Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 16 septembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • OCDE
  • avenant
  • fiscaux
  • paradis fiscaux
  • renseignement
  • suisse
  • échange

La séance

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Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, en application de l'article 103 du règlement, du projet de loi autorisant l'approbation d'une convention douanière entre la France et les Pays-Bas (nos 2708, 2786).

Ce texte n'ayant fait l'objet d'aucun amendement, je mets directement aux voix l'article unique en application de l'article 106 du Règlement.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 2338, 2787).

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité appeler en séance publique l'avenant à la convention fiscale avec la Suisse signé le 31 août 2009. S'agissant de la ratification d'une convention fiscale, la procédure est inhabituelle, mais il faut s'en féliciter, car c'est l'occasion pour moi de faire le bilan de notre action dans cette matière que l'on appelle pudiquement les juridictions non-coopératives.

Cela m'amènera à traiter l'action internationale que nous avons menée, à laquelle nous avons participé et dont nous avons parfois pris l'initiative, puis la transposition en droit français et, enfin, le cas spécifique de l'avenant qui est soumis à ratification cet après-midi.

Depuis la fin de l'année 2008, cette politique visant les juridictions non-coopératives a été menée à l'échelon international.

Répondant à l'appel lancé en octobre 2008 par dix-sept États-membres de l'OCDE réunis à Paris à l'initiative de la France et de l'Allemagne, le G20 s'est saisi de la question de la transparence fiscale lors du premier sommet de Washington. Des résultats concrets ont été enregistrés lors du deuxième sommet du G20, le sommet de Londres, grâce, en particulier, j'en ai été témoin, à l'initiative, à la détermination et à la résilience du Président de la République.

Le secrétariat de l'OCDE – je tiens, à cet égard, à souligner l'action et le courage du secrétaire général Angel Gurría – avait en effet établi des listes de juridictions selon leur degré de transparence en matière fiscale. La liste noire comprenait quatre États, qui n'avaient pas encore pris l'engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale, tandis que trente-huit États ou territoires qui n'avaient pas encore mis en oeuvre de façon substantielle ces standards en signant au moins douze accords d'échanges d'informations avec d'autres États figuraient sur la liste grise.

Rapidement, à partir du sommet de Londres, notre action a porté ses fruits. La liste noire, vous le savez, est désormais vide et la liste grise ne comporte plus que treize juridictions. Ainsi, en près d'un an et demi, ce ne sont pas moins de 500 accords bilatéraux d'échange d'informations ont ainsi été signés partout dans le monde. Je voudrais à cet égard corriger l'idée reçue, fausse, selon laquelle une grande majorité de ces 500 accords auraient été signés entre parties bénévolentes et non pas entre des pays non signataires et des pays qui respectent les critères d'échanges d'informations en matière fiscale.

La transparence, la levée du secret bancaire et la coopération entre administrations fiscales pour lutter contre la fraude et l'évasion sont universellement reconnues et la politique de mise à l'index – autrement appelée en anglais naming and shaming – est un mécanisme efficace. En voici quelques exemples : le Brésil, le Chili, le Luxembourg, la Suisse ont levé les réserves qu'ils avaient émis sur le modèle de convention OCDE, tandis que de nombreux pays ont modifié leur législation nationale, à l'instar, notamment, du Liechtenstein, de l'Autriche ou de Hongkong et de Singapour.

Le résultat est que plus d'accords ont été signés en dix-huit mois que pendant toute la décennie précédente.

Le Gouvernement et votre assemblée ont pris soin de traduire en France ces engagements internationaux.

Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d'accords bilatéraux tous azimuts avec les États de la liste de l'OCDE. Nous l'avons menée, Éric Woerth et moi-même, dans le cadre de nos compétences respectives, et nous avons proposé à tous les États et territoires qui figuraient sur les listes grise et noire de signer un accord permettant l'échange de renseignements. Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants. Dans les autres cas, nous avons simplement proposé un accord d'échange d'informations.

Six avenants et vingt et un accords ont ainsi été signés depuis le mois de mars 2009. Plus d'une demi-douzaine d'autres avenants ou accords ont d'ores et déjà été paraphés au niveau administratif. Nous serons dorénavant en mesure d'échanger des renseignements fiscaux sans restriction avec les juridictions considérées comme les moins coopératives du continent européen – par exemple la Suisse, le Luxembourg, le Belgique et le Liechtenstein –, avec les plus importants des centres financiers asiatiques – je pense à Hong-Kong et à Singapour – ou encore avec des paradis fiscaux – Îles Caïman, Îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou les Bahamas. Dans la droite ligne du G20 de Londres, la politique déterminée de la France, votre propre détermination – je pense en particulier à la commission des finances – placent notre pays en tête du combat international en faveur de la transparence.

À la suite de la proposition du Gouvernement et des travaux menés au sein de la commission des finances, vous avez inscrit dans la loi française une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés. Un arrêté du 23 février a ainsi fixé pour 2010 une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française. Les sanctions prévues sont extrêmement lourdes et dissuadent vivement d'engager une quelconque activité économique ou financière avec ces États : majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination de ces États ; taxation des flux entrants, ce qui est plus novateur dans notre droit ; refus de déduire les charges payées dans ces territoires ; durcissement des conditions de justification des prix de transfert. Voilà pour les textes, voilà pour les bases légales.

Nous nous préoccupons désormais de nous assurer que ces textes sont bien appliqués. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations, qui regroupe les trente membres de l'OCDE et plus de soixante autres États ou territoires, a mis en place un mécanisme d'évaluation par les pairs. François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux, a été désigné président de l'institution.

Les travaux du Forum ont progressé très vite puisque les premières évaluations ont été lancées dès le mois de mars 2010. Elles portent à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux –, sur la coopération administrative et sur l'effectivité des échanges d'informations. Je souhaite personnellement qu'un premier bilan de ces travaux d'évaluation menés sous l'autorité du Forum puisse être livré à la connaissance de l'ensemble des pays du G20 et, bien sûr, des États membres du Forum, au plus tard en novembre 2011.

S'agissant de la Suisse qui nous occupe plus particulièrement cet après-midi, la convention actuellement en vigueur comporte des dispositions permettant l'échange de renseignements, mais dans des conditions très restrictives qui ne permettent notamment pas la levée du secret bancaire, souvent opposé par cet État aux demandes d'information. La Suisse a accepté d'adopter les normes les plus exigeantes en matière d'échange d'informations. Cet engagement s'est concrétisé le 27 août dernier, lorsque j'ai signé avec M. Merz, à Berne, l'avenant à la convention fiscale franco-suisse. Cet accord comporte des stipulations qui nous permettront d'obtenir des renseignements de la part des autorités suisses sans limitation, c'est-à-dire sans que le secret bancaire puisse être opposé par les autorités suisses aux demandes formulées par les autorités françaises. Cet accord est important car il vise tous les impôts, quelle qu'en soit la nature, toutes les personnes et tous les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l'application de notre législation fiscale, sans que le secret bancaire, je le répéte, puisse jamais être opposé.

Les dispositifs anti-abus prévus dans la convention elle-même, qui visent à lutter contre les situations et transactions abusives entre nos deux États, ont également été rénovés et sécurisés afin que leur application soit plus facile.

La Suisse a toutefois envisagé à la fin de l'année 2009, vous vous en souvenez, de suspendre le processus de ratification de cet avenant. Ce sujet avait d'ailleurs été largement débattu lors des discussions du projet de loi de finances rectificative pour 2009, et les divergences ponctuelles qui avaient un temps existé entre l'interprétation suisse et l'interprétation française ne sont plus. La Suisse a accepté la position française sur l'interprétation des standards de l'OCDE, notamment en matière de délimitation et de clarification du champ de la demande de renseignement. Aujourd'hui, les modalités d'application s'inscrivent dans un cadre pleinement conforme aux exigences de l'OCDE et de la France en matière d'échange de renseignements.

