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Séance en hémicycle du 21 mai 2008 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • constitutionnelle
  • exécutif

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Albert Likuvalu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Apeleto Albert Likuvalu

Ma question s'adresse au ministre de la défense et concerne la position de la France sur l'interdiction des bombes à sous-munitions. Une conférence très importante sur ces armes, dites BASM, s'est ouverte lundi à Dublin, sous l'égide de l'ONU. Cette conférence a pour objectif de parvenir à un traité sur l'interdiction des BASM qui, comme les mines antipersonnel, ont pour caractéristique de ne faire aucune distinction entre populations civiles et populations militaires. Chacune de ces bombes répand sur un vaste périmètre une grande quantité d'explosifs dont 5 à 30 %, selon les modèles, n'explose pas au contact du sol aussitôt après le largage, mais bien après la fin des conflits, ce qui explique que ces armes de guerre tuent et blessent de très nombreux civils, principalement des enfants.

Il a fallu attendre février 2007 et la conférence d'Oslo pour que notre pays se rallie enfin à cette cause internationale. Toutefois, sa position demeure très ambiguë car, à la différence des organisations humanitaires et de la plupart des États présents à Dublin, la France ne revendique pas une interdiction totale des bombes à sous-munitions. Très cyniquement, notre gouvernement avance des arguments techniques pour exclure du champ de l'interdiction certaines catégories de BASM – précisément les catégories qui correspondent à nos stocks ! Comment la France peut-elle ne pas s'engager totalement en faveur de l'interdiction, alors que notre pays a ratifié le traité d'Ottawa de 1997 sur l'interdiction des mines antipersonnel ? Quelles raisons éthiques pourraient justifier l'interdiction des secondes, mais pas des premières ?

La France va-t-elle permettre à la conférence de Dublin d'aboutir enfin à l'adoption d'un traité d'interdiction totale des bombes à sous-munitions, ou bien allez-vous, comme en matière de droits de l'homme, poursuivre sur le chemin du double langage et du grand écart entre la parole et les actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienRama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme

Monsieur le député, M. le ministre de la défense et M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants étant retenus par une cérémonie commémorative, je suis chargée de vous répondre, et j'espère que vous ne perdrez pas au change ! (Sourires.) Votre question me paraît d'ailleurs s'adresser aussi bien au ministère de la défense qu'à celui des affaires étrangères et européennes, pleinement engagé dans la négociation qui s'est ouverte à Dublin le lundi 19 mai. Cette conférence doit couronner près de deux années d'efforts intenses de la communauté internationale pour mettre fin aux drames intolérables causés par les armes à sous-munitions sur les populations civiles.

Depuis la conférence d'Oslo en février 2007, la France fait partie des premiers États mobilisés autour d'un objectif commun très clair : empêcher de nouveaux drames humanitaires. À ce titre, la France a l'honneur d'avoir été choisie comme l'un des vice-présidents de la conférence de Dublin. La mobilisation de tous les pays participant au processus d'Oslo est nécessaire pour mettre fin aux souffrances infligées aux populations civiles dans leur chair, et je suis convaincue qu'un accord est possible dès la conférence de Dublin, à la condition d'associer d'emblée, dans un esprit de consensus et en tenant compte des situations sur le terrain, le plus grand nombre possible d'États autour d'un texte ambitieux et concret.

Pour atteindre cet objectif à Dublin, il nous faut encore travailler sur plusieurs sujets majeurs : la définition des armes à sous-munitions dangereuses, l'interopérabilité entre États parties et non-parties au futur traité, enfin notre niveau d'ambition en matière de dépollution et d'assistance aux victimes.

Soyez assuré, monsieur le député, que la France aura une position très ambitieuse sur chacun de ces sujets et qu'elle ne ménagera pas ses efforts pour assurer le plein succès de la conférence de Dublin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire mais, en l'absence de celui-ci, sans doute Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie pourra-t-elle me répondre.

Je veux souligner le double langage du Gouvernement. Hier, à l'occasion de la loi sur les OGM adoptée dans la douleur, vous nous avez vanté les mérites de la transparence. Ce matin, patatras, on se rend compte que vos belles promesses sont démenties dans un autre secteur très sensible, celui du nucléaire. En effet, il a fallu une enquête menée par Greenpeace et l'association britannique Core (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour que nous apprenions qu'un transport de plutonium avait été effectué depuis l'Angleterre dans le plus grand secret et sans le moindre débat. Ce transport de 360 kilos de plutonium, qui doit être retraité avant de repartir vers l'Angleterre, a été effectué par un ferry datant de 1986, loin de répondre aux normes de sécurité et empruntant l'un des rails maritimes les plus fréquentés du monde. Si l'on en croit tout ce que vous nous dites par ailleurs sur le risque terroriste, il y a de quoi se poser des questions sur la sécurité de notre territoire.

Pourquoi la Haute autorité de sûreté nucléaire n'était-elle pas au courant ? Pourquoi le ministre de l'écologie, interrogé ce matin par la presse, a-t-il fait répondre par son cabinet qu'il n'était « pas plus au courant que cela » ? Vous nous avez parlé hier, à l'occasion de la loi sur les OGM, d'une sorte de haute autorité qui ferait la pluie et le beau temps et assurerait la transparence en matière d'OGM. Il se trouve qu'en matière de nucléaire, il existe également un Haut comité pour la transparence et l'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Il va falloir songer à poser votre question, monsieur Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cependant, celui-ci ne se réunira qu'en juin, alors même que le transport de plutonium a déjà été réalisé ! Je veux donc vous poser les questions suivantes : le Gouvernement est-il décidé à prendre ses responsabilités, ou est-ce Areva qui fait la politique dans ce pays, comme les semenciers le font pour les OGM ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quel est le contenu de ce contrat, sur quelle durée et sur quel tonnage porte-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'état chargée de l'écologie

Monsieur le député, votre question, qui fait suite à l'arrivée d'un convoi de matière nucléaire à La Hague, renvoie aux thèmes importants de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Comme vous le savez, les convois sont soumis d'une part à des normes très strictes, d'autre part à des contrôles dont le niveau d'exigence est absolument sans équivalent dans le domaine des matières sensibles et dangereuses.

En ce qui concerne la prévention des accidents lors du transport, les convois sont soumis au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui veille au respect des normes et des standards appliqués. Pour ce qui est de la protection contre d'éventuels actes de malveillance, les convois sont entourés d'une grande discrétion, qui participe de la prévention, mais sont soumis à un contrôle extrêmement rigoureux et placés, tout au long de leur parcours, sous la surveillance discrète des forces de l'ordre. Enfin, le plutonium fait partie des matières soumises à des contrôles spécifiques au niveau international dans le cadre de la lutte contre la prolifération nucléaire. Conformément aux engagements internationaux de la France en ce domaine, tous les mouvements de plutonium sont scrupuleusement suivis par les inspecteurs chargés de veiller au respect du traité Euratom. Comme vous le voyez, c'est un arsenal de mesures sans équivalent qui est mis en place pour maîtriser les risques durant le transport.

En ce qui concerne l'information des citoyens, l'impératif de transparence dans le domaine du nucléaire a été rappelé lors de la loi votée en 2006 par cette assemblée. Les exigences de sécurité et de sûreté en matière de transport de plutonium se fondent sur des documents publics auxquels tout un chacun peut avoir accès, et les inspections de l'Autorité de sûreté nucléaire font l'objet de lettres aux exploitants, elles aussi systématiquement rendues publiques.

Monsieur le député, la politique de la France en matière de sûreté nucléaire est reconnue partout dans le monde, et je ne crois pas que jeter le doute sur les conditions de sécurité lors des transports soit de nature à participer utilement au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de la ville. Le logement, qui constitue l'une des préoccupations essentielles de nos concitoyens, bénéficie de deux sources de recettes : l'État, qui y concourt par le biais de son budget, mais aussi la solidarité professionnelle, au moyen du 1 % logement.

Ce dispositif représente près de 4 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d'euros de retours et 1,5 milliard d'euros collectés auprès des entreprises de plus de dix salariés du secteur privé. Ces 4 milliards d'euros bénéficient aux salariés et aux familles – près d'un million de familles par an sont concernées par ce dispositif – essentiellement par le biais des dispositifs Locapass, Pass-Travaux, et des prêts accession. Le 1 % logement contribue également à l'offre locative, par le biais de ses interventions dans le cadre de l'ANRU, par le financement d'une partie du plan de cohésion sociale, mais aussi par l'intermédiaire de la Foncière du logement.

Madame la ministre, des négociations sont en cours entre partenaires sociaux sur le devenir du 1 % logement. Celles-ci vont porter sur la rénovation de la gouvernance du 1 % et seront l'occasion d'engager des réflexions sur l'utilisation des fonds qu'il draine. Le groupe du Nouveau Centre est très attaché à ce dispositif, ainsi qu'au maillage territorial assuré par le biais des CIL, les comités interprofessionnels du logement, qui concourent à l'aménagement du territoire.

Le maintien d'une part d'aide à la pierre nous paraît également essentiel.

Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement sur le 1 % logement et son avenir ? Quelle sera la nature de votre engagement dans les discussions en cours entre partenaires sociaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.

Debut de section - PermalienChristine Boutin, ministre du logement et de la ville

Monsieur le député, vous manifestez une fois de plus l'intérêt constant que vous portez au 1 % et je vous remercie de me poser cette question qui taraude beaucoup de nos partenaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allo ?

Debut de section - PermalienChristine Boutin, ministre du logement et de la ville

L'ensemble des acteurs concernés considère qu'il est nécessaire de réformer le 1 % logement. Ce sujet a été abordé lors du Conseil de modernisation des politiques publiques, le 4 avril dernier. À cette occasion, il a été décidé de rénover le dispositif ainsi que sa gouvernance afin de réorienter l'utilisation des crédits vers les priorités de la politique du logement, mais aussi de limiter les coûts de gestion. Un objectif d'économie a également été déterminé. Il s'agit de dégager des marges de manoeuvre pour financer les priorités de la politique gouvernementale en matière de logement.

Cela étant, il n'y aura pas de budgétisation des fonds du 1 % logement. Je souhaite que l'utilisation des fonds soit recentrée sur les politiques prioritaires de l'État dans le domaine du logement, qui préoccupe tous nos concitoyens. Il convient notamment de soutenir la politique de rénovation urbaine et son élargissement aux quartiers anciens, ce qui devrait intéresser bon nombre de maires. Il importe également de favoriser l'accession sociale à la propriété par le pass-foncier, de développer des actions en direction des populations bénéficiant des dispositions de la loi DALO ou des salariés ayant de faibles revenus. Il faut enfin instaurer la garantie du risque locatif.

C'est dans ce cadre que je vais prochainement engager les négociations avec les représentants du 1 %. Les conclusions de ces dernières seront reprises dans le projet de loi de mobilisation pour le logement que le Premier ministre a annoncé dimanche dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le Premier ministre, la discussion sur la réforme des institutions a commencé hier soir, à 21 heures trente, par votre intervention, qui, sans flagornerie – ce n'est pas mon genre –, était tout simplement remarquable. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Elle a en effet posé d'emblée le débat : voulons-nous, majorité et opposition confondues, plus de pouvoir et de responsabilité pour évaluer et faire la loi, pour contrôler l'action de l'exécutif, bref, pour assumer notre rôle de représentants de la nation ?

La commission des lois et son rapporteur, Jean-Luc Warsmann, dont je tiens à saluer la qualité des travaux, (Mêmes mouvements) a proposé et fait adopter de nombreux amendements visant à enrichir le texte du Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, quel est votre état d'esprit, alors que s'engagent ces débats qui vont nous passionner pendant une semaine ? Comment jugez-vous l'attitude pour l'instant fermée de l'opposition ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Souhaitez-vous poursuivre les discussions avec la même ouverture d'esprit que vous avez manifestée jusqu'à présent s'agissant de l'évolution de nos institutions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Mes félicitations iront aussi aux orateurs de l'opposition.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Comme cela a été dit hier, modifier la Constitution, ce n'est pas voter n'importe quelle loi. C'est modifier la loi commune. Or on ne peut le faire en opposant un camp à l'autre.

C'est la raison pour laquelle, après avoir pris l'engagement pendant la campagne présidentielle de rééquilibrer les pouvoirs au profit du législatif, nous avons cherché les éléments d'un consensus entre la majorité et l'opposition pour réformer la Constitution. À cet égard, je veux à mon tour rendre hommage à la commission présidée par Édouard Balladur et à laquelle des personnalités éminentes, dont certaines sont présentes dans cet hémicycle, ont apporté leurs compétences et leur ouverture d'esprit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Mesdames, messieurs les députés, rechercher un consensus, c'est naturellement faire des compromis.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

La gauche estime que cette réforme constitutionnelle ne va pas assez loin dans le sens du rééquilibrage des pouvoirs en faveur du législatif.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Oui !

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Certains considèrent qu'en donnant plus de pouvoirs au Parlement, nous allons porter atteinte à l'équilibre de la Ve République.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Nous n'arriverons pas à modifier nos institutions si, au moins, nous ne respectons pas les arguments des uns et des autres. C'est la raison pour laquelle je me réjouis de la manière dont le débat s'est engagé hier soir. Naturellement, des divergences existent entre nous. Naturellement, nous ne parviendrons pas à les surmonter toutes. Il m'a cependant semblé que, des deux côtés de cet hémicycle, vous étiez d'accord pour engager un vrai débat de fond et tenter, tout au long de la discussion parlementaire, d'améliorer le projet.

Debut de section - PermalienFrançois Fillon, Premier ministre

Dans un tel débat, aucun cri n'est de mise, aucune condition ne peut être posée puisque celle-ci entraînera naturellement la défection d'une autre partie de l'Assemblée ou du Sénat. Il faut que notre Constitution soit rééquilibrée. Nous pensons que c'est nécessaire car elle a été modifiée plusieurs fois au cours des années. Du reste, et je m'adresse là à ceux qui ne veulent pas qu'on touche à l'esprit de la Ve République, le texte dont nous parlons aujourd'hui n'est plus tout à fait celui de 1958 ; il a déjà été profondément modifié. C'est pour cela qu'il faut aujourd'hui moderniser nos institutions.

Mesdames, messieurs les députés, je souhaite que ce débat se poursuive dans l'esprit dans lequel il s'est engagé hier soir. Le Gouvernement est ouvert : il entendra les arguments des uns et des autres pour parvenir à un consensus. Mais le moment arrivera où chacun sera devant ses responsabilités. Alors que les occasions de modifier les institutions de notre République sont rares, chacun devra s'interroger. Vaut-il mieux engranger des progrès considérables s'agissant des pouvoirs du Parlement ou, au motif que nous n'arrivons pas à obtenir la constitution idéale dont parlait Arnaud Montebourg, hier, et qui est différente pour chacun d'entre nous, faut-il en rester au statu quo pour regretter ensuite, pendant des années, de n'avoir pas engagé cette réforme ? Je souhaite que chacun mesure bien que la possibilité de réformer les institutions de la République n'est pas souvent donnée au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Madame la ministre de la santé, les hôpitaux publics vont mal, très mal même. Le Gouvernement les a délibérément négligés, a organisé leur mise en déficit, notamment en baissant brutalement les tarifs de 3 %, et, avec la réforme annoncée de la carte hospitalière, il veut les contraindre à réduire leurs services ou à disparaître.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Le Gouvernement avait pourtant les moyens de les aider.

Dès l'été 2007, avec les désormais trop fameux 15 milliards d'euros de cadeaux fiscaux, vous avez décidé de réduire le bouclier fiscal de 60 à 50 %, ce qui revient pour l'État à faire un cadeau d'un milliard d'euros pour rembourser – eh oui, rembourser ! – l'impôt des plus riches des riches. Notons au passage que cela ne les a pas fait revenir en France !

Or 1 milliard, cela représente, mes chers collègues, la totalité des déficits cumulés, l'écart entre les dépenses et les recettes de tous les hôpitaux publics de France ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Si vous aviez fait, madame la ministre, le choix politique de donner 1 milliard d'euros aux hôpitaux publics, tous seraient en équilibre et, nous n'aurions pas aujourd'hui dans toutes nos régions tant d'hôpitaux auxquels maintenant le Gouvernement demande de couper dans les dépenses, de licencier du personnel, ou même de disparaître !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, l'hôpital de Lens enregistre un déficit de 17 millions d'euros. Quant à l'hôpital de Lille, vous lui demandez de procéder à près de 300 suppressions d'emplois. Dans ma circonscription, à Roubaix, le déficit de l'hôpital Provo est de 6,3 millions d'euros et 200 emplois sont menacés. La situation est grave. Les élus et les personnels sont terriblement inquiets, comme l'est une population déjà durement touchée par vos franchises médicales, et qui ne sait pas si elle aura encore longtemps accès à tous les services de son hôpital public.

Madame la ministre, l'accès aux soins pour tous est vital. J'ai donc trois questions à vous poser.

Etes-vous prête à demander l'annulation du bouclier fiscal à 50 % (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour avoir les moyens de remettre à flot les hôpitaux publics de ce pays ? Ce ne serait que justice car vous reprendriez de l'argent aux plus riches pour permettre l'accès aux soins de tous les Français.

Avez-vous conscience que la politique du Gouvernement est en train d'étrangler progressivement la quasi-totalité des hôpitaux publics du pays ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et les 35 heures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Baert

Allez-vous dégager les moyens nécessaires pour redresser les finances des hôpitaux et éviter la disparition d'hôpitaux publics, de services, et donc la dégradation de l'offre de soins dans nos régions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Monsieur le député, vous avez un certain culot ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous osez parler du déficit des hôpitaux publics alors que celui-ci est en grande partie lié à l'instauration de la désastreuse loi des 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui ont gravement perturbé le fonctionnement de l'hôpital public. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je n'accepte pas, monsieur le député, que vous disiez que je me désintéresse de la gestion des hôpitaux publics alors que toute ma politique vise précisément à moderniser l'hôpital public pour assurer sa pérennité. C'est ainsi que nous avons fixé un objectif national des dépenses d'assurance maladie à 3,2 %, c'est-à-dire bien supérieur à l'augmentation de la richesse nationale. C'est pourquoi nous mobilisons 10 milliards d'euros dans le cadre du plan Hôpital 2012 pour moderniser nos hôpitaux publics. C'est aussi pour cela que j'ai veillé à ce que les heures supplémentaires et les comptes épargne temps puissent être monétarisés. Dans quelques semaines, les employés des hôpitaux et les praticiens, dont je veux saluer la qualité et l'implication, recevront ce qui leur est dû.

Voilà, monsieur le député, ce que je voulais vous dire. Cela étant, il y a des problèmes dans l'hôpital public. C'est la raison pour laquelle j'accompagne sur le plan à la fois technique et financier les hôpitaux qui ont besoin de restructurer leurs comptes. Ainsi, l'hôpital de Roubaix, qui vous tient particulièrement à coeur, est un établissement public de référence du territoire. Nous préfigurons ce que sera une communauté hospitalière de territoire en renforçant le partenariat Roubaix-Wattrelos. Dans le cadre du programme Hôpital 2012, j'examine la demande de subvention pour la reconstruction de la maternité de Roubaix, et l'ARH Nord-Pas-de-Calais accompagne l'hôpital de Roubaix dans son retour à l'équilibre. C'est ainsi que nous sauverons l'hôpital public, en le modernisant, et non pas en nous réfugiant dans l'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.-Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Étienne Mourrut, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Mourrut

Ma question, à laquelle j'associe Gilles d'Ettore, maire d'Agde, s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, depuis quelques mois, le Gouvernement a pris la mesure des difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises de pêche en engageant un plan pour une pêche durable et responsable. D'ores et déjà, 53 millions d'euros ont été engagés et 30 millions d'euros versés au titre de 2008, pour renforcer la viabilité économique et développer une meilleure connaissance de la ressource halieutique.

Ces dernières semaines, la situation s'est encore aggravée, du fait notamment de l'augmentation spectaculaire du prix du pétrole.

La situation économique et sociale des marins pêcheurs, qu'ils soient en mer du Nord, en Manche, en Atlantique, en Méditerranée ou bien outremer, est particulièrement fragilisée. Pour exemple, on fixe, en Méditerranée, le seuil de tolérance du coût du carburant autour de 25 % du coût global de l'activité. Or l'achat de gasoil représente aujourd'hui près de 50 % de ce coût total, ce qui met bien sûr en péril la viabilité des professionnels.

Ces professionnels ont été, il y a quelques années encouragés par des subventions à moderniser leurs navires et, par conséquent, à s'endetter ; ils sont soumis à la loi des quotas – difficilement compréhensible –, à des contraintes drastiques qui pèsent sur leur outil de travail et enfin à des contrôles de plus en plus nombreux de leurs activités de pêche. Ils sont désespérés !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche était, le lundi 19 mai, avec les membres de la Commission européenne, laquelle a donné son accord de principe sur une partie du plan. Ce matin, les représentants des professionnels de la pêche ont été reçus au ministère. À cette heure, pourriez-vous faire part à la représentation nationale des intentions du Gouvernement pour adapter les mesures du plan de pêche aux nouvelles difficultés de l'activité halieutique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, qui est aussi porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Monsieur Étienne Mourrut, je vous prie d'excuser Michel Barnier qui est en ce moment même avec les représentants des pêcheurs.

Dans un courrier qu'il a adressé hier au président du Comité national des pêches maritimes, le Président de la République a rappelé sa détermination à défendre les intérêts de ce secteur, stratégique pour notre économie avec ses vingt-deux mille pêcheurs…

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

…et ses cinq mille navires.

Depuis novembre dernier, le Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre, a mis en place avec Michel Barnier un plan exceptionnel, à la fois par son montant – 310 millions d'euros – mais aussi par son ambition et sa volonté de répondre à l'urgence tout en apportant des réponses structurelles à la problématique de la pêche dans notre pays.

Bien sûr, la hausse continue du gasoil que vous avez évoquée constitue une circonstance nouvelle et grave. Il convient donc pour le Gouvernement d'accélérer et d'amplifier la mise en oeuvre de ce plan exceptionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, secrétaire d'état chargé de l'industrie et de la consommation

Le Gouvernement a décidé d'agir dans quatre directions. Il a pris, tout d'abord, trois mesures immédiates pour répondre aux situations d'urgence : le versement du solde des aides d'urgence – soit 22 millions d'euros –, et ce dès le 1er juin ; le déblocage de 10 millions d'euros pour la mise en place d'une enveloppe d'aide sociale destinée aux familles des marins pêcheurs les plus en difficulté, et enfin l'attribution d'une enveloppe de 15 millions d'euros pour la mise en oeuvre du mécanisme des arrêts temporaires pour les pêcheries.

En second lieu, une table ronde doit réunir les représentants de la profession et ceux de la grande distribution, afin de clarifier la position de chacun dans la chaîne, notamment sur la question des marges et de la fixation des prix.

En troisième lieu, il est prévu un renforcement des mesures structurelles du plan pêche, qui sera mis en oeuvre sur deux ans et non plus sur trois.

Enfin, les quarante-cinq dossiers qui avaient été présentés au plan de sortie de flotte sans être retenus le seront grâce à 8,8 millions d'euros supplémentaires. La mobilisation va également se renforcer autour des contrats bleus et des contrats gris, que vous connaissez. Pour conclure, des mesures structurelles sont envisagées pour moderniser et restructurer la flotte française mais aussi renforcer la sécurité des pêcheurs.

Vous le voyez, monsieur Mourrut, le Gouvernement veut à la fois agir pour répondre à l'urgence de la situation et réformer de manière structurelle la pêche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ma question s'adresse à Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur le ministre, c'est un président et un gouvernement plein d'autosatisfaction qui viennent de fêter leur première année aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce contentement me paraît tout à fait outrancier au regard du gouffre existant entre vos promesses… (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, je vous invite au calme. Il est exact que M. Roy perturbe souvent la sérénité bien connue de nos travaux par ses interventions. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il a compris votre message et ne recommencera pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je ne promets rien, moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'évoquais en revanche le gouffre existant entre vos promesses électorales et la politique que vous conduisez. Nicolas Sarkozy devait être le président du pouvoir d'achat, celui qui revaloriserait par la seule magie du verbe les petites retraites et les bas salaires. Un an après, non seulement le pouvoir d'achat n'a pas augmenté mais il ne cesse de chuter. Les prix des denrées alimentaires et de l'énergie explosent ; les salaires stagnent. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'en viens aux retraités, monsieur le ministre. Quand nous dénoncions en ce début d'année votre volonté de baisser le pouvoir d'achat des retraités, vous nous répondiez : « Faites nous confiance, vous allez voir ce que vous allez voir, nous tiendrons nos promesses ! »

Eh bien, nous avons vu ! une revalorisation des pensions de 1,1 % en ce début d'année, 0,8 % annoncés pour le mois de septembre… tout cela fait 1,9 %, soit un taux très inférieur à l'inflation annoncée – supérieure à 3 % – et surtout très nettement inférieur à l'inflation des denrées alimentaires, qui ont augmenté de 9 % depuis un an.

C'est vertigineux ! Les chiffres sont cruels : votre gouvernement est bien celui de la baisse du pouvoir d'achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Le président que vous soutenez est bien celui de la baisse du pouvoir d'achat ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Monsieur le ministre, quand allez-vous réellement vous occuper du pouvoir d'achat des retraités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Monsieur le député, pour vos propres interventions, vous ne promettez rien ; en matière de retraites, vous ne proposez rien ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Concernant le pouvoir d'achat des retraités, vous savez pertinemment qu'après la revalorisation de 1,1 % prévue pour le début de l'année, nous avions pris l'engagement de réagir dès les chiffres de l'inflation connus. Nous avons pris nos responsabilités en décidant une augmentation supplémentaire des pensions de 0,8 % au 1er septembre 2008, puis chaque année au 1er avril, comme les retraites complémentaires, de façon à garantir le pouvoir d'achat des retraités.

Je m'étonne, monsieur Roy, que vous n'ayez pas dit que ceci représentait en année pleine un milliard d'euros de pouvoir d'achat supplémentaire pour les retraités ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous n'avez pas dit non plus que si cette proposition a été faite il y a trois semaines, vous ne posez votre question qu'aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais, en matière de retraites, vous êtes plus forts pour poser des questions que pour apporter des réponses !

