Notre ordre du jour appelle maintenant l'audition de M. Stéphane Penet, directeur à la Fédération française des sociétés d'assurance, la FFSA, accompagné de MM. Frédéric Gudin du Pavillon, sous-directeur des biens et des responsabilités et de M. Jean-Paul Laborde, conseiller parlementaire – et de M. Jean Mesqui, délégué général de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes, l'ASFA, accompagné de Mme Valérie Dumerc, directeur juridique.
Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue.
Après s'être interrogée sur la gouvernance des services départementaux d'incendie et de secours – les SDIS –, la MEC examine maintenant le financement de leurs missions. Au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, les organismes que vous représentez sont apparus comme sources potentielles de financements complémentaires. C'est pourquoi nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui.
Je donne d'emblée la parole aux rapporteurs.
Si la solution du problème n'est pas aisée, son exposé est simple : les budgets des services départementaux d'incendie et de secours ne cessent d'augmenter. Ils se sont accrus de 45 % depuis la fin de la départementalisation en 2001 pour atteindre aujourd'hui près de 4,5 milliards d'euros, le budget de l'État étant resté relativement stable. Les dépenses des SDIS portant désormais davantage sur le secours à la personne que sur les incendies, nous aimerions savoir si vous pourriez participer à leur financement. Selon quels critères et sous quelles conditions ?
Nous avons lu avec intérêt le questionnaire que vous nous avez adressé.
Tout d'abord, concernant les besoins de financement des SDIS, le rapport laisse entendre que la croissance importante de leurs dépenses est liée à un rattrapage des investissements au moment de la départementalisation, ce qui laisse supposer qu'une fois ce rattrapage effectué, les besoins seront plus ou moins stabilisés.
Pour ce qui est de l'intervention des assureurs, il faut distinguer les assureurs de biens et de responsabilité, qui interviennent sur les dommages aux biens, et les assurances de personnes.
En ce qui concerne les assurances de biens et de responsabilité, je rappelle qu'une taxe de 9 % sur les conventions d'assurance a été instituée, initialement pour financer la lutte contre les incendies. La destination de cette taxe a ensuite évolué mais il ne faut pas oublier son origine, d'autant que son produit se monte aujourd'hui à près de 600 millions d'euros sur la partie risque d'entreprise.
Par ailleurs, les assureurs interviennent beaucoup, même si ce n'est pas sous forme d'aides ou de financements directs, dans le domaine de la prévention des incendies. Ils sont de grands pourvoyeurs de financement pour les études à ce propos. Le Centre national de prévention et de protection, le CNPP, basé à Vernon, non seulement bâtit des référentiels en matière de protection, mais conduit également de très nombreuses études, financées par les assureurs, afin de déterminer les meilleurs moyens de protéger les biens, de manière générale, en procédant à des simulations d'incendie. Ces investissements sont réalisés à la fois au niveau professionnel et au niveau des assurances puisqu'un certain nombre de compagnies peuvent, individuellement, bâtir des études et les mener avec le CNPP.
Troisièmement, nous procédons à une sélection lors de la souscription des assurances. Les assureurs n'ont de cesse – et c'est leur intérêt – de travailler à la prévention et à la protection des biens. En ce sens, ils agissent à la manière d'un filtre au moment de la souscription de l'assurance – qui est obligatoire – afin d'éviter que des biens mal protégés puissent être en exploitation. L'assurance est, en effet, devenue un passage obligé pour pratiquement toutes les professions.
En résumé, nous considérons donc que nous participons déjà par ces trois biais à la lutte contre l'incendie.
Enfin, l'assurance française est aujourd'hui l'une des plus taxées en Europe et, sans doute, le produit de masse le plus taxé dans notre pays après, peut-être, l'essence. On peut toujours imaginer de nouvelles taxes mais je crois vous avoir montré que les assureurs ne sont pas inactifs face à un risque qui les concerne directement.
Concernant les sociétés d'autoroutes, la situation est relativement limpide. Depuis l'adoption de la loi de 2002, elles doivent prendre en charge les dépenses inhérentes à l'intervention des SDIS sur leur réseau en sections courantes. Elles le font suivant une convention type fixée par un arrêté de 2004. Depuis cette date, les relations avec les SDIS se sont à peu près normalisées.
Je ne peux pas dire que nous avons accepté la loi de 2002 avec beaucoup d'enthousiasme mais nous avons fait contre mauvaise fortune bon coeur et aujourd'hui, la situation est relativement satisfaisante tant pour mes confrères que pour les SDIS. La prise en charge des 19 800 interventions qui ont eu lieu en trois ans n'a pas posé de problème. Je pense que les sociétés d'autoroute et les SDIS ont trouvé un modus vivendi satisfaisant.