La procédure de ratification a pu reprendre du côté suisse. Le Conseil des États – équivalent suisse du Sénat – a adopté ce texte à l'unanimité le 17 mars. J'espère qu'il pourra contribuer à renforcer les relations économiques entre nos deux pays. C'est pour cette raison que je vous invite à voter le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Claude Birraux, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que le G20 a annoncé, en mars 2009, son intention de publier la liste des États n'ayant pas adopté les standards de l'OCDE en matière d'échanges de renseignements fiscaux, depuis que la pression internationale s'est accentuée sur les paradis fiscaux, indéniablement, les choses ont évolué. La liste des conventions fiscales que notre pays a négociées et signées dans ce cadre n'aurait assurément pas été complète si le Gouvernement n'avait conclu d'accord avec le gouvernement de la Confédération helvétique, car s'il est un pays que l'on devait amener à collaborer dans le cadre de la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude fiscale, que l'on devait pousser à plus de transparence, c'est bien celui-ci. Ne serait-ce que pour cette raison, le texte dont nous débattons aujourd'hui a, me semble-t-il, une portée symbolique forte : la Suisse renonce enfin à invoquer le secret bancaire pour ne pas échanger d'informations fiscales. C'est évidemment une forme de révolution, que le contexte international et la pression du Gouvernement ont réussi à obtenir.

À l'heure actuelle, et depuis 1966, la France et la Confédération helvétique sont liées par une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune. Ce texte, fort classique, a déjà été amendé deux fois, en 1969 et en 1997, sans que son économie générale soit profondément bouleversée. Plus récemment, à partir de 2005, une troisième révision avait été engagée, sur laquelle les deux parties s'étaient accordées et avaient entamé les procédures de ratification. Aux termes de cet avenant, la Suisse ne dérogeait en rien à sa pratique traditionnelle : l'échange de renseignements fiscaux y restait circonscrit à ceux nécessaires à l'application de la convention et aux situations constitutives de comportements frauduleux, au sens de la législation suisse.

On était donc en retrait des nouveaux standards internationaux, qui permettent désormais aux parties, comme vous le savez, un échange étendu d'informations fiscales, sans limitation quant à la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande, sans pouvoir non plus opposer le secret bancaire. Je le rappelais en introduction de mon propos, la pression internationale sur les pays considérés comme non coopératifs a porté ses fruits : c'est précisément à ce moment que la Suisse a indiqué sa volonté de se mettre en conformité et d'adapter les conventions auxquelles elle était partie et, devant son parlement, le gouvernement de la Confédération a tenu des propos on ne peut plus clairs : la Suisse craint plus que tout les mesures de rétorsion qui seraient prises par la communauté internationale et qui sont considérées comme pouvant être très dommageables pour l'économie suisse et pour l'image de la Suisse en général. Elle a clairement décidé de tenir le plus grand compte des changements intervenus sur la scène internationale, et elle prend même parfois les devants.

Aujourd'hui, mes chers collègues, la Suisse revendique une meilleure place dans la gouvernance mondiale du système financier, à laquelle elle considère pouvoir prétendre, eu égard à son rang de septième place financière mondiale. Elle souhaite intégrer le G20 et se montre fort active dans la mise en oeuvre de ses décisions. Nombre de réformes ont ainsi été adoptées ces derniers mois, notamment quant à l'encadrement des établissements bancaires. En d'autres termes, la Suisse est aujourd'hui parfaitement consciente de son intérêt à coopérer avec les pays membres de l'OCDE, et avec le nôtre, notamment. La preuve en est qu'elle s'est empressée de signer les douze accords nécessaires à son retrait de la liste grise – cela était fait dès septembre 2009 – et qu'elle continue sur sa lancée, puisqu'elle vient de signer, fin août, une nouvelle convention avec l'Inde. J'en veux aussi pour preuve le fait que les partis politiques suisses, pour ne pas risquer une crispation avec la communauté internationale, se sont unanimement refusés à lancer la procédure de référendum populaire qui aurait pourtant été possible sur ce texte, selon la Constitution fédérale.

Cela étant dit, je ne m'étendrai pas sur les dispositions concrètes du texte de cet avenant, qui reprennent largement le modèle de l'OCDE, sur lequel tout a été dit. Il me semble surtout important de relever, comme je l'évoquais plus tôt, que, désormais, la Suisse ne pourra plus arguer du secret bancaire pour refuser de transmettre les renseignements demandés. La fin de l'opposabilité du secret bancaire suisse en matière de communication de renseignements fiscaux est précisément consacrée et cela mérite d'être salué à sa juste valeur et à l'effort que cela a demandé à la Confédération helvétique.

Pour le reste, je relève également que l'échange de renseignements fiscaux n'est plus restreint à l'application de la convention. On sait que c'est l'un des points sur lesquels la France a particulièrement insisté et qui a représenté une phase décisive de la négociation qui aurait pu achopper si cette question n'avait pas été réglée, à la satisfaction de notre pays.

Le second aspect abordé par cet avenant, sur lequel je voudrais m'attarder quelques instants, concerne la situation des travailleurs frontaliers. Chaque jour, 100 000 de nos compatriotes passent la frontière pour aller travailler en Suisse, de quarante et une à quarante-trois heures par semaine…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

En effet, la Convention fiscale actuelle prévoit l'imposition des pensionnés exclusivement dans l'État dans lequel ils résident. Or, le système de retraite suisse repose sur trois piliers : un régime de base obligatoire – qui donne souvent une retraite pour un couple, que l'un ou l'autre, ou bien les deux, aient travaillé – et deux régimes complémentaires, l'un obligatoire, soit le « deuxième pilier », le troisième pilier étant facultatif. En Suisse, les pensions du deuxième pilier peuvent être versées sous forme de capital, option qui n'existe pas en droit français pour ce type de pension. Par conséquent, lorsque des résidents en France, notamment anciens travailleurs frontaliers, perçoivent de telles pensions, elles ne sont aujourd'hui imposées ni en Suisse ni en France, puisque notre droit interne ne prévoit pas de mécanisme d'imposition pour ce type de pensions.

La Suisse a souhaité mettre fin à cette situation de double exonération, contraire au principe d'égalité devant l'impôt, et d'autant plus injuste que les retraités qui perçoivent leur pension chaque mois sous forme de rente sont, eux, imposés. Des dispositions ont donc été introduites qui permettent d'y mettre fin.

Je sais qu'elles ont suscité de la part des représentants des frontaliers travaillant en Suisse de vives inquiétudes, ceux-ci craignant le risque d'une double imposition, au motif que l'impôt à la source est prélevé en Suisse sur un revenu brut et que les cotisations de retraite ne seraient pas déductibles. En fait, des mécanismes de déduction existent en ce qui concerne les cotisations afférentes aux pensions en capital, de manière réelle ou forfaitaire, selon qu'elles relèvent ou non du régime prévu par l'accord frontalier franco-suisse de 1983. Cela concerne principalement les travailleurs frontaliers du canton de Genève. L'égalité de traitement entre les différentes catégories est donc préservée et je crois qu'on ne peut que souscrire à la disposition qui a été introduite, dont je rappelle qu'elle met fin à une situation de double exonération des pensions en capital de source suisse, perçues par des résidents français, et qu'elle préserve à la France le droit d'imposer ces pensions si notre droit venait à évoluer sur ce plan.

Sur cet aspect, les précisions que j'ai pu obtenir de la part de votre cabinet, madame la ministre, montrent que le Gouvernement est soucieux des effets qu'une imposition unique au versement de la prestation de retraite en capital pourrait avoir sur la progressivité de l'impôt sur le revenu. Des modalités spécifiques d'imposition sont actuellement envisagées aux termes desquelles, pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, le montant des prestations de retraite ainsi versées pourrait, sur demande expresse de l'intéressé, être étalé sur une durée de quinze ans, correspondant à l'espérance moyenne de vie à l'âge du départ à la retraite, qui, en Suisse, est fixé à soixante-cinq ans pour les hommes et à soixante-quatre ans pour les femmes. Ce dispositif replacera les intéressés dans la situation qui aurait été la leur s'ils avaient perçu leur retraite sous forme de rente et les effets sur la progressivité de leur impôt seront atténués.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les principales dispositions de cet avenant à la convention fiscale franco-suisse de 1966 qu'il me paraît important de voir entrer rapidement en vigueur. Je vous recommande par conséquent d'approuver le projet de loi qui nous est soumis, comme l'a fait, à l'unanimité, la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à entendre ce que vous avez dit jusqu'à présent, tout est formidable. Nous baignons dans l'autosatisfaction et, en ce début d'après-midi, à l'ambiance douillette, à l'heure où l'on dit aux jeunes enfants qu'il est l'heure de faire la sieste, on nous raconte de belles histoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Avec vous, on n'est pas près de mettre le feu, surtout aux banques suisses (Sourires), qui sont, de ce point de vue, particulièrement bien protégées !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, je suis pour la justice et l'égalité, mais, je le sais, ce sont des valeurs que vous considérez comme incendiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On le voit dans notre histoire.