Vous me donnez l'occasion d'apporter par ailleurs des précisions sur l'action du Gouvernement en faveur des retraités. Nous allons augmenter les pensions de réversion pour les porter de 54 à 60 % : vous ne l'avez pas fait ! Nous allons également augmenter le minimum vieillesse de 25 % ; 200 euros ont d'ores et déjà été versés dès cette année, et nous poursuivrons les revalorisations de 5 % par an.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Monsieur Roy, vous savez pertinemment que, pour que les pensions ne baissent pas, il faut réformer et moderniser notre système de retraites. C'est la seule façon de conserver nos retraites par répartition. Mais, une fois encore, vous avez été très forts pour commander des rapports mais beaucoup moins courageux quand il s'est agi de réformer ! Et parce que vous n'avez pas osé réformer, vous nous avez apporté la preuve que socialisme rime avec conservatisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Madame la ministre, il y a dix ans la majorité socialiste de l'Assemblée nationale votait la loi Aubry instaurant les 35 heures, sans aucune concertation avec les syndicats. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dix ans après, les économistes sérieux constatent que les entreprises françaises ont perdu en compétitivité parce que le coût du travail a augmenté de manière inconsidérée mais aussi parce que les salariés en travaillant moins ont perdu en pouvoir d'achat. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Je ne parlerai même pas du surcoût des 35 heures pour le budget de l'État, qui a dû compenser leurs charges aux entreprises en même temps que le coût du service public s'envolait, comme on a pu le voir dans les hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Déjà, en 2004, l'Assemblée nationale créait une commission d'enquête dont le rapporteur était Hervé Novelli, qui concluait à l'urgence de desserrer ce carcan, en jouant notamment sur les heures supplémentaires. Bien sûr, comme l'a précisé hier Xavier Bertrand, il n'est pas question de revenir sur la notion de durée légale du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Hier également, le Président de la République en personne déclarait : « Les 35 heures, nous allons les garder comme référence, notamment pour savoir à quel moment débutent les heures supplémentaires, et laisser les partenaires sociaux en discuter. »

Madame la ministre, pour répondre à la demande des salariés et des entreprises, vous avez mis en place la loi TEPA, instaurant les heures supplémentaires défiscalisées. Ce dispositif, voté en juillet, a été mis en place en un temps record, le 1er octobre. C'est déjà un succès, puisque près de 60 % des entreprises y ont recours.

Vous souhaitez maintenant aller plus loin en donnant plus de souplesse à ce système. Pourriez-vous nous préciser vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur Dominique Tian, vous posez la question cruciale pour notre pays de la compétitivité, du plein-emploi et de la croissance.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Permettez-moi d'abord un constat rapide : un salarié français travaille chaque année en moyenne cent dix heures de moins que les salariés des autres pays de la zone euro. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il travaille peut-être mieux mais il travaille moins, non seulement pendant l'année mais également au cours de sa vie professionnelle.

Notre insuffisante mobilisation du travail – l'une des plus faible de l'OCDE – explique à elle seule les importants écarts de revenus entre le salarié français et son homologue américain, suédois ou britannique.

Le passage aux 35 heures a réduit la durée moyenne du travail de deux heures par mois entre 1998 et 2002. Si nous arrivons à modifier ce différentiel au cours des cinq prochaines années, nous regagnerons près de 0,75 point de croissance, ce qui n'est pas négligeable. C'est en tout cas l'objectif que le Gouvernement s'est fixé.

C'est dans ce contexte que nous avons souhaité mettre en place un système permettant aux entreprises de recourir à des heures supplémentaires dans des conditions particulièrement favorables pour les salariés, puisqu'elles sont majorées de 25 %, détaxées et exonérées de charges sociales.

Le mécanisme des heures supplémentaires fonctionne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J'en veux pour preuve le nombre des entreprises qui y ont recours, qui n'a cessé de croître depuis six mois : elles sont 60 % à l'utiliser, et 33 % pour les entreprises de moins de dix salariés.

En tout état de cause, on ne peut pas dire que ce mécanisme a pu nuire à la croissance de l'économie française, qui s'établit à 2,2 % en 2007 et à 0,64 % au premier trimestre 2008 : ces chiffres sont en partie dus à la liberté que procure le dispositif.

Vous évoquiez, monsieur Tian, l'entrave et la liberté. Nous avons clairement choisi la liberté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous allons poursuivre en ce sens en libérant, dès l'année prochaine je l'espère, le contingent des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Guibal

Madame la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, vous avez évoqué tout à l'heure les conséquences funestes de l'application de la loi sur les trente-cinq heures à l'hôpital. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je voudrais y revenir.

Depuis sa mise en place, la réduction du temps de travail pose à l'hôpital des problèmes plus importants que dans les autres secteurs d'activité. C'est peu de dire que, tant au niveau des principes que de la mise en oeuvre, cette réforme n'est pas adaptée au fonctionnement des services de santé publique.

Il suffit de se remémorer que les missions de l'hôpital s'exercent dans le respect de certaines règles – telles que la continuité des soins et l'obligation d'accueillir, 24 heures sur 24, 365 jours par an, tous ceux qui peuvent en avoir besoin – pour comprendre que la rigidité de la réduction du temps de travail n'est pas compatible avec elles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Le système qui a néanmoins été mis en place à l'hôpital a eu pour conséquence que les heures supplémentaires s'y sont accumulées, que les jours de RTT s'y sont additionnés sur des comptes épargne temps, et que la situation est donc allée en empirant.

Pour y remédier, madame la ministre, vous avez signé, en janvier dernier, un protocole d'accord avec les syndicats de praticiens hospitaliers et, en février, un protocole d'accord avec les syndicats de la fonction publique hospitalière.

Pouvez-vous nous dire où en est aujourd'hui l'application de ces protocoles d'accord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Debut de section - PermalienRoselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Monsieur le député, il n'est pas inutile de rappeler quelle était la situation au 1er janvier 2008 : 1,6 million de journées stockées sur les comptes épargne temps des praticiens hospitaliers, 2,6 millions de journées stockées sur les comptes épargne temps des autres personnels de la fonction publique hospitalière et 23 millions d'heures supplémentaires impayées.

Nous avons donc mené des négociations avec les quatre intersyndicales de praticiens hospitaliers, qui ont abouti le 15 janvier 2008, et avec les huit syndicats de la fonction publique hospitalière, qui ont abouti le 5 février 2008. Au terme de ces négociations, nous avons imaginé, construit ensemble, d'un côté, les modalités de paiement des heures supplémentaires et, de l'autre, les conditions de la monétarisation des comptes épargne temps.

Nous devions par ailleurs régler les problèmes juridiques, ce que nous avons fait avec mon collègue Éric Woerth, non seulement pour monétariser ces CET, mais aussi pour que ces derniers soient transmissibles aux ayants droit en cas de décès d'un membre du personnel ayant stocké des journées sur un CTE.

Aujourd'hui, tous ces problèmes sont réglés. Mercredi dernier, nous avons fait paraître les textes réglementaires – décrets et arrêtés – qui permettront le paiement des CTE et des heures supplémentaires. Les personnels auront tout le mois de juin pour faire leur choix : soit conserver leur CTE, soit récupérer des heures, soit en retirer le paiement. Une fois ce choix opéré, nous pourrons payer, dès le début du mois de juillet, les comptes épargne temps et les heures supplémentaires.

Bien évidemment, nous poursuivons les concertations avec les quatre intersyndicales et les huit syndicats, afin que ne se reproduise plus jamais cette situation ayant conduit à ces stockages. Le dialogue social est très nourri sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Depierre

Ma question s'adresse à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Nous le constatons tous dans nos circonscriptions : l'emploi reste pour beaucoup de nos concitoyens une grande préoccupation. En effet, avoir un emploi, c'est la condition nécessaire, mais pas suffisante, pour qu'ils voient leur pouvoir d'achat progresser.

Comment, en effet, évoquer sérieusement la question du pouvoir d'achat sans replacer au coeur du débat la question de la baisse du chômage ? C'est pourquoi le retour à l'emploi pour tous ceux qui en sont éloignés constitue pour notre majorité, et bien sûr pour le Gouvernement, une priorité.

Les chiffres de l'emploi pour 2007 indiquent que nous sommes plutôt sur la bonne voie : près de 330 000 emplois ont été créés dans le secteur concurrentiel et le taux de chômage continue à baisser pour atteindre 7,5 %, son plus bas niveau depuis 1983. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Dans ce contexte, l'objectif fixé par le Président de la République d'atteindre un taux de chômage de 5 % en 2012 n'a plus rien de chimérique.

Il n'en demeure pas moins que ces créations d'emplois doivent, si nous souhaitons qu'elles aient un impact bénéfique, fort sur le pouvoir d'achat, correspondre à des emplois stables, de qualité, et ne pas être l'expression d'une précarisation de notre marché du travail.

Aussi, monsieur secrétaire d'État, pourriez-vous fournir à la représentation nationale des indications quant à la qualité de ces nombreux emplois créés au cours des derniers mois et de ceux qui le seront prochainement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Monsieur le député, vous m'interrogez sur la situation de l'emploi.

Les chiffres de l'emploi sont bons et, surtout, meilleurs que ceux escomptés. En 2007, notre économie a créé 345 000 emplois dans le secteur marchand, soit 30 000 emplois de mieux que prévu. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Au premier trimestre de l'année 2008, notre économie a déjà généré 40 000 emplois dans le secteur marchand, ce qui est un très bon acquis. C'est la preuve qu'en politique comme ailleurs il vaut mieux écouter ceux qui sont du côté de l'optimisme et de l'action que ceux qui se placent du côté de la critique et du dénigrement. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Vous m'interrogez aussi, avec raison, sur la qualité de ces emplois.

Ce thème fait partie, avec Christine Lagarde, de nos chantiers d'investissement très importants. En aucun cas nous ne voulons acheter l'amélioration de la situation de l'emploi au prix d'une plus grande précarité. Nous sommes particulièrement attentifs à tous les indicateurs en matière de qualité des emplois qui sont créés :…

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

…pourcentage des CDD, pourcentage de l'intérim, durée des contrats offerts et capacité à promouvoir des actions de professionnalisation.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

S'agissant de tous ces indicateurs, là aussi, la situation s'est améliorée au cours des quinze mois écoulés. Et ce même si demeurent des chantiers sur lesquels nous souhaitons travailler, par exemple les emplois de service, pour lesquels des améliorations sont encore possibles.

Ces bons chiffres, c'est vrai, sont une surprise, mais ne sont pas le fruit du hasard : ils sont le résultat de la politique volontariste voulue par le Président de la République et initiée par le gouvernement de François Fillon.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Grâce aux dispositions sur les heures supplémentaires, notre économie, pendant l'année écoulée, n'a jamais autant généré d'heures supplémentaires et d'emplois. La leçon est simple en termes de marché de l'emploi : nous sommes en train de tourner la page de l'erreur historique des trente-cinq heures qui consistait à payer pour que les Français travaillent moins, gagnent moins, et, ce faisant, à détruire de l'emploi.

Debut de section - PermalienLaurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l'emploi

Au contraire, avec le mécanisme des heures supplémentaires, notre choix, aux côtés de Christine Lagarde, est d'impulser une dynamique de création d'emplois, d'amélioration de l'emploi, mais aussi d'amélioration du pouvoir d'achat, comme vous l'avez très justement souligné, monsieur le député. Que ce soit sur les heures supplémentaires, le service public de l'emploi ou la formation professionnelle, notre choix est d'oeuvrer pour ceux qui ont comme seul capital leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Imbert

Monsieur le Premier ministre, je tiens à associer à ma question les députés concernés par le secteur aéronautique.

Le secteur aéronautique et en particulier l'entreprise Airbus traversent une phase difficile.

Les retards de production et de livraison de l'A 380 et de l'A 350 et les conditions de cession des actions du groupe Lagardère font partie des tristes épisodes qui ont ponctué la vie d'Airbus ces dernières années, dont les salariés et les sous-traitants sont les premières victimes.

L'équité de traitement entre les sites allemands et les sites français d'Airbus, la poursuite du processus de cession d'usines, la répartition du plan de production entre les États partenaires nous interpellent et interpellent les salariés.

La fragilisation des usines Airbus, celle des entreprises sous-traitantes après l'annonce, en 2007, du plan d'économies Power 8 et les délocalisations annoncés inquiètent les salariés. Ainsi, Spirit va créer 500 emplois au Texas.

De plus, l'entreprise Latécoère n'est plus en situation de racheter les sites de Saint-Nazaire et de Méaulte. Alors, comment Airbus va-t-il bâtir un grand pôle européen autour de cette entreprise ?

M. Brégier, numéro deux français d'Airbus, annonce des mesures additionnelles au plan d'économies Power 8. M. Enders veut encore demander des « efforts conséquents », des efforts supplémentaires aux salariés, et même diminuer les dépenses de recherche et développement.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement doit préserver nos bassins d'emplois et notre potentiel industriel et de recherche. L'État va-t-il véritablement jouer son rôle d'actionnaire et s'engager aux côtés de l'entreprise Airbus, de ses salariés, et aux côtés de toutes les entreprises du secteur de l'aéronautique ? Nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Madame la députée, votre question me donne l'occasion de témoigner notre admiration aux dizaines de milliers de salariés qui travaillent dans le secteur de l'aéronautique en France et ailleurs, particulièrement dans la région Midi-Pyrénées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le Gouvernement, je tiens à le dire, était au rendez-vous dans un secteur d'excellence.

Pourquoi d'excellence ?

D'abord parce qu'il s'agit d'un marché mondial. Ensuite parce que ce marché est en pleine expansion : nous le savons, entre 20 000 et 30 000 avions nouveaux seront nécessaires au cours de la prochaine décennie. Enfin parce qu'Airbus est un consortium européen – allemand, français, anglais et espagnol – à la pointe de la technologie, dans des marchés difficiles où il doit faire face à une concurrence redoutable qui, bien souvent, tire partie d'un dollar fort avantageux pour l'équilibre des coûts de revient.

Pourquoi le Gouvernement est-il au rendez-vous ?

Parce que dès le 11 octobre, sous l'autorité du Premier ministre, a été mis en oeuvre un plan qui comporte pas moins de 1,5 milliard d'euros destinés, sur les cinq prochaines années, à structurer le secteur aéronautique français autour d'Airbus, mais aussi d'un certain nombre de grands sous-traitants autour desquels viendront s'agglomérer de nombreuses petites et moyennes entreprises.

Avec Jean-Louis Borloo, nous avons nommé il y a quinze jours M. Bernard, ancien directeur général d'Air Inter qui a occupé des fonctions éminentes à l'ANPE.

Debut de section - PermalienChristine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Nous pourrons ainsi, auprès des entreprises qui bénéficient déjà d'un certain nombre d'audits stratégiques, pour leur permettre de développer leur activité autour de ces conglomérats, identifier les nouveaux métiers, les nouvelles orientations, la nouvelle stratégie du secteur aéronautique qui devra tenir compte à la fois des coûts de revient en France, des coûts de revient ailleurs et de la nécessité de conserver sur notre territoire les éléments essentiels de la technologie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Frédéric Poisson

Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, les nouvelles technologies sont, comme la langue d'Ésope, à la fois la meilleure et la pire des choses. La meilleure, parce qu'elles facilitent l'apprentissage, les loisirs et l'accès à un certain nombre de services – nouveaux services auxquels les familles sont attentives et qu'elles demandent très majoritairement dans les enquêtes qui leur sont destinées. Il nous faut en effet admettre que ces nouvelles technologies sont utiles pour dispenser aux familles ces services qu'elles attendent.

Cependant, ces nouvelles technologies sont des vecteurs qui désemparent souvent les familles car elles exposent les enfants à de terribles dangers. De récents faits divers sont encore dans nos mémoires. Des prédateurs ont pu, par le biais d'Internet, exploiter des enfants mineurs. On connaît également ce fameux jeu vidéo commercialisé récemment, interdit aux moins de dix-huit ans et qui valorise des comportements contraires à l'ordre public et à tout ce qu'on peut inculquer à nos enfants comme vertus sociales. En dépit des dangers réels, ce jeu est commercialisé sans aucune entrave.

Récemment, madame la secrétaire d'État, vous avez pris des initiatives et rencontré des fournisseurs d'accès à internet. Vous avez évoqué avec eux les solutions pour protéger la sécurité des enfants sur internet, pour donner aux familles de nouveaux outils pédagogiques afin de les aider à mieux maîtriser les usages de cette technologie. Quelques jours après la journée mondiale de la famille, pouvez-vous nous dire quels sont les axes de votre politique en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.

Debut de section - PermalienNadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille

Vous avez raison, monsieur le député, Internet est un outil extraordinaire, une fabuleuse innovation technologique qui a envahi nos foyers. Cependant, 52 % des parents se déclarent inquiets face à l'utilisation d'internet à leur domicile. Les chiffres sont éloquents : 1 million d'images pédopornographiques circulent en permanence sur la toile ; 37 % des jeunes de onze à dix-sept ans déclarent avoir été en contact avec des images choquantes, dégradantes ou traumatisantes.

Nos jeunes, qui tiennent souvent un blog, passent des heures sur internet. Certains sont cyberdépendants. Il est de notre responsabilité d'organiser la sécurité de ce fabuleux média. Pour ce faire, nous disposons de deux outils. Le premier est technologique : j'ai réuni les fournisseurs d'accès à internet qui, comme en Angleterre, réfléchissent à la possibilité de bloquer les sites pédopornographiques, afin que nos enfants n'aient plus accès à ces images dégradantes.

Mais il existe un autre outil, qui a fait, ce matin, l'objet d'une communication en Conseil des ministres. Xavier Bertrand et l'ensemble du Gouvernement sont mobilisés pour lancer une campagne de sensibilisation des parents. Il faut rappeler qu'un enfant qui dispose, dans sa chambre, d'un ordinateur et dont les parents ne surveillent pas l'usage qu'il en fait, peut entrer en contact avec un prédateur ou un pédophile.

Tous les pays de l'Union européenne ont mené de semblables campagnes de sensibilisation. J'ai eu l'occasion, au retour de mon voyage en Angleterre, de visionner un clip actuellement diffusé par les télévisions allemandes et qui met les familles en garde contre une mauvaise maîtrise de cet outil.

Nous suivons donc deux pistes : d'une part, nous travaillons avec les fournisseurs d'accès à internet ; d'autre part, nous sensibilisons parents et enfants. Tous les membres du Gouvernement sont concernés, notamment Xavier Darcos, pour l'éducation nationale, et Roselyne Bachelot, car les questions de santé doivent également être envisagées – le groupe UMP a d'ailleurs déposé une proposition de loi sur la lutte contre l'anorexie. Nous avons également une foule de sujets à évoquer avec Éric Besson, chargé du développement de l'économie numérique. C'est à nous de travailler à la sécurité de cet univers numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Journée de la famille

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, le Gouvernement m'a fait savoir que les séances prévues le vendredi 23 mai étaient supprimées.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République (n° 820, n° 892).

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, nous avons connu au cours des huit dernières années beaucoup de révisions, au point que nous avons parfois le sentiment d'aller au Congrès de Versailles de façon régulière. Imaginez-vous : huit révisions depuis 2000, dont sept ont abouti devant le Congrès, celle portant sur le quinquennat ayant été tranchée par référendum. La révision qui nous est proposée aujourd'hui sera donc la neuvième depuis lors.

La France juge régulièrement ses institutions mal adaptées et les révisions constitutionnelles portent sur des sujets d'importance très inégale. Mais les retouches qui ont été apportées à la Constitution depuis cinquante ans, depuis 1958, n'ont jamais revêtu l'ampleur du projet de révision constitutionnelle qui est proposée aujourd'hui à notre débat. En effet, celle-ci est d'importance majeure, il s'agit même de la plus importante révision depuis 1958 et 1962.

La Constitution adoptée en 1958 a apporté la stabilité de gouvernement et de l'exécutif, elle a permis de conduire des politiques publiques. Elle représente un acquis auquel les Français et nous tous, je crois, tenons.

Mais la Constitution de 1958 a remplacé les excès de la IVe République par d'autres excès, propres à la Ve République, avec un Parlement qu'on a voulu si rationalisé qu'il en est corseté : son droit d'amendement est très limité, notamment en matière budgétaire ; il ne maîtrise pas son ordre du jour et le Gouvernement peut procéder au vote bloqué ou à une seconde délibération, ou recourir à l'article 49-3 pour couper court au débat ; le Parlement n'a pas de véritable voix au chapitre en matière de défense et de politique étrangère – nous sommes, rappelons-le, la seule démocratie au monde où l'exécutif peut envoyer des troupes à l'étranger dans le cadre d'une intervention militaire sans même que le Parlement soit informé ou consulté – ; enfin, le droit de dissolution peut être exercé même en l'absence de crise, comme cela a déjà été le cas.

Et les excès de la Ve République ont été renforcés par un mode de scrutin qui amplifie exagérément les majorités et par la prépondérance présidentielle acquise en 1962 et renforcée par le quinquennat. En effet, la légitimité d'un Président de la République élu au suffrage universel n'a, à l'évidence, plus rien à voir avec celle d'un Président de la République élu par un vaste collège de grands électeurs ; et l'adoption, en 2000, du quinquennat a renforcé, du fait de la concomitance des élections législatives, le caractère présidentiel du régime politique de notre République.

Mais, là encore, cette réforme importante du quinquennat n'avait pas été menée jusqu'au bout. On n'en avait pas tiré les conséquences, que les gouvernants de l'époque avaient souhaité masquer. Partisan du quinquennat, M. Giscard d'Estaing, qui ne gouvernait plus, mais appuyait la réforme, a prétendu devant le peuple français, lors du débat référendaire, que la réforme ne consistait qu'à changer un mot – « sept » au lieu de « cinq » – dans la Constitution.

En fait, le passage au quinquennat, créant la concomitance des élections présidentielle et législatives, a modifié profondément l'équilibre de nos institutions. Et le projet de loi constitutionnelle en tire un certain nombre de conséquences, ce que les gouvernants, à l'époque, n'avaient pas voulu faire.

Je reconnais que, lors de la campagne présidentielle, je n'avais pas confiance quand j'entendais certain candidat promettre qu'il rééquilibrerait le rapport entre pouvoir exécutif et législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le Premier ministre, il va falloir prendre M. Lagarde au Gouvernement : voyez comme il fait allégeance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Force est de constater aujourd'hui que le Président de la République actuel est le premier à proposer un tel rééquilibrage. Quand j'étais étudiant en droit, on dissertait pendant les cours sur un magnifique ouvrage : Le Coup d'État permanent, de François Mitterrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Celui-ci dénonçait tous les travers de la Ve République. Hélas ! Une fois élu, il s'est lové pendant quatorze ans dans le coup d'État permanent et n'a pas permis à nos institutions d'évoluer.

C'est donc l'actuel chef de l'État qui a fait, dans ce domaine, un certain nombre de propositions. Nous nous sommes immédiatement demandé si la réforme de la Constitution qu'il proposait était celle que le Nouveau Centre aurait effectuée s'il avait eu le pouvoir. La réponse est non. Nous avions d'ailleurs écrit et présenté notre projet ; mais nous retrouvons dans le texte du Gouvernement certaines de nos propositions.

D'abord, vous l'avez expliqué hier, monsieur le Premier ministre, le projet de révision constitutionnelle ne touche pas à l'acquis principal de la Ve République : la stabilité gouvernementale. L'UDF, comme le Nouveau Centre aujourd'hui, a toujours souhaité que la réforme ménage cette stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Mais un rééquilibrage est nécessaire pour que le Parlement maîtrise mieux son ordre du jour et pour qu'il retrouve ses droits, notamment dans le domaine des affaires européennes, puisque celles-ci dictent aujourd'hui une grande partie de notre législation, ainsi que dans le domaine des interventions militaires et des affaires étrangères. Il faut également qu'il puisse suggérer des orientations au Gouvernement, comme le font d'ailleurs la plupart des Parlements européens.

Nous voulons bien sûr, et depuis longtemps, que nos institutions, à commencer par le Parlement, respectent le pluralisme, qu'il s'agisse de son mode d'élection ou du droit des groupes qui le composent. Ainsi, nous avons toujours demandé que les nominations s'effectuent sur la base de la compétence et non sur celle de la proximité partisane, tant dans les instances arbitrales que sont le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la magistrature, le CSA et bien d'autres, qu'à la direction des grandes entreprises nationales.

Nous souhaitons également que le Parlement dispose d'un plus grand nombre de commissions. Un des instruments dont le législateur constitutionnel de 1958 s'est servi pour le corseter était en effet de limiter leur nombre à l'excès, de telle façon qu'elles ne puissent pas travailler suffisamment dans le détail. D'autres Parlements, ceux d'Allemagne, de Grande-Bretagne, d'Espagne, ont deux à trois fois plus de commissions que le nôtre. Si le projet de loi propose d'augmenter leur nombre, nous souhaitons aller un peu plus loin que lui dans ce domaine, comme le montrent nos amendements.

Nous défendons également le principe d'une Constitution qui fasse plus de place aux citoyens et prévoie pour eux un droit de pétition auprès du Parlement, un droit au référendum d'initiative citoyenne et une protection contre les lois inconstitutionnelles ou rétroactives. Nous avons déposé un amendement à ce sujet. Je rappelle que, régulièrement, nous adoptons, notamment en matière fiscale, des lois rétroactives.

Ce projet n'est donc pas exactement le nôtre, mais il fait progresser de manière significative nos institutions vers une démocratie moins fictive et plus réelle. Les députés du Nouveau Centre, qui portent les valeurs et les combats de l'UDF, y retrouvent quelques-unes des propositions importantes qu'ils ont défendues pendant la campagne présidentielle et législative, et qu'ils continuent à défendre.

C'est, outre la stabilité de l'exécutif, que j'ai déjà mentionnée, un pluralisme affirmé, à travers les droits de l'opposition, auxquels nous souhaitons ajouter ceux des groupes parlementaires, afin qu'il n'y ait pas seulement des droits de part et d'autre de l'hémicycle, mais aussi dans chaque groupe des deux assemblées.

C'est également le partage de l'ordre du jour. Nous soutiendrons d'ailleurs l'amendement de notre rapporteur, M. Warsmann, visant à assurer la réalité du dialogue entre l'exécutif et le Parlement dans ce domaine. Une meilleure maîtrise de l'ordre du jour doit permettre à la majorité comme à l'opposition de gagner des droits nouveaux en mettant certains sujets en débat, au nom des Français qui les ont élues.

Les droits nouveaux que nous souhaitons pour le Parlement sont nombreux. Le premier concerne l'article 16. Dans tous les cours de droit qui se donnent dans nos universités depuis un demi-siècle, on déplore en effet qu'il s'exerce sans aucun contrôle.

Les autres portent sur le contrôle des interventions militaires, le droit de résolution, la possibilité pour le Parlement d'être assisté par le Conseil d'État ou la Cour des comptes. On éviterait ainsi qu'il nous soit régulièrement répondu par le Gouvernement que ce que nous avons fait est mal fait, mal écrit, mal compris ou mal pensé.

Nous souhaitons aussi une limitation de l'article 49-3 au seul projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous voudrions également qu'il y ait moins de textes discutés à la va-vite, selon la mauvaise habitude que nous avons contractée pour répondre à l'urgence médiatique d'une actualité toujours renouvelée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous souhaitons également – et le texte prévoit – améliorer l'impartialité de l'État en ce qui concerne certaines nominations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Oui, monsieur Dosière, mais c'est le cas sous tous les gouvernements. J'ai cité tout à l'heure l'auteur du Coup d'État permanent. Vous vous souvenez sans doute qu'il ne s'est pas abstenu de certaines nominations partisanes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Nous souhaitons un meilleur contrôle des nominations par le Parlement, afin d'éviter que ceux qui sont chargés de faire fonctionner la République ou d'arbitrer les conflits soient avant tout des partisans. Il faut qu'ils soient nommés de façon plus consensuelle. Le Conseil supérieur de la magistrature sera désormais moins corporatiste, puisque les magistrats n'y seront plus majoritaires, et plus indépendant, puisque dégagé de l'exécutif qui ne siégera plus en son sein.

Nous avons progressé en commission. Un travail important a été effectué à l'initiative du rapporteur, M. Warsmann, sur un point qui a fait l'actualité, même si, à mon sens, ce n'est pas le plus important du débat. Il s'agit de la possibilité pour le Président de la République d'intervenir devant l'une, l'autre ou chacune des assemblées. Une solution a été trouvée : il interviendra devant le Congrès, c'est-à-dire moins souvent et seulement sur des sujets importants, sans que soit posée la question de sa responsabilité.