À votre question : « Comment peut-on financer plus les SDIS ? », je répondrai qu'on ne peut tout de même pas créer des accidents pour faire intervenir les SDIS plus souvent sur notre réseau afin de les payer plus…
Vous avez chacun, Messieurs, des raisons différentes d'apporter votre contribution au financement des SDIS.
La taxe sur les conventions d'assurance est un impôt. Nous aimerions savoir si, à l'image de ce qui se passe dans la plupart des pays européens, les sociétés d'assurance seraient prêtes à financer les SDIS. Elles auraient, d'une certaine façon, un retour sur investissement dans la mesure où les services d'incendie et de secours, que ce soit à personne ou à biens matériels, sont, aujourd'hui, particulièrement performants et entraînent, par voie de conséquence, des coûts moindres pour les sociétés d'assurance. Quel est l'état d'esprit des sociétés d'assurance que vous représentez vis-à-vis d'une telle participation, à travers une taxe spécifique ?
Les sociétés d'assurance essaient d'éviter que leurs assurés soient taxés.
Comme je l'ai rappelé, la taxe sur les conventions d'assurance a été instituée pour financer la lutte contre les incendies. Si, après avoir changé la destination de cette taxe, on en créait une nouvelle avec le même objectif, il y aurait une incohérence que les assurés auraient du mal à comprendre.
Deuxièmement, si les assureurs ont parfois eu du mal à travailler avec les SDIS et si leurs relations partenariales restent à améliorer, cela tient à une question de culture. Les assureurs ont avant tout pour vocation d'éviter qu'il y ait des incendies et leurs contributions financières vont à la prévention de ce risque, tandis que les SDIS ont, avant tout, pour mission – et c'est une mission, je le rappelle, de service public – d'éteindre des incendies – et moins de les prévenir. Le maintien du slogan « à chacun son métier » me paraît sain dans la mesure où une baisse de la fréquence des incendies entraîne, de facto, une baisse des tarifs pour les assurés, ce qui est un argument de poids dans la concurrence féroce que se livrent les assureurs.
Tel est mon état d'esprit. D'une part, l'introduction d'une nouvelle taxe parce que la précédente a été détournée de son but originel me paraît peu cohérente. D'autre part, le métier d'assureur est, avant tout, de faire de la prévention. Il y consacre beaucoup d'investissements. Ces efforts doivent se retrouver dans une modération de l'activité des SDIS. En effet, quand il y a moins d'accidents, ils interviennent moins. Il est difficile de savoir quelle aurait été, aujourd'hui, la fréquence des incendies si les assureurs n'avaient pas développé en matière de sprinklers et de politique de prévention tous les référentiels qu'ils imposent à leurs assurés, mais il est sûr que cela a eu un effet. C'est là avant tout notre métier.
Pour ce qui est des sociétés d'autoroutes, il existe, dans chaque département une convention entre le service départemental et la ou les sociétés d'autoroute qui interviennent sur le territoire départemental. Quel est le contenu de ces conventions ? Connaissez-vous le montant total des rémunérations versées par l'ensemble des sociétés d'autoroute à l'ensemble des services départementaux ?
Les conventions sont conformes à la convention type publiée en 2004 par un arrêté interministériel. Elles prévoient la prise en charge des interventions des SDIS sur les sections courantes des autoroutes pour toutes les interventions qui concernent le secours à personnes, le secours pour accident de la circulation et d'autres opérations comme l'extinction de feux de véhicules.
Pour la rémunération des SDIS, l'arrêté a distingué deux cas : les interventions dites courantes, qui sont rémunérées de façon forfaitaire, et les interventions dites de longue durée et à caractère spécifique – opérations nécessitant le déclenchement de plans rouges ou opérations très importantes comme des collisions à la chaîne ou en présence de matières dangereuses –, auquel cas la rémunération est faite sur une base horaire et sur la base des coûts unitaires des moyens d'intervention des SDIS.
Toutes les conventions qui ont été signées entre les SDIS et les sociétés d'autoroute respectent ce modèle, avec quelques légères variations suivant les départements. Nous tenons compte des particularismes départementaux.
Au cours des trois dernières années, le total des sommes versées par les sociétés d'autoroute s'est élevé à 22 628 000 euros.
Pour compléter mon propos, je suppose que les taxes auxquelles vous songez s'appliqueraient aux assurances de biens et de responsabilité. Or, quand on regarde la répartition des interventions des SDIS, on s'aperçoit que les interventions pour incendie sont relativement peu nombreuses par rapport au secours aux personnes qui, elles, ne concernent pas les assurances de biens et de responsabilité. Il faut veiller à garder une certaine logique dans le système des vases communicants des financements.
Vous avez raison, mais le secours à biens nécessite des moyens matériels bien plus onéreux que le secours à personne. Une grande échelle, par exemple, coûte beaucoup plus cher qu'un secours à victime.