Le Gouvernement nous propose aujourd'hui un nouveau produit marketing, sorti tout droit des cabinets de la propagande élyséenne. La campagne de lancement avait été plutôt réussie. Souvenez-vous, mes chers collègues, en août 2009, entre le G20 assez misérable de Londres – reconnaissez-le, madame Lagarde – et le G20 tout aussi pathétique de Pittsburgh, Nicolas Sarkozy, annonce triomphalement, lors d'une conférence de presse, que, bien qu'inutiles dans les réunions précédentes, ses gesticulations incessantes ont fini par convaincre le gouvernement suisse de lever le secret bancaire pour notre pays. Et il ajoute : « Les paradis fiscaux, c'est fini ! »

Le Gouvernement soutient évidemment le chef de l'État dans son opération marketing et tente de convaincre l'opinion qu'il a une carrure internationale.

Madame Lagarde, nous avons beaucoup de respect pour vous, car vous avez autant de talent que de compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Madame la ministre, pourquoi avez-vous soudain l'air circonspect en entendant mes propos ? (Sourires.)

Dans cette affaire, toutefois, vous êtes, par rapport au Président de la République, si vous me permettez l'expression, en quelque sorte une VRP, de luxe, je le reconnais ; vous avez parlé – je vous cite – d'une « ère nouvelle dans la relation fiscale franco-suisse ». Au passage, il a été omis de préciser que cet accord est le quatrième du type signé par la Suisse. Bref, la propagande gouvernementale y met le paquet, espérant qu'une diatribe, dont le Président de la République a le secret, contre le pays des banques fera oublier la crise aux Français, engourdis par la torpeur de l'été.

Pourtant, à y regarder de près, Nicolas Sarkozy n'y met pas toute sa capacité d'agitation habituelle. Alors que la période estivale est apparemment propice à des promesses de déchéance de nationalité pour les Français qui ne résident pas dans le pays d'origine de leurs arrière-grands-parents et qui enfreignent la loi, étrangement, pas un mot n'est prononcé sur ces émigrés qui violent délibérément la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sur les exilés fiscaux – dont vous n'avez pas parlé non plus, madame Lagarde – partis digérer doucettement en Suisse les gains juteux réalisés en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

À mon avis, il allait plutôt aux restaurants du coeur qu'à la banque du coin ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous savez la difficulté qu'il avait à assurer tous les repas avec Krupskaya !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mon cher collègue, vous avez une mémoire historique qui me fait plutôt penser à la densité du gruyère, si cher aux Suisses, qu'à une forte connaissance du sujet ! Mais on ne peut pas être omniscient…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gest

Cela s'applique à tout le monde, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Chers collègues, vous n'êtes pas sans savoir que l'article 13 de la Déclaration de 1789, après avoir rappelé que la « contribution commune est indispensable», précise que chaque citoyen en est redevable, « en raison de ses facultés ».

On se demande pourquoi l'énergie élyséenne n'a pas été déployée sur la scène internationale pour régler le grand problème des migrations fiscales, problème qui, d'après vous, madame la ministre, coûte des «centaines de milliers, voire des millions d'euros » à la France.

Bref, l'opération marketing est loin d'être honnête et bien moins énergique que celle de cet été avec le discours de Grenoble.

Les thèmes étaient pourtant similaires puisque, à Grenoble, M. Sarkozy s'attaquait également aux flux migratoires. En dépit de cette absence de promesses démagogiques, le produit présenté aujourd'hui reste alléchant. Comment, madame la ministre, ne pas se rendre à votre rhétorique vantant les mérites de cet accord qui permettra le recouvrement des créances dues au Trésor public ? Le produit devait être mis en vente le 1er janvier 2010, après être passé devant d'obscures chambres, comme l'Assemblée nationale, dont le fonctionnement a été, depuis hier, perfectionné avec l'interdiction de parole qui frappe dorénavant les députés. Il s'agit de chambres d'enregistrement auxquelles il appartient de conférer un semblant de légitimité à des produits concoctés par des antichambres, que l'on appelle parfois des lobbies, et dont certaines se trouvent à Bercy, vous le savez, madame la ministre. Ces associations portent même des noms connus. Leurs agents sont très discrets, circulent à pas menus dans les couloirs de Bercy et frappent délicatement aux portes pour veiller à ce que des oreilles indiscrètes ne se trouvent pas dans les bureaux qu'ils visitent ! Vous savez parfaitement de quelle association je parle !

On peut se demander qui est l'orfèvre qui a véritablement ciselé l'accord qui nous est soumis aujourd'hui. Sans doute le poinçon porte-t-il la marque de Claude Guéant qui échappe à tout contrôle des représentants de la nation. Quel qu'en soit l'orfèvre, l'accord avait, à l'époque, été repoussé. Probablement ne convenait-il pas à certains électeurs pour lesquels Nicolas Sarkozy dépense tant d'énergie ! Pourquoi risquer de réduire à néant une crédibilité acquise auprès de dames fort respectables – je pense à mamie Bettencourt – en dépensant plus de 600 millions d'euros par an au titre du bouclier fiscal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

J'entends « oh ! » ! Reconnaissez, monsieur Raoult,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Raoult

Que vous en avez parlé avant qu'elle ne soit connue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Exactement ! Et je trouve aujourd'hui fort injuste que l'on ne me reconnaisse pas le mérite d'avoir participé à sa notoriété, à sa popularité !

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il vient de le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je vous remercie, monsieur le président.

Un an s'est écoulé depuis ce rejet et l'accord semblait oublié. Puis éclate dans les médias cette sombre affaire de financements illégaux avec évasion fiscale en Suisse. Les ramifications de cette affaire s'étendent, mais je n'y reviendrai pas, parce que tel n'est pas mon propos et que je ne souhaite pas l'évoquer aujourd'hui. Il est toutefois clair que l'exécutif a besoin d'un signe fort pour marquer ses distances avec l'évasion fiscale et l'accord redevient donc brusquement d'actualité. Certes, il y a eu des discussions, comme vous venez de le souligner. Cette actualité est tellement brûlante que nous étions censés examiner le nouveau projet du Gouvernement dans le cadre d'une procédure simplifiée. Mais nous étions heureusement en état de veille et, grâce à notre groupe, nous avons cette discussion.

Je vous livre d'abord mes impressions sur un accord qui, a priori, avait tout pour nous séduire. À l'évidence, le rapporteur, dont on connaît la qualité exceptionnelle dans d'autres endroits – je pense à l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques – a été séduit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous êtes jaloux, monsieur Vigier !

Je ne lis, dans un premier temps, que le titre : « Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ». Il n'y a rien, pas un mot, sur l'évasion fiscale. Mais, décidant de faire foin de la qualité de l'intitulé, j'ai choisi, dans un second temps, de me concentrer sur la qualité de l'accord proprement dit.

Les dispositions du texte, bien que parfois d'une technicité quelque peu aride, sont empreintes de cette rondeur diplomatique propre aux textes internationaux. Sur chaque chiffre, sur chaque mot, flotte cet indescriptible parfum de la négociation entre partenaires égaux et très complaisants. On y sent un sens de la pondération que l'on aimerait humer plus souvent dans les projets gouvernementaux ! Et puis – ô joie ! – on trouve même un article correspondant aux préconisations de l'OCDE sur la transmission d'informations fiscales aux fins de lutter contre l'évasion fiscale. La Suisse devait ressentir une furieuse envie d'être rayée de la liste des paradis fiscaux, Claude Birraux l'a souligné tout à l'heure. Car tel est, en effet, le but principal poursuivi par le gouvernement suisse dans la signature de cet accord. L'OCDE l'avait inscrite sur sa liste des paradis fiscaux, et, pour en être retirée, elle devait impérativement signer douze accords de coopération fiscale avec d'autres États. Nous y reviendrons dans la discussion générale. La Suisse obtenant ce qu'elle souhaite par le biais de cette décision, j'attends impatiemment les dispositions en faveur de la France, celles annoncées au moment de la signature par le Gouvernement, celles permettant de rapatrier, d'après vous, madame la ministre, « des centaines de milliers, voire des millions d'euros ».

C'est à l'article 8 que j'ai connu mon premier frisson : est visé le recouvrement des créances fiscales des États contractants. Ah non ! Je relis plus attentivement : est visée la notification des créances fiscales aux fins d'en faciliter le recouvrement. Connaissant bien les textes du Gouvernement et leur tendance à apporter une réponse musclée aux faits divers récents, j'imagine déjà la frayeur de ceux qui pratiquent ce sport particulier de l'évasion fiscale. Cette cécité sur certains points de l'actualité se prolonge dans la fadeur de l'article 8, qui prévoit, en effet, la seule notification par courrier des créances fiscales. Mais attention, la haute diplomatie française a réussi à arracher à la Suisse une concession majeure et je me doute que M. Kouchner, dont on a perdu de vue les performances, a frappé ! Est précisé au deuxième paragraphe de cet article : « Les notifications sont adressées par envoi recommandé avec accusé de réception. » La diplomatie internationale a progressé ! En tout cas, alors que le nombre de lettres adressées par l'intermédiaire de La Poste baisse, voilà une façon de lui garantir certainement son chiffre d'affaires !

Sentez-vous, enfin, toute l'innovation révolutionnaire du nouvel accord proposé par le Gouvernement ? Si vous ne la sentez pas maintenant, vous risquez de ne plus jamais la sentir !

Puisque l'on reproche souvent à l'opposition de ne pas être constructive, je préfère marquer un temps d'arrêt dès maintenant pour féliciter le Gouvernement de cette avancée majeure :…

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Je vous remercie, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

…l'administration fiscale française peut désormais envoyer des lettres recommandées par-delà le Jura et les Alpes ! Voilà une avancée fondamentale ! Je vous vois, madame Aurillac, et je pense que, dans votre arrondissement, quelques électeurs pratiquent depuis longtemps avec talent ce genre d'exercice. Mais je ne citerai pas de noms !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est une supposition gratuite pour le fisc français, je vous l'accorde volontiers ! Mais vous savez bien que l'on rencontre davantage ces gens à Neuilly qu'à Montreuil ou à Clichy-sous-Bois !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

On en rencontre davantage également dans le 7e ! Je vous remercie de votre esprit de coopération, que j'avais déjà remarqué, madame Aurillac ! Vous êtes, en effet, une collègue fort sympathique. Nous partageons, de plus, sur ces bancs une certaine ancienneté, ce qui explique cette connivence dans l'efficacité, au moins dans le discours ! Pour le reste, en effet, ma chère collègue, en dépit de tout le respect que j'ai pour vous, vous avez encore quelques progrès à accomplir !

Que dire de cet accord ? Alors que la Suisse désirait à tout prix être retirée de la liste des paradis fiscaux, le Gouvernement français a jugé pertinent de lui offrir une contrepartie, ce qui n'a pas été dit tout à l'heure. Cette contrepartie est d'ailleurs telle qu'elle retire toute saveur à la seule disposition intéressante de l'accord, à savoir la mise à niveau de la Suisse quant aux critères internationaux de l'OCDE. L'article 9 de l'avenant vise, en effet, les intérêts, dividendes et redevances perçus par le biais des fonds de pension suisses. Les revenus perçus par ces structures, qui sont, à l'heure actuelle, soumis en France aux retenues à la source de droit interne, seraient désormais soumis à des retenues à la source conventionnelles bien plus faibles. Pour les intérêts, le taux de retenue, actuellement compris entre 0 et 18 %, serait ramené uniformément, monsieur Vigier, à 0 % ; pour les dividendes, le taux actuel de 25 % serait ramené à 15 % ; pour les redevances, le taux, actuel de 33,33 % serait ramené à 5 %. Nos collègues, tout comme Mme la ministre, n'ont, certes, pas voulu abuser de notre temps, en ce début d'après-midi. Mais pourquoi ne pas avoir voulu expliquer cela ? Vous faites un pont d'or aux riches Helvètes ! Telle est la réalité ! L'accord révèle donc un défaut majeur qui le gâche intégralement : le déséquilibre total, puisqu'il bénéficie aux contribuables suisses, plutôt qu'aux institutions de notre État. D'un côté, se situe la France qui obtient des informations en vue d'un recouvrement hypothétique de créances qui lui sont dues parfois depuis des années, de l'autre la Suisse qui obtient, d'une part, l'impunité pour les Français qui y sont partis – si ce n'est le lourd désagrément de recevoir une lettre recommandée qu'il faut aller chercher à La Poste – et, d'autre part, un abaissement du taux d'imposition pour ses propres nationaux au détriment de la France.

Cet accord a pour conséquences une diminution des recettes fiscales françaises, des cadeaux aux contribuables helvètes et des renseignements qui pourront être utilisés dans de belles lettres recommandées sans qu'aucune coopération ne puisse être envisagée pour le recouvrement effectif. Autrement dit, mes chers collègues, le Gouvernement n'envisage pas le recouvrement effectif de ces dettes fiscales qui sont, je vous le rappelle, la propriété de la nation. Il se rend ainsi complice de la fraude. La fraude est un vol organisé à l'encontre des Français. Permettez-moi de vous rappeler le mot célèbre de Charles Péguy : « Complice, complice, c'est pire qu'auteur, car c'est la lâcheté en plus. » Pour ma part, j'irai même plus loin que Charles Péguy. En effet, mes chers collègues de la majorité, si vous-mêmes et le Gouvernement restez tellement passifs en ce qui concerne la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, ce n'est pas par « lâcheté », comme disait Charles Péguy. Affirmer cela serait vous faire porter un travers qui n'est pas le vôtre, parce que vous assumez. Ce n'est pas de la lâcheté, mais de la conviction ! Vous protégez les « États non coopératifs », comme vous les nommez pudiquement. Un collègue a, tout à l'heure, évoqué Saint-Martin, dont je pourrais vous parler pour m'y être déjà rendu. On pourrait même citer Saint-Barthélemy – qui est un morceau de la République française – et toutes les turpitudes des autorités locales ! Nul n'est besoin de convention, il suffirait d'appliquer la loi. Rappelez-vous ces gens qui se sont permis à Saint-Barthélemy de jeter à la mer des représentants des services fiscaux français ! Quelle sanction y a-t-il eu ? Aucune ! Plus que complices, vous êtes donc coupables de la perpétuation d'un système économique, d'un système de fraudes et de caisses noires qui prive la nation de rentrées fiscales colossales auxquelles elle a droit en vertu de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, je l'ai déjà dit. En ne faisant rien d'efficace pour lutter contre les paradis fiscaux, madame la ministre, mes chers collègues, vous vous rendez complice d'un système criminel – si l'on s'en tient au sens des mots ! Je ne dis pas que c'est vous qui ouvrez les comptes, mais vous laissez se perpétuer le système qui favorise le blanchiment et donc les infractions qui fournissent l'argent à blanchir. Et vous aurez compris que je ne parle pas uniquement de l'argent du crime organisé qui est évidemment, lui aussi, caché et blanchi dans ces territoires. On pourrait de nouveau parler, même si tel n'est pas notre sujet aujourd'hui, de Saint-Barthélemy, un des lieux où la mafia américaine vient se reposer, vous le savez !

Si j'ai tenu de tels propos sur cette espèce de complicité, c'est pour faire appel à votre sens de la morale. Nous ne sommes pas naïfs. Les seules valeurs qui restent aux possédants et aux privilégiés dont vous êtes les fondés de pouvoir – je vous le dis, même si cela ne vous fait pas plaisir – sont celles qui figurent sur les courbes de Wall Street, du Cac 40 et du classement annuel du magazine Fortune. La morale du président Sarkozy est à l'image de la formule du président Chirac : « Les promesses n'engagent que ceux qui les croient ». Éric Raoult, qui est un ancien proche du Président de la République me confirmera si la citation est exacte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non. Je m'étonne, monsieur Brard, votre culture politique est défaillante, m'a répondu un jour Charles Pasqua, je n'ai jamais dit ça, c'est Jacques Chirac qui l'a dit. Je vous propose donc d'organiser un colloque tripartite, Jacques Chirac, Charles Pasqua et vous, et vous nous direz qui a la paternité de la formule.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, je ne crois pas parce que lui ne se donnait même pas la peine de faire des promesses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

S'il est un point où Nicolas Sarkozy est fidèle à Jacques Chirac, et c'est peut-être le seul, c'est sur la pratique de cette formule : les promesses n'engagent que ceux qui les croient. C'est d'ailleurs l'expérience que font les Français depuis 2007, et vous savez avec quelle amertume.

