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Séance en hémicycle du 13 juillet 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • commis
  • contre l'humanité
  • crime
  • guerre
  • humanité
  • international
  • pénal
  • rome
  • statut de rome

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (nos 951, 2517, 1828).

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'Assemblée poursuivra cet après-midi, après le vote solennel, la discussion du projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, si cette discussion n'était pas achevée ce matin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 23 , 33 et 53 , portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à Mme Chantal Bourragué, suppléant Mme Nicole Ameline, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour soutenir l'amendement n° 23 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Madame la présidente, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Mme Ameline, qui siège au comité de lutte contre les discriminations de l'ONU.

L'amendement n° 23 vise à supprimer l'exigence d'un « plan concerté », qui figure actuellement dans la définition du génocide et des autres crimes contre l'humanité en droit français.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 33 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'expression « plan concerté » est reprise de la charte du tribunal de Nuremberg du 8 août 1945. De fait, lors de la Seconde Guerre mondiale, il y avait bien eu un plan concerté. En revanche, l'expression n'a pas été employée par le tribunal de Tokyo et elle ne figure ni dans le statut de Rome ni dans les statuts des deux tribunaux internationaux ad hoc créés pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.

Certes, l'expression existe dans le code pénal. Cela étant, la ministre de la justice nous a expliqué hier qu'il était éclairant de faire appel à cette notion, issue du droit de common law, pour définir le génocide. Or, lors de l'examen du texte au Sénat, Mme Dati avait expliqué que la preuve des faits était suffisante pour établir l'existence d'un plan concerté. On comprend donc mal ce qu'apporte cette notion.

Plus précisément, nous nous demandons si la notion de plan concerté ne comporte pas des risques : elle pourrait permettre à la personne soupçonnée d'ergoter sur la preuve de l'existence de ce plan. De ce point de vue, si l'on ne trouve aucun document dans les archives, quel est le statut des consignes verbales ?

Quant au fond, s'agissant de la preuve d'un génocide, considérer comme une condition substantielle la démonstration de l'existence d'un plan concerté visant à exterminer des populations civiles ou à massacrer la population de tel ou tel village n'a aucun sens.

Notre objectif commun est de lutter le plus efficacement possible contre l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité. Or, l'article 7 du statut de Rome – car c'est d'abord de lui qu'il est question ici – stipule : « Aux fins du présent statut, on entend par crime contre l'humanité l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque », ce qui est aussi clair que possible.

En revanche, faire de l'existence d'un plan concerté l'un des éléments de l'incrimination revient selon nous à donner une chance à l'auteur des crimes. Voilà pourquoi il faut supprimer cette exigence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 53 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Ces premiers articles sont motivés par la référence au tribunal de Nuremberg et aux crimes contre l'humanité jugés après 1945.

Certes, nous avons bien entendu hier soir, au cours de la discussion générale, que nous n'étions pas tout à fait dans cette épure. Quoi qu'il en soit, nombre de parlementaires jugent la notion de concertation difficile à établir et craignent qu'elle ne serve de moyen dilatoire permettant d'éviter à certains criminels d'être jugés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Avis défavorable.

Avec ces amendements, nous abordons d'emblée une question de fond. Il est en effet proposé de supprimer l'exigence d'un plan concerté, qui figure actuellement dans la définition du génocide donnée par l'article 211-1 du code pénal, non modifié par le projet de loi. Or il est à mes yeux crucial – j'y insiste – de conserver cette notion, car elle encadre la définition du génocide et évite d'étendre excessivement l'incrimination, ce qui risquerait de la banaliser.

De fait, pour caractériser le crime de génocide, l'article 6 du statut de Rome vise des actes « commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Cette intention suppose l'existence d'actes multiples et une volonté d'anéantissement d'un groupe humain qui ne peut en aucun cas être le fait d'un seul homme.

La notion de plan concerté renvoie aussi à l'élément intentionnel de l'infraction, qui est nécessairement commise en masse par un groupe d'individus et suppose des préparatifs dont il sera aisé de prouver l'existence.

Si, comme le proposent ces amendements, on supprime cette notion de la définition qui figure à l'article 211-1 du code pénal, celle-ci devient : « Constitue un génocide le fait, en vue de la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants : atteinte volontaire à la vie, etc. ». Dès lors, mes chers collègues, la définition deviendrait si large qu'elle permettrait de couvrir des actes individuels dirigés contre quelques personnes pour des motifs ethniques, raciaux ou religieux.

Sur l'objectif poursuivi, nous sommes tous d'accord. Mais il ne faut pas galvauder cette définition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

On ne la galvaude pas, on l'actualise ! On l'adapte !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

D'un point de vue pratique, l'existence d'un plan concerté se déduit de l'ampleur des faits : il n'est naturellement pas nécessaire que le plan ait été formalisé par écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Avis défavorable également, pour les raisons que M. le rapporteur vient d'évoquer.

Il est essentiel de maintenir un critère caractéristique et objectif permettant de distinguer un crime contre l'humanité d'un crime de guerre. En effet, il ne faudrait pas que l'acte isolé d'un individu voulant détruire partiellement ou totalement un groupe national, ethnique, racial ou religieux soit qualifié de crime contre l'humanité.

Or l'adoption pure et simple du double critère mentionné dans le statut de Rome risquerait paradoxalement de compliquer la poursuite des crimes contre l'humanité, en imposant de démontrer que l'auteur des faits avait connaissance de l'attaque.

(Les amendements identiques nos 23 , 33 et 53 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 34 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

L'article 1er incrimine la provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un génocide, et établit une distinction selon que la provocation a été ou non suivie d'effet. Ainsi, si la provocation a été suivie d'effet, elle est considérée comme un crime ; dans le cas contraire, il ne s'agit que d'un délit.

Ce n'est pas la seule disposition du texte qui tend à correctionnaliser certains actes. Ce type de distinction n'existe pas dans le statut de Rome, qui n'en est pas moins très clair, très précis et parfaitement limpide. Selon le statut de Rome, en effet, tous les actes sont des crimes, ce qui est cohérent avec le droit international, qui tend à soumettre les crimes internationaux à un régime juridique homogène.

À l'inverse, notre droit pénal établit une distinction entre les incitations à commettre une infraction qui ont été suivies d'effet et celles qui ne l'ont pas été. En commission, M. Mariani a fait explicitement référence, à ce sujet, à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

On peut se demander s'il est légitime et opportun de qualifier certains actes de délits. Cela permettra-t-il de les poursuivre et de les sanctionner autant qu'il est nécessaire ? La réponse à cette question est le présent amendement, par lequel nous refusons la correctionnalisation proposée par le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Il s'agit de supprimer la distinction qu'opère le projet de loi entre les incitations à commettre un génocide selon qu'elles ont ou non été suivies d'effet, afin de qualifier de crime toute incitation, même non suivie d'effet.

Avis défavorable à cet amendement, pour deux séries de raisons.

Premièrement, le statut de Rome, contrairement à notre droit pénal, ne distingue pas entre crime et délit, puisque, je vous le rappelle, le texte original est en anglais. Toute infraction qui en relève est qualifiée de crime. Qui plus est, le texte ne définit aucun quantum de peine. C'est donc au législateur de chaque pays qu'il appartient de définir le niveau d'incrimination qu'il souhaite appliquer à chaque infraction.

Deuxièmement, notre tradition pénale établit toujours une distinction selon que l'incitation à commettre une infraction a été ou non suivie d'effet, et punit de façon moins sévère celle qui ne l'a pas été. Je vous renvoie sur ce point aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

(L'amendement n° 34 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 48 .

La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

La rédaction du projet de loi nous semble relativement restrictive lorsqu'il s'agit d'énumérer les différents éléments servant à définir le crime contre l'humanité.

L'article 2, en particulier, vise à modifier l'article 212-1 du code pénal relatif aux crimes contre l'humanité. C'est également à lui que s'appliquent les modifications déclinées dans les amendements suivants.

Le texte englobe certains comportements visés à l'article 7 du statut de la CPI et qui, dans la rédaction actuelle de l'article 212-1, ne sont pas expressément qualifiés de crimes contre l'humanité. Notre amendement reprend lui aussi les termes du statut, afin d'éviter toute disparité entre celui-ci et notre législation nationale. L'article couvrirait ainsi tous les crimes contre l'humanité.

Nous proposons donc tout d'abord de supprimer la notion de plan concerté. Sandrine Mazetier a énoncé tout à l'heure notre point de vue à ce sujet. Je rappelle en outre que le caractère concerté des crimes contre l'humanité doit être présumé : il se déduit des faits. Ainsi, un génocide ou un crime contre l'humanité ne présupposent pas nécessairement un plan concerté, c'est-à-dire élaboré et programmé. L'exemple du Rwanda nous le rappelle.

Qui plus est, il s'agit de rétablir la cohérence entre notre code pénal et la définition des actes donnée par le statut de Rome. À cette fin, il faudrait également ajouter à la définition de l'article 2 la mention de l'esclavage sexuel. Le rapporteur a estimé en commission que cela serait redondant par rapport aux incriminations déjà visées ; j'imagine qu'il faisait référence au crime de réduction en esclavage, qui, selon lui, engloberait naturellement l'esclavage sexuel. Pourtant, le statut de Rome fait expressément référence à ce dernier.

La référence, au 11° de l'article 2, aux « autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique » nous apparaît insuffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Nous souhaiterions également insérer la notion d'apartheid. Bien sûr, ce terme renvoie à une situation historique, celle de l'Afrique du Sud. Cela dit, la convention du 30 novembre 1973 sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid dispose que celui-ci englobe « les politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination raciales », ce qui va au-delà de la simple ségrégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Avis défavorable.

Les amendements déposés à l'article 2 prévoient tous cinq modifications que je vais détailler, ce qui me permettra d'être plus bref dans mes explications sur les amendements suivants.

Il s'agit tout d'abord de la suppression de la condition de l'existence d'un plan concerté pour définir un crime contre l'humanité. À nos yeux, le maintien de cette référence répond à la nécessité de conserver un caractère restrictif à la définition des crimes contre l'humanité, qui s'inscrivent dans une logique d'anéantissement, de négation pure et simple du droit à la vie. Ouvrir plus encore la définition de ces crimes ferait courir le risque de leur banalisation, donc de l'affaiblissement de l'incrimination.