Il nous semblerait pourtant utile qu'il soit présent lors de la réponse des groupes parlementaires. (M. François Sauvadet applaudit.) Avant d'y revenir lors de la discussion des amendements, j'appelle l'attention de tous sur ce point. Si d'aventure, en effet, son intervention venait à déplaire à tel ou tel, les parlementaires, privés de la possibilité de répondre, n'auraient plus pour exutoire que de quitter la séance, ce qui ne serait pas bon pour la fonction présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Il suffirait qu'ils n'assistent pas à la séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il faut trouver une solution qui ménage tant la dignité de la fonction présidentielle que le droit de réponse du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Ainsi, la réforme proposée nous semble aller dans le bon sens. Mais, pour emporter notre adhésion, il faut encore lui apporter des améliorations importantes sur deux points principaux.

La première concerne ce que nous appelons la « règle d'or », c'est-à-dire l'obligation constitutionnelle de la responsabilité en matière budgétaire. Depuis au moins trois décennies, les gouvernements qui se succèdent dépensent en laissant la facture aux suivants. Résultat : nous avons alourdi à hauteur de 1200 à 1300 milliards d'euros, rien que pour le budget de l'État, les charges qui pèsent sur la tête de nos enfants. L'adoption de cette disposition, à laquelle le Gouvernement s'est montré ouvert, sera une véritable révolution puisque, sur un cycle économique, un Gouvernement ne pourra pas dépenser plus qu'il ne gagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Bref, nous cesserons de repasser de génération en génération nos dépenses quotidiennes à nos enfants, qui n'auront plus rien pour financer les leurs.

Le second point que nous souhaitons voir introduire dans notre droit constitutionnel est le référendum d'initiative citoyenne. Ce nouveau droit accordé aux Français constitue également une révolution. En l'occurrence, au lieu d'élire leurs représentants – Président de la République et parlementaires – tous les cinq ans et donc d'attendre cinq ans pour pouvoir les sanctionner, les citoyens pourront interpeller la représentation nationale et intervenir dans cet intermède si une proposition a été négligée, oubliée ou tout simplement refusée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Il s'agit à mes yeux d'un droit important. Il évitera aux Français de n'avoir que la rue pour s'exprimer entre deux élections, ce qui n'est jamais signe de démocratie.

Ces deux droits supplémentaires que nous voulons introduire dans le droit constitutionnel n'entachent pas la Ve République, qui conservera toute sa stabilité, mais ils donneront une nouvelle force, me semble-t-il, à notre démocratie. En effet, alors que la Ve République a fait du système français celui où le pouvoir est le plus concentré au monde, la France n'est pas pour autant le pays qui se réforme le mieux. Il faut que le Parlement et les citoyens retrouvent plus de place dans le débat public, pour que ce pouvoir stable puisse faire voter des réformes qui soient comprises et expliquées.

Vous l'avez compris, monsieur le Premier ministre, fidèle aux idées institutionnelles que l'UDF a toujours portées, le Nouveau Centre est prêt à soutenir ce projet de loi s'il conserve ses avancées en matière d'impartialité de l'État et de pluralisme politique – droits de l'opposition et des groupes, qui sont des droits nouveaux et significatifs donnés au Parlement – et si, comme il s'y est engagé, le Gouvernement accepte les deux ajouts significatifs relatifs à la responsabilité budgétaire et au référendum d'initiative citoyenne. Le débat s'ouvre. Nous souhaitons qu'il permette à tous ceux qui veulent rééquilibrer le pouvoir de se rejoindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Et l'introduction de la proportionnelle, vous n'y êtes plus favorable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Personne ne jugera que le projet de loi qui sortira de notre discussion est parfait. Mais s'il réunit les quatre valeurs que j'ai évoquées, il représentera un bond en avant, le premier depuis 1958. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Le caporal-chef ! Comment se fait-il qu'il n'ait pas encore été promu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En ce moment, c'est plutôt le caporal épinglé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

En effet, j'ai entendu dire que Nicolas s'était occupé de lui !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Vous avez la parole, monsieur Copé. Prenez-la et je m'occuperai de M. Brard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce sera pour vous un travail à plein temps !

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, notre Constitution a cinquante ans. C'est un écrin inestimable, qui offre aux Français depuis un demi-siècle une stabilité politique exceptionnelle au regard de notre histoire. Nos institutions sont solides et souples, adaptées à toutes les configurations, à toutes les alternances et même aux cohabitations. Et il serait absurde de les désigner comme bouc émissaire de tous les maux dont souffre notre pays, comme il serait absurde de considérer que le fonctionnement de notre démocratie a atteint sa perfection définitive et qu'il est impossible de l'améliorer.

Il faudrait être aveugle et sourd pour trouver que le rôle du Parlement français est pleinement satisfaisant aujourd'hui. La séance d'hier après-midi nous a en encore donné, s'il en était besoin, un sinistre exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

De même, il faudrait être aveugle et sourd pour faire comme si le quinquennat n'avait rien changé à l'équilibre de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Depuis des décennies, des voix se sont élevées, à droite comme à gauche, pour réclamer un renforcement des pouvoirs du Parlement par rapport à l'exécutif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Or, jusqu'à Nicolas Sarkozy – à l'exception de l'importante réforme voulue par Jacques Chirac en 1995, que l'on a parfois tendance à oublier alors qu'elle a ouvert la voie à bien des évolutions –, rien n'a été fait pour aller dans ce sens. Ceux qui, dans l'opposition, dénonçaient avec outrance un « coup d'État permanent » se sont parfaitement accommodés des institutions une fois parvenus au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Le passage du septennat au quinquennat pour le mandat du Président de la République n'a pas amélioré l'équilibre en faveur du Parlement, et en choisissant de donner plus de rythme à notre vie politique, les Français ont surtout renforcé l'implication du chef de l'État au coeur de l'action politique. Cette présidentialisation a été encore accentuée par l'inversion du calendrier électoral qui place les élections présidentielles avant les élections législatives.

Une fois élu, Nicolas Sarkozy aurait pu être tenté de tirer parti de ce déséquilibre. Il a, au contraire, comme vous l'avez rappelé hier, monsieur le Premier ministre, proposé un rééquilibrage pour mieux encadrer les pouvoirs de l'exécutif, donner de nouveaux droits aux citoyens et renforcer le rôle du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Le Président a proposé ce rééquilibrage parce que nous en avions pris l'engagement devant les Français lors des élections présidentielles et législatives.

Sans remettre en cause ce qui fait la force la force de notre République, l'heure est venue, à présent, de passer à l'acte, pour la majorité comme pour l'opposition.

Pour l'opposition, l'heure est venue de passer des grandes déclarations de principe à la prise de décision courageuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

L'heure est venue de prouver que les grandes tirades sur le rôle du Parlement ne sont pas que des facilités oratoires pour faire bien dans les discours !

En rejetant cette réforme, l'opposition perdrait toute crédibilité à ce sujet pour des années.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Elle prouverait qu'elle a peur d'inscrire dans les faits une de ses vieilles doléances, de crainte de perdre un précieux fonds de commerce.

La rencontre avec le président Ayrault, qui a bien voulu que nous discutions sur ces sujets en des termes que j'ai trouvés très courtois et très républicains, a démontré que nous étions capables ensemble d'identifier des points de consensus majeurs, dès lors qu'il s'agit de donner plus de prérogatives aux parlementaires français, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition.

C'est à mes yeux un signe que nous sommes capables de travailler ensemble sur ces sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Sur ce projet de loi constitutionnelle, comme sur tous les grands chantiers de modernisation lancés depuis un an, la majorité est totalement engagée aux côtés du Président de la République et du Premier ministre. Nous partageons les objectifs de cette réforme parce que, pour le Parlement, elle apporte des progrès majeurs.

À force d'échanges au sein de la majorité et avec l'opposition, nous avons maintenant considérablement amélioré ce texte et, au cours des débats, le groupe UMP apportera sa contribution, avec ses amendements, sur les points qui nous tiennent à coeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Je pense, par exemple, au référendum préalable à l'adhésion de nouveaux membres à l'Union européenne, qui viendraient modifier sensiblement son équilibre démographique.

Je compte, dans ce contexte, sur l'écoute du Gouvernement et sur l'esprit de responsabilité de l'opposition. En tant que parlementaires, nous n'avons pas le droit de laisser passer cette réforme historique parce ce que l'amélioration de l'équilibre institutionnel est en jeu.

Je voudrais à ce sujet, en quelques mots, préciser trois points.

Tout d'abord, cette réforme va donner au Parlement l'occasion d'être mieux associé à la prise de décision.

J'ai déjà évoqué l'idée toute simple de la « coproduction législative » : plus les députés sont associés en amont à la préparation des réformes, plus notre débat est constructif ; plus nous arrivons en séance rassemblés, plus nous offrons le spectacle d'une majorité qui travaille sur les sujets essentiels, puisque, avant le débat dans l'hémicycle, la plupart des conflits ont été purgés.

Sans attendre la modification de la Constitution, nous avons commencé à mettre en oeuvre cette pratique avec le projet de loi de modernisation de l'économie. Je peux témoigner que, même s'il reste encore quelques points à trancher, nous avons apporté une contribution majeure à ce projet de loi, avant même qu'il n'arrive en séance publique.

Avec la réforme constitutionnelle, nous allons pouvoir institutionnaliser cette pratique de la « coproduction législative ». Parce que l'ordre du jour partagé et la possibilité pour les assemblées de s'opposer à la procédure d'urgence vont faire du Parlement un lieu de débat incontournable, personne ne sera plus jamais tenté de considérer l'Assemblée ou le Sénat comme des chambres d'enregistrement.

Désormais, les textes discutés dans l'hémicycle seront ceux adoptés par la commission, et non plus ceux déposés par le Gouvernement. Le débat en commission va devenir encore plus important : puisque c'est là que les décisions seront prises, il nous demandera de nous investir davantage. Il faudra que les députés réfléchissent à réorganiser leur travail en conséquence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Sans le Gouvernement !

Le contrôle des nominations est également une avancée indéniable. Les députés de la majorité, comme ceux de l'opposition, qui auront désormais leur mot à dire, voient bien l'importance d'une réflexion moderne sur les nominations. Et Dieu sait qu'en ce domaine, il était grand temps de faire bouger les choses !

Deuxième élément, cette réforme constitutionnelle doit aussi permettre à notre Parlement de légiférer moins et mieux.

Là encore, il s'agit d'un sujet récurrent : depuis des années et des années, des rapports constatent que les lois sont trop nombreuses, pas toujours bien faites, et qu'elles sont difficiles à expliquer. Et pour cause ! Confrontés à l'instabilité et à l'inflation législatives, les Français perdent confiance dans la loi, les acteurs économiques perdent de la compétitivité et les juristes et les administrations naviguent comme ils le peuvent au milieu de textes d'application souvent confus.

Reconnaissons-le : nous perdons nous-même du temps et de l'énergie à discuter de textes parfois inutiles et extrêmement bavards, produits de compromis permanents. On le voit bien : sur ces sujets, nous pouvons faire mieux !

C'est pourquoi nous avons pris, avec Jean-Luc Warsmann, la décision de déposer un amendement qui renverra à une loi organique la mission de rédiger un « mode d'emploi » pour fabriquer de bonnes lois. Ce que nous avons fait avec la LOLF, pour le budget, il y a quelques années, nous le ferons pour la fabrication des autres lois.

Ce « mode d'emploi » prévoira systématiquement la présentation, pour chaque projet de loi, d'études d'impact et d'une consultation publique. Avant que les projets de loi n'arrivent en séance, nous aurons donc connaissance de ces documents parmi lesquels la consultation des Français ne sera pas seulement la consultation de tel ou tel groupe de pression. Le mode d'emploi prévoira aussi la transmission des principaux décrets et textes d'application découlant de la loi, ainsi que son évaluation obligatoire après trois ans d'application. Bref, nous serons, à l'image de ce qui se fait dans les Parlements étrangers, en mesure de mieux appréhender la portée des projets de loi, de mieux participer à leur élaboration, mais aussi de mieux contrôler leur application.

Il s'agit là du troisième point que je voulais évoquer concernant ce texte. Enfin, l'évaluation et le contrôle vont désormais revenir au parlementaire français !

C'est une avancée majeure qui exige un travail parfaitement organisé entre la majorité et l'opposition. Cette dernière le sait, nous aurons ensemble bien des éléments à mettre en oeuvre. Il faudra aussi mener un travail de réorganisation de notre maison, naturellement, à l'initiative de M. le président de l'Assemblée nationale.

Anomalie française : nous passons énormément de temps à voter les lois et très peu de temps à contrôler leur application et à vérifier ce qu'elles changent concrètement pour les Français. Je vois dans cette « exception française » une sacrée explication des difficultés à réformer l'État !

Parce que jusqu'à présent, les résultats des dispositifs d'évaluation mis en place par le Parlement s'avèrent extrêmement insuffisants, et qu'il nous faut aller plus loin dans ce domaine, j'ai déposé un amendement, avec Jean-Luc Warsmann, pour doter le Parlement de nouvelles compétences en matière d'évaluation des politiques publiques. Le rapport du comité Balladur faisait déjà cette proposition…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

…et, à ma connaissance,M. Louis Giscard d'Estaing va jusqu'à suggérer une organisation encore plus claire et efficace. Il faut que nous débattions dès à présent de cette question pour voir la place que l'on pourrait lui faire dans une loi organique.

Avec les trois grandes avancées que je viens de décrire, le Parlement a vocation à devenir, non pas ce que certains, à tort, seraient tentés d'appeler un contre-pouvoir, mais tout simplement un pouvoir, avec la capacité d'accompagner le grand mouvement de réforme que nous devons accomplir ensemble.

Une telle démarche n'a aucun sens si majorité et opposition ne sont pas rassemblées dès lors qu'il s'agit de renforcer les pouvoirs du Parlement. Le projet de loi constitutionnelle propose des progrès majeurs que la droite et la gauche réclament depuis des années. J'ai consulté les archives : le point 71 du pacte présidentiel de Mme Royal, inspiré par plusieurs propositions du rapport sur les institutions du sénateur Bel, appelait à une revalorisation du Parlement. En 2006, la priorité de M. Fabius en matière de réforme institutionnelle était d'« accroître le rôle du Parlement pour qu'il devienne le coeur battant de notre démocratie ». Quant à MM. Valls et Gorce, dans une tribune, datée de 2007, ils affirmaient : « L'urgence est d'obtenir, d'abord et avant tout, un renforcement de la représentation nationale dans notre Parlement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Voilà qui montre combien, sur ces sujets, nous sommes les uns et les autres beaucoup plus en phase que certains veulent bien le dire.

Ayons en tête que la principale avancée de cette réforme est le renforcement des pouvoirs du Parlement. Monsieur Montebourg, l'histoire ne repasse pas les plats ! Il ne s'agit pas d'être d'accord à 100 % sur une réforme qui peut présenter, ici ou là, des insuffisances ; il s'agit d'être d'accord sur l'essentiel, parce que du renforcement du pouvoir du Parlement dépendra la réussite des réformes que nous voulons mettre en oeuvre pour la France tout au long de ce quinquennat, et plus si affinités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la rénovation de nos institutions est une nécessité depuis trop longtemps différée. La Ve République a démontré d'indéniables qualités de stabilité et de souplesse qui lui ont permis de surmonter des crises et d'assurer des alternances solides. Mais les abus de sa naissance, sa conception autoritaire, son architecture verticale l'ont affectée de graves déséquilibres démocratiques. Entre la surpuissance de l'exécutif et l'assujettissement du Parlement, entre l'hégémonie majoritaire et la faiblesse des contre-pouvoirs, il y a dans notre pays trop peu de démocratie représentative, trop peu de démocratie sociale, trop peu de démocratie participative. C'est dans ces manques qu'a grandi la crise civique qui affecte notre pays depuis tant d'années. Faute de pouvoir trouver des relais institutionnels qui puissent peser sur l'évolution du pays, nos concitoyens se détournent trop souvent du politique et du bulletin de vote.

La gauche a été longtemps seule à vouloir réformer cette République hémiplégique qui centralise tout et déresponsabilise les citoyens Avec la suppression des juridictions d'exception, les lois de décentralisation, la création d'instances de régulation, le respect de l'indépendance des juges, les majorités de gauche ont contribué à décorseter nos institutions. Nous aurions voulu aller plus loin, promouvoir un nouvel équilibre démocratique, notamment au moment de l'instauration du quinquennat : les verrous imposés tant par le président Chirac que par le Sénat – faut-il le rappeler ? – nous en ont empêchés.

Monsieur le Premier ministre, en reconnaissant les dérèglements de notre système institutionnel et ses déséquilibres, en défendant ce projet de loi constitutionnelle pour les corriger, votre gouvernement a légitimé les combats de la gauche.

Peut-on aller au-delà de ce diagnostic enfin partagé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Peut-on, selon la formule d'un de vos amis, « coproduire » une réforme qui donne une assise durable à notre nation ? En tout cas, concernant les institutions, nous pensons que c'est nécessaire, et nous le souhaitons sincèrement.

C'est le sens du pacte démocratique que j'ai présenté devant la commission des lois et que nous vous proposons dans ce débat.

Ce pacte démocratique est fondé sur une conviction : la loi fondamentale nous concerne tous, elle est l'affaire de tous et elle mérite que les intérêts partisans s'effacent derrière l'intérêt général – ce que nous avons mis en pratique pour voter la loi sur les signes religieux à l'école en 2004.

Ce pacte démocratique s'appuie sur une méthode : un dialogue loyal, mené au grand jour, avec le gouvernement, sa majorité et toutes les grandes forces démocratiques représentées à l'Assemblée nationale. C'est ce que nous avons commencé à faire.

Ce pacte démocratique propose une vision globale. Améliorer tout ce qui concourt à l'équilibre de notre démocratie : les droits du Parlement et du citoyen, les modes de scrutin, l'indépendance de la justice, le pluralisme des médias. Tout doit être sur la table : pas seulement la Constitution, mais tout ce qui va avec, et notamment les lois organiques ou ordinaires concernées.

Au regard de ces critères, force est de constater que vos réponses, depuis le début du processus de révision, nous laissent sur notre faim. Parlons clair : il manque à notre dialogue républicain sa principale matrice, la confiance !

Comment ignorer la contradiction flagrante entre votre discours officiel qui veut renforcer les droits du Parlement, et votre pratique autoritaire qui vise à soumettre ce dernier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Depuis un an, nous avons eu droit à toutes les avanies : urgence imposée sur tous les textes, refus de débattre nos propositions, rejet systématique de nos amendements, humiliation du discours présidentiel de Westminster, qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement l'opposition, mais toute la représentation nationale.

Ce qui s'est passé depuis une semaine à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les OGM…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

N'en parlez pas trop : ce sont de mauvais souvenirs pour vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…n'a fait que resserrer le carcan.

Vous parlez des droits de l'opposition mais vous avez refusé de débattre au fond de chacune de nos propositions de loi, notamment hier, sur le mode de scrutin sénatorial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Vous avez réservé le même sort en commission à notre seconde proposition sur l'égalité du temps de parole dans les médias, inscrite demain à l'ordre du jour.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres de la majorité, nous vous tendons la main et vous nous tordez le bras ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Comment, dès lors établir, la confiance ? Dans L'Esprit des lois, Montesquieu écrivait : « La bonne Constitution est d'abord ce qu'en font les gouvernements. » Ce premier exercice comparatif entre la promesse et l'acte est, à cet égard, inquiétant, car rien n'a vraiment changé.

Qu'en est-il du projet de loi lui-même ? Là encore, je me livrerai à un exercice très simple de comparaison entre votre texte, amendé par la commission des lois, et les grandes propositions du groupe socialiste.

Je le répète une nouvelle fois devant vous, les socialistes ne voteront jamais un texte qui accroît les pouvoirs du Président de la République, dont les prérogatives écrasent depuis cinquante ans les autres institutions ; on a pu mesurer, depuis un an, ce qu'il en est. Vous avez, du reste, reconnu le bien-fondé de notre analyse en renonçant à la concentration des pouvoirs de défense à l'Élysée. C'est une des avancées positives de nos travaux, qui résulte du dialogue entre nous, même s'il s'agit d'un retour au texte initial. L'institutionnalisation d'un domaine réservé du Président, outre qu'elle affaiblit les pouvoirs du Premier ministre, aurait été un facteur de crise en cas de cohabitation, aurait gravement porté atteinte au consensus national en matière stratégique et militaire et aurait ôté au Parlement tout autre pouvoir de peser sur les orientations de la politique de défense que celui de refuser les crédits du budget de la défense nationale.

En revanche, nous maintenons notre opposition de fond à la venue du Président devant le Parlement. « L'arrangement versaillais » que vous avez conçu ne change rien au caractère baroque et incongru d'une telle innovation. Tant que le Président conservera son droit de dissolution, cette remise en cause de la séparation des pouvoirs n'aura aucun sens. Je vous le demande, monsieur le Premier ministre, madame la ministre : encore un effort ! Si cette mesure est purement symbolique, il ne vous coûtera rien de la supprimer ; si elle a une portée politique, elle est inacceptable.

Sortons le Président de cette réforme…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…et travaillons aux vraies carences de notre Constitution. En ces domaines, votre texte demeure beaucoup trop contraint. Chaque fois qu'il accorde un droit nouveau au Parlement, il s'emploie immédiatement à le restreindre ou à le vider de sa substance. Je citerai quelques exemples : les dispositions relatives au droit d'amendement et au statut de l'opposition manquent de précision ; la réforme du 49-3 ne modifiera rien, de fait, à la pratique actuelle ; le contrôle des opérations extérieures est réduit à un débat, le vote étant renvoyé six mois plus tard, quand l'engagement est devenu irréversible. Pis, vous supprimez le droit de résolution, qui aurait permis au Parlement de s'exprimer en toute indépendance sur des sujets majeurs de politique étrangère ou d'éthique et sur des questions d'intérêt national.

Je reconnais que les travaux de la commission des lois, dont je ne fais pas partie, ont été de qualité. Je remercie le président Warsmann d'avoir auditionné tous les groupes et travaillé de façon constructive avec mes collègues socialistes. Mais ceux-ci estiment que trop peu de leurs propositions ont été prises en compte. J'en citerai deux. Le progrès le plus significatif, qui demande à être confirmé, concerne l'instauration du référendum d'initiative populaire, qui était une de nos demandes. Le deuxième progrès concerne le rétablissement du pouvoir d'évaluation des politiques publiques au Parlement, que M. Copé vient d'évoquer.

Mais, pour l'essentiel, les corrections demeurent à la marge ou en trompe-l'oeil. Ainsi, sur le mandat unique, vous avez assuré le service minimum, en le limitant aux ministres pour mieux en exonérer les autres élus. Autre exemple : la question du contrôle parlementaire des nominations. Sur ce point, nous demandons un vote aux trois cinquièmes, qui obligerait la majorité et l'opposition à s'entendre sur la composition des autorités indépendantes ; une telle procédure garantirait leur neutralité politique. Mais vous concédez un simple droit de veto aux trois cinquièmes, qui dénature notre proposition. Ce sera en effet à l'opposition de convaincre la majorité. Or elle n'y parviendra jamais, sauf si vous décidiez de nommer M. Le Pen au Conseil constitutionnel !

S'agissant de la commission du découpage électoral, tant que ses membres seront nommés par le pouvoir exécutif et que son pouvoir sera réduit à un simple avis, un soupçon permanent pèsera sur son impartialité. Nous avons donc proposé que cette commission ait la responsabilité du découpage et que sa composition soit ratifiée à la majorité qualifiée du Parlement ; vous l'avez refusé.

Ce n'est pas moi qui ai réagi avec force aux propos de M. Marleix, lequel a notamment annoncé, ce matin, sur Europe 1, que douze députés représenteront les Français de l'étranger – députés qui, compte tenu de la manière dont ils sont désignés, formeront une sorte de réserve pour la droite en cas de majorité très serrée. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Ce n'est pas très gentil pour les Français qui votent à l'étranger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce n'est pas moi, disais-je, mais M. Grand, un membre de l'UMP, qui déclare : « Ça ne me choque pas qu'on procède à un redécoupage des circonscriptions, mais annoncer cela pendant le débat sur la réforme des institutions alors qu'avec certains collègues, je m'apprête à voter contre le texte, n'est pas innocent. C'est au mieux une maladresse, au pire une pression indigne qui sonne comme un avertissement. » J'espère que M. Grand ne dit pas tout haut ce que beaucoup de députés – et pas seulement dans la majorité – pensent tout bas. Je tiens à vous le dire, monsieur le Premier ministre, car ce n'est pas acceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je le répète, ce n'est pas moi qui le dis.

En ce qui concerne la réécriture de l'article 65, relatif au Conseil supérieur de la magistrature, nous demeurons réservés. Certes, l'amendement qui permet au justiciable de saisir le CSM va dans le bon sens. Mais vous ne touchez ni à la tutelle de l'exécutif sur les procureurs, ni à la nomination de ses membres par le pouvoir. Or c'est de l'indépendance de la justice qu'il s'agit : il faut donner des garanties.

Sur trop de points, votre réforme comporte trop d'oublis, trop de promesses inachevées. Vous refusez de traiter les anomalies des modes de scrutin et de la représentation sénatoriale, qui participent à l'évidence aux dérèglements de notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Vous cherchez des prétextes pour ne pas voter la réforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nos concitoyens jugent parfois nos débats sur les institutions compliqués, mais il n'est guère difficile de leur faire comprendre qu'il n'est pas acceptable, du point de vue du fonctionnement de la démocratie, qu'une Chambre ne puisse pas connaître l'alternance. Nous vous avions demandé un geste, vous ne l'avez pas fait. Je pourrais comprendre que vous refusiez nos propositions en les jugeant incomplètes mais perfectibles. Et c'est ainsi qu'hier matin, nous attendions des signes de votre part, qui ne sont pas venus.

Vous refusez d'admettre que le pluralisme et l'indépendance des médias ont besoin d'être garantis par la Constitution, compte tenu de leur influence sur la formation de l'opinion. Vous refusez de discuter du droit de vote des étrangers aux élections locales,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Cela n'a rien à voir. Dites plutôt que vous n'avez pas envie de voter avec nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

…qui serait un facteur puissant d'intégration civique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Copé

Alors, inscrivez-le dans votre programme électoral !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

J'ai pourtant la conviction, monsieur Copé, que les Français sont prêts à des évolutions et que vous pourriez y contribuer utilement. Ce consensus républicain que j'appelle de mes voeux, il est possible de le construire ensemble. Mais écoutez l'opposition ! Écoutez-la de bonne foi, sans chercher à caricaturer notre position.

