COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mardi 23 novembre 2010
La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
(Présidence de M. Christian Kert, vice-président de la Commission, puis de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de Mme Françoise de Panafieu, la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire (n° 2948).
Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, ce texte, adopté mercredi 17 novembre dernier par le Sénat, sera inscrit dès la semaine prochaine à l'ordre du jour de notre Assemblée.
Cette proposition de loi, déposée au Sénat le 13 juillet 2010, fait suite au travail engagé par les sénateurs Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, respectivement rapporteur spécial pour la Commission des finances et rapporteur pour avis pour la Commission de la culture sur l'enseignement supérieur, dans le cadre de leur rapport d'information sur la dévolution, facultative, aux universités du patrimoine immobilier que l'État leur affecte ou met à leur disposition.
L'article 1er vise à faciliter les opérations de valorisation et de réhabilitation du patrimoine immobilier des universités, trop souvent vétuste et donnant aux étudiants et chercheurs étrangers une image bien peu attractive de l'université française.
À travers le plan Campus, le Gouvernement va mobiliser cinq milliards d'euros, au bénéfice de douze grands projets destinés à devenir de véritables vitrines de l'université française. Mais la réalisation de ce plan se heurte à une limite juridique. En effet, ces établissements ne peuvent pas conclure de contrats conférant des droits réels à un tiers, tels les contrats de partenariat comportant la perception de recettes annexes par un opérateur privé ou des autorisations d'occupation temporaire du domaine public. Or, ce sont les formules les plus intéressantes pour les participants à l'opération Campus, car elles permettent des montages « aller-retour » par lesquels l'État ou l'un de ses établissements publics confie à un opérateur privé la construction, sur le domaine public, d'un bâtiment à son usage, que le bénéficiaire de l'autorisation d'occupation temporaire loue pendant toute la durée de son titre, avec retour du bien en pleine propriété à l'État en fin de bail.
Cet article permettra la poursuite de nombreux projets, comme celui de l'université de Strasbourg qui, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, a engagé la rénovation des bâtiments construits dans les années soixante, la bibliothèque universitaire ou la vie étudiante.
La Commission de la culture du Sénat a en outre adopté une disposition permettant à la collectivité territoriale de Corse, qui assume l'ensemble des droits et obligations du propriétaire pour les établissements situés sur son territoire, de confier la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires aux établissements publics d'enseignement supérieur, procédant ainsi à un strict alignement sur le droit régissant la dévolution par l'État aux universités de la maîtrise d'ouvrage de constructions universitaires sur le territoire de l'hexagone.
En second lieu, ce texte vise à renforcer les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), en les habilitant à délivrer des diplômes. Aujourd'hui, seules les universités et autres établissements d'enseignement supérieur reconnus par l'État sont habilités à délivrer des diplômes nationaux, tels que la licence ou le master. Or, grandes écoles et universités se rapprochent de plus en plus au sein des PRES constitués sous la forme d'établissements publics de coopération scientifique : on compte à ce jour dix-sept établissements publics de coopération scientifique (EPCS) regroupant plus d'une centaine d'universités, d'écoles et de centres de recherche. Afin d'encourager les politiques de site qui conjuguent les forces des établissements pour les rendre plus attractifs, l'article 2 de la proposition de loi, modifiant l'article L. 344-4 du code de la recherche, ouvre aux EPCS la possibilité d'être habilités par le ministre chargé de l'enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux.
La Commission de la culture du Sénat a précisé que cette faculté s'exercerait dans le cadre de la contractualisation de l'établissement avec l'État et dans les conditions d'habilitation de droit commun. En outre, elle a précisé que les étudiants des divers niveaux de formation seront représentés au conseil d'administration du PRES, et non plus seulement les doctorants.
La proposition de loi renforce également les fondations partenariales et les fondations de coopération scientifique.
Les fondations partenariales ont été créées par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou loi LRU, sur le modèle des fondations d'entreprise, afin de permettre aux universités de développer une véritable coopération de moyen terme avec des entreprises. Au sein de ces fondations, l'établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSP) fondateur dispose de la majorité des sièges au conseil d'administration. L'article 2 bis A, adopté en séance publique à l'initiative du rapporteur du Sénat, permet à ces fondations de se consacrer à des projets transversaux et de les décliner selon des thématiques particulières à travers des « fondations abritées », sans personnalité morale, comme il en existe au sein des fondations d'utilité publique.
