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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 16 septembre 2010 à 15h00
Avenant à la convention france - suisse en vue d'éviter les doubles impositions — Discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous avez souhaité appeler en séance publique l'avenant à la convention fiscale avec la Suisse signé le 31 août 2009. S'agissant de la ratification d'une convention fiscale, la procédure est inhabituelle, mais il faut s'en féliciter, car c'est l'occasion pour moi de faire le bilan de notre action dans cette matière que l'on appelle pudiquement les juridictions non-coopératives.

Cela m'amènera à traiter l'action internationale que nous avons menée, à laquelle nous avons participé et dont nous avons parfois pris l'initiative, puis la transposition en droit français et, enfin, le cas spécifique de l'avenant qui est soumis à ratification cet après-midi.

Depuis la fin de l'année 2008, cette politique visant les juridictions non-coopératives a été menée à l'échelon international.

Répondant à l'appel lancé en octobre 2008 par dix-sept États-membres de l'OCDE réunis à Paris à l'initiative de la France et de l'Allemagne, le G20 s'est saisi de la question de la transparence fiscale lors du premier sommet de Washington. Des résultats concrets ont été enregistrés lors du deuxième sommet du G20, le sommet de Londres, grâce, en particulier, j'en ai été témoin, à l'initiative, à la détermination et à la résilience du Président de la République.

Le secrétariat de l'OCDE – je tiens, à cet égard, à souligner l'action et le courage du secrétaire général Angel Gurría – avait en effet établi des listes de juridictions selon leur degré de transparence en matière fiscale. La liste noire comprenait quatre États, qui n'avaient pas encore pris l'engagement de respecter les standards internationaux de transparence fiscale, tandis que trente-huit États ou territoires qui n'avaient pas encore mis en oeuvre de façon substantielle ces standards en signant au moins douze accords d'échanges d'informations avec d'autres États figuraient sur la liste grise.

Rapidement, à partir du sommet de Londres, notre action a porté ses fruits. La liste noire, vous le savez, est désormais vide et la liste grise ne comporte plus que treize juridictions. Ainsi, en près d'un an et demi, ce ne sont pas moins de 500 accords bilatéraux d'échange d'informations ont ainsi été signés partout dans le monde. Je voudrais à cet égard corriger l'idée reçue, fausse, selon laquelle une grande majorité de ces 500 accords auraient été signés entre parties bénévolentes et non pas entre des pays non signataires et des pays qui respectent les critères d'échanges d'informations en matière fiscale.

La transparence, la levée du secret bancaire et la coopération entre administrations fiscales pour lutter contre la fraude et l'évasion sont universellement reconnues et la politique de mise à l'index – autrement appelée en anglais naming and shaming – est un mécanisme efficace. En voici quelques exemples : le Brésil, le Chili, le Luxembourg, la Suisse ont levé les réserves qu'ils avaient émis sur le modèle de convention OCDE, tandis que de nombreux pays ont modifié leur législation nationale, à l'instar, notamment, du Liechtenstein, de l'Autriche ou de Hongkong et de Singapour.

Le résultat est que plus d'accords ont été signés en dix-huit mois que pendant toute la décennie précédente.

Le Gouvernement et votre assemblée ont pris soin de traduire en France ces engagements internationaux.

Dès le lendemain du G20, le Gouvernement a engagé une politique de négociation d'accords bilatéraux tous azimuts avec les États de la liste de l'OCDE. Nous l'avons menée, Éric Woerth et moi-même, dans le cadre de nos compétences respectives, et nous avons proposé à tous les États et territoires qui figuraient sur les listes grise et noire de signer un accord permettant l'échange de renseignements. Dans les cas où nous étions déjà liés par une convention fiscale, nous avons choisi de proposer de conclure des avenants. Dans les autres cas, nous avons simplement proposé un accord d'échange d'informations.

Six avenants et vingt et un accords ont ainsi été signés depuis le mois de mars 2009. Plus d'une demi-douzaine d'autres avenants ou accords ont d'ores et déjà été paraphés au niveau administratif. Nous serons dorénavant en mesure d'échanger des renseignements fiscaux sans restriction avec les juridictions considérées comme les moins coopératives du continent européen – par exemple la Suisse, le Luxembourg, le Belgique et le Liechtenstein –, avec les plus importants des centres financiers asiatiques – je pense à Hong-Kong et à Singapour – ou encore avec des paradis fiscaux – Îles Caïman, Îles Vierges britanniques, Jersey, Guernesey ou les Bahamas. Dans la droite ligne du G20 de Londres, la politique déterminée de la France, votre propre détermination – je pense en particulier à la commission des finances – placent notre pays en tête du combat international en faveur de la transparence.

À la suite de la proposition du Gouvernement et des travaux menés au sein de la commission des finances, vous avez inscrit dans la loi française une définition des juridictions non coopératives, assortie de critères précis et de sanctions fiscales pour les États concernés. Un arrêté du 23 février a ainsi fixé pour 2010 une liste de dix-huit États ou territoires non coopératifs au regard de la législation française. Les sanctions prévues sont extrêmement lourdes et dissuadent vivement d'engager une quelconque activité économique ou financière avec ces États : majoration à 50 % des retenues à la source sur les flux à destination de ces États ; taxation des flux entrants, ce qui est plus novateur dans notre droit ; refus de déduire les charges payées dans ces territoires ; durcissement des conditions de justification des prix de transfert. Voilà pour les textes, voilà pour les bases légales.

Nous nous préoccupons désormais de nous assurer que ces textes sont bien appliqués. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange d'informations, qui regroupe les trente membres de l'OCDE et plus de soixante autres États ou territoires, a mis en place un mécanisme d'évaluation par les pairs. François d'Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux, a été désigné président de l'institution.

Les travaux du Forum ont progressé très vite puisque les premières évaluations ont été lancées dès le mois de mars 2010. Elles portent à la fois sur le cadre légal – lois internes et accords internationaux –, sur la coopération administrative et sur l'effectivité des échanges d'informations. Je souhaite personnellement qu'un premier bilan de ces travaux d'évaluation menés sous l'autorité du Forum puisse être livré à la connaissance de l'ensemble des pays du G20 et, bien sûr, des États membres du Forum, au plus tard en novembre 2011.

S'agissant de la Suisse qui nous occupe plus particulièrement cet après-midi, la convention actuellement en vigueur comporte des dispositions permettant l'échange de renseignements, mais dans des conditions très restrictives qui ne permettent notamment pas la levée du secret bancaire, souvent opposé par cet État aux demandes d'information. La Suisse a accepté d'adopter les normes les plus exigeantes en matière d'échange d'informations. Cet engagement s'est concrétisé le 27 août dernier, lorsque j'ai signé avec M. Merz, à Berne, l'avenant à la convention fiscale franco-suisse. Cet accord comporte des stipulations qui nous permettront d'obtenir des renseignements de la part des autorités suisses sans limitation, c'est-à-dire sans que le secret bancaire puisse être opposé par les autorités suisses aux demandes formulées par les autorités françaises. Cet accord est important car il vise tous les impôts, quelle qu'en soit la nature, toutes les personnes et tous les renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l'application de notre législation fiscale, sans que le secret bancaire, je le répéte, puisse jamais être opposé.

Les dispositifs anti-abus prévus dans la convention elle-même, qui visent à lutter contre les situations et transactions abusives entre nos deux États, ont également été rénovés et sécurisés afin que leur application soit plus facile.

La Suisse a toutefois envisagé à la fin de l'année 2009, vous vous en souvenez, de suspendre le processus de ratification de cet avenant. Ce sujet avait d'ailleurs été largement débattu lors des discussions du projet de loi de finances rectificative pour 2009, et les divergences ponctuelles qui avaient un temps existé entre l'interprétation suisse et l'interprétation française ne sont plus. La Suisse a accepté la position française sur l'interprétation des standards de l'OCDE, notamment en matière de délimitation et de clarification du champ de la demande de renseignement. Aujourd'hui, les modalités d'application s'inscrivent dans un cadre pleinement conforme aux exigences de l'OCDE et de la France en matière d'échange de renseignements.

La procédure de ratification a pu reprendre du côté suisse. Le Conseil des États – équivalent suisse du Sénat – a adopté ce texte à l'unanimité le 17 mars. J'espère qu'il pourra contribuer à renforcer les relations économiques entre nos deux pays. C'est pour cette raison que je vous invite à voter le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

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