– Entretien avec les représentants du CEA –
a rappelé que l'activité du CEA s'organisait autour de trois axes stratégiques : la défense et la sécurité globale, l'énergie sous toutes ses formes faiblement carbonées, les technologies pour l'information et la santé. Il ajoute à ses responsabilités de recherche la mission de concevoir, réaliser et exploiter de grands équipements scientifiques. A ces divers titres, il est appelé à bénéficier de plusieurs allocations financières dans le cadre du « Grand emprunt ». Après être restée la même pendant 65 ans, sa dénomination vient d'être complétée pour devenir le "Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives".
a remercié l'Administrateur général pour la qualité de son accueil, et a formulé d'emblée deux questions relatives d'une part, au devenir de l'action engagée par feu M. Patrick Jourde, au sein du CEA, pour la diffusion des technologies dans les pays en développement, et d'autre part, à l'état d'avancement des études sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, notamment s'agissant des coopérations nécessaires pour parvenir à la fabrication du premier pilote vers 2020.
a indiqué que les activités de M. Patrick Jourde faisaient l'objet d'un suivi dans les différentes entités du CEA concernées, et particulièrement au sein du nouveau département consacré aux énergies alternatives, dont M. Jean Therme assure la direction. Il veillera à ce que la continuité soit assurée.
Quant à la stratégie de recherche sur les réacteurs de quatrième génération, elle met l'accent sur deux filières correspondant à deux types de caloporteurs, l'un au sodium, l'autre à l'hélium. La première filière est celle qui paraît la plus prometteuse en France, du fait de l'expérience déjà accumulée grâce au réacteur expérimental Phénix, qui vient d'être mis à l'arrêt voilà quelques semaines ; la nouvelle architecture permettra des gains sensibles en termes de sûreté, d'efficacité et d'opérabilité ; une discussion en cours avec des partenaires japonais devrait permettre une répartition des tâches pour la construction d'un démonstrateur mondial ; une négociation avec des partenaires américains n'est envisagée qu'une fois l'accord avec les Japonais finalisé. La filière utilisant l'hélium comme caloporteur fait l'objet d'un programme coopératif s'appuyant sur plusieurs pays d'Europe centrale, auxquels le CEA s'est associé.
a ajouté qu'en France, Areva et GDF Suez s'étaient déjà engagés à apporter un soutien en moyens et en effectifs au projet de démonstrateur (Astrid) de la filière au sodium. La participation d'EDF fait encore l'objet de discussions. Mais M. Bernard Bigot a d'ores et déjà recueilli un soutien de principe appuyé de la part de M. Henri Proglio.
s'est interrogé sur la signification de l'adjectif « alternatives » dans la nouvelle dénomination du CEA, évoquant deux possibilités d'énergies « alternatives » : par rapport à l'énergie nucléaire ou par rapport aux énergies fossiles. Il a rappelé par ailleurs qu'historiquement le CEA était perçu comme le « cerveau » de la filière nucléaire, et s'est demandé ce que cette position pouvait devenir dans les schémas de réorganisation de la filière qui sont évoqués à grand renfort d'annonces médiatiques.
a précisé que les énergies « alternatives » ne concernaient que les énergies non fossiles, au premier rang desquelles figurent l'énergie photovoltaïque, notamment en vue d'une production centralisée d'électricité, et la biomasse. Dans les deux cas, l'accent est mis sur le développement des techniques de stockage d'énergie. Pour la biomasse, ce stockage s'effectue en augmentant la quantité d'hydrogène dans les chaînes carbonées, à partir d'une production d'hydrogène par électrolyse de masse. Par ailleurs, le CEA participe directement, en liaison avec les constructeurs d'automobiles, au développement des batteries, avec un objectif de production de 100 000 unités en 2011, 250 000 en 2012. Au total, ces efforts devraient conduire à libérer la France de la contrainte d'importation d'énergies fossiles vers le milieu du siècle.
S'agissant des bruissements médiatiques autour d'une recomposition de la filière nucléaire, M. Bernard Bigot a constaté qu'ils ne mentionnaient jamais le CEA. En tout état de cause, celui-ci est appelé à demeurer dans son rôle fondamental d'éclairage des pouvoirs publics.
La constitution d'une filière nucléaire repose sur la mobilisation de trois acteurs : un maître d'ouvrage, un maître d'oeuvre, un ingénieur ensemblier. Durant la période de construction du parc nucléaire français, jusqu'en 1995, EDF a joué tous ces rôles à la fois, en s'occupant aussi bien du génie civil que du montage de l'îlot nucléaire (un ensemble de 40 000 pièces distinctes fournis par un millier d'entreprises). Au temps le plus fort de cette période, EDF a commandé jusqu'à 17 réacteurs à Framatone. Depuis, EDF s'est replié sur une fonction de maintenance du parc existant, et Areva s'est recentré sur la fourniture de services internationaux, la fonderie de Saint-Marcel devant notamment sa pérennité aux interventions sur les couvercles des cuves des réacteurs américains. La pratique de la conduite des chantiers s'est perdue, et c'est faute d'une réflexion préalable sur les différentes fonctions à mettre en oeuvre que des difficultés sont constatées sur les constructions des EPR.
En fait, on distingue quatre types de situations fonctionnelles pour l'implantation d'une centrale nucléaire : le cas où l'électricien est en mesure de piloter tout le chantier de manière intégrée ; le cas où il dispose d'une expérience dans la gestion des centrales nucléaires, mais doit faire appel à un ingénieur ensemblier ; le cas où l'électricien n'a pas d'expérience dans la gestion des centrales nucléaires, et doit faire appel à la fois à un ingénieur ensemblier et à une structure d'exploitation ; le cas où tout est à réaliser à partir d'une pure volonté politique.
Ce dernier cas correspond au marché perdu des Emirats arabes unis, où il s'agissait de fournir un service complet, et non pas seulement d'implanter un réacteur.
Il convient donc de reconstituer une capacité de réflexion collective pour orienter la démarche du secteur nucléaire français. C'est à l'Etat, actionnaire à divers degrés des différents acteurs concernés, qui englobent GDF Suez, que revient cette tâche de réorganisation. Elle a pour enjeu majeur de permettre à l'industrie nucléaire française de prendre sa part dans le marché du renouveau de l'énergie nucléaire, à savoir la construction de 400 à 450 réacteurs d'ici 2030, dont la moitié au titre du renouvellement des centrales, et 30% à 50% de la moitié d'implantations nouvelles dans des pays dépourvus de toute compétence dans le domaine nucléaire.
a observé que la dénomination du CEA, centrée sur les aspects énergétiques, restait trop réductrice par rapport à la palette de ses activités de recherche, lui-même ayant découvert, à l'occasion d'un rapport, les ressources du CEA dans le domaine des sciences du vivant. Il s'est ensuite interrogé sur la possibilité de fédérer les ressources de la recherche française dans le domaine des nanotechnologies.
a indiqué que la multiplicité des compétences du CEA était un de ses atouts pour mener à bien jusqu'au bout le développement d'un produit, dont la mise au point appelle souvent des connaissances complémentaires en science des matériaux ou en technologie de l'information, par exemple. Le CEA reste unique en son genre pour les compétences scientifiques de certains domaines liés à l'énergie nucléaire, comme celles touchant aux rayonnements ionisants. Mais, pour les autres domaines, il reste ouvert à des alliances avec d'autres partenaires, y compris au niveau de l'effort de recherche européen.
s'est interrogé sur la manière de résoudre la difficulté posée par l'acceptation sociale de certains domaines de recherche comme les nanotechnologies, en soulignant combien une démarche de débat public pouvait se révéler contre-productive, ainsi que l'avait illustré le cas des OGM.
a souligné la nécessité d'organiser l'interface permettant d'accompagner l'accueil des innovations par la société.
a convenu que l'on pouvait être affligé de la teneur des débats autour de certaines avancées scientifiques, la désorganisation de l'analyse étant le fait souvent d'une minorité très mobilisée, dont les agissements sont accueillis par les autorités publiques avec un silence assourdissant. Les débats sont légitimes ; le CEA ne les redoute pas ; encore doivent-ils pouvoir être conduits avec un certain ordonnancement.
a signalé que les manifestations d'hostilité ne menaçaient pas seulement les nanotechnologies, mais aussi la neuro-imagerie, ou la biologie synthétique, qui génèrent déjà des fantasmes complètement déplacés.
a ajouté que la communauté scientifique comporte en son propre sein des personnages excessifs portant atteinte à son image, en faisant référence à tel professeur apparaissant à la télévision pour demander une aide à la mise au point d'une pilule soignant la maladie d'Alzheimer.
a évoqué la piste de l'organisation, une ou deux fois l'an, de débats télévisés permettant à des parlementaires d'interroger des scientifiques de renom, ce qui permettrait de garantir, aux yeux de tous, la qualité des questions et des réponses.
, a souligné le caractère utopique d'une amélioration de la qualité des débats publics grâce à une phase préalable de préparation des participants. Il a indiqué que l'attitude de la population était guidée par le vide suscité par l'absence d'implication réelle de la sphère politique dans la techno-science.
a observé qu'une partie de la population est peu sensible à la valeur des références scientifiques, et perçoit mal la nuance entre le spécialiste éminent et le récent diplômé, ce qui retirerait toute portée réelle à une tentative d'organiser des débats télévisés de qualité. Il a estimé en revanche que l'homme politique pouvait effectivement s'investir dans la transmission du message scientifique en s'attachant à formuler des questions pertinentes, et en se faisant le médiateur des réponses recueillies. C'est là précisément l'apport de l'OPECST.
a évoqué le projet de constituer un conseil sociétal auprès de l'OPECST, afin de disposer d'un lieu de débats sereins sur les questions scientifiques.
a souligné le risque de recruter ainsi des représentants auto-proclamés de mouvances de la société, et a pris l'exemple du Grenelle de l'environnement pour illustrer les dérives produites par le recours à des forces de la société disposant en fait d'une faible légitimité.
a contesté cette présentation du Grenelle de l'environnement comme manquant de légitimité, tout en reconnaissant que cette démarche participative aurait dû se faire dans une meilleure symbiose avec la représentation parlementaire.
a regretté que le vaste projet de soin par hadronthérapie « ETOILE » (Espace de Traitement Oncologique par Ions Légers dans le cadre Européen) tarde à voir le jour en France, alors que les Italiens, dans le même temps, ont su construire des systèmes aussi avancés mais à une échelle plus réduite.
a mis en avant la faible mobilisation du ministère de la Santé, qui n'a apporté pour l'instant qu'un soutien financier réduit au projet.
a signalé que la France avait certes perdu sa prééminence en matière d'imagerie médicale du temps où des entreprises comme Siemens et Thomson étaient en mesure de construire des grands équipements. Cependant des PME promeuvent actuellement des solutions plus légères techniquement, à base d'ultrason ou d'IRM à bas champ, qui permettent une couverture plus décentralisée des besoins grâce à des infrastructures plus légères.
, a ajouté que des solutions mobiles étaient même envisageables, sur la base d'une expérience acquise dans le domaine de l'observation spatiale, ce qui améliorerait considérablement l'offre de service.
En matière d'imagerie médicale, M. Bernard Bigot a rappelé la mise en oeuvre en cours du projet NeuroSpin qui a pour objectif de repousser les limites de l'imagerie du cerveau, et qui mobilise toute une panoplie de savoirs au sein du CEA.
En conclusion, M. Bernard Bigot indique qu'une visite par l'OPECST de l'installation Neurospin est en cours de préparation, remercie l'Office de son travail constant et se félicite des relations privilégiées que le CEA entretient avec lui.