La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
La Commission examine, sur le rapport de M. Patrice Calméjane, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure (n° 3299).
Je dois malheureusement ouvrir cette séance en déplorant encore une fois la mort d'un soldat français en Afghanistan, survenue ce samedi 18 juin.
Le 1ère classe Florian Morillon du 1er régiment de chasseurs parachutistes de Pamiers est décédé des suites des blessures reçues au cours d'un accrochage pendant une patrouille à pied, laquelle a été prise à partie par des insurgés en Kapisa, au sud-ouest de la vallée de Bedraou. Il avait 21 ans. J'adresse à sa famille et à ses proches nos plus sincères condoléances.
Nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi visant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, adoptée par le Sénat le 30 mars dernier.
Le texte reprend certaines propositions du rapport d'information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Pour une réserve de sécurité nationale. Ce rapport avait permis de dresser un état des lieux complet de nos réserves, civiles et militaires, et avait identifié quelques pistes d'amélioration, susceptibles de mieux les intégrer dans la gestion des crises sur le territoire national.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un long travail effectué par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat et, plus particulièrement, par sa mission d'information sur les réserves, dont Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont été les rapporteurs.
Cette mission d'information avait souhaité, dix ans après la réforme des réserves militaires et suite à l'émergence des réserves civiles, examiner dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient s'appuyer sur les différentes réserves pour prolonger et amplifier la capacité de l'État à faire face à des crises de grande ampleur.
Que ce soit pour répondre à des catastrophes naturelles, comme les tempêtes Klaus et Xynthia ou les inondations à Draguignan, à des catastrophes industrielles comme l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, ou encore à des catastrophes de plus grande ampleur comme une pandémie, les événements du Japon ou les attentats du 11 septembre, les pouvoirs publics se doivent d'intervenir rapidement et d'être capables d'inscrire leur action dans la durée.
Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait justement placé parmi ses priorités la réorganisation de nos dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile ainsi que le renforcement de la résilience de la nation, concept cher à notre collègue Patrick Beaudouin.
Qui intervient aujourd'hui en cas de crise majeure sur notre territoire ?
Le Livre blanc est très clair à ce sujet : le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile se trouve en première ligne, les armées n'intervenant que de manière complémentaire, à la demande de l'autorité civile.
Au niveau central, c'est donc le ministère de l'intérieur qui assure la conduite interministérielle de la crise. Il s'appuie pour cela sur le nouveau centre interministériel de crise, situé dans ses locaux Place Beauvau. Ce centre travaille en réseau avec les autres ministères, en particulier ceux chargés des affaires étrangères, de l'industrie, de l'énergie, des transports et, naturellement, celui de la défense, avec lequel il assure la cohérence des moyens civils et militaires.
Pour l'anticipation des crises, le ministère de l'intérieur s'est doté d'une nouvelle direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale. Celle-ci est notamment chargée de l'élaboration, de l'actualisation et du suivi des plans de protection et de sécurité civile.
Au niveau local, ce sont les préfets de zone de défense et de sécurité qui sont devenus l'échelon de déconcentration interministériel de premier rang de gestion des crises et qui gèrent les moyens déployés par la sécurité civile.
Les armées n'interviennent que sur demande du préfet. Le contrat opérationnel de protection qui leur a été fixé exige qu'elles puissent déployer en quelques jours jusqu'à 10 000 hommes sur le territoire national. Elles seules disposent des hommes, du matériel et de la réactivité indispensables dans de nombreux cas.
Quelle place y occupent les réservistes ?
Dans les premiers temps d'une crise, ce sont naturellement les forces d'active qui sont mobilisées. Elles constituent en quelque sorte la « réserve » des forces de sécurité civile.
Les réservistes militaires jouent un rôle important, comme l'a souligné la mission d'information sénatoriale, dans l'armement des états-majors interarmées des zones de défense et de sécurité où ils peuvent représenter jusqu'à 75 % des effectifs. Au centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère de la défense, ils jouent également un rôle essentiel puisqu'ils sont plus d'une trentaine, sur un effectif de plus de 200 personnes.
