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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 28 juin 2011 à 17h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mardi 28 juin 2011

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Madame la présidente, notre Commission doit examiner dans huit jours le rapport d'information de M. Jacques Grosperrin sur la formation initiale et les modalités de recrutement des enseignants et la mission d'information constituée sur ce thème doit se réunir demain mercredi à 16 h 15 pour conclure ses travaux. Or, malgré nos demandes réitérées, nous n'avons pas encore eu connaissance du projet de rapport. Celui-ci nous est promis pour « la fin de journée », ce qui nous laissera fort peu de temps pour l'examiner. Au nom des députés du groupe SRC, je tiens à dénoncer ces conditions de travail peu habituelles au sein de notre Commission.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Je ne manquerai pas de demander à M. Jacques Grosperrin de faire en sorte que vous puissiez consulter au plus vite son projet de rapport d'information.

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'examen, ouvert à la presse, sur le rapport de M. Éric Berdoati, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au patrimoine monumental de l'État (n° 3117).

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Cette proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée pour le mardi 5 juillet. La Commission a eu l'occasion d'aborder certaines des dispositions qui y figurent lors de la table ronde du 11 mai dernier, sur la valorisation du patrimoine culturel français.

PermalienPhoto de Eric Berdoati

La défense et la sauvegarde du patrimoine sont des préoccupations constantes de notre Commission et de l'ensemble de ses membres. Défendre le patrimoine ne se résume cependant pas à le laisser tel quel dans la main de l'État. Comme le soulignait René Rémond dans son rapport de novembre 2003, qui a constitué le fondement de la première vague de décentralisation postérieure à la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le transfert du patrimoine monumental de l'État aux collectivités territoriales n'est pas « une déchéance et une rétrogradation dans l'échelle des dignités », mais peut plutôt « contribuer à insuffler une âme à la décentralisation » et à « introduire une certaine rationalité dans un ensemble disparate qui s'est constitué au hasard des circonstances ». Le bilan positif de cette première expérience, qui s'est traduite par le transfert de 65 monuments, nous conduit naturellement à relancer le processus. Mme Muriel Marland-Militello avait d'ailleurs devancé nos collègues du Sénat en déposant une proposition de loi en février 2010.

Le dispositif proposé par le Sénat est différent de celui qui nous avait été soumis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, et avait ensuite été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire. Il s'inspire des conclusions du rapport d'information de Mme Françoise Férat, sénatrice, sur le Centre des monuments nationaux (CMN).

Les transferts ainsi relancés sont élargis à tous les monuments historiques qui, contrairement à ce que permettait le projet de loi de finances pour 2010, devront chaque fois être concernés en totalité, ce qui devrait éviter le dépeçage du patrimoine de l'État. La proposition de loi vise plus généralement à contenir les risques que ferait peser une dévolution insuffisamment encadrée.

Son premier apport est la création d'un Haut conseil du patrimoine, qui se verra assigner quatre missions principales.

Il aura tout d'abord à se prononcer sur tout projet de transfert à une collectivité territoriale dans le cadre fixé par l'article 4 de la proposition de loi, mais aussi sur tout projet de cession par l'État d'un monument historique à une personne publique ou privée. Les critères pris en compte seraient notamment ceux qui ont été dégagés par la commission Rémond.

En second lieu, il sera chargé d'identifier ceux des monuments historiques appartenant à l'État qui ont une vocation culturelle et, le cas échéant, d'élaborer des prescriptions permettant de respecter cette vocation.

Il devra ensuite se prononcer sur l'opportunité d'un déclassement du domaine public de tel ou tel de ces monuments en vue de sa vente, ou de tel ou tel monument transféré à une collectivité territoriale et susceptible ensuite d'être revendu.

Enfin, il aura à se prononcer sur les projets de baux emphytéotiques administratifs d'une durée supérieure à trente ans – précision qui, au regard de la polémique suscitée par l'affaire de l'Hôtel de la Marine, n'est pas sans utilité.

Ces dispositions conduiront à imposer, en amont de toute décision de cession, une analyse objective et scientifique, pour ce qui concerne tant le régime de propriété que l'utilisation, notamment culturelle, du monument concerné. Elles conforteront également le rôle du ministre de la culture dans le processus de transfert, garantissant ainsi la prise en compte d'une dimension patrimoniale et culturelle parfois négligée dans la nouvelle politique immobilière de l'État.

Enfin, cette proposition de loi comporte également une avancée réclamée de longue date par le Centre des monuments nationaux et par les défenseurs du patrimoine : elle consacre le système de péréquation du Centre de sorte que, demain, les monuments déficitaires continueront à bénéficier des excédents dégagés par les monuments bénéficiaires – on se souviendra à ce propos que, lors de son audition, Mme Isabelle Lemesle, présidente du CMN, a précisé que ces derniers, au nombre de six seulement, permettaient de faire vivre plus de 90 autres, largement déficitaires.

Pour ce qui concerne les autres dispositions, l'article 1erA consacre dans notre droit la notion de patrimoine mondial, qui n'a pas encore d'existence législative, afin d'assurer une meilleure protection de ce patrimoine. L'article 2 bis comporte une disposition attendue depuis fort longtemps par les défenseurs du patrimoine : la possibilité de classer des objets comme des ensembles cohérents et de grever des objets ou ensembles classés d'une servitude de maintien in situ – la lamentable affaire des « châteaux japonais » a naguère illustré les carences de notre arsenal législatif à cet égard.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande d'adopter la présente proposition de loi.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Notre majorité est très attachée à la sauvegarde et à la mise en valeur de notre patrimoine sous toutes ses formes. C'est pour notre Commission un sujet d'attention constante. Il y a deux ans, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, le Gouvernement avait prévu de modifier les conditions de transfert aux collectivités territoriales pour relancer la décentralisation du patrimoine monumental de l'État opérée en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Comme vient de le rappeler le rapporteur, le Conseil constitutionnel a censuré l'article en cause – non pas sur le fond, mais parce qu'il le considérait comme un cavalier législatif qui n'avait pas sa place dans ce texte.

La proposition de loi adoptée par le Sénat le 4 février dernier vise à encadrer ce dispositif de dévolution et à conforter la cohérence de la politique patrimoniale et culturelle de l'État. Elle reprend les propositions formulées dans le rapport d'information qu'a élaboré le groupe de travail présidé par la sénatrice Françoise Férat sur l'avenir du Centre des monuments nationaux.

Le texte prévoit la création d'une instance nationale, le Haut conseil du patrimoine, qui interviendra systématiquement afin de garantir une analyse objective et scientifique avant toute décision de cession d'un monument historique. Composé de personnalités qualifiées issues d'horizons très variés – historiens, architectes, représentants de l'administration et élus –, le Haut conseil garantira une évaluation objective des enjeux culturels. Son avis sera écouté et respecté. Il reviendra à cette instance d'apprécier l'opportunité de chaque cession envisagée, que ce soit à titre gratuit s'il est souhaitable que ce monument fasse l'objet d'un projet culturel, ou à titre onéreux dans les autres cas, au profit d'une collectivité territoriale ou d'une personne privée.

Le Haut conseil a vocation à se prononcer sur l'ensemble du parc monumental de l'État, ce qui inclut donc les monuments historiques classés ou inscrits, gérés par France Domaine. Tous les monuments protégés de l'État sont donc potentiellement concernés, ce qui représente environ 1 750 monuments très divers par leur nature comme au regard de leur usage ou de leurs potentialités. Il ne s'agit pas pour l'État de se désengager, mais de favoriser la conservation et la mise en valeur partagée de notre patrimoine – de relancer la dévolution de ces monuments aux collectivités territoriales, mais en l'encadrant.

Certains transferts opérés en vertu de la loi de 2004 ont été de grands succès. Ainsi la fréquentation du château de Chaumont a crû de 37 %, celle du château de Tarascon de 34 %, celle du cloître de Notre-Dame-en-Vaux, à Châlons-en-Champagne, de 88 % ! La fréquentation du Haut-Koenigsbourg, qui était déjà importante, a encore progressé.

Seuls les monuments jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine pourront être cédés aux collectivités, ce qui rend le dépeçage impossible. Le transfert à titre gratuit implique la définition d'un véritable projet culturel. En outre, le déclassement du domaine public en vue d'une cession à titre onéreux devra être autorisé par le Haut conseil.

Enfin, la proposition de loi réaffirme le rôle prééminent du ministre de la culture dans la dévolution.

Ces dispositions offrent des garanties sérieuses et indispensables pour la protection de notre patrimoine monumental. Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi en l'état.

PermalienPhoto de Pascale Crozon

Cette proposition de loi est en réalité un véritable projet de loi et a d'ailleurs été largement complétée par le Gouvernement, qui utilise cette voie détournée pour éviter d'avoir à recueillir l'avis du Conseil d'État et à présenter une étude d'impact.

La loi du 13 août 2004 permet à l'État et au Centre des monuments nationaux de transférer à titre gratuit, aux collectivités locales qui en font la demande, des monuments classés ou inscrits dont la liste est fixée par décret. Cette liste comporte aujourd'hui 176 monuments et l'on dénombre déjà 60 conventions de transfert. En assouplissant les conditions de ces transferts – notamment des transferts à titre onéreux –, l'objectif du Gouvernement nous semble être de remplir les caisses de l'État et, peut-être aussi, de se débarrasser d'un patrimoine en mauvais état dont il aurait du mal à financer l'entretien.

L'article 116 de la loi de finances pour 2010, censuré parce qu'il constituait un cavalier législatif, représentait déjà une tentative dans cette direction. Le Conseil constitutionnel ne s'étant prononcé que sur la forme, la proposition de loi que nous examinons reprend la philosophie de cet article.

La mesure phare du texte est la création d'un Haut conseil du patrimoine, chargé d'établir une liste de tous les monuments transférables et de se prononcer au cas par cas lors de chaque demande de transfert. Sont ainsi concernés les transferts à titre gratuit, qui doivent s'appuyer sur un projet culturel, les ventes à titre onéreux, qui peuvent ne pas s'appuyer sur un projet culturel, et la revente par les collectivités des monuments transférés à titre gratuit. Cependant, le Haut conseil ne se prononce ni sur la revente par les collectivités des monuments transférés à titre onéreux, ni sur le transfert des meubles et objets associés aux monuments, ni sur les conditions de préservation des lieux ou d'ouverture au public.

Nous ne sommes pas opposés par principe au transfert de monuments nationaux aux collectivités territoriales. Face aux difficultés que rencontre l'État pour entretenir ce patrimoine et à la dégradation de certains sites, il est possible d'imaginer une implication croissante des collectivités dans ce patrimoine, qui peut servir des objectifs locaux, départementaux ou régionaux de développement culturel – à condition toutefois que les moyens suivent. C'est d'ailleurs dans cet objectif qu'avait été réunie la commission Rémond, inspiratrice de la loi de 2004.

Nous sommes en revanche très inquiets de la philosophie qui sous-tend cette proposition, dont on peut penser qu'elle autorise l'État à brader le patrimoine national pour remplir les caisses tout en encourageant les collectivités à se financer par le même biais, en recourant à la spéculation immobilière. Le projet de vente de l'Hôtel de la Marine ne peut que conforter une telle interprétation.

En l'état, ce texte nous inspire donc de sérieuses craintes pour la préservation et pour la mise en valeur de nos monuments nationaux. D'autre part, ses auteurs ne se sont à aucun moment préoccupés du sort des personnels concernés. Cette proposition de loi suscitant de nombreuses inquiétudes dans le monde culturel, nous espérons que la prise en compte de nos amendements permettra d'apaiser celles-ci.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Dans leur exposé des motifs, les auteurs de cette proposition de loi prétendent avoir traduit fidèlement les recommandations adoptées à l'unanimité par la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat à la suite de l'adoption de l'article 52 du projet de loi de finances pour 2010, devenu article 116 dans le texte adopté. Cet article, en effet discutable et d'ailleurs censuré par le Conseil constitutionnel, remettait en cause la pérennité même du patrimoine national, fondée sur un équilibre et une péréquation financière entre monuments garantis par le Centre des monuments nationaux. Il visait à transférer gratuitement aux collectivités qui en feraient la demande la propriété des monuments nationaux de l'État. Les parlementaires communistes, républicains et du Parti de gauche ont qualifié de « grande braderie » ce dispositif par lequel tous les monuments sans exception pouvaient ainsi être acquis en totalité ou en partie sans contrôle, sans encadrement et même sans limite temporelle, sur simple accord du préfet.

Aujourd'hui, sous couleur d'encadrer le transfert aux collectivités des monuments inscrits ou classés, la proposition de loi qui nous est soumise organise purement et simplement l'aliénation de ce même patrimoine. Avant même l'examen des amendements que nous présenterons en vue de parer à ses défauts les plus graves, je tiens à m'élever solennellement contre un texte qui, en réaffirmant la possibilité de ces transferts, marquerait un nouveau renoncement de notre pays à mener une politique patrimoniale digne de ce nom. Qu'est-ce qui nous assure, en effet, que des collectivités locales aux ressources amoindries pourront financer l'entretien et le fonctionnement de ces monuments ? Et rien dans le texte ne leur interdit de vendre ceux-ci au secteur privé…

Nous proposerons donc d'abord d'inscrire dans le code général de la propriété des personnes publiques le principe de l'inaliénabilité des monuments classés ou inscrits appartenant à l'État ou aux collectivités territoriales, en précisant qu'ils ne peuvent faire l'objet ni d'une procédure de déclassement, ni d'un bail emphytéotique administratif comme celui qu'on envisageait dans la scandaleuse tentative de cession de l'Hôtel de la Marine.

Nous proposerons ensuite de renforcer au maximum les prérogatives du Haut conseil du patrimoine et de le faire intervenir à toutes les étapes du processus. Il devra notamment donner un avis sur les baux emphytéotiques administratifs, qui ne pourront constituer une alternative non encadrée à l'aliénation du patrimoine monumental. La cession et le bail emphytéotique ne doivent être consentis qu'à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l'État et des collectivités territoriales. La sauvegarde, la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine sont des missions qui doivent en effet relever en premier lieu et à titre principal de la responsabilité publique. En outre, afin que le Haut conseil soit bien au coeur de la procédure de transfert aux collectivités territoriales, son avis ne doit pas être seulement consultatif et nous souhaitons donc que son accord soit exigé avant tout transfert.

Nous proposerons enfin que tous les personnels puissent bénéficier des mêmes droits, notamment de ceux qui sont garantis par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, et qu'il ne soit pas établi de différences entre eux selon les types de transferts. L'ensemble des emplois devront en outre être garantis.

Bien évidemment, si le texte restait en l'état, notre groupe voterait contre.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Le texte que nous examinons nous invite à un vrai débat sur les choix de l'État en matière de préservation et de mise en valeur des monuments historiques et du patrimoine en général.

La proposition de loi organise un mécanisme permettant à l'État de se séparer de monuments historiques. Les raisons financières que l'on devine derrière ce dispositif ont déjà été soulignées par certains de nos collègues. Officiellement, il s'agit d'un transfert aux collectivités territoriales de l'entretien et de l'animation de ces monuments, dans une optique purement culturelle. À la lecture du texte, il apparaît que les collectivités locales recevant la propriété des bâtiments seront en fait à peu près libres d'en faire ce qu'elles voudront, y compris de les vendre. C'est pour moi un premier motif d'inquiétude.

Le texte est également révélateur d'une volonté de réduire notablement l'effort consenti pour l'entretien du patrimoine historique. Mais si l'on admet que l'on ne peut pas tout entretenir, que choisit-on de sacrifier, et sur quels critères ? Une fois cette loi en vigueur, il sera trop tard pour répondre à ces questions.

Je suis personnellement très réticent à accepter que l'État puisse transférer la propriété de monuments historiques. Ces biens font partie du patrimoine de la nation et ne sont pas remplaçables. Ce ne sont pas des biens marchands et la meilleure manière d'assurer leur préservation et un usage conforme à leur statut est qu'ils restent propriété publique. Pourquoi transférer la pleine propriété si le principal objectif est de faire payer les collectivités locales et de leur laisser l'animation du monument ? Un bail emphytéotique de longue durée permettrait d'atteindre le même but en laissant à l'État un droit de regard sur l'usage du bâtiment. Je suis d'autant plus réticent que le texte ne met en place aucun garde-fou contre la vente d'un monument historique à des opérateurs privés ou même contre un usage autre que culturel par les collectivités locales.

J'espère que l'examen de cette proposition de loi sera l'occasion d'un débat de fond sur ses buts et ses effets véritables.

PermalienPhoto de Monique Boulestin

Le transfert de notre patrimoine monumental doit se faire selon des modalités respectueuses de l'histoire et de l'architecture de ces édifices, ainsi que de leur contribution aux missions culturelles de service public. La création d'un Haut conseil du patrimoine, dans la ligne des travaux de la commission Rémond, s'impose donc comme une évidence. Cependant, estimant que le Gouvernement a envisagé avec beaucoup trop de précipitation la dévolution du patrimoine monumental de l'État aux collectivités, nous souhaitons en encadrer les modalités par plusieurs amendements.

Nous souhaitons en particulier que toute sortie du domaine public soit autorisée par le Haut conseil, que l'État puisse demander la restitution du bien concerné et que le dépeçage soit interdit pour le patrimoine mobilier comme il l'est pour le patrimoine immobilier.

Notre crainte de voir brader notre patrimoine découle de notre volonté de garder intacts des monuments fondateurs de notre identité et de notre mémoire collective. Sans revenir sur les tristes affaires de l'Hôtel de la Marine et du Musée de l'Histoire de France, sur la polémique à propos du transfert des Archives ni sur la situation du patrimoine français à l'étranger, nous insistons pour que soit bien posée à l'occasion de chaque dévolution la question du projet culturel motivant la reprise.

Enfin, comme je le soulignais dans mon rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2010, l'article 52 invalidé par le Conseil constitutionnel permettait de brader tous les monuments sans exception. Il est regrettable aujourd'hui que cette proposition de loi ne reconnaisse pas au Haut conseil du patrimoine un droit de regard sur les transferts à titre onéreux.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Proposer une nouvelle possibilité de faire vivre le patrimoine monumental de l'État n'est pas en soi mauvais. Les prêts de tableaux appartenant à l'État aux musées français témoignent en effet que le patrimoine national peut fructifier lorsqu'il est mis à la disposition des collectivités territoriales. Faut-il, pour autant, transférer la propriété de ce patrimoine ? Seul importe l'usage. Là encore, les prêts de tableaux sont un bon exemple de la voie qu'il conviendrait de suivre. En la matière, il faut légiférer avec beaucoup de précautions.

Je salue néanmoins l'article 1er A nouveau, qui protégera le Mont Saint-Michel de projets d'implantation d'éoliennes qui auraient défiguré le site.

En 2009, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, le ministre de la culture, répondant à l'une de mes questions, a annoncé qu'il avait demandé à une personnalité – dont j'ignore le nom – une étude d'une durée de six mois sur les dévolutions de monuments nationaux. Monsieur le rapporteur, avez-vous des nouvelles de cette mission ? À défaut d'étude d'impact, il nous serait en effet utile d'en connaître les résultats.

D'éventuels ajouts à la liste dressée par la commission Rémond – qui comportait 176 monuments susceptibles de faire l'objet d'une dévolution – devraient être fondés sur des arguments solides, validés par le Haut conseil. Sera-ce le cas ?

Le texte garantit-il au même Haut conseil le pouvoir de vérifier que les préconisations qu'il aura formulées en vue du transfert sont respectées dans la durée ? Dans le cas où il constaterait qu'elles sont ignorées, ne devrait-on pas permettre à l'État de reprendre le bien transféré ?

Une étude économique sera-t-elle menée pour évaluer le risque de déstabilisation du Centre des monuments nationaux ?

Enfin, l'étude effectuée par le Centre d'analyse économique sur la valorisation du patrimoine culturel et la prospective « Culture et médias » du ministère de la culture sur le même thème témoignent d'une approche économique de la culture. Une telle instrumentalisation laisse penser qu'au moment de lancer le grand emprunt – qui est en fait une grande dette –, l'État aurait besoin d'argent… Est-il nécessaire de vendre des biens qui sont propriété nationale et sont précieux non seulement pour notre société d'aujourd'hui, mais aussi pour celle de demain ? Cela demande réflexion, en particulier à propos des dispositions qui permettent la vente de biens acquis à titre quasi gratuit. Ne nous enfermons pas dans les contraintes d'aujourd'hui !

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Ce débat est la suite d'un feuilleton qui a débuté en 2004, avec l'examen de l'article 97 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Les députés socialistes s'étaient alors prononcés contre la facilité que s'offrait l'État en bradant son patrimoine monumental et en transférant, pour s'en débarrasser, nombre de monuments historiques, souvent en très mauvais état, aux collectivités territoriales – qui ont connu depuis de nombreux autres transferts, en particulier dans le domaine social, car il semble que l'État transfère facilement ses déficits… et ses ruines.

Le texte qui nous est soumis consiste donc en une adaptation de dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 2009 mais que nous condamnons fermement depuis sept ans. Le risque existe que des collectivités territoriales, sous la pression d'une opinion attachée à la préservation d'éléments dégradés du patrimoine local, se voient contraintes de demander à l'État des transferts qui s'apparenteraient à des cadeaux empoisonnés, faute pour elles d'avoir les moyens de restaurer et de mettre en valeur ces monuments.

Nous maintenons par conséquent notre opposition à ces dispositions.

Au reste, dans un contexte budgétaire très contraint et au moment même où nous traquons les dépenses inutiles de l'État, est-il raisonnable de créer, avec le Haut conseil du patrimoine, une nouvelle structure ? Le ministère de la culture n'est-il pas en mesure de décider des réponses qu'il apportera aux demandes des collectivités territoriales ?

Quant à l'article 7, qui évoque la possibilité de revente par les collectivités territoriales des éléments de patrimoine reçus de l'État, il appellera un débat approfondi.

Sur toutes ces questions, un projet de loi eût été bien préférable à une proposition de loi, car il eût donné lieu à un avis du Conseil d'État et à une étude d'impact.

PermalienPhoto de Jean Roatta

Les « aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine » créées par la loi du 12 juillet 2010 garantiront-elles une meilleure protection que les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (PPAUP), auxquelles elles succèdent ? À Marseille, en effet, une décision ministérielle nous a contraints, malgré le classement, à accepter des modifications.

PermalienPhoto de Colette Langlade

Ayant des budgets de plus en plus resserrés, les collectivités auront-elles les moyens d'entretenir les monuments transférés par l'État ? D'autre part, est-il justifié d'autoriser le transfert de monuments et sites sans leurs objets et meubles ? Même si ce n'est pas toujours le cas, l'ameublement ajoute parfois à l'intérêt d'un édifice.

PermalienPhoto de Marie-Odile Bouillé

Les transferts de patrimoine aux collectivités territoriales puis, éventuellement, au privé inquiètent fortement les personnels travaillant dans les monuments concernés. Le transfert de ces agents est-il suffisamment encadré dans le texte ?

PermalienPhoto de Eric Berdoati

Je rappelle tout d'abord que le transfert n'est nullement une obligation, mais qu'il se fait à la demande de la collectivité. Les responsables d'exécutifs locaux sont à même de prendre des décisions éclairées, connaissant les capacités financières de leurs collectivités. Soyez assurés que celles d'entre elles qui se porteront candidates auront réalisé des études préalables, tant pour définir le projet culturel que pour évaluer le coût qu'elles auront à assumer. L'argument d'un transfert de charges imposé aux collectivités ne vaut donc pas.

Monsieur Rogemont, vous pourrez demander en séance au ministre de la culture quels sont les résultats de la mission qu'il avait annoncée. Pour ma part, je n'en ai pas eu connaissance.

Les monuments susceptibles de faire l'objet d'un transfert n'ont pas toujours une vocation culturelle : il peut s'agir d'un palais de justice ou d'une caserne et, dans ces cas, le transfert du personnel ne s'impose pas !

Pour ce qui est des « garde-fous » que vous souhaitez, ils relèvent avant tout de la convention qui sera passée entre l'État et la collectivité destinataire du monument transféré, et non du Haut conseil du patrimoine, qui se limite à rendre un avis après avoir étudié la qualité du projet.

Nous reviendrons sur les conditions d'une éventuelle vente du bien lors de l'examen des articles.

Quant au mobilier, la question se posera en fonction de l'affectation actuelle du bien concerné. Il en va, toutes proportions gardées, comme pour le personnel : le transfert du mobilier d'un palais de justice ou d'une caserne peut ne pas présenter d'intérêt.

Je tiens enfin à dissiper la confusion qui semble commise à propos du chiffre de « 1 700 ». Ce nombre correspond à deux listes distinctes de biens qui ne se recouvrent que très partiellement : celle des biens classés et celle des biens que France Domaine doit vendre.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Mes chers collègues, M. Jacques Grosperrin vient de m'informer que le projet de rapport d'information que demandait tout à l'heure M. Bloche vous a été distribué. Je vous propose par ailleurs de poursuivre demain l'examen des articles de la proposition de loi que nous avons commencé à examiner.

La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.