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Intervention de Jean-Pierre Filiu

Réunion du 15 mai 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Jean-Pierre Filiu :

Je vais vous parler d'une culture un peu différente, celle de l'Industrie, qui semble appartenir à la préhistoire puisque, dans le premier gouvernement Fillon, il n'y avait pas de secrétariat d'État à l'industrie et que, dans le deuxième, le secrétaire d'État qui a été nommé est au MEIE – ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi – dont nous ne dépendons plus. Les missions de contrôle réalisées par les DRIRE – les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement – le sont essentiellement « au profit » de l'ancien MEDD, donc du MEEDDAT. Nous avons perdu notre identité et notre âme, les agents de l'Industrie aussi.

Il y a quelques années, l'Industrie assumait une mission de contrôle, au sens général du terme, c'est-à-dire qu'on effectuait des contrôles de premier niveau dans tous les domaines. Cela allait de la sécurité routière – vérification des véhicules – à la sécurité industrielle – inspection des installations classées – en passant par la sécurité des sous-sols et des carrières. Il y a trois ans, toutes ces missions ont été, par décision politique, confiées au privé. Le retour que l'on reçoit aujourd'hui de la part des transporteurs sur les contrôles des véhicules routiers, y compris pour le transport des matières dangereuses et le transport de personnes – qui était une mission importante des DRIRE – est qu'il n'est pas mieux fait – parfois au contraire – mais surtout qu'il est beaucoup plus cher. DEKRA et les autres établissements privés de contrôle ne se sont pas privés de doubler ou de tripler les prix dès qu'ils ont eu la responsabilité des contrôles.

En 1999, les agents ont cru que l'Industrie était enfin reconnue dans le cadre du ministère des Finances, les DRIRE ayant également une mission économique englobant le développement industriel et la métrologie. Or, cinq ou six ans après, les missions ont été séparées, du fait de l'éclatement des DRIRE. La majorité des missions, qui concerne l'environnement industriel, c'est-à-dire l'inspection des installations classées, s'est retrouvée sous la coupe du MEEDDAT et la partie économique – développement industriel, aide aux entreprises – qui est très importante aux niveaux à la fois territorial et local, est placée sous l'autorité de l'ancien ministère rebaptisé MEIE. On est en train d'éclater une structure qui devrait, de l'avis de tout le monde, exister au niveau régional.

Dans l'industrie, il y a trois catégories de personnels techniques : A, B et B +, et une catégorie C de personnels administratifs, qui est majoritaire et a un régime différent. La gestion des personnels est très compliquée. Je pourrai vous donner des compléments d'information par écrit.

Des agents de différentes catégories remplissent les mêmes missions, ce qui entraîne, comme cela a déjà été évoqué, des différences de rémunérations, de mobilité et d'évolution de carrière.

Quant aux personnels administratifs, ils sont mis à disposition des DRIRE mais sont gérés par l'administration centrale du MEIE. Les personnels de l'Industrie ne savent plus par qui ils sont gérés, entre Mme Lagarde et M. Borloo. Il devient très difficile de les motiver.

Les personnels de soutien vont payer le plus lourd tribut lors des regroupements régionaux, voire interrégionaux, des missions, puisqu'ils subiront des réductions d'effectif et des économies budgétaires.

Par exemple, lorsque les DIREN, les DRIRE et les DRE seront regroupées au niveau régional, les personnels d'accueil seront réduits de cinq ou six à deux. Il sera demandé à ceux qui ne seront pas conservés et qui, comme tous les fonctionnaires, sont vieillissants, soit de suivre – à cinquante-cinq et quelques années – une formation pour trouver un autre emploi, soit de se soumettre à une mobilité contrainte. Ce n'est pas acceptable.

Cela est déjà arrivé à plusieurs reprises à l'Industrie, la dernière fois lors de l'externalisation des contrôles techniques des poids lourds en 2005. Il est difficile, dans ces conditions, de convaincre les personnels que la construction du MEEDDAT va les épanouir dans leur vie professionnelle et personnelle.

Alors que cela fait presque un an que le MEEDDAT existe, nous n'avons eu connaissance des effectifs – 107 000 agents – que récemment, en prévision des élections au mois de juin. Et on parle déjà de les réduire. Cela conduit à s'interroger sur les ambitions affichées par M. Borloo le 18 décembre et sur les objectifs du Grenelle de l'environnement, auxquels tout le monde est prêt à adhérer !

Quant aux recrutements, avant de diversifier, il faudrait d'abord remettre de l'ordre et réidentifier les missions. Les concours exigent un certain niveau : brevet des collèges pour la catégorie C, bac +2 pour la catégorie B et bac +5 pour la catégorie A. Or, aujourd'hui, des candidats à bac +5 se présentent à des concours de catégorie C.

L'intéressement est évidemment hors sujet en ce qui concerne le service public. J'ai bien du mal à comprendre qu'on ait privatisé une mission comme celle des contrôles techniques. Comment faire coïncider profit commercial et sécurité ? Cela m'a beaucoup choqué.

La modulation indemnitaire existe depuis toujours partout, même si la pression syndicale a réussi à faire « démoduler » la catégorie C. Le phénomène n'est pas forcément sain puisqu'il aboutit à mettre en concurrence des gens effectuant les mêmes missions dans un même bureau.

Concernant la gestion des carrières, nous gardons à l'esprit la promesse tonitruante faite par le ministre des Finances de 2004, M. Sarkozy, pour qui, si une réduction du nombre de fonctionnaires était inévitable, ceux qui resteraient en place auraient une reconnaissance aussi bien professionnelle que financière. On ne croit plus aujourd'hui à une gestion de carrière rendant l'avenir lisible. Tout se fait à la petite semaine et, parfois, au petit bonheur la chance, suivant le changement de missions et de périmètre.

Nous ne sommes pas opposés à la fusion des corps mais, si cela se solde par des différences de rémunérations pour des missions identiques, il faut peut-être songer à adapter le nouveau corps à la mission globale.

La RGPP est opaque. Ni les personnels ni les cadres directeurs ne sont au courant de ce qui se passe. Ces derniers apprennent bien souvent par la presse ou par les organisations syndicales, la veille pour le lendemain, qu'ils sont ou virés ou préfigurateurs. C'est extrêmement grave !

Si nous comprenons les réformes, qu'il s'agisse des économies budgétaires et des réductions de personnel, nous n'avons pas l'impression qu'elles servent le service public de proximité et les fonctionnaires.

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