C'est plutôt dans le deuxième temps de la crise, passée la montée en puissance rapide des forces d'active, que les réservistes pourraient être appelés à jouer un rôle croissant. En participant directement aux opérations ou en remplaçant des militaires d'active pour les opérations courantes, ils pourraient permettre la relève de ceux-ci et inscrire leur action dans la durée.
Enfin, dans la phase d'après-crise, après les opérations de secours, les réservistes, en particulier ceux de sécurité civile, pourraient contribuer activement aux opérations de déblayage et de soutien aux personnes rendues nécessaires par la désorganisation des services publics.
Or le fonctionnement actuel des réserves ne permet pas de répondre pleinement à ces attentes. Il se heurte en effet à trois difficultés. D'abord, les effectifs annoncés sont souvent théoriques : les fichiers ne sont pas toujours mis à jour et les coordonnées ainsi que l'emploi du temps des personnels disponibles pas toujours connus de l'administration. Deuxièmement, l'effort de planification et de préparation face aux différents risques effectué ces dernières années n'a pas, ou très peu, intégré les réservistes. Enfin, la réactivité de ceux-ci en cas de crise, telle qu'elle est actuellement organisée par les textes, est insuffisante.
C'est à ce dernier problème que vise à remédier la proposition de loi. Il ne s'agit pas d'un « grand » texte sur l'organisation des réserves, le Gouvernement ayant lancé récemment un travail sur ce sujet. La proposition vise à lui offrir la possibilité de faire convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure : elle crée avant tout un nouvel outil pour le pouvoir exécutif.
Le texte contient également une importante rénovation de ce que l'on appelle le service de défense, régime juridique qui permet à certains opérateurs d'importance vitale de maintenir ou de rappeler à leur poste leurs employés en cas de crise majeure.
Le titre Ier de la proposition de loi crée un nouveau régime d'exception : la réserve de sécurité nationale. Les régimes d'exception qui existent actuellement – état de siège, état d'urgence, mobilisation générale – souffrent en effet de deux limites : soit ils ne prévoient pas la convocation des réservistes, soit ils sont contraignants à mettre en oeuvre compte tenu des restrictions aux libertés publiques qu'ils imposent. Le texte permettra de mettre à disposition du Premier ministre un outil capable de répondre à des situations de crise comme les catastrophes naturelles ou technologiques.
Dans certaines circonstances exceptionnelles, appréciées par le Premier ministre, celui-ci pourra recourir par décret à la réserve de sécurité nationale et faire ainsi convoquer l'ensemble des réservistes, civils et militaires, pour la durée qu'il aura fixée.
Il ne s'agit pas de mettre en place une gestion interministérielle des réserves, comme le Livre blanc le préconisait, ni encore moins de créer une sorte de « garde nationale » à la française, spécialisée dans la gestion des crises sur notre territoire.
L'objectif de la proposition de loi est simplement de s'abstraire des conditions habituelles de convocation et de durée d'emploi des réservistes pour les faire venir plus rapidement, vraisemblablement sous trois jours, et pour une durée plus longue, de trente jours au maximum. Les règles applicables aux différentes réserves étant disparates, il est important de les harmoniser pour recourir à celles-ci en cas de crise majeure.
Les réservistes appelés à ce titre intégreront ensuite leurs unités d'affectation pour y occuper leur emploi habituel. Ils n'auront pas à solliciter l'accord de leur employeur pour répondre à leur convocation, comme c'est le cas en temps ordinaire. S'ils ne répondent pas à cette convocation, ils pourront encourir une contravention.
L'objectif poursuivi n'est naturellement pas de dissuader le réserviste de s'engager mais, au contraire, de valoriser son rôle en lui signifiant qu'en temps de crise, la communauté nationale a besoin de lui. Cela donne du sens à son engagement.
La seconde innovation introduite par la proposition de loi est la transformation du service de défense en service de sécurité nationale, comme le préconisait le Livre blanc.
Le service de défense est un régime juridique d'exception créé à la fin des années 1950 pour assurer la continuité de l'action publique et de celle des entreprises concourant à « la défense, à la sécurité et à l'intégrité du territoire et des populations, de même qu'à la sécurité et la vie de la population ». Concrètement, il consiste à imposer à certaines catégories de personnes travaillant pour l'un de ces organismes d'être présentes ou de rejoindre leur poste. Trop contraignant à mettre en oeuvre, il n'a jamais été utilisé.