Cette morale n'est qu'un simulacre de bonnes intentions dont vous revêtez vos actes pour vous maintenir au pouvoir. L'éthique en politique n'est pour vous qu'un instrument, un outil que vous maniez dans les discours parce que vous devez tenir compte de l'opinion publique, mais, attention, quand l'éthique devient une farce à l'image du texte que vous nous proposez aujourd'hui, le peuple français n'y croit pas indéfiniment.

Non, mes chers collègues de la majorité, si je parle ainsi, c'est aussi pour vous alerter, ainsi que celles et ceux qui nous regardent ici ou sur internet, sur les conséquences économiques de l'existence des paradis fiscaux. Ceux-ci sont en effet au coeur de presque tous les dysfonctionnements de notre modèle économique.

S'il vous arrive, monsieur Raoult, monsieur Calméjane, de rencontrer nos concitoyens lorsque vous arpentez vos circonscriptions, presque comme à Montreuil,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pour les revenus, ce n'est pas pareil, en particulier, chez M. Raoult, pour Le Raincy, je ne parle pas de Clichy-sous-Bois.

…écoutez-les. L'inégalité entre le traitement infligé aux plus modestes et celui, que vous tolérez ou que vous confortez, qui est réservé à ceux qui trichent et sont à l'origine de tous les dysfonctionnements portant atteinte à notre économie nationale n'est pas supportable.

Je vais vous citer quelques chiffres pour vous faire prendre conscience de l'ampleur, de l'importance des paradis fiscaux.

Leur nombre a été multiplié par trois en trente ans et s'élève à environ soixante-douze aujourd'hui. Ils ne s'établissent plus seulement dans l'ombre de minuscules États mais s'affichent désormais au Delaware et à Monaco, au Lichtenstein, à Guernesey et, bien sûr, en Suisse, et on pourrait citer bien d'autres lieux. Les paradis fiscaux abritent deux fonds spéculatifs sur trois et hébergent plus de 2,4 millions de sociétés écrans, que l'on appelle dans ces pays – je ne sais pas, madame Lagarde, si vous êtes allé aux Bahamas ou au Panama, j'ai eu ce privilège, pour le compte de l'Assemblée –, les plate companies. Dans des immeubles ayant beaucoup d'étages, il n'y a aucun bureau mais on peut voir en bas de nombreuses plaques de cuivres, et le crime est signé, vous avez le nom de toutes ces sociétés qui servent de paravent pour blanchir.

D'après l'avocat fiscaliste Édouard Chambost, spécialiste du sujet, et cité par La Tribune, 55 % du commerce international, 35 % des flux financiers transitent par les paradis fiscaux. Selon lui, c'est bien la preuve qu'ils constituent aujourd'hui un rouage essentiel de notre économie. Environ 50 % des prêts bancaires et 30 % des investissements directs à l'étranger y sont enregistrés. En 2007, selon le Hedge Fund Research Institute, ces derniers avaient placé près de 1 200 milliards de dollars dans les paradis fiscaux. Au total, mes chers collègues, ce sont près de 11 000 milliards de dollars qui seraient abrités dans ces territoires, soit presque cinq fois le PIB de la France,

Dans l'un de ses rares moments de lucidité, ou d'honnêteté intellectuelle, le président Sarkozy avait d'ailleurs reconnu le poids économique exorbitant et la capacité de nuisance extraordinaire des paradis fiscaux. Ainsi, le 23 septembre 2009, il avait déclaré devant l'assemblée générale des Nations unies : « Il faut en finir avec les paradis fiscaux, car nous n'avons pas à tolérer les lieux où se cache l'argent de la spéculation, du crime, et l'argent de la fraude. Cela ne dépend que de nous, personne dans le monde ne comprendrait que nous transigions avec cet objectif. »

Or que s'est-il passé de concret depuis ? Rien, ou si peu. Certes, la France a établi une liste d'États ou de territoires non coopératifs, mais personne n'est dupe sur l'efficacité de cette liste, à commencer par ceux qui l'ont rédigée et qui l'ont fait disparaître d'une certaine manière dans les tiroirs. Les conventions que nous sommes amenés à ratifier ne règlent en effet rien.

Parlons de ces textes, de ces accords d'échanges d'information en matière fiscale. Depuis le mois de février 2009, votre majorité a ainsi approuvé vingt et une conventions. Comme cela devait initialement être le cas pour le texte que nous débattons aujourd'hui, elles ont toutes été adoptées dans l'indifférence la plus générale, et, surtout, avec une procédure d'examen simplifiée, qui, par elle-même, réduit la curiosité de nos collègues. Pour celles et ceux qui nous regardent et qui ne connaissent pas forcément les subtilités de notre règlement, cela veut dire tout simplement qu'il n'y a ni débat, ni même présentation des textes. C'est faire preuve de mépris vis-à-vis de l'institution parlementaire, et, dès lors qu'ils s'agit de textes importants, on devrait écarter cette procédure.

La question des paradis fiscaux est fondamentale et, en tant que telle, elle mérite le débat.

Dans un groupe composé de douze députés et douze sénateurs, que les journalistes appellent le G24, nous avons beaucoup travaillé sur la crise. Nous avons remis en septembre 2009 un rapport adopté à l'unanimité, qui contenait trente propositions pour passer à l'acte dans la lutte contre les paradis fiscaux. Le Président de la République nous a dit dans un élan qui nous avait beaucoup impressionnés qu'elles étaient très intéressantes, mais dites-moi celles qui ont été appliquées, celles qu'il a portées. Il y avait par exemple l'instauration d'une obligation de déclaration des prix de transfert, et je reconnais qu'il y a une petite avancée sur ce point dans votre texte, madame la ministre, la création d'un service fiscal judiciaire, le renforcement du dispositif de taxation des bénéfices réalisés dans un pays à fiscalité privilégiée, ou encore la dénonciation des conventions fiscales d'élimination des doubles impositions conclues avec les États qui ne coopèrent pas ou coopèrent insuffisamment ou l'interdiction pour les navires battant pavillon de complaisance de faire relâche dans nos ports. Il n'y a aucune volonté de donner une suite concrète à ce travail des députés et des sénateurs.

Pour conclure, je vais vous citer ce qu'a déclaré le 6 janvier 2010 le président d'honneur du Fouquet's, vous avez reconnu le Président de la République : « Comme je vous l'avais promis en 2009, nous avons mis fin au scandale des paradis fiscaux. Fantastique, la course actuelle – je le dis sous contrôle d'Éric Woerth – de tous ces pays qui veulent signer une convention fiscale avec la France. On leur demande pourquoi ils ne l'ont pas fait avant ! Vous savez qu'ils doivent en signer douze pour ne pas être sur la fameuse liste noire que j'ai exigée. Mais on est passé près de la faillite mondiale parce qu'il y avait ces paradis fiscaux. Je n'accepterai pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets. » Et vous voyez les effets de manche qui vont avec ! Évidemment, nous en sommes restés au discours, mais la liste des conventions qui sont passées en procédure simplifiée suffit à nous édifier.

Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cette motion de rejet préalable comme un acte de morale que je vous donne l'occasion d'accomplir.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Brard, nous écoutons toujours avec grand intérêt vos interventions et je suis heureuse de rendre compte à l'occasion de ce débat de la politique qui a été engagée sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre. Cette politique a été efficace, j'en ai développé le caractère international, national et bilatéral entre la France et la Suisse.

Je regrette simplement que vous ayez tourné deux éléments en dérision, la détermination du Président de la République et les travaux qui ont été engagés sous mon autorité par les services fiscaux.

Quand vous citez l'article 28 bis de la convention, prévu par l'article 8 de l'avenant, et faites référence à la notification d'un document sous forme d'un envoi recommandé avec accusé de réception, ce n'est élégant ni vis-à-vis de La Poste ni vis-à-vis des services, parce qu'une telle notification, qu'elle soit faite ainsi ou autrement, représente une énorme différence du point de vue de notre capacité à notifier des créances et à engager ensuite des procédures. Ce n'est donc pas un petit article anodin.

En revanche, j'aurais aimé que vous commentiez par exemple l'article 28, qui, lui, est déterminant puisqu'il modifie considérablement le champ d'application de la relation entre la France et la Suisse en matière de communication d'informations. Par la vertu de ce que vous allez, j'espère, voter parce que je vous aurai convaincu, nous pourrons dorénavant demander des informations sur tous les impôts sans aucune forme d'exception, concernant tout contribuable. C'est une véritable novation.

Je voudrais rendre hommage aux travaux effectués par les services, dans des conditions qui ont parfois été difficiles parce qu'il faut négocier pour finaliser des travaux dans le cadre d'une convention ou d'un avenant à une convention, et je ne résiste pas au plaisir de vous citer deux articles.

L'article 10 de l'avenant, qui tend à insérer des dispositions dans le protocole additionnel à la convention, est extrêmement important parce qu'il clarifie les circonstances dans lesquelles l'information est sollicitée, les modalités de la sollicitation et la façon dont l'État requis de fournir l'information, c'est-à-dire la Suisse, peut ou ne peut pas s'opposer à la demande. Cela nous a demandé beaucoup de travail, je ne voudrais pas qu'il soit passé sous silence, de même que je ne voudrais pas que vous tourniez en dérision le combat qui a été le nôtre pour parvenir à plus de transparence. Ce n'est pas parfait, vous avez raison, il y a encore des efforts à faire et il y aura sans doute toujours des paradis fiscaux à poursuivre, mais, franchement, le travail a été effectué.

Dernière précision, parce que je ne voudrais pas vous laisser dire une chose inexacte, ce n'est d'ailleurs pas votre genre, l'article 11, dont vous allez confirmer, je l'espère, la ratification, tend précisément, dans son alinéa 6, à modifier le titre de la convention. J'espère que le nouveau titre vous fera plaisir : convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales.

Le titre change par la vertu précisément de cette modification dont j'espère vous avoir convaincu qu'il fallait absolument la voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Monsieur Brard, vous nous avez dressé avec talent, dans un exposé ressemblant un peu à un roman policier, que l'on a donc envie de suivre, un tableau des relations avec les paradis fiscaux, et nous étions presque dans un nirvana.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Birraux

Or c'est précisément là que les choses doivent changer.

Je passe sur la relation personnelle que vous semblez avoir avec le Président de la République, unique objet de votre ressentiment, pour vous apporter simplement quelques précisions.

D'abord, pourquoi la convention n'a-t-elle pas été ratifiée plus tôt ? Le Parlement fédéral l'a ratifiée le 18 juin dernier, et elle pouvait faire l'objet d'un recours par référendum populaire. On récolte des signatures et quand on en a un nombre suffisant, on fait voter le peuple. Tous les partis politiques suisses ont renoncé à lancer la procédure référendaire. Cette procédure de ratification court jusqu'au 7 octobre ; pour la Suisse, la convention peut entrer en vigueur à cette date.

Vous vous êtes par ailleurs lancé dans un long développement sur les fonds de pension. En la circonstance, les fonds de pension dont il s'agit sont les retraites complémentaires des travailleurs frontaliers. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, il existe en Suisse une retraite de base qui est la même pour tous, que l'on soit balayeur, cadre ou PDG, et qui est de l'ordre de 2 200 francs suisses pour un couple. Il existe en outre un régime complémentaire obligatoire par capitalisation, qui s'appelle le deuxième pilier. La Suisse permet, pour ceux qui quittent son territoire, ce qui est le cas des travailleurs frontaliers lorsqu'ils prennent leur retraite, de percevoir ce deuxième pilier en capital, ce dont ces personnes se servent, souvent, pour acheter un appartement ou faire construire une petite maison où passer leur retraite.

Jusqu'à présent, cette retraite complémentaire n'était pas imposable. La Suisse a fait savoir qu'elle souhaitait la soumettre à imposition par retenue à la source, sauf si la partie française décidait de percevoir une contribution. Les services de Mme Lagarde ont confirmé que telle était bien l'intention du Gouvernement ; cela sera proposé en loi de finances rectificative. Dans ce cas, les travailleurs frontaliers paieront des impôts sur cette retraite complémentaire perçue en capital, mais pour que la charge ne soit pas démesurée la première année, les sommes dues seront étalées sur quinze ans.

Voilà les fonds de pension dont il s'agit, monsieur Brard. Cela concerne les travailleurs frontaliers, qu'ils soient hommes de service, femmes de ménage, techniciens, ingénieurs, employés…

Pourquoi, enfin, ne pas prendre des mesures plus sévères pour les États qui ne coopèrent pas ? Pour savoir si les États coopèrent ou non, je pense que la première étape est de ratifier la convention. Lorsque celle-ci sera ratifiée, nous verrons si les États ne coopèrent pas. S'agissant de la lettre recommandée, j'ai envie de dire, sur le ton de l'humour, que le facteur ne sonnera pas deux fois ! La deuxième fois, ce sera l'amende et les pénalités très sévères qui seront appliquées aux États non coopératifs.

Pour savoir, il faut ratifier. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à repousser la motion défendue par M. Brard. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Martine Aurillac, vice-présidente de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Avec la faconde et le talent qu'on lui connaît, M. Brard nous a emmenés dans une espèce de promenade à travers les paradis fiscaux, et nous percevons bien la malice qui l'a conduit à choisir la Suisse ; nous avons compris ce qu'il voulait nous transmettre.

On peut certes trouver que les choses ne vont pas assez vite ; rien n'est jamais parfait. On peut aussi prendre des mesures qui feront que les grandes sociétés de notre pays s'en iront. On peut encore donner beaucoup de leçons de morale. En l'occurrence, comme l'a indiqué très justement le rapporteur, pour pouvoir contrôler ce qui se passera, il faut d'abord appliquer cette convention et voir ce qu'elle donnera. Je crois, comme la ministre, qu'il s'agit d'une réelle avancée, parce que le secret bancaire ne pourra désormais plus être opposé.

Cette motion est au fond la défense et illustration de l'amendement qui avait été présenté en commission mais non défendu alors. La convention a été adoptée à l'unanimité, monsieur Brard, je vous le rappelle. Il faut la voter ; c'est dans l'intérêt de la communauté internationale et de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Vigier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

Madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, ce texte devait initialement faire l'objet d'une procédure simplifiée, en application de l'article 103 du règlement. Néanmoins, le président du groupe GDR, Yves Cochet, a manifesté son opposition à la procédure simplifiée et souhaité qu'un débat ait lieu.

Monsieur Brard, je vous ai donc écouté avec beaucoup d'attention mais vous ne m'avez pas convaincu. Vous avez terminé votre propos en affirmant que vous aviez voulu nous donner une leçon de morale. Vous qui faites de la lutte contre les paradis fiscaux un combat majeur, devant être partagé par tous – je suis membre avec vous de ce fameux groupe des vingt-quatre parlementaires –, ne voyez-vous pas que ce texte nous permet d'aller plus loin ? Vous suivre, en votant cette motion, serait faire obstacle au travail accompli sans relâche par Mme la ministre depuis trois ans.

Est-ce un coup politique ? De la part de M. Cochet, j'aurais pu le croire ; de votre part, non. Il y avait tout dans votre démonstration, sauf une chose : quelquefois, vous nous lisez, formidablement bien, quelques articles de Challenges ; peut-être le ferez-vous tout à l'heure ?

Il n'y a pas d'accord secret passé entre la France et la finance helvétique. Bien au contraire, je trouve qu'il s'agit d'un texte plutôt révolutionnaire, qui va de l'avant. Le mot « révolutionnaire » sonne pourtant fort à vos oreilles, monsieur Brard.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Vigier

En premier lieu, le nouvel avenant à la convention fiscale du 9 septembre 1966 qu'il nous appartient aujourd'hui de ratifier – il a été rappelé que d'autres avenants ont été ajoutés en 1969 et 1997 –, a pour but d'améliorer la transparence dans les relations entre les autorités fiscales françaises et suisses. Pour moi, le mot « transparence » est un mot majeur et important.

En l'état actuel, la convention de 1966 se limite à l'élimination des doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune entre les deux pays. Son champ ne couvre donc pas la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, ce que rend désormais possible le second avenant apporté à la présente convention, dont vous avez rappelé, madame la ministre, que vous l'aviez signé avec Hans-Rudolf Merz, président de la Confédération helvétique, le 27 août 2009.

L'adoption de ce texte, mes chers collègues, permettra ainsi à nos deux pays de poursuivre plus intensément encore leurs efforts de transparence fiscale, mais il leur donnera également les moyens nécessaires au renforcement de leur coopération dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

Il s'agit là d'un processus que la Suisse a choisi d'entreprendre non seulement avec notre pays – la France a été le premier –, mais avec douze de ses partenaires au total, condition indispensable à son retrait de la liste grise de l'OCDE.

J'ajoute que l'abandon de l'examen de ce texte par voie simplifiée doit être l'occasion de saluer une nouvelle fois, madame la ministre, tous les efforts que vous avez accomplis ces trois dernières années afin de faciliter la levée du secret fiscal, la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, conformément aux standards les plus récents définis par l'OCDE en matière d'échange de renseignements

Mes chers collègues, comme vous le savez, la levée du secret bancaire est devenue une priorité des pays membres du G20. Ainsi, lors du G20 à Pittsburgh, en septembre dernier, les Européens, à l'initiative de la France, ont obtenu pour la première fois que des sanctions puissent être prises, à partir de mars 2010, à l'encontre des paradis fiscaux qui n'ont pas signé les douze conventions aux normes OCDE.

Depuis, l'action du G20 a conduit les États et les territoires qui s'opposaient depuis plusieurs décennies à toute transparence en matière fiscale à reconnaître les standards internationaux et à les mettre en oeuvre. Cela s'est traduit par un mouvement sans précédent de signatures : depuis le 2 avril 2009, plus de 400 accords permettant l'échange de renseignements fiscaux ont été signés avec ces États ou territoires.

J'ajoute qu'il s'agit là d'une préoccupation constante du Gouvernement, qui a choisi de faire de la France un pays pionnier en la matière, même s'il reste des progrès considérables à réaliser.

Depuis le G20 de Londres, la France a signé vingt-sept conventions ou accords d'échange de renseignements fiscaux conformes aux standards de l'OCDE permettant notamment d'obtenir la levée du secret bancaire. La quasi-totalité des juridictions réputées pour accueillir les fruits de l'évasion fiscale ont accepté de signer ces accords ; dix-huit sont actuellement soumis à l'approbation du Parlement.

Je vous rappelle, chers collègues du groupe GDR, qu'à l'occasion de la troisième loi de finances rectificative de 2009, le Parlement a adopté une série de dispositions visant à lutter contre les paradis fiscaux, à commencer par la définition elle-même des « territoires non coopératifs » dans le code générai des impôts.

Enfin, ai-je encore besoin de rappeler que c'est à l'initiative du Gouvernement que notre pays a choisi d'instaurer un traitement fiscal dissuasif applicable aux opérateurs établis dans ces États ou territoires, ou aux transactions réalisées avec des organismes qui y sont localisés ? En effet, ce dernier collectif budgétaire a instauré un arsenal de sanctions pour les États figurant sur la liste de l'OCDE et n'ayant pas encore signé d'accord avec la France. Je pense à la taxation en France au taux prohibitif de 50 % des sommes versées dans ces États, à la taxation des dividendes en leur provenance, ou encore au refus de la déduction à l'impôt sur les sociétés des sommes qui y sont versées. Ces sanctions seront également applicables aux États qui, ayant signé de tels accords, ne les respectent pas en pratique.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe Nouveau Centre votera la ratification de ce nouvel avenant à la convention fiscale qui lie la France et la Suisse, dans la mesure où il répond à l'exigence du renforcement de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales ainsi que de la lutte contre le secret bancaire, et j'espère que les amis de M. Cochet, en particulier Jean-Pierre Brard, salueront cette avancée. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cousin

Madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans une longue série de conventions fiscales. Nous en avons adopté un certain nombre avant l'été et nous en adopterons sept autres dans quelques jours, le 30 septembre prochain.

Si nous sommes amenés à nous prononcer sur autant de conventions relatives aux échanges de renseignements fiscaux, c'est parce qu'il s'est clairement passé beaucoup de choses depuis le début de la crise financière, et singulièrement au sein des différentes réunions du G20 qui l'ont suivie et dont vous avez été, madame la ministre, un acteur majeur, aux côtés du Président de la République. Qu'il me soit permis à cet instant de rendre hommage à votre engagement, aussi éclairé que déterminé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cousin

À ceux qui en doutaient encore et se gaussaient des décisions prises par le G20 à Pittsburgh d'établir des listes noires, grises et blanches de pays selon leur degré de coopération, notamment en matière d'échange d'informations fiscales, ces conventions sont là pour démontrer l'efficacité de cette annonce, et elles traduisent l'expression de la volonté politique de la France.

Toutes ces conventions s'inscrivent dans le modèle établi par l'OCDE. Ce modèle prévoit en effet un article sur les échanges de renseignements sans qu'ils soient soumis à la définition de la fraude fiscale, ce qui, de ce fait, élargit considérablement les motifs d'échanges d'informations.

Il faudra bien entendu en mesurer l'efficience, ce que la commission des affaires étrangères s'est engagée à faire, n'est-ce pas, madame la vice-présidente Martine Aurillac ?

Nous le savons tous, le contexte international a créé des conditions favorables à ces négociations. C'est le cas pour le texte que nous examinons aujourd'hui, qui prévoit un avenant à la convention fiscale liant la France et la Suisse depuis 1966.

Je ne reviendrai pas sur les principales dispositions de cet avenant, qui ont été fort bien décrites par notre collègue rapporteur Claude Birraux. Les interrogations que nous avions, entre autres sur la question des anciens travailleurs transfrontaliers, ont été levées.

Je souhaite en revanche revenir sur les avancées que contient cet avenant et rappeler qu'il crée, n'en déplaise à nos collègues chez qui la simple évocation du mot « Suisse » provoque une suspicion aussi immédiate que systématique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cousin

Je n'ai même pas eu besoin de vous nommer, monsieur Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il reste quand même le chocolat et les pendules ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cousin

Cet avenant, disais-je, crée un cadre favorable au renforcement de notre coopération dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

Il était – nous en sommes tous d'accord – nécessaire. Encourager nos voisins suisses à plus de transparence est un impératif que personne ici ne conteste, car – notre rapporteur l'a utilement rappelé – la Suisse, mais aussi notre voisin luxembourgeois, abritent à eux deux près de 80 % des comptes français à l'étranger.

La Convention de 1966 avait déjà fait l'objet d'un certain nombre d'avenants – en 1969 et en 1997 –, un dernier avait même été signé en janvier 2009. Mais la Suisse s'étant engagée à réviser ses conventions afin d'adopter les normes les plus récentes de l'OCDE en matière d'échange de renseignements, cela a conduit à une réouverture des négociations et à la signature, en août 2009, de l'avenant que nous examinons aujourd'hui.

Au terme de cet avenant et conformément aux standards internationaux, la Suisse ne pourra plus s'abriter derrière le sacro-saint dogme du secret bancaire pour ne pas transmettre les renseignements qui pourraient lui être demandés. C'est une avancée considérable dont il faut se féliciter. Notre pays a pesé de tout son poids pour l'obtenir, en mettant dans la balance les conséquences d'un échec éventuel à un moment où la Suisse devait clairement démontrer à la communauté internationale sa volonté d'aboutir.

J'invite nos collègues qui doutent encore de la réalité de cet engagement à s'attarder sur le rapport de notre collègue rapporteur Claude Birraux, qui cite à plusieurs reprises des extraits des débats sur la ratification de cette convention au parlement helvétique. En effet, lorsque le gouvernement suisse annonce devant le Parlement « que la Suisse ne peut pas refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire », les choses sont tout à fait alors claires et concrètes.

Le groupe UMP refuse de s'inscrire dans la suspicion vis-à-vis de nos partenaires suisses. Cette convention comporte des avancées très significatives et nous souhaitons, en l'adoptant, adresser un message de confiance à la Suisse. Notre message s'adresse aussi à ceux de nos compatriotes qui se soustraient à leurs devoirs fiscaux envers leur pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Cousin

Ils ne doivent pas douter de notre volonté très ferme de mettre un terme à ces dérives et à ces habitudes. Aussi, nous souhaitons que cet avenant puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Mes chers collègues, parce que cet avenant comporte des avancées très importantes, parce que nous soutenons le Gouvernement dans son combat exemplaire contre la fraude fiscale, le groupe UMP le votera évidemment sans états d'âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le président, madame la ministre, nous sommes entre nous, et c'est donc l'occasion d'avoir un vrai débat, ce que le déroulement habituel de nos travaux ne permet pas toujours.

Le sujet de fond, c'est notre rapport à l'impôt. C'est un sujet de débat fondamental depuis deux siècles dans notre pays. Je vais vous lire un beau texte, madame la ministre : « Le principe de faire contribuer aux charges publiques à proportion du revenu n'est pas seulement fondé sur ce que le plus riche a un intérêt plus grand au maintien de la société, mais aussi sur ce que des sommes égales ont réellement pour lui une moindre importance. » C'est écrit par une belle figure de la révolution française, Condorcet. Ce texte reste toujours valable. J'étais dans une réunion publique, le week-end dernier, et on parlait de cette dame dont je fais la promotion depuis dix ans. (Sourires.) J'ai rappelé qu'elle paye en impôts environ 0,17 % de son revenu. Je veux parler de sa fortune connue parce que quand on est si riche, c'est comme les icebergs : il y a ce que l'on voit spontanément, puis ce qu'on peut imaginer. Mais n'allons pas dans le phantasme ! Restons-en à ce qui est établi : 0, 17 %. J'ai pris une personne au hasard devant moi, et je lui ai fait calculer le montant cumulé de son impôt sur le revenu, de sa taxe d'habitation et de ses taxes foncières. Elle, elle arrivait à 14 % de son revenu. Vous voyez que pour être fidèle à l'esprit de Condorcet, nous avons encore quelques marges de progression.

Madame la ministre, vous avez dit beaucoup de choses intéressantes – comme d'habitude d'ailleurs –, avec beaucoup d'urbanité. Nous avons pour une fois une discussion sur un tel sujet, et vous nous avez d'une certaine façon rendu grâce pour notre constance. Mais vous l'avez fort bien dit : il suffit pour un État de signer douze accords pour sortir des fameuses listes. Ainsi, M. Birraux a cité l'Inde dans les douze partenaires qui ont signé avec la Suisse. Pour ma part, je serais allé chercher des partenaires plus fiables. Certains des douze États concernés se sont acoquinés avec ceux qu'ils avaient déjà l'habitude de fréquenter et qui rencontrent les mêmes problèmes qu'eux. L'OCDE, qui n'est pas très sévère avec les paradis fiscaux, aurait pu être beaucoup plus exigeante, de même que le G20. Vous évoquez 500 accords signés. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Il faudrait mettre dans la balance, d'un côté les accords dotés d'un vrai contenu et passés avec des États moraux, et, sur le second plateau, les autres. De ce point de vue, il ne suffit pas d'annoncer des chiffres comme vous l'avez fait.

Vous déclarez que votre politique est efficace. Je ne mets pas en cause les services fiscaux ni ceux de La Poste car nous avons des services très républicains, qui sont donc aujourd'hui à votre service comme ils seront demain au service d'une autre administration. Loin de moi l'idée de leur reprocher de fidèlement appliquer ce que vous leur demandez de faire. En vertu du nouvel avenant, vous aurez ainsi la possibilité de demander aux Suisses des informations sur tous les contribuables français. C'est bien que ce soit écrit dans le texte ; reste à voir comment cela va fonctionner. Non, madame la ministre, nous n'accueillons pas votre accord avec dérision, mais c'est l'expérience qui nous amène à être méfiants envers les descendants de Guillaume Tell. Quand Claude Birraux et Philippe Vigier parlent de révolution à propos de cet avenant, j'en conclus qu'eux et moi n'avons pas la même notion de la révolution. Car si Guillaume Tell la fit, je ne pense pas que les autorités suisses soient aujourd'hui sur cette voie, surtout pour tout ce qui touche à l'argent. Mais que la Suisse, comme l'a évoqué Claude Birraux, craigne pour son image, c'est vrai. Il lui faut donc des produits cosmétiques et de la chirurgie esthétique pour améliorer son image.

Monsieur Philippe Vigier, vous avez rappelé à juste titre que nous sommes tous deux au G24 ; souvenez-vous donc des propositions fort utiles que nous avons faites, et comparez-les avec celles que le Président de la République a reprises à son compte : vous verrez où nous en sommes vraiment.

Mon temps de parole s'épuisant peu à peu, monsieur le président, je vais aborder d'autres aspects de la question.

Madame Aurillac, vous avez dit que si nous sommes trop sévères, les grandes sociétés de notre pays s'en iront. Mais on ne peut pas donner la prime à l'esprit de trahison de l'intérêt national.

Madame la ministre, vous avez évoqué le shaming. C'est une notion extrêmement importante qui n'est pas reprise dans la traduction officielle française. Il s'agit de faire honte, de stigmatiser, de clouer au pilori. Je pense que c'est une très bonne technique que de désigner à la vindicte populaire et dans notre pays, et à l'étranger, ceux qui violent la règle définie par Condorcet.

M. Alain Cousin ayant indiqué que nous allions débattre de nouvelles conventions fiscales le 30 septembre, mes chers collègues, je connais la charge parlementaire de chacun, mais je souhaite que vous regardiez dans le détail ces textes qui vont nous être soumis, et surtout que vous lisiez ce qu'il y a en creux plus que les reliefs. En effet, parfois, dans les trous mal éclairés, se cachent des dispositions peu morales ou qui laissent subsister des réalités nuisibles et néfastes. Cela me donne envie d'utiliser le 30 septembre prochain la même procédure qu'aujourd'hui, pour que d'ici là vous ayez le temps d'étudier ces textes et qu'ainsi nous puissions confronter nos points de vue. Je suis sûr que certains d'entre vous ne sont pas loin d'être d'accord avec moi quand il s'agit de valeurs fondamentales touchant à l'intérêt collectif de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Non, monsieur Vigier, c'est moi qui tente de vous amener sur le terrain de la République alors que vous, par esprit de compromis, acceptez parfois des choses que je ne partage pas – j'utilise des formules en conformité avec l'ambiance de cet après-midi pour ne pas vous choquer.

Monsieur le président, j'ai noté que M. Vigier déplorait que je n'illustre pas mon propos, comme d'habitude, par des documents tirés de Challenges ou de Capital. Je le remercie de son appel du pied. Mais je l'avais prévu et regardez : ils sont là, ceux qui trahissent la France. (M. Jean-Pierre Brard brandit une liasse de photographies commentées.)

Il ne suffit pas d'avoir du muscle et un sourire avenant pour justifier sa désertion, le fait de ne pas payer un sou pour cofinancer notre système de santé et l'éducation, alors qu'on en a soi-même profité : voici Tsonga, qui a des revenus modestes et qui habite le canton de Vaud, en Suisse. Et votre convention n'indique pas qu'une telle situation cessera.

Et voici Sébastien Loeb, qui gagne un peu plus ; je ne sais pas s'ils sont voisins, mais il habite, lui aussi, le canton de Vaud. Shaming ! Oui, madame Lagarde ! Il faut le dire : honte à eux, qui trahissent l'intérêt national ! Le fait d'être populaire dans notre pays ne doit pas soustraire à l'obligation d'être moral !

Tenez, voici un copain de Sa Majesté impériale : Johnny Hallyday. Non, ce n'est pas normal qu'avec un revenu de 10 millions d'euros en 2009, M. Hallyday ne paye rien.

Et voici un cas très intéressant : il fait partie de ces grands bourgeois qui pratiquent très bien la formule : pour vivre heureux, vivons cachés. – donc de l'autre côté de la frontière. Il s'agit de la famille Mulliez. Je ne suis pas sûr que tout y soit : 19 milliards d'euros, mais peut-être y en a-t-il un peu qui traîne ailleurs. Ils s'enrichissent avec les petits pois que vous achetez dans leur boutique, chez Auchan, et ils ne payent pas l'impôt chez nous. N'est-ce pas, monsieur Birraux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, car ce n'est pas très diététique. Mais ils vendent aussi de la tomate, et là vous pouvez en consommer davantage.

Je continue : voici la famille Bich. C'est un exemple de gens vraiment très discrets, très riches, et qui trahissent l'intérêt national.

D'autres sont tellement discrets qu'on n'a pas trouvé de photo : je vous présente ainsi la famille de Nonancourt, qui est dans le champagne.

J'en viens à un exemple de la consanguinité entre la politique et le milieu des affaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Voici l'ancien sénateur Paul Dubrule. Sénateur communiste ? Non, UMP. Cela vous laisse sans voix, mes chers collègues de la majorité. Je vous comprends.

Je termine avec M. Zacharias, et avec la famille Castel qui, grâce à l'eau, a accumulé une fortune de 2 milliards d'euros.

Shaming ! Oui, madame Lagarde, il faut les clouer au pilori parce que s'ils s'en vont complètement, ils faut au moins que le rouge leur monte au front et que les Français sachent à qui ils ont affaire – que les Français n'achètent plus de petits pois chez Auchan, cela ne me gênerait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La discussion générale est close.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, mardi 28 septembre 2010 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi portant réforme des collectivités territoriales ;

Projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma