Je salue l'ensemble des représentants syndicaux et les remercie d'avoir répondu, en ce jour particulier de manifestation, à l'invitation de la Mission d'évaluation et de contrôle de la commission des Finances sur la gestion des ressources humaines au MEEDDAT, le ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
La MEC, qui rassemble à parité des membres de la majorité et de l'opposition, donc un rapporteur de la majorité – M. Michel Piron – et un de l'opposition – M. Jean Launay –, présente l'originalité d'intervenir alors que le processus de création du MEEDDAT n'est pas encore achevé. Ce processus est en particulier lié aux lois de décentralisation et à la déconcentration de certains effectifs du fait du transfert de responsabilités aux collectivités départementales. Le périmètre du ministère étant large, puisqu'il rassemble les anciens ministères de l'Équipement, de l'Environnement et du Développement durable, il ne doit pas être aisé de bien en définir les contours.
La table ronde d'aujourd'hui m'intéresse à un double titre, puisque je siège au Conseil de l'immobilier de l'État. En plus des conditions de travail, de la projection dans les prochaines années de la réorganisation des services et de l'évolution des effectifs, je souhaite que soit abordée la question de l'évolution du schéma pluriannuel de stratégie immobilière – SPSI – car il peut entraîner des mouvements de personnel du fait de l'abandon de certains immeubles au profit de trois sites : le site historique boulevard Saint-Germain, la Défense et Marne-la-Vallée.
Cette audition est une première puisqu'elle s'attache à la gestion des ressources humaines, au moment où le Gouvernement fixe des objectifs pour les effectifs, propose de nouveaux profils de qualification et suggère une évolution des missions jadis considérées comme régaliennes.
Notre rencontre présente l'intérêt d'intervenir durant la réflexion en cours sur la réorganisation du MEEDDAT, qu'elle peut donc alimenter.
La mission a commencé ses auditions par un bilan de la décentralisation de 2004 et de l'expérience de fusion des DDE et des DDAF dans huit départements, en recevant les responsables de la direction générale du personnel et de l'administration. Nous avons ensuite porté notre attention sur les nouvelles structures du MEEDDAT, avec l'audition de son secrétaire général. Nous sommes avec vous aujourd'hui au coeur de notre sujet, à savoir la gestion des ressources humaines.
J'invite chacune des organisations représentées à prendre la parole pendant une dizaine de minutes afin que nous puissions ensuite échanger sur les sujets suivants :
– perspectives d'évolution des effectifs du MEEDDAT ;
– profil et diversification des recrutements ;
– modulation indemnitaire, intéressement ;
– formation initiale et formation continue ;
– gestion de carrière et vivier de futurs cadres dirigeants ;
– perspectives de fusion des corps, impact budgétaire.
Comme on ne saurait être exhaustif en si peu de temps, nous vous demanderons de bien vouloir nous faire parvenir par écrit toutes les observations que vous jugerez utiles pour alimenter une réflexion que nous menons sans aucun a priori.
Les travaux de la mission sont programmés longtemps à l'avance et nous vous remercions d'être présents en dépit du contexte particulier de cette journée nationale d'action.
Nous sommes également conscients des difficultés de la période de transition actuelle. Sachez que la mission a un rôle non seulement de contrôle mais également de prospective, et qu'elle peut, à ce titre, faire passer des messages.
Nous vous remercions de nous avoir invités. C'est la première fois que nous sommes auditionnés par la commission des Finances et il est intéressant de faire part aux représentants des citoyens des difficultés que rencontrent les personnels de la fonction publique pour exercer leur métier.
S'agissant des perspectives d'évolution des effectifs, je rappelle que le MEEDDAT est la réunion de plusieurs administrations qui ont connu des fortunes diverses en matière d'emploi. Cela fait des années que le ministère de l'Équipement subit des suppressions d'effectif, qui mettent à mal l'organisation du travail et les conditions de travail. Le Gouvernement passe aujourd'hui la vitesse supérieure en annonçant la suppression d'un emploi sur deux à l'occasion des départs en retraite, ce qui ne peut qu'accroître encore les difficultés.
Le MEEDDAT est en effet en pleine réorganisation, que je qualifierai pour ma part de désorganisation. Alors que le ministère a été créé depuis un an, l'administration centrale n'est toujours pas organisée. Dans le même temps, des fusions de services sont annoncées aux niveaux départemental et régional. L'ensemble des personnels du ministère, des cadres aux agents d'exécution, a le moral au plus bas. Ils ont l'impression qu'il n'y a aucune stratégie ni aucun pilotage. Comment peut-on réorganiser les services, renforcer les moyens de la formation initiale, améliorer les conditions de travail, assurer une meilleure écoute du personnel avec la perspective du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ? Cela va créer des vides dans les services et le travail qui ne sera plus assuré retombera sur ceux qui restent.
Nous nous interrogeons toujours sur les missions du MEEDDAT et sur l'organisation de ses services. Si par « diversification des recrutements », vous songez au remplacement des fonctionnaires par des contractuels, nous n'y sommes pas favorables. Le recrutement d'un fonctionnaire est soumis, certes, à des contraintes, mais il assure une certaine égalité et une certaine transparence qu'il nous paraît nécessaire de conserver. Embaucher davantage de contractuels revient à renforcer la précarité. Ils auront moins de droits et seront plus corvéables.
Dans des ministères techniques comme ceux que regroupe le MEEDDAT, la modulation indemnitaire est appliquée depuis longtemps et, pour certains corps, elle représente une part non négligeable du salaire. Les coefficients vont de 0,8 à 1,2 et donnent lieu, parfois, à des exercices périlleux car, pour appliquer 1,2 à l'un, il faut appliquer 0,8 à un autre. Les critères de fixation de ces coefficients ne sont pas toujours très clairs et entraînent des différences de rémunération importantes. Quant à l'intéressement, il n'a pas de sens dans la fonction publique. Le personnel de l'Équipement bénéficiera-t-il d'un intéressement s'il y a moins de morts sur les routes, si les températures baissent ou s'il y a moins de pollution ?
En ce qui concerne la formation initiale et la formation continue, les différents ministères avaient des écoles de formation de techniciens et d'ingénieurs de grande qualité et des centres interrégionaux de formation professionnelle. La désorganisation totale du MEEDDAT les a mis à mal. Dans les directions départementales de l'équipement – DDE –, par exemple, il y avait des cellules de formation dotées d'effectifs suffisants pour mettre en oeuvre une réflexion réelle et concrète sur les besoins de formation et l'évolution des compétences. La réduction des effectifs a obligé à regrouper les moyens à des niveaux supérieurs, ce qui a eu pour effet d'éloigner la cellule des personnels qui sont sur le terrain, donc de l'appréciation des besoins. La construction du ministère étant encore des plus approximatives, les personnels sont complètement déboussolés et ne savent plus à quel saint se vouer, si bien que la question de la formation passe au second plan.
La révision générale des politiques publiques – RGPP – vient encore se greffer sur les difficultés existantes. Je suis content de pouvoir interpeller des parlementaires à ce sujet. Je suis surpris que la RGPP ait été lancée sans débat au Parlement ni dialogue social. Ce dernier s'est réduit à deux dates – 12 décembre et 4 avril – où la liste des mesures nous a été énumérée. Quand on a annoncé le recours à un opérateur spécifique pour l'examen du permis de conduire, nous sommes allés voir la déléguée interministérielle à la sécurité routière qui s'est déclarée surprise de cette mesure ! C'est catastrophique.
Vous nous interrogez également sur la gestion de carrière et le vivier de futurs cadres dirigeants. Quand c'est par une circulaire que vous apprenez si vous serez ou pas le préfigurateur de la fusion DDE-DDA et que vos personnels l'apprennent en même temps que vous, il y a un problème. La révision générale des politiques publiques et la construction du MEEDDAT semblent se faire sans les cadres dirigeants de ce ministère. L'avancement à l'ancienneté est aussi une vue de l'esprit. Les personnels sont organisés dans des corps et dans des cadres. À l'intérieur d'un grade, le déroulement de carrière se fait à l'ancienneté mais la durée de l'échelon est variable selon la notation. Les changements de grade se font aussi sur une évaluation des mérites et, souvent, il n'y a pas assez de places pour tous les agents méritants. Cela vaut pour les catégories C, B et A. Contrairement à ce que l'on croit, tous les personnels n'accèdent pas au dernier niveau de grade de leur corps.
Non, il n'y a pas assez de possibilités de promotion. Les personnels méritants sont bien plus nombreux qu'il n'y a de postes pour les récompenser. Je signale que, dans la fonction publique, il est assez fréquent de remonter le salaire de début de carrière par rapport au SMIC. Si l'on continue comme cela, on risque de recruter, dans quelques années, les catégories A et B au SMIC. Le salaire de début de carrière de la catégorie A est actuellement à 25 % au-dessus du salaire minimum et celui de la catégorie B à 10 ou 12 % au-dessus. Si, en plus, on dit aux personnels qu'ils doivent rester au premier niveau de grade parce qu'ils coûtent trop cher, cela n'ira pas.
Le système actuel ne fonctionne pas du tout à l'ancienneté. Le mérite est évalué et tout le monde ne bénéficie pas d'un changement de grade.
S'agissant enfin des perspectives de fusion des corps et de l'impact budgétaire, la CFDT est plutôt favorable aux fusions car il existe parfois des concurrences entre les corps et certains corporatismes. Mais force est de constater que les fusions de corps n'améliorent pas les déroulements de carrière.
Je reviens brièvement sur les effectifs. Avec la LOLF, on calcule par équivalents temps plein, de sorte qu'on raisonne en fonction d'un plafond d'emploi et d'une masse salariale. Il est très difficile pour les organisations syndicales de connaître les effectifs, donc de suivre, corps par corps, leur évolution.
Chaque année, on dégage sur le budget du ministère une masse salariale pour des mesures catégorielles destinées à améliorer le régime indemnitaire et les carrières. Cette masse était en 2007 de 34 millions d'euros dans le champ du ministère de l'Équipement. Elle est tombée en 2008 à 18 millions d'euros pour l'ensemble du ministère.
La commission des Finances a demandé, par l'intermédiaire de son président, à porter un regard précis sur les conditions de mise en oeuvre de la RGPP, mission par mission. La commission a procédé hier à des auditions sur deux missions particulières : politique de la ville, ainsi que recherche et enseignement supérieur.
J'invite les représentants des organisations syndicales à concentrer leurs propos sur les différences ou les points qui n'auraient pas été évoqués par le premier intervenant, sans reprendre nécessairement toutes les questions.
Nous sommes à quelques jours d'une nouvelle réunion du Conseil de modernisation des politiques publiques, très attendue car les annonces du 4 avril ont suscité de nombreuses interrogations, de l'agent d'exploitation à l'encadrement supérieur, troisième niveau, où 200 agents d'encadrement ont été déclarés « en trop ».
Le manque de considération à l'égard de l'encadrement supérieur a posé de graves problèmes chez les agents des services. Ils ont connu, depuis quelques années, de nombreuses réorganisations, la dernière en date étant le transfert des routes nationales. L'évolution des métiers et des carrières dans le MEEDDAT-ex Équipement et les autres ministères a été très importante. L'ingénierie publique, par exemple, a été balayée d'un revers de main par une décision politique, ce qui pose un problème de fond vis-à-vis des collectivités locales. Les services ont montré qu'ils savaient évoluer, notamment dans le cadre du développement durable, lequel ne consiste pas à regarder les besoins sous l'angle de l'économie mais à réfléchir aux solutions à mettre en place aujourd'hui pour répondre aux objectifs fixés.
La ville de Lorient a décidé de réduire par quatre sa consommation d'eau en vingt ans, elle y a mis les moyens, a embauché les personnes nécessaires et elle a gagné son pari.
Si le MEEDDAT doit être investi de missions spécifiques, cela ne doit pas entraîner des réductions d'effectif et de mission.
J'aimerais que vous précisiez votre vision de l'ingénierie publique. À quel niveau doit-elle intervenir ? On peut imaginer que de centralisée, elle devienne territorialisée.
La bonne échelle pour l'ingénierie publique, ce sont les services déconcentrés. Nous souhaitons que le MEEDDAT continue à aider les collectivités en ce domaine. Les collectivités ne savent par exemple pas forcément ce qu'implique l'AMO – assistance maître d'ouvrage – processus relativement compliqué et long. Par ailleurs, dans de nombreuses parties du territoire, il n'y a pas d'ingénierie privée.
Le chiffre de 17 000 suppressions d'emplois au MEEDDAT circule depuis déjà plusieurs semaines. Ce serait une catastrophe. Le ministre d'État nous a répondu qu'il se fondait sur une réduction de 3 500 postes au maximum. Vous comprendrez dès lors que les agents, qui ont déjà subi plusieurs réorganisations, aient le moral au plus bas. La CGT a organisé une journée d'action spécifique sur ce sujet. Certains pays reviennent déjà en arrière en matière de RGPP.