La fondation de coopération scientifique, dont le statut a été défini en 2006 par la loi de programme sur la recherche, est une association d'établissements d'enseignement supérieur et de recherche, prenant la forme d'une personne morale de droit privé à but non lucratif soumise aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique. La fondation Alzheimer, par exemple, relève de cette catégorie.
Aujourd'hui, seuls les PRES, les réseaux thématiques de recherche avancée et les centres thématiques de recherche et de soins peuvent se constituer en fondation de coopération scientifique. L'article 4 de la proposition de loi, introduit par un amendement du Gouvernement, étend les possibilités de constitution de ces fondations. Plusieurs établissements publics ou privés, parmi lesquels au moins un établissement public de recherche ou d'enseignement supérieur, pourront désormais créer une fondation de coopération scientifique pour mener un projet conforme aux missions du service public de la recherche ou de l'enseignement supérieur. Cette faculté a pour but d'introduire une plus grande souplesse dans le fonctionnement de ces structures assez lourdes, puisque leur dotation minimale est d'un million d'euros, et de leur donner plus de moyens pour recruter de grands chercheurs internationaux.
Enfin, la proposition de loi initiale comportait un article 3, relatif au recrutement des biologistes par les services de biologie dans les CHU. L'ordonnance du 13 janvier 2010, adoptée sur le fondement de la loi « hôpital, patients, santé et territoires », dite HPST, prévoit que le recrutement des biologistes dans les centres hospitalo-universitaires est soumis à la condition de possession d'un diplôme de troisième cycle de biologie médicale. De ce fait, des professeurs d'université-praticiens hospitaliers, qui ont suivi une formation initiale de clinicien avant d'acquérir une expérience de recherche en biologie ne peuvent occuper des postes de responsabilité au sein des services de biologie des CHU.
L'article 3 modifiait le code de la santé publique pour permettre aux personnels enseignants et hospitaliers titulaires des CHU, relevant des sous-sections du Conseil national des universités pour les disciplines médicales et pharmaceutiques fondatrices de la biologie médicale et les disciplines apparentées, d'exercer la responsabilité de biologiste médical dans le cadre d'un exercice limité à leur spécialité et, le cas échéant, la fonction de biologiste responsable.
Le Sénat, contre l'avis du Gouvernement, a supprimé cet article. Outre des arguments de fond, les sénateurs se sont émus que des dispositions relatives à la biologie médicale, laquelle a fait l'objet d'une réforme par ordonnance en janvier dernier, soient introduites dans une proposition de loi relative à l'immobilier universitaire. Ils ont regretté que la Commission des affaires sociales du Sénat n'ait pas pu examiner cet article.
En conclusion, mes chers collègues, je vous demande d'adopter conforme la présente proposition de loi.
Je déplore qu'on nous laisse si peu de temps pour examiner cette proposition de loi, dont la portée est loin d'être négligeable.
Ce texte fourre-tout traite à la fois d'immobilier, de délivrance de diplômes et, dans l'article supprimé, du recrutement des biologistes dans les CHU. Il s'agit d'un texte d'opportunité, intervenant à un moment où le Gouvernement s'est engagé sur la voie d'une restructuration profonde du service public d'enseignement supérieur et de recherche. Dans le prolongement de la loi LRU, il traduit la volonté affichée par la ministre de faire le tri entre les établissements universitaires pour concentrer l'essentiel des financements en faveur d'un nombre très réduit de pôles d'excellence, et leur permettre de rassembler les meilleures formations de master et doctorat. Nous craignons que par voie de conséquence, une grande majorité d'établissements, considérés comme de second rang, ne doive se contenter de financements en baisse et limiter leurs ambitions de formation.
À cet effet, les deux premiers articles de la proposition visent à conforter les PRES, auxquels nous ne sommes pas opposés par principe, même si nous souhaitons que leur gouvernance soit plus démocratique. Ce qui nous pose question, c'est que ces pôles, porteurs de la plupart des projets du plan Campus, soient considérés comme les opérateurs privilégiés de cette recomposition du paysage universitaire.