Il faut, en outre, noter que la notion de plan concerté se déduit assez naturellement des termes mêmes de l'article 7 du statut de Rome qui vise « une attaque généralisée ou systématique réalisée en application ou dans la poursuite de la politique d'un État ayant pour but une telle attaque ».

La deuxième modification proposée vise à remplacer les termes « atteinte volontaire à la vie » par le mot « meurtre ». La terminologie du projet de loi nous paraît plus conforme au droit pénal et présente l'avantage de couvrir l'assassinat.

La troisième modification consiste à ajouter l'esclavage sexuel à la définition du crime contre l'humanité. Cet ajout serait redondant, à notre sens, avec les incriminations visées par l'article 2 du projet de loi, à savoir la réduction en esclavage, d'une part, et les violences sexuelles d'une particulière gravité, d'autre part.

En outre, le principe de légalité des peines impose de définir précisément une infraction. Or notre droit ne connaît pas la notion d'esclavage sexuel. L'introduire sans la définir ne serait pas conforme à nos principes de valeur constitutionnelle. Je note à cet égard que le statut de Rome ne fournit aucune définition de cette incrimination.

La quatrième modification vise à remplacer les mots « l'arrestation, la détention ou l'enlèvement de personnes » par les « disparitions forcées de personnes ». La terminologie retenue par le projet de loi me semble plus conforme au droit pénal et renvoie à des termes dont on connaît précisément la définition.

Enfin, la cinquième modification consiste à remplacer le mot « ségrégation » par le mot « apartheid ». Le texte du projet de loi utilise le terme de « ségrégation » et donne une définition précise du contexte des actes commis. La rédaction du projet de loi est donc bien plus précise que la notion d'apartheid dont aucune définition ne figure dans notre droit pénal. J'ajoute que l'apartheid renvoie à un fait historique précis que chacun connaît, à savoir la situation en Afrique du Sud de 1948 à 1996, et qu'il convient d'éviter l'emploi de terminologies étrangères dans notre code pénal.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le Gouvernement se retrouve dans l'argumentaire très précis que vient de développer M. le rapporteur : avis défavorable également.

(L'amendement n° 48 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 24 , 35 et 54 .

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour soutenir l'amendement n° 24 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Cet amendement vise à supprimer la mention au plan concerté qui figure actuellement dans la définition du crime contre l'humanité à l'article 2 du projet de loi. Il faut pouvoir poursuivre les auteurs des crimes commis en l'absence de plan concerté. Même si un tel plan existe, il sera particulièrement difficile d'en apporter la preuve. Le maintien de ce critère pourrait, selon la commission des affaires étrangères, favoriser l'impunité des auteurs de tels crimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 35 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Refuser une telle suppression, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, reviendrait à affaiblir l'incrimination. Nous connaissons tous une situation où, en dépit de la concordance et de la simultanéité des faits, il est impossible d'établir l'existence d'un plan concerté alors même qu'il y a eu crime contre l'humanité d'une extrême gravité. Nul n'en a apporté la preuve, malgré de multiples enquêtes. Les magistrats du tribunal pénal institué pour juger ce crime ont eux-mêmes souligné, en marge de leur première conférence de presse, l'impossibilité pour eux de démontrer l'existence d'un plan concerté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 54 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Avis défavorable. Je répète ce que j'ai dit dès l'article 1er, à savoir que supprimer la notion de plan concerté reviendrait à banaliser l'incrimination qui pourrait englober un acte individuel.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

J'ajoute que les poursuites seraient rendues plus difficiles si l'on retenait le critère prévu par le statut de Rome mentionnant que l'auteur doit avoir connaissance de cette attaque.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je voulais suggérer à l'intervenant du groupe socialiste de lire le remarquable discours que M. Badinter a prononcé au Sénat :…

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

…il défend la même position que nous. La notion de plan concerté est inhérente au crime contre l'humanité. Elle a d'ailleurs été proposée au moment de l'affaire de Nuremberg. Ce qui s'est passé durant la dernière guerre mondiale impose d'établir une différence. Il ne faut pas mélanger les choses, comme l'a souligné votre collègue Robert Badinter. Je vous invite à examiner de près les arguments juridiques qu'il a invoqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Nous en avons longuement parlé ensemble !

(Les amendements identiques nos 24 , 35 et 54 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 25 , 36 et 55 .

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour soutenir l'amendement n° 25 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Cet amendement vise à ajouter à la liste des violences sexuelles susceptibles de constituer un crime contre l'humanité l'esclavage sexuel, qui est explicitement mentionné à l'article 7 du statut de Rome. Il nous apparaît important de le faire figurer en tant que tel car il constitue une pratique de plus en plus fréquente et particulièrement avilissante pour les femmes qui en sont victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 36 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

J'ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur sur l'absence de mention de l'esclavage sexuel dans le code pénal. Cela étant, il est nécessaire de faire évoluer les choses. Nous savons tous que, dans de telles situations, il a été proposé un choix entre la mort et l'esclavage sexuel. Et à partir du moment où nous le savons, nous ne pouvons pas l'accepter. Vous faisiez allusion, monsieur Goasguen, au discours de M. Badinter. Je vous renvoie à d'autres superbes écrits sur le choix terrible entre la mort et l'esclavage sexuel.

J'estime que notre code devrait tenir compte de cette évolution lourde. Certes, elle est difficile à intégrer car il n'y a pas de violence physique alors que notre code en fait un critère. Comment démontrer l'existence d'une violence morale en amont d'une pratique sexuelle non acceptée ? L'esclavage sexuel existe. Alors évoluons puisque l'horreur évolue, malheureusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 55 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ces amendements visent à ajouter l'esclavage sexuel à la liste des violences sexuelles susceptibles de constituer un crime contre l'humanité. Il est vrai que l'esclavage sexuel est expressément visé par le statut de Rome, au g) du I de son article 7. Mais cette incrimination est redondante avec celle que l'article 2 du présent projet de loi vise, à savoir la réduction en esclavage, qui implique des violences morales comme physiques, et les violences sexuelles d'une particulière gravité. Les amendements sont donc satisfaits.

En outre, le principe de légalité des peines impose de définir précisément une infraction. Or, notre droit pénal ne connaît pas la notion d'esclavage sexuel. Introduire cette notion dans un texte sans la définir ne serait pas conforme à nos principes de valeur constitutionnelle. Je note du reste que le statut de Rome n'en fournit strictement aucune définition.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Nous sommes tous d'accord sur le fond pour condamner ces pratiques. Mais, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, les qualifications actuelles du droit français nous permettent d'arriver exactement au même résultat, à savoir à leur incrimination. Il n'y a aucun doute à ce sujet et c'est finalement cela qui importe.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il faut que les choses évoluent. Vous ne pouvez pas vous réfugier derrière l'argument que l'esclavage sexuel n'est pas défini dans notre droit ou qu'il est difficile à définir pour rejeter nos amendements. La réduction en esclavage est certes mentionnée à l'article 2, mais comment faire quand l'esclavage sexuel consiste à dire à de très jeunes filles – et je mets des guillemets – « ou bien tu vis bien avec nous ou bien tu meurs » ? Cette pratique n'implique pas de violences physiques et ne répond pas aux critères de l'esclavage tels qu'ils sont établis dans les codes.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, si je vous demande de me donner la définition pénale de la réduction en esclavage, vous ne pourrez pas me répondre. Pour rendre les choses plus aisées, reconnaissons dans notre droit l'esclavage sexuel. Les magistrats s'y retrouveront.

(Les amendements identiques nos 25 , 36 et 55 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements, nos 56 et 37 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 56 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 37 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

M. le rapporteur a fait référence à l'absence de définition de l'esclavage sexuel dans le statut de Rome.

S'agissant de l'apartheid, que notre amendement vise à intégrer dans les crimes susceptibles de constituer un crime contre l'humanité, il faut se prémunir contre toute ambiguïté. Le crime d'apartheid figure dans les conventions internationales : le statut de Rome le mentionne au j) du I de son article 7 et le définit au h ) du II de ce même article.

Il y a d'autant moins de raisons d'être restrictifs que certains États pratiquent l'apartheid sous l'une de ses multiples formes et que la justice française aura peut-être un jour à les juger. Puisqu'il y a une définition de l'apartheid dans les textes internationaux, je ne vois pas, monsieur le rapporteur, pourquoi vous vous opposeriez à notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Le texte du projet de loi utilise le terme de « ségrégation » et donne une définition précise du contexte des actes commis, à savoir « dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ». Cette définition me paraît plus claire que le mot « apartheid » qui renvoie, je le répète, à des faits historiques que chacun connaît.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable pour les mêmes raisons.

(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 37 n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 38 et 57 , portant article additionnel après l'article 2.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 38 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il s'agit d'affirmer le devoir, y compris pour des fonctionnaires d'État, de désobéir à un ordre manifestement illégal. Cette disposition nous a été inspirée par la jurisprudence du procès Papon.

Cet amendement vise à inscrire dans la loi le caractère manifestement illégal de l'ordre de commettre un génocide ou un autre crime contre l'humanité figurant dans le statut de Rome.

En effet, le texte ne mentionne pas le caractère manifestement illégal de l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité, pas plus que le code pénal. Or l'article 33 du statut de Rome exonère de sa responsabilité pénale individuelle l'auteur d'un crime s'il a agi sur ordre. Néanmoins, cette exonération ne joue pas si l'ordre était manifestement illégal. L'oubli de cette dernière phrase est d'autant plus regrettable que la France est à l'origine de son insertion dans le deuxième paragraphe de l'article 33 du statut de Rome.

En commission, M. Mariani estimait que cette notion était dépourvue de toute portée juridique. M. Urvoas lui rappelle donc que la Cour de cassation avait considéré en 1997, dans sa jurisprudence, que l'illégalité d'un ordre portant sur la commission de crime contre l'humanité est toujours manifeste.

Nous considérons que, si cela va en le disant, cela va encore mieux en l'écrivant noir sur blanc dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

L'affirmation visant à préciser expressément que l'ordre de commettre un génocide ou un crime contre l'humanité est manifestement illégal est incontestable. D'ailleurs, elle est reconnue par la jurisprudence que vous citez, à savoir l'affaire Papon. Pour autant, est-il utile de le préciser dans la loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Non !