Je prendrai un dernier exemple, qui risque de ternir la réputation de la France : l'amendement, évoqué par M. Copé, contre l'adhésion de la Turquie dans l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je ne me prononce pas sur cette adhésion ; c'est un autre sujet. Mais il serait profondément choquant qu'un pays étranger soit visé par un article de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je ne sais pas si la Turquie doit faire partie de l'Union européenne, mais je suis sûr qu'elle n'a rien à faire dans la Constitution de la République française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Cette concession ridicule aux ultras de votre majorité mettra la France au ban de l'Europe. Prenez conscience de ce problème, ne le négligez pas. En tout cas, si vous voulez obtenir notre accord sur ce projet, il faudra revoir cette disposition totalement inacceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Merci. Par ailleurs, la Constitution n'est pas un manuel de gestion. Elle n'a pas le pouvoir de fixer les règles d'une stratégie économique. Je suis désolé, monsieur Lagarde, mais on ne peut inscrire dans la Constitution l'obligation d'équilibrer les finances publiques. (Protestations sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Cela relève d'un choix de politique économique. En 2005, j'ai fait campagne pour le « oui » au traité constitutionnel, mais je n'ai pas oublié que l'on a souvent reproché à ses partisans de vouloir graver dans le marbre le choix d'une politique économique. Avez-vous oublié la leçon de ce référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

L'équilibre budgétaire n'est donc pas de gauche. Voilà un bel aveu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Le projet de loi est en première lecture à l'Assemblée nationale, l'urgence n'a pas été déclarée, et c'est tant mieux. Rien n'est encore fait. Nous reconnaissons certaines avancées. Nous sommes prêts à trouver les voies qui permettront de progresser ensemble. Nous n'imposons pas de préalable ; nous affirmons nos convictions. Notre vote reste ouvert et, en tout état de cause, il ne préjugera en rien de notre position finale au Congrès.

Tout dépendra du débat à l'Assemblée, au Sénat et des navettes. Jusqu'à la dernière minute, nous ferons tout pour faire oeuvre utile. Nous débattons beaucoup au sein du groupe socialiste, en toute transparence, et, à chaque étape, nous adopterons une position collective.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Ce que nous voulons, c'est restaurer la confiance des Français dans leurs institutions et leurs représentants, c'est retisser un lien civique puissant, qui permette à chaque citoyen, à chaque élu, de se sentir acteur du destin de la nation. Une Constitution ne se fait pas en un jour et, quand elle existe, c'est pour longtemps – c'est en tout cas ce que nous souhaitons. C'est pourquoi nous entamons ce débat avec la plus grande franchise et la plus grande sincérité. Nous tendons la main, nous attendons votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme les orateurs précédents, nous aurions beaucoup aimé participer à ce que l'on a appelé le pacte républicain car, ainsi que l'a souligné le Premier ministre, il ne s'agit pas d'une question de droite et de gauche, mais de contribuer ensemble à la revitalisation démocratique nécessaire à nos institutions.

Pourtant, lorsque l'on étudie attentivement votre texte, on est en droit de se dire, après avoir participé aux travaux de la commission des lois et à l'examen des amendements, et après avoir écouté la réponse du Gouvernement et de la majorité, que ce texte n'est qu'un faux-semblant, un leurre, une sorte de piège tendu à l'opposition. Les membres de la majorité nous ont d'ailleurs déjà expliqué que nous étions en train de manquer une occasion historique de refonder les institutions de la Ve République. Mais le projet de loi n'a rien d'une refondation : il propose uniquement des ajustements, de petits replâtrages. Au fond, vous prétendez rééquilibrer les pouvoirs entre exécutif et législatif, mais vous renforcez leur déséquilibre.

Puisque notre groupe ne dispose que de cinq minutes pour s'exprimer, je souhaite reprendre, pour l'illustrer rapidement, cette phrase devenue célèbre selon laquelle le Président préside, le Gouvernement gouverne et le Parlement parle. Il ne semble pas que le texte permette un renforcement des pouvoirs de contrôle et d'initiative du Parlement.

Prenons simplement les pouvoirs du Président de la République. Déjà, une loi scandaleuse de 2007 le rendait irresponsable devant la justice. Son pouvoir est encore aujourd'hui renforcé, notamment dans un domaine très important, sorte de domaine réservé : la défense. En effet, le Premier ministre, qualifié par le Président de la République, il y a quelques semaines, de « collaborateur », n'en aura plus la responsabilité mais devra se contenter de la mettre en oeuvre. Dans ce contexte, quel sera le rôle du Parlement ? Il sera simplement appelé à se prononcer pour savoir si, au-delà de six mois, une projection de troupes françaises à l'étranger doit être poursuivie. Il s'agit là d'une manière cavalière de traiter le Parlement et son pouvoir de contrôle en matière de politique étrangère.

Que dire, par ailleurs, de l'article 16 de la Constitution, que le projet ne fait pas disparaître ?

Que dire, également, des rapports entre le Parlement et le Président de la République dès lors que le chef de l'État pourra venir s'exprimer devant le Congrès ou devant l'une ou l'autre de ses assemblées ? Il faudrait rappeler que, en dépit de la coïncidence des quinquennats avec les législatures, le Président de la République n'est pas élu par l'Assemblée mais par le peuple. Par conséquent, on ne voit pas ce qu'il peut avoir d'important à dire en personne à l'Assemblée, en tout cas dans la mesure où il est irresponsable et qu'il ne peut pas être renversé par elle. Aussi, je ne comprends pas très bien cette espèce de tripatouillage qui ne vise qu'à donner le plaisir à l'actuel Président d'être le premier de la Ve République à pouvoir s'exprimer devant le Parlement, son intervention étant suivie d'un débat qui, de toute façon, ne se tiendra pas en sa présence et qui ne sera sanctionné par aucun vote. C'est tout simplement prendre l'Assemblée pour une sorte d'armée des ombres chargée de cautionner le bon plaisir du Président de la République.

Quant aux avancées prétendument destinées à renforcer les pouvoirs et la représentativité du Parlement, le projet recèle un vice essentiel : le scrutin proportionnel n'a pas été constitutionnalisé. Nous sommes plusieurs familles politiques à savoir que notre représentation ici n'est pas en rapport avec ce que nous sommes dans la société, avec les idées que nous y développons et avec le rôle que nous y jouons. Nous savons bien que nous sommes sous-représentés, que le Parlement n'est pas à l'image de la diversité sociale et politique du pays. Or tant que la proportionnelle ne sera pas instaurée d'une manière aussi sensible qu'en Allemagne, par exemple, nous pourrons dire de ce Parlement qu'il n'est pas représentatif.

Par ailleurs, le texte ne renforce pas beaucoup les pouvoirs de contrôle du Parlement puisque vous n'avez pas accepté les amendements visant à accroître le contrôle de l'opposition s'agissant, notamment, de faire aboutir des commissions d'enquête.

Ceux qui m'ont précédé à cette tribune ont évoqué l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, dont la réforme proposée n'est évidemment qu'un leurre puisque, si l'on considère les dernières législatures, on constate que cette disposition n'a été utilisée par les précédents Premiers ministres qu'une seule fois en dix ans.

Votre Constitution est donc toujours aussi peu citoyenne…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

C'est moi qui ai eu l'honneur, en 2000, de présenter, au nom des Verts, la proposition de loi adoptée à l'unanimité par la gauche, relative au droit de vote des étrangers aux élections locales, alors que vous vous contentez du minimalisme, en la matière, des stipulations du traité de Maastricht. Il s'agissait de donner une valeur constitutionnelle à la notion de citoyenneté de résidence. Pourquoi n'avez-vous pas repris cette idée ?

Vous savez fort bien que le constituant est libre, que sa capacité à réformer ou améliorer la Constitution ne rencontre aucune limite. Aussi, tous les arguments invoqués par la majorité ne sont-ils pas bons.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Voilà à peine six minutes et deux secondes – très exactement – que je parle, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Vous disposez de cinq minutes et vous avez en effet dépassé le temps qui vous était imparti ! (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mes prédécesseurs à cette tribune ont bénéficié d'un peu plus de temps que moi.

Le groupe GDR ne peut pas voter ce texte en l'état. Quand on considère le verrouillage accompli en commission des lois par la majorité,…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…quand on considère les réponses qui nous sont faites ici depuis quarante-huit heures, nous maintenons notre refus de participer à cette mascarade. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

(M. Marc Laffineur remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. le président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, c'est avec une profonde satisfaction que je constate que le projet de loi de modernisation des institutions a pris en compte l'une des missions décisives du Parlement, sur laquelle on n'insiste jamais assez : le contrôle de son influence sur les affaires européennes.

L'Europe a enfin pris conscience de l'atout que représentent les parlements nationaux pour pallier son déficit démocratique et contribuer à l'enracinement de notre destin commun. Sans la présence des parlementaires nationaux au sein de la convention 2002, dont je faisais partie pour représenter l'Assemblée nationale, je suis convaincu que les principales innovations que consacre le traité de Lisbonne n'auraient jamais vu le jour.

Mieux, le nouveau traité nous invite à un contrôle régulier et efficace de la pertinence de l'action européenne. Grâce au contrôle de subsidiarité, nous serons en mesure de nous adresser directement aux institutions de l'Union et de freiner les initiatives qui n'apportent aucune réelle valeur ajoutée à l'échelle de l'Europe.

Je tiens d'ailleurs à préciser que le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, par anticipation, nous a adressé directement les textes européens dès 2006. L'Assemblée nationale s'est déjà pleinement impliquée en émettant, à l'initiative de la délégation pour l'Union européenne et en accord avec les commissions, des réserves au titre du respect du principe de subsidiarité, par exemple à propos de la directive postale.

Dans le même esprit, nous avons mis au point, avec nos homologues étrangers, un système pour coordonner instantanément nos avis respectifs. Ce point est crucial : si la moitié des parlements nationaux estiment qu'un texte enfreint le principe de subsidiarité, le Conseil des ministres ou le Parlement européen pourront le rejeter à la majorité simple, c'est le « carton orange ».

Il existe même un mécanisme du « carton rouge » qui nous permet de demander à la Cour de justice de l'Union d'annuler les actes contraires au principe de subsidiarité. Pour garantir le plein usage de cette nouvelle faculté à faire respecter l'ordre juridique, lors de mon audition par la commission des lois, j'ai donné un avis favorable à l'amendement présenté par Christophe Caresche, membre de la délégation, qui propose d'exercer ce recours à la demande de soixante députés ou soixante sénateurs. Le Bundestag a choisi une voie comparable en permettant à un quart de ses membres de saisir la Cour de justice, sur le modèle de ses dispositions intérieures visant à faire respecter l'équilibre fédéral.

Dans ce contexte favorable, il aurait été paradoxal que rien ne soit fait pour affermir le contrôle du Parlement sur les affaires européennes, à la mesure de la place que nous reconnaît désormais Bruxelles grâce au traité de Lisbonne. Eh bien, le projet de loi répond à ce défi !

Avant tout, l'article 88-4, dans sa nouvelle rédaction, parachève une lente conquête, mettant un terme aux « trous noirs » en matière d'intervention de nos assemblées parlementaires sur la question européenne. La loi de 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht nous avait permis, pour la première fois, de nous exprimer sur les enjeux communautaires, mais avec de fortes limites. Nous n'étions en effet saisis que des textes relevant du domaine législatif français.

Un pas de plus a été franchi en 1999 à la suite du traité d'Amsterdam. Depuis lors, le Gouvernement peut, à sa convenance, nous transmettre tout autre texte qu'il estime utile. Et il faut reconnaître que, depuis 2005, l'exécutif a fait un très large usage de cette faculté. Demeurent toutefois de nombreuses zones d'ombre. Ainsi, par exemple, l'Assemblée nationale n'a pas pu s'exprimer en 2005 lors du lancement des négociations d'adhésion avec la Turquie.

Le présent projet nous libère totalement de cette entrave en nous offrant l'opportunité d'adopter des résolutions sur « tout document émis par une institution de l'Union ». L'avancée est décisive. Aucun sujet européen ne pourra échapper au contrôle légitime des assemblées. Surtout, nous pourrons librement décider du tempo de notre intervention, sans avoir à attendre, comme aujourd'hui, que le Gouvernement nous transmette officiellement les projets de l'Union.

Un rapport du Parlement européen fait-il débat ? Nous pourrons nous en saisir. La Commission publie-t-elle une communication polémique ? Nous pourrons nous en saisir. Un nouveau chapitre de négociation est-il ouvert avec un pays candidat ? Nous serons en mesure d'intervenir et de nous exprimer sans contrainte. C'est bien le moins que les citoyens attendent des représentants de la nation.

Il est un dernier aspect porteur d'avenir. Le nouvel article 88-4 nous autorise, nous encourage même, à engager un dialogue avec les institutions de l'Union pour peser efficacement sur leurs projets. Nous aurons les moyens de nous adresser directement à Bruxelles pour porter les préoccupations de nos assemblées.

D'autres modifications étayent la qualité de notre travail sur les questions européennes. Le nouveau texte nous garantit une information exhaustive. Le traité de Lisbonne prévoyait que les institutions nous adressent sans intermédiaire leurs propositions, mais la politique étrangère et de sécurité commune échappait implicitement à notre prise. Le nouvel article 88-4 boucle le champ en obligeant le Gouvernement à nous soumettre tous les projets d'actes de l'Union.

Parallèlement, le présent texte institutionnalise un comité des affaires européennes dans chaque assemblée. La reconnaissance du rôle fondamental des délégations dans le suivi de l'Union ne peut évidemment que nous satisfaire. Le terme de « comité » qui est proposé consacre le caractère original des actuelles délégations. Celles-ci ont en effet une double vocation : elles assument une mission d'alerte et de veille sur l'actualité européenne et, surtout, elles s'emploient à irradier les enjeux de l'Union auprès des artisans de la législation nationale que sont les commissions permanentes.

Nous disposons de nombreux atouts pour réussir. L'appartenance des membres de la délégation à une commission permanente en est un. L'essor des groupes de travail communs à la délégation et aux commissions, l'organisation de réunions communes entre délégations et commissions permanentes depuis le début de la législature, l'instauration de pôles européens dans chaque commission – comme le souhaitait le président de notre assemblée – constituent une autre piste encourageante. Pour l'image de notre Parlement, la nouvelle dénomination mettra fin à une anomalie parfois mal comprise par nos homologues étrangers, surpris de constater que la France est le seul pays à ne pas disposer d'une commission ou d'un committee des affaires européennes.

J'en viens à la question des référendums sur les adhésions, et à l'article 88-5. Je comprends bien l'initiative du Gouvernement, qui a voulu tracer une voie concurrente, plus souple, visant à faciliter les adhésions qui, à terme, ne susciteront sans doute pas de grand débat. Je pense ici aux Balkans qui, comme le Conseil européen l'a indiqué, ont vocation à entrer dans l'Union.

Il est vrai que l'institution, en 2005, d'un référendum automatique sur toute nouvelle adhésion a parfois été mal comprise par nos partenaires, qui l'ont interprétée, à tort, comme une défiance vis-à-vis de l'élargissement. Il est vrai aussi que l'organisation systématique d'un référendum pose problème. Y aurait-il un sens à mobiliser 40 millions d'électeurs pour se prononcer sur l'adhésion de la République de Macédoine à l'Union ?

Je perçois néanmoins tout aussi bien la méfiance de notre peuple, inquiet de voir l'Europe changer de nature sans qu'il soit concerté, par l'intégration de pays dont la taille et l'importance imposent de toute évidence que les citoyens tranchent eux-mêmes. J'avais voulu proposer un dispositif protecteur qui ne désigne pas du doigt tel ou tel pays. À cette fin, j'avais suggéré qu'on laisse la voie parlementaire à la seule initiative des assemblées, et qu'on définisse des exigences de seuil telles qu'elles n'écartent les référendums que lorsque l'immense majorité de notre classe politique se trouve d'accord. Une autre solution vous est proposée par notre excellent rapporteur Jean-Luc Warsmann, de nature à apaiser sans nul doute toutes les craintes. L'essentiel est de faire passer le message selon lequel aucune adhésion ne se fera contre l'hostilité de notre peuple. Personne n'y gagnerait, ni l'Europe ni la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Je termine, monsieur le président, mes chers collègues, en insistant à nouveau sur l'ambition du texte qui, là comme ailleurs, présente de réelles opportunités pour notre Parlement. Sur l'Europe, le projet nous donne les moyens de peser demain sur les politiques de l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

C'est pourquoi, en tant que président de la délégation, et après avoir organisé en délégation un échange de vues montrant notre large approbation des nouvelles dispositions, je vous fais part de mon avis clairement favorable.

À la veille de la ratification par les vingt-sept États membres – je l'espère –, du traité de Lisbonne qui donne une place nouvelle aux parlements nationaux, à quelques semaines de la présidence française qui, je le souhaite tout autant, fera avancer l'Europe, ce projet constitue une étape bienvenue dans la revalorisation de notre Parlement.

Il va dans le sens de l'histoire, car les progrès de la démocratie en Europe passent d'abord, j'en suis persuadé, par une association encore plus forte des Parlements nationaux. Les textes nous y aideront : le traité de Lisbonne aujourd'hui, la Constitution demain. Mais naturellement, tout dépendra de notre pratique institutionnelle.

À l'instar du président de la Commission européenne, qui a pris l'initiative des réunions interparlementaires associant Parlement européen et Parlements nationaux, j'y prendrai toute ma part et je ferai bientôt des propositions concrètes au président de la Commission, M. Barroso, ainsi qu'au président du Parlement européen, M. Pöttering.

La délégation pour l'Union européenne donne donc un avis favorable à ce projet de loi, notamment à sa partie qui concerne l'Europe, que l'on n'évoque pas suffisamment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

(M. Marc-Philippe Daubresse remplace M. Marc Laffineur au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

La parole est à Mme la présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Assemblée nationale examine aujourd'hui un projet de réforme constitutionnelle de grande ampleur, qui va profondément rénover nos institutions en renforçant les pouvoirs du Parlement et la place des citoyens.

Le Premier ministre l'a dit hier, nous vivons un moment historique. Il nous faut saisir cette occasion de tenir compte de l'évolution de notre société et notamment de la part que les femmes y ont prise dans tous les domaines. À cet égard, la réforme constitutionnelle de 1999, qui, en modifiant les articles 3 et 4 de la Constitution, a favorisé l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, nous guidera. Cette réforme constitutionnelle fut le préalable indispensable aux lois de 2000 et de 2007 sur la parité en politique.

Ces deux lois contraignantes ont permis aux femmes de prendre toute leur place dans le monde politique, il faut le rappeler ! Ainsi, depuis les élections de mars 2008, 35 % des conseillers municipaux sont des femmes, alors qu'elles étaient moins de 22 % en 1995. Près d'un conseiller municipal sur deux – 48,5 % – dans les communes de plus de 3 500 habitants, où les listes sont obligatoirement paritaires, est désormais une femme. Dans les autres communes, où les règles sont moins contraignantes, cette part n'est que de 32 %, mais les lois sur la parité ont insufflé un élan. Globalement, la présence des femmes dans les conseils municipaux a progressé, depuis 1995, de 10 %. Un mouvement a été amorcé dans la société et si les femmes sont présentes aujourd'hui en politique, c'est que nous avons adopté les règles qui leur en ont donné la possibilité.

Certes, en matière de responsabilités exécutives, le bilan est moins probant : moins de 10 % des maires de villes de plus de 3 500 habitants sont des femmes, et seules six villes de plus de 100 000 habitants sont dirigées par une femme.

Pourtant, les femmes savent prendre leurs responsabilités quand on leur en offre la possibilité. La loi du 31 janvier 2007, grâce, encore une fois, à la réforme constitutionnelle de 1999, a imposé la parité pour les candidatures au poste d'adjoint au maire. Et bien que l'alternance stricte entre hommes et femmes ne soit pas obligatoire, 37 % des premiers adjoints sont désormais des femmes.

Mais la présence des femmes n'est toujours pas garantie lorsque l'élection a lieu au scrutin uninominal, malgré la modification de l'article 4 de la Constitution, selon lequel les partis politiques doivent contribuer à la mise en oeuvre du principe de parité. La loi de 2007 ayant cantonné les femmes au rôle de suppléantes, elles ne sont que 13 % des conseillers généraux, ce qui est une progression négligeable puisqu'elles étaient 10,9 % en 2001. La désignation des délégués des communes dans les intercommunalités, qui sont de véritables lieux de pouvoir, doit également être prise en compte.

La deuxième raison pour laquelle j'ai souhaité intervenir dans ce débat en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, c'est que nous devons favoriser l'accès des femmes aux responsabilités dans le monde économique et social, comme nous l'avons fait dans le monde politique. Le préambule de la Constitution de 1946 garantit certes à la femme des droits égaux à ceux de l'homme, et ce dans tous les domaines. Hélas, faute d'un amendement à la Constitution, ce principe ne pourra être effectivement appliqué en matière d'accès aux responsabilités économiques et sociales, puisque le Conseil constitutionnel a censuré les articles de la loi de 2006 relatifs à l'accès des femmes aux conseils d'administration des entreprises et à divers organes représentatifs, au motif que l'article 3 de la Constitution, dans sa rédaction de 1999, ne concerne que les élections politiques. En conséquence, nous devons aujourd'hui inscrire dans la Constitution l'égal accès des femmes et des hommes à ce type de responsabilités. Cette modification est un préalable indispensable à l'évolution des femmes dans leur carrière professionnelle et leurs activités sociales. Elle est d'autant plus nécessaire que, dans ces domaines, les discriminations à caractère sexuel sont toujours aussi flagrantes.

De telles dispositions existent déjà en Suède et ont été depuis peu adoptées en Espagne, dont la France devrait s'inspirer en matière de parité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Nous devons, nous aussi, franchir une nouvelle étape vers l'égalité des hommes et des femmes. La présente révision constitutionnelle est une occasion unique de la franchir. C'est pourquoi j'ai déposé, avec d'autres membres de la délégation, un amendement en ce sens.

Je souhaite d'autre part renforcer au sein du Parlement les prérogatives de la délégation aux droits des femmes. Aujourd'hui, pour examiner un projet ou une proposition de loi, celle-ci doit en demander l'autorisation au Bureau de l'Assemblée ou à la commission saisie au fond. De plus, ses travaux ne donnent lieu qu'à de simples recommandations. En permettant à la délégation de se saisir directement des projets et des propositions de loi pour avis, on simplifierait les procédures, ce qui accélérerait le travail législatif. Cela permettrait surtout à son rapporteur de déposer des amendements au nom de la délégation, possibilité qui n'existe pas aujourd'hui.

Toutes ces initiatives, mes chers collègues, vont dans le même sens : renforcer la place des femmes dans notre société – ce qui, trop souvent, n'est pas une priorité. L'exigence paritaire reste un défi, et nous devons le relever. Le Président de la République, qui a confié à Mme Simone Veil une mission de réflexion sur le préambule de la Constitution, nous y invite.

Aujourd'hui, madame le ministre,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

C'est une question de distinction entre la fonction et la personne !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Jo Zimmermann

Voilà ! Nous avons donc aujourd'hui l'occasion d'inscrire dans la Constitution ce qui y manque pour faire véritablement progresser l'égalité entre les femmes et les hommes. Notre devoir à l'égard des femmes de notre pays – c'est-à-dire de 52 % de la population – est de ne pas la laisser passer. J'espère, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous tiendrez compte de ces quelques réflexions même si vous ne m'écoutez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

N'ayez crainte, madame Zimmermann, Mme la garde des sceaux vous écoutait attentivement !

La parole est à M. Charles de Courson.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la règle d'or de l'équilibre de fonctionnement des budgets publics est une priorité du groupe Nouveau Centre, et ce pour quatre raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La première raison est économique et sociale : financer durablement par l'emprunt une partie des dépenses publiques de fonctionnement, qui ne sont pas créatrices de richesses, revient à ponctionner l'épargne nationale. La baisse des investissements productifs qui en découle affaiblit la croissance, le niveau de vie de nos concitoyens et accroît le chômage. Or, mes chers collègues, l'augmentation du taux de chômage, comme les autres conséquences d'une politique budgétaire laxiste, affecte davantage les salariés et les couches sociales les plus modestes.

La deuxième raison est d'ordre politique : l'actuelle majorité s'est engagée, au cours de la dernière campagne électorale, à assurer l'équilibre de fonctionnement des finances publiques avant la fin de la présente législature, soit au plus tard en 2012. Le Président de la République lui-même s'est engagé devant l'Union européenne à redresser les finances publiques d'ici à 2012.

La troisième raison de la nécessité de parvenir à la règle d'or est le respect des engagements que le peuple français a pris en votant le traité de Maastricht, qui prévoit un mécanisme de redressement des comptes publics lorsque ceux-ci sont déficitaires. La création de la monnaie unique européenne impose à ceux qui l'ont adoptée d'équilibrer leurs finances publiques pour éviter que les déficits importants des uns n'entraînent une inflation excessive.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La quatrième et dernière raison est éthique : a-t-on le droit, mes chers collègues, de s'endetter durablement pour financer des dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire de vivre au-dessus des moyens que nous laisse un certain niveau de pression fiscale et sociale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

En effet, nous n'en avons pas le droit, car ce serait au détriment de nos enfants et de nos petits-enfants. En un mot, est-il éthique de transmettre nos dettes de fonctionnement à nos descendants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Bien entendu, non ! Les jeunes générations ne pourront échapper au paiement de ces dettes, sauf si elles s'expatrient – perspective qu'aucun d'entre nous, mes chers collègues, ne peut imaginer.

Le groupe Nouveau Centre n'a pas attendu ce projet de loi de modernisation des institutions pour prendre des initiatives en ce sens. Notre collègue Michel Hunault a déposé une proposition de loi organique visant à créer une obligation d'équilibre, puis notre groupe a déposé en janvier dernier une proposition de loi constitutionnelle établissant la règle de l'équilibre de fonctionnement. Le Gouvernement ayant accepté le débat sur sa constitutionnalisation, un groupe de travail, rassemblant tous les groupes politiques, a été créé. Après cinq mois de travail, sa réflexion a abouti à la création d'une loi de programmation budgétaire qui permettra de respecter l'équilibre budgétaire – ou de le rétablir – dans un cadre pluriannuel.

La mise en oeuvre du principe d'équilibre des budgets publics doit prendre en compte les cycles économiques. Il ne s'agit pas d'atteindre l'équilibre des finances publiques en haut de cycle ou sur une ou deux ans – ce qui d'ailleurs représenterait une amélioration par rapport aux vingt-cinq dernières années – car d'autres événements pourraient le perturber : guerres ou mouvements sociaux de grande ampleur comme celui de mai 1968.

Dans son avis de mars dernier, le Conseil d'État a déploré que l'élaboration d'un budget pluriannuel ne repose sur aucune base constitutionnelle. L'amendement du groupe Nouveau Centre vise donc à créer une nouvelle catégorie de loi de programmation qui contraindrait les gouvernements d'aujourd'hui et de demain à justifier du rétablissement ou du maintien de l'équilibre budgétaire. Cet amendement a été soutenu par le Gouvernement et adopté en commission des lois.

Ce premier amendement ne prendra tout son sens que s'il est complété par deux autres amendements, l'un visant à rendre obligatoire l'équilibre total pour les lois de financement de la sécurité sociale, l'autre l'équilibre de fonctionnement pour les lois de finances, dans un cadre pluriannuel et uniquement en dépenses de fonctionnement. Pourquoi une telle distinction entre les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale ? Tout simplement parce que les dépenses sociales sont presque exclusivement des dépenses de fonctionnement. L'équilibre de fonctionnement se rapproche donc de l'équilibre total.

Peut-on accepter – et je m'adresse plus particulièrement à nos collègues de gauche – de financer durablement des dépenses sociales à crédit ? La réponse, là encore, est négative. Je regrette beaucoup, malgré tous les débats que nous avons eus, que le parti socialiste n'ait pas adopté une position claire en refusant des lois de financement de la sécurité sociale en déficit de façon durable. C'est inacceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

D'ailleurs, mes chers collègues, de 1945 à 1993, les gouvernements successifs de différents bords ont toujours réussi, dans un cadre pluriannuel, à équilibrer la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

C'est aussi stupide que de dire qu'il faut interdire les licenciements !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Sous le gouvernement Balladur, le déficit a doublé !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Depuis 1993, les gouvernements successifs ont accumulé une dette sociale telle que, dans deux ans, le produit de la CRDS, – soit 0,5 % sur l'ensemble des revenus des Français –, ne permettra plus d'en payer les intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est incontestable, monsieur Montebourg !

On ne peut prétendre défendre le système de protection sociale et de sécurité sociale française, et accepter de le financer à crédit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

La Constitution ne remplace pas le courage politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Le déficit 2008 de la loi de financement de la sécurité sociale n'est que de 9 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il s'agit donc de le réduire de deux milliards par an sur quatre ans. C'est tout à fait à la portée d'un gouvernement rigoureux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

La règle d'or en ce qui concerne les lois de finances est, là encore, de n'accepter de s'endetter que pour financer des dépenses d'investissement. Le budget de fonctionnement doit être équilibré dans un cadre pluriannuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Montebourg, ne parlez pas de la Constitution allemande comme d'un sapeur Camember, car cette disposition y figure. Et cette règle d'équilibre a beaucoup aidé les dirigeants allemands pour mener une politique budgétaire sérieuse.

Compte tenu du budget pour 2008, il faut réduire, d'ici à 2012, de 22 milliards le déficit actuel de 42 milliards, soit cinq milliards par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

C'est tout à fait à la portée d'une politique rigoureuse en matière de finances publiques.

En conclusion, mes chers collègues, donner une base constitutionnelle à la règle d'or, c'est contribuer au changement de comportements de l'ensemble des élus et des ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Après son instauration, on ne pourra plus dire : « Finançons à crédit de nouvelles promesses de dépenses ou de baisses d'impôts ». Il faudra indiquer comment ces nouvelles promesses seront financées, soit par de nouvelles recettes, soit par de nouvelles économies sur les dépenses. Ainsi, la crédibilité de la classe politique française dans son ensemble sortira renforcée d'une telle réforme.

Le Nouveau Centre est conscient que la règle d'or ne résout pas, en tant que telle, la situation dégradée des finances publiques françaises. Mais elle aidera les responsables politiques à trouver les moyens d'une politique de redressement des finances publiques à travers la réduction des charges publiques – c'est la thèse de l'actuelle majorité – ou à travers une majoration des recettes – ce serait plutôt la thèse de l'actuelle opposition.

Mais redressons, au moins, nos finances publiques ! Voilà pourquoi, mes chers collègues, je compte sur vous tous pour soutenir la règle d'or. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur de Courson, je vous remercie d'avoir posé une règle d'or qui est d'argent. (Sourires.)

La parole est à M. Jérôme Chartier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà maintenant plusieurs années qu'un débat politique animé a eu lieu sur l'avenir de nos institutions. Les partisans du régime d'assemblée se sont fait entendre, tout comme les défenseurs du système actuel ou ceux du régime présidentiel. Nous avons eu un temps démocratique d'échange et de débat sur l'évolution de la Ve République, et certains ont imaginé une VIe République.

Il est heureux que cela n'ait pas eu lieu, car la Constitution n'est pas seulement la norme suprême de notre ordre juridique. Elle est, d'abord et avant tout, le texte qui détermine l'équilibre des pouvoirs, qui régit l'État de droit, qui fonde le mystère de la concorde civile. Elle est le pacte de la citoyenneté, d'où découlent la force de la loi et la garantie des droits.

Ce temps du débat, vieux déjà de dix ans pour les premiers écrits d'une longue série, s'est poursuivi par un temps de dialogue, d'abord avec la commission Balladur, puis au sein de notre assemblée. Car cette révision ne ressemble à aucune des vingt-trois précédentes par son ampleur et la diversité des sujets qu'elle aborde. C'est pourquoi elle doit dépasser les clivages partisans et mérite de recevoir un soutien massif de notre assemblée.

Je souhaite rappeler les deux objectifs fondamentaux de ce texte, aborder cinq des dispositions qui me semblent les plus emblématiques et soulever deux questions.

La réforme poursuit deux objectifs de fond. Le premier est la modernisation de l'exécutif ou plutôt de la gouvernance publique. Le second est l'accroissement des pouvoirs du Parlement. Tous ceux qui critiquent ce texte au motif d'un renforcement supposé des pouvoirs du Président se trompent de cible. Au contraire, l'exercice solitaire du pouvoir, si souvent dénoncé, est combattu : limiter le droit de grâce, partager avec le Parlement les nominations, lui retirer la présidence du CSM constituent bien des limitations aux pouvoirs concrets du Président.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

On le voit tous les jours à la télévision !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

On croit pouvoir polémiquer sur l'article 7 et le droit de message. Mais, après tout, qu'est ce qui justifie aujourd'hui, le maintien de cette prohibition poussiéreuse, due à l'hostilité des Chambres envers Thiers ? Mes chers collègues, 1875, c'est si loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

L'irresponsabilité politique du Président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Enfin, la meilleure preuve que nous ne renforçons pas les pouvoirs présidentiels, c'est que les articles 5 et 20 restent inchangés. Cette modification n'étant pas consensuelle, le Gouvernement ne l'a pas retenue parmi les propositions du comité Balladur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Pour moderniser la gouvernance et mieux répartir les responsabilités en matière de nomination, il nous est proposé, par exemple, de prévoir un défenseur des citoyens et d'étendre les possibilités de saisine du Conseil constitutionnel. M. Jean-François Copé, tout à l'heure, et M. Jean-Luc Warsmann, hier, ont largement développé cet aspect – je n'y reviendrai donc pas.

Par ailleurs, les articles du projet de loi sont essentiellement consacrés à accroître les pouvoirs du Parlement. Nous sommes du reste devant ce qu'il faut bien appeler une « Arlésienne » du droit constitutionnel. On en parle beaucoup, mais on ne la voit jamais. Faut-il rappeler qu'en 1967, André Chandernagor écrivit : Un Parlement pour quoi faire ? Soyons honnêtes avec nous-mêmes : chacun partage parfois, et sur tous les bancs, cette interrogation. La dévaluation, la dépréciation de la fonction parlementaire, nous l'avons tous ressentie, ici ou dans nos circonscriptions, ou face à des administrations parfois arrogantes, devant des cabinets ministériels qui n'écoutent pas les élus.

J'avoue, comme vous, sans doute, mes chers collègues, aimer mon métier de député, que j'exerce avec passion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est un vrai débat. Pour moi, la fonction parlementaire est à la fois un métier, une fonction sans doute, mais surtout une passion.

Au fond, face à cette passion, dont nous savons la faiblesse et qui trouve parfois ses limites dans la Constitution, ce projet lève bien des blocages : l'ordre du jour partagé ; la possibilité de s'adresser au Conseil d'État pour un avis sur les propositions, réforme qui fut souhaitée, je le rappelle, par Laurent Fabius, à l'époque président de l'Assemblée ; l'augmentation raisonnable du nombre des commissions, demandée également par la gauche, ici même le 11 juillet 1995 ; le vote de résolutions – sur ce point, je sais que la commission des lois et son président ont proposé un mécanisme alternatif, et je m'en félicite.

Le droit parlementaire a horreur du vide, et ce qui ne passe pas par des résolutions fait aujourd'hui l'objet de lois mémorielles, ce qui est en contradiction avec la nécessaire impérativité des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'espère, en tout cas, que nous adopterons à l'unanimité la réforme consistant à débattre du texte issu des travaux de la commission. Si le texte du Gouvernement est au final meilleur que celui de la commission, ce sera désormais à celui-ci qu'incombera la charge de la preuve, et cela, comme chacun le sait, change tout. Cette réforme simplifiera nos procédures et impliquera que les ministres dialoguent davantage avec les commissions. Qui s'en plaindrait d'ailleurs, alors que chacun a en tête des exemples où la séance refait, parfois en moins bien, le travail de la commission, qui est souvent plus serein et moins manichéen ?

De vrais pouvoirs sont conférés au Parlement. À nous de les voter et ensuite de savoir les utiliser ! En tout cas, ces dispositions lèvent bien des blocages. J'en relèverai cinq, qui me semblent emblématiques.

D'abord, le fameux article 49, alinéa 3. Nous sommes, ici, avouons-le, plus dans le symbole. Mais limiter l'arme absolue, c'est étendre le dialogue. Au demeurant, en pratique, une telle limitation jouera peu et reste ainsi une force de dissuasion, notamment contre l'entrave démocratique que constitue l'obstruction par voie d'amendements.

Ensuite, je reviens sur l'importance essentielle du débat public sur les textes adoptés en commission. Cela implique, comme l'a très bien vu Jean Claude Colliard excellent constitutionnaliste, de gauche, et par ailleurs excellent professeur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

…que la négociation avec le Gouvernement, au stade du débat des articles en commission, deviendra une obligation. Il faudra trouver un moyen d'assurer le contrôle de la recevabilité financière des textes, soit en amont, soit sur le texte adopté, qui, après tout, pour la partie des amendements déposés par des parlementaires et adoptés par la commission, reste une initiative parlementaire. Je suis en tout cas hostile à toute suppression de l'article 40, qui est une garantie pour la maîtrise de la dépense publique, dont nous avons besoin. Ce serait un retour fâcheux à la IVe République.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

L'article 40 n'empêche par les dérives budgétaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

C'est au Gouvernement de maîtriser le cadre du budget, car c'est le cadre de son action.

Avec la LOLF, loi organique relative aux lois de finances, votée à l'unanimité le 1er août 2001, nous avons ouvert un espace de liberté, qui ne porte pas atteinte à ce pouvoir du Gouvernement. N'allons pas au-delà, mais utilisons tous les pouvoirs prévus par la loi organique, tant dans le contrôle que dans l'évaluation de l'efficacité de la dépense publique.

La troisième avancée emblématique est l'allongement des délais entre le dépôt du projet et son examen. Ici encore, un peu d'honnêteté est nécessaire. Qui ne s'est pas plaint des abus en la matière ? Il m'est arrivé de disposer de huit jours pour rapporter un texte, délai qu'aucun Gouvernement n'oserait imposer au Conseil d'État ! Ce sont de mauvaises conditions de travail, et la qualité de la loi s'en ressent nécessairement. Nous avons tous souhaité que cette question cruciale pour nos travaux soit résolue. Nous ne pouvons aller à l'encontre de ce dispositif, et, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous ne pouvons que tous le voter.

Quatrième avancée, il est positif de donner au président de l'Assemblée un moyen d'invoquer le partage entre loi et règlement, alors qu'aujourd'hui, seul le Gouvernement peut rendre ce partage effectif. Il faudra d'ailleurs que le Conseil constitutionnel inverse un jour sa jurisprudence de 1982, qui empêche les parlementaires de demander l'application des articles 34 et 37. Après tout, pourquoi les parlementaires ne pourraient-ils pas invoquer la Constitution devant le Conseil constitutionnel ?

Enfin, la cinquième disposition emblématique est l'exception d'inconstitutionnalité, que l'on avait tenté d'introduire, une première fois en 1990, puis en 1993. Je souhaite que cette réforme aboutisse, même si, comme certains d'entre vous, je suis sceptique sur le rôle de filtre absolu confié ainsi au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Je conclurait avec deux questions.

Pourquoi réserver l'exception d'inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958, c'est-à-dire à l'existence du Conseil constitutionnel ? L'inverse eût été plus logique. Le risque d'inconstitutionnalité est d'autant plus grand qu'il n'y a pas de contrôle. Cette limitation n'a pas de justification.

Pourquoi, enfin, avoir supprimé la mission d'évaluation des politiques publiques du champ parlementaire ? Ici encore, on serait à contresens. Dieu merci, la commission des lois – grâce à son président et rapporteur, Jean-Luc Warsmann –, inspirée notamment par la commission des finances et par le groupe UMP, l'a rétablie, ce dont je ne peux que me féliciter.

Mes chers collègues, nous avons tous ressenti – et souvent, hélas, intégré – une sorte de sentiment d'impuissance parlementaire. Nos concitoyens en sont conscients ; ils nous le font savoir quand nous les rencontrons dans nos permanences et ils le manifestent aussi en se réfugiant dans l'abstention. Ils nous reprochent la mauvaise qualité des lois, leur changement incessant, leur complexité. Ils nous reprochent l'insuffisante profondeur du contrôle. Ils nous reprochent aussi, parfois, notre manichéisme.

Quant à nous, nous reprochons à tous les gouvernements, sans exception, un poids décisionnel trop fort et une insuffisance de dialogue, de mauvaises conditions de travail, d'excessifs pouvoirs de blocage. C'est à l'honneur de l'actuel Gouvernement que de proposer de changer ces habitudes détestables dont nos concitoyens sont las et dont nombre de collègues sont désabusés. Ce sera à l'honneur des assemblées, mes chers collègues, de saisir cette chance et de moderniser nos institutions pour que les citoyens, qui nous élisent et nous observent, s'y reconnaissent.

On dit souvent que les citoyens se désintéressent des institutions. Je ne le crois pas. Ils ont soif d'une démocratie active et renouvelée. Le grand gagnant de cette réforme n'est pas l'élu d'un camp ou d'un autre, c'est la démocratie, et son expression représentative, le Parlement. Au nom de tous les parlementaires, qui nous ont précédés depuis 1958, et qui ont exigé un renforcement du pouvoir législatif, je vous invite, mes chers collègues, à saisir l'opportunité historique de la réforme de nos institutions et à voter ce texte auquel le groupe UMP apporte son plein et entier soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne conteste que de nombreuses dispositions de votre texte concourent utilement au renforcement du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Prévue à l'origine pour renforcer les pouvoirs et l'autorité du Président de la République, votre réforme – par un curieux paradoxe – offre finalement, et plus sagement, grâce aux travaux de la commission des lois, des avancées appréciables pour les parlementaires : la maîtrise de la moitié de l'ordre du jour, l'encadrement de la procédure d'urgence, le débat à partir du texte adopté en commission, la garantie d'un temps minimum de réflexion, l'assistance de la Cour des comptes.

Mais, malgré leur intérêt réel – qui devra compter dans l'appréciation finale que nous serons amenés à donner – l'ensemble de ces mesures ne suffit pas à briser le corset qui enserre le Parlement depuis 1958. II manque à votre projet l'audace qui caractérise la volonté. Dans trop d'articles, les bonnes intentions semblent pétrifiées par la peur de transgresser les canons du parlementarisme dit rationalisé.

Votre texte garde du Parlement l'image d'un pouvoir indocile et malhabile, d'un vaste forum traversé par trop de conflits partisans pour bien défendre l'intérêt national. Le Parlement reste donc – selon ce schéma – une institution par essence turbulente que l'on doit rappeler à l'ordre. À cet égard, la révision de l'article 49, alinéa 3 est exemplaire. En autorisant cette procédure une fois par session pour les textes ordinaires, votre projet fixe la limite à un niveau supérieur à celui enregistré dans la pratique. Une réforme ambitieuse devrait donc a minima interdire tout recours à cet article en dehors des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Les dispositions prises en faveur du Parlement suffiront d'autant moins à rééquilibrer la balance des pouvoirs qu'aucun article ne vient encadrer, à ce stade, une des prérogatives les plus puissantes de la Présidence de la République.

À notre époque où les médias jouent un rôle fondamental dans la formation de l'opinion publique, leur accès est devenu un enjeu stratégique dont la portée devrait justifier une inscription dans le texte constitutionnel. Ignorer la question du décompte du temps de parole présidentiel – que nous aborderons demain – revient à aveugler la Constitution sur une dimension essentielle du partage des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Votre projet de loi n'achoppe pas uniquement sur la question du rééquilibrage des pouvoirs. Il néglige trop, en second lieu, la place qui doit désormais être faite aux citoyens. Non seulement ceux-ci restent mal représentés, mais ils demeurent mal reconnus. La mauvaise représentation des citoyens tient d'abord au mode de désignation des sénateurs, comme nous l'avons démontré hier matin. Mais elle tient également à l'insuffisance des moyens de contrôle laissés à l'opposition. Or si le statut de l'opposition sera désormais consacré par la Constitution – et c'est une bonne chose –, ce statut ouvrira dans la pratique encore trop peu de prérogatives, notamment dans ses fonctions de contrôle.

De même, il est temps que la République accorde enfin le droit de vote aux élections locales aux étrangers en situation régulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Lors d'une récente intervention télévisée, le Président de la République a déclaré y être personnellement favorable. Les députés de l'opposition sont prêts à lui fournir cette majorité qu'il craint ne pas avoir sur les bancs de son propre parti.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Quelle bonté !

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Mal représentés dans leur diversité, nos concitoyens sont également mal reconnus dans leurs compétences par la version originale du projet de loi. À l'heureuse exception de la question préjudicielle de constitutionnalité – une idée défendue, en son temps, par François Mitterrand –, le texte issu du conseil des ministres refuse à nos compatriotes l'exercice de nouveaux et réels pouvoirs.

C'est pourquoi nous nous réjouissons tous que le Premier ministre accepte désormais le principe du référendum d'initiative populaire défendu par nos amendements. Il s'agit, comme le disait Jean-Marc Ayrault, d'un progrès significatif. Mais nous serons très vigilants sur les conditions de son exercice, qui restent aujourd'hui encore trop imprécises. Sous réserve qu'il soit bien encadré, son usage offrirait, il est vrai, une chance unique d'intégrer le citoyen au fonctionnement régulier de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Manuel Valls

Dans la douleur, notre démocratie est ainsi arrivée à l'âge adulte ; celui, où l'on ne croit plus à l'infaillibilité des « élites ». Partager davantage l'exercice du pouvoir consacrerait l'entrée dans ce nouvel âge en faisant de chaque citoyen un individu responsable et capable de mesurer la portée et les limites de l'action publique.

Par le passé, nos institutions – Arnaud Montebourg le rappelait hier – ont souvent porté la marque des passions et des contingences de l'histoire. Si bien que, pendant trop longtemps – et la Ve République n'échappe pas à cette règle – nos institutions ont davantage divisé qu'elles n'ont rassemblé.

L'apaisement du débat public – souhaitons-le – doit désormais nous permettre d'envisager la Constitution pour ce qu'elle devrait toujours être : la maison commune de tous les démocrates et de tous les républicains. C'est donc avec le seul souci de trouver enfin ce point de convergence que nous abordons cette discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si le complexe de supériorité hexagonal doit en souffrir, force est de constater que les institutions démocratiques de la France sont aujourd'hui en panne, notamment parce que la Constitution présidentialiste de la Ve République est à bout de souffle. Entre deux votes de lois émotionnelles ou d'opportunité, examinées comme toujours en urgence, la vie politique dérive chaque année davantage dans la « peopolisation » dictée par le système politico-médiatique et induite par la primauté de l'élection présidentielle au suffrage direct. Cette tendance s'est même renforcée depuis la regrettable inversion du calendrier électoral décidée par le gouvernement Jospin.

Comment restaurer la confiance de nos concitoyens dans le personnel politique et les institutions de la République ? Nous vivons, en effet, une crise de la représentation, avec des institutions décalées de la société. La pratique du cumul des mandats – exception française – s'ajoutant à notre système électoral majoritaire de circonscription, la « représentation nationale » est avant tout la représentation de l'homme blanc, âgé de plus de cinquante-cinq ans, de catégorie socio-professionnelle supérieure – professions libérales, chefs d'entreprises ou cadres supérieur du public ou du privé – et exerçant déjà un mandat local. La loi sur la parité a peu franchi les portes de notre Parlement. Et, au manque de représentativité sociale, s'ajoute le défaut de représentativité politique, induit par le système majoritaire bipartiste.

Dans ce contexte, il faut en finir avec la langue de bois et l'hypocrisie : cessons d'excuser l'absentéisme parlementaire qui nous déconsidère auprès de nos concitoyens, en répétant constamment que « si nous ne sommes pas dans l'hémicycle c'est parce que nous sommes en commission ». Reconnaissons que faire fonctionner l'Assemblée sur deux jours – mardi et mercredi – à la fois pour tenir les réunions des commissions, des missions d'information, des groupes d'études, des groupes d'amitié et les débats en séance plénière, n'est pas possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Pour que le Parlement ait plus de pouvoirs, il faut que les parlementaires aient le temps de siéger. En n'ayant pas, nous-mêmes, le courage d'en finir avec le cumul des mandats, ni d'ailleurs de le réduire, et encore moins d'en débattre, nous ratons une occasion fantastique ; et les quelques nouvelles mesures positives proposées dans le texte continueront à se heurter à cet absentéisme.

Dans ce contexte, le projet de loi de révision constitutionnelle que vous nous soumettez est même très éloigné de certaines conclusions du comité « Balladur », dont les quelques propositions novatrices ont été, hélas, écartées par votre majorité.

Nous l'avons malheureusement compris, nos débats ne porteront toujours pas sur un projet de VIe République, parlementaire et primo-ministérielle, à l'image des démocraties modernes de nos voisins européens. Mais même dans le cadre contraint de la Ve République, les avancées sont mineures.

Les propositions des députés Verts de rééquilibrage de nos institutions, qui sont déclinées dans les amendements déposés, s'articulent autour de deux axes principaux : une meilleure représentation de la société dans sa diversité sociale et politique ; de vrais pouvoirs au Parlement, notamment à l'opposition au sein du Parlement.

Pour une meilleure représentation de la société, dans sa diversité sociale et politique, mon collègue Noël Mamère a cité un certain nombre de propositions comme l'introduction de la proportionnelle, le droit de vote des résidents étrangers. J'ajoute, pour ma part, le non cumul des mandats, la garantie d'une place faite à la diversité des langues régionales dans nos institutions et la modification du mode d'élection du Sénat, car en l'état, il ne permet pas aucun changement.

Il n'est plus possible que le Parlement soit considéré comme irresponsable – je rejoins Manuel Valls sur ce point – et que l'exécutif ait tous les pouvoirs. L'épisode sur le droit de résolution présenté dans le texte original du Gouvernement, supprimé par la commission au nom du risque d'irresponsabilité du Parlement, est significatif à cet égard ! Nous refusons aussi que le Président de la République puisse s'exprimer directement devant les parlementaires réunis en Congrès.

Pour donner davantage de pouvoirs au Parlement, il aurait fallu aller beaucoup plus loin, en supprimant le droit de dissolution, l'article 38 sur les ordonnances et le vote bloqué prévu à l'article 44, alinéa 3.

Pour ce qui est de l'article 49, alinéa 3, la proposition relève du tour de passe-passe : on le supprime, mais on le réintroduit, outre pour la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, une fois par session, ce qui ne change rien par rapport à la situation actuelle, comme cela a déjà été dit.

Quant au plein respect du droit d'amendement, le texte présenté est ambigu. Il ne faudrait pas que l'examen en séance plénière du texte amendé en commission – auquel nous sommes favorables – ne soit un prétexte pour restreindre le droit d'amendement en séance des groupes et des parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

De ce point de vue, l'article 18 est très ambigu. Vous annoncez une loi organique sans dire en quoi elle consistera, mais dont nous pouvons penser que son objectif est la réduction du droit d'amendement des parlementaires et l'extension de la procédure des « cavaliers législatifs ».

Alors que, sur tous les bancs, nous nous plaignons de lois mal écrites, de lois bavardes, de lois modifiées tous les six mois et donc d'instabilité législative pour tous nos concitoyens, les dispositions issues du texte du Gouvernement et des amendements de la commission sur ce point risquent d'avoir pour conséquence un élargissement des pouvoirs du Gouvernement et de la majorité avec pour corollaire la restriction des pouvoirs de l'opposition. En fait de rééquilibrage, on pouvait s'attendre à mieux !

Nous sommes également favorables à la suppression de l'article 40, censé empêcher l'irresponsabilité parlementaire s'agissant des finances publiques. À voir l'ampleur des déficits alors même que cet article est appliqué, on se demande en quoi sa suppression poserait problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Menons les débats au fond et que le Gouvernement se prononce sur la compatibilité de tel ou tel amendement avec les dépenses publiques, mais n'empêchons pas le débat en séance publique !

Quant au recours à la déclaration d'urgence, il ne doit pas être maintenu : tant que le Gouvernement disposera de cette arme, massivement utilisée par la majorité UMP depuis 2002, le rôle du Parlement sera réduit à celui d'une chambre d'enregistrement !

Nous sommes donc favorables à un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement. À l'initiative de l'opposition, et non pas uniquement de la majorité, les parlementaires pourraient créer des commissions d'enquête ou mener des auditions de membres du Gouvernement ou d'autres auditions publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Voilà donc, dans leurs grandes lignes, les propositions des députés Verts. Deux sont, à nos yeux, incontournables : l'introduction d'une dose de proportionnelle et l'instauration du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Vanneste

Il n'y a pas plus destructeur pour la nation que les Verts !

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Si ces dispositions ne sont pas adoptées, les députés Verts ne voteront pas ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Enfin un centriste qui reste fidèle à la proportionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question qui se pose à nous est assez simple et pourtant elle n'est pas traitée. Où est la racine du mal ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Nous avons tous pu en établir le diagnostic, et ce de façon réitérée. La marée de fauteuils rouges vides que nous constatons ce mercredi à dix-huit heures quinze, alors qu'est débattu l'un des textes les plus importants de cette législature, est suffisamment éloquente : le mal est profond.

Mais où plonge-t-il ses racines ? Dans la dépendance du législatif à l'égard de l'exécutif, j'en ai la conviction. Cette dépendance remonte loin dans l'histoire de la Ve République, et elle a été renforcée par le raccourcissement de la durée du mandat du Président de la République, le quinquennat ayant rendu concomitantes les élections présidentielles et les élections législatives.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Cette question n'est pas traitée dans cette réforme : elle est éludée, elle est évitée, elle est mise sur la touche. C'est pourquoi la situation ne changera pas.

Comme beaucoup de constitutionnalistes l'ont observé depuis longtemps, le problème n'est pas que le Parlement manque de pouvoirs – il en a beaucoup –, mais qu'il ne les exerce pas. En France, en effet, la situation est telle que le législatif est l'exécutant de l'exécutif.

On ne sortira pas de cette relation de soumission, tant qu'on ne la placera pas au centre d'une réforme, en instaurant une loi électorale juste. Il importe de faire dépendre la légitimité de notre assemblée non plus de l'exécutif, mais du peuple français, de rendre enfin équitable la représentation et de traduire dans la loi l'affirmation de la Constitution selon laquelle le vote doit être égal.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Excusez-moi de vous le dire, mes chers collègues, mais, à l'heure actuelle, le vote n'est pas égal. Si vous votez à gauche à Neuilly ou à droite à Saint-Denis, votre voix ne comptera jamais, autant rester chez vous.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Si l'on veut couper le cordon ombilical entre le législatif et l'exécutif, il faut toucher au coeur du problème : la loi électorale.

À défaut, toutes les dispositions figurant dans le texte seront des leurres. Le partage de l'ordre du jour – une disposition qui se conçoit – sera un simple changement de façade. Faire passer sa fixation de l'exécutif aux amis de l'exécutif, de M. Karoutchi à M. Copé (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

Allons, allons !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

…n'a rien d'une révolution susceptible d'ébranler les bases de nos institutions. Les modifications apportées à la procédure de nomination seront une plaisanterie dans la mesure où le veto ne pourra s'exercer que s'il y a une majorité des trois cinquièmes des membres des commissions. Autrement dit, le parti majoritaire détient la clef du droit de veto.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Si l'on ne traite pas la question centrale de la loi électorale, si l'on ne fait pas en sorte de garantir la représentation de la nation au sein de notre assemblée, toute cette réforme ne sera qu'un leurre, je le répète.

Je finirai par ce qui constitue une manifestation symbolique irréfutable de ce mal. Grâce au droit de message, le Président de la République pourra intervenir devant les deux assemblées réunies en Congrès quand il estimera avoir quelque chose à leur dire, mais sa situation de majesté l'empêchera d'entendre ce que les représentants de la nation ont, eux aussi, à lui dire. Qu'est-ce donc qu'un Parlement interdit de parole ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Cela paraît de peu d'importance mais c'est une disposition extrêmement choquante, qui traduit la réalité institutionnelle qui sortira de cette réforme.

« Gouverner, c'est faire croire », écrivait Machiavel. Eh bien, nous ne devrions pas accepter une réforme institutionnelle qui fait croire ; nous devrions, au contraire, parlementaires que nous sommes, forcer à une modification portant sur le coeur même du système institutionnel français afin de rompre le lien de dépendance entre l'exécutif et le législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

C'est un peu tiré par les cheveux, monsieur Valls ! (Rires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle idée que de réformer une constitution qui fonctionne ! À vous entendre, monsieur Montebourg, elle serait tout entière à rejeter : « voici enfin la possibilité de passer de l'ombre à la lumière ! » avez-vous dit, ainsi que l'un de vos amis. Pourtant, pendant cinquante ans, elle a vécu sans trop de difficultés, elle a surmonté des crises, des guerres, des cohabitations même – pour avoir été ministre d'un gouvernement de cohabitation, monsieur Valls, je peux vous dire que ses dispositions ont été bien appliquées.

En lisant l'article 1er du projet de loi constitutionnelle, qui modifie l'article 4 de la Constitution, j'ai eu la fâcheuse impression que nous vivions jusqu'ici dans une république birmane. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

L'opposition serait enfin reconnue. Une affirmation pour le moins inopportune : l'opposition existe, elle a même la présidence d'une commission, celle des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Si elle avait la présidence des six commissions, ce ne serait plus l'opposition, monsieur Valls ! Elle bénéficie de niches parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Montebourg

Des « niches », justement : le terme est significatif !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Des « espaces parlementaires », si vous préférez, qui lui permettent, comme à chaque groupe, de soumettre des propositions de loi au vote de l'Assemblée. Or ces innovations ont été apportées sans modification de la Constitution.

En outre, l'ouverture s'est faite au sein du Gouvernement et de multiples groupes de travail sont présidés par des personnalités de l'opposition.

Debut de section - PermalienRoger Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement

C'est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Oui, c'est normal, et je ne vois pas pourquoi il est nécessaire de modifier l'article 4. Il existe une opposition comme il existe une majorité et nous avons été tour à tour dans l'une et dans l'autre.

J'ai l'impression que ce qui heurte l'opposition actuelle, c'est le fait majoritaire lui-même. L'opposition a pour rôle de s'opposer et de proposer mais il ne faut pas qu'elle s'étonne de n'être que l'opposition et que ses propositions ne soient pas forcément retenues. L'article 1er me semble donc superflu et je dirai même un peu humiliant pour les constituants de 1958.

L'article 7 établit que le Président de la République pourra s'exprimer devant le Congrès à Versailles, et devant le Congrès seul selon une modification apportée par la commission des lois. Y aura-t-il un débat après son discours ? Non, bien entendu. Y aura-t-il un vote ? Non, évidemment. Quel intérêt y a-t-il alors à ce que le Président vienne s'exprimer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

D'autant qu'il prendra la place du Premier ministre et se fera chahuter, lui qui, ne l'oublions pas, a le droit de dissoudre l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Je suis donc contre cette disposition.

Heureusement, la commission des lois a supprimé l'article 3, qui contingentait le nombre des ministres. En le lisant, les bras m'en sont tombés : qu'est-ce qu'une telle disposition venait faire dans la Constitution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Peut-être s'agissait-il d'entraver les ambitions de certains ministres ou de faire retomber les espoirs de certains d'entre nous, qui rêvent d'entrer au Gouvernement ?

L'article 49, alinéa 3 subsiste mais son utilisation est limitée. Pourquoi ? Il s'agit pourtant de l'un des piliers de la Ve République. Il est fondamental pour l'exercice du pouvoir. C'est cet article dissuasif qui permet au Gouvernement de gouverner, après une IVe République qui a beaucoup souffert de l'instabilité gouvernementale. Il est peu utilisé, certes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Lionel Jospin a gouverné sans jamais y avoir recours !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Mais il existe. Comme je le disais à Édouard Balladur quand j'étais ministre de son gouvernement, la bombe atomique n'est pas utilisée mais elle est là, comme force de dissuasion.

Pourquoi en restreindre le recours au projet de loi de finances, au projet de loi de financement de la sécurité sociale et à un autre texte, une seule fois par session ? Une fois qu'il aura été utilisé, que fera-t-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

La majorité s'en donnera à coeur joie – ce qui est bien normal – et l'opposition fera de l'obstruction : nous serons démunis. D'ailleurs, c'est une absurdité, je le dis avec vigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

C'est un peu la mort de la Ve République. M. Montebourg ou M. Brard veulent y voir son acte de décès.

L'article 4, qui modifie l'article 13 de la Constitution, est en trompe-l'oeil. Pour s'exercer, le droit de veto nécessite une majorité des trois cinquièmes des commissions chargées de se prononcer sur la nomination des personnalités. Si nous avions été courageux, nous aurions réduit de manière drastique le nombre des nominations effectuées par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Je vous rappelle qu'en 1986 François Mitterrand avait spectaculairement accru le champ de son pouvoir de nomination, ce qui était inadmissible. Il aurait fallu réduire ce périmètre et faire confiance au Président de la République pour qu'il s'entoure de commissions, de comités, de personnalités qui lui auraient donné un avis. Ainsi, on aurait évité le couac que nous avons connu il y a peu lors de la nomination d'une personnalité à la Villa Médicis.

Quant à l'article 9, qui vise à modifier l'article 24 de la Constitution, c'est du verbiage puisqu'il ne fait que reprendre la Constitution actuelle et même celles qui l'ont précédée.

Le droit de résolution a été heureusement supprimé par la commission, car je vois mal comment un gouvernement pourrait conduire une politique étrangère si des résolutions de l'Assemblée venaient en permanence critiquer ou vilipender des pays comme le Liban ou la Chine par exemple.

La commission des lois propose de modifier l'article 10 de la Constitution, modifiant par là même l'esprit de la ve République. Je suis opposé à ce que les ministres retrouvent leur siège de député lorsqu'ils quittent leurs fonctions gouvernementales. Le texte initial prévoyait que chaque ministre qui démissionne retrouve son siège. Cela signifie qu'à la moindre difficulté, à la moindre opposition, un ministre pourrait s'en aller et retrouver son siège de député. Mais où serait la cohésion gouvernementale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Et pourtant j'en ai fait l'expérience après avoir été ministre. Et j'ai été battu quand j'ai voulu retrouver mon siège !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur Debré, je vous demande de conclure. Vous allez bientôt tripler votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

J'en viens maintenant à l'article 22 du projet de loi constitutionnelle. Le Gouvernement gouverne à moitié, le Parlement gouverne à moitié. C'est surprenant ! Je suis pour l'augmentation des droits du Parlement, mais fallait-il modifier la Constitution ? Il faudrait plutôt augmenter le nombre de niches parlementaires, ce qui peut être fait par le règlement de l'Assemblée nationale.

En conclusion, ce texte contient de bonnes propositions, comme la limitation à deux mandats présidentiels. De même, je suis favorable à ce que ce soient les textes issus de la commission qui soient discutés en séance plénière. Mais que fera-t-on des propositions issues d'autres commissions ? Si le texte est examiné en commission des lois, pourrai-je faire des propositions en séance en tant que membre de la commission des finances ? Pour sa part, le Gouvernement pourra toujours présenter des amendements visant à revenir au texte initial, mais que devient le droit d'amendement des autres commissions et des parlementaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Il y a là un danger.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas la réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Peut-être ! En tout cas, je ne serai vraisemblablement pas le seul.

Je répète qu'une grande partie de ces dispositions aurait pu relever du règlement intérieur de l'Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Nous avions des pouvoirs, nous ne les avons pas utilisés. Regardez l'hémicycle : c'est la loi la plus importante que nous ayons à voter et il n'y a personne !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Debré

Où est le pouvoir du Parlement ? Nous l'avons perdu. C'est nous qui l'avons délaissé. Nous pouvons le reprendre sans modifier la Constitution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'abord quelques mots sur la nature de notre débat. Il y a quelques minutes, François Bayrou estimait que ce texte était l'un des plus importants de la législature. Il s'agit en effet d'une réforme constitutionnelle, ce qui n'est pas rien. Pourtant, nous en débattons de manière un peu confidentielle.

C'est vrai, nous ne débattons pas d'une loi ordinaire. Une loi ordinaire, c'est un texte pour lequel le Gouvernement a une majorité. Il écoute la discussion générale, il accepte ou refuse les amendements proposés, mais au bout du compte il fait voter son texte en s'appuyant sur sa majorité.

Dans le cas présent, la majorité simple ne suffit pas, il faut la majorité qualifiée des trois cinquièmes au Congrès. Pour cela, il faut un « compromis » disent certains – terme que je n'aime pas. En tout cas, il faut au moins un socle commun sur lequel on se mette d'accord. Cela suppose un autre regard sur nos amendements et un certain nombre de gestes de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Oui, et on pourra y revenir.

« Compromis historique » me semble une expression un peu démesurée par rapport à l'importance de l'enjeu mais, dans la recherche de ce socle commun, les parlementaires socialistes ont indiqué il y a six semaines les cinq axes selon lesquels ils souhaitaient entrer dans ce débat. Ils n'ont pas parlé de « conditions », j'y insiste, pour laisser le débat ouvert.

Parmi ces axes figurent les modes de scrutin, notamment celui du Sénat mais aussi la proportionnelle, le temps de parole dans les médias que nous examinerons demain matin dans le cadre d'une proposition de loi socialiste, le pouvoir de nomination sur lequel nous demandions plus que ce qui a été proposé aujourd'hui dans le cadre des travaux de la commission des lois, le droit de vote des étrangers.

Sur ce dernier point, nous sommes accusés chaque fois, avec quelques ricanements, de revenir à une vieille lune des socialistes, alors que le Président de la République lui-même s'est plaint il y a quinze jours de ne pas disposer d'une majorité suffisante pour faire voter cette réforme. Comme l'a dit Manuel Valls, avancez avec nous sur la recherche de ce socle commun et nous donnerons une majorité au Président de la République pour faire en sorte que les étrangers aient le droit de vote aux élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Roman

Notre cinquième axe concerne le refus, dans le cadre de l'équilibre de la ve République, de confier des pouvoirs nouveaux au Président de la République, notamment la capacité de s'exprimer devant l'Assemblée nationale ou le Sénat ou devant le Congrès, car la signification est exactement la même. Comme l'a dit Arnaud Montebourg hier soir, il n'existe pas une seule démocratie au monde où l'exécutif, qui a tout pouvoir sur le législatif et qui peut dissoudre l'Assemblée à tout moment, puisse s'exprimer devant un législatif dépourvu, quant à lui, du moindre pouvoir sur l'exécutif, ne pouvant ni débattre en présence du Président ni le sanctionner. L'Assemblée ne peut pas sanctionner le Président de la République, seulement le Premier ministre.

Jusqu'à présent, la majorité n'a fait aucun geste, n'a concédé aucune avancée sur ces axes. Il est vrai que certains articles comportent des avancées pour le fonctionnement du Parlement et correspondent ponctuellement à des demandes que nous formulons depuis des années. Mais il s'agit, non d'avoir la Constitution idéale, mais la démocratie la plus parfaite possible. Et elle passe par les questions que nous avons évoquées.

Par ailleurs, il est prévu que sept lois organiques soient adoptées pour décliner la réforme constitutionnelle. Elles ont trait pour l'essentiel au fonctionnement du Parlement, donc des deux assemblées. Si, demain, ces lois sont proposées au Parlement, elles échapperont à la souveraineté des députés puisque, sans l'accord des sénateurs, une loi organique concernant le Sénat ne peut être adoptée. La première chambre ne peut accepter de voter une réforme constitutionnelle qui reporte un certain nombre de ses décisions à des lois organiques et que celles-ci soient laissées au bon vouloir de la seconde chambre. Quelle que soit leur couleur politique, les députés ne peuvent accepter cela.

Vous proposez de renforcer les droits du Parlement. Nous sommes d'accord. Mais le Parlement est composé de deux chambres, dont l'une, le Sénat, est aujourd'hui illégitime. Nous ne sommes pas les seuls à le dire : M. Poncelet le reconnaît, de même qu'un groupe de travail de l'UMP au Sénat. Et l'on sait bien que le Président de la République rêve en secret de transformer le mode d'élections des sénateurs. Pourtant, quand il s'agit d'avancer sur le mode de scrutin sénatorial, on l'a encore vu hier matin dans le cadre de la niche socialiste, vous empêchez l'Assemblée de passer à la discussion des articles. Ce n'est pas la peine de doubler, tripler, quadrupler le temps de parole de l'opposition ou le nombre de niches que vous lui concédez, si c'est seulement pour nous écouter gentiment et ne même pas prendre la totalité du temps de parole auquel vous avez droit dans la discussion générale parce que c'est barbant d'examiner une proposition de loi de l'opposition ! C'est un manque de respect de l'opposition, et donc du Parlement.

Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg l'ont déjà dit très clairement : en l'état actuel des choses, nous ne pouvons que refuser le texte que vous nous proposez. Vous n'avancez sur aucun des axes que nous vous avons présentés et, chaque fois que vous acceptez de discuter de nos amendements, vous le faites a minima, vous le faites au rabais.

Si un climat de confiance n'est pas établi, si la vision de la démocratie que nous promouvons n'est pas prise en compte dans ce débat, nous ne pourrons pas faire partie de la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour modifier la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur Roman, vous avez, vous aussi, doublé votre temps de parole. Toutefois, les propos des orateurs étant intéressants, j'ai laissé le débat se poursuivre. (Murmures sur plusieurs bancs.)

(M. Marc Laffineur remplace M. Marc-Philippe Daubresse au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, quelqu'un pense-t-il vraiment que la révision constitutionnelle qui nous est proposée soit à la hauteur des enjeux actuels s'agissant du développement de la démocratie et qu'elle réponde aux attentes des Français en leur accordant la possibilité de participer aux décisions qui les concernent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Je ne le crois pas, et pour une bonne raison : ce qui a présidé à l'élaboration de ce projet de loi constitutionnelle, c'est d'abord la volonté très personnelle du Président de la République de pouvoir s'exprimer devant le Parlement – ce qu'aucun de ses prédécesseurs, pas même le général de Gaulle, n'avait souhaité –, ainsi que cette considération politico-philosophique du Premier ministre : « Commençons par renforcer le pouvoir du Parlement », ce qui, comme je l'expliquerai, n'est pas le cas, « pour aller, dans quelques années, vers la présidentialisation inéluctable du régime » – comme si, en politique, quelque chose pouvait être inéluctable ! Au total, c'est ce qui s'appelle voir les choses par le petit bout de la lorgnette !

J'insisterai sur trois points.

En premier lieu, les pouvoirs du Président de la République sortent renforcés de ce projet. Prendre la parole devant le Parlement, si ce n'est pas pour prononcer un – inutile – discours du trône, c'est nécessairement pour se livrer à une intervention politique visant à peser sur les choix du législateur, ce qui est bien dans le prolongement de tout ce qui s'est fait depuis cinquante ans pour renforcer la prééminence du Président de la République. C'est d'ailleurs confirmé par l'article 8, qui enlève au Gouvernement la responsabilité de la défense nationale – à moins que les tenants du statu quo à l'UMP ne l'emportent, mais cela ne changerait rien à la pratique actuelle !

Quant aux droits du Parlement, le mot « leurre » est celui qui qualifie le mieux ce texte : certains constitutionnalistes parlent même d'« hypocrisie ». Examinons en effet les articles qui constituent, en la matière, le coeur du projet.

D'abord, vous accordez à deux gendarmes la faculté d'opposer l'irrecevabilité législative à un amendement : au Gouvernement, ce qui était déjà le cas, ainsi qu'au président de l'assemblée saisie.

Ensuite, vous introduisez une nouveauté – qui n'est pas un pouvoir supplémentaire – en prévoyant l'examen en séance du texte adopté par la commission ; mais vous utilisez cette modification pour, dans l'article 18, multiplier les procédures « réellement simplifiées » et ouvrir la voie « à la fixation […] d'une durée programmée d'examen des textes » – selon les termes de l'exposé des motifs. Autrement dit, vous prenez prétexte de l'examen du projet en commission – qui a toujours eu lieu – et de la présentation du texte adopté par celle-ci pour réduire le temps du débat en séance plénière publique, ce qui ouvre la porte à l'inscription dans la Constitution d'une atteinte à la liberté du débat et à celle d'amendement. Cette régression est d'autant plus inacceptable que, comme cela a été souligné, elle sera pour l'essentiel codifiée par les règlements des assemblées, qui ne seront discutés qu'après le vote de cette révision constitutionnelle. Nous ne pouvons signer un tel chèque en blanc – ni sur cet article, ni sur aucun autre qui renverrait à une loi ou à un règlement ultérieur, accordant de surcroît un droit de veto à un Sénat issu du XIXe siècle. En réalité, votre préoccupation est davantage de gagner du temps que de renforcer le pouvoir de l'Assemblée.

Leurre aussi, ou plutôt hypocrisie, que la prétendue limitation de l'usage de l'article 49-3, dont on sait qu'il a pour fonction d'arrêter les débats. D'abord, cette procédure pourra continuer d'être utilisée pour les textes essentiels que sont les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Ensuite, le Gouvernement pourra, pour le surplus, y recourir une fois par session, ce qui revient à se caler sur la fréquence actuelle. Enfin, je viens de le rappeler, la multiplication des procédures simplifiées et la limitation de la durée d'examen des textes conduiront de facto à renforcer le dispositif actuel au profit du parti majoritaire à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Leurre encore, la modification des modalités de fixation de l'ordre du jour : aujourd'hui, le Gouvernement et la majorité fixent l'ordre du jour de l'Assemblée à raison de 97 % du temps de séance ; demain, ils le fixeront à raison de 92,5 %. Quel changement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Quoi qu'il en soit, la majorité demeurera soumise à l'exécutif. Pour les groupes d'opposition, le gain sera donc très faible, d'autant qu'on envisage de discuter dans les nouvelles niches, outre les propositions de lois, les textes relevant du contrôle du Gouvernement et de l'évaluation des politiques publiques ainsi que les « résolutions » – encore que, effrayée, la commission des lois ait supprimé l'article 12, soulignant à cette occasion que ce nouveau « droit » n'ouvrait pas droit à grand-chose, ce qui est un euphémisme.

Je passe sur le simple avis donné par le Parlement sur les nominations du Président de la République – la règle des trois cinquièmes ne change rien –, sur les contorsions auxquelles on se livre afin d'empêcher que le Parlement se prononce dès le début sur l'intervention des forces armées à l'extérieur, sur les fausses limites apportées à la déclaration d'urgence et sur la suppression de la possibilité d'utiliser le référendum pour les textes constitutionnels européens ou l'élargissement de l'Union. Et j'en arrive au troisième point, jugé si important par le Gouvernement : le pouvoir des citoyens.

Il me suffit à ce sujet de rappeler l'opposition farouche du groupe UMP à un amendement, présenté en commission par le groupe GDR et le groupe SRC, qui reprenait simplement la proposition du comité Balladur de faire examiner par le Parlement une motion référendaire si un cinquième des parlementaires et 10 % des électeurs inscrits le demandaient. Les arguments avancés pour justifier ce rejet étaient si grotesques que vous avez finalement reculé, même si rien ne garantit que la motion référendaire se traduira effectivement par l'organisation d'un référendum.

Bref, comme l'a dit un éminent professeur de l'université Paris II, « ce prétendu renforcement des pouvoirs du Parlement n'est que la salade qui entoure le rôti ». C'est pourquoi nous demandons un référendum sur cette réforme constitutionnelle, qui ne répond nullement aux enjeux et aux besoins de la France du XXIe siècle.

Ce qui domine aujourd'hui chez nos concitoyens, c'est l'inquiétude face à la mondialisation, qui provoque une régression sociale, accroît les inégalités, aggrave la précarité et suscite des inquiétudes environnementales. À ce jour, aucune solution politique n'a été trouvée à ces graves problèmes. Alors, le doute, la défiance, la défection politique se sont installés. Seuls des progrès démocratiques peuvent susciter une nouvelle espérance. Ce n'est qu'en accordant à nos concitoyens un surcroît de pouvoir que l'on débloquera la situation, et non en s'enfermant dans des règles renforçant le pouvoir d'un seul et favorisant, pour le reste, un bipartisme qui est étranger à notre culture et n'est pas, tant s'en faut, une expression supérieure de la démocratie.

S'il est possible de doter la France d'institutions modernes, ambitieuses et cohérentes pour le XXIe siècle, cela suppose des avancées sur cinq points clés.

Premièrement, il convient de renforcer les droits fondamentaux de nos concitoyens : les droits à l'emploi, à la formation, au logement, à la santé, à l'éducation, à l'eau, à l'énergie doivent être opposables ; de la puissance publique, on doit en obtenir le respect.

Deuxièmement, il faut assurer la juste représentation de nos concitoyens : le mode de scrutin proportionnel doit être généralisé et le droit de vote et l'éligibilité des résidents étrangers aux élections locales doivent être inscrits dans la Constitution.

Troisièmement, les pouvoirs du Parlement doivent être réellement accrus ; il convient de rétablir la prééminence du pouvoir législatif. L'abrogation des articles 16, 38, 40, 44 et 49-3 est un préalable sans lequel prétendre accorder des pouvoirs nouveaux au Parlement n'est qu'un leurre. L'Assemblée nationale doit décider de la politique budgétaire et de l'engagement des forces armées à l'extérieur, avoir la prééminence pour déterminer son ordre du jour, donner un avis conforme pour toutes les nominations. Chaque groupe politique doit avoir les moyens administratifs et politiques d'assumer ses responsabilités et disposer d'un droit d'initiative, par exemple pour créer une commission d'enquête ou saisir la Cour des comptes. Il faut aussi réformer le Sénat en lui donnant un autre objet, une autre composition, un autre mode d'élection.

Quatrièmement, nos concitoyens doivent disposer d'un pouvoir d'initiative référendaire et législative. La démocratie participative doit être reconnue et organisée. Dans l'entreprise, le citoyen doit bénéficier d'un droit d'intervention sur l'emploi, la formation, les conditions de travail et l'utilisation des bénéfices.

Enfin, il convient d'assurer le fonctionnement efficace de nos assemblées. Le non-cumul des mandats doit être inscrit dans la Constitution. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Il devrait être interdit à tout parlementaire de cumuler un mandat exécutif local, excepté pour les communes et les communautés de communes de moins de 20 000 habitants. Un statut de l'élu devrait être élaboré.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Monsieur le président, je ne parle que depuis dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Une minute encore : je n'ai pas, comme d'autres, doublé le temps de mon intervention…

En conclusion, l'enjeu est de taille, et le texte que nous soumet le Gouvernement reste bien en deçà. Il s'agit de donner du pouvoir à nos concitoyens, et non à un homme, d'accorder la prééminence aux représentants du peuple – qui, seuls, doivent être élus au suffrage universel –, de garantir le respect des droits fondamentaux, bref de passer d'un type ancien de démocratie à une démocratie moderne, où le pouvoir serait partagé et non concentré entre les mains d'une élite. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine opte pour ce renouvellement et cette modernisation de nos institutions, qui permettraient à notre vie politique d'évoluer vers davantage de liberté, d'égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, much ado about nothing : beaucoup de bruit pour rien.

Non, madame la garde des sceaux, la réforme des institutions n'est pas une priorité. Aucun problème sérieux ne la justifie aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Je l'avais déjà dit à notre candidat à l'élection présidentielle, à l'occasion d'un débat à Lyon, en décembre 2006. Il a d'ailleurs eu la prudence de moins mettre l'accent sur cette question que sa concurrente : l'une des grandes faiblesses de Ségolène Royal a en effet été de polariser le débat sur une éventuelle réforme institutionnelle. Le candidat soutenu par l'UMP a eu le mérite de centrer la campagne présidentielle sur d'autres enjeux.

Il ne s'agit donc pas d'une priorité, et, même après le travail à bien des égards remarquable de la commission, le projet de loi constitutionnelle pique la curiosité. Il nous est ainsi proposé à nous, constituants, de fixer à 233 le nombre des membres du Conseil économique, social et environnemental. Soyons sérieux, madame la garde des sceaux ! Ce n'est pas du niveau de la Constitution !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Si l'on doit réformer celle-ci, il faut que cela ait un sens pour nos concitoyens et que cela permette de garantir un meilleur fonctionnement de nos institutions, afin de procurer un meilleur destin à notre pays. À cet égard, nos débats nous ont permis, me semble-t-il, d'enregistrer quelques avancées. Je ne peux par exemple que soutenir la proposition de plusieurs de mes collègues concernant la « règle d'or » : c'est avec des amendements de ce type que l'on donnera du sens à cette réforme.

Mais, je le répète, madame la garde des sceaux, la réforme des institutions n'est pas une priorité et ne constitue pas, pour le Parlement, une occasion unique de renforcer les pouvoirs du Parlement, le Premier ministre allant même jusqu'à nous expliquer qu'une autre occasion ne nous serait pas accordée. Curieuse formulation, car la Constitution n'est pas octroyée par l'exécutif. Nous sommes le pouvoir constituant ! La question n'est donc pas de savoir si cette occasion nous sera ou non offerte : c'est à nous de la saisir ou pas. Je rejette donc l'idée selon laquelle, l'histoire ne repassant pas les plats, il s'agirait là d'une occasion unique.

Du reste, depuis cinquante ans, il y a déjà eu tant de réformes de la Constitution, souvent nécessaires mais partielles, qu'il se peut bien que, parmi les innombrables sujets dont nous avons à nous occuper, nous ayons également à en améliorer tel ou tel point. Mais ne prétendons pas que c'est l'occasion ou jamais ! L'histoire contemporaine le dément.

Non, madame la garde des sceaux, ce n'est pas non plus une occasion exceptionnelle de renforcer le contrôle parlementaire. Il est, bien sûr, indispensable à la démocratie. Mais, comme d'autres orateurs l'ont rappelé avant moi, nous disposons déjà de bien des possibilités pour l'exercer. Encore faudrait-il que nous le voulions !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Le contrôle parlementaire exige du travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

… de l'indépendance et des moyens. Ce n'est pas une révision de la Constitution qui permettra demain de changer la situation.