La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a judicieusement lié le nouveau service de sécurité nationale au dispositif des opérateurs d'importance vitale.
Ces derniers sont désignés par le Gouvernement parmi « les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation. Ils sont un peu plus de 200 et doivent mettre en place des plans de continuité d'activité.
En cas de décision, par décret en Conseil des ministres, de recourir au service de sécurité nationale, les salariés concernés par un plan de continuité d'activité devront rester ou rejoindre leur poste de travail. S'ils appartiennent dans le même temps à la réserve, c'est leur affectation au sein de l'opérateur d'importance vitale qui primera.
En inscrivant pour la première fois dans la loi les plans de continuité d'activité, ce texte doit permettre au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d'amplifier son travail de sensibilisation des administrations et des entreprises à l'établissement de ces documents.
La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a supprimé de la proposition de loi une mesure visant à étendre le dispositif « mécénat » aux entreprises qui mettent à disposition des réserves des salariés pendant les heures de travail. Une telle mesure a davantage sa place dans le projet de loi de finances. De plus, les incitations financières dans ce domaine n'ont jamais été très efficaces. Il faut en revanche privilégier un dialogue plus important entre les pouvoirs publics, les entreprises et les réservistes, à l'image des partenariats entreprise-défense.
Pour conclure, cette proposition de loi ne règle pas tout. De nombreux chantiers restent à mener dans la gestion quotidienne des réserves, la détermination de leur doctrine d'emploi ou le développement de certaines d'entre elles : les réserves communales de sécurité civile demeurent embryonnaires et la réserve pénitentiaire n'existe pas encore !
Mais il faut également avoir à l'esprit que c'est la première fois que l'on traite de l'ensemble des réserves dans un même texte. Celui-ci a nécessité un important travail de concertation interministériel : il faut donc le voir comme le point de départ d'une réforme plus importante du fonctionnement de nos réserves.
La proposition de loi part d'un bon sentiment et ne peut qu'être utile, surtout au vu de ce qui s'est passé dans d'autres pays : la France n'est pas à l'abri d'une catastrophe ! Dans un premier temps, les moyens des sapeurs-pompiers, qui sont 250 000, et de la police nationale, forte de 120 000 personnes, devraient suffire. Mais on a du mal à maintenir ces effectifs sur place dans la durée et une réserve permettant d'assurer une continuité de l'action serait salutaire.
Cela étant, plusieurs problèmes se posent. D'abord, on constate des doubles appartenances dans la réserve : j'ai moi-même été réserviste de la marine et de l'armée de terre et ces forces ne semblaient pas communiquer entre elles ! Il faudrait identifier précisément la situation des réservistes ainsi que leur profil de compétences afin qu'ils ne soient pas dans plusieurs filières à la fois.
Par ailleurs, se pose la question de la disponibilité des réservistes. Le code de la défense prévoit actuellement un mois de préavis à l'égard de l'employeur et cinq jours d'utilisation des réservistes par an au maximum – sauf autorisation de celui-ci : autant de blocages éventuels qu'il va falloir lever. L'engagement des réservistes reposant sur le volontariat, les armées ou administrations qui les accueillent doivent mener une politique de communication continue pour éviter les départs. Le taux d'employabilité des réservistes pourrait être amélioré.
Les réservistes dont il est question sont de nature particulière et employés dans des circonstances exceptionnelles. Il n'en faut pas moins des moyens, ne serait-ce que pour assurer leur entraînement ou organiser leur réquisition. Quels sont ceux prévus pour l'entretien de cette réserve ? Les missions de celle-ci ne recoupent-elles pas celles de la sécurité civile ?
Je rappelle que la proposition de loi a pour objet l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure – et non en période ordinaire, où les réservistes suivent des formations spécifiques et sont mis à disposition des états-majors ou participent à la sécurisation de sommets tels que le G8 ou le G20.
Les doubles appartenances ne concernent que 7 % des réservistes. Il faut mettre en cohérence les fichiers pour éviter l'affectation de ceux-ci sur plusieurs emplois.
S'agissant de la disponibilité des réservistes, en raison de l'urgence, il ne sera pas nécessaire de recueillir l'accord de l'employeur – comme c'est le cas en période ordinaire.
Quant aux moyens de la réserve, ils sont actuellement financés par le budget de fonctionnement habituel. En cas de crise majeure, un dispositif particulier de financement pourrait être prévu, comme c'est le cas pour certaines opérations extérieures.
Plusieurs réservistes – dont certains ont des revenus modestes et sacrifient des jours de congé ou prennent des congés sans solde – se sont plaints, lors du changement du logiciel de paye, des délais de paiement relativement longs et de l'apparition d'une ligne de revenus imposables. J'ai insisté auprès des ministères de la défense et du budget pour que l'on remédie à ces problèmes et que les réservistes ne fassent l'objet d'aucun redressement.
Quel est le nombre des réservistes ? Quelle est leur répartition géographique, notamment dans les zones les plus éloignées ?
La réserve militaire de premier niveau regroupe des volontaires civils ou d'anciens militaires ayant signé un engagement à servir dans la réserve : elle représente un peu plus de 40 000 personnes. Celle de second niveau est composée d'anciens militaires soumis à l'obligation de disponibilité, dans la limite de cinq ans après la fin du service actif ; elle est appelable uniquement par décret en Conseil des ministres en cas de déclenchement de la mobilisation générale ou de la mise en garde.
La réserve civile de la police était constituée, jusqu'à fin 2010, exclusivement d'anciens fonctionnaires de la police nationale dégagés de leur lien avec le service. Depuis lors, elle est ouverte à l'ensemble de la société civile, à l'instar de la réserve militaire. Comptant 4 000 personnes, elle est destinée à effectuer des missions de soutien aux forces de sécurité intérieure et des missions de solidarité.
La réserve sanitaire, créée en 2007, est constituée d'une réserve d'intervention –destinée essentiellement aux opérations extérieures et forte de 286 personnes – et d'une réserve de renfort – composée de 254 professionnels de santé retraités et étudiants des filières médicales ou paramédicales.
Les réserves communales de sécurité civile sont apparues en 2004. Créées par les communes, elles sont composées de bénévoles non rémunérés. Au 19 août 2009, 245 réserves communales étaient recensées et 306 étaient en projet. On compte 2 109 réservistes, soit en moyenne 22 réservistes par réserve communale.
Quant à la réserve pénitentiaire instituée par la loi du 24 novembre 2009, elle n'a pas été mise en place car les décrets d'application n'ont pas encore été publiés : elle devrait compter 250 personnes.
Comme les réservistes sont rattachés aux forces d'active, ils ne donnent pas lieu à une répartition géographique.
Or on constate par exemple en région Ile-de-France que l'on n'a plus beaucoup de militaires d'active en dehors de quelques états-majors. En cas de crise majeure, on pourrait, si nécessaire, mobiliser les réservistes affectés à des régiments situés dans d'autres régions.
Ce texte n'est pas la panacée mais pas non plus une catastrophe ! Il a le mérite d'attirer l'attention sur la nécessité de disposer de réserves pour pallier les défaillances éventuelles de nos services publics de sécurité et de secours en cas de crise majeure. Cependant, tant que les réserves militaires n'auront pas été repensées pour les rendre plus efficaces et que les forces de réserve civile n'auront pas vu le jour, nous travaillerons de façon virtuelle. Je m'abstiendrai donc sur ce texte.
Il y a bien moins de réserves communales de sécurité civile que de communes. Des actions de sensibilisation sont-elles prévues au sein de l'Association des maires de France (AMF) ou d'autres structures pour encourager leur mise en place à l'échelle communale ou intercommunale ?
Les relations entre les réservistes et les entreprises sont-elles marquées par une meilleure compréhension ou au contraire par une tension accrue ?
Le ratio entre le nombre de réserves communales et celui des communes est en effet faible. Mais la mise en oeuvre de ce texte devrait conduire le ministère de l'intérieur à sensibiliser les maires, par l'intermédiaire des préfets, à l'intérêt de mettre en place des réserves civiles, notamment dans les communes faisant l'objet de plans de prévention des risques naturels ou de tout autre plan imposant des obligations au regard de la situation géographique – que ce soit en métropole ou dans les départements et territoires d'outre-mer (DOM-TOM), confrontés à davantage de risques naturels. Les réservistes étant en concurrence avec les sapeurs-pompiers volontaires, un travail d'harmonisation de leurs actions respectives devra être mené à bien sous l'égide des maires mais aussi des conseils généraux, compétents en ce qui concerne les SDIS.
S'agissant des relations avec les entreprises, on constate que les réservistes ont parfois tendance à cacher leur engagement, lequel n'est pas valorisé ; ils utilisent souvent leurs jours de congés pour servir dans la réserve et n'informent pas nécessairement leur employeur de leur statut lors de leur embauche. Il faut faire évoluer les mentalités : les entreprises peuvent avoir intérêt à employer des salariés favorisant, dans leur action de réserviste, le retour à une activité normale après une crise. Une sensibilisation accrue des chefs d'entreprise est donc bien nécessaire.
Je ne suis pas d'accord avec M. Jean-Jacques Candelier lorsqu'il dit que le dispositif proposé permet de pallier certaines défaillances des services publics, dans la mesure où il est des situations exceptionnelles nécessitant la mobilisation de moyens eux-mêmes exceptionnels. L'intérêt de ce texte est d'essayer de mutualiser un certain nombre de moyens pour faire face à ces situations.
Cette mutualisation peut s'opérer dans un cadre local, régional ou national en fonction de l'ampleur de la catastrophe, comme le montre par exemple l'intervention des sapeurs-pompiers volontaires dans le Sud-Est de la France l'été pour lutter contre des incendies importants, quand les moyens des professionnels ne suffisent pas. Or, les DOM-TOM, qui sont plus souvent touchés par des catastrophes de grande ampleur, ont parfois du mal à mobiliser des moyens venus d'autres régions ou de métropole, en raison de leur éloignement et de problèmes de logistique ou de coût. Ils ne peuvent compter dans un premier temps que sur eux-mêmes, comme l'a montré le dernier cyclone qui a ravagé l'île de Futuna voici plus d'un an. Des moyens spécifiques sont-ils prévus par le texte pour remédier à ces difficultés ?
Le dispositif repose sur une organisation interministérielle. Les préfets demanderont d'abord l'intervention des unités militaires, puis, dans un second temps, les réserves seront mobilisées.
Dans les DOM-TOM, on a conservé le service militaire adapté et certaines unités sont déjà sur place. Si, dans un premier temps, ils doivent compter sur eux-mêmes, ils disposent aussi de moyens spécifiques. Lors du tremblement de terre en Haïti, on a réussi à transférer rapidement des militaires d'active et des réservistes de métropole en Martinique, puis vers Haiti. Nous avons des unités militaires présentes en de nombreux points de la planète, qu'il convient de repositionner en fonction des catastrophes. On ne peut conserver des effectifs importants dans chaque territoire en vue d'une éventuelle crise ! Lorsque la zone touchée est très éloignée, l'acheminement des moyens peut prendre naturellement plus de temps, à l'image de ce qui prévaut pour certains villages de montagne en métropole.
Pour avoir vu l'utilisation des réservistes à de nombreuses reprises, je suis pleinement favorable aux réserves – que j'ai essayé de développer dans toutes les fonctions ministérielles que j'ai occupées : elles constituent un soutien important en cas de besoin et une des plus belles manifestations de la citoyenneté. Je suis donc pour l'expression de cette forme de solidarité dans un texte en cas de catastrophe.
L'emploi des réservistes cinq jours par an constitue une moyenne, mais j'ai toujours constaté une demande de servir pour une durée plus longue. Les contraintes budgétaires constituent un frein à cet égard, en particulier pour les opérations intérieures (OPINT).
Quant aux difficultés rencontrées vis-à-vis des entreprises, beaucoup de progrès ont été faits : nous avons notamment commencé à labelliser les entreprises qui développaient la réserve. De grands contrats ont été passés avec les ministères de la défense et de l'intérieur.
Si je suis favorable à cette proposition de loi, le fait de prévoir une contravention à l'encontre des réservistes ne répondant pas à leur convocation me gêne, car cela ne correspond pas à ce que j'ai constaté – la demande d'engagement est généralement supérieure à l'offre proposée, a fortiori en cas de catastrophe – ni à l'esprit de la réserve, qui repose sur le volontariat.
La réserve a besoin de se développer et d'être valorisée vis-à-vis des entreprises. Il faut approfondir les partenariats avec les administrations plutôt que de créer des incitations fiscales. Un label a été attribué par le ministère de la défense à 313 entreprises, avec des conventions mettant en place des clauses de réactivité. La situation s'améliore, même si des efforts doivent être poursuivis.
La contravention tend à responsabiliser le réserviste mais il y a peu de chances qu'elle soit mise en oeuvre. Je rappelle que pour les élections sénatoriales, le vote est obligatoire : on n'a pas vu pour autant beaucoup de préfets appliquer des amendes. En outre, par rapport à certaines dispositions du code de la défense qui prévoient des sanctions pénales pour les disponibles qui ne répondraient pas à leur convocation, le dispositif prévu est allégé.
Y a-t-il des réservistes qui ne répondent pas à leur convocation ? Je n'en ai pour ma part jamais rencontré, ni au ministère de la défense, ni à celui de l'intérieur ! Ou la réserve est volontaire, et c'est une question de confiance, ou on en change l'esprit !
Je comprends votre point de vue et cette question a été longuement débattue lors de la préparation du rapport, mais il nous a paru préférable de prévoir cette amende symbolique. Celle-ci d'ailleurs ne figure pas dans le texte. Elle sera éventuellement prévue dans un décret d'application. Nous serons attentifs aux dispositions élaborées par le Gouvernement sur ce point.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Titre Ier
Dispositif de réserve de sécurité nationale
Article premier : Création et mise en oeuvre du dispositif de réserve de sécurité nationale
La Commission adopte l'amendement DF 1 rédactionnel du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement DF 16 de M. Patrick Beaudouin.
Cet amendement vise à donner davantage d'ambition au texte. Comme vous le savez, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale évoquait la logique des passerelles et d'une meilleure organisation de nos réserves, qui constituent de véritables engagements citoyens. Dans mon rapport sur le parcours de la citoyenneté, du civisme et de l'esprit de défense, j'ai distingué trois périodes : une première, où l'on apprend les règles de savoir-vivre ensemble et la manière de les défendre ; une seconde, de sensibilisation, dans le cadre de la formation aux métiers, qui permet d'identifier ce que chacun peut donner à la communauté en cas de crise majeure ; une dernière, correspondant à l'engagement volontaire dans une réserve. Cet amendement tend, conformément aux préconisations du Livre blanc, à créer un Haut Conseil pour la réserve de sécurité nationale afin de renforcer notre capacité à mobiliser les citoyens sur ce sujet.
Je comprends parfaitement la philosophie de cet amendement mais elle ne correspond pas avec celle de la proposition de loi, laquelle a fait le choix de ne pas mettre en place la gestion commune des réserves prévue par le Livre blanc.
Les réserves ont chacune une identité, une organisation et un mode de fonctionnement qui leur sont propres. Il n'est pas question d'y toucher pour le moment.
L'objet du texte est simplement d'harmoniser les délais de convocation et de durée d'activité des différentes réserves en cas de crise majeure.
En cas de crise, la coordination de leur activité est faite, au niveau national, par le centre interministériel de crise du ministère de l'intérieur, conjointement avec ceux des autres ministères, en particulier le CPCO du ministère de la défense. Au niveau local, c'est le préfet qui coordonne l'ensemble des moyens déployés.
Enfin, je ne suis pas favorable à la création d'un nouveau Haut conseil. Ce texte est le premier à concerner la totalité des réserves, civiles et militaires, et a donné lieu à une importante concertation interministérielle : laissons ce processus se poursuivre ! Je vous invite donc à retirer votre amendement.
Je souhaite néanmoins attirer l'attention sur la nécessité d'aller plus loin dans la réforme, qui est trop modeste.
Le texte confère au Premier ministre des pouvoirs particuliers en cas de crise, un peu à l'image de ceux qui confère au Président l'article 16. Cependant, il n'est pas nécessaire que l'ensemble du territoire soit concerné pour faire appel au dispositif instauré par la proposition de loi.
L'amendement est retiré.
Puis la Commission adopte l'amendement DF 11 rédactionnel du rapporteur.
L'alinéa 12 prévoit qu'aucun licenciement ou déclassement professionnel, ni aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences liées à son engagement. Qu'en est-il par exemple en cas d'évaluations professionnelles négatives ?
Cette disposition tend à sécuriser le parcours professionnel des réservistes. Au-delà des cas prévus par le texte, si un salarié se sent discriminé dans le déroulement de sa carrière, il peut notamment saisir l'inspection du travail, sachant que d'autres facteurs que le fait d'être réserviste peuvent jouer.
Ne pourrait-on pas prendre en compte dans le texte l'évaluation professionnelle ou la progression de carrière ?
On ne peut fixer des obligations de progression de carrière ! A contrario, une grande marque suisse impose à ses cadres d'être réservistes. Cette mesure de discrimination positive pourrait être adoptée par certaines entreprises…
Le dispositif qui est proposé tend à répondre à des situations exceptionnelles : il doit rester ouvert et souple.
La Commission adopte ensuite l'article 1erainsi modifié.
Article 2 : Définition des nouvelles missions confiées aux réservistes militaires
La Commission adopte l'article sans modification.
Titre II
Des entreprises employant des réservistes
(Division et intitulé supprimés)
Titre III
Du service de sécurité nationale
Article 5 (nouveau) : Création d'un service de sécurité nationale
La Commission adopte l'amendement DF 13 rédactionnel du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 ainsi modifié.
Après l'article 5
La Commission examine tout d'abord l'amendement DF 14 du rapporteur.
Cet amendement tend à corriger une erreur de renvoi, qui rendrait le texte inapplicable, en insérant l'article suivant : « Aux articles L. 4271-1 à L. 4271-5 du code de la défense, la référence « L. 2151-4 » est remplacée par la référence « L. 2151-3. » ».
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement DF 15 du rapporteur.
Cet amendement est avant tout une mesure de coordination entre la proposition de loi et le code général des collectivités territoriales.
Ce code prévoit en effet que « Les réservistes de sécurité civile qui seraient par ailleurs affectés collectifs de défense sont tenus de répondre aux ordres d'appel de la réserve de sécurité civile, même en cas de mise en oeuvre du service de défense. »
Il convient de supprimer cette hiérarchie car désormais, en cas d'utilisation conjointe des deux dispositifs, c'est le nouveau service de sécurité nationale qui primera sur la réserve de sécurité nationale, dont font partie les réserves de sécurité civile.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.
Amendements examinés par la Commission
Amendement DF1 présenté par M. Patrice Calméjane, rapporteur
Article 1er
À l'alinéa 5, substituer aux mots « des services », les mots : « de l'action ».
Amendement DF11 présenté par M. Patrice Calméjane, rapporteur
Article 1er
À l'alinéa 15, substituer aux mots « opérateur public et privé mentionné », les mots :« des opérateurs publics et privés ou des gestionnaires d'établissements désignés par l'autorité administrative conformément ».
Amendement DF13 présenté par M. Patrice Calméjane, rapporteur
Article 5
À l'alinéa 11, après le mot : « concernées », insérer les mots : « par ces plans ».
Amendement DF14 présenté par M. Patrice Calméjane, rapporteur
Après l'article 5, insérer l'article suivant : « Aux articles L. 4271-1 à L. 4271-5 du code de la défense, la référence : « L. 2151-4 » est remplacée par la référence : « L. 2151-3 ».
Amendement DF15 présenté par M. Patrice Calméjane, rapporteur
Après l'article 5, insérer l'article suivant : « La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 1424-8-4 du code général des collectivités territoriales est supprimée. ».
Amendement DF16 présenté par M. Patrick Beaudouin
Article 1er
Après l'alinéa 7, insérer les deux alinéas suivants :
« Le Haut Conseil pour la réserve de sécurité nationale est chargé d'émettre des avis et des recommandations dans le domaine de la politique des réserves.
« La composition, l'organisation, le fonctionnement et les modalités de désignation des membres du Haut Conseil pour la réserve de sécurité nationale sont fixés par décret. ».
La séance est levée à dix-huit heures.