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Intervention de Pascal Deguilhem

Réunion du 23 novembre 2010 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Deguilhem :

Je déplore qu'on nous laisse si peu de temps pour examiner cette proposition de loi, dont la portée est loin d'être négligeable.

Ce texte fourre-tout traite à la fois d'immobilier, de délivrance de diplômes et, dans l'article supprimé, du recrutement des biologistes dans les CHU. Il s'agit d'un texte d'opportunité, intervenant à un moment où le Gouvernement s'est engagé sur la voie d'une restructuration profonde du service public d'enseignement supérieur et de recherche. Dans le prolongement de la loi LRU, il traduit la volonté affichée par la ministre de faire le tri entre les établissements universitaires pour concentrer l'essentiel des financements en faveur d'un nombre très réduit de pôles d'excellence, et leur permettre de rassembler les meilleures formations de master et doctorat. Nous craignons que par voie de conséquence, une grande majorité d'établissements, considérés comme de second rang, ne doive se contenter de financements en baisse et limiter leurs ambitions de formation.

À cet effet, les deux premiers articles de la proposition visent à conforter les PRES, auxquels nous ne sommes pas opposés par principe, même si nous souhaitons que leur gouvernance soit plus démocratique. Ce qui nous pose question, c'est que ces pôles, porteurs de la plupart des projets du plan Campus, soient considérés comme les opérateurs privilégiés de cette recomposition du paysage universitaire.

En ce qui concerne les activités immobilières, ce texte vise à accélérer le processus de transfert, sans qu'on ait mesuré les effets de la loi LRU, et alors que toutes les universités ne se sont pas encore dotées des compétences élargies prévues par celle-ci. Cette accélération de la possibilité de confier à des tiers des droits réels sur le patrimoine immobilier des établissements d'enseignement supérieur est un signe supplémentaire du désengagement de l'État de ce service public. Certes, les auteurs et rapporteurs de ce texte nous expliquent que la dévolution immobilière n'est que facultative. Mais permettre ainsi aux PRES de disposer du patrimoine immobilier des universités avant même que celles-ci aient pu en demander la dévolution revient à doter les PRES d'une capacité de pression sur les universités.

Ce dispositif, et a fortiori son adoption dans l'urgence, sont-ils indispensables à la mise en oeuvre des opérations de partenariat entre le public et le privé prévues dans le cadre du plan Campus ? Ne faudrait-il pas au préalable évaluer précisément le patrimoine universitaire et le remettre à niveau ? Au regard de cet impératif, on comprend mal la baisse des crédits affectés à la sécurité et à la maintenance des bâtiments dans le projet de loi de finances pour 2011. En vérité, la dévolution de droits réels à des tiers n'est pas indispensable à la mise en oeuvre des partenariats public-privé (PPP) puisque des opérations de réhabilitation universitaire ont pu être conduites sans transfert de droit. On doit donc supposer que cette promotion de PPP « intelligents » vise un autre objectif. Ne souhaite-t-on pas satisfaire l'appétit de partenaires privés, au détriment de l'accomplissement des missions de service public de l'enseignement supérieur ?

Pour ces raisons, nous aurions préféré, comme nos collègues sénateurs, disposer d'abord d'un bilan officiel de la loi LRU. Par ailleurs, nous partageons leurs inquiétudes quant au risque supplémentaire que ce texte fait peser sur les petites antennes universitaires qui pourtant participent à l'aménagement du territoire.

Ce risque est aggravé par l'article 2 de la proposition de loi, qui donne à des établissements privés, à travers les PRES, la possibilité de délivrer directement des diplômes nationaux, alors qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les universités. Il faudrait au moins prendre le temps de réfléchir avant d'adopter une décision qui constitue une grande nouveauté dans le paysage universitaire français, et qui risque d'aggraver encore la fracture qui le divise. Si nous sommes bien entendu favorables à la coopération universitaire, je ne pense pas qu'une telle extension des compétences des PRES soit conforme à l'esprit qui a présidé à leur conception : elle traduit plutôt une forme d'abandon de l'État.

Le troisième « tiroir » de la proposition de loi, supprimé par les sénateurs en séance publique, posait effectivement problème, puisqu'il allait à l'encontre de la réforme de la biologie médicale inscrite dans la loi HPST. Depuis cette réforme, les actes de biologie médicale sont de véritables actes médicaux, et cette compétence ne peut en aucun cas être reconnue à des praticiens qui n'ont pas été formés dans cette spécialité.

En conséquence, le groupe SRC se prononcera contre cette proposition de loi.

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