À nous de nous mobiliser et de travailler, de démontrer notre indépendance et de mieux équilibrer les moyens dont nous disposons grâce à une meilleure répartition des compétences de toutes celles et de tous ceux qui, au sein de l'Assemblée nationale, peuvent nous aider à exercer notre fonction de contrôle parlementaire. Ce n'est qu'une question d'organisation interne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la garde des sceaux, l'ardeur que je mets à le critiquer ne signifie pas qu'à mes yeux tout soit insignifiant dans le projet de réforme qui nous est soumis. Il contient assurément des éléments positifs. Je suis de ceux qui pensent qu'examiner en séance le texte issu des travaux des commissions serait un vrai progrès mais je comprends mal la réserve portant sur l'examen des lois de finances, puisque celui-ci constitue l'essentiel de l'activité parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Historiquement, le Parlement a été créé pour voter l'impôt et voilà qu'on nous propose une réforme dont on nous dit qu'elle est essentielle et qui s'arrête aux portes de la mission essentielle des parlements, de leur raison d'être !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Les travaux de la commission des lois ont permis également de réaliser des progrès.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Heureusement qu'on nous épargne la venue du chef de l'État dans cet hémicycle, car ce serait totalement contraire à l'esprit de nos institutions. Je l'avais dit au Président de la République lorsqu'il était encore candidat : ma position sur ce point n'a pas varié. La venue du chef de l'État au Congrès nous fait échapper au pire : je ne suis pas certain toutefois qu'il s'agisse là d'une excellente idée, car je peine à comprendre ce qu'apportera le déménagement simultané de toutes les institutions de la République à Versailles.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Madame la garde des sceaux, tout n'est pas mauvais dans ce projet. Si je m'oppose clairement à certaines de ses dispositions, que je vous ai indiquées, cela n'enlève rien à la portée d'autres mesures. Toutefois l'énergie que nous dépensons à examiner ce projet aurait été plus utilement consacrée ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Mariton

Nos institutions, qui nous ont accompagnés durant cinquante ans, nous ont permis de faire un travail parfois critiquable, souvent remarquable. Rien n'exigeait donc qu'on y consacre aujourd'hui tout ce temps. Ce projet ne mérite ni excès d'honneur ni indignité. Mais nous ne sommes pas convaincus. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, puisque le temps qui nous est imparti est très court, je concentrerai mon propos sur un aspect de la réforme : il ne s'agit pas de la justice, que Mme Guigou évoquera, mais du droit d'expression du Président de la République devant les assemblées, qui fait partie des cinq questions que nous adressons au Gouvernement, des cinq points, déjà énoncés par Bernard Roman, qui nous posent problème dans ce projet de loi constitutionnelle.

Je tiens en effet à rappeler à M. Copé – qui n'est pas là,…

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

…mais vous le lui direz de ma part – que, contrairement à ce qu'il a avancé, nous ne sommes pas engagés dans une surenchère. À l'entendre, semaine après semaine quand ce n'est pas jour après jour, nous formulerions de nouvelles conditions. Ce n'est pas vrai : nous avons les mêmes exigences depuis le mois de septembre, quand le parti socialiste avait arrêté sa position (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et celle-ci n'a pas varié lorsque nous avons commencé à approfondir le sujet au mois d'avril. Nous avons le même point de vue que lorsque François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Jean Pierre Bel et moi-même avons rencontré à trois reprises M. François Fillon et que nous sommes allés devant le comité Balladur.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je le répète : nous n'avons pas changé : il n'y a donc aucune surenchère de notre part.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Une des vraies difficultés du texte à nos yeux concerne donc le droit d'expression du Président de la République devant les assemblées. Nicolas Sarkozy, on le sait, tient à tel point à cet aspect de la réforme que d'aucuns affirment que tout le reste pourrait bien n'être qu'un habillage visant à faire passer ce droit qu'il veut absolument conquérir.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Je tiens à rappeler tout d'abord que Nicolas Sarkozy a été peu de temps député, ayant été souvent ministre. Et à examiner de près sa carrière parlementaire, on s'aperçoit qu'il est peu intervenu à l'Assemblée nationale. S'il s'exprimait déjà beaucoup à la télévision et préférait s'occuper de son parti, le RPR, en revanche, l'Assemblée nationale n'était pas le lieu de prédilection de son activité politique. Et voilà que depuis qu'il ne peut plus s'exprimer devant nous, il n'a plus qu'une idée en tête, c'est même devenu une obsession : revenir s'exprimer à l'Assemblée nationale ! (Sourires.) Il ne pense qu'à cela depuis un an.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Il parle à peu près tous les jours, à peu près sur tous les sujets,…

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

…sur toutes les chaînes de télévision ou de radio, dans toutes les régions ou tous les départements, comme la semaine dernière, à Vienne, en Isère. Partout, on entend la parole du Président de la République ; partout, il peut s'exprimer et il ne s'en prive pas. Il n'y a que quelques centaines de mètres carrés dans Paris où il ne peut pas parler, c'est ici, au Palais Bourbon, et là-bas, au Palais du Luxembourg, et voila qu'il a pour idée fixe de venir parler là où cela ne lui est plus possible ! Serait-ce simplement un caprice puéril ? Non, c'est bien plus que cela, car si cette disposition voyait le jour, elle aggraverait le présidentialisme. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Comme Arnaud Montebourg, Jean-Marc Ayrault et Bernard Roman l'ont déjà rappelé, permettre au Président de la République de venir peser sur la vie parlementaire, ce n'est pas anodin. C'est pourquoi nous vous demandons de continuer d'appliquer une règle toute simple de la République française : celle de la séparation des pouvoirs.

Mais avant de l'évoquer, je tiens à dire un mot des rapports au sein de l'exécutif. Nous sommes ici les avocats de François Fillon...

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

…et de ses successeurs. Il ne s'agit pas seulement d'approuver la retenue dont François Fillon fait preuve vis-à-vis des médias. Une telle attitude est louable, comparée à celle du Président de la République en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de René Dosière

Une retenue qui lui réussit bien, d'ailleurs !

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Non, il s'agit d'aller à l'essentiel en rappelant que le Premier ministre a un rôle à jouer dans notre pays. Du reste, les Français ne s'y trompent pas. D'après un sondage du CEVIPOF, réalisé il y a un an, 66 % des Français partagent la vision qu'on pourrait qualifier de gaullienne des institutions, qui fait du Président de la République un arbitre et du Premier ministre celui qui doit diriger l'action du Gouvernement : je le répète, 66 % des Français sont beaucoup plus attachés que Nicolas Sarkozy au rôle du Premier ministre.

De plus, comment accepter que le Président de la République puisse venir au Palais Bourbon, au Palais du Luxembourg ou même à Versailles autant de fois qu'il le voudrait, c'est-à-dire à sa guise…

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

…– le texte issu de la commission des lois ne fixe aucune périodicité –, s'adresser aux parlementaires afin de les admonester, de les exhorter, de les réprimander, de les flatter ou de les impressionner, et cela tout en conservant, par le droit de dissolution, un droit de vie ou de mort sur la représentation nationale, sans être pour autant responsable devant elle ? Il est du rôle du Premier ministre, et de lui seul, de venir s'exprimer devant nous – c'est son droit et son devoir. Il en est ainsi dans tout régime parlementaire, et la Ve République est aussi un régime parlementaire, même si elle n'est pas que cela. Du reste, c'est de cette façon que le général de Gaulle et Michel Debré entendaient nos institutions.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cette mesure qui, à nos yeux, est plus que symbolique. On nous dit que les chefs d'État étrangers – le roi d'Espagne ou Tony Blair –…

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

…peuvent venir s'exprimer devant le Parlement français et que Nicolas Sarkozy peut faire de même devant les parlements étrangers. Mais cela n'a rien à voir ! Il ne faut pas mettre sur le même plan des allocutions diplomatiques et protocolaires et une intrusion du Président de la République dans la vie de nos assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Mes chers collègues, je terminerai par où j'ai commencé : le débat est toujours simple quand il s'agit de démocratie et d'équilibre des pouvoirs : est-on, oui ou non, attaché au principe de la séparation des pouvoirs ? Montesquieu l'a théorisé et la Révolution française en a fait un principe cardinal de la République en l'inscrivant dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Ensuite, Bonaparte est arrivé et on sait ce qu'il est advenu de la séparation des pouvoirs. Aujourd'hui ici, demain au Sénat, il s'agit à nouveau de choisir entre Bonaparte et Montesquieu. Pour nous le choix est simple : il nous interdit d'accepter cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

C'est quand même pousser le bouchon un peu loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je ressens d'autant plus fortement l'honneur et la responsabilité de m'exprimer à cette tribune sur ce sujet majeur pour nos institutions – le projet de modernisation de la Constitution – que les circonstances de la vie ont voulu que je sois un pur produit de la Ve République : non seulement je suis né le mois même de sa promulgation en octobre 1958, mais j'ai également eu le privilège d'être sensibilisé dès mon plus jeune âge à l'action, tout d'abord, des deux premiers présidents de la Ve République, le général de Gaulle et Georges Pompidou, puis, dans des conditions encore plus exceptionnelles, à celle de leur successeur, qui contribua à son tour de façon majeure à l'évolution de la Constitution : en permettant la saisine du Conseil constitutionnel par soixante parlementaires, il donna des droits nouveaux à l'opposition et renforça le pouvoir de contrôle des formations non majoritaires du Parlement.

Chacun sait ici combien ces droits nouveaux ont été utilisés, ce qui démontre qu'il est toujours possible d'améliorer notre Constitution, dès lors qu'on en conserve les grands équilibres, ceux qui lui ont permis, en dépit des alternances, d'atteindre cette année son cinquantième anniversaire. Notre loi fondamentale a ainsi prouvé sa résistance au temps et sa capacité remarquable d'adaptation aux différents contextes politiques.

La volonté du Président de la République de procéder à une nouvelle modernisation de nos institutions est d'autant plus légitime qu'elle s'inscrit dans la continuité du débat pour l'élection présidentielle, durant lequel tous les candidats ont reconnu et proclamé la nécessité de faire évoluer la Constitution afin d'assurer un meilleur équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.

Comme l'a fort justement souligné le Premier ministre, François Fillon, ici même hier soir, « la modernisation de notre démocratie sociale appelle celle de notre démocratie politique », et il est de notre devoir de répondre à cette attente de nos concitoyens, que Nicolas Sarkozy résumait ainsi dans son discours du 14 janvier 2007 : « La démocratie irréprochable, ce n'est pas une démocratie où l'exécutif est tout et le Parlement rien. C'est une démocratie où le Parlement contrôle l'exécutif et a les moyens de le faire. »

Cette attente est directement transposée dans le projet tel qu'il nous est présenté grâce à des mesures visant à améliorer l'organisation du travail de notre assemblée : il en est ainsi de la répartition plus harmonieuse de ses membres entre les différentes commissions permanentes. Qui peut croire en effet qu'on travaille efficacement au sein d'une commission de plus de 140 membres ? Il est nécessaire d'aller dans cette direction afin de donner toute son utilité au travail en commission, d'autant que l'exercice du droit d'amendement pourra désormais s'y exercer pleinement.

C'est tout naturellement le partage de l'ordre du jour qui, dans cette volonté de rééquilibrage des pouvoirs, constitue la principale avancée ; mais elle n'aura de sens et de valeur que si le Parlement dispose de moyens autonomes pour préparer les textes législatifs et pour évaluer leur impact – ce qu'a fort justement souligné Jean-François Copé, il y a quelques instants, à cette même tribune.

Mes chers collègues, il est aisé de le comprendre, ce projet représente une « chance historique de renforcer le pouvoir du Parlement », selon les termes du président de notre assemblée, Bernard Accoyer, puisqu'il permet au Parlement de disposer des moyens de contrôle et d'évaluation qui lui font, aujourd'hui encore, défaut.

C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de cette révision de la Constitution, nous devons impérativement poser le principe de la création d'un Office parlementaire de contrôle de la dépense publique. En effet, si les électeurs nous confient cette mission de contrôle, c'est afin de s'assurer, comme l'a rappelé Charles de Courson en développant le principe de la « règle d'or », de l'effectivité de la lutte contre les déficits publics. C'est également une condition nécessaire résultant du partage de l'ordre du jour, afin que le Parlement dispose du moyen autonome d'évaluer l'impact des textes de loi qu'il proposera, et de ne pas dépendre des seuls chiffrages de l'administration, ce qui ne saurait être satisfaisant.

Pour conclure, cette réforme ne répondra pleinement à l'objectif consistant à renforcer les pouvoirs et la responsabilité du Parlement que si elle prévoit les moyens nécessaires à l'exercice de son pouvoir de contrôle en le dotant d'un tel office parlementaire. Ainsi, à l'issue de la modernisation de notre constitution, nous pourrons, comme nous le souhaitons tous, mieux exercer encore le rôle que nos concitoyens attendent de nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, telle une chauve-souris – mi-oiseau, mi-souris – notre régime institutionnel est ambigu, de par sa nature mi-parlementaire, mi-présidentielle. Fin 2007, Édouard Balladur estimait que le renforcement des droits du Parlement, qui constitue l'essentiel des réflexions du comité, nous acheminait vers un régime présidentiel. L'éminent constitutionnaliste Jean Gicquel l'avait, lui, depuis longtemps, qualifié de « régime présidentialiste à la française ». En effet, dans le système français, le Président de la République est élu au suffrage universel, le Premier ministre est l'exécutant du Président – sauf cohabitation – et le fait majoritaire condamne à la « subordination » les députés de la majorité présidentielle et exclut le plus souvent l'opposition de la discussion productive quant aux mesures finalement adoptées.

À l'inverse, le régime présidentiel est fondé sur l'équilibre des pouvoirs et non sur leur subordination comme y aboutit le régime français. Ce n'est donc pas le régime présidentiel qui est envisagé, mais plutôt un régime présidentialiste redistribuant une infime partie du trop-plein des pouvoirs institutionnels de l'exécutif, qui n'ont plus de raison d'être du fait d'une majorité globalement disciplinée, d'une opposition contrainte, et de l'externalisation forte de la norme vers le Gouvernement et ses services.

Si elle comporte certaines avancées, cette réforme reste néanmoins aussi ambiguë que le régime qu'elle entend corriger. Je donnerai quatre exemples pour illustrer ce propos.

Le premier est celui de l'article 23 du projet, qui modifie le troisième alinéa de l'article 49-3. La nouvelle rédaction réserve son utilisation à un texte par session en plus des lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Cette procédure reste néanmoins possible dès la première lecture et peut même être utilisée concomitamment avec une demande d'habilitation législative ou de vote bloqué. De plus, s'agissant des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement garde la possibilité de les appliquer par ordonnance. Le progrès est ambigu et finalement très limité.

Le deuxième exemple est celui de l'article 13 du projet de loi, qui complète l'article 35 de la Constitution en précisant que « le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger ». Fort bien, mais au Royaume-Uni, l'extension des pouvoirs du Parlement avant toute intervention armée est en cours de discussion et l'actuel Premier ministre y a donné un accord de principe. On évoque ainsi l'institution d'une information préalable des membres des comités spécialisés et un vote après la discussion. Aux États-Unis, on fait valoir, pour justifier le vote du Congrès sur l'envoi de troupes, que le Président ne dépend pas des représentants dudit Congrès. Ici, le Parlement ne sera pas associé en amont, comme c'est le cas au Royaume-Uni, et ne votera pas après, sauf prolongation de l'intervention. Je rappellerai à titre d'exemple que les grandes opérations de la première guerre du Golfe n'ont pas duré plus de deux mois. Pourquoi ne pas prévoir un tel vote ?

Le troisième exemple d'insuffisance de la réforme réside dans le fait que rien n'est prévu pour endiguer le recours aux ordonnances, dont le Conseil d'État note qu'il est devenu le principal mode de législation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Dernièrement, lors de l'examen du projet de loi sur les archives, le Gouvernement a fait adopter en fin de discussion un article 29 aux termes duquel le Gouvernement est autorisé à modifier et à compléter par ordonnance l'ensemble des dispositions législatives portant sur l'accès aux documents administratifs, aux archives ou à des données publiques. C'est là un très mauvais exemple de cette externalisation dont je parlais précédemment et dont la représentation nationale est victime – consentante, mais victime néanmoins !

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Enfin, je prendrai un dernier exemple dans le domaine des libertés. L'article 28 du projet modifie l'article 65 de la Constitution relatif à la composition du Conseil supérieur de la magistrature en élargissant le périmètre des avis qu'il donne, mais sans modifier l'article 64, relatif au rôle de fond de celui-ci. L'occasion était pourtant donnée de faire de ce Conseil le garant de l'indépendance des magistrats et d'affirmer que les magistrats du parquet, en raison même du principe de l'unité du corps judiciaire, étaient inamovibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

J'en termine, monsieur le président.

De façon plus générale, je considère, comme nombre de mes collègues, que la revalorisation du rôle du Parlement doit se faire en prenant en compte l'apport de l'ensemble des députés de la majorité et de l'opposition : n'est-ce pas le principe même de la démocratie parlementaire ? Députée depuis un an, je déplore chaque semaine de voir notre Parlement réduit à un théâtre. Nos électeurs, déçus par l'image que nous leur donnons, attendent davantage de hauteur de notre part !

Nous sommes nombreux à vouloir améliorer ce texte et à former le voeu d'un compromis démocratique historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Mais nous ne pouvons accepter d'être réduits au rôle de simples supplétifs recrutés pour adopter un texte qui resterait ambigu et ne servirait qu'à masquer la réalité de l'omnipotence présidentielle par quelques concessions en trompe-l'oeil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Pancher

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, grâce au Président de la République, à l'excellent travail de la commission Balladur et, je l'espère, grâce à la lucidité des députés et sénateurs de tous horizons politiques, je mesure la chance qui nous est donnée aujourd'hui de renforcer le rôle du Parlement et de rééquilibrer durablement nos institutions. Nous allons enfin pouvoir travailler comme toutes les assemblées des grandes démocraties qui nous entourent.

Mes premiers mois en tant que nouveau parlementaire ont été assez troublants : j'ai eu l'impression consternante de siéger dans une assemblée aux moyens réduits et aux capacités d'intervention très limitées. Combien de fois n'ai-je entendu, y compris dans les couloirs de notre assemblée, que pour être réélu, il fallait surtout s'occuper de sa circonscription, car nous ne servons pas à grand-chose à l'Assemblée nationale ! L'un de nos collègues, brillant orateur siégeant sur les bancs de la gauche, déclarait même en public, lors d'un débat auquel nous participions ensemble au Conseil d'État, qu'au Parlement on ne fait que du théâtre, l'essentiel des pouvoirs étant ailleurs.

Qui, parmi les membres de notre assemblée, ose expliquer son véritable rôle aux électeurs de sa circonscription sans craindre de leur ôter leurs dernières illusions et de les effrayer en leur faisant prendre conscience de la concentration des pouvoirs qui paralyse notre vie démocratique ? Certes, le texte qui nous est présenté ne tranche pas suffisamment entre les deux seuls modèles de démocratie moderne : le régime parlementaire et le régime présidentiel – le second ayant évidemment ma préférence. Certes, ce texte est encore perfectible et nous pourrions aller encore plus loin. Mais personne ne pourra soutenir que nous n'allons pas nous donner enfin les moyens dont nous avons toujours rêvé de disposer.

Outre le renforcement des pouvoirs du Parlement, deux autres aspects me tiennent particulièrement à coeur dans ce projet de loi constitutionnelle de modernisation de nos institutions : la place de l'environnement et le rôle de nos concitoyens. À mon sens, ces deux aspects ne sont pas encore suffisamment traités et développés dans le projet qui nous est soumis par le Gouvernement. C'est pourquoi j'ai déposé près d'une vingtaine d'amendements traitant de ces deux thématiques.

Je suis particulièrement heureux que mes collègues membres de la commission des lois – dont je remercie le président, Jean-Luc Warsmann, excellent rapporteur de ce texte – aient accepté mon amendement visant à modifier le nom du Conseil économique et social afin d'y intégrer la composante environnementale. C'était une revendication juste des partenaires du Grenelle de l'environnement ; il faut que nous y répondions ensemble en faisant ce grand pas en avant. En créant le premier conseil économique, social et environnemental au monde, nous montrerons à la communauté internationale que notre pays a vocation à entraîner toutes ses forces vives autour des grands objectifs fédérateurs de la défense de nos biens communs. Il me paraît également indispensable que le Conseil soit saisi et consulté sur tous nos textes environnementaux, autre grand souhait issu du Grenelle de l'environnement. J'espère, mes chers collègues, que nous voterons cet élargissement de son champ de compétences.

Je souhaite également que nous adoptions les différentes propositions visant à renforcer la place de nos concitoyens dans notre vie démocratique, comme l'instauration de la transparence de nos travaux en commission, en publiant les débats sur les textes, mais aussi les auditions.

J'estime également essentiel de mettre en place un référendum d'initiative populaire, qui existe déjà dans de nombreuses autres démocraties. Je salue, à ce sujet, l'intervention du Premier ministre qui, relayant les voeux exprimés par le Président de la République lors du discours qu'il a prononcé hier à Orléans, a dit tout l'intérêt qu'il portait à cette proposition. Je ne doute pas que ces parrainages providentiels seront de nature à faire évoluer l'avis des plus hésitants d'entre nous.

En conclusion, je souhaite que cette réforme audacieuse de la Constitution soit adoptée massivement, car nous sommes à l'un des grands rendez-vous institutionnels de notre histoire. Voulons-nous, oui ou non, que notre démocratie respire ? Allons-nous enfin tenir compte du fait que les aspirations de nos concitoyens ont changé ? Avons-nous conscience que leurs exigences nouvelles nécessitent que les élus nationaux soient dotés de moyens correspondant à leurs besoins ?

Je désire ardemment que ce texte soit adopté, mais je souhaite surtout qu'il soit amélioré afin que la question majeure de l'environnement soit mieux appréhendée et que la participation de nos citoyens aux décisions soit améliorée, comme c'est le cas dans toutes les grandes démocraties. Mes chers collègues, nous pouvons, lors de ces quatre jours de débats, adopter des amendements fondamentaux pour la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais vous parler de l'opposition. Ne vous méprenez pas : je n'ai pas l'intention de vous entretenir des critiques et des propositions de la gauche, ce que mes collègues ont fait avant moi. Non, je voudrais vous parler de l'UMP et du Nouveau Centre.

Certains ici l'espèrent et d'autres le craignent, mais nous savons tous que demain, la majorité redeviendra l'opposition. Nous avons donc tous le devoir d'être attentifs aux droits de l'opposition. Je pense même que nous devons être audacieux, tant aujourd'hui le véritable moteur du gouvernement modéré repose beaucoup plus sur le couple que forment le gouvernant et l'opposant que sur celui de l'exécutant et du délibérant.

Le temps où la séparation des pouvoirs exécutif et législatif était la condition essentielle, pour ne pas dire unique, de la liberté et de la démocratie, est révolu. Pour reprendre ce qu'a dit André Vallini, non seulement Montesquieu n'est pas mort, mais il faut que nous lui donnions des enfants ! Nos régimes pluralistes ont tous évolué vers un modèle majoritaire qui supprime les effets modérateurs de la séparation organique et de la répartition harmonieuse des pouvoirs. Le principe majoritaire assure dorénavant à l'exécutif une domination sans partage, amplifiée par les techniques du parlementarisme rationalisé, de la discipline de vote et de la gestion de l'urgence. L'idée même de contre-pouvoir, d'équilibre des pouvoirs s'en trouve ruinée. C'est pourquoi, lentement, la Constitution s'est ouverte à d'autres contre-pouvoirs. Ce fut le cas de l'indépendance des autorités juridictionnelles, de la mise en place de pouvoirs locaux influents, du développement d'une justice constitutionnelle même encore imparfaite.

Il faut continuer et accepter de laisser une large place aux droits de l'opposition, parfois même à rebours de son poids numérique. Je mesure la difficulté de l'exercice.

D'abord, s'il est une permanence historique dans notre pays depuis la Révolution, c'est bien celle de la réticence de la majorité parlementaire à reconnaître la minorité comme force instituée. Presque toujours ignorée, à peine consultée par l'exécutif, l'opposition en France est vouée à paraître soit comme une force d'imprécation, soit comme une force de préparation de l'alternance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Et la Ve République s'inscrit parfaitement dans cette lignée.

Difficulté, ensuite, parce que l'ouverture de quelques manuels de droit constitutionnel révèle l'étendue du désastre : l'opposition y est très largement ignorée, y compris dans les entrées d'index. Et lorsque les auteurs consentent à y consacrer quelques lignes, l'étroitesse de vue est patente.

N'étant que rarement appréhendée par la norme juridique, elle n'est pas un sujet constitutionnel. Or l'opposition est un vrai critère des régimes constitutionnels pluralistes, rythmés par le jeu des alternances et de la concurrence des opinions politiques. Une démocratie respire d'autant mieux que l'opposition y est respectée et associée, d'une certaine façon, à l'exercice du pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Avec votre texte, dans la continuité du rapport Balladur, vous semblez vouloir dépasser cette situation. Nous y souscrivons pleinement. Nous espérons seulement que votre démarche n'est pas en trompe l'oeil, que vous vous installerez dans la durée et que les avancées évoquées ne constitueront pas une éclipse, comme ce fut le cas au début de la IXe législature, en 1986, avec la remise de la présidence de la commission des affaires étrangères de notre assemblée à un membre éminent de l'opposition.

Une partie du réveil du souffle démocratique sous la Ve République est à ce prix. Votre intention est donc louable mais, pour l'heure, il nous manque des assurances et des engagements pour la concrétiser.

En effet, nous avons l'impression que, pour le moment, votre texte, derrière le classique discours du renforcement du Parlement, ne sert que les intérêts de la majorité présidentielle. Il faut donc que vous nous confirmiez, et je fais confiance au rapporteur sur ce point, les garanties concernant le droit d'amendement, car la rédaction de quelques articles du projet nous inquiète.

Nous voulons obtenir des certitudes sur la capacité à obtenir facilement la constitution de commissions d'enquête.

Nous sommes totalement hostiles à la proposition du rapporteur de supprimer la capacité pour le Parlement de voter des résolutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous revendiquons des avancées dans le temps de parole réservé à l'opposition.

Nous suggérons de nouvelles pratiques comme l'instauration du droit de réplique lors des questions au Gouvernement ou la création d'un co-rapporteur.

Monsieur le rapporteur, en juin 2006, quand vous tentiez de modifier le règlement de l'Assemblée nationale, vous écriviez : « Le renforcement du rôle de notre assemblée passe par la reconnaissance de l'opposition. » Le Conseil constitutionnel vous avait empêché d'atteindre votre objectif ; vous avez aujourd'hui les moyens de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Édouard Courtial

Tout d'abord, je voulais vous dire combien j'ai conscience de l'importance de ce projet de loi. Ce n'est pas tous les jours que, nous parlementaires, avons l'occasion de débattre de manière si approfondie du texte en vertu duquel nous avons l'honneur de représenter le peuple français.

Notre Constitution va fêter au mois d'octobre prochain ses 50 ans – comme Louis Giscard d'Estaing, si j'ai bien compris. (Sourires.) Cinquante ans, c'est un âge respectable pour une Constitution, dans un pays qui avait l'habitude d'en changer régulièrement. Cinquante ans, c'est un âge respectable pour une Constitution dont beaucoup de spécialistes et de contradicteurs avaient prédit qu'elle ne survivrait pas à son concepteur.

