Le texte que nous examinons nous invite à un vrai débat sur les choix de l'État en matière de préservation et de mise en valeur des monuments historiques et du patrimoine en général.
La proposition de loi organise un mécanisme permettant à l'État de se séparer de monuments historiques. Les raisons financières que l'on devine derrière ce dispositif ont déjà été soulignées par certains de nos collègues. Officiellement, il s'agit d'un transfert aux collectivités territoriales de l'entretien et de l'animation de ces monuments, dans une optique purement culturelle. À la lecture du texte, il apparaît que les collectivités locales recevant la propriété des bâtiments seront en fait à peu près libres d'en faire ce qu'elles voudront, y compris de les vendre. C'est pour moi un premier motif d'inquiétude.
Le texte est également révélateur d'une volonté de réduire notablement l'effort consenti pour l'entretien du patrimoine historique. Mais si l'on admet que l'on ne peut pas tout entretenir, que choisit-on de sacrifier, et sur quels critères ? Une fois cette loi en vigueur, il sera trop tard pour répondre à ces questions.
Je suis personnellement très réticent à accepter que l'État puisse transférer la propriété de monuments historiques. Ces biens font partie du patrimoine de la nation et ne sont pas remplaçables. Ce ne sont pas des biens marchands et la meilleure manière d'assurer leur préservation et un usage conforme à leur statut est qu'ils restent propriété publique. Pourquoi transférer la pleine propriété si le principal objectif est de faire payer les collectivités locales et de leur laisser l'animation du monument ? Un bail emphytéotique de longue durée permettrait d'atteindre le même but en laissant à l'État un droit de regard sur l'usage du bâtiment. Je suis d'autant plus réticent que le texte ne met en place aucun garde-fou contre la vente d'un monument historique à des opérateurs privés ou même contre un usage autre que culturel par les collectivités locales.
J'espère que l'examen de cette proposition de loi sera l'occasion d'un débat de fond sur ses buts et ses effets véritables.