En ce qui concerne les activités immobilières, ce texte vise à accélérer le processus de transfert, sans qu'on ait mesuré les effets de la loi LRU, et alors que toutes les universités ne se sont pas encore dotées des compétences élargies prévues par celle-ci. Cette accélération de la possibilité de confier à des tiers des droits réels sur le patrimoine immobilier des établissements d'enseignement supérieur est un signe supplémentaire du désengagement de l'État de ce service public. Certes, les auteurs et rapporteurs de ce texte nous expliquent que la dévolution immobilière n'est que facultative. Mais permettre ainsi aux PRES de disposer du patrimoine immobilier des universités avant même que celles-ci aient pu en demander la dévolution revient à doter les PRES d'une capacité de pression sur les universités.
Ce dispositif, et a fortiori son adoption dans l'urgence, sont-ils indispensables à la mise en oeuvre des opérations de partenariat entre le public et le privé prévues dans le cadre du plan Campus ? Ne faudrait-il pas au préalable évaluer précisément le patrimoine universitaire et le remettre à niveau ? Au regard de cet impératif, on comprend mal la baisse des crédits affectés à la sécurité et à la maintenance des bâtiments dans le projet de loi de finances pour 2011. En vérité, la dévolution de droits réels à des tiers n'est pas indispensable à la mise en oeuvre des partenariats public-privé (PPP) puisque des opérations de réhabilitation universitaire ont pu être conduites sans transfert de droit. On doit donc supposer que cette promotion de PPP « intelligents » vise un autre objectif. Ne souhaite-t-on pas satisfaire l'appétit de partenaires privés, au détriment de l'accomplissement des missions de service public de l'enseignement supérieur ?
Pour ces raisons, nous aurions préféré, comme nos collègues sénateurs, disposer d'abord d'un bilan officiel de la loi LRU. Par ailleurs, nous partageons leurs inquiétudes quant au risque supplémentaire que ce texte fait peser sur les petites antennes universitaires qui pourtant participent à l'aménagement du territoire.
Ce risque est aggravé par l'article 2 de la proposition de loi, qui donne à des établissements privés, à travers les PRES, la possibilité de délivrer directement des diplômes nationaux, alors qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les universités. Il faudrait au moins prendre le temps de réfléchir avant d'adopter une décision qui constitue une grande nouveauté dans le paysage universitaire français, et qui risque d'aggraver encore la fracture qui le divise. Si nous sommes bien entendu favorables à la coopération universitaire, je ne pense pas qu'une telle extension des compétences des PRES soit conforme à l'esprit qui a présidé à leur conception : elle traduit plutôt une forme d'abandon de l'État.
Le troisième « tiroir » de la proposition de loi, supprimé par les sénateurs en séance publique, posait effectivement problème, puisqu'il allait à l'encontre de la réforme de la biologie médicale inscrite dans la loi HPST. Depuis cette réforme, les actes de biologie médicale sont de véritables actes médicaux, et cette compétence ne peut en aucun cas être reconnue à des praticiens qui n'ont pas été formés dans cette spécialité.
En conséquence, le groupe SRC se prononcera contre cette proposition de loi.
Ce texte est important à plusieurs titres. D'abord pour le patrimoine de nos universités. Les locaux universitaires ne sont pas toujours en bon état, quand ils ne sont pas inadaptés, et l'impossibilité d'effectuer des montages « aller-retour » pénalise l'avenir des bâtiments universitaires.
S'agissant des PRES, je m'inscris en faux contre ce qui vient d'être dit. Pour une université de dimension modeste, comme celle d'Amiens, où j'enseigne, cette formule est la seule possibilité de gagner en efficience en nouant des complémentarités avec une autre université. Par ailleurs, en permettant aux universités de se rapprocher des grandes écoles, les PRES sont un moyen de lutter contre l'émiettement de notre enseignement supérieur, et contre cette exception française, la distinction entre écoles professionnelles d'excellent niveau et établissements de recherche, qui pénalise nos universités dans le classement de Shanghai. Ce classement est certes contestable, mais son impact est tel sur les enseignants et les étudiants que nous ne pouvons pas faire comme s'il n'existait pas et nous résigner à ce que notre enseignement supérieur y apparaisse en déclin.
C'est pourquoi je suis favorable à ce que les PRES soient habilités à délivrer des diplômes nationaux. Je pense même que nous devons aller plus loin, en supprimant la distinction actuelle entre les membres titulaires et les membres associés du conseil d'administration de ces pôles. Cela permettrait de donner du tonus à nos universités en les rapprochant des grandes écoles.
Quant à la fondation de coopération scientifique, on ne voit pas pourquoi l'université resterait privée de la possibilité de recourir à une formule qui a fait ses preuves pour certaines de nos grandes écoles.
Je regrette par ailleurs la suppression de l'article 3 par le Sénat. Ayant présidé pendant six ans le Conseil national des universités, je ne peux qu'être favorable aux intersections entre spécialités. L'addictologie fait intervenir des psychiatres, des alcoologues, des médecins légistes ; l'anatomie concerne des chirurgiens, des anatomistes, des médecins fonctionnels ; le droit de la santé concerne toutes les spécialités médicales : je ne vois pas pourquoi la biologie ferait exception. Une conception aussi rigide de la biologie médicale nous aurait privés des compétences de deux prix Nobel, MM. Jean Dausset et Luc Montagnier.
Cette proposition de loi fait suite aux conclusions du rapport d'information de MM. Dupont et Adnot au Sénat, « Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ? »
L'article 1er concerne l'immobilier universitaire, devenu une priorité nationale depuis l'annonce de 1'opération Campus par le Président de la République. Il s'agit de permettre aux universités de disposer pleinement des bâtiments que l'État leur a affectés. Aujourd'hui la surface de l'ensemble des universités s'élève à 18,7 millions de mètres carrés, dont 15,3 millions sont propriété de l'État ; 35 % de ce patrimoine seraient vétustes ou en mauvais état.
Ces dispositions permettront aux universités d'inscrire la stratégie immobilière dans leur projet d'établissement et de renforcer leur identité, leur image de marque et leur attractivité. Cela permettra également de responsabiliser les établissements grâce à de nouvelles compétences et des modalités de financement redéfinies.
Si les PPP suscitent des inquiétudes, il faut préciser que le partenaire privé ne sera pas le propriétaire mais seulement un utilisateur des locaux, ayant le droit de percevoir des recettes pour leur mise à disposition de tiers. La possibilité de nouer de tels partenariats est cruciale pour les universités. C'est ce qui permettra à l'université de Bourgogne, par exemple, de construire une résidence d'accueil des étudiants étrangers.
L'article 2 est consacré aux PRES, formule qui a fait ses preuves, puisqu'à ce jour, dix-neuf PRES ont été créés, sous diverses formes, certaines universités ayant fait le choix de la fusion, d'autres préféré la création d'un grand établissement ou d'une université fédérale. L'article permet aux PRES de délivrer des diplômes nationaux à la place des universités. Leur contester cette possibilité sous le prétexte que des établissements privés peuvent être membres de ces pôles est à mes yeux un faux débat : il s'agit avant tout d'être efficace.
L'article 2 bis, introduit par le Sénat, vise à étendre les possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées d'enseignement supérieur ou de recherche afin qu'elles puissent mutualiser leurs moyens. L'article 2 bis A permettra aux fondations partenariales d'offrir à ceux qui le souhaitent, entreprises, particuliers ou anciens élèves de l'établissement fondateur, la possibilité de concrétiser un projet d'intérêt général.
Il est urgent de voter cette proposition de loi, attendue depuis fort longtemps par la communauté universitaire.
Voter cette proposition reviendrait à mettre la charrue avant les boeufs. Pourquoi une telle précipitation, alors que nous ne disposons toujours pas d'une évaluation précise de la loi LRU, votée il y a trois ans seulement, et que la quasi-totalité des universités s'est engagée dans ce processus d'autonomie ? Or, à en croire les acteurs de terrain, si la loi LRU a amélioré l'autonomie financière des universités, elle a également généré de la bureaucratie supplémentaire et favorisé une forme de recentralisation des relations entre universités et ministère. Elle a en outre restreint la liberté pédagogique des établissements. Avant d'aller plus loin, il faudrait pouvoir envisager toutes ces questions à tête reposée.
Dois-je vous rappeler, monsieur Grosperrin, les critiques formulées l'été dernier par la Cour des comptes à l'encontre de l'opération Campus et des montages financiers auxquels elle a donné lieu ?
La dévolution aux universités de leur patrimoine immobilier, objectif central de ce projet de loi, peut se révéler un cadeau empoisonné, comme le montre le petit nombre d'universités qui s'attaquent aujourd'hui à la question immobilière. Alors que 35 % de leur patrimoine immobilier sont considérés comme vétustes, 31 % nécessitant de lourdes opérations de réhabilitation, les crédits destinés à la mise aux normes et à la maintenance des bâtiments sont en baisse. Dans de telles conditions, on peut se demander si les universités qui choisiront d'exercer cette compétence immobilière recevront en retour de l'État une dotation annuelle leur permettant d'entretenir et de renouveler le patrimoine transféré.
La possibilité d'habiliter les PRES à délivrer directement des diplômes nationaux, en lieu et place des universités, nous semble dangereuse en ce qu'elle porte une atteinte grave au monopole de délivrance des diplômes par les universités publiques. C'est un cadeau aux établissements privés, alors qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations de service public que les universités, qu'il s'agisse des contenus pédagogiques, de la neutralité des formations, des modalités d'examens, de l'absence de sélection des étudiants, ou de la réglementation des droits d'inscription. Une telle possibilité va encore exacerber la concurrence entre établissements publics et établissements privés.
Si les PRES peuvent constituer une chance pour les universités, qu'en est-il pour celles qui n'en font pas partie ? Faut-il, prenant pour seule boussole le classement de Shanghai, pourtant très contesté, et au nom de la concurrence et de la compétitivité, accroître encore le fossé qui sépare les pôles d'excellence des pôles universitaires de proximité, cantonnés aux premiers cycles et soumis à la concurrence des PRES pour la délivrance des diplômes nationaux ? Ces établissements de proximité obtiennent pourtant d'excellents résultats en matière d'insertion professionnelle des étudiants de niveau master.
À la suite de Jacques Grosperrin, je souhaite exprimer mon adhésion à cette excellente proposition de loi, qui donne à nos universités la capacité de conférer des droits réels sur leurs terrains et bâtiments.
La procédure accélérée me semble parfaitement justifiée, dans la mesure où ce texte répond à une très forte attente sur le terrain. Le président de l'université de Strasbourg, Alain Beretz, a ainsi conçu un ambitieux projet de développement, en partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, dont la mise en oeuvre suppose une évolution législative ; il est aujourd'hui bloqué. Les législateurs que nous sommes doivent être réactifs.
Le plan Campus a l'ambition de permettre à l'université française de jouer sa partie sur l'échiquier mondial de la connaissance, en donnant de bonnes conditions de travail à nos étudiants et à nos chercheurs. Il aura pour conséquence de tirer les résultats de nos universités vers le haut – car le classement de Shanghai, pour contestable qu'il soit, nous rappelle que nous avons beaucoup de progrès à faire !
Une inquiétude, pour commencer : l'annonce vient d'être faite que l'université de Toulouse 1 faisait partie des universités qui pourront devenir propriétaires de leurs murs dès le 1er janvier 2011.
Cette proposition de loi nous est soumise alors que le comité de suivi de la loi LRU n'a pas encore rendu son rapport sur le bilan de l'application de la loi. L'accélération du processus prévu par l'article 1er ne risque-t-il pas d'entraîner la fermeture des antennes universitaires implantées dans les villes moyennes, et donc de porter atteinte à la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur et à l'aménagement du territoire ?
À Toulouse, comme dans beaucoup d'autres endroits, le patrimoine immobilier universitaire est vétuste ; nombre de bâtiments de l'université scientifique Paul Sabatier datent des années 1960. Préalablement à tout transfert de compétence, il me semble nécessaire de procéder à une mise à niveau, ce qui suppose un financement de l'État – lequel n'est pas prévu par la loi de finances pour 2011. Pourquoi aller si vite ?
Je veux féliciter la rapporteure pour la qualité de son travail sur cette excellente proposition de loi, très attendue.
Toutefois, je ne vois pas ce que l'article 3 vient faire dans un texte relatif à l'immobilier universitaire, d'autant plus qu'en application de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », une ordonnance du 13 janvier 2010 a réformé en profondeur la biologie médicale. Quand on sait que 80 % des décisions des médecins cliniciens sont prises en fonction du résultat des examens biologiques, il vaut mieux que son exercice soit réservé à ceux qui en ont été reconnus aptes ! Par ailleurs, le sujet me semble relever de la compétence de la Commission des affaires sociales. Je pense que le Sénat a eu raison de supprimer cet article.
Je regrette que nous n'ayons pas eu plus de temps pour étudier cette proposition de loi, qui a été adoptée par le Sénat il y a moins d'une semaine. J'y vois toutefois un fil conducteur : le désengagement de l'État et une place plus importante accordée au secteur privé.
Si les universités deviennent propriétaires de leurs murs, on sait comment cela va se passer : la participation de l'État étant réduite, elles vont devoir faire appel aux collectivités locales pour financer leurs investissements ! Par ailleurs, je ne suis pas opposé par principe aux partenariats public-privé, mais, en l'espèce, est-ce la bonne solution ?
Je suis opposé à ce que les PRES soient autorisés à délivrer des diplômes nationaux, dès lors qu'ils accueillent en leur sein des établissements privés. L'attribution des diplômes doit rester une mission régalienne de l'État.
Enfin, ne risque-t-on pas de creuser les inégalités, si certaines universités bénéficient d'aides financières importantes via des fondations, et pas d'autres ?
En tant que médecin biologiste, je suis favorable à la suppression de l'article 3, qui tend à ouvrir l'exercice de la biologie médicale non seulement aux médecins et pharmaciens qualifiés, mais aussi à des scientifiques qui, ne disposant d'aucune formation médicale, ne relèvent même pas de l'Ordre des médecins. Cette mesure est scandaleuse, voire discriminatoire contre les médecins et les pharmaciens biologistes, qui ont beaucoup travaillé pour obtenir leur diplôme. Que dirait-on si on autorisait des scientifiques non médecins à exercer en cardiologie, en neurologie ou en urologie !
L'article 2 vise à renforcer le rôle des PRES en leur donnant la capacité de délivrer des diplômes nationaux. Cela ne risque-t-il pas d'accroître la compétition entre les universités en vue d'acquérir une notoriété internationale, et de dévaluer les diplômes nationaux ?
Nos universités se trouvent dans un tel état de vétusté que nous avons parfois honte d'y recevoir nos étudiants. Il convient donc de trouver des solutions. La meilleure me semble de donner à chaque université la pleine gestion de ses bâtiments, ce qui permettra de conclure des partenariats public-privé.
Quant à l'article 3, je suis pour ma part favorable à sa réintroduction, car il permettra de recruter des biologistes parmi le personnel hospitalo-universitaire. Il me semble parfaitement légitime et cohérent que, dans le cadre d'une équipe de biologie au sein d'un CHU, certains membres proviennent d'autres disciplines !
Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission.
Non, monsieur Deguilhem, le fait de conforter les PRES comme des opérateurs privilégiés n'est pas un signe d'éloignement de l'État. Ce texte cherche à responsabiliser ceux qui sont à la tête des universités.
On m'a demandé s'il n'aurait pas été préférable d'attendre que les universités deviennent propriétaires de leur patrimoine : je ne le crois pas, parce que cette dévolution a vocation à intervenir à l'issue d'un processus de longue haleine, qu'elle est subordonnée au respect de nombreuses conditions, et qu'elle n'est pas nécessairement adaptée à tous les établissements. En tout état de cause, un groupe d'expérimentation composé des universités de Clermont 1, Poitiers, Toulouse 1, Corte, Paris 6, Paris 2, Marne-la-Vallée, Cergy et Avignon a été mis en place en mai 2009, mais il ne concerne pas la totalité des universités bénéficiaires du plan Campus. Au demeurant, les premières conventions de dévolution devraient être signées début 2011, calendrier qui ne s'avère pas compatible avec celui du plan Campus.
Il convenait de veiller à ce qu'aucune université ne puisse être exclue du plan Campus, pour quelque motif que ce soit ; c'est pourquoi le premier article vise à doter les établissements publics d'enseignement supérieur des instruments juridiques nécessaires. Il ne faut pas confondre ce dispositif avec la possibilité accordée à certaines universités de devenir pleinement propriétaires de leur patrimoine, qui ne concerne que neuf d'entre elles.
L'État renonce-t-il à son monopole sur la délivrance des diplômes nationaux ? En tout état de cause, ce texte poursuit un objectif gagnant-gagnant. Les universités auront la possibilité d'être associées à des écoles de renom, comme HEC ou l'ESSEC, tandis que les écoles, à travers le PRES, acquerront une visibilité nouvelle à l'international. Plus on est morcelé, moins on est visible.
Par ailleurs, la proposition de loi vise à réduire le prétendu « gouffre » entre les petites universités et les très grandes universités, puisque le plan Campus prévoit, à côté des douze grands pôles sélectionnés, cinq « campus prometteurs » et quatre « campus innovants », ce qui permet, sous des appellations différentes, de donner à chacun sa chance.
Monsieur Jardé, je voudrais saluer le travail remarquable que vous avez réalisé sur le budget de l'enseignement supérieur pour 2011, notamment s'agissant du rapprochement entre les universités et les grandes écoles.
Vous avez souligné, à juste titre, que le morcellement était une spécificité du système universitaire français, qui lui était nuisible dans la compétition internationale. Notre objectif est précisément d'y remédier.
Vous avez par ailleurs regretté que les membres des conseils d'administration des PRES ne disposent pas des mêmes pouvoirs selon qu'ils sont fondateurs ou simples associés. Il s'agit d'une suggestion intéressante, que nous pourrons éventuellement examiner en séance plénière.
S'agissant de l'article 3, vous aurez noté une certaine réserve de ma part, mais je n'ai pas voulu donner mon sentiment dès le début de la discussion. Que fait cet article dans un texte relatif à l'immobilier universitaire, sachant que le sénateur Fourcade a déposé le 26 octobre dernier une proposition de loi visant à modifier plusieurs dispositions de la loi HPST ? La Commission des affaires sociales de notre Assemblée ne devrait-elle pas être saisie pour avis, si ce n'est au fond ? C'est en tout cas ce que souhaite son président Pierre Méhaignerie.
Monsieur Debré, vous avez raison, 35 % de nos bâtiments universitaires sont vétustes, et il serait temps d'y remédier. Les partenariats public-privé sont un moyen pour ce faire. Pour « démarcher » nos étudiants de troisième année, des universités étrangères, comme Georgetown ou King's College, leur projettent des films sur leur campus. Quant à nous, qu'avons-nous à proposer ? Il n'est pas acceptable, dans le cadre d'une compétition internationale, de ne pas pouvoir montrer notre patrimoine à cause de sa vétusté !
Ce texte ne vise qu'à remédier à une situation dont nous sommes tous responsables, que nous soyons de droite ou de gauche. Les universités doivent pouvoir saisir la chance qui leur est offerte de conclure des partenariats public-privé, en ayant à leur tête des personnes totalement responsables, sans que l'État prenne les décisions à leur place.
S'agissant des fondations, il convient de moderniser leur fonctionnement. Les fondations partenariales traiteront de sujets transversaux, à charge pour elles d'abriter des fondations sans personnalité morale attachées à des sujets particuliers. Elles constitueront une sorte de label, et leur démarche se rapprochera de celle des fondations d'entreprise.
Les fondations de coopération scientifique, dotées d'au moins un million d'euros, seront bien plus importantes. L'un des objectifs recherchés est de favoriser la venue de grands professeurs et de grands chercheurs internationaux.
Je partage l'analyse de la rapporteure sur l'article 3. Je pense qu'il faut maintenir sa suppression à la suite du Sénat et laisser à la Commission des affaires sociales la possibilité de se prononcer sur la mesure proposée, par exemple dans le cadre de la proposition de loi évoquée.
La Commission passe à l'examen des articles.
Article 1er A : Contenu du rapport du comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 1er : Exercice de droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier qui leur est affecté ou mis à leur disposition par l'État
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 : Délivrance de diplômes nationaux par les pôles de recherche et d'enseignement supérieur
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 bis A : Possibilité pour les fondations partenariales d'abriter des fondations sans personnalité morale
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 2 bis : Élargissement des possibilités de rattachement entre différentes structures publiques ou privées d'enseignement supérieur ou de recherche
La Commission adopte l'article sans modification.
Article 3 (supprimé par le Sénat) : Dérogation au régime de droit commun d'exercice de la biologie médicale
La Commission maintient la suppression de l'article.
Article 4 : Extension de la possibilité de créer des fondations de coopération scientifique
La Commission adopte l'article sans modification.
Puis la Commission adopte l'ensemble de la proposition de loi sans modification.
La séance est levée à dix-huit heures quarante.