D'abord, cette affirmation est dépourvue de toute portée juridique. J'ajoute qu'un ordre légal peut être la première étape de la commission d'un crime contre l'humanité. Il ne faudrait pas prendre le risque d'induire une confusion.

Par ailleurs, les fonctionnaires ont déjà l'obligation de désobéir à un ordre manifestement illégal.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour défendre l'amendement n° 57 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

La France est à l'origine de l'insertion de cette disposition dans le statut de Rome. Il paraît donc surprenant de défendre une chose et son contraire. Je confirme que, le 23 janvier 1997, la Cour de cassation l'a inscrite dans le marbre s'agissant de l'affaire Papon.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Acceptez ces amendements, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Oh !

(Les amendements identiques nos 38 et 57 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les articles 3 à 6 ne font l'objet d'aucun amendement.

(Les articles 3 à 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 39 et 58 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 39 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Le projet de loi reprend la distinction faite par le statut de Rome entre conflits armés internationaux et non internationaux. Mais il s'abstient de définir ces derniers. En commission, le rapporteur a estimé que cela n'était pas utile car les conflits armés non internationaux sont définis par le deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève, ratifié par la France.

Jean-Jacques Urvoas a donc recherché le texte additionnel qui date du 8 juin 1977. S'il est vrai qu'il y a, dans son article 1er, une définition qui vise les « forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées », pour autant cette esquisse ne recoupe pas totalement l'amendement proposé, même en le rapprochant de l'article 3 commun aux conventions de Genève de 1949 qui évoque plus largement « les conflits armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non gouvernementaux ».

C'est si peu clair que le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie a ressenti le besoin de contribuer, par des jugements et des décisions, à cette définition du conflit armé non international.

Ainsi, ce tribunal pénal considère qu'un conflit armé non international existe « chaque fois qu'il y a recours à la force armée entre États ou un conflit armé prolongé entre les autorités gouvernementales et des groupes armés organisés ou entre de tels groupes au sein d'un État ».

Pour éviter tout risque juridique relatif aux définitions, il nous semble donc utile de reprendre les éléments issus de l'article 8-2 qui précise cette notion de conflit armé non international.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 58 .

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ces deux amendements visent à préciser que la notion de conflit armé non international ne s'applique pas aux situations de troubles et tensions internes. Les conflits armés non internationaux sont définis par le deuxième protocole additionnel aux conventions de Genève ratifié par la France, qui a donc valeur supérieure aux définitions législatives. Or il est déjà mentionné dans ce protocole que ces conflits ne comprennent pas les troubles et tensions internes, ce que précise aussi la convention de Rome dans son article 8.

Si ces deux amendements sont pertinents, ils sont inutiles car déjà satisfaits par le droit international. Aussi, je demande leur retrait. À défaut, avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis.

(Les amendements identiques nos 39 et 58 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 26 et 59 .

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour soutenir l'amendement n° 26 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Nous souhaitons ajouter l'esclavage sexuel et le viol à la liste des violences sexuelles susceptibles de constituer un crime de guerre. Ces formes de violence sont mentionnées à l'article 8 du statut de Rome, aussi bien dans les cas de conflits internationaux que dans ceux de conflits nationaux. Nous demandons que les viols figurent à l'article 461-4 du code pénal nouveau relatif aux crimes de guerre.

L'esclavage sexuel et le viol sont devenus des méthodes de guerre systématiques dans de nombreux conflits. Ce sont des pratiques insupportables. Il faut protéger les femmes qui en sont victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Sur le vote des amendements nos 26 et 59 , je suis saisie par le groupe GDR d'une demande de scrutin public.

Je fais donc annoncer le scrutin dans l'enceinte de notre assemblée.

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Il ne doit y avoir aucun malentendu : nous sommes tous d'accord sur l'ignominie que représentent de tels crimes.

Les amendements nos 26 et 59 visent à ajouter l'esclavage sexuel et le viol à la liste des violences sexuelles susceptibles de constituer un crime de guerre.

S'agissant de l'esclavage sexuel, j'utiliserai les mêmes arguments que précédemment. L'incrimination est redondante avec celle visant la commission de violences sexuelles d'une particulière gravité. Le principe de légalité des peines impose une fois de plus de définir précisément une infraction. Or, je le répète, notre droit ne connaît pas la notion d'esclavage sexuel.

S'agissant du viol, il est déjà visé par le texte proposé à l'article 7 du projet de loi pour l'article 461-2 du code pénal – alinéa 15 –, qui précise que « Sont passibles des aggravations de peines prévues à l'article 462-1 les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique de la personne ainsi que l'enlèvement et la séquestration, définis par le livre II du présent code [...] » qui comprend notamment le viol et la réduction en esclavage.

Ces amendements me semblent donc satisfaits. Aussi, je demande leur retrait. À défaut, avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Au nom de mes collègues, je retire l'amendement n° 59 au profit de l'amendement n° 26 de la commission des affaires étrangères.

(L'amendement n° 59 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 26 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 47

Nombre de suffrages exprimés 47

Majorité absolue 24

Pour l'adoption 13

Contre 34

(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 40 .

La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

M. Urvoas nous a laissé le commentaire suivant, suite à l'échange qu'il a eu avec le rapporteur qui avait supposé que cet amendement relevait d'une confusion.

Le rapporteur estimait en effet que M. Urvoas s'était trompé en commission en indiquant qu'il était inutile de compléter la liste des bâtiments mentionnés dans la rédaction proposée pour l'article 461-13 du code pénal, puisque cet article ne faisait que reprendre l'alinéa 2-b-ix de l'article 8 du statut de Rome. Il a donc été vérifié que cette proposition d'écriture de l'article 461-13 du code pénal transpose au mot près l'alinéa 2-b-ix, mais cet amendement vise à le compléter en y intégrant les notions contenues dans l'alinéa 2-b-v, comme cela figure dans l'exposé sommaire. En effet, si le texte proposé pour l'article 461-24 prohibe bien le « fait de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments, qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires », cet article figure dans la sous-section 2 qui traite des « moyens et méthodes de combat prohibés dans un conflit armé international ».

L'amendement reste pertinent parce qu'il s'insère dans la partie du code pénal concernant les conflits internationaux et non internationaux. Il a donc une portée plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Cet amendement vise à compléter le texte proposé pour l'article 461-13 du code pénal qui qualifie certaines attaques de crimes de guerre et les sanctions de vingt ans de réclusion criminelle. À mon avis, cet amendement se fonde sur une confusion. En effet, l'article 461-13 du code pénal transpose non pas l'alinéa 2-b-v, mais l'alinéa 2-b-ix du statut de Rome.

L'article du code pénal transposant l'alinéa 2-b-v est l'article 461-24 qui dispose : « Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments, qui ne sont pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires, est puni de la réclusion criminelle à perpétuité ». C'est l'alinéa 72 de l'article 7 du présent texte.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable.

Je crois d'ailleurs que, après vérification, M. Urvoas avait retiré son amendement en commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Il vient de nous préciser que non !

(L'amendement n° 40 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 67 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Il est défendu.

(L'amendement n° 67 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 27 et 41 .

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour soutenir l'amendement n° 27 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Le projet de loi prévoit, à l'article 461-16, d'aggraver les peines de vol et de recel lorsque ces infractions sont commises à l'encontre d'une personne protégée par le droit international des conflits armés. Or, ce texte est consacré aux atteintes aux biens qui doivent être protégés indépendamment de toute référence à leur propriétaire. Le code pénal doit, en conséquence, incriminer de tels actes lorsqu'ils sont commis à l'encontre d'un bien, sans condition liée à leur éventuel propriétaire ou possesseur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 41 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cet amendement vise à accorder une protection pénale à tous les biens en tant que tels, indépendamment du statut de leur propriétaire. Le texte pénal doit donc incriminer les actes commis à l'encontre d'un bien, sans conditions liées à leur éventuel propriétaire ou possesseur.

Au cours des débats au Sénat, on a pu relever une confusion au sujet de la notion de biens protégés. Sont considérés comme biens protégés, en cas de conflit armé, les biens auxquels le droit coutumier et les conventions internationales accordent une protection contre des attaques ou autres actes hostiles. Il peut s'agir tout autant de biens à caractère civil, culturel, d'unités ou de moyens de transport sanitaire.

La notion de bien protégé ne se limite donc pas seulement aux hôpitaux et aux ambulances comme on a pu le considérer au cours de l'examen du texte par le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Ces amendements visent à qualifier de crimes ou délits de guerre les vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations de biens protégés même s'ils ne sont pas la propriété de personnes protégées.

Le présent article a pour objet de définir, parmi ces infractions, celles qui relèvent de la catégorie des crimes et délits de guerre. En matière de conflit armé international, le statut de Rome qualifie de crime de guerre, aux termes de l'article 8.2 b xiii, « le fait de détruire ou de saisir les biens de l'ennemi » ; en matière de conflit armé non international, il qualifie de crime de guerre « le fait de détruire ou de saisir les biens d'un adversaire » – article 8.2e xii.

Il s'agit donc des biens des personnes protégées et non des biens protégés eux-mêmes. Le Sénat n'a commis aucune confusion et la rédaction de l'article est conforme au traité de Rome. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

J'ajouterai que le champ d'application de la qualification de crime de guerre est aussi large que celle prévue par les incriminations mentionnées par le statut de Rome. La loi française qualifie même de crime de guerre le recel de ces infractions, ce que le statut de Rome ne prévoit pas. La législation française sera donc plus sévère que celle applicable par la Cour pénale internationale.

Il faut, en outre, rappeler que le statut de Rome n'impose pas l'harmonisation des incriminations nationales avec celles mentionnées dans le statut dont le seul objet est de donner compétence à la Cour pénale internationale pour connaître de ces infractions. Nous nous situons donc bien au-delà et non en deçà du statut.

(Les amendements identiques nos 27 et 41 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l'amendement n° 42 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet amendement vise à reprendre la formulation retenue à l'article 8.2 du statut de Rome, en incriminant les armes, projectiles, matières ou méthodes qui sont « de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles » ou « à frapper sans discrimination, en violation du droit international des conflits armés », dès lors qu'ils « font l'objet d'une interdiction générale prévue par le statut de la Cour pénale internationale ». En l'état – c'est très surprenant –, le texte soumis à notre examen se révèle bien plus restrictif, et ne reproduit qu'une partie de l'article 8.2 b xx du statut de Rome. On ne voit pas comment effectuer un tri dans les armes visées. Le texte fait surtout référence à une annexe éventuelle au statut de la CPI qui nous semble dilatoire et le rend inopérant.

Quand cette annexe sera-t-elle rédigée ? On peut d'ores et déjà se faire une idée de sa teneur résultant d'une négociation entre les États concernés. Nous proposons de reprendre très précisément et intégralement l'article 8.2 du statut de Rome.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Cet amendement vise à supprimer la référence à une annexe au statut de la CPI s'agissant des armes, projectiles, matériels ou méthodes de combats interdits et dont l'usage serait constitutif d'un crime de guerre.

Que dit le statut de Rome ? Son article 8.2 b xx dispose : « On entend par crime de guerre le fait d'employer les armes, projectiles, matières et méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou à frapper sans discrimination en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces armes, projectiles, matières et méthodes de guerre fassent l'objet d'une interdiction générale et qu'ils soient inscrits dans une annexe au présent statut […]. »

Vous l'avez dit vous-même, madame Mazetier, en l'absence d'une annexe, la France demeure liée par ses engagements internationaux par lesquels elle a renoncé à l'usage des gaz de combat et armes chimiques – article L. 2342-1 du code de la défense –, aux mines antipersonnel – article L. 2342-2 – et aux armes bactériologiques – article L. 2343-3. Je vous renvoie aux titres dudit code relatifs aux armes prohibées.

Donc, avis défavorable.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

En matière de défense, nous n'irons pas au-delà des obligations du statut de Rome. Avis défavorable.

(L'amendement n° 42 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements, nos 52 et 28 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 52 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marylise Lebranchu

Le rapporteur estimait en commission que cet amendement, relatif à l'excuse de légitime défense, était inutile. À ses yeux, le droit général de l'exonération de la responsabilité pénale s'applique. À l'inverse, il estime qu'il convient de ne préciser à cet article que ce qui est spécifique aux crimes et délits de guerre, en l'espèce la protection des biens essentiels à la survie.

Nous pensons au contraire utile de combler les lacunes du texte proposé pour l'article 462-9 du code pénal, incomplet par rapport à l'article 31 du statut de Rome. En l'état, sa formulation risquerait de fait d'entraver la poursuite de certains crimes de guerre. En effet, si l'article 462-9 du code pénal reprend la légitime défense comme cause d'exonération de la responsabilité – ce qui est prévu à l'alinéa 1-c de l'article 31 du statut de Rome –, il omet certaines conditions très importantes.

Ainsi, l'alinéa 1-c de l'article 31 subordonne l'exonération de responsabilité pénale à la condition que l'auteur ait agi « raisonnablement », condition que ne reprend pas le présent texte. Une deuxième condition est omise par le projet de loi : selon le même article, l'acte doit avoir pour objet la défense « contre un recours imminent et illicite à la force ». Enfin, l'alinéa 1-c de l'article 31 précise que « le fait qu'une personne ait participé à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif d'exonération de la responsabilité pénale au titre du présent alinéa ».

La définition donnée par l'article 31-1-c du statut de Rome est donc incomplètement transcrite dans l'article 462-9, ce qui risque d'entraver la poursuite de certains crimes de guerre. Le présent amendement a donc pour unique objet de rapprocher la rédaction proposée des stipulations précises de la convention de Rome. Je vois que vous êtes enfin convaincus !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour soutenir l'amendement n° 28 rectifié .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Il s'agit d'apporter une précision rédactionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…aussi suggérerai-je à leurs auteurs de les retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

Le droit général de l'exonération de responsabilité pénale s'applique. Or l'article 122-5 du code pénal précise déjà, de manière générale : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. »

Il n'est donc pas nécessaire de rappeler ces dispositions dans le présent article qui a pour but de ne préciser que ce qui est spécifique aux crimes et délits de guerre, en l'espèce la protection des biens essentiels à la survie.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le Gouvernement ne conteste pas que le fait d'agir raisonnablement pour se défendre ou pour défendre autrui est une cause d'exonération de la responsabilité pénale. Du reste, cette cause existe dans le droit français – le rapporteur l'a rappelé – qui énonce clairement les conditions de la légitime défense.

(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 28 rectifié n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l'amendement n° 43 .

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il est défendu.

(L'amendement n° 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 65 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'État, que nous devons nous doter de tous les moyens pour appliquer les dispositions du statut de Rome dans leur totalité.

Cet amendement vise à rendre imprescriptibles les crimes de guerre, conformément à l'article 29 du statut de Rome et à l'article 75 du protocole additionnel 1 du 8 juin 1977 aux conventions de Genève. Or le texte prévoit une prescription de l'action publique et de la peine prononcée de trente ans pour les crimes de guerre.

Vous refusez l'imprescriptibilité des crimes de guerre au motif que vous la réservez aux crimes de génocide et aux crimes contre l'humanité, préservant ainsi la hiérarchie des sanctions et évitant la banalisation. Dans le même temps, l'abus et le recel de biens sociaux sont devenus quasi imprescriptibles grâce à la jurisprudence répétée de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu' « aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ». Dès lors, il convient d'instaurer l'imprescriptibilité des crimes de guerre afin que le droit français soit conforme au statut de Rome dans l'élaboration duquel la France a joué un rôle majeur. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans états d'âme cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Je donnerai également l'avis de la commission sur les amendements nos 17 , 50 et 60 puisqu'ils traitent du même sujet. Ces quatre amendements visent à rendre imprescriptibles les crimes de guerre.

Or notre pays n'a conféré qu'aux crimes contre l'humanité le caractère d'imprescriptibilité. Dans un récent rapport, « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent », les sénateurs Jean-Jacques Hyest et Portelli pour la majorité et Yung pour l'opposition ont préconisé de conserver le caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français, pour la réserver aux crimes contre l'humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

…que l'imprescriptibilité soit réservée aux seuls crimes contre l'humanité qui sont d'essence différente. Je me range pleinement à ses arguments.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

J'ajoute que le projet de loi allonge sensiblement les délais de prescription par rapport au droit commun des crimes et délits en vigueur. Il porte en effet de dix à trente ans le délai de prescription de l'action publique pour les crimes de guerre, délai porté de trois à vingt ans pour les délits de guerre. Il porte de vingt ans à trente ans le délai de prescription de la peine en matière criminelle et de cinq à vingt ans en matière délictuelle.

Du reste, l'amendement n° 65 présente la difficulté supplémentaire de rendre imprescriptibles les crimes de guerre commis dans le passé, ce qui n'est pas possible puisque notre droit ne peut être rétroactif. Donc avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

J'ai bien noté, monsieur le rapporteur, votre volonté d'instaurer une discussion commune. J'y souscris d'autant plus volontiers que les amendements nos 17 et 50 ne sont pas défendus. Quant à l'amendement n° 60 , M. Paternotte m'a laissé entendre qu'il le retirait.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

En effet, compte tenu des explications données par M. le rapporteur, je le retire.

(L'amendement n° 60 est retiré.)

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je rappellerai tout d'abord qu'à l'occasion du procès Barbie la Cour de cassation a rejeté l'argument des parties civiles selon lesquelles les crimes de guerre, comme les crimes contre la paix et les crimes contre l'humanité constituaient des infractions internationales échappant par nature à la prescription. La Cour de cassation a considéré qu'aucun principe de droit ayant une valeur supérieure à la loi française ne permettait de déclarer imprescriptibles les crimes de guerre, ni au sens de la Cour de Londres du 8 août 1945 ni à celui de l'ordonnance du 28 août 1944 qui lui est antérieure.

Enfin, comme Claude Goasguen je citerai Robert Badinter qui a dit au Sénat, le 22 juillet 1996 : « l'imprescriptibilité est née du refus de nos consciences d'accepter que demeurent impunis, après des décennies, les auteurs des crimes qui nient l'humanité ». L'imprescriptibilité doit demeurer exceptionnelle et doit être limitée aux crimes contre l'humanité. Elle ne saurait donc être étendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Boisserie

Je vais dans le sens de l'argumentation de Jean-Pierre Grand. M. le secrétaire d'État connaît bien Oradour-sur-Glane. Aujourd'hui, des criminels SS courent toujours. M. Bockel se sent-il capable de revenir à Oradour-sur-Glane en déclarant qu'on supprime l'imprescriptibilité ? Pour ma part, je ne m'en sentirais pas capable.

En tant que député élu de ce lieu, j'ai entendu régulièrement les familles et tout récemment encore. Vous ne pouvez pas faire cela, vous ne pourrez pas l'expliquer ! La décision que vous allez prendre est très grave. C'est pourquoi je m'élève solennellement contre la proposition du Gouvernement. Je vous appelle, mes chers collègues, à faire preuve de courage en votant l'amendement de M. Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Mon cher collègue, j'ai écouté hier votre intervention lors de la discussion générale. Vous êtes le député d'Oradour-sur-Glane, et vous devez savoir que chacun est attaché à ce que cette page tragique représente dans notre histoire. J'ajoute que nous sommes un certain nombre à avoir aussi, dans nos circonscriptions respectives, des épisodes similaires. J'ai été maire de Valréas, où les Allemands ont fusillé cinquante civils le 12 juin 1944.

En revanche je suis totalement en désaccord avec vous sur un point. Vous avez dit que par ce texte, on supprimait l'imprescriptibilité. Or, elle n'a jamais été supprimée, parce qu'elle n'a jamais existé. Elle existe uniquement pour les crimes contre l'humanité. En l'occurrence il s'agit de crimes de guerre. Tous les crimes sont bien sûr inadmissibles, mais je reprends l'argumentation qui a été défendue au Sénat : il importe de maintenir une certaine hiérarchie entre les crimes, même si, je le reconnais, c'est une hiérarchie macabre.