Les modulations indemnitaires existent déjà. La part des primes dans la rémunération globale augmente avec le grade mais les primes ne comptent pas pour la retraite. Une action est prévue la semaine prochaine pour protester contre la mise à mal des retraites.
La CGT revendique des évolutions statutaires, par le haut. Or les propositions de fusions ont toujours pour but de réduire l'effectif et l'évolution des carrières. Beaucoup d'agents partent à la retraite avec un revenu juste au-dessus du SMIC.
La formation, initiale et continue, est très importante. Les approches différentes entre le MAP – le ministère de l'Agriculture et de la pêche – et le MEEDDAT ont fait qu'on a demandé aux agents du réseau formation de Valenciennes, qui avaient travaillé et fait des propositions pour l'IAT – l'Ingénierie d'appui territorial– de tout arrêter, alors qu'il y a un besoin de formation pour des métiers spécifiques qui n'existaient pas auparavant comme celui de correspondant territorial.
Notre réseau de formation est connu et réputé. Il faut donner aux agents les moyens d'aller en formation, non seulement au sein du MEEDDAT mais également à l'extérieur.
Je représente plus spécifiquement les personnels d'exploitation. Le MEEDDAT est le ministère où il y a le plus d'accidents et de morts en service. Depuis le 31 août 2007, on a dénombré plus de quarante accidents, des véhicules de service ayant été littéralement pulvérisés. Supprimer encore des effectifs posera de graves problèmes de sécurité tant pour les personnels que pour les usagers.
Le gros problème, commun à l'ensemble des catégories, ce sont les bas salaires. Les personnels d'exploitation encore présents dans les DIR – directions interdépartementales des routes – et les DDE sont recrutés en dessous du SMIC. Grâce à une indemnité différentielle, ils perçoivent une rémunération un peu plus élevée, mais le salaire de recrutement reste le salaire de référence pour toute leur carrière. Je vous laisse imaginer ce que cela donne pour les retraites.
Le souci majeur, y compris pour les catégories d'encadrement B et A, c'est la fuite des personnels vers le privé. La notion de service public s'effrite vite quand les fins de mois arrivent le 15 !
Il faut faire par ailleurs attention aux fusions de corps. Les corps ont été créés pour exécuter des missions précises et parfois spécifiques – dans les secteurs des routes, des voies navigables ou des ports maritimes, par exemple. Avec la bourse aux effectifs dans le cadre des réorganisations des services, on a ouvert à toute la catégorie B des postes réservés à des contrôleurs ou à des techniciens, si bien que des secrétaires administratifs de catégorie B se sont retrouvés à des postes de contrôleurs, alors qu'être contrôleur de travaux requiert des compétences particulières. Cela a une répercussion non seulement sur les personnels, qui se retrouvent en difficulté professionnelle, mais aussi sur le fonctionnement des services.
Nous vous remercions pour votre invitation. Le hasard fait que vous recevez aujourd'hui une délégation de représentants à la fois d'organisations syndicales et de grévistes qui manifestent contre la RGPP et la loi sur la modernisation de l'économie. N'oubliez pas non plus que nos organisations syndicales ont été le 6 mars dernier à la tête d'une manifestation qui a réuni plus de 10 000 agents issus du MEEDDAT pour s'opposer à un abandon de la constitution d'un ministère fort pour la promotion de l'économie durable, de l'écologie et de la défense de l'environnement, après le Grenelle de l'environnement.
FO, qui représente, bon an, mal an, 80 % des corps d'ingénieurs au sein du MEEDDAT, est favorable à une ingénierie publique et non pas concurrentielle comme l'a malheureusement déclaré le Président de la République.
Le ministère est soumis à un régime qui va au-delà de la rigueur, puisque les suppressions d'effectifs annoncées sont supérieures au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit 3 200 suppressions d'emploi, ce qui est déjà beaucoup pour un ministère qui doit se construire.
À l'Élysée, M. Guéant a annoncé 5 200 suppressions d'emploi. Veut-on vraiment mettre en place un ministère à la hauteur des enjeux prônés par la présidence de la République ou oublie-t-on les promesses pour passer autre chose ?
Le ministère de l'Équipement a déjà largement contribué aux plans de rigueur successifs. Si le MEEDDAT doit de nouveau faire des efforts, et au-delà de ceux qui sont demandés aux autres ministères, autant dire clairement qu'il n'a pas vocation à exister.
S'agissant des recrutements, alors que le ministère compte des fonctionnaires, des non-titulaires et des ouvriers d'État, avec la loi de décentralisation, on risque de supprimer le statut d'ouvrier d'État. Cela ne va guère dans le sens de la diversification…
J'imagine que la question sur « le profil et la diversification des recrutements » porte sur la diversification des profils et non des origines car, dans la fonction publique, les secondes n'ont pas lieu d'être examinées.
Et moi j'imagine que nous sommes tous ici républicains. Je n'ai jamais fait de procès d'intention. Je souhaiterais qu'il en aille de même à mon endroit.
Je ne me le permettrais pas, ne serait-ce que parce que, dans la fonction publique, la diversification des recrutements ne peut être fondée que sur les statuts.
J'ai bien noté votre attachement au statut général de la fonction publique et au cadre républicain. Mais alors dans quel cas peut-il y avoir intéressement ? Si la modulation indemnitaire est connue, débattue et fait à l'occasion l'objet de recours en commission administrative paritaire, l'intéressement est une autre notion. Admettriez-vous que des fonctionnaires n'accomplissent pas leur mission ou aillent au-delà de celles qui leur sont confiées ? L'intéressement n'a pas lieu d'être dans le cadre général de la fonction publique. Ce serait le dévoyer !
La formation est assurée par des écoles. Se pose là encore le problème des effectifs. S'il n'y a pas de recrutement, quelle formation peut-on proposer, y compris pour l'ingénierie publique ? Les écoles ne forment pas seulement les « fonctionnaires » du ministère. Le réseau des CIFP – les centres interrégionaux de formation professionnelle – de l'ancien ministère de l'Équipement s'ouvre à d'autres organismes et à des formations autres que technique. Cela nécessite une formation continue permanente. Si l'industrie, les bâtiments et les travaux publics sont au niveau qu'on leur connaît et qu'on apprécie, c'est, en partie, grâce à l'outil de formation dont dispose le ministère de l'Équipement. La suppression de cet outil sera lourde de conséquences pour ces secteurs.
Les fusions de corps doivent tenir compte de leurs missions. Le propre d'un corps est d'être attaché à des missions. Si on supprime des missions, on peut envisager des fusions de corps, mais si ces missions sont maintenues, il faut maintenir les corps spécifiques créés pour les mener à bien, sauf à leur demander d'abandonner leur spécificité et leur technicité. Cela renvoie à la question : que veut-on faire du MEEDDAT ?
Pour FO, le MEEDDAT reste et doit rester un ministère technique. Pendant les négociations en vue du Grenelle de l'environnement, les associations d'élus ont fait valoir qu'elles auront besoin de ce ministère pour les aider à mettre en oeuvre l'ensemble de l'ingénierie territoriale que nécessitera le développement durable. Il n'y a pas d'un côté une ingénierie d'État et de l'autre une ingénierie des collectivités territoriales. Aujourd'hui, on voit dans l'« ingénierie » publique – donc partagée et devant pouvoir se situer hors du champ concurrentiel –, une simple notion et on estime que, lorsqu'une entreprise privée peut se charger du travail, la puissance publique ne doit plus l'exécuter. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent.
Si les entreprises privées se sont développées en France, c'est grâce au réseau scientifique et technique de l'État, qui a su développer l'innovation et la recherche fondamentale, et aux écoles de formation technique. L'ingénierie publique représente 2 % de l'ensemble de l'ingénierie. Il nous paraîtrait aberrant et suicidaire pour l'économie française et pour la mise en oeuvre des politiques publiques au plus proche des territoires, de supprimer ces 2 % uniquement pour faire quelques économies. Or la différence entre le nombre des réductions d'emplois annoncé rive droite – 5 600 – et celui résultant du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux – 3 200 – porte précisément sur l'ingénierie. Ne brisons pas la colonne vertébrale du système. N'affaiblissons pas la compétence technique du MEEDDAT.
Dans une agence de l'eau, on fait de l'ingénierie. Quand on fait Natura 2000 dans une DIREN – direction régionale de l'environnement –, quand on essaie avec les collectivités territoriales de mettre en oeuvre des zones de protection, de développer de la biodiversité ou de créer une trame verte, on fait de l'ingénierie. Ce n'est pas que la bordure de trottoir, qui est maintenant dévolue aux collectivités territoriales. Comment les ingénieurs et les techniciens territoriaux, qui sont d'ailleurs pour la plupart issus de l'État, pourront-ils mettre en oeuvre leurs prérogatives au service des élus s'ils n'ont plus à leur disposition la compétence technique publique ?
Nous prônons la création d'une ingénierie publique partagée, hors champ concurrentiel, tant au niveau de l'État qu'à celui des collectivités territoriales, et la mise au service des collectivités territoriales du réseau scientifique et technique de l'État, par l'ouverture de sa gouvernance.
Enfin, sur 10 000 personnes dans la rue le 6 mars 2008, il y avait 2 000 cadres supérieurs, dont des directeurs et des directeurs adjoints. Je veux témoigner ici du fait que l'encadrement supérieur du MEEDDAT a cru que la création de ce ministère permettrait de rebondir, de repartir vers des champs nouveaux, y compris sociétaux. Or, ces cadres font désormais le choix de partir, soit dans les collectivités territoriales, par le biais des détachements de droit commun, soit dans le privé. Au moment où l'on nous explique que la compétence se raréfie, en particulier dans la catégorie A et dans les corps d'ingénieurs au point qu'on ne sait pas si on pourra recruter demain au bon niveau dans la fonction publique d'État, le MEEDDAT, qui aurait dû être le fer de lance de la technicité de la puissance publique, voit partir ses cadres supérieurs, notamment techniques.
On l'a dit, ce sont les organisations syndicales qui ont appris à des directeurs départementaux de l'équipement ou de l'agriculture et de la forêt, à des directeurs régionaux de l'équipement, de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ou de l'environnement qu'ils n'étaient pas préfigurateurs et étaient donc « virés ». Je ne suis même pas certain que la directrice générale de ce ministère ait été officiellement informée qu'elle était remplacée !
Merci. Nous avons bien noté l'importance de la formation professionnelle continue et de la présence de cadres capables de susciter de grandes aspirations pour assurer la concrétisation des ambitions politiques affichées.
La création du MEEDDAT relève d'une grande ambition, à la hauteur d'un État moderne désireux de répondre aux enjeux mondiaux. Cela étant, elle présente une grande difficulté du fait des différences de taille, d'organisation et de culture entre les ministères qu'il regroupe. Il n'y a, en effet, rien de commun entre un grand ministère séculaire doté d'une administration hyper-organisée, un ancien ministère qui n'a jamais vraiment eu les moyens de sa politique malgré des enjeux très importants, notamment vis-à-vis de l'Union européenne, et un ministère qui a toujours été un cas à part dans la fonction publique française. Leur regroupement nécessite une volonté politique et des moyens.
Vos deux premières questions – perspectives d'évolution des effectifs et diversification des recrutements – sont profondément liées. La création du MEEDDAT réclame, en effet, le recrutement de personnels très divers, notamment de spécialistes environnementaux qu'il est très difficile aujourd'hui de recruter par voie statutaire. La meilleure manière de diversifier les effectifs est de le faire au moment des départs en retraite. Or comment fait-on si on ne remplace pas ces départs ? La formation continue joue un rôle très important. Mais on ne transformera jamais les excellents ingénieurs généralistes que fournissent les écoles en spécialistes ayant fait cinq ou huit ans de faculté dans un domaine précis, dont on a également besoin.
Le réseau scientifique et technique – RST – joue un rôle essentiel. Ce que le ministère nouvellement créé doit mettre en oeuvre, ce n'est pas une politique, mais un concept : le développement durable, qu'il revient au RST de décliner et de mettre en musique.
Je ferai un aparté sur l'ingénierie publique. Pour nous, inciter par son biais les collectivités à mettre en oeuvre une politique décidée nationalement est de loin la meilleure façon de faire passer une nouvelle politique. C'est en étant maître d'oeuvre des travaux que vous avez le plus de prise sur les chantiers. Privatiser l'ingénierie revient à se priver de ce mode d'incitation, sans parler des dérives de coûts que cela induit. L'ingénierie publique définit actuellement une référence pour le prix des travaux.
Nous ne voyons pas ce que peut être l'intéressement dans la fonction publique.
Certains indicateurs créés en application de la LOLF sont totalement inadaptés pour définir une performance de service. Ils peuvent même être dangereux et contre-productifs en centrant l'action du service sur un point particulier et en laissant de côté des actions importantes et nécessaires.
Vous soulevez un point important, qui est la formulation des questions car, quand on pose de mauvaises questions, on obtient rarement de bonnes réponses.
Les parlementaires s'interrogent également parfois sur la pertinence de certains indicateurs mais il faut reconnaître qu'il est très difficile d'en définir de bons, et reconnus comme tels par tout le monde.
Quand des indicateurs ne sont pas jugés pertinents par ceux qui doivent s'y référer, il paraît difficile d'atteindre les résultats escomptés. Les indicateurs sont décidés en haut lieu et, pour la plupart, ne correspondent pas du tout à la réalité du terrain.
L'État possède d'excellentes écoles de formation d'ingénieurs généralistes, qu'il est important de conserver, surtout dans une période de changement de politique. Cela étant, ces écoles devraient s'ouvrir plus largement à la fonction publique territoriale pour diffuser au sein des services techniques des collectivités la culture et les politiques voulues par le ministère. Elles sont un moyen de diffusion.
Il est prévu la création de grands services départementaux – les DDEA, directions départementales de l'équipement et de l'agriculture – et régionaux, dont l'appellation est en discussion. Cela signifie qu'il va y avoir, à des mêmes postes d'ingénieurs généralistes ou de techniciens, des gens issus de trois corps différents en concurrence et ayant, pour un même travail, des rémunérations de 1 à 1,5.
La FSU est surtout présente dans l'ex-ministère de l'Environnement, qui a « vécu » la création des DIREN avec des personnels de l'Équipement et de l'Agriculture. Au bout de quinze ans, la fusion n'est toujours pas terminée parce que les problèmes de personnels n'ont jamais été réglés.
On ne peut pas admettre que, dans un même service, des gens de même niveau, faisant le même métier et souvent les mêmes missions, puissent avoir de tels écarts de rémunération. Qui plus est, on risque ainsi de voir se créer, au sein de chaque service, des chasses gardées, tel poste étant réservé à tel corps. C'est le meilleur moyen de « rater » le MEEDDAT.
Vous avez soulevé deux questions qui ne me semblent pas tout à fait de même nature : la présence dans les services de personnels issus de différents corps, et la rémunération. S'il est inadmissible que des gens qui assument le même travail ne perçoivent pas le même salaire, le fait d'être issus de plusieurs corps peut être perçu comme une source d'enrichissement humain et professionnel. Une fois réglée la question des rémunérations, le fait que des personnels soient issus de différents corps vous paraît-il un obstacle insurmontable ?
Le MEDD – le ministère de l'Écologie et du développement durable – n'était pas un corps mais avait un vivier de plusieurs corps. Cela n'a jamais posé de problèmes, hors la question des rémunérations. La FSU est tout à fait favorable à la mixité des corps. Cela a d'ailleurs été très profitable au ministère de l'Écologie.
Le MEDD avait en fait deux corps : les agents techniques et techniciens de l'environnement.
Enfin, il existe, au sein de nos ministères, nombre de contractuels, en particulier issus de l'ex-MEDD, qui sont partie intégrante de la communauté de travail mais à qui la LOLF, telle qu'elle est appliquée, leur interdit toute mobilité au sein du MEEDDAT.
Je me demandais pourquoi les demandes de mobilité n'aboutissaient jamais. Vous venez de me donner une réponse.
Je vais vous parler d'une culture un peu différente, celle de l'Industrie, qui semble appartenir à la préhistoire puisque, dans le premier gouvernement Fillon, il n'y avait pas de secrétariat d'État à l'industrie et que, dans le deuxième, le secrétaire d'État qui a été nommé est au MEIE – ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi – dont nous ne dépendons plus. Les missions de contrôle réalisées par les DRIRE – les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement – le sont essentiellement « au profit » de l'ancien MEDD, donc du MEEDDAT. Nous avons perdu notre identité et notre âme, les agents de l'Industrie aussi.
Il y a quelques années, l'Industrie assumait une mission de contrôle, au sens général du terme, c'est-à-dire qu'on effectuait des contrôles de premier niveau dans tous les domaines. Cela allait de la sécurité routière – vérification des véhicules – à la sécurité industrielle – inspection des installations classées – en passant par la sécurité des sous-sols et des carrières. Il y a trois ans, toutes ces missions ont été, par décision politique, confiées au privé. Le retour que l'on reçoit aujourd'hui de la part des transporteurs sur les contrôles des véhicules routiers, y compris pour le transport des matières dangereuses et le transport de personnes – qui était une mission importante des DRIRE – est qu'il n'est pas mieux fait – parfois au contraire – mais surtout qu'il est beaucoup plus cher. DEKRA et les autres établissements privés de contrôle ne se sont pas privés de doubler ou de tripler les prix dès qu'ils ont eu la responsabilité des contrôles.
En 1999, les agents ont cru que l'Industrie était enfin reconnue dans le cadre du ministère des Finances, les DRIRE ayant également une mission économique englobant le développement industriel et la métrologie. Or, cinq ou six ans après, les missions ont été séparées, du fait de l'éclatement des DRIRE. La majorité des missions, qui concerne l'environnement industriel, c'est-à-dire l'inspection des installations classées, s'est retrouvée sous la coupe du MEEDDAT et la partie économique – développement industriel, aide aux entreprises – qui est très importante aux niveaux à la fois territorial et local, est placée sous l'autorité de l'ancien ministère rebaptisé MEIE. On est en train d'éclater une structure qui devrait, de l'avis de tout le monde, exister au niveau régional.
Dans l'industrie, il y a trois catégories de personnels techniques : A, B et B +, et une catégorie C de personnels administratifs, qui est majoritaire et a un régime différent. La gestion des personnels est très compliquée. Je pourrai vous donner des compléments d'information par écrit.
Des agents de différentes catégories remplissent les mêmes missions, ce qui entraîne, comme cela a déjà été évoqué, des différences de rémunérations, de mobilité et d'évolution de carrière.
Quant aux personnels administratifs, ils sont mis à disposition des DRIRE mais sont gérés par l'administration centrale du MEIE. Les personnels de l'Industrie ne savent plus par qui ils sont gérés, entre Mme Lagarde et M. Borloo. Il devient très difficile de les motiver.
Les personnels de soutien vont payer le plus lourd tribut lors des regroupements régionaux, voire interrégionaux, des missions, puisqu'ils subiront des réductions d'effectif et des économies budgétaires.
Par exemple, lorsque les DIREN, les DRIRE et les DRE seront regroupées au niveau régional, les personnels d'accueil seront réduits de cinq ou six à deux. Il sera demandé à ceux qui ne seront pas conservés et qui, comme tous les fonctionnaires, sont vieillissants, soit de suivre – à cinquante-cinq et quelques années – une formation pour trouver un autre emploi, soit de se soumettre à une mobilité contrainte. Ce n'est pas acceptable.
Cela est déjà arrivé à plusieurs reprises à l'Industrie, la dernière fois lors de l'externalisation des contrôles techniques des poids lourds en 2005. Il est difficile, dans ces conditions, de convaincre les personnels que la construction du MEEDDAT va les épanouir dans leur vie professionnelle et personnelle.
Alors que cela fait presque un an que le MEEDDAT existe, nous n'avons eu connaissance des effectifs – 107 000 agents – que récemment, en prévision des élections au mois de juin. Et on parle déjà de les réduire. Cela conduit à s'interroger sur les ambitions affichées par M. Borloo le 18 décembre et sur les objectifs du Grenelle de l'environnement, auxquels tout le monde est prêt à adhérer !
Quant aux recrutements, avant de diversifier, il faudrait d'abord remettre de l'ordre et réidentifier les missions. Les concours exigent un certain niveau : brevet des collèges pour la catégorie C, bac +2 pour la catégorie B et bac +5 pour la catégorie A. Or, aujourd'hui, des candidats à bac +5 se présentent à des concours de catégorie C.
L'intéressement est évidemment hors sujet en ce qui concerne le service public. J'ai bien du mal à comprendre qu'on ait privatisé une mission comme celle des contrôles techniques. Comment faire coïncider profit commercial et sécurité ? Cela m'a beaucoup choqué.
La modulation indemnitaire existe depuis toujours partout, même si la pression syndicale a réussi à faire « démoduler » la catégorie C. Le phénomène n'est pas forcément sain puisqu'il aboutit à mettre en concurrence des gens effectuant les mêmes missions dans un même bureau.
Concernant la gestion des carrières, nous gardons à l'esprit la promesse tonitruante faite par le ministre des Finances de 2004, M. Sarkozy, pour qui, si une réduction du nombre de fonctionnaires était inévitable, ceux qui resteraient en place auraient une reconnaissance aussi bien professionnelle que financière. On ne croit plus aujourd'hui à une gestion de carrière rendant l'avenir lisible. Tout se fait à la petite semaine et, parfois, au petit bonheur la chance, suivant le changement de missions et de périmètre.
Nous ne sommes pas opposés à la fusion des corps mais, si cela se solde par des différences de rémunérations pour des missions identiques, il faut peut-être songer à adapter le nouveau corps à la mission globale.
La RGPP est opaque. Ni les personnels ni les cadres directeurs ne sont au courant de ce qui se passe. Ces derniers apprennent bien souvent par la presse ou par les organisations syndicales, la veille pour le lendemain, qu'ils sont ou virés ou préfigurateurs. C'est extrêmement grave !
Si nous comprenons les réformes, qu'il s'agisse des économies budgétaires et des réductions de personnel, nous n'avons pas l'impression qu'elles servent le service public de proximité et les fonctionnaires.
Je reviendrai brièvement sur la formation du ministère. Dire qu'il faut faire évoluer la fonction publique au service des usagers en fonction des modifications de la société, en rendant compte de l'usage des deniers publics, nous paraît tout à fait normal. En revanche, attendre pratiquement un an avant de définir le contour de ce ministère tout en demandant de régler des questions comme la formation nous a semblé complètement irréel.
M. le Président Dumont a soulevé la question de la gestion immobilière, très importante car elle a des répercussions sur la gestion du personnel. Certains personnels ont, depuis septembre de l'année dernière, changé cinq fois de bureau, si bien qu'ils n'ont toujours pas défait leurs cartons et n'ont parfois même plus de téléphone. Ils sont contraints à un certain nomadisme et ne savent parfois même plus à quel ministère ils appartiennent.
Lors des premières fusions DDE-DDA, on a essayé de regrouper des personnels sans regarder leur culture et leur mode de fonctionnement. Pour arranger les choses, on les a laissés sur deux implantations différentes, ce qui rend encore plus difficile l'émergence d'une culture et d'un travail en commun. Parfois, ils ne disposent pas du même service de messagerie ni du même accès aux fichiers, ce qui conduit à des situations irréelles. Au sein de la DRE Lorraine, moins de 100 personnes sont installées sur quatre sites différents !
Alors qu'on a opéré, pour – a–t–on dit – des raisons budgétaires, comptables et d'efficacité – un regroupement, dans le cadre des CSM – les centres supports mutualisés – tout ce qui concerne le suivi et la gestion des personnels au quotidien, certains personnels de l'ex-MEDD attendent depuis près de deux ans leur nomination, leur transfert ou leur détachement, tout simplement parce que l'on manque de personnels pouvant gérer leur carrière. Dans les DDE, on a reporté vers la CSM, dont on attend toujours la création, un certain nombre de décisions concernant la gestion au quotidien des personnels. Tout cela ne concourt pas à leur donner la quiétude nécessaire à l'accomplissement de leurs missions, quand ils les connaissent.
Ne croyez pas que, parce que je parle au nom d'une organisation syndicale, je vous décrive le tableau plus noir qu'il n'est. Je ne fais pas du Zola : c'est hélas la réalité…
Le profil des recrutements sera fonction des missions quand elles seront enfin complètement définies et qu'on aura décidé ce que l'on veut faire de ce ministère. Pour l'instant, on n'a aucune lisibilité.
Pour avoir travaillé sur le répertoire interministériel des métiers de l'État, je me souviens que nous avions été incapables de remplir la partie des fiches portant sur le recrutement car il fallait répondre aux questions : Quels personnels ? Avec quel niveau de recrutement ? Pour remplir quelles missions ?
Je suis, moi aussi, favorable à une ouverture des écoles de formation technique à la fonction publique territoriale puisque nous n'aurons plus demain les moyens de porter comme nous le faisions jusqu'à présent la volonté et les politiques de l'État. Quand on faisait de l'ingénierie publique pour le compte des collectivités territoriales, on en profitait aussi pour porter la parole de l'État sur les politiques publiques. Il faudra désormais trouver d'autres moyens.
M. Pavageau a vanté, à juste titre, la qualité du réseau scientifique et technique de l'État français, probablement l'un des meilleurs d'Europe. Pour de simples raisons budgétaires et comptables, on est en train de le brader.
Il nous a été demandé, toujours dans le cadre de la modification de l'ingénierie publique, de modifier nos pratiques et de ne plus faire de l'ingénierie publique concurrentielle pour passer, en particulier, à l'AMO. Mais comment fera l'État, demain, s'il ne dispose plus d'aucun savoir-faire, pour conserver le même niveau de technicité ?
C'est le réseau scientifique et technique qui a produit les nouvelles techniques et technologies utilisées aujourd'hui par les entreprises privées. Nous avons bien du mal à comprendre le but que l'on poursuit aujourd'hui.
S'agissant de la formation continue, nous nous demandons pourquoi on a mis autant de temps à instaurer le DIF –droit individuel à la formation –, qui n'est encore qu'au stade de volonté affichée – et pourquoi la valorisation des acquis de l'expérience – VAE – n'est toujours pas lancée ? L'État est le plus mauvais employeur de France puisqu'il n'applique pas ce qu'il demande aux entreprises privées d'appliquer.
Il faudra, à un moment, expliquer aux personnels ce que l'on attend d'eux et les possibilités de carrière que pourra leur offrir le MEEDDAT. Pour l'instant, on se demande si l'on n'a pas envie de tuer la poule dans l'oeuf.
Comme l'a indiqué mon collègue, si, en tant que citoyens et contribuables, nous comprenons les économies budgétaires, nous estimons que le MEEDDAT n'a pas les moyens financiers et humains de ses ambitions. Les services les plus fréquemment déshabillés sont ceux qui gèrent les ressources humaines. Cela entraîne des retards dans l'application des arrêtés, des années blanches pour l'avancement, des erreurs dans les décrets.
Les mutualisations se font à divers niveaux. On manque cruellement d'information à ce sujet.
Une commission de reconversion va être créée pour s'occuper des agents qui perdent leurs fonctions du fait de l'abandon des missions d'ingénierie publique. Il est urgent de mettre en place un dispositif d'accompagnement pour tous les agents impactés par les mutualisations et notamment pour ceux des activités support. Il serait intéressant de prévoir des bourses d'emplois départementales et régionales de toute la fonction publique pour que les restructurations ne portent pas un préjudice excessif aux agents au niveau local : on ne peut pas demander à tout le monde d'aller ailleurs.
L'intéressement n'est pas compatible avec le principe d'égalité qui prévaut dans le service public.
La modulation indemnitaire est pratiquée depuis très longtemps dans le ministère qui était chargé auparavant de l'équipement et des transports. Il importe d'en définir le périmètre, d'en fixer les critères, d'assurer la transparence.
La modulation pratiquée par le ministère de l'Équipement était incohérente : certains corps étaient modulés de 0,9 à 1,10, d'autres de 0,8 à 1,20. Notre organisation syndicale a saisi plusieurs fois la Cour des comptes, qui a jugé nos remarques intéressantes mais notre ministère n'a pas donné suite.
Des différences apparaissent aussi sur les parts modulables : certaines indemnités sont modulées entièrement, d'autres partiellement. Les niveaux indemnitaires sont très différents puisqu'ils vont de 1 à 1,6.
Dans le cadre de la modulation indemnitaire qui s'annonce, il est important de prévoir des possibilités de recours indemnitaires en CAP – commission administrative paritaire – avant d'aller devant le tribunal.
Alors qu'il était annoncé moins de fonctionnaires mieux payés, nous constatons une paupérisation. Tandis qu'on leur demande d'être de plus en plus pointus, leur perte de pouvoir d'achat est sensible.
Pour gérer les carrières, il faut prévoir des moyens suffisants en gestion des ressources humaines et harmoniser les pratiques de gestion : les attachés de l'Équipement sont pyramidés en A + à 20 % tandis qu'à l'Agriculture, ils le sont à 43 %. C'est tout à fait anormal.
L'encadrement supérieur ne s'estime pas assez considéré. Il lui est demandé de porter les réformes alors qu'il n'est pas informé.
Les corps, au sens strict du terme, n'ont plus vocation à exister. Ce qu'il faut regarder, c'est la formation de l'agent. Si l'on a besoin d'un métier particulier, l'important est que le candidat ait la formation correspondante, quel que soit son corps d'appartenance.
La fusion de corps ne peut intervenir dans de bonnes conditions que si on harmonise les régimes indemnitaires, les promotions et les conditions de mobilité. Cela signifie qu'il faut dès maintenant mettre en place des CAP inter-corps.
Actuellement, pour pourvoir des postes, il y a des listes communes. Par exemple, un poste de secrétaire général est ouvert aux urbanistes, aux attachés principaux, aux ingénieurs divisionnaires, aux ingénieurs des ponts, tous dépendant de CAP différentes. La mise en place de CAP inter-corps sera un prélude à la suppression ultérieure des corps.
Dans le rapport Dutreil et le livre blanc de M. Silicani, il est question de filiarisation : sept grands métiers seraient retenus. La notion de corps disparaîtrait au profit de celle de métier En effet, un juriste peut aussi bien exercer dans un ministère, un hôpital ou la fonction publique territoriale. Cela étant, on a un peu peur que des ministères forts comme celui des Finances favorisent largement les filières financières au détriment des autres. Ainsi, les propositions ministérielles du 21 février 2008 « relatives à la reconnaissance des efforts des agents de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique à l'occasion de la création de la nouvelle direction générale des finances publiques » – document que je vous remettrai – ont fait un pont d'or aux agents des Finances : promotions majorées, pérennisation de primes annuelles, déroulement de carrière. Des moyens importants ont été consacrés pour les fusions des directions aux Finances, alors que, pour les fusions de corps au MEEDDAT, il n'y a pas d'argent. C'est inacceptable.
Il ne peut y avoir deux poids, deux mesures. Ce qui est possible aux Finances l'est également au MEEDDAT.
Il a été très peu question de l'écologie ce matin. L'ex-MEDD comprenait des agents techniques et des techniciens de l'environnement. Ces personnels, qui viennent en majorité des grandes écoles et ont bac + 3 ou bac + 5, sont payés en début de carrière en dessous du SMIC. Ils assurent des missions techniques et de police de l'environnement sur le terrain et sont essentiellement affectés dans des établissements publics aux budgets très limités et non dans les services déconcentrés. On ne les trouve ni dans les fusions des DRIRE et des DIREN, ni dans celles des DDA et DDE. En tant que fonctionnaires de l'ex-MEDD, ils voudraient pouvoir participer à l'évolution de ce grand ministère et ne pas rester affectés seulement dans des établissements publics.
Je vais, pour terminer, redonner la parole à ceux d'entre vous qui souhaitent apporter des précisions complémentaires.
Avant de répondre sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs, des compétences et des carrières au sein du MEEDDAT, il convient de s'interroger sur ce qu'est réellement ce ministère. Cela fait un an que l'on pose la question au ministre d'État et à son administration. Or, l'on n'a toujours pas de décret d'administration centrale, ni même lettres de cadrage ou lettres de mission. Le fiasco du Grenelle de l'environnement provient en partie de ce que le MEEDDAT n'est qu'un nom, une coquille vide. Les mesures du Grenelle de l'environnement ne peuvent pas être portées par un ministère technique et territorial pour la bonne et simple raison que celui-ci, malheureusement, n'existe ni par son administration centrale ni par ses directions régionales. Or il est prévu de fusionner trois de celles-ci au 1er juillet 2009. De qui se moque-t-on ?
Enfin, est-ce qu'une DDEA a encore une signification depuis le discours de M. le Président de la République à Cahors le 8 avril 2008 ? Y aura-t-il des DDEA dans les départements ou des directions inter-services des territoires ou encore des directions générales de préfecture des territoires, comme le ministère de l'Intérieur le demande à M. Canepa dans le cadre de l'association des préfets ?
Aujourd'hui, on ne connaît ni le périmètre du ministère, ni son contour, ni son contenu, ni ses missions, ni sa stratégie. On ne sait pas quelle sera sa technicité puisque ce qui devrait être la colonne vertébrale de la politique environnementale est attaqué de plein fouet, de façon dogmatique et uniquement selon un plan comptable. Enfin, on ne sait même pas s'il restera encore des services de l'État dépendant de ce ministère sur le territoire dans un an.
En quelques années, il y a eu 450 tentatives de suicide à l'ex-Équipement. Or les chefs de service sont en train d'établir, dans le cadre du décret sur la mobilité, des listes de personnels dont il faudra qu'ils se séparent.
Ce qui nous semble un peu paradoxal, c'est qu'on supprime des services de proximité ou qu'on les fasse mourir petit à petit en diminuant leurs effectifs. Tout ce qui vient en aide aux communes est abandonné peu à peu.
La mission la plus importante des DRIRE est l'inspection des installations classées. Après l'accident d'AZF, il avait été promis de renforcer l'inspection au-delà de 1 000 inspecteurs. Quelques années après, on n'en est même pas à la moitié, dont la moitié encore par redéploiement. Le recrutement n'est pas à la hauteur des enjeux, alors que l'inspection des installations du type Seveso devient de plus en plus complexe et demande un investissement de plus en plus important de la part des inspecteurs. Qui plus est, la partie administrative prend parfois tellement de temps qu'on n'a plus le temps d'aller sur le terrain.
En matière de formation, on est dans un cercle vicieux. La formation continue ne peut pas être assurée par manque d'inspecteurs, qui sont débordés et perdent le contact avec le terrain. Les personnels, de leur côté, perdent leurs compétences et n'ont pas le temps de suivre une formation continue pour se mettre à jour. Si cela continue, dans quelques années, les inspecteurs ne sauront plus du tout de quoi ils parleront.
Par ailleurs, on a l'impression que la loi sur la mobilité des fonctionnaires va servir de couperet. La mobilité qu'elle introduit pourrait être bénéfique mais elle est assortie de tellement de conditions qu'elle risque d'être très mal utilisée et se retourner contre les fonctionnaires.
Enfin, Mme Viallat a parlé des avantages accordés à un ministère, dont nous n'avons pas bénéficié alors que nous faisons toujours partie de ce ministère. Il y a des disparités de traitement totalement anormales entre les fonctionnaires.
Vous semblez vous interroger sur la pérennité du ministère. Nous pouvons témoigner que le ministère de l'Environnement tel qu'il existait était arrivé à ses limites.
La conclusion de notre rencontre de ce matin est qu'il y a urgence : urgence à donner un sens à ce ministère, à arrêter la RGPP – on ne peut rien construire si, tous les trois mois, de nouvelles décisions sont prises pour cisailler ce qui est en train de se faire –, urgence à envoyer des signes aux personnels et à donner les moyens humains permettant aux services gestionnaires d'opérer des redéploiements.
Je veux insister sur la difficulté d'exercice du dialogue social. Les organisations syndicales ont eu communication du texte du projet de loi sur la mobilité, appelé « boîte à outils de la RGPP », le 4 février pour une réunion prévue le 6 février, alors que le même jour un article paraissait dans Les Échos à ce sujet. Il est inadmissible de ne remettre des documents aux organisations syndicales que quarante-huit heures avant une réunion, surtout sur des sujets aussi importants. Nous regrettons que le dialogue social n'ait pas sa place aujourd'hui dans la fonction publique d'État.
Concernant le MEEDDAT, la CFDT avait deux demandes, qu'elle a portées auprès de M. Borloo le 18 juillet. Premièrement, elle souhaitait qu'un accord soit trouvé avec les organisations syndicales sur la méthode de travail et l'organisation du dialogue social pour la construction de ce grand ministère. Deuxièmement, elle demandait la mise en place d'un cadre national de garantie collective pour les personnels, qui préserve leur situation, en termes d'emploi, de rémunération, de conditions de travail, de vie sociale et familiale.
Aucune de ces demandes n'a été satisfaite à ce jour. Aucune méthode de travail n'a été définie, ce qui explique que les personnels soient complètement perturbés. Il n'est pas prévu de cadre de garantie collective, ce qui explique l'inquiétude des personnels pour leur avenir et la façon dont ils vont être traités. Dans le même temps, une loi sur la mobilité menace de mise en disponibilité d'office ceux qui ne répondront pas à trois offres d'emplois publics.
Vous comprendrez dès lors que le moral des personnels ne soit pas tel qu'il devrait être pour faire du MEEDDAT le grand ministère que tout le monde souhaiterait.
Nous avons bien mesuré que les convictions que vous avez exprimées sont le reflet des interrogations, voire du désarroi, des personnels, quels que soient leurs grades, fonctions et qualités.