Il y a certes des choses positives. J'ai rencontré René Ricol et Thierry Coulhon pendant cette période de grande agitation dans le monde universitaire et dans le monde de la recherche.
Au niveau de la recherche, on souffre de deux maux.
Premièrement, la concentration en termes de moyens financiers sur le territoire. Celle-ci est encore plus frappante que celle qui apparaît sur la carte des équipements et laboratoires que vous avez présentée. Or, il ne faudrait pas que la multiplicité des initiatives prises finisse par remettre en cause des spécialisations régionales de longue date. Retrouvera-t-on in fine un équilibre régional satisfaisant ? Il y a un vrai risque de désertification de certains territoires qu'il faudrait conforter dans leurs avantages plutôt que d'accroître leur marginalisation.
Deuxièmement, l'autre problème, l'héliotropisme, est plus récent. Dans le nord de la France (hors Paris) on a du mal à faire vivre un certain nombre d'universités et de laboratoires de recherche, à faire venir des gens, à avoir une capacité d'attractivité internationale ; ce qui n'est pas le cas de l'Allemagne. Aussi les universités de Bordeaux, de Montpellier, de Toulouse, d'Aix-Marseille, de Nice sont plus développées que celles de Lille, Rennes, Nantes ou Nancy.
Sans parler d'aménagement du territoire, il faut réussir à mettre des moyens là où il y a de la matière grise, il ne faut pas qu'une multiplicité d'initiatives arrive à revenir sur des stratégies de recherche et d'innovation qui avaient été mises en place sous d'autres formes, par d'autres ministres, avec des organismes qui avaient des stratégies de spécialisation selon les villes universitaires. Par exemple, l'INRA avait mis son pôle forêt-bois au niveau de la région Lorraine. On a l'impression que ces stratégies peuvent être « chamboulées ».
D'où ma première question : va-t-on retrouver un équilibre ?
Il me semble que « la France perd le nord ». Si on n'a pas une stratégie globale pour trouver les points forts de chacun, on va arriver à une désertification de certaines régions.
Mon deuxième point est que l'on a l'impression de refaire une photographie de l'existant. Les endroits qui accueillent des gens à forte notoriété ont plus facilement gagné aux appels d'offre que les endroits où il y a des IUF. C'est-à-dire que la carte des prix Nobel, des médailles d'or du CNRS ou des médailles Fields est meilleure que celle des IUF. Demain, ce ne seront pas forcément des gens confirmés aujourd'hui qui seront à la tête des meilleurs laboratoires. Il faut aussi voir les projets des membres juniors de l'IUF, des jeunes du CNRS, de l'INSERM ou d'un certain nombre d'autres organismes, alors que beaucoup n'ont pas eu leurs projets retenus.
Mon troisième point porte sur la deuxième phase des IdEx. Cette phase sera importante, mais quelle en sera la règle du jeu ? Par exemple, tout s'est tellement mis en place si rapidement pour les IEED qu'on ne savait même pas s'il y aurait une deuxième phase. J'ai cru comprendre qu'il n'y aurait que deux projets retenus. Certains dossiers n'ont pas été présentés à la 1ère phase. Étiez-vous certains qu'il y aurait une deuxième phase ?
Il faut vraiment clarifier les règles du jeu. Il est très important d'avoir cette discussion, notamment sur les IdEx qui sont une sorte d'aménagement du territoire. Il ne faut pas qu'il n'y ait que des universités du sud de la France qui soient retenues.
Je termine par les SATT. Il y a un réel problème de gouvernance. On n'a pas assez tenu compte de ce qui existait dans la catégorie des « business angels ». Il y a des fonds d'amorçage et des fonds de capital-risque. Il y a un certain nombre d'Instituts de participation régionaux qui existent. La nouvelle carte qui apparaît n'est pas forcément en phase avec ce qui s'était fait précédemment sur ces sujets qui sont pourtant majeurs. Si on ne favorise pas le lien entre l'innovation et la matière grise, on n'aura pas de retombées économiques de l'argent qu'on investit dans le grand emprunt.