Durant ces cinquante années, la Constitution de la Ve République a fait l'objet de nombreuses révisions, certaines anecdotiques, d'autres plus profondes comme l'élection du Président de la République au suffrage universel direct.

Mais c'est la première fois qu'une révision générale est entreprise. Il faut bien avouer que c'était nécessaire : depuis le 3 octobre 1958, plusieurs évolutions majeures ont en effet marqué notre vie institutionnelle et politique.

En premier lieu, l'équilibre de nos institutions s'est modifié, donnant au Président de la République un rôle politique plus prépondérant au sein de l'exécutif. L'introduction du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral plaçant les élections présidentielles juste avant les élections législatives ont indéniablement fait du Président de la République le principal acteur de notre vie politique.

En second lieu, l'idée que l'on se fait de la démocratie dans notre pays s'est transformée. Montesquieu l'a emporté sur Rousseau, l'équilibre des pouvoirs sur la primauté de la loi, expression de la volonté générale. Aujourd'hui plus qu'hier, la démocratie suppose l'existence de contre-pouvoirs forts et le développement de l'État de droit. Ces dernières décades, le rôle du Conseil constitutionnel a certes été renforcé. Mais certains pouvoirs apparaissent insuffisamment développés. Le parlementarisme rationalisé l'est trop, ce qui n'est pas étonnant au pays de Descartes...

Découlant des orientations données par le Président de la République et des travaux de la commission présidée par Édouard Balladur, le projet de loi constitutionnelle prend pleinement en compte ces évolutions. Je dirais même qu'il a pour ambition de faire de notre République une démocratie résolument moderne.

Ainsi, ce texte vise tout d'abord à clarifier la dimension politique du Président de la République tout en réduisant ses prérogatives quasi monarchiques. Il me paraît judicieux de permettre au Président de la République de s'exprimer devant les parlementaires, que ce soit dans chaque Assemblée ou devant le Congrès. En tant que principal acteur de la vie politique française, élu par ses concitoyens, le Président de la République doit pouvoir présenter la politique qu'il impulse devant les autres représentants nationaux du peuple français. Une telle mesure aurait pour conséquence de revaloriser tant la fonction du Président de la République que celle des parlementaires. Pour ma part, je trouve indispensable que l'intervention soit suivie d'un débat, mais sans vote, car le Président de la République n'est pas responsable devant le Parlement.

Il paraît pertinent, parallèlement à cette évolution, de limiter voire d'abolir certaines prérogatives quasi monarchiques dont bénéficiait le Président de la République. Je pense notamment au droit de grâce collectif, au pouvoir de nomination à certaines fonctions éminentes de l'État ou au recours à l'article 16.

Grâce à ce projet de loi équilibré, le Président de la République disposera des outils constitutionnels pour être un élu engagé, en phase avec le terrain, et donc responsable devant le peuple français.

Le deuxième objectif poursuivi par le projet de loi est de renforcer les pouvoirs du Parlement. Fort bien ! J'oserai dire que c'est un excellent parti pris. N'entend-on pas dire, depuis de nombreuses années, de manière exagérée d'ailleurs, que cette institution ne dispose pas d'assez d'autonomie, qu'elle n'est qu'une chambre d'enregistrement ? Alors, avant toute chose, avant toute critique constructive ou partisane, réjouissons-nous de pouvoir participer à un renforcement des prérogatives du Parlement, au bénéfice de nos concitoyens.

En tout état de cause, plusieurs mesures me paraissent susceptibles d'atteindre l'objectif fixé. Les plus emblématiques de ces mesures sont le partage de l'ordre du jour des assemblées entre le Gouvernement et les conférences des présidents, la possibilité laissée à ces dernières de s'opposer à une déclaration d'urgence et le fait que le texte discuté en séance sera celui voté en commission.

On peut voir dans la constitutionnalisation des droits de l'opposition un symbole fort de cette volonté de renforcer les contre-pouvoirs. Cette reconnaissance était nécessaire pour qui prétend vivre dans une démocratie moderne et irréprochable. Mais il fallait beaucoup d'ouverture d'esprit et de courage à celui qui en est l'instigateur. Espérons que ceux qui bénéficieront de cette avancée n'en feront pas un usage politicien.

En conclusion, ce projet de loi, le plus ambitieux de cette nature depuis 1958, représente un modèle d'évolution rationalisée, dans une perspective de revitalisation de notre démocratie. Pour cette raison et parce qu'il me paraît particulièrement en phase avec son temps, je voterai pour sans aucune hésitation.

Tout juste peut-on regretter qu'il n'aborde pas certaines questions fondamentales comme la simplification des différents échelons politiques et administratifs dans notre pays, dont la multiplicité et l'imbrication déboussolent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Madame la garde des sceaux, au moment où nous abordons la discussion sur ce projet de loi constitutionnelle, je souhaiterais, sur les matières relevant de notre politique de défense, poser quelques questions simples qui apparaîtraient sans doute très incongrues aux représentants d'autres parlements de pays de l'Union européenne, où les prérogatives parlementaires, notamment de contrôle de l'exécutif, sont beaucoup plus affirmées que dans notre dispositif institutionnel.

Est-il normal, madame la ministre, que nous apprenions par voie de presse que nos troupes en Afghanistan vont voir leurs effectifs renforcés et leurs missions redéfinies après que le Président de la République l'eut déclaré devant la Chambre des communes en Grande-Bretagne ?

Est-il normal que nous apprenions par voie de presse que la France va prépositionner des troupes à Abu-Dhabi, après que le Président de la République l'eut annoncé à Abu-Dhabi ?

Est-il normal, au moment où nous engageons la redéfinition de notre politique de défense, que deux députés seulement aient été désignés au sein de la commission du Livre blanc, alors que cette dernière est composée de sept groupes de travail aux effectifs pléthoriques ?

Est-il normal enfin que nous n'ayons envisagé à aucun moment de constituer en notre sein une mission d'information parlementaire pour que notre contribution à la réflexion des pouvoirs constitués sur une matière aussi importante, et qui engage de façon si nette notre souveraineté, soit plus significative qu'elle ne l'a été ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

C'est bien pourquoi il faut changer le cours des choses.

Si nous en sommes là, aujourd'hui, c'est parce qu'il y a dans l'esprit des institutions de la Ve République et dans leur pratique, une conception du domaine réservé qui interdit aux parlementaires d'avoir à connaître des matières considérées comme régaliennes, au point que certains d'entre eux deviennent les théoriciens de la limitation de leur propre pouvoir – on a pu le constater au cours de la discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Ils en arrivent à considérer qu'au nom de l'intérêt national ou du principe de responsabilité, il convient de laisser ces sujets à l'exécutif, comme s'ils s'étaient laissé instiller l'idée qu'ils sont moins capables de maîtriser ces sujets que l'exécutif.

Du reste, le Président de la République, lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle et qu'il avait dans l'idée de s'inscrire en rupture par rapport à tout ce qui s'était passé avant lui, était tellement conscient de la chose qu'il avait fait la déclaration suivante : « L'idée d'un domaine réservé me paraît contraire à la démocratie. À mes yeux, il n'y a pas de domaines réservés. Je demande que les tabous soient levés et que le Parlement puisse débattre. Je conteste l'idée qu'un seul homme, quelle que soit sa fonction, demeure propriétaire de cette question. »

Pour mettre en oeuvre cette idée qu'il avait admirablement formulée pendant la campagne électorale et à laquelle nous aurions pu nous rallier si elle avait été traduite dès l'origine dans le projet de loi constitutionnelle, il nous a été proposé de remettre en cause les prérogatives du Gouvernement et du Premier ministre en matière de défense pour faire en sorte que ce qui relevait de la pratique soit constitutionnalisé. Fort heureusement, les formations politiques représentées dans cet hémicycle, dans leur diversité, ont considéré que la pente était à ce point funeste pour amender le dispositif et en revenir à l'état ante. Nous avons bien fait de le faire, tout d'abord pour éviter de déséquilibrer profondément nos institutions. En outre, s'il est nécessaire dans la République que, par la disposition des choses, et comme l'a dit André Vallini, le pouvoir arrête le pouvoir – c'est l'esprit de Montesquieu –, il est bon aussi qu'à côté de la séparation des pouvoirs, la responsabilité politique puisse s'exercer.

Dès lors que le Président de la République, qui veut s'adresser à la représentation nationale, n'est pas responsable devant elle, et qu'au terme de la réforme constitutionnelle, le Gouvernement ne le sera plus non plus sur les questions de défense, qui sera finalement responsable et comptable de l'engagement de nos troupes à l'international ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Si nos troupes devaient se trouver enlisées sur le théâtre des opérations, quelle responsabilité politique s'exercerait ? Outre le fait que la démocratie respirerait moins bien dans le cadre d'une telle disposition, les problèmes de cohabitation et de conflit entre l'exécutif et le législatif n'en seraient pas pour autant réglés.

Cette affaire semblant désormais derrière nous, nos propositions visent à renforcer le rôle du Parlement, notamment dans deux domaines. Nous souhaitons tout d'abord que, dès lors que nos troupes sont engagées sur un théâtre d'opérations extérieures, l'information du Parlement soit immédiate : dans les trois jours qui suivent, la représentation nationale doit être informée et un débat, suivi d'un vote, doit être organisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeneuve

Nous souhaitons que le Parlement ait connaissance du contenu des accords de coopération et de défense, qui engagent parfois nos troupes sur des théâtres d'opérations extérieures, à l'instar de ce qui a pu se passer au début des années 90 et jusqu'en 1994 au Rwanda.

Enfin, nous souhaitons que le règlement intérieur de l'Assemblée nationale puisse définir les conditions dans lesquelles cette information interviendrait, car nous sommes nous aussi sensibles à l'esprit de responsabilité.

Pour conclure, il appartient à la majorité de savoir, sur ce sujet très symbolique comme sur d'autres, si elle veut ouvrir les portes à nos amendements de manière à permettre un véritable rééquilibrage de nos institutions et à faire en sorte que l'opportunité qu'elle a offerte à la représentation nationale soit l'occasion d'une véritable refondation de nos institutions. Si, au contraire, elle n'entend pas les ouvrir, ce sera pour la représentation nationale et pour nos institutions une très belle occasion manquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Madame la ministre, comme l'a justement noté le Premier ministre dans son discours d'hier, et à nouveau cet après-midi, la réforme de la Constitution n'est pas une réforme ordinaire, sujette aux débats habituels entre camps opposés. Au contraire, il nous appartient de voir ensemble comment faire évoluer notre maison commune et comment parvenir au consensus nécessaire à l'adoption d'une loi à la majorité des trois cinquièmes.

C'est pour cette raison que je me suis posé les trois questions suivantes : Cette réforme est-elle nécessaire ? Est-elle utile ? Peut-elle être encore améliorée ?

À la première question, je réponds oui, sans hésitation. Cette réforme est nécessaire au moins pour deux raisons : d'abord parce que notre République, immobile depuis plus de quatre décennies, a besoin d'une vraie modernisation et que moderniser son fonctionnement démocratique aidera la réforme ; elle est nécessaire ensuite si on la replace dans la perspective des modifications qu'a connues notre constitution depuis cinquante ans.

Conçue comme une forme de parlementarisme rationalisé en 1958, la Ve République est devenue après 1962 tantôt un régime semi-présidentiel, voire présidentialiste lorsque majorité présidentielle et parlementaire coïncidaient, tantôt un régime de facto parlementaire en période de cohabitation. Pour avoir, en tant que député, vécu les deux systèmes, j'en mesure les différences.

Depuis l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral, le présidentialisme des institutions s'est encore accentué. L'élection de l'Assemblée nationale intervenant après celle du Président, nous avons aujourd'hui un système très déséquilibré dans lequel le chef de l'État a beaucoup de pouvoir et bénéficie d'une grande légitimité, tandis que le Parlement souffre et d'un déficit de pouvoir, et d'un déficit de légitimité. La réforme constitutionnelle qui vise à rééquilibrer les pouvoirs est donc nécessaire.

Est-elle utile ? À dire vrai, comme Arnaud Montebourg, je rêvais moi aussi d'une VIe République ; comme Édouard Balladur et François Fillon, j'étais et je demeure partisan d'une clarification plus fondamentale des institutions, qui les fasse évoluer vers un régime proprement présidentiel, lequel impliquerait d'ailleurs la suppression du poste de Premier ministre et celle du droit de dissolution ; bref, j'étais partisan de l'instauration de deux pouvoirs parallèles et indépendants : législatif et exécutif. Telle n'a pas été la solution retenue. Sans doute a-t-on considéré qu'elle ne correspondait pas, ou pas encore, à l'évolution de nos moeurs politiques.

Le projet de réforme est néanmoins utile en ce qu'il propose plusieurs recadrages. Celui d'abord des prérogatives du Président de la République, notamment ses pouvoirs fortement symboliques – je pense à l'article 16, à son pouvoir de nomination et à son droit de grâce. Que ce recadrage soit « compensé » par un droit d'expression devant le Parlement ne me choque pas.

À l'autre extrémité, les droits du citoyen sont eux aussi renforcés, notamment par le contrôle de constitutionnalité et l'organisation d'un référendum d'initiative populaire.

Cette réforme est enfin utile parce que le pouvoir législatif et le pouvoir de contrôle du Parlement sont considérablement renforcés. Ce renforcement, beaucoup de parlementaires chevronnés en rêvaient depuis de nombreuses années. C'est ainsi que le droit d'amendement est accru, que les textes discutés seront ceux adoptés en commission et non plus directement issus du Gouvernement, que l'usage du 49-3 sera strictement limité, que l'ordre du jour sera partagé entre le législatif et l'exécutif, que le Parlement pourra se prononcer sur l'engagement de nos forces à l'étranger – sujet auquel je suis tout aussi sensible que Bernard Cazeneuve –, c'est ainsi enfin que notre pouvoir de contrôle sera renforcé grâce à la contribution de la Cour des comptes.

Si l'on veut donc bien admettre ce schéma, qui n'est certes pas celui d'une VIe République mais d'une Ve République rééquilibrée, je ne vois pas comment nous pourrions rejeter ce texte. Comment en effet se plaindre, comme l'a fait hier de façon un peu excessive Arnaud Montebourg, des dérives autoritaires de l'exécutif et refuser en même temps un renforcement sans précédent des pouvoirs du Parlement ?

Troisième question enfin : pourrait-on faire mieux ? Sans doute, mais en faisant attention à la manière dont nous-mêmes allons procéder.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Je prendrai pour premier exemple la suppression par la commission des lois du droit de résolution. Je conçois que celui-ci puisse être exploité à des fins politiciennes mais je préférerais qu'on le conserve, notamment sur les questions internationales, ce qui nous permettrait d'éviter la cascade de lois mémorielles qui placent le législateur en position d'historien.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Je prendrai ensuite l'exemple de l'article 88-5, au sujet duquel je remercie nos collègues de gauche d'être intervenus. L'amendement envisagé par la commission des lois, je le dis en toute amitié au président Warsmann, est à la fois inutile et calamiteux pour nos relations avec ce grand pays ami qu'est la Turquie (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), puisqu'il revient à imposer une ratification référendaire en cas d'élargissement de l'Europe pour ce seul pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

Monsieur le président, j'y insiste, car c'est important. L'amendement proposé par la commission des lois est dangereux. De trois choses l'une, en effet. Soit dans dix ou quinze ans, à l'issue du processus de négociation – dans lequel la France s'est engagée en décembre 1999 –, la Turquie est en mesure de remplir ses obligations communautaires, le pays aura changé, comme l'Europe et la France, et le problème de la ratification ne se posera donc pas. Soit, au contraire, la Turquie ne remplit pas les critères, ne fait pas l'unanimité des 27, ce qui nous oblige, comme le prévoit le mandat de négociation adopté à Luxembourg en 2005, à trouver une autre façon d'ancrer la Turquie dans l'Europe, par le biais d'un partenariat privilégié. Soit, enfin, la Turquie remplit ses obligations mais de façon peu convaincante et des oppositions se font jour : dans ce cas, outre le fait que le Président de la République aura toujours, comme il s'y est engagé le 24 avril, la faculté d'utiliser le référendum, le dispositif de référendum d'origine populaire prévu dans la réforme permettra de déclencher une telle consultation, à l'initiative soit des citoyens, soit d'un groupe politique représenté à l'Assemblée.

Nos travaux sont suivis avec beaucoup d'attention en Turquie et, parce que ce pays est culturellement ami de la France, parce qu'il s'agit d'un pays vital pour la France et pour l'Europe d'un point de vue économique et géostratégique, je vous demande, chers collègues, tout particulièrement à vous qui siégez sur les bancs de l'UMP (Approbation sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), de faire bien attention à ce que nous allons faire. N'humilions pas le peuple turc, n'ostracisons pas ce seul pays au motif qu'il ne serait pas assez bien pour nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

À cette réserve près – mais je me battrai pour la faire prévaloir et elle conditionnera mon vote sur la totalité de la loi –…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lellouche

…et à condition que l'on trouve une autre solution tel le référendum d'initiative populaire qui se trouve déjà dans le projet de loi, je voterai cette réforme constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, mon intervention portera sur deux points qui brillent par leur absence dans le projet de loi qui nous est présenté : le non-cumul des mandats et le droit de vote des étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Le comité Balladur, qui a eu trois mois pour élaborer ses propositions, alors que le Parlement n'aura que trois semaines pour les examiner, a, dans sa mesure 56, recommandé le non-cumul des mandats pour les parlementaires. Dans son rapport, il justifie cette proposition par la nécessité de permettre aux parlementaires d'être plus disponibles au regard des nouvelles règles et méthodes de travail qui sont préconisées. Je cite : « Le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d'une démocratie parlementaire moderne. » En effet, la France fait exception en Europe en autorisant le cumul, qui conduit à l'absentéisme des parlementaires et à un travail législatif insatisfaisant.

Voilà donc une proposition de « rupture » comme vous les aimez ! Cette préconisation forte a pourtant disparu du projet gouvernemental… Que s'est-il donc passé depuis la lettre de mission de Nicolas Sarkozy à François Fillon sur l'organisation de la consultation des partis ? Pourquoi ce silence assourdissant sur le cumul des mandats ou plutôt sur le non-cumul?

Car le cumul, on en parle… Une proposition de loi a même été déposée, il y a quelques jours, visant à le rendre obligatoire. Par qui ? Patrick Balkany, député sarkozyste s'il en est. Il fallait oser ! La droite en rêvait sans doute, Balkany l'a fait. En effet, comment imaginer que pareille suggestion d'un si proche ami du Président de la République, en plein débat sur les institutions, soit de sa seule initiative ? Permettez-moi d'en douter… Quoi qu'il en en soit, M. Balkany dit sans doute tout haut ce que nombre de députés de droite – seulement de droite ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – pensent tout bas.

N'y a-t-il pas suffisamment de citoyens compétents pour assurer l'ensemble des fonctions électives de ce pays, qu'il faille absolument avoir mainmise sur l'ensemble des mandats pour n'en assumer aucun complètement ?

Madame la ministre, cette révision constitutionnelle ne va pas au bout des objectifs fixés et laisse des incohérences entre ce qu'elle crée effectivement et la disponibilité des parlementaires pour la mettre en oeuvre.

La gauche a ouvert le chemin, le peuple le demande, l'affirmation du non-cumul des mandats est un prérequis indispensable pour un fonctionnement démocratique des institutions et sans doute pour une réconciliation des citoyens avec la vie publique et politique.

La gauche a aussi ouvert le chemin pour l'ouverture du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales. La proposition de loi constitutionnelle adoptée en 2000 à l'Assemblée nationale est malheureusement restée bloquée au Sénat.

Pourtant, comment peut-on affirmer vouloir moderniser et rééquilibrer nos institutions en laissant plus de deux millions de personnes résidant, travaillant, vivant dans notre pays, y respectant les mêmes règles, y ayant les mêmes devoirs que les nationaux, exclues du suffrage universel ? Comment peut-on justifier cette exclusion et se réclamer de l'égalité ? Comment peut-on poursuivre des objectifs d'intégration sans permettre à ces personnes de participer au débat politique sur leur vie quotidienne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, déclarait en 2005 : « Je considère qu'il ne serait pas anormal qu'un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France, puisse voter aux élections municipales. » Le même, devenu Président de la République, déclarait en avril dernier être favorable « à titre intellectuel » au vote des étrangers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Alors pourquoi cette disposition n'est-elle pas intégrée au projet de loi ? Parce que le Président n'aurait pas de majorité pour la faire passer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Dumont

Nous l'y aiderons, en effet, car cela fait vingt-cinq ans que la gauche et les associations le réclament ! Une « votation citoyenne » a lieu cette semaine pour la septième année consécutive, un courrier solennel a été envoyé au Président de la République par onze grandes associations parmi lesquelles la Ligue des droits de l'homme, les sondages – que le président affectionne tant – font apparaître que 56 % des Français y sont favorables, plusieurs pays européens ont depuis longtemps accordé ce droit de vote à leurs résidents étrangers : que faut-il de plus ? qu'attend-on ?

Madame la ministre, je conclus en vous posant une seule question : pour qui légifère-t-on dans ce pays : pour la seule UMP ou pour le peuple ? Si c'est pour le peuple et en tenant compte de ce qu'il pense, alors mandat unique pour les parlementaires et droit de vote pour les étrangers s'imposent comme deux exigences démocratiques indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Greff

Mais M. Montebourg n'est pas d'accord pour le non-cumul, il l'a dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, j'aborderai ce débat avec beaucoup de modestie. J'entends en effet beaucoup d'assertions, notamment sur le cumul des mandats. J'ai, pour ma part, toujours pensé que c'était un moyen pour les députés de travailler dans de meilleures conditions. Et une partie de mes collègues, pour lesquels j'ai par ailleurs beaucoup d'estime, qui plaidaient plutôt pour l'interdiction du cumul, me donnent aujourd'hui le sentiment d'avoir découvert toutes ses vertus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De même, il y a trois ans, j'ai été un de ceux qui ont participé, avec le même intérêt, à la réforme constitutionnelle qui visait à introduire dans la Constitution le nouvel article 88-5, dont on m'expliquait alors le caractère incontournable. Aujourd'hui, on m'explique, ce qui ne me choque pas outre mesure, que c'est l'inverse qui est incontournable.

Tout cela pour dire que, lorsqu'on parle de ces questions, il vaut mieux s'interroger, et non pas prétendre détenir la clé de tout.

Mon point de vue est très simple. Si cette réforme consiste effectivement, pour l'essentiel, à rééquilibrer les pouvoirs en faveur du Parlement, il serait surprenant que l'un d'entre nous s'y opposât.

Cela étant dit, j'éprouve la crainte que, sous prétexte de donner plus de pouvoirs au Parlement, on réduise la capacité du Gouvernement à gouverner. Ce qui est fondamental, c'est gouverner. Les membres du Gouvernement sont issus d'une majorité qui a été élue, et il est pour moi essentiel que le Gouvernement dispose de tous les moyens lui permettant de gouverner.

Pour tout vous dire, je suis dubitatif, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, sur le partage à égalité de la fixation de l'ordre du jour entre le Gouvernement et le Parlement. Cette disposition comporte un vrai risque, que vous avez d'ailleurs parfaitement identifié, celui de la multiplication des normes juridiques.

Certes, des améliorations du travail parlementaire sont prévues. L'étude d'impact des lois, d'abord, qui est évidemment nécessaire. Je travaille actuellement sur l'une d'entre elles ; j'interroge Bercy pour savoir si l'étude d'impact a été faite, on me répond que non ; pourtant, des milliards d'euros vont être dépensés. Le délai minimal de six semaines entre le dépôt d'un projet de loi et son examen en séance, ensuite, qui me semble très positif. Pourtant, le partage de l'ordre du jour entre le Gouvernement et le Parlement, assorti de quelques aménagements, compliquera la tâche du gouvernement.

De même j'estime – je suis peut-être seul à le penser – que la discussion en séance du texte issu des travaux de la commission, et non plus de celui du Gouvernement, posera de nombreux problèmes car le Gouvernement devra constamment argumenter, ce qui rendra sa tâche plus difficile. Je considère que la majorité est là pour voter les textes que le Gouvernement propose. Cette disposition bouleversa la donne, comme l'a fait le quinquennat instauré il y a huit ans : on nous avait pourtant juré que ce ne serait pas le cas, mais on sait aujourd'hui ce qu'il en est.

Je suis également dubitatif sur la limitation de l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, lequel est par essence beaucoup plus destiné à la majorité qu'à l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

C'est une procédure qui peut responsabiliser les parlementaires, j'en suis convaincu, moi qui ai vécu, depuis quinze ans que je suis député, nombre de conflits, comme nous en avons tous connu dans la majorité.

À côté des craintes que je tenais à exprimer, ce projet de loi est aussi porteur d'espoirs.

L'un d'eux tient dans les nouvelles dispositions qui vont introduire dans la Constitution des enjeux en matière de finances publiques, avec un renforcement du rôle du Parlement. C'est essentiel parce que c'est logique. Il est en effet totalement paradoxal que des traités internationaux, celui de Maastricht en particulier, nous imposent des contraintes en matière d'équilibre des finances publiques, que nous sommes censés respecter, et que notre loi fondamentale reste muette sur le sujet. La question devait donc être posée à l'occasion de cette révision constitutionnelle.

J'ai bien entendu certaines interrogations, notamment sur le fait que les lois de programmation ne sont pas coercitives. Aucun d'entre nous n'est dupe à ce sujet. Une loi de programmation, fût-elle pluriannuelle, n'est absolument pas coercitive, et c'est très bien ainsi. On peut parfaitement s'éloigner des objectifs fixés dans le cadre de ces lois, et j'aurais même souhaité que l'on aille beaucoup plus loin à cet égard.

Quant à l'évaluation des politiques publiques par le Parlement, c'est une nécessité. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, d'une nouveauté : il suffit de se référer à la LOLF et plus précisément à son article 57.

Sur ce point, je voudrais dire en toute amitié à Louis Giscard d'Estaing que, pour une fois, je ne cosignerai pas l'amendement qu'il a déposé pour créer un office d'évaluation de la dépense publique. En effet, il y a un précédent, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques que nous avions créé en 1996 puis décidé, dans le consensus de cette assemblée, de supprimer en 2000. Je n'ai pas le temps de décrire les raisons ayant conduit à cette décision, si ce n'est que cet office avait produit quatre rapports.

En outre, la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, mise en place au sein de la commission des finances, et la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, fonctionnent bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Tron

Des efforts restent à faire, c'est incontestable, mais la majorité et l'opposition travaillent dans le consensus et les rapports déposés sont de bonne qualité.

Enfin, et j'en aurai terminé, monsieur le président, il me paraît fondamental d'assurer un meilleur suivi des rapports de la MEC et, éventuellement, de ceux de la Cour des comptes. Ce que je proposerai par voie d'amendement est que nous puissions avoir des discussions en commission, voire en séance publique, afin de prouver que ce qui est demandé dans ces rapports ne reste pas lettre morte.

Telles sont, en l'état actuel des choses, les interrogations dont je tenais à vous faire part. J'attends de connaître les réponses pour déterminer mon vote sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma