Voter cette proposition reviendrait à mettre la charrue avant les boeufs. Pourquoi une telle précipitation, alors que nous ne disposons toujours pas d'une évaluation précise de la loi LRU, votée il y a trois ans seulement, et que la quasi-totalité des universités s'est engagée dans ce processus d'autonomie ? Or, à en croire les acteurs de terrain, si la loi LRU a amélioré l'autonomie financière des universités, elle a également généré de la bureaucratie supplémentaire et favorisé une forme de recentralisation des relations entre universités et ministère. Elle a en outre restreint la liberté pédagogique des établissements. Avant d'aller plus loin, il faudrait pouvoir envisager toutes ces questions à tête reposée.
Dois-je vous rappeler, monsieur Grosperrin, les critiques formulées l'été dernier par la Cour des comptes à l'encontre de l'opération Campus et des montages financiers auxquels elle a donné lieu ?
La dévolution aux universités de leur patrimoine immobilier, objectif central de ce projet de loi, peut se révéler un cadeau empoisonné, comme le montre le petit nombre d'universités qui s'attaquent aujourd'hui à la question immobilière. Alors que 35 % de leur patrimoine immobilier sont considérés comme vétustes, 31 % nécessitant de lourdes opérations de réhabilitation, les crédits destinés à la mise aux normes et à la maintenance des bâtiments sont en baisse. Dans de telles conditions, on peut se demander si les universités qui choisiront d'exercer cette compétence immobilière recevront en retour de l'État une dotation annuelle leur permettant d'entretenir et de renouveler le patrimoine transféré.
La possibilité d'habiliter les PRES à délivrer directement des diplômes nationaux, en lieu et place des universités, nous semble dangereuse en ce qu'elle porte une atteinte grave au monopole de délivrance des diplômes par les universités publiques. C'est un cadeau aux établissements privés, alors qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes obligations de service public que les universités, qu'il s'agisse des contenus pédagogiques, de la neutralité des formations, des modalités d'examens, de l'absence de sélection des étudiants, ou de la réglementation des droits d'inscription. Une telle possibilité va encore exacerber la concurrence entre établissements publics et établissements privés.
Si les PRES peuvent constituer une chance pour les universités, qu'en est-il pour celles qui n'en font pas partie ? Faut-il, prenant pour seule boussole le classement de Shanghai, pourtant très contesté, et au nom de la concurrence et de la compétitivité, accroître encore le fossé qui sépare les pôles d'excellence des pôles universitaires de proximité, cantonnés aux premiers cycles et soumis à la concurrence des PRES pour la délivrance des diplômes nationaux ? Ces établissements de proximité obtiennent pourtant d'excellents résultats en matière d'insertion professionnelle des étudiants de niveau master.