Je le répète, ce texte ne supprime pas l'imprescriptibilité, car elle n'a jamais existé pour les crimes de guerre. Au contraire, nous aggravons la peine. Il n'est bien sûr pas question de supprimer l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je comprends l'intervention du député d'Oradour, mais la notion d'imprescriptibilité est étrangère à notre droit. Elle a été exceptionnellement instaurée par le tribunal de Nuremberg pour les crimes contre l'humanité. Chez nous, elle est exceptionnelle, elle n'existe pas. Elle est quotidienne en droit anglo-saxon. Les Anglais ne connaissent pas la prescription. Par conséquent, pour eux, il n'y a évidemment aucun problème à déclarer imprescriptible n'importe quoi. Juridiquement, ils ne savent pas ce qu'est la prescription. Ne dénaturons pas le droit français en instaurant l'imprescriptibilité partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Vous faites par ailleurs de l'imprescriptibilité un argument qui n'a rien à voir, en réalité, avec la nature juridique. Il ne s'agit pas de considérer comme banal ce qui s'est passé à Oradour ou ailleurs. Bien entendu, ce sont des crimes de guerre. Bien entendu, la commémoration aura lieu, et le travail de mémoire se fera. En revanche ne mélangeons pas les notions juridiques et reprenons l'exposé remarquable de M. Badinter sur cette question. Le caractère imprescriptible est quelque chose d'exceptionnel en droit français. Il faut le conserver pour les crimes contre l'humanité, et c'est tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

C'est une drôle de façon, mes chers collègues, de commémorer le soixante-dixième anniversaire du début de la Deuxième guerre mondiale. J'ai écouté le député d'Oradour-sur-Glane. Aujourd'hui, ne serait-ce pas un beau message que nous adresserions à tous ces anciens combattants, à toutes ces victimes, à toutes celles et tous ceux qui ont été victimes de la barbarie, que de rendre imprescriptible le crime d'Oradour-sur-Glane, ainsi que d'autres crimes ?

Pour moi il s'agit d'un problème de conscience. Or, parfois, le Parlement de la République a le devoir de ne pas faire du juridisme, mais d'être en adéquation avec l'histoire de la nation. Il faut revenir aux fondamentaux de la nation, dans ce pays, sur tous les sujets, et pas seulement sur celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

…j'essaie de comprendre l'histoire de mon pays. La mémoire des anciens combattants, la mémoire des victimes, l'honneur de ces femmes et de ces hommes que la barbarie a assassinés, c'est par l'imprescriptibilité que nous les honorerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Et cette imprescriptibilité n'est pas faite uniquement pour les artisans les commerçants et les chefs d'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je veux bien tout ce qu'on veut, mais je voudrais vous dire ceci, mes chers collègues : au minimum, abstenez-vous !

(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)

(L'article 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, inscrit sur l'article 7 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Les sept premiers articles ont modifié le code pénal. Avec cet article 7 bis, nous modifions le code de procédure pénale, ou plutôt nous l'adaptons, pour reprendre le titre même de ce texte.

Au coeur de cet article, figurent trois sujets cruciaux.

Le premier est la date de référence, celle de 1998, qui impose une double incrimination.

Le deuxième est constitué par les quatre verrous cumulatifs mis en place par le Sénat, et qui ne soumettent pas les crimes poursuivis en application de la convention de Rome aux même règles que les autres crimes.

Le troisième sujet, celui que je retiens le plus, c'est l'obligation de résidence habituelle. L'article 7 bis dispose en effet que « peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises toute personne qui réside habituellement sur le territoire ». La résidence habituelle, comme cela nous a été rappelé hier lors de la discussion générale, est définie par la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 décembre 2005, comme « le lieu où l'intéressé a décidé de fixer le centre permanent de ses intérêts ». J'ai bien retenu le texte rappelé hier soir par notre rapporteur préféré.

Je vais défendre, avec un certain nombre de mes collègues, cinq amendements sur cet article, en particulier sur l'obligation de résidence.

En effet, le statut de la Cour pénale internationale stipule, dans son préambule, qu' « il est du devoir de chaque État de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables des crimes internationaux ». Pour cette raison, l'actuelle rédaction de l'article 7 bis me paraît choquante, parce qu'elle est dérangeante intellectuellement, et parce qu'elle touche à l'éthique et à la morale individuelle et collective. En effet, elle revient, de facto, à garantir l'impunité aux criminels qui sont de passage dans notre pays. Ce texte, tel qu'il est rédigé, en tout cas tel que je le comprends, et tel qu'un certain nombre de mes collègues le comprennent, revient à dire que si un criminel vient à Paris pour passer Noël en famille, il ne risque rien, parce que ce n'est pas le lieu où il a décidé de fixer le centre permanent de ses intérêts. Je trouve que cela est choquant. C'est une atteinte au bon sens et à l'éthique.

C'est pourquoi je défendrai un amendement, n° 32 , qui, sans revenir sur ce qui a été adopté par le Sénat, ajoute une précision qui me paraît pouvoir réparer cette faute de goût.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 61 et 47 .

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 61 .

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Cet amendement propose de rédiger l'article 689-11 du code de procédure pénale de la manière suivante :

« Pour l'application du statut de la Cour pénale internationale, signé à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute personne coupable de l'une des infractions suivantes :

« 1° Crimes contre l'humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;

« 2° Crimes de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code ;

« 3° Infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949 et au protocole additionnel I du 8 juin 1977. »

En fait, il s'agit d'élargir la compétence territoriale des tribunaux français, pour permettre de poursuivre et de juger les auteurs de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 47 .

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il s'agit d'étendre la compétence des tribunaux français pour des crimes commis à l'étranger, quand il s'agit de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Il me semble que cela fait partie des objectifs du texte, et qu'il y a sur ce point un certain consensus. On ne comprendrait pas très bien, sur cette question, pourquoi on se heurterait une nouvelle fois à une approche aussi minimaliste, compte tenu de la nature des crimes dont il est question. Franchement, il s'agit en l'occurrence de barbarie humaine. Dans la patrie des droits de l'homme, qui a une vocation à l'universalité, je ne vois pas comment on pourrait être aussi en retrait sur une question aussi majeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Nous n'avons pas du tout une approche minimaliste. Ces amendements identiques visent à supprimer la clause de compétence extraterritoriale adoptée par le Sénat, et à lui substituer une compétence quasi universelle, sur le modèle de celle qui existe déjà en droit pénal français lorsqu'une convention internationale ratifiée le prévoit. C'est le cas pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, ainsi que pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Or, précisément, la convention de Rome, comme nous l'avons expliqué hier dans la discussion générale, ne prévoit nullement un mécanisme de compétence quasi universelle. Ces amendements font référence aux conditions prévues à l'article 689-1 du code de procédure pénal, article qui lui-même dispose : « En application des conventions internationales visées aux articles suivants, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République de l'une des infractions énumérées par ces articles. » Or, je le répète, la convention de Rome ne prévoit pas la compétence universelle.

Le dispositif auquel on aboutirait serait contradictoire et inopérant sur le plan juridique. La rédaction actuelle de l'article 7 bis me semble préférable. Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Avis également défavorable.

Je veux d'abord rappeler que le statut de Rome ne comporte aucune disposition prévoyant une clause de compétence quasi universelle. L'introduction d'une telle clause, qui n'est pas fondée sur une convention internationale, proposée par le Sénat et acceptée par le Gouvernement, constitue une première dans la législation française.

La possibilité, pour un État, de se déclarer compétent pour juger des faits commis à l'étranger, par un étranger, sur un étranger, est une question controversée au plan international, même lorsqu'il existe une convention internationale fondant cette compétence. Son application à des ressortissants d'États non parties à cette convention est contestée. Ainsi, la France est actuellement attraite devant la Cour de justice internationale de La Haye pour avoir appliqué une clause de compétence quasi universelle fondée sur la convention de New York du 10 décembre 1984 à un ressortissant congolais, alors que le Congo n'était pas partie, à la date des faits présumés commis, à cette convention.

L'objectif du Gouvernement est d'interdire que l'auteur de crimes contre l'humanité ou de crimes de guerre puisse trouver asile en France, tout en prévoyant l'existence d'un lien de rattachement suffisant légitimant les poursuites en France. Tel est l'objectif de l'exigence d'une résidence habituelle en France.

Au demeurant, cette notion est déjà utilisée dans le code pénal. Ainsi, pour la poursuite et le jugement des mercenaires, la France s'est déclarée compétente pour poursuivre ceux qui résident habituellement sur le territoire de la République.

Il convient d'ailleurs d'observer que les États étrangers exigent un rattachement équivalent. Nous sommes donc dans la norme internationale, tout simplement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

M. le secrétaire d'État a raison. Il ne faut pas non plus nous fustiger nous-mêmes en laissant à penser que la France, sur ce point, serait hors normes par rapport aux autres pays européens. La plupart d'entre eux, sous une forme ou sous une autre, ont en effet adopté cette clause de résidence, et ce pour une raison très simple : l'absence de clause de résidence rend le mécanisme inapplicable. On a bien vu que, en l'absence d'une telle clause, toute intervention auprès de la CPI, dont vous savez bien qu'elle ne fonctionne pas, ou très mal était quasiment caduque.

Je vous rappelle que beaucoup d'obstacles imposent des limites aux nations, en particulier l'immunité. Dans la plupart des cas, ceux qui sont poursuivis sont des responsables politiques en fonction au moment où sont commis, des crimes de guerre, de génocide, ou, éventuellement, des crimes contre l'humanité. Ils sont couverts par l'immunité.

C'est dire qu'en toute hypothèse, si vous voulez rendre les choses un tant soit peu applicables, il vaut mieux faire confiance aux tribunaux français, par l'intermédiaire de cette clause, plutôt que d'aller, d'une manière très hypothétique, devant la CPI, qui n'est même pas capable de régler les cinq dossiers qu'elle a en instance depuis une dizaine d'années.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Geoffroy

Les questions évoquées d'une manière générale avec ce projet de loi, plus particulièrement avec l'article 7 bis, nous touchent au plus profond de nous-mêmes, que ce soit dans le cadre de nos fonctions d'élus ou à titre plus personnel encore pour quelques-uns d'entre nous qui ont eu à connaître des éléments qui nous rattachent à quelques moments douloureux de tous les conflits en particulier de la seconde guerre mondiale. Je n'insiste pas davantage sur ce point.

Cela ne doit pas nous écarter de l'ambition majeure qui doit être la nôtre : avoir un droit qui sécurise notre volonté absolue de combattre l'impunité. Je ne peux pas entendre prétendre que le droit serait ennemi du combat contre l'impunité. Au contraire, le relâchement du droit auquel nous pourrions, par générosité, nous livrer serait par contrecoup un véritable danger par rapport à notre objectif de lutte contre l'impunité.

Je tiens à dire à tous nos collègues, du plus profond de mon ressenti – compte tenu de ma propre vie, de mon expérience, de mon propre vécu par personne interposée sur toutes ces questions – que le pire qui pourrait nous guetter serait de donner à notre adaptation du droit pénal à l'institution que constitue le Statut de Rome des dispositions dont nous ne pourrions pas, dans un contexte beaucoup plus général – international et européen en particulier – maîtriser tous les tenants et les aboutissants.

Je ne suis pas suspect d'une indéfectible admiration pour Robert Badinter. Cependant un homme qui a été ministre de la justice, président du Conseil constitutionnel, qui est actuellement sénateur et qui participe par la rédaction de l'article 7 bis à ce qui nous est présenté, aujourd'hui, ne peut pas avec l'ensemble de ses collègues sénateurs, avoir omis tous les éléments qui nous obligent à peser au trébuchet tout ce que nous devons écrire dans ce texte.

Je partage au plus profond de moi-même la volonté qui doit être la nôtre de combattre l'impunité du plus horrible des horribles.

En ma qualité de juriste, très attaché à ce que le droit ne nous détourne pas de notre ambition, je vous invite à maintenir l'article 7 bis dans l'état où il se trouvait lorsqu'il est arrivé chez nous, conformément à ce que notre rapporteur nous a proposé.

(Les amendements identiques nos 47 et 61 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de quatre amendements, nos 29 , 44 , 62 , 32 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 29 , 44 et 62 sont identiques. Sur leur vote je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante pour défendre l'amendement n° 29

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

L'amendement n° 29 vise à substituer à l'alinéa 2 de l'article 7 bis aux mots « réside habituellement » les mots « se trouve ».

Cet amendement vise à élargir la condition de résidence habituelle retenue par le Sénat à la condition de présence sur le territoire français au moment de l'engagement des poursuites.

En effet, s'il est nécessaire de prévoir une condition de rattachement entre le suspect et la France pour que la justice française puisse être compétente, la condition de résidence habituelle apparaît trop exigeante ; elle n'a d'ailleurs été retenue par aucun pays ayant mis en place une forme de compétence universelle pour les crimes les plus graves. La notion de présence la plus fréquente dans les législations étrangères et qui existe en droit français, pour juger des auteurs de crimes en application de certaines conventions internationales, est nettement préférable.

Il faut souligner que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, cette condition n'est pas remplie par une personne qui ne passe que quelques heures en France. Il faut, au moins, qu'elle soit présente sur le territoire français au moment de l'engagement des poursuites.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 44 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Le critère de résidence habituelle pourrait permettre de faire jouer une complaisance diplomatique par anticipation à l'égard de criminels de guerre ou d'auteurs de crimes contre l'humanité, qui viendraient à se trouver sur le sol français et qui relèveraient de la compétence de la convention. Il doit lui être préféré celui de la présence sur le territoire national. Cette évolution permettrait ainsi aux juridictions françaises de poursuivre et de juger toute personne s'étant rendu coupable à l'étranger de l'un des crimes relevant de la cour pénale internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 62 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Il serait extraordinairement grave de conserver le texte en l'état.

Vous allez dire que je donne, ce matin, dans le lyrisme. Il y a cinq ans que Simon Wiesenthal est mort. Si, mes chers collègues de la majorité, vous votiez l'article 7 bis, et que vous rejetiez nos amendements tendant à prévoir la seule condition de présence pour arrêter les criminels de guerre, cela signifierait que Simon Wiesenthal n'aurait pas pu arrêter Adolf Eichmann s'il avait été de passage en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Monsieur Goasguen, ne dites pas cela. C'est une offense à l'histoire de la nation et de l'humanité !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Madame la présidente, je souhaite répondre à mon collègue Jean-Pierre Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Laissez M. Grand terminer son intervention.

Poursuivez mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Ce n'est pas parce que M. Goasguen est avocat et qu'il défend toutes les causes – les bonnes comme les mauvaises – qu'il doit donner des leçons à ses collègues parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Grand, je vous prie de revenir à la défense de votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je répète solennellement dans l'enceinte de l'Assemblée nationale que si nous ne votons pas ces amendements – je rends hommage à Mme Hostalier et à M. Paternotte – que M. Simon Wiesenthal ne pourrait plus aujourd'hui arrêter, en France, des personnages comme Adolf Eichmann s'il n' y avait pas une résidence régulière

Telle est la portée de votre vote, mes chers collègues. Le scrutin public permettra d'inscrire dans le marbre le vote de chacune et de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Madame la présidente, j'ai été mis en cause et je voudrais répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Monsieur Goasguen, vous interviendrez sur ce point, à la fin de la séance, compte tenu du nouveau règlement.

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir l'amendement n° 32

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Je regrette que l'amendement de repli n° 32 ne puisse faire l'objet d'un scrutin public car c'était, je pense, une bonne rédaction.

J'ai été confronté en qualité de maire à une situation assez particulière. Il y a un mois et demi, le n° 2 rwandais, responsable du génocide de 1994, a été inhumé dans ma commune. Des lettres avaient permis cette inhumation, sans que le maire en soit informé. Cette personne avait été condamnée à trente-deux ans de prison à Porto-Nuevo au Bénin, où il est mort.

J'ai légitimement pensé, en tant que maire, que les nos 1 et 3 – responsables désignés par le TPIR poursuivis par Interpol et par la commission pénale, pouvait assister à cette inhumation. Si le n° 1 n'est pas venu, le n° 3 s'est présenté. Il résidait habituellement à Maubeuge, puis s'était réfugié en Belgique pour échapper à une interpellation en 2006. Il est venu clandestinement, sans papier, assister à l'enterrement.

J'ai pris sur moi de le faire interpeller et, je l'ai remis à la police et à la justice. On m'a expliqué que la jurisprudence actuelle était de relâcher, de ne pas poursuivre et de ne pas extrader. Il existe donc une brèche.

Depuis le 26 mai, cette personne a été mise en détention, à la suite d'un jugement du tribunal. J'ai compris rapidement que si la notion de « résidence habituelle » persistait, cette impunité consistant à laisser venir des gens de l'étranger, où ils ont fixé leur résidence habituelle perdurerait. La Belgique s'était essayé à limiter le passage occasionnel ; ils en sont revenus et l'Espagne débat actuellement de ce sujet.

M. Claude Goasguen a fait remarquer que sur les vingt-sept pays de l'Union, vingt avaient adapté pour l'instant le Statut de Rome.

Je souhaite que l'amendement n° 32 soit voté. Ce serait un bon signal donné à la justice, à la police et, au-delà, à notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

M. Paternotte va être exaucé, puisque sur le vote de l'amendement n° 32 , je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Les amendements nos 29 , 44 , 62 et 32 visent la disposition tendant à supprimer la condition de résidence habituelle et à la remplacer par celle de résidence temporaire.

La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. La condition de résidence a fait l'objet de davantage de débats devant le Sénat, lequel a finalement tranché en faveur de la résidence habituelle et non d'une simple présence sur notre sol. Je pense qu'il est crucial de maintenir cette condition. Elle garantit, en effet, l'existence d'un véritable lien entre la France et la personne poursuivie. Je ne crois pas qu'un simple passage sur le territoire, ne serait-ce que quelques heures, constitue un lien suffisant et permette aux juridictions françaises de poursuivre un ressortissant étranger ayant commis à l'étranger une infraction relevant de la Cour pénale internationale.

Comment organiserait-on autrement une conférence de paix à la fin d'un conflit armé ? La France ne le pourrait plus si la condition de résidence habituelle était abandonnée.

D'autre part, que signifie la notion de résidence habituelle ? En 2005, la Cour de cassation l'a définie comme la fixation de manière stable, effective et permanente du centre des attaches familiales et intérêts matériels en France, ce qui est moins rigoureux que la notion de résidence permanente.

J'ajoute enfin que la notion de résidence habituelle figure d'ores et déjà dans notre code pénal. L'article 436-3 dispose : « Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre – De la participation à une activité mercenaire -sont commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

J'ajoute, au risque d'en choquer certains, que si jamais on ne maintenait pas cette clause de résidence habituelle, on pourrait constater toutes les dérives, comme on a pu le voir dans certains pays. On peut avoir, un jour, un ministre israélien ou un responsable palestinien – je prends volontairement deux spectres qui se trouvent mis en cause - arrêtés du simple fait de leur passage sur le territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Nous avons vu ce qui est arrivé, quand la ministre des affaires étrangères israéliennes a voulu se rendre en Angleterre où elle a dû finalement annuler son passage.

Pour ces raisons, je vous demande de maintenir la notion de résidence habituelle. La commission est donc défavorable à ces amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le rapporteur a parfaitement énuméré les raisons en termes de conférence de paix pour lesquelles nous tenons à la formulation du Sénat.

Nous sommes tous animés par les mêmes valeurs.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Nous ne devons pas faire des leçons de morale sur des sujets aussi sensibles.

Avis défavorable du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Je veux rappeler un petit détail pour M. Grand, qui parle beaucoup d'éloquence, de marbre et qui confond le marbre et l'adrénaline.

Je lui rappelle ce qui s'est passé au sujet de Simon Wiesenthal, puisqu'il n'est visiblement pas au courant : M. Eichemann a été enlevé en Argentine contre toutes les lois internationales par M. Wiesenthal. Je n'ai pas entendu, ce jour-là, beaucoup de gens qui défendaient cet acte d'agression à l'occasion d'un enlèvement international. Sans doute, M. Grand, ignore-t-il que M. Eichmann n'est jamais venu en France et que M. Wiesenthal a participé à ce qui était un acte de droit international totalement illégal à l'époque.

Je me félicite aujourd'hui d'entendre M. Grand défendre, avec tant de passion, l'État d'Israël. Je n'avais pas jusqu'à présent, l'impression que M. Grand était un chaud partisan de l'État d'Israël.

Cela est tellement vrai que M. Grand, dans sa protestation, a seulement oublié – et M. le rapporteur vient de le souligner – que, dans l'état actuel du droit, si l'on applique le rapport Goldstone, il est probable que les dirigeants israéliens, lorsqu'ils passeront en France – que ce soit le Premier ministre…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

…ou le ministre des affaires étrangères – risquent de se retrouver bloqués par un tribunal à compétence universelle auquel on aurait donné la compétence de juger un ministre israélien..

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Par conséquent, monsieur Grand, lorsque l'on crache en l'air, il faut savoir où ça retombe.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il n'est nullement question de mettre en cause telle ou telle conviction. Chacun ici affirme sa volonté de lutter efficacement contre des criminels ayant commis des faits aussi graves. La question qui se pose est de savoir pourquoi la notion de « résidence habituelle » apparaît subitement dans ce texte au nom d'une protection juridique de l'immunité diplomatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

M. Goasguen vient d'expliquer – et c'est un débat que nous avons depuis des années – comment il faut procéder par rapport à une juridiction pénale internationale pour conserver l'exigence de réalité procédant de la diplomatie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

C'est une vraie erreur ! Que l'on adopte les amendements que nous avons déposés, celui du groupe socialiste, celui du groupe communiste ou encore celui de notre collègue Yanick Paternotte qui nous semble être un bon consensus car on ne peut pas sortir de ce débat sans avoir répondu à cette situation.

Vous posez la question de savoir comment réagir à la visite de tel ou tel ministre en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Et s'il s'agit d'un criminel ? Quid du criminel de passage qui n'est pas ministre et qui n'a pas sa résidence habituelle en France ? C'est cela la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Va-t-on le regarder passer ? Allons-nous lui dire que, puisque sa résidence habituelle n'est pas en France, nous allons nous désintéresser de sa situation et, par là même, de ses victimes ?

M. le rapporteur a cité le cas de l'Espagne et celui de la Belgique qui sont revenus sur leur position. Ce n'est pas tout à fait exact. Ils ont essayé d'avoir une compétence universelle sans lien avec le territoire. Telle était la loi belge qui permettait d'engager une poursuite contre un général américain se trouvant au Pérou par exemple ; il existe des exemples de ce genre. Les Belges ont, ensuite, recréé un lien avec la présence sur le territoire, ce qui n'est pas du tout le même débat.

Quant aux Espagnols, ils viennent d'adopter un texte qui correspond exactement à ce que serait l'état de notre droit positif si nous adoptions l'un de ces amendements.

Je ne pense pas que l'historique que vous avez rappelé soit juste par rapport à cette question. Il y a un débat de fond, et M. Goasguen en a posé les termes.

En tout état de cause, l'Assemblée nationale française ne peut pas accepter, quelles que soient nos convictions respectives, de se contenter de regarder passer les criminels de guerre sur notre territoire. Ce n'est pas ça la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je veux tout d'abord balayer d'un revers de main l'argument selon lequel si un membre d'un gouvernement d'un pays étranger de passage sur notre territoire et ayant commis des crimes, pouvait être arrêté cela poserait des problèmes et que c'est pour cette raison qu'il ne faut pas adopter ces amendements.

Chacun a compris qu'il s'agit d'une argutie pour une réunion de quartier de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Parce que M. Villepin n'a jamais reçu de criminels de guerre, de présidents de républiques bananières !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Monsieur le maire du 16e arrondissement, je me tourne vers vous dans un instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Que vient faire le 16e arrondissement dans ce débat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

S'il existe une procédure internationale visant une personnalité d'un pays étranger, je ne vois pas pourquoi celle-ci ne serait pas arrêtée sur le territoire national français.

J'en viens à l'émotion que mes propos ont suscitée.

Pour leur information, je souhaite dire à mes collègues que je suis très sensible à ces questions. Je siège dans cet hémicycle à la place de Jacques Chaban-Delmas, ce qui signifie que je suis imprégné par une certaine idée de la République, des droits de l'homme, de l'humanité.

J'indique aussi à mon excellent collègue, maire du 16e arrondissement de Paris que, dans ma petite commune du sud de la France, j'ai inauguré une place Simon Wiesenthal.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Avant de me donner des leçons, je demande à M. le maire du 16e arrondissement…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Ici, je suis député de la République autant que vous, mon pauvre ami !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

…qu'il fasse simplement aussi bien que ce que j'ai fait. Je l'inviterai dans ma modeste commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Grand

Je lui ferai visiter le centre régional d'histoire et de la déportation.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je veux m'assurer que nous parlions tous de la même chose.

Toute personne se trouvant en France, suspectée d'avoir commis un crime relevant du Statut de Rome peut être arrêtée sur le territoire de la République. C'est une réalité depuis le 1er juillet 2002.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il n'y a donc aucun risque, quel que soit le statut de cette personne.

La Cour pénale internationale présente les défauts que vous avez rappelés à juste titre, mais elle a également une réelle capacité d'action. Tout État peut déférer au procureur un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour et prier le procureur d'enquêter.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il est également possible d'engager une procédure d'arrestation.

En tout état de cause, monsieur Vidalies, la Cour pénale internationale – cela vaut pour tous les pays, pas seulement pour la France – peut nous enjoindre de procéder à une arrestation. Je ne voudrais pas laisser croire que nous serions dans une situation de non droit.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il n'y a aucun désaccord moral entre nous à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte.

J'ai bien vu que vous aviez demandé la parole, mais je vous rappelle, mon cher collègue, que le Gouvernement peut intervenir à tout instant.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Ce débat dépasse les clivages politiques traditionnels. Ainsi Alain Vidalies partage mon analyse ce dont je le remercie.

M. le secrétaire d'État vient de dire qu'il est « possible d'arrêter » en France une personne s'étant rendue coupable d'un crime relevant de la compétence de la Cour pénale internationale. Le problème, c'est que cette personne « doit » être arrêtée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

J'ai cité tout à l'heure un exemple concret. Je ne fais pas dans la théorie, mais dans la pratique. Or dans la pratique, ce n'est pas le cas, car il n'y a pas d'obligation.

Faut-il traiter les crimes contre l'humanité comme le droit fiscal ? Est-ce la résidence habituelle ou la résidence temporaire ? Pour ma part, je pense que nous sommes dans un débat moral, éthique et nous devons nous donner les moyens d'agir.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Des confusions sont entretenues sur le fait d'engager des procédures concerant des crimes commis sur d'autres territoires par des personnes qui ne sont ni présentes ni résidentes.

Mon amendement n° 32 dispose qu'il faut donner des signes aux tribunaux, marquer une volonté. Il n'est pas question de surcharger la justice en essayant de juger toutes celles et tous ceux qui viendraient à passer chez nous, mais seulement les arrêter et, si elles sont poursuivies par le TPI et que des conventions d'extradition avec les pays d'origine sont signées, les extrader dès lors que les garanties en matière de droits de l'homme et de peine de mort sont conformes à notre législation et notre conscience. Tel est le sens de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

M. le secrétaire d'État a avancé un certain nombre d'arguments. Ainsi, selon lui, la Cour pénale peut nous permettre d'agir et, dans le même temps, on pourrait opposer à la demande le fait que notre droit français intègre la notion de résidence habituelle.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que soit supprimée cette notion afin que l'on puisse arrêter les criminels. En effet, ce qui est choquant par rapport aux victimes et au regard de la conscience, c'est que les tortionnaires – ceux qui ont exécuté les ordres – sont arrêtés dès qu'ils mettent le pied sur le territoire français contrairement à ceux qui ont donné les ordres.

Nous vous invitons à voter ces amendements. Nous donnerions une belle image de la France au regard de notre histoire. Nous ne pouvons pas légiférer sans penser aux victimes.

La loi n'est pas seulement faite pour punir. Elle est faite pour…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

…dissuader, en effet.

Pour dissuader, je vous invite à voter ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il est question d'action et de subsidiarité.

M. le secrétaire d'État nous dit que la Cour pénale internationale peut agir. Nous, tout comme des membres de groupes politiques différents, proposons que la France agisse dès lors que la personne concernée est présente sur le territoire français parce qu'elle « doit » agir au nom des engagements qui sont les siens, de son rang et du message qu'elle a toujours délivré dans le monde.

En tant que président du groupe d'amitié France-Israël, l'intervention de M. Goasguen a été extrêmement malhabile.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il est très malhabile d'assimiler des ministres israéliens à des génocidaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Heureusement, au-delà de nos clivages politiques, nous partageons les mêmes valeurs et avons le même souhait.

L'amendement n° 32 vise à permettre la compétence extraterritoriale des juridictions françaises dès lors qu'un criminel se trouverait sur le territoire français. C'est totalement différent de l'objet de la convention, qui est le problème de la collaboration des autorités françaises avec la Cour pénale internationale.

Tout en partageant comme l'ensemble de nos collègues, les mêmes valeurs, je pense qu'un avis défavorable est préférable. Je rappelle en outre qu'un certain équilibre a été trouvé au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 29 , 44 et 62 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 51

Majorité absolue 26

Pour l'adoption 14

Contre 37

(Les amendements n°s 29 , 44 et 62 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 32 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 52

Nombre de suffrages exprimés 48

Majorité absolue 25

Pour l'adoption 17

Contre 31

(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 30 , 45 et 63 .

La parole est à Mme la rapporteure pour avis suppléante, pour défendre l'amendement n° 30 .

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Bourragué

Cet amendement vise à supprimer la disposition qui conditionne la possibilité pour les juridictions françaises de poursuivre un étranger suspecté de crime contre l'humanité ou de crime de guerre au fait que les actes qui lui sont reprochés sont punis par la législation de l'État où ils ont été commis ou au fait que cet État ou celui dont il a la nationalité est partie au Statut de Rome.

Cette condition de double incrimination pose problème. Elle ne signifie pas que les faits doivent recevoir une incrimination identique dans les deux États. Ils doivent être effectivement réprimés dans l'autre pays, même s'ils y sont qualifiés différemment et si on leur applique des peines moins sévères. Si une partie des crimes visés par le Statut de Rome, comme les meurtres ou les viols, sont sanctionnés dans tous les pays, tel n'est pas le cas de tous les crimes contre l'humanité et de tous les crimes de guerre.

Si la compétence de la France est conditionnée à l'existence des crimes dans le droit de l'autre pays, elle ne pourra pas s'exercer pour certains faits commis dans les pays où le droit est moins complet et moins sévère et où il n'y a aucune chance qu'ils soient poursuivis par la justice nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à M. Yanick Paternotte, pour défendre l'amendement n° 63 .

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

http: www.assemblee-nationale.frtribunfiches_id2073.aspM. Thierry Mariani, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la condition de double incrimination qui exige que les faits reprochés soient punis tant par la législation française que par celle de l'État où ils ont été commis.

Cette condition n'est jamais que la traduction du principe de légalité des peines. Elle vise à conférer une légitimité juridique à l'intervention des juridictions françaises. Elle n'implique en revanche pas qu'il faille que les faits aient une incrimination identique dans les deux États. Les faits doivent effectivement être réprimés dans l'autre pays même s'ils sont qualifiés différemment ou si on leur applique des peines différentes. Comment justifier que l'on poursuivrait quelqu'un pour des faits qui ne sont pas punis dans son propre pays ? Ce serait aller à l'encontre du principe fondamental de légalité des délits et des peines.

J'ajoute qu'aucun pays au monde ne laisse le meurtre ou les faits de barbarie impunis dans sa législation pénale. On ne peut donc pas arguer qu'en maintenant la condition de double incrimination, on laisserait impunis les auteurs d'un génocide par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l'amendement n° 45 .

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

La condition d'une double incrimination nous semble une restriction inadmissible. Par définition, puisqu'il s'agit de crimes internationaux, demander une incrimination dans le pays d'origine et dans le pays où a lieu la poursuite est une manière de vider cette notion de crime international de son sens.

Là encore, c'est un verrou qui va rendre ce texte plus difficilement applicable ; il faut le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable.

Ce critère de la double incrimination est une exigence universellement reconnue des droits de l'homme. De plus, comme l'a souligné le rapporteur, cela n'empêche pas de poursuivre des faits graves. D'ailleurs, contrairement à ce qui est expliqué dans l'exposé sommaire de ces amendements, il n'est imposé une identité ni des qualifications ni des peines encourues.

Aucun fait grave, que ce soit un génocide, un assassinat, un viol, n'échappera à la compétence des juridictions françaises en raison de cette exigence de double incrimination ; tout le monde en a conscience. Il n'y a pas de risque.

(Les amendements identiques nos 30 , 45 et 63 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 31 , 46 rectifié et 64 qui sont défendus.

(Les amendements identiques nos 31 , 46 rectifié et 64 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L'article 7 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Les articles 8 et 9 ne font l'objet d'aucun amendement.

(Les articles 8 et 9, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je suis saisie d'un amendement n° 51 , portant article additionnel après l'article 9.

La parole est à Mme George Pau-Langevin.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Nous demandons un rapport sur la manière dont les choses vont se passer. La France collabore grandement au fonctionnement de la Cour internationale et, d'après les éléments que nous avons, ce n'est pas très satisfaisant. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons y voir un peu plus clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Mariani

Défavorable.

Si, sur le principe, je ne suis pas hostile à un rapport, je ne peux pas accepter cet amendement, dont la rédaction est ouvertement provocatrice. Franchement, mes chers collègues, je pense que vous n'avez aucun doute sur la capacité de la France à collaborer avec la Cour pénale internationale !

(L'amendement n° 51 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Dans les explications de vote, la parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Le texte sera définitif puisque nous allons voter sur le projet qui a été adopté par le Sénat après un remarquable travail ayant uni les sénateurs de gauche et de droite dans une commune défense française, nationale, de notre conception de la défense des droits de l'homme. Par conséquent, ce n'est pas un texte de régression ; il apporte au contraire, sur un certain nombre de points, des précisions indispensables.

Je ne voudrais pas qu'il reste l'idée que la France serait en retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Goasguen

Elle est au même niveau que la plupart des pays européens qui ont adopté à peu près les mêmes conditions pour ce qui concerne l'article 7.

Je tiens aussi à rassurer nos amis en prenant un cas particulier.

On recherche dans le monde entier un criminel de guerre serbe qui est toujours en fuite. S'il est en France, il est évidemment déféré devant les tribunaux, pour une raison très simple, c'est que la France a signé pour la constitution d'un tribunal sur les crimes commis en ex-Yougoslavie. Dans la plupart des cas, des conventions internationales ont été signées, qui, sur le terrorisme ou sur des atteintes diverses, constituent des paravents internationaux et permettent d'implanter un vrai système de droits de l'homme défendus par les États. Ne vous inquiétez donc pas.

Le problème de la CPI est qu'elle constitue une institution qui a du mal à s'universaliser, d'abord parce que l'état d'esprit n'est plus tout à fait le même aujourd'hui. Les nations sont différentes et l'on voit bien que le droit de la guerre n'est malheureusement plus le même.

J'ai évoqué le rapport Goldstone – Mme Mazetier ne connaît visiblement pas le dossier – parce que cela pose le problème du droit de la guerre. Le Conseil de sécurité l'a adopté et peut donc saisir la Cour pénale internationale. Si ce rapport devient la règle commune internationale, si les responsables d'une nation souveraine envoyant leur armée nationale contre un pays qui n'en est pas un, qui se sert des civils pour mener une guerre révolutionnaire, transformant ainsi totalement les données, sont condamnés par la Cour pénale internationale, ils ne pourront plus venir sur le sol français. L'accusation de Mme Mazetier fait sourire quand on connaît le dossier. Le cas est très grave et un certain nombre d'organisations se sont d'ailleurs élevées contre cette déviance de la jurisprudence internationale.

Il n'y a plus de conflits internationaux ni de guerres au sens propre du terme, la terminologie même de déclaration de guerre a disparu depuis la guerre des Malouines. Tout se modifie et, au vu de la fragilité de la construction d'un droit international de la guerre, nous devons continuer notre chemin avec notre vision nationale des droits de l'homme.

Je regrette que M. Grand oublie qu'un député maire du 16e arrondissement est d'abord un député de la République. Je mets ses mots sur le compte d'une adrénaline mal maîtrisée et j'aurai l'occasion, je l'espère, dans d'autres cénacles, de lui expliquer vigoureusement mon point de vue à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il y avait un mot d'ordre pour cette séance : ne rien changer au texte, pas une virgule, pas un point. Comme vous l'avez indiqué, monsieur Goasguen, il est ainsi définitif et tel était votre objectif.

Vous aviez la possibilité de marquer en droit les crimes particuliers commis sur des femmes, les viols, de tenir compte de l'évolution des crimes de guerre. Vous ne l'avez pas voulu.

Vous aviez la possibilité de ne pas faire de la France une terre d'accueil des criminels. Vous en avez décidé autrement. On peut d'ailleurs se demander quels intérêts vous protégez, monsieur Goasguen, mais vous venez peut-être de nous apporter des éclaircissements. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ce texte aurait dû dissuader tout individu de commettre des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre. Vous ne l'avez pas voulu à cette hauteur, et vous n'avez pas respecté l'histoire de notre pays qui exige que nous ayons un texte exemplaire pour que les crimes de guerre soient punis en France. Ainsi que je l'ai déjà indiqué, si les tortionnaires sont arrêtés dès qu'ils posent le pied sur notre sol parce qu'ils ont exécuté des ordres, ceux qui les ont donnés sont, grâce à vous, libres de circuler.

Vous n'avez même pas donné aux victimes la possibilité de se défendre puisque vous avez maintenu le monopole du parquet.

Vous aviez une mission, monsieur Goasguen, celle de protéger les criminels israéliens. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je n'ai pas évoqué une seule fois cette question ; c'est vous qui avez fait systématiquement référence à Israël et à Gaza.

Oui, vous voulez protéger les criminels ! Vous voulez protéger Ehud Olmert, principal criminel coupable d'avoir perpétré à Gaza des crimes de guerre ! Vous le savez, le rapport Goldstone le montre. Vous voulez peut-être aussi protéger les criminels qui ont commandité l'attaque contre la flottille pour Gaza. Là, il ne s'agissait pas de Gazaouis. La démonstration est faite que ces personnes pourront venir tranquillement à Paris visiter leurs familles sans être arrêtés.

Nous voyons donc bien les intérêts de cette méthode, et cela pose une question : devrons-nous à l'avenir voter de manière systématique les textes adoptés par nos collègues du Sénat sans pouvoir changer une seule virgule ? Quel rôle jouons-nous, quelle utilité avons-nous eue pendant cette séance ? Nous aurions pu faire grandir l'image de l'Assemblée nationale ; nous ne l'avons pas fait. Pour ces raisons, le groupe GDR votera contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

Encore une fois, le groupe SRC regrette que cette grande idée de la CPI soit quelque peu gâchée non seulement par les difficultés qu'elle a à se mettre en place mais, surtout, par les restrictions que vous avez introduites aujourd'hui.

Nous avons souhaité que vous reveniez sur des verrous qui nous semblent tout à fait inadaptés, à propos de la double incrimination, du monopole du parquet, de la résidence habituelle et même de la prescription, mais nous nous sommes heurtés à chaque fois à une position cadenassée de la majorité.

Nous finissons par nous demander si, comme l'a dit M. Goasguen, l'idée n'est pas de limiter la portée du texte pour éviter d'avoir quelques problèmes politiques désagréables. Notre collègue a notamment évoqué le fait que l'on ait parfois enlevé de grands criminels dans des conditions qui ne semblaient pas conformes aux textes. Plus récemment, souvenez-vous, un criminel qu'on refusait de livrer à la France s'est retrouvé de manière tout à fait opportune sur le territoire de la Guyane, ce qui a permis de lancer les poursuites. Récemment, un père de famille désespéré parce que l'on n'arrivait pas à extrader le criminel qui avait tué sa fille, l'a en quelque sorte livré sur le territoire français.

Quand on a affaire à des criminels odieux, des criminels ayant commis des crimes contre l'humanité, il faut avoir une conception assez large pour qu'il puisse réellement y avoir des poursuites. Sinon, nous aurons voté un texte pour lequel il ne pourra pas y avoir le moindre début d'application et ce sera vraiment gâcher une bonne idée. C'est la raison pour laquelle le groupe SRC votera contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Vautrin

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur le projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma