou n'a pas pu, pour des raisons de délais, faire l'analyse financière. Dans ces cas, c'est donc le ministère et le CGI qui ont fait ce travail. Nous avons été réticents à appliquer des règles globales de réduction de budget car celles-ci n'auraient eu aucun sens. Ainsi dossier par dossier, l'analyse a visé à ne pas donner plus que nécessaire pour que le projet décolle mais suffisamment pour qu'il le puisse tout de même. Dans les faits, les jurys ont eu plutôt tendance à saturer les enveloppes mais c'est à moduler puisque les situations sur Equipement d'excellence et sur Laboratoires d'excellence ont été assez contrastées de ce point de vue-là ; j'y reviendrai.

Je peux, à ce stade, essayer de tirer les leçons de trois appels à projets : Equipements d'excellence, Laboratoires d'excellence et Initiatives d'excellence.

S'agissant d'EquipEx, la principale surprise concerne le succès de l'appel à projet : 350 soumissions, dont beaucoup de grande qualité. EquipEx vise à financer de l'investissement et de la maintenance pour un montant de l'ordre de 2 à 20 millions d'euros, c'est à dire pour un créneau de besoin de financement mal couvert ; besoin d'un niveau qui est supérieur à la contribution d'un budget d'université, mais aussi inférieur au financement d'un programme européen. 52 projets ont été sélectionnés, ce qui manifeste une volonté du jury de laisser un choix très ouvert au Comité de pilotage, puis au CGI, qui fait la proposition finale au Premier ministre. Le jury a néanmoins classé les projets pour aider à ce choix : 33 A+, et cinq paquets de 9 A. Le CGI a adopté le principe de respecter l'ordre de préférence fixé par le jury, en retenant d'abord les projets A+, ensuite les projets A1 et A2. Mais le Comité de pilotage, comme le CGI, ont rajouté dans la proposition finale d'autres projets classés A, particulièrement en phase avec la stratégie nationale de recherche et d'innovation, ou répondant à des préoccupations d'équilibre géographique, même si le Grand emprunt n'a pas directement un objectif d'aménagement du territoire.

L'appel à projet pour les Laboratoires d'excellence met en avant un concept nouveau, correspondant à l'idée de constituer le noyau de futures Initiatives d'excellence, notamment en valorisant une recherche de visibilité internationale associée à un effort de formation. Cela concerne des projets de recherche se déployant dans un horizon à trois ou quatre ans, mais ouverts sur des perspectives plus pérennes. La sélection opérée par le jury est apparue conservatrice aux yeux de quelques-uns qui critiquent l'avantage accordé à l'excellence établie, mais aussi très innovantes aux yeux de beaucoup d'autres. Elle comportait une liste de 83 projets, plus restreinte que ce qu'il était possible de financer, et comportant de nombreux projets innovants. Le président du jury ayant expliqué au Comité de pilotage qu'il regrettait de n'avoir pu faire une place plus grande à des projets portés par des équipes renommées, le CGI a demandé au jury de nouvelles propositions qui ont permis de rajouter 17 projets à la liste, pour atteindre un total de 100 Laboratoires d'excellence.

La répartition géographique des Laboratoires d'excellence est certes très concentrée sur la région parisienne, les régions Rhône-Alpes, PACA et Aquitaine, mais ce phénomène est atténué si l'on considère les résultats des autres appels à projets, EquipEx, IdEx, IRT (Institut de recherche technologique), IHU. Finalement, chaque région de France est parvenue à faire jouer ses atouts sur un aspect ou un autre du soutien aux centres d'excellence.

En ce qui concerne les Initiatives d'excellence, deux vagues de sélection ont été prévues, une en 2010 et une autre en 2012. Le jury a visé, sur la première vague, la sélection de la moitié du contingent final de 5 à 10 prévu par la loi. Il s'est réservé, au stade intermédiaire de la pré-sélection, un choix au sein d'un effectif double de l'effectif cible. D'où la pré-sélection de 7 projets sur les 17 présentés. Cette démarche restrictive présente l'avantage de laisser toutes leurs chances à d'autres projets sérieux présentés pour la deuxième vague.

On peut identifier trois principaux problèmes dans le soutien aux centres d'excellence. Ceux-ci concernent particulièrement le dispositif phare des Initiatives d'excellence, en raison de l'importance des moyens qui lui sont affectés.

Le premier problème concerne la manière dont sera assuré le suivi des projets sélectionnés sur la période probatoire de quatre ans, mais aussi la définition des critères pour céder ou non la propriété de la dotation au terme de cette période probatoire. Il va falloir en effet assurer une véritable crédibilité de la menace d'un éventuel refus final de cette cession.

Le deuxième problème tient au devenir des entités ad hoc servant de support aux allocations du Grand emprunt : les Laboratoires d'excellence, par exemple, n'ont d'existence ni sur le plan juridique, ni sur le plan budgétaire, même s'ils sont clairement portés par un établissement ou un groupe d'établissements. Quant aux Initiatives d'excellence, ce sont des vecteurs d'incitation, invitant les acteurs à expliquer comment ils pourraient s'organiser s'ils bénéficiaient du soutien de l'Etat, mais sans contours imposé dans le cadre institutionnel actuel de la recherche ; à terme, une mise en concordance législative sera sans doute nécessaire pour les situer dans le paysage universitaire, et prendre en compte des modes d'organisation dont certains seront probablement inédits.

Le troisième problème est la difficulté d'apprécier a priori l'impact à long terme des Initiatives d'excellence, dont les succès et les échecs d'une région à l'autre dépendront de la diversité des contingences locales, avec un impact très structurant sur le devenir d'ensemble de la recherche française.

Une première carte, centrée sur les têtes de réseau, permet de montrer la répartition des lauréats des laboratoires et équipements d'excellence et du secteur santé-biotech. Cette carte est sévère et révèle une concentration assez importante. L'Ouest, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche Comté y sont peu représentés. Nous verrons si ces régions seront mieux traitées dans la deuxième vague de décisions.

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